le plaidoyer robuste renforce enfin la protection des réfugiés au Kenya
Transcription
le plaidoyer robuste renforce enfin la protection des réfugiés au Kenya
26 Renforcement des capacités des pays du Sud: rhétorique et réalité RMF 28 Le plaidoyer robuste renforce enfin la protection des réfugiés au Kenya Par Eva Ayiera En novembre 2006, après 15 années de délibération, le Parlement du Kenya a promulgué L’acte sur les Réfugiés, que beaucoup considèrent comme l’évènement peut-être le plus important dans la gestion des affaires des réfugiés au Kenya. Cette loi n’aurait pas été promulguée sans un plaidoyer intense, des pressions, des négociations et un équilibre entre les questions des droits humains, politiques et économiques et des soucis de sécurité. Le Consortium des Réfugiés au Kenya (RCK), établi en 1998 comme une organisation d’aide légale et de plaidoyer pour les réfugiés, a occupé un rôle pivotal dans le plaidoyer pour cette loi, faisant des efforts concertés avec ses partenaires en vue de réaliser des changements durables à la gestion des réfugiés. La résistance du Kenya à une loi sur les réfugiés date de 1990-91 lorsque la population de réfugiés est montée en flèche de 14 400 environ à près de 300 000 à la suite de l’exode en masse des réfugiés de Somalie, du Soudan et de l’Ethiopie pendant une période d’hyperinflation et de crise économique chronique. Face à un flot de réfugiés sans fin apparente, le Kenya a préparé une loi sur les réfugiés mais le gouvernement surveillait la situation, refusant de porter ce fardeau croissant indéfiniment. Le gouvernement a établi deux camps de réfugiés – Dadaad et Kakuma – dans des régions éloignées et inhospitalières du Kenya et en a délégué au HCR l’autorité de gestion et de protection afin de s’assurer que la communauté internationale ne se cantonne pas à la périphérie de crise des réfugiés croissante au Kenya. Cependant, l’étendue des droits dont bénéficient les réfugiés s’est rétrécie. Ils étaient soumis à de fréquentes arrestations illégales, à l’incarcération et au risque de refoulement. UNHCR/A Webster Femmes réfugiées Soudanaises dans le camp de Kakuma. RMF 28 Renforcement des capacités des pays du Sud: rhétorique et réalité Leurs droits restaient indéfinis et incertains. Les standards de protection des réfugiés étaient en déclin constant. Au fil des années, le gouvernement a durci son refus de promulguer la loi sur les réfugiés. Le Kenya a continué à faire face à des influx sporadiques de réfugiés ; la longue frontière perméable avec la Somalie est devenue cause de préoccupation et les agressions à main armée ont alimenté l’ outrage public envers les réfugiés et les immigrants. La dégradation de l’environnement dans les camps de réfugiés causait aussi des préoccupations parce que de nombreux réfugiés vivaient sur une petite étendue de terre. Des conflits se sont développés entre les réfugiés et les communautés d’accueil et beaucoup de Kenyans ont relevé la disparité entre leur train de vie et celui des réfugiés. Le projet de loi était considéré comme un fardeau que le Kenya investi n’avait pas les moyens de supporter. Plus la situation des réfugiés perdurait, plus la résistance à la promulgation s’intensifiait, quoique les besoins de protection, de responsabilité et d’administration stable deviennent de plus en plus clairs comme les besoins des réfugiés grandissaient. Un nouveau climat politique apparut à la suite des élections de 2002. La transformation démocratique a ouvert un espace pour une nouvelle forme d’engagement entre le gouvernement et la société civile et pour une réduction de l’antagonisme envers les ONG qui était si prononcé sous le gouvernement précédent. En 2006, la Loi sur les Réfugiés fut mise au Journal Officiel et renvoyée au Parlement. Reconnaissant une prime opportunité, le RCK a engagé une large section de parties prenantes dans une campagne vigoureuse en vue de faire promulguer la loi. Le RCK a fait la promotion de la législation, s’est engagé au plus haut niveau avec le comité parlementaire responsable du projet de loi, a suivi les débats, a liaisé avec le Département des Affaires de Réfugiés et avec les agences de l’ONU et travaillé avec d’autres acteurs de la société civile pour pousser à la promulgation. Les stratégies de plaidoyer La démarche de plaidoyer du RCK reconnaît que les ONG doivent se définir comme neutres et apolitiques. Cependant, compte tenu de l’historique du projet de loi et des ressentiments des Kenyans à son encontre, le processus était immergé dans les considérations politiques auxquelles il fallait répondre avant toute possibilité de promulgation de la législation. Nous reconnaissions le besoin d’un engagement à long terme, se concentrant sur la démystification des réfugiés et du processus d’asile ainsi que du changement des attitudes envers eux. Nous reconnaissions le besoin d’une négociation largement inclusive. Les politiciens, les départements du gouvernement et le public avaient des intérêts différents et des préoccupations légitimes sur la situation des réfugiés qui méritaient la considération et une discussion franche. Le débat sur les réfugiés au Kenya était devenu une question volatile, alimentée par les stéréotypes négatifs des médias, une flambée des crimes à main armée, des liens apparents entre les influx de réfugiés et les rares épidémies et le ressentiment contre la manière dont les réfugiés ont poussé le prix des loyers. Nous n’avons pas perdu de vue l’importance de faire la distinction entre les réfugiés et les migrants illégaux. Le RCK et ses partenaires se sont concentrés sur la promotion du projet de législation comme une loi visant à répondre à ces questions en mettant en place des systèmes prévisibles de gestion, en faisant la distinction entre les réfugiés et autres catégories de migrants et en soulignant le besoin pour le gouvernement du Kenya de regagner sa pleine autorité sur la gestion globale des affaires des réfugiés. Tandis qu’il est important que les arguments pour l’inclusion des standards des droits humains internationaux soient réfléchis dans la législation nationale, il est tout aussi important de répondre aux questions pratiques émergeant dans le pays. Il était critique de démontrer comment le Kenya bénéficierait de la nouvelle législation. Le défi à la nouvelle loi des évènements en Somalie Il est important maintenant que les normes légales soient respectées et que le gouvernement soit tenu responsable des provisions de la législation. Le RCK veut constater l’application de la nouvelle loi à la situation des réfugiés de Somalie à présent pris dans les conflits. La frontière est restée fermée depuis janvier 2007 et certains demandeurs d’asile ont été refoulés. Peu de réfugiés ont pu pénétrer dans le pays pour demander asile et beaucoup de Somalis déplacés campent de l’autre côté de la frontière entre le Kenya et la Somalie. Tout en donnant notre soutien au gouvernement dans ses efforts pour l’amélioration de la sécurité et la protection des Kenyans, nous ne sommes pas d’avis que la solution passe par le refus d’accès ou le refoulement par la force de réfugiés vulnérables, femmes, hommes et enfants vers une situation de violences corporelles et de menaces de mort. Simultanément, nous reconnaissons que le gouvernement a maintenant autorisé le passage de l’aide humanitaire par le Kenya vers la Somalie et nous exhortons la communauté internationale à pousser ses efforts de provision de sécurité et d’assistance humanitaire aux personnes déplacées qui se réfugient du côté Somalien de la frontière. Nous faisons appel au gouvernement d’ouvrir la frontière et de permettre l’accès à ceux qui en ont besoin. Le HCR est en mesure de mobiliser les ressources de la communauté internationale pour aider au triage des demandeurs d’asile à la frontière avant qu’ils pénètrent dans le pays de manière à maintenir le statut civil de l’asile. Pendant les quinze dernières années des troubles en Somalie, le Kenya a accueilli plus de 150 000 réfugiés de Somalie – un geste humanitaire digne d’éloges et reconnu dans le monde entier. Le Kenya partage une frontière de plus de 600 kilomètres avec la Somalie. Refuser l’accès aux demandeurs d’asile par les points d’entrée reconnus ne fera que forcer les gens à trouver d’autres passages clandestins dans le pays, et le gouvernement ne pourra pas exercer l’option de triage des personnes. La fermeture des frontières et le refus d’accès aux demandeurs d’asile sont aussi susceptibles de causer l’empirement de la situation humanitaire en Somalie, qui risque de déborder sur le Kenya. Nous faisons appel au gouvernement de réévaluer sa position et de permettre aux réfugiés d’entrer au Kenya et d’y demander asile selon les lois nationales et les politiques contenues dans l’Acte aux Réfugiés et selon les lois humanitaires et les droits humains internationaux. De même façon, la communauté internationale doit faire preuve d’un plus grand engagement à assumer les responsabilités humanitaires et de sécurité créées par la situation en Somalie. Eva Ayiera ([email protected]) est Advocacy & Senior Programme Officer auprès du Consortium pour les réfugiés au Kenya (www.rckkenya.org). Pour souscrire à la newsletter du RCK, aller sur www.rckkenya.org/newsletter.html 27