Souvenirs de Robert ANDRÉ - lycée Montesquieu du Mans

Transcription

Souvenirs de Robert ANDRÉ - lycée Montesquieu du Mans
Souvenirs de Robert ANDRÉ.
Illustrés et mis en page par André Vivet.
La sortie du livre « Du Collège de l’Oratoire au Lycée Montesquieu, 400 ans d’enseignement au Mans »,
en 2003, a réveillé de nombreux souvenirs chez les anciens.
Robert ANDRÉ, élève de 1946 à 1949, puis maître d’internat entre 1951 et 1954, a écrit un courrier
aux trois auteurs, Jacky BOUVET, Jacques CHAUSSUMIER, Jean-Pierre DELAPERRELLE, courrier dont
voici un extrait.
Le plan des Souvenirs de R. André suit celui du livre.
« Je suis un ancien du lycée. Mon fils aîné m’a fait la surprise de m’acheter l’ouvrage.
Je vous apporte un grain de plus à la connaissance que nous avons tous de l’établissement de la rue
Montesquieu. Mes souvenirs recouvrent la période 1945-1954.
Mon frère, ma nièce, mon neveu, mon fils et une petite-fille y furent également élèves. »
Classe de seconde moderne.
Enseignants et enseignement.
1946-1947
2CM1 en 46-47 ; 1ier rg : Georges CESARIO; Michel BOURGOUIN;............................; M. BOUZAT(Phys. Ch.); Bernard LABURTHE;
............................; Lucien BRICAUD.
2ème rg: Michel ORIA; Robert ANDRÉ; Jacques BUREAU; Michel JEAN-FRANCOIS ; …………………………… ; Raymond CADORET ;
………………………….. ; Jean FRONTEAU; ……………………………..
3ème rg: Paul CASSAN ; …………………………… ; Christian DUMUR; …………………………. Paul EONO; ; ……………………… ; …………………………………
A reconnaître: CHERRIER André ; DESSART Philippe ; GUILLOUX Jean Yves ;LAURENT Michel ; MENEAU Philippe ; BAFFERT René ;
CASSAN
Je mePaul
souviens…
; CHARRIÉ Jackie ; ESTRABAUD Eric ; FLOGNY Claude ; Jacques BATY
Archives Jean FRONTEAU.
En anglais : nous ne fîmes que de la littérature, toute l’année. Dickens. Le professeur
s’appelait Van Brock, très typé anglo-écossais.
En allemand, je crois que nous avions Chopin.
Physique-chimie : BOUZAT ; je l’aurai deux ans.
Premier cours : calcul d’erreur ( ± ), c’est déjà calé ! Je n’étais pas toujours nul dans
cette matière, mais tout était nouveau, en particulier en chimie. Nous étions trois copains
et je crois qu’au moins deux allaient décrocher, il y avait un « mordu ». Si je me suis ennuyé
dans ses cours, j’en suis le premier responsable. Mon frère en a plutôt retenu les travers,
les manies de Bouzat, par exemple mesurer la flamme du bec Bunzen au « toucher » : « A
peu près 350° !!!». Je le revois : un brave homme, pas trop pédagogue.
En histoire-géo, c’est BÉCHEYRAS, prof fantôme, d’où venait-il ?
Nous sommes en 1946. Imaginons BARRÈS avec une longue mèche sur le front, le vêtement démodé,
mais un col rond en celluloïd et une cravate noire. On disait qu’il ne portait pas de chaussettes…On disait
aussi qu’il était sous le coup d’une inculpation1 pour avoir participé au Cabinet d’Abel BONNARD ; un
solitaire, la badine flexible, prise sur un arbre, à la main et une pile de livres – énorme – sous le bras.
En classe, personne n’écoute, il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à retenir, il méprise la géographie,
meublant son cours d’allusions qui nous sont incompréhensibles. Deux élèves, DUMUR et moi, prennent
des notes, malgré des sujets peu motivants : « Le siècle d’or espagnol, Philippe IV, V, Alberoni, la Guerre
de trente ans, Wallenstein, Gustave-Adolphe, … »
Il « nous » a remarqué ! Il « nous » donne rendez-vous à la bibliothèque municipale, rue Gambetta,
pour nous inscrire au concours (national) de chez MAGNARD . Sujet : « Histoire de l’Art au XVIIe, en
Espagne et à Rome. » J’ai eu le 1ier prix ! Un livre d’art…
Est-ce lui qui a inspiré ma carrière à venir ? Sa culture universitaire peut-être,
sûrement pas sa pédagogie !
La gym avec RIVIÈRE, deux années de suite. A nos yeux, il était l’Adjudant-chef,
nous n’étions pas foncièrement indisciplinés, nous ne souhaitions qu’une plus grande
liberté, même surveillée. Les punitions collectives tombaient : « On recommence jusqu’à
ce que ce sera (sic) terminé » ; et des pompes ; et des allers-retours Lycée-Californie, le samedi aprèsmidi, sous la pluie, de 2h à 4h.
1
André Bécheyras est, parmi les profs du lycée, celui qui a le passé politique le plus sulfureux. Claude Bourru m'en avait parlé, en
me disant qu'il était un ancien résistant. C'est tout le contraire ! J'ai enquêté sur lui, mais mes renseignements sont encore
lacunaires. Je n'ai pas trouvé de photo. Je ne pense pas qu'il soit sur la seule photo des profs où il pourrait se trouver (celle de
1946-47; il y a deux profs à identifier, mais ils me paraissent trop jeunes).
André Bécheyras est né à Vichy en 1888, il passe l'agrégation d'histoire en 1921 et enseigne à Paris, au collège Stanislas, puis au
lycée Rollin (futur lycée Jacques Decour). Il publie un ouvrage sur La Bruyère, et des articles dans des revues d'extrême droite
(parfois sous le nom de Bécheyras-Boichut). Il est en effet le beau-fils d'un général glorieux de Verdun et de la grande guerre,
Boichut, ce qui facilite son introduction à Vichy pendant l'occupation (d'autant plus qu'il est natif de cette ville).
A la Libération, il est inquiété, car il a enseigné pendant quelques semaines à l'école des cadres de la Légion française des
combattants. Il est finalement disculpé, personne n'apportant contre lui la preuve d'actes collaborationnistes ou antisémites,
d'autant plus qu'il a rapidement quitté la Légion. Il est toutefois rayé des cadres des professeurs de Paris, et versé dans celui
des professeurs de province. C'est pour cette raison qu'il est nommé au Mans au printemps 1945, sur la place vacante laissée par
Bourdon, nommé en faculté. Bécheyras enseigne pendant deux ans au Mans, mais en avril 1947, il est rattrapé par son passé, lors
du procès des dirigeants du journal "l'effort", publication collaborationniste, qui a lieu à Lyon.
C'est à l'issue de ce procès qu'il est condamné, pour écrits collaborationnistes, à dix ans d'indignité nationale, et rayé de la
fonction publique sans traitement... C'est pour cette raison qu'il n'est pas cité sur la liste des profs sur le palmarès de 1947,
bien qu'il ait enseigné jusqu'au mois d'avril.
Note de Didier BÉOUTIS.
RENARD et le dessin d’art. Nous avons été souvent odieux. C’était un brave homme,
dépassé. Mais pourquoi aussi nous faisait-il dessiner des « antiques » ? Il disait, car il
était artiste, qu’ « il fallait démystifier le préjugé bourgeois contre le dessin ».
Il habitait en haut de la rue Lenoir, il venait au lycée par l’avenue Bollée, de son petit
bonhomme de chemin.
La musique, avec ARLUISON. Je n’ai que peu de souvenirs, il me faisait penser à
Louis XVI. On a fêté la Saint Charlemagne au lycée, il était au piano, bien que son
instrument fût le violon.
Je n’ai aucun souvenir du Proviseur Henri DEPAIN, sinon qu’il accompagnait le Censeur
dans chaque classe lors des bilans trimestriels. Ils nommaient les félicités, encouragés,
inscrits au tableau d’honneur et bien sûr les avertis et les blâmés ! Les autres, la
majorité, se tenaient bien tranquilles…Dans le saint des saints, le bureau du proviseur,
l’élite des classes venait plus tard recevoir un diplôme correspondant à la citation.
BATUT, le surveillant général et DAGNEAUD, le censeur, étaient là, vérifiant la tenue
générale des groupes.
Ce dernier régnait du côté de la grande cour, celle des sports et de la cour des
Oratoriens. C’était là qu’étaient les grands, à partir de la seconde. On flairait son
arrivée à l’avance. « Charles » n’était pas descendu, on décidait très vite qu’il était
absent ! Mais non, le censeur nous rangeait et nous attendions le verdict, physiquechimie par les escaliers ou perm. Avec l’exagération de notre âge, nous l’appelions
KRAMER, du nom d’un chef d’un camp particulièrement barbare. Mais nous le craignions
beaucoup, plus que les colles qu’il donnait rarement.
Conclusion de cette première année au lycée.
Nous étions 4, venant de cours complémentaires, et notre préparation s’est avérée tout à fait
suffisante pour nous intégrer en seconde.
Je me souviens des trajets quotidiens. Nous étions de la rive droite et devions quatre fois par jour
marcher une vingtaine de minutes. Le pont Gambetta, la République au pas de charge, souvent
accompagnés des pluies d’hiver du climat manceau. Nous revenions le soir plus lentement…Nous passions
quelquefois par les Pans de Gorron, le jour seulement, nous appartenions à des bonnes familles
traditionnelles et notre morale était sous surveillance étroite. Nous connaissions les rumeurs, on disait
que l’Évêché et Mgr Grente (Pet-en-soie) disposaient d’un mystérieux tunnel sous les Pans…
Nous arrivons en première, nous nous sentons des adultes.
Classe de première moderne.
Enseignants et enseignement.
1947-1948
1CM1 en 47-48 Noms ;1ier rg :……………………… ;Jacques MORICEAU ; Paul CASSAN ;……………………….. ;M. Elie BATUT ; ………………………… ;
Michel BOURGOUIN ; ……………………………… ; Jean PASQUIER
2èmerg :……………………………. ; ……………………………. ; Raymond CADORET ; Michel JEAN FRANCOIS ; ………………………………. ; Gaston HUMMEL ;
……………………………….. ; Michel ORIA; Paul EONO; ……………………………. ; Guy DEBEURRE .
3ème rg : Bernard LABURTHE ; Jean FRONTEAU; Christian DUMUR; ………………………. ; …………………………. ;………………………………. ;
…………………………… ; …………………………… ; Jean Pierre COMBES; ……………………………. ; Robert ANDRE; …………………………
A reconnaître : BOURRIER Michel ; CAYATTE Jacques ; CHERRIER André ; DESSART Philippe ; GAILLARD Jean ; HENRY Jean ;
LAURENT Michel ; LE CONTE ; François ; LOERET Bernard ; MENEAU Philippe ; BAFFERT René ; BATY Jacques ; BOUSSARD
Jacques ; BRIEAUD Lucien ; BUREAU Jacques ; CHARRIE Jacques ; CLAMART Christian ; COSNARD Marcel ; DUCASSE André ;
DUMONT Jean ; ESTRABAUD Eric ; FLOGNY Claude ; JOUBIN Jean ; OYON Serge
Ah les photos de profs ! L’administration et Mme Cheu au premier rang, les autres derrière par affinité
ou par taille…(Pages 113 et 123)
Je ne l’avais pas en allemand mais je reconnais PORTIER avec son chapeau, il m’a
fait passer l’oral du bac avec une grande indulgence.
HUBERT en anglais. Deux ans de suite. Pas question de grammaire mais de la grande
littérature, lecture, versions commentées de Blake, Shelley, Carlyle, Ruskin, Coleridge…
Et puis BERTHELOT en espagnol, je n’en faisais pas mais il était mon
voisin, Boulevard Anatole France.
DESHAYES en français. Nous allions au cinéma, La Chartreuse de Parme avec Gérard
Philippe, Ruy Blas et Jean Marais. Deshayes c’était Gérard Philippe, même profil, même
chevelure. Il nous bluffait avec son apparence de jeune premier. Sorti d’Ulm, nommé au
Mans, il nous fascinait de sa parole. Lors de la venue d’un Inspecteur général, la corvée
tomba sur moi, une explication d’un texte de J.J.Rousseau ; ce n’était pas mon fort,
j’espère que tout alla bien pour le prof. D’ailleurs ma note du troisième trimestre –un
16 – s’est accompagnée d’une discrète sympathie mutuelle.
Histoire-Géo avec MAURO. C’était un jeune normalien en transit. La première
inspection fut désastreuse. C’était sur la Révolution et l’Empire, Napoléon est-il
l’héritier de la Révolution française ? J’espère qu’il sut par la suite mieux
s’organiser, cette année-là il semblait dépassé.
DUDOUIT en maths. Je ne me souviens plus de sa personne, en revanche je me
souviens de ma dérive complète en trigo, avec en bouquet la géométrie dans l’espace. Il fut très
indulgent ; il est vrai que j’étais 15ème sur 35. Cela éclaire sur le niveau des autres.
J’au eu un premier prix cette année-là, un Flaubert, dans la Pléiade, un peu jauni aujourd’hui.
Nous n’étions plus que trois, nous nous sommes séparés, j’ai déménagé vers les « beaux » quartiers, la
Philo arrivait avec une année de retard.
Classe de Philo-Lettres.
Enseignants et enseignement.
1948-1949
ANDRÉ Robert
BALVAY Claude
CAILLET Raymond
CUISINIER Claude
DÉZALAY Auguste
GRÉMY Arnold
LAFARGUE (de) Jacques
LOYER Jacques
RAILLÈRE (de la) Michel
ROCHETEAU Jacques
ASFELD (d’) Claude
BODARD Jean-Claude
CHASSEGUET Gérard
DABLANC Christian
ELIE Jacques
HAICAULT Jean
LARDIC Jacques
MOUTAUX Jacques
PEUREY Michel
SOUFI Moussa
BAGUELIN Jean
BOUSSARD Jacques
CHRÉTIEN Paul
de la FONCHAIS Serge
GANEAU Jean
HUMMEL Gaston
LEROUX Jocelyn
OYON Serge
RIVIER Emile
L’enseignement de la philo prime (4 heures le jeudi matin !), suite à la disparition du français après le Bac
de 1ère. Avec les sciences et deux langues.
J’évoque tout de suite le nom de Sacha FEINBERG, à consonance juive allemande. C’était notre prof
principal, celui de philosophie. L’Holocauste n’était pas loin, mais les adolescents que nous étions en
avaient peu conscience. Cet excellent professeur était marxiste-léniniste, ce qui était peu en adéquation
avec le conformisme des familles et du lycée. Nous étudiions donc les matérialismes dialectique et
historique.
Je me souviens des différents chapitres du programme : la Métaphysique, de Platon à Hegel ; la Morale ,
antique ; l’Esthétique, Nerval, Lautréamont, les Chants de Maldoror ; la Logique, Descartes… ; la
Psychologie. Le cours était bien structuré. Nous eûmes même droit à la Psychanalyse et Freud. Nous
contestions. Nous lisions « Pourquoi j’ai choisi la liberté » de Kravchenko2. Le soir nous allions à la Maison
sociale, place Stalingrad, quand Feinberg prenait la parole au nom du Bureau politique du PCF. Nous nous
faisions sortir. Le lendemain, la classe de philo avait lieu normalement, limpide.
Sur la photo des professeurs de 1948-49, il est au deuxième rang, avec son air
triste, PERRIER, professeur de Sciences Nat, il semble si vieux !
On l’appelait le Thot (Todt, Tot(e)). Il nous enseignait les rudiments de l’anatomie
et de la physiologie. Je n’ai pas oublié « La fonction glycogénique du foie, la systole
et la diastole ». A l’approche du bac, j’ai séché les derniers cours, malgré la vue
sur les arbres de l’évêché et de la cathédrale.
Paul BOIS, en Histoire-Géo. Il était très à l’aise, enseignant sans notes. Je me
souviens de « Sadowa, 1866, un coup de tonnerre dans un ciel clair… »
2
http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Kravtchenko
http://tribouilloyterminales.over-blog.com/article-13242570.html
Nous aimions davantage les profs de gym :
Bien que mes souvenirs soient mitigés pour
RIVIÈRE, caporal ou adjudant-chef. En première, il
nous punissait le samedi après-midi, nous devions
aller à la Californie en rang, quel que soit le temps,
retour pour 16 heures ; pas drôle…
CRANSAC : sympa, on déboulait aux Jacobins le
samedi avec les poteaux et le filet de volley, on
faisait les équipes, on désignait l’arbitre (pas le prof qui lisait le journal, en canadienne) ; sacrées
parties !
GASNIER, qui donnait dans l’ « Hébertisme »3, nous faisait courir du lycée au jardin des Plantes, en
passant par Tessé, quelquefois sous la neige. Revigorant !
DUPONT en maths ne m’a pas laissé un grand souvenir. Il faut dire que le programme de
maths en philo est succinct, algèbre et astronomie (la planète Mars !). Je pense qu’il fut
très indulgent pour moi.
Voilà pour cette dernière classe au lycée. La fin de l’année fut cependant émaillée d’un
petit incident. Pris dans mes révisions du Bac, j’oubliais la distribution des prix. Las ! M. Vadé, libraire
bien connu de la rue Gambetta, Ancien Combattant de 14-18 et ami de ma famille, offrait un livre pour le
prix de géographie (qui me revenait). Scandale, retrait du livre avec mes excuses ; je l’ai toujours, c’est
sur l’Amérique du Sud, je ne l’ai pas encore lu…
Je ne savais pas, en 1949, que je reviendrais au lycée. Avec quelques camarades – dont Cosson, bien connu
au Mans – j’ai participé à un stage formant les moniteurs de colonies de vacances (les CEMEA). Puis colo
de la ville du Mans, à Tréboul.
Je me souviens des longues marches dans la ville, quatre fois par jour, de la rue Gambetta au lycée, où
j’arrivais en nage (ou en canard mouillé).
Parlons maintenant de la direction. J’ai connu, de 1946 à 1954, deux proviseurs, DEPAIN et PRAUD. J’ai
déjà parlé du premier.
M. PRAUD fut le proviseur de ma terminale et de ma période de surveillance. Il était
assez petit. Son bureau, le Saint des Saints, était gardé par sa secrétaire, Mme
DOULAIN. Il s’intéressait de très près aux notes des élèves et aux réussites de ses
surveillants. J’en ai gardé un bon souvenir.
J’ai déjà parlé de Dagneaud, je n’ai jamais pénétré dans son bureau.
J’ai bien connu son successeur, KAUFMANT. J’étais surveillant
d’internat et je faisais deux heures de secrétariat dans son bureau.
J’y recopiais des notes. Il connaissait bien les élèves, en particulier la vie des internes.
Autant le proviseur était « sévère », autant le censeur était plus réaliste quant aux
polissonneries des internes. Je l’ai beaucoup estimé, il m’a aidé en 1952-53 à entrer
comme prof d’Histoire-Géo.
J’aurais beaucoup à dire sur BATUT ; pas comme élève ni comme Maître d’internat.
Puis je fus son secrétaire et nos rapports devinrent quotidiens. Il se sentait mal
intégré dans le Corps de la direction. Sur les photos on le voit maintenant en haut, et
non assis au premier rang. Il n’était froid qu’en apparence. Je peux dire qu’il était un
peu dépressif, nous parlions traitements et médicaments, il avait ses « trucs ». Il
aurait voulu être nommé dans un petit coin aéré des Pyrénées Orientales ou de
l’Ariège…
3
http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9bertisme
LE MANS – 1930 1954 – Ma famille, ma vie.
J’aimerais être drôle, avoir été un cancre, mais non je fus un bon élève…
Je suis né le 1er avril 1930 du côté de la rue Auvray. J’ai habité ensuite rue Ambroise Paré puis rue
Lenoir.
Le 7 novembre 1943, mon père est arrêté par la Gestapo, avec l’antenne radio du réseau Notre-DameConfrérie. Il reviendra de Dora en avril 1945 et décèdera en 1979.
Les années sont difficiles. Je fréquente l’école de garçons du Cogner et le CC Marceau. J’obtiens le BEPC
et le concours des bourses. Je préfère la filière moderne du lycée au concours de l’E.N. J’entre sur
simple présentation de mes notes.
Après le bac, je suis surveillant au Collège municipal de Sillé le Guillaume, deux ans. Ensuite de 1951 à
1954, je passe trois ans au lycée comme MI puis SE.
C’était la Toussaint Rouge en Algérie, je fais mon service à Coetquidan, puis c’est le départ. J’en reviens
en 1957.
Je reviendrai au lycée de 1974 à 1989, comme examinateur au Bac, dans les années Gille/Pandolfi, que je
retrouverai au lycée Ambroise Paré de Laval.
Questions-réponses en vrac et compléments.
Je m’attarde sur cette photo sépia.
La galerie du premier (interdite aux élèves pendant les récrés).
La photo est prise au niveau du bureau du surgé, M. Batut (dans ce bureau il y avait le classeur de bois
renfermant les « fiches » des élèves). C’est un bon poste d’observation sur les Marronniers. Je pouvais
voir arriver les élèves en retard, ou repérer les exclus devant les portes des salles. Le long de la galerie
les salles (la première, celle de M. Bois) qui abritaient les cours dans la journée et les études des
internes le soir. Les jeudis, samedis et dimanches, elles abritaient également les collés. Au fond l’escalier
desservant les étages et la cour. Les salles en bas sur la cour étaient réservées aux cours de la 6e à la 3e.
En levant les yeux, on trouve deux dortoirs puis le 3e étage mansardé : Pionville. En juin s’y élevaient les
hurlements déments des pions qui fêtaient les réussites en fac ; champagne ou whisky pour l’assistant
écossais (la bouteille !). Bacchanales qui font rigoler les élèves et sourire jaune la direction…
Les pions. A différencier des répétiteurs (Cottin, Papillon).
A l’époque sort le film « La cage aux rossignols » avec son soliste et son trop beau pion4.
Je présente un dossier, avec l’aide de M. Hilleret, ex IA. (Motivation + licence d’enseignement)
La première année je n’obtiens « que » Sillé le Guillaume, bien placé sur la ligne de Rennes, et où je
trouve la forêt et une atmosphère familiale (une vingtaine d’internes).
J’obtiens Montes en octobre 52. On appelle les MI le « collège des 7 », le grand service tombe toutes les
7 semaines. Je décris : 6h30 dimanche matin à 7h le lundi. Dortoir, étude, repas, récrés, promenades,
soit Léon Bollée, soit La Foresterie, études, etc.
Il y avait des spécialités : le parloir avec les sorties et les rentrées, le portail (jusqu’au bout de la rue).
Et le gros morceau, la surveillance des collés. En étude silence complet, interdit de tousser. La colle n’est
pas la permanence.
Le pion est payé, il a deux jours consécutifs de congés pour aller en fac, ses voyages d’études sont
remboursés, à Montesquieu, nous avons le gîte et le couvert gratuits.
Après trois années de pionicat, je passe au degré supérieur, répétiteur, mais je ne suis pas de la même
école que Cottin et Papillon. Je fais les permanences. Le service est plus souple (pas de dimanches) mais
je ne suis plus logé ni nourri. Je tiens la bibliothèque des profs une heure par semaine. Personne n’y
vient ! Ça sent l’encaustique, il y a de magnifiques atlas.
J’accepte de faire quelques heures d’enseignement en 2de et 4e. Mais le statut de Professeur-adjoint (le
futur adjoint d’enseignement) est boiteux. J’abandonne au bout d’un an. Je pars à Coetquidan.
Je me souviens aussi de la lente montée silencieuse des internes au dortoir, des remises des prix,
longues, longues et émaillées de nombreux incidents.
Je me souviens aussi de la chute du prof de mathélem du balcon de la salle des concerts sur les rangs du
parterre des autorités.
J’avais envoyé à Robert ANDRÉ les premières pages de ses souvenirs, illustrées et
dactylographiées.
Il m’a adressé une longue lettre où il les reprend et les complète, cette lecture et les
photos ayant ravivé sa mémoire. Voici la presque intégralité de cette lettre.
1946-47. Date d’entrée au lycée pour les quatre mousquetaires (qui sont cinq avec moi) de l’outreSarthe, Eono, Dumur, Cassan et Jean Fronteau, le plus doué et le plus sérieux.
En anglais, Van Brook, typique anglo-écossais avec sa pipe et sa tenue para-militaire. Merci pour Dickens
et ses histoires. Hubert aussi, très littéraire, bien écouté, flegmatique, respecté.
J’ai déjà évoqué Bouzat. Après discussion avec mon frère qui l’eut 15 ans plus tard, il nous laisse le
souvenir d’un brave homme dépassé mais qui voulait bien faire, mais pas très à l’aise.
Il y a eu encore Portier et son chapeau, son air bonhomme. Au Bac, je fus nul à l’oral d’allemand et il me
recommanda chaleureusement à son collègue qui m’interrogeait.
Chopin, l’autre germaniste était plutôt intimidant. Fronteau me fut d’un grand secours, j’ai copié sur lui…
4
http://www.youtube.com/watch?v=PSoZNAJItKU
47-48. Bouzeau, très sympathique et pédagogue, il proposait aux élèves de faire des
exposés.
Mes différents profs d’histoire m’ont-ils aidé dans ma vocation ?
Mauro, avec ses lunettes rondes. Normalien fraîchement promu, son début de carrière
fut difficile.
Les années Napoléon, les coalitions, un énorme manuel à faire passer et une inspection
générale catastrophique.
J’ai imité, hélas !.. cette galerie de profs d’ancien régime. Très bavard, j’ai largement usé
de ma salive, en prof qui sait tout, le syndrome Bécheyras, le prof dominant qui secrète
ses propres défauts, parler, exposer, discourir…
Bois, très sympathique. Je le revois, à la bibliothèque municipale, travaillant à sa thèse. Il fallait du
mérite, nous étions 40 regroupés en C et en M, à étouffer dans notre salle. J’étais aussi motivé par la
présence d’une jeune fille, seule dans la classe, la première demoiselle ! Vous n’êtes pas au cinéma nous
disait-il.
Les arts.
La musique avec Arluison, il ressemble à Louis XVI, les cours de musique dans la chapelle, chahutés.
En dessin, mon voisin de la rue Lenoir, Renard. Un petit air de notaire, bien réglé. Mais quel désastre en
cours ! Copier des antiques !
Et puis ceux qui ne sont pas sur les photos :
Deshayes en littérature, frais émoulu de Normale Sup. Je me souviens de sa notation désastreuse, un
peu méprisante. Mais j’ai eu 16/20 à ma dernière dissert sur table, 4 heures sur Rousseau.
Sacha Feinberg en Philo. Un excellent prof pour moi. Il nous parlait de Freud, de la psychanalyse, du
surréalisme, des sujets passionnants pour les adolescents que nous étions, sortant de la guerre. C’était un
« communiste » ! Voir plus haut.
J’ai déjà parlé également du « Thot », surnom irrévérencieux du prof de Sciences naturelles, on disait
Snat. Perrier . Il nous enseignait l’anatomie, la physiologie, les réactifs – le tournesol ou l’hélianthine
orange – sans oublier le Vert-Janus5, sur lequel les plaisanteries scatologiques allaient bon train, le Tôt se
fâchait…
La direction.
J’ai peu parlé de Depain, le proviseur. Majestueux, lointain, punissant les méchants, les vouant aux
enfers, c'est-à-dire les excluant trois ou quatre jours, et récompensant les gentils. (Fronteau et moi)
FIN
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Colorant (vert diazine ou vert de méthyle acétique).