Numéro 19
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Numéro 19
ASPCo - Info n°19 ASSOCIATION SUISSE DE PSYCHOTHERAPIE COGNITIVE (ASPCo) SCHWEIZERISCHER VEREIN FUR KOGNITIVE PSYCHOTHERAPIE (SVKoP) ASSOCIAZIONE SVIZZERA Dl PSICOTERAPIA COGNITIVA (ASPCo) ASSOCIAZIUN SVIZERA DA PSICOTERAPIA COGNITIVA (ASPCo) SWISS ASSOCIATION FOR COGNITIVE PSYCHOTHERAPY (SACoP) Février 2005 Numéro libre Comité ASPCo LE MOT DU PRESIDENT Roland Eiselé Président Chers membres de l'ASPCo, Christine Favre Vice-Présidente Martine Dubosson Trésorière Roberto Ballerini Peter Bäurle Pierre-Henri Beuret Lusmila Myers-Arrázola Alain Souche Commission de la formation Prés. Lucio Bizzini Jacqueline Lalive Aubert Roland Eiselé Commission de la recherche Prés. Daniel Suter Roland Eiselé Christian Osiek Commission de l'information Prés. Eliane Jaquier Roland Eiselé Malin Tronje Pachoud Anna Zinetti Bertschy Roger Zumbrunnen Rédaction ASPCo-Info Anna Zinetti Bertschy L'ASPCo a célébré ses 10 ans lors d'une fort agréable soirée d'octobre 2004, la fête fut une belle réussite pour tous! C'est aussi l'occasion de compter ce que l'ASPCo représente pour nous tous, ainsi qu'en témoigne l'engagement de celles et ceux qui ont participé par leur présence ou par leur contribution à la réalisation de cet anniversaire et des différentes attractions présentées. Je tiens à remercier le Dr Christophe André qui nous a fait la grande amitié de venir nous entretenir du bonheur. Le comité et les différentes commissions, outre leurs habituelles tâches au service de l'association et surtout de ses membres, travaillent à planifier différents projets pour la formation et le développement de nouveaux thèmes d'intérêts liés aux TCC. Sur le plan de la formation, il y aura en octobre 2005 une nouvelle et deuxième volée en vue du diplôme et du certificat de formation continue universitaire (FCU) en TCC. En juin 2005 la dernière volée de la formation ASPCo va terminer sa formation de trois ans, cette volée ainsi que la précédente pourront bénéficier d'un programme complémentaire "passerelle" vers le diplôme de la FCU, en 2005-2006. Pour ce qui est du perfectionnement, vous aurez apprécié les différentes offres d'ateliers de perfectionnement d'une journée ou plus, avec, et c'est une première, une formation de trois jours sur le syndrome de stress post traumatique. Une préoccupation est celle de la relève des formateurs. Le programme pour un concept de formation de nouveaux superviseurs en TCC va débuter en mars. Le comité veille à favoriser des offres de journées cliniques mais aussi de séances de supervisions dans différentes régions de suisse romande. Il encourage et soutient la création de groupes d'intérêts rassemblant un certain nombre de membres, pour partager et diffuser des connaissances et des mises au point à propos de développements actuels sur un thème de grand intérêt. Vous pouvez suivre ces développements et ces offres dans les différents médias de l'association et aussi y participer. On le voit avec ce numéro, ASPCo-Info se porte bien ainsi que le site internet, ces deux organes sont importants pour la diffusion de l'information, merci à celles et ceux qui s'y dépensent sans compter et aux membres qui y ont écrit. Voilà donc une année riche en formations et développements de toutes sortes dans le cadre de la TCC, que chacun en profite le plus possible! Le comité et moi-même vous souhaitons une excellente année 2005, plaisante, active et enrichissante. Roland Eiselé Président ASPCo Comité International Christophe André, Charly Cungi, Gisèle George, Yvan Note, Christine Mirabel-Sarron, Alain Sauteraud, Mark Freeston Contribution spéciale ********** LE TROUBLE ANXIEUX GENERALISE: UNE RECHERCHE D'OUTILS THERAPEUTIQUES Martine DUBOSSON diplômée en psychologie Membre ordinaire ASPCo Alain SOUCHE Médecin, Spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie Membre ordinaire ASPCo Centre de Santé 80, rue de Lausanne - 1202 Genève [email protected] 176, rte de Saint-Julien 1228 Plan-les-Ouates [email protected] Résumé Le Trouble Anxieux Généralisé (TAG) a la réputation d’être une pathologie plutôt difficile à traiter, tant la production de soucis semble inépuisable chez les patients concernés. La psychothérapie cognitivo-comportementale (TCC) s’est tout naturellement intéressée ces dernières années à essayer de mieux soigner le TAG. Nous avons voulu voir si la TCC pouvait apporter des solutions originales dans le traitement de l’anxiété généralisée. Nous avons postulé qu’il était possible d’adapter la TCC à cette pathologie en créant deux outils sur la base des travaux de Mark Freeston (2002). Ces deux outils ont pu être utilisés dans nos pratiques privées respectives, dans le but d’améliorer la capacité des patients à repérer et classer leurs soucis, selon deux critères de probabilité et d’actualité. Ce tri des soucis a été suivi d’une démarche de résolution de problème habituellement déficitaire chez ces patients. Deux vignettes cliniques sont présentées ici. Les réactions positives de nos patients nous permettent de penser que ces outils ont significativement amélioré le contrôle de leur anxiété et leur capacité à désamorcer rapidement les nouveaux soucis. Tous deux présents au séminaire de Mark Freeston sur le Trouble Anxieux Généralisé (TAG) organisé par l’ASPCo les 14 et 15 juin 2002, nous avons eu l’idée d’échanger autour de notre expérience psychothérapeutique de ce trouble. ********** Introduction Cette pathologie si fréquente (3 à 5% de la population générale), d’un diagnostic peu aisé, a l’art de se présenter fréquemment dans nos consultations cachée derrière un autre diagnostic. En effet, l’anxieux chronique se plaint rarement de ses soucis qui lui semblent faire partie de son fonctionnement habituel. Il consulte plutôt pour des attaques de panique liées à l’évitement de ses émotions et de ses soucis; ou encore pour un état dépressif par épuisement. Le motif de la consultation peut aussi être un trouble du comportement alimentaire (manger pour éviter de ressentir l’anxiété), une autre addiction ou des troubles fonctionnels (céphalées de tension, troubles digestifs…). Un diagnostic de phobie sociale ou de phobie simple n’est pas rare. Si bien que le diagnostic de TAG n’est souvent pas posé immédiatement. Le diagnostic différentiel avec un trouble de l’adaptation est nécessaire car le sujet peut se présenter dans un moment de stress aigu, avec des stresseurs multiples. Historiquement, Robert Ladouceur (1999), souligne que la définition du TAG comme diagnostic primaire reste relativement récente (DSM III-R, 1987): "Initialement, les auteurs parlaient d’anxiété flottante ou envahissante. On croyait volontiers qu’il était impossible de préciser la source d’une telle anxiété". Borkovec (1983) est le premier auteur à avoir décrit l’inquiétude comme "un enchaînement de pensées et d’images chargées d’émotions négatives difficiles à contrôler". Ce serait également "une tentative pour résoudre un problème réel ou fictif". Borkovec met aussi en évidence la grande capacité du patient à repérer des problèmes éventuels mais sa faible capacité à résoudre les problèmes en général (1987). A l’époque, les bases du traitement actuel en TCC sont donc déjà posées; reste à les opérationnaliser dans la pratique clinique. Mark Freeston met à jour en 1994 le concept d’intolérance à l’incertitude, c’est-à-dire la difficulté à accepter de ne pas connaître l’issue d’une situation, qui pourrait éventuellement être négative. Ce concept a d’ailleurs donné naissance à un questionnaire fort utile dans l’évaluation (Questionnaire d’intolérance à l’incertitude; Bouvard, 2002), que nous utilisons avec le Penn-State pourquoi s’inquiéter? et le Questionnaire d’évitement cognitif (Bouvard, 2002; Bouvard et Cottraux, 2002). En 1999, Ladouceur (et al.) fait de l’augmentation de la tolérance à l’incertitude un des éléments essentiels du traitement, avec la prise en compte des croyances erronées sur l’inquiétude (p.ex.: "être inquiet permet d’éviter les problèmes"), l’apprentissage du Problem solving et l’exposition aux situations / pensées anxiogènes. A peu près à la même époque, Wells présente une conceptualisation différente, dans laquelle il ébauche la nécessité de catégoriser les soucis selon leur structure: soucis de type 1 portant sur des évènements et soucis de type 2 worry about worry, ou méta-soucis (p.ex. "je pourrais devenir folle à cause de mes soucis"). Ces soucis de type 2 seraient une cible thérapeutique à privilégier selon Wells (1997). Freeston, va reprendre et développer l’idée d’une catégorisation des soucis, mais avec des critères différents: ceux de l’actualité et de la probabilité. Sa démarche consiste alors plutôt, une fois le diagnostic expliqué au patient, à réaliser des analyses fonctionnelles qui lui permettront déjà de prendre conscience de ses mécanismes d’évitement et de ses pensées automatiques. C’est ensuite que le thérapeute lui propose une démarche cognitive de tri de ses soucis: à partir d’une liste des soucis amenés dans une séance, Freeston propose au patient d’effectuer un premier tri entre soucis actuels / probables et soucis peu probables. Un deuxième temps permet à la personne de se concentrer sur les soucis probables et de distinguer ceux qui peuvent être solutionnés de ceux qui ne peuvent l’être. La personne est ainsi clairement orientée vers une démarche de résolutions de problèmes efficace, à laquelle sont adjoints les habituels outils d’exposition et de restructuration cognitive. Méthodologie Le travail de Mark Freeston a incité l’un d’entre nous à développer les deux documents présentés en annexe de cet article. Le premier document donne de l’information sur l’anxiété / les soucis et présente le tri des soucis. Le deuxième document avec des colonnes, directement inspiré d’un document de Freeston, a pour but d’entraîner chez le patient ce tri et le problem solving. Les réactions positives des patients à ces documents, et le matériel utile à l’élaboration du processus psychothérapeutique qu’il nous ont permis de dégager et d’utiliser en séance, nous ont incité à les utiliser de façon répétée et standardisée puis à vous les présenter afin de susciter vos remarques, commentaires et propositions. Vignettes cliniques Vignette clinique n°1 Madame A., 45 ans, est adressée par son médecin généraliste qui lui recommande une TCC. Après 3 séances d’évaluation le diagnostic (ICD 10) de trouble anxieux généralisé est retenu, avec pour comorbidité une dépression légère (BDI = 15). Dix séances de psychothérapie ont été réalisées pour l’instant, qui ont permis d’introduire les deux documents présentés dans les annexes. La patiente aimerait être moins fatiguée et plus disponible émotionnellement pour sa fille et son mari avec qui elle se dispute fréquemment, avoir plus confiance en elle au travail, moins s’inquiéter des résultats scolaires de sa fille et moins s’inquiéter de l’achat futur d’une maison. Les premières interventions thérapeutiques ont porté sur la discussion du diagnostic, avec des conseils de lecture sur le sujet et un encouragement à suivre une médication. La collaboration avec son médecin traitant a rapidement permis l’introduction d’un antidépresseur sérotoninergique. Puis quelques outils de gestion du stress ont été utilisés chez cette patiente très occupée (aménagement de ses horaires de travail, délégation de tâches à la maison et au travail, contrôle respiratoire, jogging et yoga). Une observation quotidienne de son anxiété et de ses journées a permis de fructueuses analyses fonctionnelles en séance. Exemple d’analyse fonctionnelle chez Madame A. (méthode des cercles vicieux: Cungi, 1996) SITUATION Mon mari et moi pensons acheter une maison COMPORTEMENT J’y pense sans arrêt Je ne vois pas de solution CONSEQUENCES Déprimée EMOTIONS Anxiété PENSEES AUTOMATIQUES "Et si je ne me plaisais pas dans cette maison? Si je n’arrivais pas à m’y habituer? Mon mari sera déçu… Ma fille devra changer d’école, elle aura des problèmes d’adaptation" A la 3ème séance, le document 1 a été amené, avec pour consigne de le relire à la maison. Le document 2 a été introduit dès la 5ème séance et réutilisé à chaque séance suivante. Document 1, Madame A. (extraits de la 3ème séance) "Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété?" è Fatigue physique et psychologique; ça me gâche la vie. 1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION Situation probable et actuelle, Non modifiable. Par exemple: Situation peu probable, voir imaginaire. Par exemple: Pas d’exemple - Que la nouvelle maison ne me plaise pas Ne pas être à la hauteur au travail Que mon mari ait un accident d’avion Situation probable et actuelle, Modifiable. Par exemple: - Problème d’apprentissage de ma fille. Ira-t-elle au cycle? Stress de mon voyage professionnel à Bruxelles Document 2, Madame A.: J’apprends à gérer mes soucis (extraits de la 6ème séance) Description de mon souci: ce que je me suis dit dans ma tête Anxiété en %? J’ai peur pour le parcours scolaire de ma fille. Elle va rater et se retrouver en technique d’où elle ne pourra plus sortir (difficile de savoir où elle en est car ses maîtres sont très évasifs) 90 La situation redoutée Si vous avez répondu est-elle probable OUI au moins une fois: maintenant? la situation est-elle OUI / NON modifiable? Comment? Probable bientôt OUI / NON Probable bientôt car Parler au maître elle aura un examen pour évaluer la de fin de 6e primaire situation, trouver un et ses résultats sont support scolaire, très moyens changer d’école Madame A. précise que son anxiété n’a vraiment diminué qu’après un entretien avec un des maîtres de sa fille, qui l’a rassurée. Ces outils ont été particulièrement utiles pour permettre à Mme A. de sortir de la spirale de ses soucis. L’idée d’une démarche systématisée et claire l’a rassurée, lui permettant de penser plus efficacement à des solutions. A plusieurs reprises, Anxiété en %? 80 elle note toutefois que son anxiété ne diminue significativement que lorsqu’elle peut passer à l’action. Des techniques de relaxation seront à entraîner davantage pour contrôler cette tension anxieuse. Il y a par ailleurs de nettes améliorations sur le plan relationnel avec sa fille et son mari (plus de disputes), le souci de l’achat d’une maison a été laissé de côté pour l’instant car il n’est pas actuel. La scolarité de sa fille est envisagée de manière plus réaliste, elle accepte mieux ses difficultés scolaires. Le travail reste une source de stress important, avec un recours encore trop fréquent à la procrastination lorsque Madame A. craint de ne pas être à la hauteur. La psychothérapie se poursuit. Vignette clinique n°2 Madame B., 39 ans, divorcée, deux enfants, consulte suite à une discussion avec une amie pour difficultés relationnelles professionnelles. Après 3 séances d’évaluation le diagnostic (ICD 10) de trouble anxieux généralisé est retenu, avec dans les antécédents, il y a 10 ans, dans le contexte du divorce, une dépression majeure sévère sans symptômes psychotiques traitée par antidépresseur et psychothérapie d’inspiration analytique. Douze séances de psychothérapie ont été réalisées à ce jour, au cours desquelles ont été introduits les documents présentés. La patiente aimerait mieux gérer son stress, c’està-dire être plus objective dans la gestion du personnel au sein de sa petite entreprise. Elle souhaite également être plus disponible pour ses enfants et plus affirmée dans sa relation avec son ami avec qui elle se dispute fréquemment lorsqu’elle est épuisée, être plus efficace au travail (procrastine trop), moins s’inquiéter pour la santé de ses enfants. Les premières séances ont porté sur la discussion du diagnostic, avec des conseils de lecture. Une observation quotidienne de son anxiété et de ses journées a débouché sur des analyses fonctionnelles en séance (2ème séance). Exemple d’analyse fonctionnelle chez Madame B. (méthode des cercles vicieux: Cungi, 1996) SITUATION Mon employée dysfonctionne COMPORTEMENT J’y pense sans arrêt Je ne vois pas de solution CONSEQUENCES Je rumine, je m’épuise EMOTIONS Anxiété, colère PENSEES AUTOMATIQUES "Je ne peux me passer d’elle" "Si je travaille seule ce sera pire parce que je suis incompétente" "Je suis faible, je suis incapable de la licencier" Avec Mme B., le document 1 a été amené à la 3ème séance, avec pour consigne de le relire à la maison. Puis quelques outils de gestion du stress ont été utilisés chez cette patiente très occupée (aménagement de l’emploi du temps, délégation de tâches à la maison et au travail, jeux de rôle pour la gestion du personnel et l’organisation des temps communs avec son ami). Le document 2 a été introduit dès la 4ème séance et réutilisé à chaque séance suivante. Document 1, Madame B. (extraits de la 3ème séance) "Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété?" è Terreurs nocturnes, fatigue chronique, douleurs dorsales, troubles digestifs, irritabilité, passer à coté de la vie, subir la vie. 1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION Situation probable et actuelle, Non modifiable. Par exemple: - Difficulté de prendre des décisions Situation peu probable, voir imaginaire. Par exemple: - Me retrouver toute seule Avoir une maladie grave Que mes enfants aient une maladie grave Situation probable et actuelle, Modifiable. Par exemple: - Surcharge de travail Document 2, Madame B.: J’apprends à gérer mes soucis (extraits de la 4ème séance) Description de mon souci: ce que je me suis dit dans ma tête Anxiété La situation redoutée Si vous avez répondu OUI au en %? est-elle probable moins une fois: la situation estmaintenant? elle modifiable? OUI / NON Comment? Anxiété en %? Probable bientôt? OUI / NON Je ne peux me résoudre à licencier cette employée qui dysfonctionne et puis je ne trouverai personne pour la remplacer 95 Probable Jeux de rôle pour évaluer la maintenant et qui collaboratrice qui est présente depuis dysfonctionne puis lui plus de 6 mois signifier son licenciement Jeux de rôle sur les modalités pratiques d’engagement d’une autre collaboratrice Madame B. précise que son anxiété a nettement diminué après le 1er jeu de rôle qui lui a permis d’envisager des solutions concrètes simples et efficaces. Dans le contexte de cette psychothérapie ces outils ont permis à Mme B. de retrouver un sentiment de contrôle sur le flot de ses soucis. Cette démarche systématisée lui a clairement permis de reprendre le contrôle de la situation. Elle prend conscience qu’une fois un processus de décision élaboré et mis en pratique son anxiété diminue. L’utilisation du je associé à un comportement assertif lui permet de contrôler sa 50 tension anxieuse. Son rôle de mère s’en trouve facilité et elle décide de rompre avec son ami. Au travail, le recours à la procrastination est maintenant nettement moins fréquent et bien identifié par la patiente. La psychothérapie se poursuit. Discussion De façon assez systématique le premier document permet au patient de mieux comprendre la notion d’anxiété et de réfléchir au retentissement négatif qu’elle a sur son fonctionnement. Il lui permet aussi de façon concrète de se représenter son anxiété et de ne plus la vivre comme un phénomène au contour flou, constitutionnel et difficile à combattre. De plus la catégorisation en trois entités permet de dégager des stratégies de traitement d’ensemble s’appuyant sur une action efficace simplifiée s’articulant autour de ACCEPTER, LÂCHER PRISE, AGIR CONCRÈTEMENT. On peut parler d’un travail de restructuration cognitive adapté au TAG. L’idée d’un tri des soucis a suscité divers commentaires positifs chez nos patients tels que: J’ai enfin compris comment on fait le lâcher prise ou C’est mieux que quand on me dit: arrête de t’en faire. Le deuxième document permet lui d’entraîner cette catégorisation et la recherche de solutions anxiolytiques; il s’agit d’automatiser cette démarche de gestion des problèmes. Certains patients nous font part d’une nette diminution de leur anxiété lorsqu’ils remplissent ces colonnes (moins 30 à 50 %), d’autres ont besoin comme Mme A. d’être plus dans l’action. Un patient résume cela avec ses mots: Je réfléchis beaucoup plus qu’avant; je me demande si ça vaut la peine de s’inquiéter pour telle et telle chose. Pour les patients qui apprécient la lecture, l’ouvrage de Ladouceur et al. "Arrêtez de vous faire du souci pour tout et pour rien" (2003) peut renforcer ce processus psychothérapeutique. Conclusion Ce travail cognitif a permis d’améliorer l’efficacité de la TCC traditionnelle (recherche de pensées alternatives, travail sur les schémas), en l’adaptant au TAG. Références Borkovec (1983; 1987). In Ladouceur, Marchand & Boisvert: Les troubles anxieux. Paris: Masson. Bouvard M (2002). Questionnaires et échelles d’évaluation de la personnalité. Paris: Masson. Bouvard M & Cottraux J (2002). Protocole et échelles d’évaluation en psychiatrie et en psychologie. Paris: Masson. Cungi C (1996). Savoir s’affirmer. Paris: Retz. Freeston M (1994). In Ladouceur, Marchand & Boisvert: Les troubles anxieux. Paris: Masson. Freeston M (2000). Le travail cognitif sur les soucis. Hand-out du séminaire ASPCo du 16 décembre, à Genève. Freeston M (2002). Le travail psychothérapeutique sur les soucis. Hand-out du séminaire ASPCo des 14 et 15 juin, à Montreux. Ladouceur R, Belanger L & Leger E (2003). Arrêtez de vous faire du souci pour tout et pour rien. Paris: Odile Jacob. Ladouceur R & Dugas MJ (1999). Le trouble anxieux généralisé. In Ladouceur, Marchand & Boisvert: Les troubles anxieux. Paris: Masson. Wells A (1997). Cognitive therapy of anxiety disorder. Manchester: John Wiley and Sons. Autres lectures Bondolfi G (2003). Le trouble d’anxiété généralisé. Communication ASPCo, polycopié, Octobre. Mollard E (2003). La peur de tout. Paris: Odile Jacob. DOCUMENTS ANNEXES : VOIR PAGES SUIVANTES DOCUMENT 1 (PAGE 1) PSYCHOTHERAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE DE L’ANXIETE ET DES SOUCIS 1) Qu’est-ce que l’anxiété? Les soucis? L’ANXIETE est un état de tension durable (physique et psychologique). L’individu se prépare à affronter des situations de danger auxquelles il craint de ne pas pouvoir faire face. Bien souvent il anticipe l’échec de ses actions et imagine des catastrophes pour lui-même et ses proches. Son esprit est rempli de SOUCIS (les images et les idées qui accompagnent la tension anxieuse). Un état d’anxiété qui devient chronique peut conduire la personne à l’épuisement, voir à la dépression nerveuse. Le corps est soumis à rude épreuve (douleurs dorsales, maux de tête, ulcère gastrique…). Lorsque les conséquences négatives de l’anxiété deviennent trop importantes, on peut parler d’anxiété maladive ou pathologique qui nécessite un traitement psychothérapeutique, voir médicamenteux. Selon vous, quelles sont les conséquences négatives de votre anxiété? ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... ................................................................................................................................................................... 2) Comment modifier ce fonctionnement psychologique? La psychothérapie cognitive et comportementale aide la personne anxieuse à réfléchir de manière efficace sur les idées qui accompagnent l’anxiété (= les soucis), afin d’abaisser l’intensité de ses émotions. Le but ultime est l’apprentissage d’une nouvelle façon de penser, plus proche de la réalité. Pour ce faire, le psychothérapeute propose différents outils d’auto-observation et de remise en question des soucis. L’idée générale est celle d’une démarche en deux temps: • 1er temps: l’analyse de la situation. La situation redoutée par la personne est-elle une situation actuelle et probable, ou bien une situation imaginaire? Est-elle modifiable d’une manière ou d’une autre? • 2e temps: l’action efficace. En fonction de la 1ère étape, la personne sélectionne les inquiétudes sur lesquelles il serait adapté de réfléchir (= celles qui présentent un danger réel) et essaie de définir quelle serait SA part d’action possible (= accepter, changer la situation, agir sur certains éléments seulement…). Ces deux temps sont schématisés sur la page suivante. Essayez de retrouver dans votre propre expérience des exemples qui pourraient illustrer cette conceptualisation. DOCUMENT 1 (PAGE 2) SCHEMA D’INTERVENTION SUR LES SOUCIS 1er temps: L'ANALYSE DE LA SITUATION Situation probable et actuelle, Non modifiable. Par exemple: Situation peu probable, voir imaginaire. Par exemple: Situation probable et actuelle, Modifiable. Par exemple: 2e temps: L'ACTION EFFICACE ACCEPTER la réalité lorsqu’elle ne peut être modifiée (= une action psychologique). Comment faciliter cette acceptation? LACHER PRISE. Se concentrer sur les problèmes actuels ou probables. AGIR CONCRETEMENT sur l’ensemble de la situation ou sur certains aspects seulement. DOCUMENT 2 J’APPRENDS À GÉRER MES SOUCIS Description de mon souci: ce que je me suis dit dans ma tête Anxiété en %? La situation redoutée est-elle probable maintenant? OUI / NON Probable bientôt? OUI / NON Si vous avez répondu OUI au moins une fois: la situation est-elle modifiable? Comment? Anxiété en %? • ACTIVITÉS DES MEMBRES … • ACTIVITÉS DES MEMBRES … • ACTIVITÉS DES MEMBRES … Cette rubrique s'était donné comme mission de mieux faire connaître les membres entre eux. L'idée était de profiter du journal pour se faire connaître, mais aussi pour connaître qui d'autre travaille dans des domaines proches, ou encore se faire une idée de qui fait quoi et où, afin p.ex. de mieux cibler des adressages … ou pour d'autres raisons encore !! Le thème choisi pour ce numéro était: Traitez-vous les troubles alimentaires par la TCC? Malheureusement, cette rubrique reçoit peu de contributions, et cette fois une seule expérience nous est parvenue. Cela signifie peut-être que la formule choisie pour nous permettre d'échanger nos pratiques et nos expériences n'est pas encore tout à fait au point … si vous avez d'autres idées, nous les recevrons avec plaisir et intérêt … merci d'avance !!! Voici donc le dernier "enregistrement" du micro-trottoir … ********** Je suis installée depuis cinq ans dans un centre médical où je collabore entre autres avec un médecin endocrinologue et une diététicienne. Mon arrivée avait été souhaitée pour améliorer le traitement des patients obèses de ce centre. Lors de mon installation en 1999, j’ai trouvé des collègues plutôt découragés par le faible taux d’amaigrissement de leurs patients… On comptait sur la TCC pour améliorer ce taux! Cinq ans plus tard ne crois pas que les choses aient beaucoup changé, mais les soignants sont moins déprimés! Mon intervention a surtout consisté à diminuer les attentes de mes collègues, à présenter l’hyperphagie boulimique comme une maladie chronique, à viser une stabilisation du poids de ces personnes plutôt qu’un amaigrissement spectaculaire, et à proposer des traitements pour la psychopathologie associée (anxiété, dépression). Côté technique, l’utilisation du fameux carnet alimentaire, lorsqu’elle est acceptée, est un outil psycho- éducatif de choix qui crée aussi un lien entre les différents intervenants puisque médecin, psychologue et diététicienne s’y réfèrent. Sensibilisée au traitement des troubles du comportement alimentaire lors de mon passage en psychiatrie de liaison, je traite également des jeunes femmes souffrant de boulimie nerveuse et d’anorexie. De manière générale, l’aspect structuré de la TCC est bénéfique pour ces patientes mais requiert chez elles une motivation élevée et une décision: se séparer de son symptôme. Lorsque la personne n’est pas prête pour une TCC (J’ai oublié de faire mon carnet alimentaire); c’est au psychothérapeute de l’aider à comprendre pourquoi et de reformuler avec elle le focus de la psychothérapie. Martine Dubosson Psychologue FSP Membre ordinaire ASPCo [email protected] ÉCHOS DE CONGRÈS, DE FORMATION, etc. ********** Atelier-retraite de Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT): Prévention de la rechute dépressive Organisé et dirigé par Lucio Bizzini, Guido Bondolfi et Zindel V Segal. Crêt-Bérard, Puidoux (VD), Du 17 au 22 août 2004 Le monde du silence … Autrefois, l’expression "le monde du silence" représentait selon l’émérite commandant Cousteau l’univers profond des océans. Après notre visite de Bari au 8e Congrès sur le Constructivisme1 et des Pouilles en 2003, cet autre cadre spirituel qu’est le cloître de CrêtBérard, proche de Lausanne, nous a récemment permis de nous rendre dans les plus profonds abîmes de l’âme (Kaufmann, 2003). En effet, ce cloître nous a plongé dans un esprit de recueillement dans la pleine conscience, en anglais "Mindfulness". A l’extrême entre l’ancrage dans l’infinité du cosmos, comme au sein de la plus grande densité d’un minéral. Mindfulness, vient de "mind" qui veut dire esprit et "fullness" qui signifie plénitude, totalité. Si l’on prend le bloc "Mindfull" on se rapproche encore davantage de la réalité sur cette pratique qui équivaut à "être attentif à …". A Bari, Jon Kabat-Zinn2 s’était prêté à une introduction de cette technique méditative empruntée à la spiritualité bouddhiste (KabatZinn, 1994). A Genève, Zindel Segal3 avait déjà présenté auparavant cette approche du traitement contre la dépression récurrente (Segal et al, 2002) qu’il est venu enseigner l'été passé à CrêtBérard. En ce moment, le Dr Bondolfi et son 1 Pour des échos de ce congrès, voir ASPCo-Info n°14, octobre 2003. 2 PhD, Center for Mindfulness in Medicine, Health Care, and Society University of Massachussets Medical School / USA. 3 PhD, Center for Addiction and Mental Health at the University of Toronto / Canada. équipe conduisent à Genève un programme groupal avec ce type d’approche. Sur un plan neurobiologique on a pu observer que les enregistrements électroencéphalographiques (EEG) de personnes entraînées au mindfulness révélaient une asymétrie cérébrale préfrontale en faveur de l’hémisphère gauche. De plus, dans cette étude on a relevé une amélioration de la défense immunitaire (Davidson et al, 2003). Ce résultat pourrait d’ailleurs être corrélé à celui d’une autre expérience, aux mêmes conditions de pleine conscience, où l’on a notamment mesuré une concentration sérique abaissée en épinéphrine et cortisol, deux hormones dites du stress qui affaiblissent la fonction immune. De plus, une forte augmentation des métabolites urinaires de la sérotonine (5-HT) chez les méditants suggérerait une élévation de 5-HT intracérébrale, évoquant ainsi un effet antidépresseur (Newberg et al, 2003). Une étude récente dans le Wisconsin/USA conduite avec des moines tibétains, grands pratiquants de la méditation, révèle par les rythmes gammas, très rapides (>30Hz), de l’EEG, témoins de l’activité mentale intense, qu’à long terme on observerait des modifications corticales frontales, pariétales et d’autres régions témoignant d’une synchronisation à longue distance entre elles et dont le degré d’activité reflèterait l’entrainement des sujets (Lutz et al, 2004). L’imagerie fonctionnelle est en passe de démontrer également qu’un travail en pleine conscience à long terme modifie durablement le métabolisme intracérébral dans des zones corticales précises (Newberg et al, 2001). Enfin, les laboratoires de la MIT aux USA portent aussi un grand intérêt à cette application et comptent la développer dans d’autres domaines que la dépression résistante comme le fait notamment le Dr Kabat-Zinn pour les patients souffrant de stress ou de douleurs chroniques. Depuis plusieurs années la Dresse Linehan intègre la technique dans un programme élargi avec les patients borderline. Le programme CARE dirigé par la Dresse Mc Quillan à Genève s’en est inspiré. En Californie, une expérience est en cours avec des enfants souffrant du syndrome d’hyperactivité et trouble de l’attention. A Seattle le Dr Marlatt expérimente un programme dans le domaine de l’addiction. Les techniques en pleine conscience pourraient s’appliquer à n’importe quel moment de la journée, n’importe où, mais pas n’importe comment. En réalité, conformément à notre neurobiologie cérébrale, il s’agit plutôt de trains de conscience qui durent de 1 à 10 secondes, 3 à 4 secondes en moyenne (Stern, 2003). Des thérapeutes et soignants francophones et italiens sont donc venus à Crêt-Bérard pour apprendre comment tirer profit des moments présents, et d’autres ont pu partager ou échanger les résultats obtenus auprès de leurs patients. En guise d’introduction dans le séminaire, Zindel Segal nous plonge dans un monde multidimensionnel où chaque détail compte. Ainsi nous faisons connaissance avec ce que certains appellent l’"effet fraise" et d’autres "l’exercice du raisin". Cela consiste à examiner un objet, ici un fruit, et de faire appel à toute sa sensorialité, comme si nouvellement arrivé sur Terre on l’observait, le ressentait, l’écoutait, l’humait, le goûtait pour la première fois de son existence. Contrairement à la tendance du patient dépressif chronique cet enseignement consiste à lui offrir la notion qu’un objet n’est pas qu’une vérité qu’il perçoit au premier regard. Mais que cet objet est au contraire multiple, variable selon les angles d’observation et les modalités engagées dans l’expérience et la quantité d’informations que l’on peut en tirer. Puis pour nous rendre plus profondément et longtemps dans le moment présent, en position assise sur une chaise ou par terre en tailleur, nous nous ancrons dans le flux inspiro-expiratoire de la respiration, découvrant, notant, accueillant les pensées, les images, les émotions, les souvenirs, les sons et les sensations, sans jugement. Ceci notamment dans un esprit de distinction entre pensées négatives et faits réels. Par exemple, dans un esprit de restructuration cognitive, une feuille morte est un fait et peut représenter l’automne mais n’est pas l’automne. Par extrapolation, dans son essence, elle incarne encore moins la mort au sens stricte bien qu’elle soit morte, contrairement au symbolisme que certains peuvent lui prêter et qui n’est pas réel. Ensuite, avec le "body scan" nous intégrons chaque partie du corps progressivement, tout en restant attentifs au ressenti d’un éventuel malaise proprioceptif, d’une sensation douloureuse ou tout autre perception sensitive que nous noterons au passage. De même, le "mindful walking" est une technique qui annonce que le mindfulness est applicable facilement partout. Elle consiste en une concentration seconde après seconde sur le mouvement lent de la marche comme si l’on voulait observer chaque détail du fonctionnement de l’articulation de la marche, pouvant donner l’impression d’astronautes marchant avec la gravité de la lune. Cette même technique est applicable pour n’importe quel geste quotidien. Aussi, l’avons nous mêmes appliquée au brossage des dents … collet après collet. Initialement, notre nature nous appelle plutôt à écouter les particularités des sons dans le silence comme dans le souhait de distinguer le chant d’un oiseau d’une forêt au crépuscule. Le poète allemand Goethe s’en est inspiré dans ses oeuvres. Puis avec davantage de pratique en pleine conscience on cherche à discerner les différents silences dans le brouhaha du monde, car lorsqu’on prête attention au silence extérieur, le silence intérieur se dévoile et la paix, le calme à l’intérieur de soi tendent à apparaître (Toll, 2000). C’est ainsi que se présente en quelque sorte le condensé du principe thérapeutique. Le lendemain d’un joyeux feu de camp, en fin de stage, le Zindel Segal a offert à chaque participant une petite pierre de couleur, de forme et de densité différente. Bien qu’uniques, le dénominateur commun de toutes ces pierres pourrait représenter en même temps la plénitude issue du Big Bang initial et l’incommensurable néant universel que cet événement originel a laissé derrière lui. Un univers infini qui se dilate puis se contracte alternativement comme la pleine conscience des mouvements respiratoires. Plus profondément, cela s’apparente à une invitation à la rencontre du renforcement de son autotranscendance chère à Cloninger dans son modèle des 7 dimensions de la personnalité (1999). A l’heure où le temps social a tendance à s’accélérer, le temps individuel tend au ralentissement. Comme si le corps réclamait à ce qu’on revienne au rythme qui lui est propre. Ainsi en respectant son rythme nous restons son conducteur. De plus nous savons aujourd’hui que l’expérience subjective du temps est tributaire de notre attention (Coull et al, 2004). En conséquence, prenons donc maintenant ce temps pour nous, laissons-nous immerger dans les mouvements lents et silencieux de notre respiration, et pendant quelques minutes fermons nos yeux*. Yves-Alexandre Kaufmann Membre Candidat ASPCo [email protected] * Dans un but de partage de notre pratique individuelle nous nous réunissons en séances de mindfulness entre thérapeutes à Genève tous les lundis entre 13h et 13h45 à la Consultation Jonction, 16-18 bd St Georges, 022 327 75 92. Ouverture à tous les soignants. Références Cloninger CB (1999). Personality and psychopathology. APA, Washington. Coull TJ & al (2004). Functional anatomy of attentional modulation of time estimation. Science, 303, 1506-1508. Davidson RJ, Kabat-Zinn J & al (2003). Alterations in brain and immune function produced by mindfulness meditation. Psychosom Med, 65(4), 564-570. Newberg AB, d’Aquili E & al (2001). Pourquoi "Dieu" ne disparaîtra pas. Sully, France. Newberg AB & Iversen J (2003). The neural basis of the complex mental task of meditation: neurotransmitter and neurochemical considerations. Medical Hypotheses, 61(2), 282-291. Kabat-Zinn J (1994). Wherever you go there you are. New-York: Hyperion. Kaufmann Y-A (2003). Les bâtisseurs du futur. ASPCo-Info n°14, 10-11. Lutz A, Ricard M, Davidson RJ & al (2004). Long-term meditators self-induce high amplitude gamma synchrony during mental practice. PNAS, 101(46), 16369-16373. Segal ZV, Williams JMG & Teasdale JD (2002). Mindfulness-Based Cognitive Therapy for Depression. New-York: the Guilford Press. Stern DN (2003). Le moment présent en psychothérapie. Paris: Odile Jacob. Toll E (2000). Le pouvoir du moment présent. Ariane, Canada. ********** "Diagnosis and treatment of PTSD: how to conduct prolonged exposure therapy" Séminaire de perfectionnement spécialisé ASPCo avec Edna FOA Genève, du 28 au 30 octobre 2004 Une fois encore, l’ASPCo nous a offert le privilège de participer à un séminaire de perfectionnement spécialisé donné par un enseignant exceptionnel. La présence, l’autorité bienveillante et l’attitude thérapeutique rigoureuse, mais aussi la grande simplicité, l’humanité et la gentillesse du professeur Foa m’ont vraiment beaucoup impressionnée. Le professeur Foa nous a transmis l’essentiel de son expérience concernant le traitement des états de stress post traumatiques (PTSD: posttraumatic stress disorder), et enseigné le protocole spécifique qu’elle a développé depuis une vingtaine d’années: la Prolonged Exposure therapy (PE), formation qu’elle dispense dans de nombreux pays. En introduction, elle nous a présenté de façon très clinique le diagnostic, l’épidémiologie et les études comparées des diverses thérapies existantes. Ce trouble extrêmement fréquent est largement sous diagnostiqué. Quelques chiffres éloquents: aux USA, le risque de vivre un événement traumatique (au sens du DSM IV: critical incident) durant la vie entière est de 60%. En moyenne, 10% des victimes vont développer un PTSD (le risque dépend notamment de la nature du traumatisme: 50% pour les victimes de viol, 3% pour celles d’une catastrophe naturelle); un cinquième seulement bénéficiera d’un traitement. On parle de PTSD aigu entre 1 et 3 mois après le traumatisme, et de PTSD chronique après 3 mois. Une évolution spontanément favorable est exclue si le trouble dure plus d’un an, et un traitement est alors indispensable. En effet, l’altération de la qualité de vie des patients est extrêmement significative, et 20% d’entre eux commettent un geste suicidaire. Au niveau de la prévention du développement du trouble, le professeur Foa insiste surtout sur l’importance dans un premier temps de parler de ce qui s’est passé dans le cadre socio-familial. Ces premières narrations permettent d’articuler les souvenirs (l’objectivité des faits est secondaire!). En revanche, en se basant sur les données de la littérature, Foa relève que le debriefing systématique est à éviter, il pourrait entraver le processus naturel de guérison spontanée. Deux à cinq semaines après le traumatisme, un programme de prévention de 4-5 séances hebdomadaires individuelles de TCC (CBT Prevention Program) comprenant essentiellement des informations sur le trauma et ses conséquences psychophysiologiques, de la relaxation et des exercices respiratoires, etc., semble efficace. Nous avons ensuite abordé le protocole de PE (Prolonged Exposure). La PE se déroule durant une dizaine de séances à raison de 1-2 séances de 90 minutes par semaine, complétées de tâches à domicile quotidiennes intensives. La thérapie s’articule autour de 2 axes: comportemental et cognitif. L’exposition, en imagination et in-vivo, représente la composante essentielle du traitement. Elle se situe quelque part entre une désensibilisation systématique (trop lente) et un floading (trop intense) et permet l’engagement émotionnel nécessaire. La dimension cognitive est abordée principalement à travers la psycho-éducation avec les informations sur le PTSD et les explications du traitement, mais aussi par la restructuration cognitive afin de modifier les cognitions erronées qui sous-tendent le PTSD (c’est le PTSD qui provoque les distorsions cognitives, pas le traumatisme). Le patient bénéficie aussi d’entraînement à la respiration et devient plus compétent dans la gestion du stress. Le professeur Foa insiste sur l’importance de bien suivre les étapes du protocole en fixant le cadre et le nombre de séances en début de thérapie. Les résultats sont généralement très satisfaisants, même si une exacerbation transitoire des symptômes n’est pas exclue durant quelques séances. Le patient est impliqué d’emblée dans une attitude active, et commence par remplir des questionnaires d’autoévaluation. Il reçoit un manuel pour les tâches à domicile, comprenant également des explications du traitement, des informations théoriques sur le PTSD (à faire lire également aux proches), etc. Les deux premières séances sont consacrées à la présentation du programme, discussion des procédures, psychoéducation sur le PTSD, entraînement à la respiration, récolte de données concernant le traumatisme, apprentissage de l’autoévaluation de l’anxiété (SUD: Subjective Units of Distress scale), lister et hiérarchiser les comportements d’évitements en vue des expositions in vivo et préparer les tâches à domicile. L’enregistrement audio de chaque séance doit être réécouté à domicile par le patient. De plus, dès la troisième séance, le patient va devoir raconter en détails le déroulement du traumatisme, durant 45 à 60 minutes, les yeux fermés, en parlant au présent. Cette exposition en imagination favorise la confrontation et l’habituation aux souvenirs, aux images et aux émotions liés au trauma. Cette partie spécifique est enregistrée séparément et sert pour les tâches à domicile où l’on demande au patient de pratiquer quotidiennement cette exposition en imagination, en réécoutant l’enregistrement. Les séances suivantes se déroulent sur le même modèle avec une focalisation sur les moments les plus pénibles (hot spots) lors des séances 6 à 9. La dixième et dernière séance est à nouveau consacrée au traumatisme dans son intégralité. Le patient peut ainsi progressivement se re-narrer son expérience. La répétition de la narration amène une diminution de la charge émotionnelle, favorise la ré-organisation du récit et le changement de signification ainsi que la diminution des cognitions dysfonctionnelles. Le patient retrouve le contrôle de ses souvenirs sans redouter qu’ils fassent irruption dans sa conscience de façon involontaire et fragmentaire. Les expositions in vivo permettent de réduire les craintes exagérées et les évitements, augmentant ainsi la compétence personnelle du patient. Les informations théoriques ont été enrichies de vidéos très émouvantes, et nous avons eu l’occasion de nous entraîner en duos dans des simulations de séances très didactiques. Ce protocole thérapeutique m’a vivement intéressée et semblé très efficace. Actuellement, pour des raisons d’organisation, il me semble difficile à appliquer dans ma pratique ambulatoire privée. Je m’interroge en outre sur le soutien et la disponibilité à offrir aux patients entre les séances durant cette thérapie à l’engagement émotionnel si intense. Véronique Favre Schlaepfer Membre ordinaire ASPCo [email protected] HOMMAGE Peu avant Noël, nous avons appris avec émotion, tristesse et incrédulité le décès de Nicole Reverdin, membre de notre Association dès sa création. Incrédulité, parce que Nicole Reverdin incarnait l'énergie, la créativité, le mouvement; bref la vie. Psychothérapeute respectée et recherchée, elle a été le témoin attentif de toute l'évolution de la psychiatrie genevoise. Elle a traversé les révolutions théoriques et institutionnelles, prenant le meilleur de chacune d'elles, dans un souci constant de parfaire sa pratique. Sa forte personnalité, son absence de préjugés et son humour réjouissant l'ont toujours accompagnée dans cette aventure. Nicole Reverdin aimait la vie et savait la cultiver. L'amitié, l'hospitalité, l'amour de l'art sous toutes ses formes, les voyages, le golf, la lecture, les plaisirs de la table, la musique, tout cela faisait partie de l'existence de Nicole Reverdin, dont le plaisir suprême était de le partager avec les autres. C'est un être généreux, original, vibrant et précieux qui nous a quittés. Françoise Bourrit, Membre ordinaire ASPCo ANNONCES DE CONGRÈS, FORMATIONS • Genève, (Ramada Park Hotel Cointrin), 6 avril 2005 Conférence/ateliers organisés par la Croix-Rouge suisse "Au-delà de la violence. Conflits violents, soins et processus de réconciliation". [email protected] ou [email protected] http://www.redcross.ch/activities/migration/news/news_html?newsid=065435261040Tagungsbroschüre • Sion (VS), 28 avril 2005 Stress, troubles de l'adaptation et travail 4ème Journée d'Etude de l'ASPCo, en partenariat avec la Clinique Romande de Réadaptation (CRR – SUVA) Avec P. Légeron, P.-A. Fauchère, C. Favre, L. Bizzini, R. Eiselé Inscriptions: [email protected] Info: [email protected] ou [email protected] • Canterbury (UK), 20-23 juillet 2005 Conférence annuelle de la BABCP www.babcp.com/canterbury/index_cant2005.htm • Göteborg (S), 13-17 juin 2005 5th International Congress of Cognitive Psychotherapy (IACP) in confluency with … IX World Congress on Constructivism [email protected] [email protected] www.congrex.se/ICCP2005 • Washington (USA), 17-20 novembre 2005 39th Annual Convention of the AABT www.aabt.org • Thessaloniki (Grèce), 22-25 septembre 2005 35ème Congrès de l’EABCT. CBT: the art of an integrative science [email protected] www.gacbp.com • Paris (F), 20-23 septembre 2006 36ème Congrès de l’EABCT. Patient and therapist creativity in psychotherapy www.eabctparis2006.com • Chicago (USA), 16-20 novembre 2006 40th Annual Convention of the AABT www.aabt.org • Barcelona (E), 11-15 juillet 2007 World Congress of Behavioral and Cognitive Therapies (EABCT) www.wcbct2007.com/ FORMATION ASPCo • Agenda des ATELIERS DE PERFECTIONNEMENT, premier semestre 2005 Responsable de la formation : Lucio Bizzini Département de Psychiatrie, HUG, 16-18, bd St-Georges, 1205 Genève e-mail : [email protected] DATES ¿ ENSEIGNANTS TITRES • 29.01.05 B C. Morin Traitement des troubles du sommeil • 19.02.05 B G. George TCC avec les enfants • 11/12.03.05 C J. Montangero Utilisation des rêves en TCC • 23.04.05 B Travailler avec les patients violents • 21.05.05 Z V. Schekter D. Roth D.N. Stern • 27/28.05.05 Y Troubles de la personnalité (en anglais) • 10/11.06.05 R • 11.06.05 B C. Padesky K. Mooney G. Arciero V. Di Liberto C. Cungi • 25.06.05 B 8ème Journée Clinique de l'ASPCo Présentations de cas Le moment présent en psychothérapie Comment intégrer l'approche constructiviste dans notre pratique clinique (en français) Le cannabis Légende des horaires … B C R Y Z SA 9h - 17h VE 14h - 18h VE 14h30 - 18h30 VE 9h - 17h SA 8h30 - 16h30 ? Comme habituellement, vous recevrez toujours à l'avance pour chaque atelier une info et le formulaire d'inscription ... Lieu Bâtiment les Champs, 2ème étage, Belle-Idée, Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) 2, ch. Du Petit-Bel-Air - 1225 Chêne-Bourg / Genève + + + … SA 9h - 16h SA 9h - 17h30 SA 9h - 17h suivi par l'AG ANNONCE (Lieu: la Seymaz) FCU – FCU – FCU – FCU - FCU – FCU – FCU– FCU – FCU – FCU – FCU – FCU • • Diplôme de Formation Continue Universitaire (FCU) en Psychothérapie cognitivo-comportementale Certificat de Formation Continue Universitaire (FCU) en Stratégies cognitives et comportementales de la relation thérapeutique LES INSCRIPTIONS SONT MAINTENANT OUVERTES! deadline au 20 mai 2005 Les informations détaillées sont à disposition sur le site de l'Université de Genève http://www.unige.ch/formcont/AAdiplomant/psy_psycogcomp_a_05_08.html En tant que membre de l'ASPCo vous allez recevoir une brochure de la formation. A vous qui souhaiteriez recevoir d'autres exemplaires ou des affichettes pour vous-même ou pour faire connaître cette formation autour de vous n'hésitez pas à contacter Vera Bizzini, coordinatrice de la formation. Elle vous les fera parvenir volontiers! [email protected] Le numéro d'octobre est traditionnellement consacré à la formation, et vous avez pu lire et apprécier les présentations de fin de formation ASPCo lors du dernier numéro. Un petit prolongement de ce plaisir ci-après avec une "séance de rattrapage". Notez aussi que Françoise Sironi (qui est citée dans cette présentation) sera présente à Genève en avril prochain (voir annonce à la page 17) lors d'un colloque organisé par la Croix-Rouge Suisse avec le concours de Caroline Schlar, qui est également membre de l'ASPCo … Elle est aussi citée dans le compte-rendu de formation concernant l'atelier de Edna Foa (voir page 15) ********** PSYCHOTHÉRAPIE COGNITIVO-CONSTRUCTIVISTE D’UNE PERSONNE VICTIME DE TORTURE ELEA: HISTOIRE D’UNE RÉFUGIÉE POLITIQUE EN SUISSE Sylvie Rombaldi psychologue FSP, Membre Candidate ASPCo 15, av. Trembley – 1209 Genève [email protected] Vignette clinique non publiée sur le site Vignette clinique non publiée sur le site Vignette clinique non publiée sur le site REVUE DE LA LITTÉRATURE ET PRÉSENTATION D'OUVRAGES Chers lecteurs, sentez-vous libres de continuer à nous faire parvenir des commentaires sur des lectures qui vous ont intéressé! Ils seront toujours les bienvenus … ********** "ALLO? JE SUIS DANS LE BUS! ET TOI, TU ES OÙ?" De quelques usages du téléphone portable… Josiane PRAZ Psychologue FSP, Membre ordinaire ASPCo 9, rue Schaub – 1202 Genève [email protected] Introduction Est-il déjà arrivé que le téléphone portable de l’un de vos patients se mette à sonner pendant une séance? Selon mon expérience, le patient s’excuse aussitôt et s’empresse de faire taire le gêneur. Il s’agit là de l’aspect intrusif de la sonnerie du téléphone. Je vais toutefois aborder ici deux autres aspects liés à l’usage d’un téléphone portable: l’irritation que l’on peut ressentir lorsqu’on est involontairement témoin d’une conversation, et l’usage d’un téléphone portable comme moyen de contrôle. Pourquoi ça nous énerve? L’idée de cet article est née de l’agacement que je ressens régulièrement dans les transports publics en entendant mon ou ma voisin(e) de siège s’exclamer fébrilement Je suis dans le bus! J’arrive!, ce discours passionnant adressé à un tiers invisible pouvant se poursuivre par de multiples considérations personnelles qui ne me regardent pas. Ces comportements perturbateurs peuvent être appréhendés avec le modèle de l’affirmation de soi: il s’agirait de comportements dits agressifs car ne tenant pas compte des besoins des autres. L’auditeur malgré lui est en effet ignoré en tant que personne pourtant bien présente, tout en étant placé en position d’intrus dans une conversation privée. Monk, Carroll, Parker & Blythe (2004) ont mené une recherche afin d’obtenir quelques réponses à la question: Pourquoi ça nous énerve? Ils ont ainsi mis en évidence le fait que, pour les témoins, les conversations de ce type sont significativement plus perturbantes que les conversations en face à face. Une hypothèse intéressante concernait un éventuel effet de nouveauté: ce phénomène étant relativement récent, il serait plus saillant et nous n’y serions pas encore habitués, contrairement aux conversations habituelles que nous avons appris à ignorer. Cette hypothèse ne peut pour l’instant être écartée, mais l’explication la plus intéressante concerne le fait qu’avec un téléphone portable, on n’entend que la moitié d’une conversation, ce qui constitue à la fois un brouillage des frontières entre espace public et espace privé, et une transgression des règles de la conversation, résultant en un sentiment de malaise et d’irritation chez le témoin. Cet effet est plus intense dans un endroit fermé (train) que dans un espace ouvert (arrêt de bus), le témoin involontaire pouvant moins facilement échapper à la situation. Dans la vie quotidienne, certains utilisateurs de portables s’éloignent d’ailleurs spontanément des personnes présentes lorsqu’ils reçoivent un appel. On notera par ailleurs que, dans la recherche mentionnée ci-dessus, la variable volume sonore de la conversation ayant été contrôlée, elle ne joue pas de rôle dans les résultats. Quant à la variable contenu des conversations interceptées, les chercheurs ne peuvent se prononcer, en raison d’un biais méthodologique. Cet aspect a par contre été examiné, dans une optique psychanalytique, par Hurni (2002), qui parle d’effraction dans l’intimité d’autrui, contraint à subir des paroles d’une consternante indigence (p. 292) qui l’empêchent de penser. Cet auteur évoque un discours vide, clamé à l’oreille du public, impliqué malgré lui dans l’intimité professionnelle ou familiale du téléphoneur. Le harcèlement téléphonique Hurni (2002) invoque par ailleurs une problématique de détresse abandonnique chez le téléphoneur, le téléphone portable offrant la possibilité d’être en permanence en contact avec ses proches. Cette nouvelle technologie permet par la même occasion à certaines personnes d’exercer un contrôle plus serré sur leurs proches. C’est ainsi que, dans ma pratique clinique, j’ai eu l’occasion de travailler avec une patiente qui avait équipé sa fille de onze ans d’un Natel afin de pouvoir la suivre à la trace, et avec un patient adulte harcelé téléphoniquement par sa mère tout au long de ses journées de travail comme de repos: Tu es où? Avec qui? Tu fais quoi? Dans les deux cas, il s’agit, de la part de la mère qui téléphone, d’une stratégie de contrôle à distance, que je qualifierais volontiers d’abusive. Les problématiques sous-jacentes à ces comportements sont toutefois différentes. En ce qui concerne la première mère, surprotectrice, elle craignait toujours qu’il arrive un malheur à sa fille (accident, agression, voire enlèvement), ceci dans le contexte d’une anxiété généralisée chez une personnalité histrionique. La croyance centrale était du type loin de moi, mon enfant est en danger. La fonction du téléphone portable était donc de la rassurer (comportement de sécurité), ceci au détriment de l’autonomie de sa fille. Celle-ci ne manquant pas de ressources, elle avait toutefois assez vite appris à ignorer les appels de sa mère, auxquels elle ne répondait que quand elle le voulait bien. Quant au deuxième cas, les besoins de tranquillité du patient n’étaient pas non plus pris en compte par sa mère, qui disait s’ennuyer et se sentir seule quand ses journées n’étaient pas ponctuées par des appels à son fils adulte. En conséquence, celui-ci se sentait coupable à l’idée de s’affirmer en faisant valoir ses besoins et en posant des limites aux comportements envahissants de sa mère. Soumis à une double emprise (culpabilisation et harcèlement téléphonique), il se sentait exaspéré et impuissant. Il présentait même des éléments de stress post-traumatique (hypervigilance, anticipation anxieuse de la sonnerie redoutée, évitement généralisé du téléphone). Ayant impérativement besoin de son portable pour son travail, il ne pouvait pas le débrancher. Sa stratégie de filtrage consistait à regarder le numéro de l’appelant avant de répondre. Lorsque celui de sa mère s’affichait (ce qui suffisait à l’exaspérer), il enclenchait le répondeur, mais sa mère insistait jusqu’à ce que, à bout de nerfs, il finisse par répondre, scénario que sa mère avait évidemment très bien enregistré. L’usage abusif du téléphone portable relève naturellement d’un problème relationnel, que l’on peut aborder dans une TCC avec nos techniques habituelles, tant pour l’usager que pour sa victime: travail sur les schémas, restructuration cognitive, et surtout affirmation de soi. La fonction relationnelle du téléphone portable peut toutefois être momentanément oubliée. Voici ce que m’a dit un jour un patient muni d’un téléphone portable dernier cri, avec appareil photo, machine à laver, etc. (j’exagère à peine…): A quoi ça sert d’avoir un téléphone, quand on n’a personne à appeler? Conclusions Le téléphone portable est bien entendu un instrument destiné à nous être utile dans notre vie privée et professionnelle. Avant d’être considéré comme dangereux pour les conducteurs, il a même été utilisé pour accompagner verbalement les patients lors de thérapies comportementales de phobies de la conduite ou d’agoraphobie (Flynn, Taylor & Pollard, 1992). Comme tout instrument de communication, tout dépend de l’usage que Drrrrriiiiiiiinnnng! Excusez-moi… heu… c’est mon téléphone fixe. Je n’ai pas de portable… enfin, pas encore … Références Flynn TM, Taylor P & Pollard A (1992). Use of mobile phones in the behavioral treatment of driving phobias. Journal of Behavioral Therapy and Experimental Psychiatry, 23 (4), 299-302. Hurni M (2002). Téléphone portable et exhibitionnisme. In M Hurni & G Stoll: Saccages psychiques au quotidien. Perversion narcissique dans les familles (pp. 289-294). Paris: L’Harmattan. Monk A, Carroll J, Parker S & Blythe M (2004). Why are mobile phones annoying? Behavior and Information Technology, 23 (1), 33-41. ********** "VAINCRE LES ENNEMIS DU SOMMEIL" Compte-rendu du livre de Charles Morin 4 Corinne TIHON IVANYI Membre Candidate ASPCo 4, ch. Castoldi – 1208 Genève [email protected] A la suite de l'excellent cours ASPCo que Charles Morin vient de donner le 29 janvier dernier sur la thérapie cognitive et comportementale de l’insomnie, Lucio Bizzini, enthousiaste, m’a demandé de faire un petit compte-rendu du livre intitulé “Vaincre les ennemis du sommeil”. C’est avec grand plaisir que je me suis mise à l’ouvrage car ce livre m’a été très utile lors de l’application pratique de la TCC de l’insomnie. ********** Si l’ouvrage de Ch. Morin a principalement une visée pratique, une grande partie de celui-ci est néanmoins consacrée à la présentation de concepts théoriques concernant le sommeil et ses troubles. En effet, quel que soit le lecteur (thérapeute désirant parfaire sa pratique clinique ou personne souffrant d’insomnie), une bonne connaissance du sommeil et de ses mécanismes est une part importante dans la résolution de ses difficultés. Après une présentation succincte mais précise de notions de base sur le sommeil, l’auteur introduit un des troubles les plus fréquemment rencontrés en clinique, à savoir, l’insomnie. Il distingue les différentes formes d’insomnie, illustrant ses propos par des exemples concrets. Dans ce même chapitre, il relate également les facteurs de risque, ainsi que l’impact de l’insomnie chronique sur le bien-être de la personne et, plus généralement, sur la société. Il conclut cette introduction théorique par un questionnaire permettant au lecteur de mieux situer ses difficultés de sommeil. Le chapitre 3 est consacré à la présentation de nombreuses causes de l’insomnie (notamment: troubles psychologiques, causes médicales, abus de substances ou prise de certains médicaments, causes environnementales). A la fin de ce 4 chapitre, l’auteur présente un excellent résumé du processus transformant les problèmes de sommeil occasionnels en insomnie chronique ainsi que le cercle vicieux de l’anxiété de performance et de l’insomnie. Dans le chapitre suivant, Ch. Morin explique les différentes évaluations et mesures communément effectuées dans un centre du sommeil permettant de détecter les divers troubles pouvant survenir lors du sommeil. L’auteur introduit ensuite la partie essentiellement pratique du livre par un survol des différentes facettes du traitement (résumant ainsi les 4 chapitres suivants) regroupées sous la forme d’un programme de gestion personnelle. L’auteur y insiste sur la notion de "perception d’efficacité personnelle, c’est-à-dire la croyance de posséder un certain degré de contrôle sur un problème particulier et ses conséquences. (…). Pour l’insomniaque, la croyance erronée que le sommeil est perturbé par quelque chose qui est hors de son contrôle, tel qu’un déséquilibre hormonal, mène inévitablement à un sentiment de désespoir et d’impuissance aggravant davantage les difficultés de sommeil." (p. 78). Un des buts primordiaux du programme présenté dans ce livre est précisément de briser ce cercle vicieux d’impuissance et de désespoir en enseignant au lecteur des techniques servant à surmonter son problème d’insomnie ou à composer avec celui-ci. Le programme thérapeutique commence réellement au chapitre 6 par un changement des mauvaises habitudes de sommeil. L’auteur y introduit, entre autres, certaines procédures mises en évidence par le Dr Bootzin (thérapie du contrôle par le stimulus) et par le Dr Spielman (thérapie de la restriction du sommeil). L’objectif du chapitre suivant est "de remettre en question l’évidence d’une relation causale Charles Morin (1997). Vaincre les ennemis du sommeil. Les Editions de l'Homme. directe entre les difficultés de sommeil et les séquelles ressenties durant la journée" (p. 128) en explorant les croyances et cognitions dysfonctionnelles à propos du sommeil, en les remettant en question et en les remplaçant par des pensées plus productives. Le huitième chapitre est dédié à la notion de stress dans la vie quotidienne et aux nombreuses techniques permettant de mieux le gérer (respiration profonde, méditation, affirmation de soi, etc.). Lors de la dernière étape du programme, l’auteur rappelle quelques notions essentielles à une bonne hygiène de sommeil. Le dernier tiers du livre est consacré à l’explication de la notion d’horloge biologique et de son influence sur l’individu, à la pharmacothérapie comme méthode actuellement privilégiée pour traiter l’insomnie ainsi qu’à une brève description des autres troubles du sommeil. Les deux derniers chapitres présentent finalement le sommeil chez l’enfant et chez la personne âgée. En conclusion, par une présentation théorique très concise de diverses notions appartenant au domaine de la clinique du sommeil, ainsi que par ses multiples conseils pratiques, ce livre offre une excellente compréhension de l’insomnie et permet à chacun de mettre en place une stratégie personnalisée de gestion de son sommeil. Corinne Tihon Ivanyi Membre Candidate ASPCo PARUTION RECENTE … PARUTION RECENTE … Pour tous les lecteurs qui sont à l'aise avec la langue italienne, voici un excellent ouvrage qui vient de paraître. Il traite du rêve et de psychothérapie. Et plus précisément, de l'utilisation de matériel onirique en psychothérapie cognitive. A Souligner aussi, le chapitre sur le travail en TCC avec le rêve chez la personne âgée, co-écrit par plusieurs membres de l'ASPCo: "L'uso del materiale onirico nella psicoterapia cognitiva dell'anziano" Par Rita Pezzati, Lucio Bizzini, Fabio Moser et Lusmila Myers-Arrázola TOC" (Editions Odile Jacob, 2000). PARUTION RECENTE … Voici maintenant, le manuel du thérapeute. On connaissait déjà son précédent ouvrage, un self-help précieux ("Je ne peux pas m'arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un Bonne lecture! Petite info: retenez le délai rédactionnel du prochain numéro 15 mai 2005 Adresse de contact ASPCo Secrétariat ASPCo Rédaction ASPCo-Info Roland Eiselé Président de l'ASPCo 5, ch. Malombré 1206 Genève Joana Iadaresta 38, Av. de Crozet 1219 Châtelaine Anna Zinetti Bertschy 4, ch. de la Ruite 1252 Meinier ( 022 789 01 56 ( + fax 022 796 39 82 [email protected] [email protected] www.aspco.ch [email protected] ASPCo-Info n°19 - numéro libre - février 2005 Sommaire Le mot du Président, par R. Eiselé ................................................................................................. p. 1 Contribution spéciale • Le trouble anxieux généralisé: une recherche d'outils thérapeutiques, par M Dubosson et A Souche ....................................................................................................... p. 2 Micro-trottoir, activités des membres … • Traitez-vous les troubles alimentaires par la TCC? ..................................................................... p. 11 Echos de congrès, de formations, etc. • "Atelier-retraite de Mindfulness-Based Cognitive Therapy (MBCT); avec Lucio Bizzini, Guido Bondolfi et Zindel Segal, à Crêt-Bérard (VD)", par Y-A Kauffmann ............................. p. 12 • "Diagnosis and treatment of PTSD, atelier ASPCo avec Edna Foa, à Genève", par V Favre Schlaepfer .............................................................................................................. p. 15 Annonces de congrès, formations • Congrès, formations ..................................................................................................................... p. 17 • Fomation ASPCo: ateliers de perfectionnement, premier semestre 2005..................................... p. 18 • Fomation ASPCo - Uni GE: Formation Continue Universitaire ................................................. p. 19 Présentations de fin de formation ASPCo • Psychothérapie cognitivo-constructiviste d'une personne victime de torture. Elea: histoire d'une réfugiée politique en Suisse, par S Rombaldi ............................................... p. 20 Revue de littérature et présentation d'ouvrages • "Allo? Je suis dans le bus! Et toi, tu es où?" De quelques usages du téléphone portable, par J Praz ..................................................................................................................................... p. 23 • Compte-rendu d'ouvrages: Ch. Morin "Vaincre les ennemis du sommeil" par C Tihon Ivanyi ........................................................................................................................ p. 25 Parutions récentes ........................................................................................................................... ASPCo … prochain délai rédactionnel ............................................................................................................... adresse de contact ASPCo ................................................................................................................ coordonnées du secrétariat ASPCo ................................................................................................... adresses de la rédaction ASPCo-Info ................................................................................................ Sommaire ASPCo-Info n°19 ........................................................................................................... www.aspco.ch p. 26 p. p. p. p. p. 27 27 27 27 28