université, église, culture

Transcription

université, église, culture
Fédération Internationale des Universités Catholiques
Centre de Coordination de la Recherche
UNIVERSITÉ, ÉGLISE, CULTURE
L’Université Catholique au Moyen-Âge
Actes du 4ème Symposium
Katholieke Universiteit Leuven
11-14 mai 2005
2007
2
© Centre de Coordination de la Recherche de la FIUC
21, rue d’Assas, 75270 Paris Cedex 06, France
Le Centre de Coordination de la Recherche
Pr Mgr Guy-Réal Thivierge
Directeur
Soc. Pedro Nel Medina Varón
Coordinateur scientifique
M. Damien Deneuville
Assistant de Recherche
Mlle Montserrat Alom Bartrolí
Secrétaire trilingue
ISBN : 2-911048-50-4
Traitement de Texte
M. Loïc Roche
Relecture
M. Loïc Roche
Composition
M. Loïc ROCHE
Le contenu de cette publication est de la responsabilité
exclusive des auteurs et n’engage pas celle de la FIUC
CONTENTS
INDICE
SOMMAIRE
Avant Propos
Pr Pierre Hurtubise, o.m.i.
page 7
Discours inaugural
Pr Jacques Verger
page 13
Profectus discipuli, gloria magistri
L’enseignement du droit canonique au Moyen-Âge
Pr Laurent Mayali
page 35
Les débuts du Livre de Sentences de Pierre Lombard comme
manuel de théologie à l’Université de Paris
Pr Claire Angotti
page 57
Le conflit entre séculiers et mendiants à l'université de Paris dans
les années 1250 : une affaire de pouvoir ?
Pr Jacques Verger
page 125
Charters as sources for the history of the foundation of the
University of Leuven, 1425-1427
Prof. Marc Nelissen
page 141
The Universities and the Great Councils in the 15th Century.
Theology and Canon Law and the effects of Learning in the Crisis
of the Late Medieval Church
Prof. Juergen Miethke
page 161
5
Commenter Aristote au XVe siècle
Typologie de quelques commentaires parisiens des années 1460–1480
Pr Paul Bakker
page 187
Frère Thomas d’Aquin, universitaire
Pr Adriano Oliva, o.p.
page 233
Ramon Llull y los Studia linguarum
Prof. Ignasi Roviró Alemany
page 269
Les matricules universitaires et le statut des Clercs à l’université
médiévale et seiziémiste
Pr Hilde De Ridder-Symoens
page 321
The Monastic Orders at the Medieval University of Paris: a
Prosopographical Analysis
Prof. Thomas Sullivan, o.s.b.
page 345
La vie religieuse des universitaires parisiens au Moyen-Âge
Pr Nathalie Gorochov
page 377
6
Avant-Propos
Pr Pierre Hurtubise, o.m.i
Université Saint-Paul, Ottawa, Canada
Les textes contenus dans le présent volume forment les Actes du
symposium tenu à Leuven du 11 au 14 mai 2005 dans le cadre du projet : Université, Église, Culture mis sur pied il y a une dizaine d’années par le Centre de coordination de la recherche de la FIUC, projet
portant sur l’histoire de l’université catholique depuis ses débuts
jusqu’à nos jours. Ce symposium était de fait le dernier d’une série de
quatre, les trois premiers ayant eu lieu à Ottawa (1999), Paris (2001)
et Mexico (2003).
Dans la logique du plan adopté au départ, à savoir : partir de la
situation présente pour remonter ensuite dans le temps, il avait été
décidé que ledit symposium se fixerait comme horizon la période
médiévale, c’est-à-dire celle qui, à partir du XIIe siècle, avait vu prendre forme l’institution qui allait s’appeler par la suite : université.
Période relativement mieux connue que certaines plus récentes en raison du nombre considérable de travaux, et de travaux de qualité
publiés depuis les cinquante dernières années surtout par plus d’un
spécialiste en la matière dont certains - et non des moindres - présents
au symposium de Leuven et dont on trouvera plus loin les contributions. Qu’on nous permette de signaler tout particulièrement ici celle
du professeur Jacques Verger paraissant en tête d’ouvrage et qui
brosse de main de maître un tableau d’ensemble de ce qu’était l’université médiévale dans ses rapports avec l’Église, la société et la culture du temps, tableau qui permet de mieux situer les diverses facettes de la réalité universitaire dont il sera question dans le présent
volume.
7
Ayant opté, comme cela avait été le cas à Paris et Mexico, pour une
approche plutôt thématique, les organisateurs du symposium de
Leuven avaient choisi de privilégier les quatre axes suivants : 1) l’université, lieu d’élaboration et de transmission des savoirs; 2) l’université, lieu d’affrontement des pouvoirs; 3) l’université, lieu de rencontre des cultures et finalement 4) l’université, institution d’Église.
Le premier axe regroupe deux contributions portant sur l’enseignement de la théologie et du droit canonique. Claire Angotti montre à
partir de l’examen systématique d’une riche série de manuscrits
conservés à la Bibliothèque Nationale de France comment le Livre des
Sentences de Pierre Lombard a fini par s’imposer au XIIIe siècle
comme manuel d’enseignement, à Paris tout d’abord, puis dans l’ensemble du réseau universitaire européen. Le professeur Laurent
Mayali, pour sa part, s’intéresse à l’enseignement du droit canonique,
discipline qui à l’époque attirait grand nombre d’étudiants aspirant à
une carrière d’Église à la hauteur de leurs ambitions. Il illustre à partir de l’exemple d’un certain nombre de maîtres, commentateurs des
Décrétales, mais surtout de Gratien qui était au droit canonique ce que
Pierre Lombard était à la théologie, comment étaient formés les canonistes du temps et comment surtout leurs maîtres visaient à leur transmettre, au-delà d’un certain nombre de connaissances et de règles
techniques indispensables, une vision de la société chrétienne inspirée
de la scientia canonica.
Le deuxième axe est composé de trois exposés illustrant, chacun,
un aspect ou l’autre des tensions que l’université vit à la même époque aussi bien à l’interne qu’à l’externe. Jacques Verger jette un
regard neuf sur le conflit opposant séculiers et réguliers à l’Université
de Paris au milieu du XIIIe siècle. Il montre en particulier qu’au-delà
des rivalités traditionnelles existant entre ces deux groupes, l’enjeu
majeur en était peut-être un de pouvoir, de pouvoir incarné par le
pape, d’une part, le roi, de l’autre, tous deux estimant avoir autorité
sur l’Université. Marc Nelissen s’intéresse, quant à lui, aux rapports
8
existant entre l’Université de Louvain et le Saint-Siège au XVe siècle,
rapports vus à travers toute une série de documents pontificaux relatifs à la fondation de l’Université par le pape Martin V en 1425. On y
constate que ces rapports sont plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord et que surtout ils impliquent toute une série d’intermédiaires intéressés représentant les autorités aussi bien laïques qu’ecclésiastiques de Louvain. Élargissant la perspective, le professeur
Miethke montre à travers l’exemple des grands conciles du XVe siècle
(Pise, Constance, Bâle), à quel point universités et universitaires pouvaient en temps de crise faire la démonstration de l’utilité «politique»
et «sociale» de leur savoir et, par le fait même, convaincre les autorités civiles et religieuses dont lesdites universités dépendaient de l’importance du rôle d’experts et de conseillers que leurs professeurs
étaient à même de jouer auprès d’elles. L’auteur se demande par ailleurs si la multiplication des universités à partir de la fin du XIVe siècle ne serait pas le résultat de cette prise de conscience de la part des
autorités en question.
Le troisième axe portant sur la rencontre des cultures et des savoirs
met en scène trois personnages ayant eu, mais de façon fort différente,
un impact sur l’évolution de l’université à l’époque. Le professeur
Paul Bakker s’intéresse à l’influence d’Aristote sur l’enseignement de
la philosophie, notamment à l’Université de Paris, mais pour une
période jusqu’ici peu étudiée : le XVe siècle. À travers quatre commentaires datant des années 1460-1480, il fait voir les liens rattachant
leurs auteurs aux traditions philosophiques des XIIIe et XIVe siècles et
montre comment ces mêmes auteurs posaient et résolvaient le problème des rapports existant entre philosophie et théologie. Le frère
Adriano Oliva, dominicain, nous présente, quant à lui, son lointain
confrère, Thomas d’Aquin, illustre théologien et, lui aussi, commentateur d’Aristote, mais vu à partir d’un angle inhabituel, soit celui de
l’universitaire au sens plein de ce terme, c’est-à-dire non plus seulement le professeur et le chercheur, mais le directeur d’études, le polémiste et le prédicateur. Ce qui nous vaut, entre autres, de très beaux
9
passages tirés des sermons de saint Thomas aux étudiants parisiens.
Tout autre le personnage que nous fait connaître le professeur Rovinó
Alemany. Car Ramon Llull (1232-1316) n’est d’aucune façon un universitaire : il est plutôt un homme d’action et, tout laïc qu’il soit, un
homme d’action hanté par un projet missionnaire, soit la conversion
des musulmans qu’il a connus à Majorque où il est né. Projet qui
l’amène à préconiser la création d’écoles ou de chaires universitaires
où se ferait l’apprentissage d’un certain nombre de langues orientales,
notamment celles parlées en terre musulmane. Le professeur Alemany
admet que Llull ne rencontra que peu de succès dans ses nombreuses
démarches auprès des papes, princes, voire universités du temps, mais
souligne le fait que le temps allait tout de même finir par lui donner
raison.
Le quatrième axe centré plutôt sur les personnes, en particulier les
clercs et religieux formant le gros des effectifs universitaires au
Moyen-Âge, regroupe trois contributions s’intéressant, l’une, à la
notion de clerc (clericus), notion ambiguë, mais néanmoins capitale
pour comprendre le caractère particulier de l’université à l’époque, la
seconde, à la présence des ordres monastiques à l’Université de Paris
et, la dernière, à la vie religieuse des étudiants parisiens à la même
époque. On aura vite constaté que la professeure Hilde de RidderSymoens, le frère Thomas Sullivan et Natalie Gorochov nous ont
fourni sur chacun de ces sujets des textes d’un grand intérêt et, par
bien des côtés, novateurs, textes qui, il faut le souhaiter, serviront
d’amorce à des recherches encore plus poussées sur chacun des sujets
en question.
Au terme de cette trop succincte présentation du contenu du présent volume, il ne nous reste plus qu’à remercier les onze auteurs y
figurant et à souhaiter bonne et fructueuse lecture à ceux et celles qui
auront le privilège de parcourir le bel ensemble de textes qu’ils nous
ont laissés.
10
Toute notre gratitude également à Mgr Guy-Réal Thivierge,
Secrétaire général de la FIUC et à ses dévoués collaborateurs et collaboratrices qui se sont chargés de l’organisation du symposium et
aux membres du Comité scientifique qui durant quelque deux années
ont travaillé à sa préparation.
Enfin, un merci tout spécial à l’Université de Leuven, en particulier à son vice-recteur devenu depuis recteur, le professeur Marc
Vervenne, de même qu’au professeur Jan Roegiers, chargé de l’organisation locale, pour l’accueil «princier» reçu de leur part et pour les
nombreux services rendus tout au long de notre rencontre, une rencontre marquant on ne peut plus magnifiquement la fin de la présente
série de symposia inaugurée à Ottawa en 1999.
Cette dernière aura-t-elle une suite ? Il est permis de l’espérer dans
l’intérêt des institutions membres de la FIUC, mais également de l’ensemble du monde universitaire.
Pierre Hurtubise
Directeur du projet
11
12
Conférence Inaugurale
Pr Jacques Verger
Université de Paris IV, France
Ouvrant le symposium de Paris en 2003, Gérard Cholvy avait mis
en exergue à son intervention cette formule de Mgr Baudrillart : «La
question des universités catholiques est née au XIXe siècle» 1. Ce rappel n'a pas empêché la FIUC de consacrer le symposium suivant, organisé à Louvain en mai 2005, au Moyen-Âge. Mais il nous oblige à nous
poser, à titre préliminaire, la question : y a-t-il un sens à parler d'«universités catholiques» pour la période médiévale, c'est-à-dire pour une
période où non seulement toutes les universités étaient, à l'évidence,
«catholiques» mais où la société elle-même était chrétienne de
manière, pourrait-on dire, totalitaire et où il n'y avait de place ni pour
la diversité confessionnelle, ni pour l'indifférence religieuse ou
l'athéisme, ni même pour ce que nous appelons aujourd'hui la laïcité.
On pourrait se débarrasser à peu de frais de la question en disant
simplement que l' «histoire des universités catholiques au Moyen-Âge»
s'identifie tout simplement à l'histoire des universités européennes en
général à cette époque et renvoyer aux nombreux travaux qui leur ont
déjà été consacrés 2. Mais on peut aussi penser qu'il vaut la peine de
s'interroger sur ce qu'a signifié, pour les universités médiévales, le fait
d'être des institutions d'Église, immergées dans une société unanimement chrétienne, tout en possédant - n'est-ce pas la définition même de
l'université ? - une certaine autonomie et en poursuivant au premier
chef les fins spécifiques, intellectuelles et sociales, qu'elles s'étaient à
elles-mêmes assignées.
C'est à cerner les implications générales de cette problématique,
13
dont des illustrations particulières seront ensuite fournies par les diverses contributions réunies dans ce volume, que sera consacré ce texte
inaugural.
L'université médiévale institution d'Église
Toutes les universités médiévales, à l'exception - et encore ! - de
celle de Naples 3, peuvent légitimement être considérées comme des
institutions d'Église. Fondées ou confirmées par une bulle pontificale,
elles étaient régies par le droit canon et tous leurs membres relevaient
de ce même droit canon, même si tous n'étaient pas, à proprement parler, des clercs 4.
Ceci dit, l'université est apparue relativement tard par rapport aux
autres institutions ecclésiastiques. Au même titre que les Ordres mendiants et l'Inquisition, avec qui, on le verra, elle entretenait de multiples rapports, elle ne date que du XIIIe siècle. Son émergence a donc
été directement liée, du point de vue institutionnel, au triomphe de la
papauté «théocratique» incarnée par Innocent III et ses successeurs
immédiats. Les universités médiévales n'étaient pas seulement des universités catholiques, c'étaient des universités pontificales qui devaient
à la faveur du Saint-Siège, outre leur existence même, leurs principaux
privilèges, leur statut juridique et leur position dans la société et le
monde chrétien de leur temps 5. La fameuse bulle Parens scientiarum
octroyée le 13 avril 1231 par le pape Grégoire IX aux maîtres et écoliers de Paris est sans doute l'expression la plus parfaite de la nature
essentiellement pontificale de l'institution universitaire et des multiples
implications - religieuses, intellectuelles, sociales - de cette situation 6.
Certes, les textes canoniques spécifiant ces implications autour des
notions de studium generale et de licentia ubique docendi mettront
encore quelques années avant d'être tous publiés et intégrés au Corpus
iuris canonici 7 mais, si on veut bien éviter les pièges d'un juridisme
étroit, il est clair que c'est dès le tout début du XIIIe siècle qu'un lien
non seulement étroit mais constitutif a existé entre la papauté et les pre-
14
mières universités qui naissent alors à Paris, Bologne, Oxford ou
Montpellier 8.
Ceci dit, une bulle pontificale ne suffisait pas pour créer une université ex nihilo et, en fait, il apparait que, sauf à risquer de rester lettre morte 9, l'initiative du souverain pontife devait s'appuyer sur une réalité préexistante, à la fois sociale et institutionnelle.
Réalité sociale, en ce qu'il fallait généralement, pour faire effectivement démarrer l'enseignement, un groupe déjà constitué de magistri et
de scolares, parfois laïcs (comme les juristes de Bologne ou les médecins de Montpellier), plus souvent clercs, dont la papauté jugeait désormais opportun de reconnaître officiellement l'existence et de favoriser
l'activité en les plaçant sous sa protection directe, en les dotant de statuts et de privilèges.
Réalité institutionnelle aussi, effective ou au moins virtuelle, en ce
sens que l'Église disposait depuis longtemps d'un cadre juridique pour
encadrer les activités d'enseignement, à savoir l'école cathédrale.
Quelques-unes des universités érigées par la papauté au XIIIe ou XIVe
siècle l'ont été sur la base d'écoles cathédrales préexistantes et actives
(ainsi à Salamanque, Orléans, Angers, etc.). Ailleurs, il est vrai, l'école
cathédrale n'existait pas (Bologne, Oxford, Cambridge, Montpellier)
ou est restée en marge de la fondation nouvelle (Paris, Toulouse), mais
il n'en demeure pas moins que l'évêque du lieu ou son écolâtre aurait
eu, au moins potentiellement, vocation à prendre en charge cette fondation dans le cadre du diocèse.
Autrement dit, la création des premières universités sous l'égide de
la papauté a quelquefois eu pour effet de faire entrer dans le giron de
l'Église des magistri et des scolares initialement apparus en dehors
d'elle, mais elle a plus sûrement encore abouti au dessaisissement de
fait de l'autorité épiscopale ordinaire d'une de ses prérogatives les
mieux établies - la supervision des écoles -, dessaisissement qui n'a pas
15
été, naturellement, sans protestations ni résistances, dont témoignent
par exemple les efforts persistants des évêques de Paris et des chanceliers de Notre-Dame pour empêcher l'émancipation de l'université et
maintenir l'ensemble des écoles parisiennes sous leur contrôle direct.
Ceci dit, si on examine de plus près les situations concrètes, on
s'aperçoit que ce dessaisissement des autorités ecclésiastiques locales
n'a pas été total et que le caractère pontifical de l'institution universitaire, quoique fortement affirmé dans les textes, restait bien souvent
quelque peu lointain et théorique. Plus que de dessaisissement, il faudrait sans doute parler de compromis. Car c'est bien à ces autorités locales que la papauté a délégué l'exercice courant de son pouvoir. Certes,
quand ils interviennent dans les affaires de l'université, l'évêque, l'écolâtre ou le chancelier le font désormais, en théorie, non plus au titre de
leurs droits ordinaires traditionnels, mais au nom du pape et dans les
limites fixées par celui-ci à sa délégation de pouvoir 10; certes, ils pouvaient toujours se voir désavoués ou contraints par une nouvelle bulle
pontificale (elle-même obtenue par l'université directement de Rome)
ou par un légat pontifical agissant sur place au nom du souverain pontife. Mais dans la pratique quotidienne, surtout en dehors des phases de
crise et des centres majeurs (comme Paris), ces interventions directes de
l'autorité suprême restaient rares ; en fait, les autorités locales ont
conservé l'essentiel de leur rôle et l'université elle-même trouvait son
compte à maintenir des liens étroits avec l'évêque et son chapitre, ainsi
qu'avec les autres églises et abbayes du diocèse ; l'usage des bâtiments
cathédraux ou conventuels, l'accès aux prébendes locales, la protection
quotidienne contre les mille tracasseries des pouvoirs laïcs étaient à ce
prix. En d'autres termes, beaucoup d'universités, malgré leur caractère
affiché de studia generalia pontificaux, ont longtemps gardé quelque
chose d'écoles cathédrales un peu émancipées mais toujours bien insérées dans le jeu des réseaux locaux de solidarité et d'influence 11.
Protection et garantie pontificales d'un côté, bonnes relations avec
les églises locales de l'autre, les universités médiévales avaient besoin
16
de cette double base, non dépourvue d'ambiguïté, pour assumer, vaille
que vaille, leur statut d'institutions d'Église.
Il est remarquable que ce statut, pour des raisons à la fois idéologiques et sociales sur lesquelles nous reviendrons, n'a jamais été remis en
cause par les universitaires eux-mêmes avant la fin du Moyen-Âge. Il
est clair qu'ils y trouvaient leur intérêt, pour ne pas dire leur légitimité.
Mais, en même temps, ils étaient soucieux d'affirmer et de défendre
l'autonomie - la libertas scolastica - qui était l'essence même de l'institution universitaire 12.
Ne revenons pas longuement sur la définition de cette autonomie 13 :
exercice de la potestas statuendi et droit d'exiger de ses membres un serment d'obéissance aux statuts ainsi définis de l'institution, liberté de
choix dans le recrutement des élèves et la cooptation des maîtres, liberté
dans l'organisation de l'enseignement et des examens, autorité disciplinaire sur les membres et suppôts de l'universitas.
À l'évidence, cette autonomie était aisément opposable aux autorités ecclésiastiques locales en cas de litige ou de conflit. Mais l'était-elle
à Rome, qui en était la source même et la garantie ?
Dès le milieu du XIIIe siècle, sinon plus tôt, il apparut, spécialement
à Paris, que l'autonomie universitaire était, à cet égard, fortement
menacée sur deux points.
D'abord, la maîtrise du recrutement (des élèves et des maîtres) : plus
encore que les efforts persistants des chanceliers pour peser sur les
jurys d'examen 14, l'expérience cruciale fut ici l'intervention vigoureuse
de la papauté pour imposer à l'université d'accepter en son sein les écoles des ordres religieux qui faisaient pourtant passer la fidélité à leur
Règle et à leurs visées pastorales propres avant le respect des statuts et
des nécessaires solidarités universitaires 15.
17
Ensuite, le contenu même des enseignements, dont la liberté se
trouva très vite entravée par le strict contrôle de leur orthodoxie ; que
la censure ait souvent pris à l'université la forme sournoise de l'autocensure, ne change rien à la réalité de cette contrainte brutale 16.
On en dirait autant du problème de la réforme. Au libre exercice de
la potestas statuendi se substituèrent bientôt des «réformations» plus
ou moins autoritairement imposées par des légats pontificaux, fût-ce
avec la connivence de certaines factions professorales 17.
Encore restons-nous là au sein de l'Église où personne, semble-t-il,
à partir des années 1230, n'a remis en cause l'existence même de l'université, même si on en malmenait parfois les privilèges et l'autonomie.
Plus sérieuses, du point de vue qui nous occupe ici, pourraient sembler
les sollicitations et les pressions dont les universités ont été l'objet de
la part des pouvoirs laïcs, royaux, princiers ou urbains, de manière toujous plus insistante au fur et à mesure que l'on approche de la fin du
Moyen-Âge 18.
Les pressions des pouvoirs laïcs ont porté spécialement sur deux
points.
D'abord, précisément, le caractère pontifical et donc «supranational» des universités, qui se traduisait par la portée universelle de leurs
privilèges et immunités, la validité également universelle de leurs
diplômes ( licentia ubique docendi ), l'ouverture de leur recrutement à
tous les fidèles sans acception d'origine. À cet universalisme chrétien,
les souverains qui, au même moment, renforçaient d'ailleurs leurs
moyens de contrôle sur leurs Églises nationales (naissance du gallicanisme et de l'anglicanisme), opposaient leur volonté d'intégrer les universités dans le cadre juridique et politique de leur royaume, tendant à
les soumettre à la règle judiciaire et fiscale commune et à limiter la
mobilité géographique des étudiants, en freinant aussi bien l'expatriation des régnicoles que l'afflux des étrangers 19.
18
Second point de friction, qui ressort clairement des chartes princières de fondation des nouvelles universités, les finalités mêmes de l'enseignement ; aux visées doctrinales et pastorales traditionnelles viennent s'ajouter, sinon se substituer, des objectifs ouvertement politiques :
contribuer à la prospérité du royaume et à la bonne marche de l'État en
fournissant aux princes des conseillers instruits et des serviteurs
dévoués et compétents 20.
Cette tendance à la «nationalisation» et à la politisation des universités est spécialement nette dans les universités nouvelles des XIVe et
XVe siècles, presque toutes de fondation princière ou urbaine, mais on
la voit aussi à l'œuvre - et, en définitive, sans rencontrer de grandes
résistances - dans les universités anciennes comme Paris ou Oxford 21.
Il est vrai, et ceci doit être souligné avec force, que cette évolution
n'a nullement impliqué une quelconque laïcisation ou sécularisation de
l'institution universitaire. Les princes n'ont remis en cause ni le caractère officiellement pontifical de l'université - une bulle de fondation ou
au moins de confirmation est toujours sollicitée 22 -, ni la dimension
cléricale du statut personnel des universitaires et de nombre de leurs
privilèges. Plus remarquable encore, les autorités laïques, tout en insistant sur les services qu'elles attendaient des universités, n'interfèrent
guère, même au XVe siècle, dans les contenus ou les modalités de l'enseignement. Les programmes traditionnels, d'essence universaliste,
fixés au XIIIe siècle, restent en honneur. Ni les disciplines nouvelles
utiles à l'État (comme le droit coutumier, les finances, les sciences de
l'ingénieur, etc.), ni les langues vernaculaires pourtant en plein essor, y
compris sur le plan politique 23, ne prennent pied dans l'université. Elles
restent affaire de pratique, dans les chancelleries, les bureaux et les tribunaux et, si elles sont parfois enseignées, c'est dans des écoles non
universitaires, laïques et vernaculaires, comme les Inns of Court
anglaises où futurs juges et avocats s'initient à la Common Law 24.
Bref, à la veille de la Réforme, les universités européennes étaient
19
encore fondamentalement des institutions d'Église, même si, dans les
faits, bien des aspects de leur fonctionnement quotidien étaient en voie
de laïcisation.
Enseignement universitaire et culture chrétienne
Par-delà la question du statut institutionnel des universités médiévales, venons-en maintenant au contenu même des savoirs que ces universités transmettaient - et, éventuellement, développaient. Naturellement, on n'imagine pas que, dans une société unanimement chrétienne, comme on l'a rappelé plus haut, ces savoirs aient pu être en
contradiction ouverte avec l'enseignement de l'Église. Mais si l'on y
regarde de plus près, on se trouve tout de suite en présence d'un paradoxe surprenant. Alors que les universités médiévales étaient, comme
nous venons de le montrer, des institutions d'Église et que tous leurs
membres appartenaient, peu ou prou, au monde des clercs, ces universités n'étaient nullement ce que nous pourrions appeler des écoles religieuses et elles ont toujours donné plus d'importance à l'enseignement
de disciplines «profanes» qu'à celui des sciences religieuses proprement dites.
Certes, ces sciences religieuses étaient présentes à l'université et y
occupaient même une place prestigieuse en termes de hiérarchie et de
préséances, mais elles étaient en fait très minoritaires. La théologie en
particulier n'a longtemps été enseignée qu'à Paris et Oxford, accessoirement Cambridge, et même lorsqu'après 1350 les facultés de théologie se sont multipliées, ce fut toujours, nous y reviendrons, avec des
effectifs modestes et souvent même dans une position marginale par
rapport au reste de l'université.
Présent dans la plupart des universités, le droit canonique attirait
certainement beaucoup plus de maîtres et d'étudiants, mais le prestige
intellectuel et social de cette discipline n'était sans doute pas toujours
aussi grand qu'on pourrait le penser 25 et, de toute façon, il laissait une
20
large place aux enseignements des facultés «profanes», arts libéraux et
philosophie, droit civil et médecine. Il s'agissait bien là en effet de disciplines «profanes», dans leur définition et dans leur contenu, d'origine
essentiellement antique, parfois enrichies d'apports arabes. Au XIIe siècle d'ailleurs, ces sciences avaient souvent émergé dans des milieux
laïcs (juristes bolognais, médecins salernitains et montpelliérains) et en
marge de l'Église qui n'avait d'ailleurs pas manqué d'en dénoncer le
caractère non seulement «profane» mais «lucratif» (pour le droit) ou
«mécanique» (pour la médecine) 26.
Il a donc fallu une véritable révolution intellectuelle pour que
l'Église se décide à prendre en charge - et donc à cautionner - ces enseignements, naguère tenus en suspicion, au sein de l'institution universitaire, tandis que, de leur côté, les spécialistes de ces disciplines acceptaient, sinon d'abandonner totalement leur mode de vie laïc, en tout cas
de se placer sous le contrôle institutionnel de l'Église. Mutation d'autant plus remarquable qu'au même moment cette même Église ne développait qu'avec parcimonie au sein de l'université les enseignements
proprement religieux comme celui de la théologie. On a déjà rappelé
qu'il n'y a longtemps eu de faculté de théologie réellement active et
réputée qu'à Paris, Oxford et Cambridge : pour le reste, la sacra doctrina s'enseignait essentiellement dans les studia des Ordres mendiants, extérieurs aux universités, sauf précisément - et encore ! - ceux
de Paris, Oxford et Cambridge 27. On peut s'interroger sur les causes de
cette situation paradoxale : crainte de la papauté d'une trop large diffusion de la théologie dans des universités que, du fait de leur autonomie,
ils contrôlaient moins bien que les studia mendiants ? Ou, plus simplement, pénurie de maîtres et d'étudiants séculiers ? La situation changera après 1350 avec la multiplication des facultés de théologie dans
les universités tant anciennes que nouvelles mais comme, en pratique,
ces nouvelles facultés s'identifieront souvent aux studia mendiants
préexistants désormais intégrés dans un cadre universitaire, ce changement sera plus formel que réel 28.
21
Reste à essayer de mesurer la signification et les conséquences de
ce partage disciplinaire quelque peu surprenant entre sciences sacrées
et sciences profanes au sein des universités médiévales.
Du point de vue de l'Église, on peut invoquer la volonté de conserver une sorte de monopole de l'enseignement et, plus largement, de la
culture savante, fermement revendiqué depuis le haut Moyen-Âge 29.
On peut aussi imaginer une répugnance à laisser libre cours à un développement autonome de disciplines profanes dont on pouvait craindre
qu'elles ne portent ombrage à la longue à la Révélation chrétienne ; il
était donc bon de conserver les moyens institutionnels de garantir l'orthodoxie ou au moins l'innocuité de ces disciplines profanes.
De manière plus positive enfin, on peut penser que dans la tradition
augustinienne du De doctrina christiana, l'Église a considéré qu'un
bon usage, dûment contrôlé, de ces disciplines profanes pouvait servir
au progrès des sciences religieuses elles-mêmes. La fécondation de la
sacra pagina par la philosophie, du droit canonique par le droit romain
est d'ailleurs chose trop connue pour qu'il soit besoin d'y insister 30 mais
qui confirme le bien-fondé de cette cohabitation, au sein de l'institution universitaire, des disciplines profanes et des disciplines religieuses. À condition cependant de se souvenir, nous y reviendrons dans un
instant, que cette cohabitation n'est jamais allée de soi et pouvait aussi
comporter ses dangers et susciter elle-même, chez les contemporains
comme chez les historiens postérieurs, débats et condamnations.
Avant d'en venir à ce point, interrogeons-nous sur les raisons qui
ont pu pousser les universitaires médiévaux, même les spécialistes de
ces disciplines profanes déjà mentionnées, à accepter, de manière quasiment unanime - au moins au regard de la documentation conservée la tutelle institutionnelle de l'Église. Ont-ils cédé à une pression sociale
et politique irrésistible ? Ont-ils trouvé commode et même, plus largement, naturel de se couler dans un système qui leur assurait à la fois
solidarité et entraide communautaires, encadrement religieux et litur-
22
gique 31, subsistance et perspectives de carrière (même si beaucoup
d'universitaires avaient aussi accès à des sources de revenus non-ecclésiastiques) 32 ? Quoi qu'il en soit, ils acceptaient, ce faisant, de se soumettre au contrôle de l'Église (tempéré, il est vrai, par l'autonomie universitaire et le recours possible au prince) et de conformer leurs enseignements et leurs écrits à une norme d'orthodoxie dont ils n'étaient pas
maîtres.
Tous les universitaires médiévaux n'ont pas vécu cette situation
avec une égale acuité. Si Etienne Gilson a pu parler de la «captivité
dorée» dans laquelle auraient été tenus les maîtres parisiens 33, soumis
au contrôle constant de la papauté, volontiers relayé par les régents les
plus conservateurs de la faculté de théologie, et sans cesse menacés par
la censure et l'excommunication, il en allait rarement de même dans les
autres universités médiévales. Les autorités ecclésiastiques y étaient
moins suspicieuses, l'absence ou la faiblesse de la faculté de théologie
laissait le champ plus libre aux maîtres de la faculté des arts (d'ailleurs
souvent moins portés aux hautes spéculations philosophiques que leurs
homologues parisiens), aux juristes et aux médecins. Condamnations
doctrinales et censures sont ici rares. Faut-il en conclure à la prudence
naturelle de maîtres routiniers et peu audacieux ? Penser au contraire
qu'ils ont bénéficié d'une réelle tolérance et d'une liberté intellectuelle
qui n'aurait en définitive été déniée, paradoxalement, qu'aux philosophes parisiens ? Qu'ils avaient su instiller dans leurs disciplines dites
«profanes», avec ce que cela impliquait de contraintes, une dimension
chrétienne suffisante pour satisfaire aux exigences de l'orthodoxie et
apaiser la vigilance des censeurs ? La grammaire, les sciences du quadrivium, le droit, la médecine étaient-ils devenus dans les universités
médiévales, des disciplines «chrétiennes» ? À cette question insuffisamment étudiée n'ont encore été apportées, à ma connaissance, que
des réponses partielles, voire contradictoires 34.
Contradictoires aussi sont en définitive, on le sait, les jugements
portés, depuis l'époque même, sur l'enseignement des universités
23
médiévales. Les critiques ne lui ont pas manqué, de Roger Bacon à
Pétrarque, de Lorenzo Valla à Rabelais 35. Aujourd'hui encore, les historiens balancent entre «réhabilitation», «ajournement» et condamnation. Certains saluent les grandes sommes théologiques et juridiques de
la scolastique, créditent l'université médiévale de réels progrès philosophiques ou scientifiques, sans que l'on sache toujours d'ailleurs si ces
réussites seraient imputables à une réelle liberté du travail intellectuel,
qui aurait pu se développer sous le couvert de contraintes assez formelles, ou à la synthèse harmonieuse, sous l'égide d'une papauté éclairée,
de la foi et de la raison, de la Révélation et de la science.
D'autres, en revanche, dénoncent les impasses et les blocages, incriminant pêle-mêle le verbiage et la sclérose pédagogique, le primat de
l'autorité livresque, l'absence de recours aux sources, l'indifférence à
l'expérience et à l'observation, etc. ; dans ce procès, certains mettent
évidemment en cause le poids écrasant de l'orthodoxie, l'immobilisme
du dogme, l'aveuglement des censeurs, la crainte pathologique de la
novitas et de la curiositas qui auraient condamné par avance idées nouvelles et recherches originales. Mais d'autres, comme jadis Pierre
Duhem36, pour ne pas remonter à Bacon, mettent plutôt en cause la
confiance aveugle faite à l'héritage gréco-arabe, la force paralysante de
l'aristotélisme, et regrettent que ce carcan profane ait en définitive
enfermé la liberté évangélique et le dynamisme de la foi dans les limites d'un pesant déterminisme philosophique.
À la différence des yeshivot juives et des madrasas musulmanes, les
universités médiévales n'ont pas été de simples écoles de sciences religieuses, mais elles ont sans doute imposé à l'ensemble des savoirs
qu'elles ont transmis, une marque chrétienne, plus ou moins discrète,
sur laquelle il est légitime de s'interroger aujourd'hui.
Le rôle de l'université dans l'Église et la société médiévales
Après les volets institutionnel et intellectuel, venons-en à la dimen-
24
sion sociale et politique de notre problème. Les universités, au MoyenÂge comme à toute époque, avaient pour rôle à la fois l'élaboration, la
conservation et la transmission des savoirs et la formation des hommes.
Pour l'Église et en particulier la papauté médiévale - les grandes
bulles du XIIIe siècle, de Parens scientiarum à Quasi lignum vitæ, l'affirment clairement 37 -, les universités étaient d'abord à leur service ;
c'était la juste contre-partie des faveurs et des privilèges octroyés.
Les travaux de prosopographie universitaire, quoique pas encore
assez nombreux, suggèrent déjà quelques hypothèses solides sur la
place et le rôle des gradués dans l'Église médiévale.38. Ces gradués
étaient, au total, relativement peu nombreux, même s'ils semblent toujours l'avoir été plus dans les rangs du clergé que dans ceux des officiers du prince 39. Parmi eux, les juristes - canonistes, civilistes ou diplômés in utroque jure - l'emportaient largement sur les théologiens ; les
titulaires d'une simple maîtrise ès-arts, titre assez répandu mais moins
prestigieux, sont plus difficiles à repérer. Peu nombreux, ces gradués
se concentraient évidemment dans les échelons supérieurs du clergé
tant séculier que régulier (Curie pontificale, épiscopat et milieux canoniaux, dirigeants des ordres religieux et monastiques) et dans certaines
fonctions techniques où leur compétence était requise (prédicateurs et
inquisiteurs, spécialement chez les Mendiants, lecteurs et professeurs,
officiaux).
Si l'Église médiévale était incontestablement attentive à la valeur
des grades universitaires, elle n'a cependant jamais été jusqu'à en rendre la possession obligatoire pour l'exercice de telle ou telle fonction
particulière et surtout, s'en tenant à une vision assez élitiste, elle n'a
jamais imaginé d'élargir l'action des universités jusqu'à leur confier la
formation de l'ensemble du clergé paroissial, ce qui ne sera réalisé,
laborieusement, qu'aux XVIe et XVIIe siècles avec la création des séminaires.
25
La papauté attendait aussi des universités, tout au moins des plus
grandes, Paris et Bologne, qu'elles contribuent à la formation de la doctrine, sans empiéter cependant sur l'autorité du magistère romain.40 On
leur demandait donc, notamment, comme on l'a dit plus haut, par le
recours aux textes et aux méthodes de la philosophie et du droit antiques,
d'adapter et de moderniser l'enseignement de l'Église pour mieux répondre aux attentes des contemporains. De dénoncer les erreurs doctrinales
des hérétiques, des Juifs, des Grecs schismatiques pour préparer l'action
répressive et missionnaire de l'Église 41. De proposer enfin, en commentant les textes bibliques et les décisions du magistère, un certain nombre
de normes de croyance et de comportement que l'autorité pourrait
reprendre à son compte ; d'où l'intérêt souvent noté des théologiens et
canonistes médiévaux pour les problèmes concrets de la pratique sacramentaire (pénitence et mariage), de la prédication, de la morale familiale
(sexualité), de la vie économique (usure, juste prix), etc.42
Il est cependant évident que, dès l'origine, les universitaires médiévaux ne se sont pas consacrés au service exclusif de l'Église. Peut-on
leur attribuer un goût pur et désintéressé de l'enseignement et de la culture, nous dirions aujourd'hui de la recherche ; c'est ainsi qu'on a souvent proposé d'interpréter à Paris le mouvement «averroïste» des
années 1260-1270 43 ; le débat reste ouvert et l'épisode demeure, en tout
état de cause, singulier, sinon marginal.
Il est en revanche évident que beaucoup d'universitaires, y compris
parmi ceux qui étaient clercs et disposaient de revenus ecclésiastiques,
ont très tôt regardé du côté du prince et de la société laïque ; leurs compétences multiples trouvaient aisément à s'y employer, soit comme
secrétaires, juges, officiers, soit, à titre privé, comme avocats, procureurs ou médecins. La demande sociale globale et celle des princes en
particulier n'ont fait ici que se renforcer à la fin du Moyen-Âge, d'autant qu'au service concret des hommes venait s'ajouter une précieuse
collaboration idéologique, requise avec insistance. L'université en
corps ou les universitaires à titre individuel se faisaient donc volontiers
26
conseillers du prince, grands pourvoyeurs de justifications philosophiques ou juridiques à l'émancipation de la sphère politique et au renforcement de l'État 44.
Comment l'Église a-t-elle vécu cette évolution ? Y a-t-elle assisté,
impuissante, comme à un dessaissement inévitable devant l'irrésistible
«naissance de l'esprit laïque», pour reprendre le titre d'un livre naguère
fameux 45 ? S'en est-elle accommodée, comme le suggèrerait telle boutade attribuée au pape Urbain V (1362-1370) 46, en considérant qu'elle
avait intérêt à garder globalement la main sur le processus éducatif,
même si elle n'était plus seule à en tirer parti, et qu'il restait bon, à tout
prendre, que même les serviteurs du prince et les lettrés à l'œuvre au
sein de la société laïque aient été formés dans et par des institutions
d'Église ?
Une dernière question, plus brûlante, se pose. L'université médiévale, quoique - ou parce que - institution d'Église, a-t-elle pu être foyer
de critique et de contestation, agent de la réforme, voire fauteur de
révolte ou d'hérésie ? L'histoire des universités aux XIXe et XXe siècles
nous pousse à ce genre d'interrogation, mais il est clair qu'au MoyenÂge, un tel phénomène n'a pu se produire que de manière assez rare,
sinon marginale. Les mécanismes de contrôle et de censure dont nous
avons déjà parlé, jouaient efficacement leur rôle et, de toute façon,
l'impression dominante qui ressort de l'histoire des universités médiévales - une fois mis à part les épisodes hauts en couleur mais anecdotiques des affrontements répétés, voire rituels, entre town and gown -,
est plutôt celle du conformisme religieux, social et politique d'hommes
plus avides d'être reconnus et écoutés que de remettre en cause un
ordre établi dont leur statut privilégié les faisait partie prenante.
Il est cependant possible de relever un certain nombre de cas, généralement liés à des conjonctures très particulières, où des universités
ou, en tout cas, des groupes substantiels d'universitaires, maîtres et étudiants mêlés, ont été au cœur d'hérésies savantes ou de mouvements
27
d'agitation religieuse ou de contestation politique.
La liste de ces épisodes mériterait d'être dressée. Je n'en citerai ici
que deux, relativement bien connus, tous deux liés au contexte troublé
du début du XVe siècle (Grand Schisme, mouvements laïcs de dévotion, guerres, affirmation des États et des sentiments nationaux, montée des langues vernaculaires). C'est à Oxford, la forte implantation du
mouvement «lollar» (mouvement évangélique de critique de l'Église
établie et de prédication populaire ) chez les jeunes maîtres et étudiants
en arts et théologie, dont vint cependant à bout, en 1411, une répression particulièrement brutale menée par l'archevêque de Canterbury
Thomas Arundel 47. C'est dans les mêmes années et les mêmes facultés,
à Prague, autour des figures emblématiques de Jean Hus et Jérôme de
Prague, un mouvement dissident, fondé lui aussi sur la prédication
populaire, qui stimula à la fois la réforme religieuse et la révolte nationale anti-allemande qui embrasèrent le royaume de Bohême pendant
toute la première moitié du siècle 48.
D'autres cas pourraient certainement être évoqués, qui confirmeraient que le rôle des universités médiévales dans la société de leur
temps ne s'est quand même pas ramené au service exclusif, éclairé
mais respectueux, de l'ordre établi.
Conclusion
Telles sont quelques-unes des réflexions que suggère une relecture
de l'histoire des universités médiévales vues comme institutions
d'Église au sein d'une société elle-même unanimement chrétienne,
mais traversée de tensions et conflits multiples.
Certaines de ces réflexions s'appuient sur des faits relativement
bien connus. D'autres appellent de nouvelles recherches. Aux exemples
classiques des grandes universités - Paris, Bologne, Oxford -, on aimerait ajouter des références empruntées à des institutions moins impor-
28
tantes ou plus récentes, saisies chacune dans son contexte particulier.
Le travail ne manque donc pas et la FIUC a certainement été bien
avisée de réunir un certain nombre d'historiens à Louvain pour les inviter à réfléchir sur les rapports entre université, Église et culture au
Moyen-Âge.
Notes
Cité p. 15 dans G. Cholvy, «La foi et la science sont-elles inconciliables ? Le
contexte intellectuel européen de 1815 à 1962», dans Université, Église,
Culture. Les Universités Catholiques dans le Monde ( 1815-1962), éd. par P.
Hurtubise, Paris, FIUC, 2003, p. 15-24.
2
Il suffit d'indiquer ici la plus récente synthèse : Universities in the Middle
Ages, ed. by H. de Ridder-Symoens (vol. I de A History of the University in
Europe), Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1992.
3
On sait qu'Ernst Kantorowicz considérait l'université de Naples comme la
première «université d'État» jamais créée en Europe ; ce jugement appelle
cependant quelques réserves qui portent tant sur le caractère proprement universitaire de la fondation frédéricienne que sur son aspect purement laïc et
étatique (voir J. Verger, «La politica universitaria di Federico II nel contesto
europeo», dans Federico II e le città italiane, a cura di P. Toubert e A.
Paravicini Bagliani, Palerme, Sellerio, 1994, p. 129-143)
4
Même si les statuts et privilèges universitaires emprunteront aussi au droit
romain (cf. P. Kibre, «Scholarly Privileges: their Roman Origins and Medieval
expression», American Historical Review, 59 (1954), p. 543-567).
5
Cf. W. Maleczek, «Das Papsttum und die Anfänge der Universität im
Mittelalter», Römische historische Mitteilungen, 27 (1985), p. 85-143.
6
Texte de Parens scientiarum dans Chartularium Universitatis Parisiensis, H.
Denifle et É. Châtelain éds., t. I, Paris, 1889, n° 79 ; commentaire dans P.R.
McKeon, «The Status of the University of Paris as Parens scientiarum»,
Speculum, 39 ( 1964 ), p. 651-675.
7
Sur la fixation progressive de ces deux notions, voir O. Weijers,
Terminologie des universités au XIIIe siècle (Lessico intellettuale europeo,
XXXIX), Rome, Ed. dell'Ateneo, 1987, p. 34-51.
8
Un bon exemple de ce juridisme excessif est donné par L. Halphen, «Les origines de l'Université de Paris», dans Aspects de l'Université de Paris, Paris, A.
1
29
Michel, 1949, p. 9-27, qui considérait que l'université de Paris n'était vraiment
constituée qu'en 1246, lorsque le pape Innocent IV lui reconnaissait l'usage du
sceau.
9
On peut citer, dès la fin du XIIIe siècle, des bulles de fondation de studia
generalia restées sans effet à Gray en Franche-Comté (1290) ou à Pamiers
dans le comté de Foix (1295).
10
Ce point a bien été mis en évidence par A.E. Bernstein, «Magisterium and
License: Corporate Autonomy against Papal Authority in the Medieval
University of Paris», Viator, 9 (1978), p. 291-307.
11
Je rejoins ici les remarques d'A.B. Cobban, «Reflections on the Role of the
Medieval Universities in Contemporary Society», dans Intellectual Life in the
Middle Ages. Essays presented to Margaret Gibson, ed. by L. Smith and B.
Ward, Londres, The Hambledon Press, 1992, p. 227-241.
12
Cf. J. Verger, «Les libertés universitaires en France au Moyen-Âge», dans
Les libertés au Moyen-Âge, Montbrison, éd. par la Ville de Montbrison, 1987,
p. 419-430.
13
Je renvoie ici à P. Michaud-Quantin, Universitas. Expressions du mouvement communautaire dans le Moyen-Âge latin (L'Église et l'État au MoyenÂge, XIII), Paris, Vrin, 1970.
14
Sur ce point, voir J. Verger, «Le chancelier et l'université de Paris à la fin du
XIIIe siècle», dans Id., Les universités françaises au Moyen-Âge (Education
and Society in the Middle Ages and Renaissance, 7), Leyde, Brill, 1995, p. 68102.
15
Voir plus loin dans ce même volume ma communication «Le conflit entre
séculiers et Mendiants à l'université de Paris dans les années 1250 : une affaire
de pouvoir ?».
16
Voir en particulier L. Bianchi, Censure et liberté intellecuelle à l'université
de Paris ( XIIIe-XIVe siècles ), Paris, Les Belles Lettres, 1999.
17
Cf. J. Verger, «Les universités françaises au XVe siècle : crise et tentatives
de réforme», texte de 1976 réimpr. dans Id., Les universités françaises au
Moyen-Âge, cité supra n. 14, p. 228-255.
18
Cf. J. Verger, «Université et pouvoir politique, du Moyen-Âge à la
Renaissance», dans Universidade(s). Historia. Memoria. Perspectivas, t. 5,
Coimbra, Comissâo organizadora do Congresso "História da Universidade",
1991, p. 11-23.
19
Cf. J. Verger, «Université et pouvoir en France au Moyen-Âge», dans
Universidad, Cultura y Sociedad en la Edad Media, S. Aguadé Nieto coord.,
Alcalá de Henares, Univ. de Alcalá de Henares, 1994, p. 35-52.
30
20
Voir les exemples allemands développés dans F. Rexroth, Deutsche
Universitätsstiftungen von Prag bis Köln (Beihefte zum Archiv für
Kulturgeschichte, 34), Cologne-Weimar-Vienne, Böhlau, 1992
21
L'intégration de l'université de Paris à l'ordre politique du royaume de
France a été bien étudiée dans S. Lusignan, «Vérité garde le roy». La
construction d'une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), Paris,
Publ. de la Sorbonne, 1999.
22
Et, semble-t-il, toujours accordée, éventuellement après que la papauté eut
obtenu telle ou telle modification de détail aux dispositions initiales.
23
La promotion politique de la langue vernaculaire à la fin du Moyen-Âge a
été bien mise en évidence dans S. Lusignan, La langue des rois au MoyenÂge. Le français en France et en Angleterre (Le nœud gordien), Paris, PUF,
2004.
24
Sur les Inns of Court, voir J.-Ph. Genet, La genèse de l'État moderne.
Culture et société politique en Angleterre (Le nœud gordien), Paris, PUF,
2003, p. 241-257.
25
Voir les intéressantes observations d'A. Gouron, «Le recrutement des juristes dans les universités méridionales à la fin du XIVe siècle : pays de canonistes et pays de civilistes ?», dans Les Universités à la fin du Moyen-Âge
(Université catholique de Louvain. Publications de l'Institut d'Etudes médiévales, 2e s., vol. 2), éd. par J. Ijsewijn et J. Paquet, Louvain, Institut d'Études
médiévales, 1978, p. 524-548.
26
Panorama des critiques émises au XIIe siècle contre les disciplines nouvelles dans S.C. Ferruolo, The Origins of the University. The Schools of Paris and
their Critics, 1100-1215, Stanford, Stanford Univ. Press, 1985.
27
Même en ces cas ( cf. supra n. 15 ), les studia mendiants jouissaient d'une
grande autonomie par rapport au reste de l'université, ce qui, a contrario,
devait limiter leur capacité à influencer les décisions de celle-ci.
28
Sur la question de la papauté et de l'enseignement de la théologie, voir J.
Verger, «La politique universitaire des papes d'Avignon», Annuaire de la
Société des Amis du Palais des Papes et des monuments d'Avignon, 77 (2000),
p. 17-29.
29
Rappelons ici le livre essentiel de P. Riché, Écoles et enseignements dans le
Haut Moyen-Âge. Fin du Ve siècle - milieu du XIe siècle, 3e éd., Paris, Picard,
1999.
30
Rappelons quand même l'ouvrage classique de P. Legendre, La pénétration
du droit romain dans le droit canonique classique, Paris, Imprimerie Jouve,
1964.
31
31
Rappelons que l'université offrait à ses membres un encadrement religieux
complet : messes quotidiennes et hebdomadaires, prédication, funérailles, etc.
32
Subsides familiaux, travaux de copie, préceptorat, procurations, consultations juridiques et médicales, offices princiers, etc.
33
E. Gilson, La philosophie au Moyen-Âge, des origines patristiques à la fin
du XIVe siècle, 2e éd., Paris, Payot, 1962, p. 397.
34
Voir quand même, par exemple, Medicine and Religion in the Middle Ages,
ed. by P. Biller and J. Ziegler, York, York Medieval Press, 2001.
35
Un aspect de ces controverses est bien étudié dans P. Gilli, La noblesse du
droit. Débats et controverses sur la culture juridique et le rôle des juristes
dans l'Italie médiévale (XIIe-XVe siècles), (Études d'histoire médiévale, 7),
Paris, Champion, 2003.
36
P. Duhem, Le système du monde, Paris, Hermann, 10 t., 1913-1959 ; voir en
particulier les t. V, p. 468-580 et VI, p. 3-122.
37
Parens scientiarum (13 avril 1231) et Quasi lignum vitæ (14 avril 1255) sont
publiées dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, éd. par H. Denifle et
É. Châtelain, t. I, Paris, 1889, n° 79 et 247.
38
Je résume ici les données que j'ai présentées plus longuement dans J. Verger,
Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen-Âge, Paris, PUF, 1997, p. 115125.
39
Rappelons d'ailleurs que parmi ces gradués au service du prince figuraient
de nombreux clercs qui poursuivaient parallèlement carrière d'officier et carrière ecclésiastique (cette dernière souvent commencée dès le temps des études) ; le recours à des hommes d'Église avait pour le prince des avantages bien
connus : garantie de compétence, moindre coût (puisque ces hommes disposaient de revenus bénéficiaux).
40
Ce n'est qu'à l'époque du Grand Schisme et des conciles de Constance et de
Bâle que certains universitaires ont pu aspirer à une sorte d'autorité souveraine
au sein de l'Église ( cf. R.N. Swanson, Universities, Academics and the Great
Schism (Cambridge Studies in Medieval Life and Thought, 3d s., 12),
Cambridge, Cambridge Univ. Press, 1979).
41
Rappelons par exemple le rôle de l'université de Paris dans la condamnation
du Talmud au temps de saint Louis (Le brûlement du Talmud à Paris, 12421244, éd. par G. Dahan, Paris, Éd. du Cerf, 1999).
42
L'essor de la théologie morale et sacramentaire à Paris a été bien mis en évidence par J.W. Baldwin, Masters, Princes and Merchants. The Social Views of
Peter the Chanter and his Circle, 2 vols., Princeton, Princeton Univ. Press,
1970 ; pour la période suivante, on attend la publication de la thèse inédite d'E.
32
Marmursztejn, Un «troisième pouvoir» ? Pouvoir intellectuel et construction
des normes à l'université de Paris à la fin du XIIIe siècle d'après les sources
quodlibétiques (Thomas d'Aquin, Gérard d'Abbeville, Henri de Gand,
Godefroy de Fontaines), Paris, EHESS, 1999.
43
Voir par exemple Fr.-X. Putallaz et R. Imbach, Profession : philosophe.
Siger de Brabant (Initiation au Moyen-Âge), Paris, Éd. du Cerf, 1997.
44
J. Verger, «Regnum et studium : l'université comme auxiliaire du pouvoir au
Moyen-Âge», dans Le pouvoir au Moyen-Âge. Idéologies, pratiques, représentations, dir. par Cl. Carozzi et H. Taviani-Carozzi (Le temps de l'histoire),
Aix-en-Provence, 2005, p. 297-311.
45
G. de Lagarde, La naissance de l'esprit laïque au déclin du Moyen-Âge,
Louvain-Paris, E. et B. Nauwelaerts, 1956-1963.
46
«À des gens qui s'étonnaient et lui demandaient pourquoi il œuvrait à tant
multiplier le nombre des étudiants et des clercs, de telle sorte que jour après
jour leur quantité allait croissant, Urbain V avec douceur et humilité répondait
qu'il était bon et désirable, qu'en tout cas il désirait, lui, que dans l'Église de
Dieu abondassent les gens qualifiés. Je conviens, poursuivait-il, que tous ceux
que je fais élever et à qui j'accorde des bourses ne seront pas des ecclésiastiques. Un certain nombre se feront religieux et un grand nombre resteront dans
le monde pour y devenir pères de famille. Eh bien ! quel que soit l'état qu'ils
embrasseront, même s'ils en venaient à exercer des professions mécaniques, il
leur sera toujours utile d'avoir étudié.», cité d'après P. Amargier, Urbain V. Un
homme. Une vie (1310-1370), Marseille, Soc. des Médiévistes provençaux,
1987, p. 102.
47
Voir The History of the University of Oxford, vol. II, Late Medieval Oxford,
ed. by J.I. Catto and T.A.R. Evans, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 175-261
48
Voir H. Kaminsky, «The University of Prague in the Hussite Revolution: The
Role of the Masters», dans Universities in Politics. Case Studies from the Late
Middle Ages and Early Modern Period, ed. by J.W. Baldwin and R.A.
Goldthwaite, Baltimore-Londres, The Johns Hopkins Press,1972, p. 79-106,
et O. Marin, L'archevêque, le maître et le dévot : genèses du mouvement réformateur pragois, années 1360-1419 (Études d'histoire médiévale, 9), Paris,
Champion, 2005.
33
34
Profectus discipuli, gloria magistri
L’enseignement du droit canonique au Moyen-Âge
Pr Laurent Mayali
University of California, Berkeley, Etats-Unis
«La Gloire du maître est le progrès de l’élève qui ne doit pas dissimuler la lumière de l’enseignement sous le boisseau, ni étouffer la
graine des mots, ni obstruer la source du savoir mais il doit la faire jaillir et la canaliser vers les autres». Ainsi s’exprime Bernard de Pavie,
évêque de Faenza dans la préface de sa Summa decretalium rédigée
dans la dernière décade du douzième siècle 1. La juxtaposition de ces
divers passages tirés des Ecritures souligne dans l’esprit de l’auteur
l’importance de l’enseignement dans la diffusion du nouveau droit
canonique et la formation des clercs. Malgré les devoirs de sa charge,
l’évêque n’oublie pas le professeur qu’il a été. C’est encore vers les
étudiants qu’il dirige ses pensées en mettant à profit le temps qu’il ne
consacre pas à son épiscopat pour rédiger ce commentaire qui leur est
destiné. Il est vrai que Bernard n’en est pas à son premier essai.
Quelques années auparavant, vers 1190, alors qu’il était prévôt de
Pavie, il avait «pour la gloire de Dieu et de la sainte église romaine, et
pour l’utilité des étudiants, … compilé dans plusieurs titres des lettres
extravagantes de l’ancien et du nouveau droit.» Cette compilation systématique, plus tard connue sous le nom de Compilatio Prima, compte
au nombre des premières œuvres consacrées à l’enseignement du nouveau droit d’origine pontificale introduit par un nombre croissant de
lettres décrétales dispensées par la papauté 2. Le succès de cette collection et de son commentaire signale une évolution doctrinale capitale.
Elle tient compte des mutations institutionnelles, amorcées dans cette
seconde moitié du douzième siècle, et consacrées au siècle suivant 3.
35
L’originalité des leçons dispensées par les nouveaux maîtres du
droit canon ne provoque pas un changement radical des méthodes
d’enseignement. Elles procèdent d’une tradition pédagogique commune aux différents savoirs représentés dans le studium médiéval.
Mais si les techniques de cet enseignement sont comparables, son
esprit répond à des soucis d’un autre ordre. La réception et l’interprétation des décrétales s’insèrent tout naturellement dans une activité
didactique qui en définit les principes directeurs 4. Elles s’opèrent donc
au sein d’un milieu académique qui constitue, avec les tribunaux ecclésiastiques, le lieu privilégié dans lequel ce nouveau droit affirme son
originalité et acquiert une autorité qui lui est propre 5.
Quand Bernard décide de rassembler les nouvelles décrétales, l’enseignement du droit canonique est déjà solidement établi. Presque un
demi siècle auparavant, la parution du Décret de Gratien dans les
milieux proches du studium bolonais avait signalé l’essor d’une
science du droit canonique qui se distinguerait rapidement du droit
romain et de la théologie. Comme son titre «Concorde des canons discordants» l’indique, l’exégèse des textes disparates rassemblés et harmonisés par Gratien engendre un vaste corpus de doctrines juridiques
où se confirment la forme et la substance du droit de l’Eglise. Le succès de cette collection dont l’auteur, lit-on dans la Summa Parisiensis
rédigée vers la fin des années 1160, est connu par antonomase comme
le «Maître» 6, participe de ce profond mouvement de renaissance intellectuelle qui bouleverse les milieux académiques dans les écoles de la
chrétienté. Dans cette perspective, le décret de Gratien et les compilations de lettres décrétales pontificales ne sont pas reçus comme de
simples recueils de règles et de principes juridiques ni comme des
catalogues d’informations pratiques dispensées par un enseignement
ex cathedra à l’usage des clercs. Ils s’inscrivent aussi dans une vision
didactique du savoir juridique dont la valeur et la finalité ne se mesurent pas à la simple construction d’un système normatif, mais sont
comprises dans la perspective plus large d’une éducation chrétienne
conçue en conformité avec le plan divin.
36
L’importance accordée par les canonistes à l’enseignement des
canons répond donc à une double exigence qui demeure constante
jusqu'à la fin du Moyen-Âge. Il s’agit, d’une part, d’assurer la formation de clercs dont le gouvernement de l’Eglise requiert un nombre
croissant et, d’autre part, d’intégrer ce nouveau savoir juridique dans
la vision d’une société chrétienne harmonieuse où l’homme peut
trouver la voie de son salut. A la dimension juridique et institutionnelle s’ajoute aussi le rappel d’une mission pastorale dans une
conception de l’ordre canonique où les docteurs prennent soin de ne
pas dissocier salut de l’âme et la raison d’état. C’est ainsi que l’entend notamment, un siècle après Gratien, Henri de Suze futur cardinal
d’Ostie lorsqu’il s’adresse aux étudiants du studium parisien : «Il y a
deux genres d’hommes, les laiques et les clercs, et deux genres de vie,
la vie contemplative et la vie active. Et deux genres de savoirs, le
savoir divin et le savoir civil comme le note le Décret à la cause 22
quaestio 1, Duo sunt. Mais nous pouvons sans aucun doute ajouter un
troisième genre né de la fusion des deux autres, un genre placé au
milieu et au cœur des deux autres comme les clercs séculiers que nous
sommes, de ce troisième genre procède un troisième savoir qui mêle
le spirituel et le temporel et c’est pourquoi les Decreta comprennent
aussi bien les écrits des Saints Pères que les lois».
Avec Gratien s’impose aussi une méthode critique d’analyse des
multiples sources de la tradition normative de l’Eglise. Suivant
l’exemple du “maître”, les doctores decretorum des générations suivantes peuvent ainsi réduire et interpréter les contradictions inhérentes à l’accumulation tout au long de plusieurs siècles de textes d’origines très diverses. Ils posent, ce faisant, les principes fondateurs
d’une pensée juridique originale qui élargit et consolide les acquis initiaux de la Réforme grégorienne tout en contribuant à la création et au
développement d’institutions indispensables au gouvernement de la
société chrétienne 7. Avec la multiplication rapide des gloses et commentaires, l’harmonisation initiale des sources textuelles s’étend
naturellement, en l’espace d’une ou deux générations, à la masse
37
d’opinions et d’annotations produites par le zèle pédagogique des premiers glossateurs. La rédaction de la glose ordinaire au Décret par
Jean le teutonique permet, dans un premier temps, d’apporter un peu
d’ordre dans cette pléthore doctrinale et souvent brouillonne. Cet
effort de mise en ordre «pour l’utilité commune de tous ceux qui étudient le droit canonique» nous dit Barthélémy de Brescia 8, ne freine
pas pour autant le rythme de production des commentaires. Or l’exégèse des textes, comme l’observe quelques décades plus tard
Gottofredo da Trano dans la préface de sa Somme au Liber Extra, participe principalement d’une activité d’enseignement. C’est pourquoi
la «diversité des gloses ne doit pas contribuer à obscurcir la compréhension des textes, brouiller l’esprit des étudiant et émousser leur
intelligence en plongeant le lecteur dans une sorte de labyrinthe» 9.
Cette opinion est partagée par Sinibaldo Flisco, le futur Innocent IV,
qui voit dans cette masse désordonnée de commentaires une source de
confusion 10.
C’est ainsi qu’en dépit d’un vaste corpus de sources disparates, le
droit canonique prend définitivement forme au sein de l’université
médiévale qui constitue la matrice intellectuelle où il accomplit sa
gestation 11. C’est dire l’importance de l’enseignement dans le développement d’une «scientia canonica» 12. Elle donne au droit de
l’Eglise ses traits distinctifs et lui permet ainsi de s’affirmer comme
un savoir systématique et universel aux confluences de la théologie,
de la philosophie et du droit romain. A cet égard, rappelons que l’influence de la Compilatio Prima s’étend au-delà des textes qu’elle rassemble 14. Elle introduit aussi une nouvelle approche systématique du
droit. Bernard de Pavie opte, en effet, pour un plan en cinq livres dont
le modèle demeure inchangé dans les compilations successives et
leurs nombreux commentaires pendant plusieurs siècles jusqu’à la
promulgation du code de droit canonique en 1917. L’utilité de cette
division du droit canon se révèle pleinement dans le cadre de son
enseignement dans la mesure où elle fournit une structure simple et
compréhensible pour une exposition exhaustive des règles et des ins-
38
titutions de l’Eglise. Ce souci constant pour l’enseignement et la
transmission du savoir juridique n’est pas uniquement partagé par les
maîtres mais préoccupe aussi la papauté. Il est vrai que les papes du
treizième siècle ne peuvent ignorer son importance dans la diffusion
des nouvelles doctrines et la formation des clercs. Avec la promulgation du Liber Extra en 1234, Grégoire IX s’adresser directement aux
maîtres et étudiants des universités de Bologne et de Paris. L’autorité
de cette nouvelle compilation due à la diligence de Raymond de
Peñafort, est certes universelle. Elle s’étend à toute la chrétienté et
s’appuie sur l’autorité du souverain pontife. Elle s’impose aussi aux
collections antérieures mais Grégoire prend un soin particulier à fixer
les règles et les limites à son interprétation tant il est vrai que son destin et son succès dépendront pour une part non négligeable de l’accueil que lui réservera l’université. Dans cette optique la Bulle Rex
Pacificus définit aussi un programme et une méthode d’enseignement
sans lesquels le nouveau droit canonique ne pourrait pleinement
s’imposer 15.
L’histoire du droit canonique médiéval a reçu une nouvelle impulsion avec la publication du «Repertorium der Kanonistik», par
Stephan Kuttner, en 1936 16. Depuis lors, notre connaissance des
œuvres manuscrites produites pendant un siècle d’enseignement de
Gratien à la promulgation du Liber Extra par Grégoire IX s’est considérablement accrue même si le programme de recherche initialement
fixé par cette «juristic philology» n’a pas produit tous les résultats
espérés 17. Une édition moderne du décret de Gratien qui permettrait
de corriger les erreurs de l’édition Friedberg est sans doute improbable en raison de l’énormité de la tâche. Mais en l’état actuel de la
recherche, la controverse sur les étapes de la rédaction de cette œuvre
monumentale a renouvelé les termes de la discussion entamée lors du
premier congrès consacré à Gratien en 1952 18. Les conclusions d’ores
et déjà avancées par les recherches consacrées à la tradition manuscrite non seulement éclairent d’un jour nouveau les modalités de la
composition du Décret 19 mais nous offrent aussi des informations iné-
39
dites sur les conditions dans lesquelles s’élaborent les éléments précurseurs d’une pensée juridique originale 20.
Force est de reconnaître, cependant, que les circonstances qui président à la naissance de cette scientia canonica demeurent mal
connues et de larges zones d’ombre subsistent dans la représentation
des mutations intellectuelles qui président à son développement. Ces
lacunes ne sont pas simplement dues à des sources incomplètes et difficilement accessibles mais résultent aussi en partie de diverses
erreurs de perspectives qui ont jusqu’ici contribué à en brosser, par
une sorte de perspective en trompe l’œil, un portrait peu ressemblant.
Une première erreur découle de la nature complexe d’une doctrine
canonique qui s’efforce de concilier les impératifs parfois contradictoires du for externe et du for interne. Ce dualisme, dénoncé parfois
comme duplicité par les théologiens et les civilistes médiévaux, s’intègre difficilement, de nos jours, dans les catégories rigides du positivisme juridique qui gouvernent trop souvent notre conception d’un
système de droit. Dans la seconde moitié du douzième siècle et tout
au long du siècle suivant, les contours du paysage académique qui se
dessine progressivement sous nos yeux, révèlent une complexité et
une diversité qui nous forcent à réviser certains jugements et à nuancer la conception du droit canonique médiéval qui repose trop souvent
sur un modèle fortement romanisé de l’utrumque jus 21. Dans cette
optique, le droit canonique a souvent souffert, malgré certaines études
d’exception 22, de la comparaison immanquablement établie avec le
droit romain et la théologie 2 3. Tout se passe comme si, aux yeux des
modernes, la science canonique se montrait incapable de s’émanciper
de la tutelle pesante de ces deux disciplines qui se partagent respectivement le champ intellectuel délimité par les rapports du spirituel et
du temporel. En conséquence, le portrait historique du canoniste
tombe trop souvent dans une description caricaturale d’un homme
d’Eglise qui n’est ni théologien 24, ni juriste 25, mais une sorte d’espèce
hybride qui combinerait plus les défauts que les qualités des savoirs
auxquels il emprunte la majeure partie de ses connaissances.
40
Le droit canonique tel qu’il se construit dans les écoles parfois
éphémères n’est ni un droit romain édulcoré par quelques principes
religieux ni une théologie appliquée aux questions temporelles 26.
Certes, la confusion sur la nature de ce droit n’est pas récente. Elle
provient sans doute en partie du mystère qui entoure la rédaction du
Décret où Gratien semble avoir poursuivi des intérêts parfois contradictoires.27 Son silence sur sa méthode et ses buts, l’absence d’une
préface ou d’un accessus ad auctorem incitent les suppositions et les
hypothèses pratiquement dès la parution de son œuvre monumentale.
Cette ambiguité a encouragé une tradition de scepticisme dont les
premiers décrétistes étaient déjà très conscients 28. C’est pourquoi,
quand Etienne de Tournai présente sa Somme au Décret aux environs
de 1160 29, il se sent obligé de se justifier devant les lecteurs qui pourraient s’interroger sur la nature de son œuvre. «J’ai invité» écrit-il
«deux hommes à un banquet, un théologien et un juriste dont les goûts
divergent vers des désirs différents car l’un est charmé par des choses
salées et l’autre préfère les choses sucrées. Que dois je leur offrir, que
dois je ne pas leur offrir ? Dois je leur refuser ce que l’un ou l’autre
demande ?» 30 Ces questions expriment un doute profond qui n’est pas
simulé pour des raisons purement rhétoriques. L’attention particulière
accordée par Etienne à son introduction traduit chez notre canoniste
la conscience d’être détenteur d’un savoir différent qui n’est pas le
simple produit de la somme des deux autres, théologique et juridique.
« Si je propose de discuter des lois qui sont contenues dans le présent ouvrage, celui qui est expert en droit le supportera avec difficulté.
Il froncera le nez, secouera la tête, pincera les lèvres et ce qu’il considère connu de lui il croit qu’il n’est pas nécessaire de le dire aux
autres. Si je décide de raconter les actions sacrées des Pères de
l’Ancien et du Nouveau Testaments, un théologien considèrera mes
remarques inutiles et accusera notre petite œuvre à la fois de prolixité
et d’ingratitude. Faisons les descendre d’un niveau, joignons les en un
sain accord, faisons leur payer le coût d’une chose utile, que le théologien ne rejette pas les lois au nom de l’histoire sacrée et que celui
41
qui est expert en droit n’écarte pas avec l’arrogance des lois ce qui
est inclus dans l’histoire sacrée. Je demande pardon pour ma prolixité
bien que je serais incapable de traverser l’océan en l’espace d’une
heure ou de faire le tour de la terre en une seule enjambée ». Le festin qu’Etienne se propose de nous offrir comporte donc des mets nouveaux qui peuvent heurter le goût de convives habitués à des saveurs
plus traditionnelles. Mais si les recettes sont nouvelles, la base de
cette cuisine juridique repose, en définitive, sur des ingrédients
connus de tous. Seuls changent l’art et la manière de les accommoder,
de les concilier sans pour autant les dénaturer, pour servir un repas qui
puisse séduire des gourmets exigeants et les faire asseoir à la même
table. C’est précisément dans ce savoir faire que réside l’art du canoniste et la fortune de son enseignement 31. Le projet d’Etienne est sans
doute ambitieux mais son succès confirme l’importance de ce nouvel
apport doctrinal dans la construction de l’ordre juridico-politique
médiéval. Les canonistes des siècles suivants ne renient pas cet héritage intellectuel. D’Etienne de Tournai à Huguccio, d’Hostiensis à
Jean d’André 32, tous partagent en définitive les mêmes convictions
malgré des opinions parfois divergentes et en dépit des siècles qui les
séparent 33. Cette unité intellectuelle est certes favorisée par la constance
de leur foi et la permanence des institutions ecclésiastiques 34. Il
convient de ne pas sous-estimer la part prise par un enseignement
fondé non seulement sur l’harmonisation des textes mais aussi sur la
recherche d’un juste équilibre entre la vie spirituelle et l’ordre temporel 35. Dans cette optique, «la scientia canonica comprend l’ensemble
du droit qu’il soit divin ou humain, privé ou public. Et c’est pourquoi
notre science» ajoute Henri de Suze «n’est pas purement de la théologie ni du droit civil mais elle participe des deux à la fois et mérite son
propre nom de canonique de même que l’emphytéose [bail à longue
durée] n’est ni une vente ni une location mais un contrat qui participe
des deux à la fois. Et notre droit peut vraiment prétendre être la
science des sciences car on peut par elle traiter aussi bien des questions spirituelles que temporelles» 36.
42
La summa decretorum d’Etienne est le produit de ce synchronisme
qui se confirme dans les sommes et commentaires qui se succèdent
dans les décades suivantes. C’est pourquoi la multiplication des références au droit romain au tournant du treizième siècle, n’annonce pas
la fin d’une pensée canonique originale. Elle correspond, en revanche,
à une nouvelle phase d’assimilation voire d’annexion des principes
romains dans un modèle doctrinal essentiellement fondé sur l’interprétation des sources du droit de l’Eglise. C’est ce phénomène que
décrit l’auteur anonyme d’une quaestio conservée dans le manuscrit
Borgh 261 lorsqu’il remarque, à propos de la décision du pape
Honorius III d’interdire l’enseignement du droit romain à l’Université
de Paris, que : «Nous pouvons suivre l’enseignement des lois [romaines] non pour leur propre interêt mais pour celui des canons de
manière à mieux les comprendre 37». L’étude du droit romain est donc,
dès cette époque, confinée à une fonction auxiliaire. Elle trouve sa
justification dans le cadre d’une meilleure connaissance des canons.
Il nous paraît indéniable, par ailleurs, que cette canonisation du droit
romain a largement contribué à la naissance de la tradition académique d’un utrumque ius dont la conception repose pour l’essentiel sur
l’idée d’une complémentarité structurelle propre à la société médiévale. Un siècle plus tard, l’osmose des deux droits est célébrée par
Baldus de Ubaldus, le grand maître de l’utrumque ius lorsqu’il écrit
que «le caractère sacré du droit canonique est rehaussé par la grandeur
du droit civil de même que la majesté du droit civil est renforcée par
l’autorité des canons de telle sorte que l’un jette des éclairs grâce à
l’autre et n’en est que plus redouté 38». Quant à la procédure romanocanonique si souvent célébrée, elle est essentiellement élaborée par
des canonistes à l’usage des juridictions ecclésiastiques dont la compétence est elle même définie par une succession de décrétales et de
canons conciliaires 39.
Un second malentendu tient sans doute à la distinction traditionnelle entre une première lignée de décrétistes issue de l’exégèse de
l’œuvre de Gratien et une seconde génération de décrétalistes formés
43
au commentaire du nouveau droit pontifical. Cette dichotomie introduit des catégories qui se révèlent en définitive trop rigides pour rendre compte du constant va-et-vient doctrinal entre ces deux corpus et
ce bien avant la publication du Liber Extravagantium decretalium par
Grégoire IX en 1234 40. Selon ce modèle historiographique, tout se
passe comme si l’avènement du droit pontifical condamnait à l’oubli
les textes rassemblés par Gratien et forçait le silence de ceux qui les
commentaient. Le déclin des décrétistes expliquerait donc l’essor
d’une nouvelle école décrétaliste qui aurait ressuscité une doctrine
moribonde et irrémédiablement romanisée 41. S’il est indéniable que
l’affirmation du pouvoir pontifical notamment comme source du droit
influence voire encourage le développement d’une pensée juridique à
l’unisson de ces mutations institutionnelles, cette hypothèse traduit
bien imparfaitement les étapes successives du développement de l’enseignement du droit canonique. D’une part, comme nous le montrent
les plus anciens statuts connus de l’Universitas scolarium de Bologne
rédigés en 1252, soit plus de quinze ans après la parution du Liber
Extra, cet enseignement comprend toujours les leçons sur le Décret
qui doivent être dispensées, sous peine d’amende et selon une nomenclature strictement périodicisée, durant toute l’année universitaire
d’octobre à la fin du mois d’août 42. D’autre part, de même que l’apparition du Décret n’avait pas mis fin à l’usage des collections canoniques antérieures illustré notamment par le succès du prologue à la
Panormia d’Yves de Chartres 43, l’intérêt pour le ius novum des décrétales n’exclut nullement le fréquent recours aux textes rassemblés par
Gratien et aux doctrines nées de leur exégèse. Par l’intermédiaire des
Lecturae, tractatus et Commentaria, les contributions des premiers
décrétistes se fondent dans une tradition doctrinale dont elles constituent bien souvent le point de départ. C’est pourquoi, parallèlement
aux leçons sur les décrétales, l’enseignement du droit canonique s’appuie sans discontinuer jusqu’à la fin du Moyen-Âge sur une forte tradition intellectuelle représentée par un certain nombre d’oeuvres
importantes consacrées à l’explication du Décret qui côtoient et intègrent les œuvres consacrées aux Décrétales 44.
44
La primauté souvent célébrée de Bologne ne saurait nous faire
oublier le nombre et l’importance d’autres centres d’enseignements
qui contribuent à la transmission du Décret et des leçons des premiers
maîtres 45. Chez les Décrétistes, aux sommes bien connues de
Paucapalea 46, Rufin 47 ou maître Roland 48 font écho celles d’Etienne
de Tournai ou de Sicard de Crémone, alors que d’autres œuvres restées anonymes témoignent aussi d’un enseignement florissant tant
dans les milieux parisiens que dans la région rhénane et en Angleterre.
Le dynamisme intellectuel de ces centres parfois éphémères ne doit
pas être sous estimé 49. De taille réduite, fonctionnant dans des conditions souvent aléatoires liées souvent à la fortune de maîtres itinérants,
ils contribuent efficacement à la diffusion des thèses et des doctrines
issues de l’exégèse du Décret et de l’interprétation des Décrétales. En
Provence, la précocité de la diffusion du droit romain témoigne de
l’intérêt suscité par un savoir juridique qui apporte les réponses aux
problèmes posés par une société en pleine mutation. Mais la diffusion
du droit canonique, même si elle accompagne voire suit celle du droit
romain, ne peut cependant lui être comparée. Elle obéit, en effet, à
d’autres préoccupations et répond à d’autres besoins qui sont tout
autant vifs au sein de la société chrétienne. La présence isolée du cardinal Raymond des Arènes en Arles ne nous permet pas de déduire
l’existence d’une école provençale solidement établie. Ajoutée à celles d’autres personnages recensés par A. Gouron, elle atteste néanmoins de l’existence d’un courant intellectuel associé à des préoccupations d’ordre didactique. Dès les années 1150, l’entourage de ce
cardinal et les activités de grammatici tels Donnedieu et Pons de St
Césaire indiquent tout au moins un milieu de canonistes actifs autour
de l’école capitulaire de Nîmes bien que les gloses conservées dans
quelques manuscrits ne peuvent cependant pas être comparées aux
produits d’une véritable école 50. Il faut attendre la fin du treizième siècle pour voir apparaître à Montpellier, les premiers doctores decretorum directement associés à aux activités de l’université. Leur nombre
et leur titre atteste d’un enseignement désormais établit dans les insittutions universitaires dont les fondations se multiplient à partir de
45
cette époque.
Par comparaison avec les premières initiatives provençales, Paris
connaît une situation différente. Les récentes études d’A. LefevreTeillard et de C. Coppens ont mis en évidence, au début du XIIIème siècle, la vigueur et le succès d’un enseignement qui s’inscrit naturellement dans une tradition pédagogique inaugurée quelques décades
auparavant par l’étude du Décret 51. Autour de maîtres comme Petrus
Brito 52 et l’énigmatique Magister A se rassemblent des auditeurs attirés par le nouveau droit des Décrétales 53. La présence de civilistes
comme Pierre Peverel favorise les échanges entre les étudiants des
deux droits comme en témoigne la rédaction de la somme Animal est
substantia 54. Cet engouement n’est pas limité aux cercles parisiens.
On le trouve déjà, quelques années plus tôt , vers 1169 sur les bords
du Rhin, à Cologne où d’autres élèves partagent le même intérêt pour
les textes assemblés par Gratien. La somme «Elegantius in iure
divino», inspirée par l’enseignement des premiers maîtres parisiens,
fut peut être écrite à leur intention. Son auteur maîtrise à l’évidence
une pensée juridique épurée et émancipée du commentaire littéral au
Décret. Le souci didactique est évident tant dans le choix des rubriques que dans la structure de l’œuvre. De même faut il compter au
nombre des autres produits de cette école rhénane la rhetorica ecclesiastica rédigée à Hildesheim en 1161 dont l’influence s’étend au delà
des rives du Rhin 55.
Outre Manche, enfin, l’entourage de Thomas Becket constitue
sans doute l’un des premiers foyers de réception des leçons de
Gratien. Les circonstances dans lesquelles le combat de Thomas
trouve une fin tragique expliquent l’intérêt des clercs pour une tradition juridique qui représente l'identité et la souveraineté de l’Eglise
face aux revendications du pouvoir royal 56. De plus, les premières collections de Décrétales adressées aux prélats et clercs anglais témoignent à l’évidence d’un effort de synthèse qui ne répond pas uniquement à des préoccupations d’ordre pratique. De ces clercs férus de
46
droit, Jean de Salisbury est sans doute le plus célèbre 57. Mais la liste
des canonistes anglo-normands tirés de l’oubli par les travaux de étudiés par S. Kuttner et E. Rathbone ne se limite pas au milieu archiépiscopal de Canterbury 58. Entre la fin du douzième siècle et le début
du treizième, plusieurs centres, souvent associés aux écoles cathédrales fonctionnent. Les canonistes que l’on y rencontre constituent un
groupe relativement important et homogène. Nombre d’entre eux se
forment à Paris ou à Bologne. D’aucuns s’y fixent pour quelques
années et choisissent parfois d’y enseigner. D’autres retournent dans
leur pays d’origine où ils partagent leur savoir fraîchement acquis.
John of Tynemouth et surtout Gérard Pucelle, évêque de Coventry en
1183 après une longue carrière d’enseignant à Paris et à Cologne,
comptent au nombre de ceux qui exercent une influence durable alors
que la tradition bolonaise a conservé les noms de Richard et d’Alain,
tous deux identifiés par leur origine anglaise, parmi les maîtres qui
assurent la fusion de l’exégèse du Décret avec l’interprétation des
décrétales.
La période charnière entre les douzième et treizième siècles est donc
le théâtre d’un essor remarquable de l’enseignement du droit canonique.
Les diverses sommes, les quaestiones, repetitiones, et autres distinctiones 59 ainsi que les masses de gloses attestent de l’intensité et de la fréquence des échanges d’opinions et interprétations qui caractérisent les
premières décades de cet enseignement. Malgré leur diversité, toutes
ces œuvres se situent dans une même tradition didactique inaugurée par
Gratien dont la démarche intellectuelle demeure une référence essentielle. A cet effet le prédicat «magister» qui lui est toujours associé
signale formellement son statut de pédagogue. Son audience originelle
n’est autre que la communauté des scolastici vires 60-61. Dans l’esprit des
canonistes, la recherche du savoir et l’accumulation des informations ne
conduit pas à une thésaurisation des connaissances mais se justifient
fondamentalement dans les idées de partage et de transmission qui sont
au cœur du processus d’éducation.
47
Dès lors, cette dimension didactique s’affirme comme l’une des
caractéristiques les plus originales de la scientia canonica. Son importance ne se dément pas aux siècles suivants avec le développement des
institutions universitaires qui maintiennent l’esprit des premiers studia. Elle repose sur une trilogie constante de valeurs qui définissent sa
substance, sa finalité et son éthique.
Ce grand œuvre pédagogique consiste donc en la communication
d’un savoir qui est, d’une part, solidement ancré dans une tradition
textuelle indissociable de l’histoire de la chrétienté,62 et, qui, d’autre
part, unit les dimensions spirituelle et temporelle de la vie humaine
dans le but de rendre l’homme meilleur. C’est ainsi que l’entend
Nicolas de Tudeschis lorsqu’il présente vers 1430, le Liber Extra et la
bulle Rex Pacificus aux étudiants siennois. « La causa remota » nous
dit-il «pour laquelle les hommes doivent se consacrer aux études n’est
autre que le bonheur du ciel ( felicitas ) de même si l’on se demande
quelle fut l’intention remota de Grégoire ce fut vraiment de rendre les
hommes bons car tel est le but de ce savoir» 63. Citant Jean de Lignano,
Nicolas qui devait se rendre célèbre quelques années plus tard par
son rôle au concile de Bâle, poursuit son argumentation dans le but
manifeste de dissiper le moindre doute à cet égard. C’est pourquoi il
juge bon de préciser que «le sujet de la scientia canonica est l’homo
catholicus qui est guidé par les lois ecclésiastiques vers le bien purement humain et divin et c’est vraiment ce vers quoi tend la science du
droit canonique alors que la science du droit civil guide l’homo politicus par les lois civiles vers le bien simplement humain» 64.
Presque trois siècles d’enseignement séparent Gratien de Nicolas
de Tudeschis. Durant cette longue période la société chrétienne fut le
théâtre de profondes mutations et l’Eglise dût elle aussi affronter de
nombreux défis. Tout au long de cette histoire parfois mouvementée,
le droit canonique représente un indéniable facteur de stabilité sans
pour autant ignorer les innovations ni freiner le développement des
idées juridiques et politiques. Les raisons de ce succès tiennent sans
48
doute en partie à l’autorité des institutions ecclésiastiques et notamment à la fonction indispensable des officialités dans l'allocation de la
justice au sein de la société médiévale. Mais l’importance de ces raisons institutionnelles ne doit pas faire oublier le rôle essentiel d’un
enseignement qui propose avant tout un modèle de vie tant dans l’action que dans la contemplation. Dans cette optique, les canonistes se
montrent souvent plus attentifs aux problèmes de leur temps que leurs
collègues civilistes. Peut-être sont ils plus conscients que d’autres de
la gravité de leur tâche sans pour autant ignorer leurs responsabilités.
L’un des plus célèbres d’entre eux, Jean d’André, qui consacra sa vie
entière à son enseignement et donna à l’une de ses œuvres le nom de
sa fille Novella 65, décrit cette tâche en des termes éloquents : «Pour
que mon discours fasse naître l’étincelle de l’amour de ce savoir qui
coule en eux et les nourrit jusqu’à produire, quand elle s’embrasera,
la flamme la plus digne» 66. C’est ainsi qu’à travers les siècles, Jean
rejoint Bernard de Pavie dans la conviction partagée par les doctores
canonum que «Le progrès de l’élève est la gloire du maître».
Notes
1
Bernard de Pavie, Summa decretalium, ed. T. Laspeyres, Regensburg 1860,
réimp. Graz 1956.
2
Emil Friedberg, Quinque compilationes Antiquae necnon collectio canonum
Lipsiensis, Leipzig 1882, réimp. Graz 1956, 224 p.
3
Knut Wolfgang Nörr, Institutional Foundations of the New Jurisprudence, in
Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, edited by Robert L. Benson
and Giles Constable with Carol Lanham, Cambridge, Mass. (1982) 324-338.
4
Tancrede, Prooemium apparatus ad Compilationem III, édité par Johannes
Friedrich von Schulte, Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechts von Gratian bis auf die Gegenwart, Stuttgart, 1875-1880, vol. 1,
p. 244.
5
Peter Landau, Il concetto del diritto ecclesiale in prospettiva filosofico-storica,
Ius Ecclesiae 17(2005) 347-384.
6
T. McLaughlin, The Summa Parisiensis on the Decretum Gratiani, Toronto,
1952, p. 1.
7
R, Weigand, Die Glossen zum Dekret Gratians. Studien zu den frühen
49
Glossen Kompositionen, Studia Gratiana vol. 25-26 (1991) part I-II et part
II-IV.
8
Barthélémy de Brescia, Glossa ordinaria in Decretum, prooemium.
9
Gottofredo da Trani, Summa super titulis decretalium, Lyon 1519, réimp.
Allen 1968, fol. 2ra: «Glossarum diversitas intelligentiam textus non numquam
obtenebrat et dum per eas infra et supra discurritur studentis distrahitur animus hebetatur ingenium et quasi labirintum lector ingressus et piscis intra
rethia provolutus laqueos videt undique latus pertimescit untrumque et quo
divertat ignorat ut qui prius incertus fuerat incertior rleinquatur. Id circo ego
Gofredus….. tam frequentibus quam devotis scolarium precibus exhortatus ac
officialium romane curie instantia provocatus ad communem utilitatem et
eorum maxime qui iuris canonici sunt alumni quorum profectum libenter prosequor et amplector».
10
Innocent IV (Sinibaldus Fliscus) Commentaria. Apparatus in V Libros
Decretalium, Frankfurt 1570, réimp. Frankfurt 1968. fol. 1: «Igitur tam
Doctor quam auditor dum in scholis legunt multa de praedictis glossis poterunt omittere et studio camerae pro discutionibus et diffinitionibus causarum
pro tempore reservare et sic comestum volumen istud divisum efficiatur in ore
ipsorum facile et delectabile sicut mel quod prius videbatur difficile solicite
attendentes, quod in hoc volumine multi casus et articuli utiles et necessarii
tam in consiliis animarum et poenitentiali foro quam in regendis et disponendis ecclesiis et rebus ecclesiasticis et prelatis et etiam qualiter circa personam
suam et subditorum ipsi prelati se habere debeant adversitatis tempore sunt
expressi quos glo. Alii omiserunt.»; Dans le même sens, Jean d’André, In
quinque decretalium libros novella commentaria, Venise 1581, réimp.anast.
Turin, 1963, fol. 2a n. 4 : «Cesset obtenebratio textuum, animorum distractio,
ingeniorum hebetatio, studentium perplexitas quae ex diversitatibus glossarum ut dixit Gof in principio sue summe solent se ipsius obvenire».
11
Huguccio, Summa decretorum, Bibliothèque vaticane, Vat. Lat. 2280, fol.
1ra: «Utilitas est ad intelligentiam percipere quod magister [Gratianus] intendit docere scilicet scire ecclesiasticas negotia tractare».
12
Antonio Padoa Schioppa, «Il diritto canonico come scienza nella prospettiva
storica: alcune rifflesioni» Proceedings of the Ninth International Congress of
Medieval Canon Law. Munich, 13-18 juillet 1992, éd. Peter Landau et Joers
Mueller, Vatican 1997, p. 419-444.
13
Sicard de Crémone, Summa decretorum, Amiens Bibliothèque municipale
MS 32 fol. 1v: «Huius ergo canonici iuris scientiam exquisituri recia lacius
expandamus et que sit omnium de iure tractantium».
50
K. Pennington, «The Making of a Decretal Collection: the Genesis of
Compilatio Tertia», in Proceedings of the Fifth International Congress of
Medieval Canon Law. Salamanca 21-25 september 1976, éd. Stephan Kuttner
et Kenneth Pennington, Vatican ,1980, p. 67-92.
15
Commentant cette bulle, Hostiensis résume ainsi la volonté pontificale: «Ad
communem utilitatem et maxime studentium, quinque compilationes extravagantium in unam reducere intendit», In primum decretalium librum commentaria, Venise, 1581, réimp. anast. Turin, 1965, fol. 3rb.
16
S.G. Kuttner, Repertorium der Kanonistik, Citta, Summa, op. cit. fol. del
Vaticano, 1936. Pour l’histoire de l’enseignement du droit canonique, les premiers résultat de cette recension des manuscrits furent publiés par l’auteur
dans son article sur Bernardus Compostellanus Antiquus Traditio 1 (1943)
277-340.
17
S. G. Kuttner, The Scientific Investigation of Medieval Canon Law : the
Need and the Opportunity, Speculum 24 (1949), 493-501.
18
Pour un recent résumé des arguments et du débat animé qu’ils suscitent voir
C. Larrainzar, La investigación actual sobre el Decreto de Graziano,
Zeitschrift der Savigny Stiftung, Kan. Abt 90 (2004) 29-59.
19
Anders Winroth, The Making of Gratian’s decretum, Cambridge University
Press, 2000, 245 pp.
20
R. Gujer, “Concordia discordantium codicum manuscriptorum”: die
Textentwicklung von 18 Handschriften anhand der Dist. 16 des Decretm
Gratiani, Cologne, 2004, xi, 496 pp.
21
P. Legendre, Le droit romain, modèle et langage : de la signification de
l’Utrumque ius, Etudes d’histoire du droit canonique dédiées à Gabriel Le
Bras, t. II, Paris 1965, 913-30, maintenant dans Ecrits juridiques du MoyenÂge occidental, Variorum Reprint, Londres 1988, VIII.
22
Parmi les nombreuses études de S. Kuttner dédiées à cette question, notamment Reflections on Gospel and Law in the History of the Church, Liber amicorum Monseigneur Onclin, Gembloux 1976, 199-2-9, maintenant dans
Studies in the History of Medieval Canon Law, Variorum reprint, Aldershot,
1990, IX.
23
J.M. Viejo-Ximenez, La reception del derecho romano en el derecho canonico, Ius Ecclesiae 14 (2202), 375-414.
24
H. Kalb, “Juristischer und theologischer Diskurs und die Entstehung der
Kanonistik als Rechtswissenschaft”, Oesterreichisches Archiv fur
Kirchenrecht 47,(2000) 1-33.
25
A. Gouron, Une école ou des écoles ? Sur les canonistes français (vers 115014
51
vers 1210), Proceedings of the Sixth International Congress of Medieval
Canon Law. Berkeley, California 28 july-2 august 1980, ed. S. Kuttner et K.
Pennington, Citta del Vaticano, 1985, 223-240.
26
J. Van Engen, From practical Theology to Divine Law: The Work and Mind
of the Medieval Canonists, Proceedings of the Ninth International Congress
of Medieval Canon Law. Munich 13-18 July 1992, ed. P. Landau and J.
Mueller, Citta del vaticano, 1997, 873-896.
27
J.M. Viejo-Ximenez, “Gratianus magister” y “Guarnerius teutonicus”. A
proposito del XIth International Congress of Medieval Canon Law de 2000 en
Catania, Ius Canonicum 41 (2001) 35-73.
28
Voir notamment les prologues aux nombreuses sommes au Décret rédigées
dans la seconde moitié du XIIème siècle, R. Somerville et Bruce Brasington,
Prefaces to Canon Law books in Latin Christianity. Selected Translations,
Yale, 1998, 170-212.
29
Etienne de Tournai, Summa decretorum, éd. Johann Friedrich von Schulte,
Die Summa über das decretum Gratiani, Giesse 1891, réimp. Aaalen, 1965
30
H. Kalb, Studium zur Summas Stephans von Tournai, Ein Beitrag zur kanonistischen Wissenschaftsgeschichte des späten 12. Jahrhunderts, Innsbrück,
1983, 113-120.
31
Voir par exemple la doctrine sur la laesio enormis, H. Kalb, Die
Wechselwirkung von Theologie und Kanonistik am Beispiel der laesio enormis, Proceedings of the Ninth Internatinal Congress of Medieval Canon Law,
op. cit., 953-974 (973).
32
Ioannis Andreae, Joannis Andrea, In Sextum decretalium librum Novella
Commentaria, Venise 1581, repr. Turin, 1966, fol. 2.
33
K.W. Nörr, Der Kanonist und sein Werk im Selbstverstândnis zweier mittlelaterlicher Juristen: eine Exegese der Proemien des Hostiensis und Durandi,
in Ex Ipsis rerum documentis. Festschrift fûr Harald Zimmermann (1991)
373-380.
34
Stephan Kuttner, “Harmony from dissonance. An interpretation of Medieval
Canon law”, Wimmer Lectures, Latrobe Pennsylvania, 1960, 64 p.
35
Comme le souligne l’auteur anonyme, (Bertrand de Metz?) au début de la
Summa Coloniensis , vers 1190: “Elegantius in iure divino continet enim tripartitum genus documenti: morale, iudiciale, sacramentale”. Summa
‘Elegantius in iure divino’ ed. S.G. Kuttner et G. Fransen, Monumenta Iuris
canonici Vatican.
36
Hostiensis, Summa Aurea, Lyon 1556, fol. 3rb. ; voir aussi Innocent IV,
Commentaria, op. cit.: “quod in hoc volumine multi casus et articuli utiles et
52
necessarii tam in consiliis animarum et poenitentiali foro quam in regendis et
disponendis ecclesiis et rebus ecclesiasticis et prelatis”.
37
Stephan G. Kuttner, Papst Honorius III und das Studium des Zivilrechts,
Festschrift fûr Martin Wolff, Tûbingen, 1952, 79-101, maintenant dans
Variorum reprint ; Voir aussi sur cette décrétale, Pierre Legendre, La pénétration du droit romain dans le droit canonique classique de Gratien à Innocent
IV (1140-1254), Paris, 1964, 40-49.
38
Baldus de Ubaldis, Ad tres priores libros decretalium commentaria, Lyon
1585, réimp. Aalen 1970, fol.
39
L. Fowler-Magerl, Ordo iudiciorum vel ordo iudiciarius. Repertorien zur
Frühzeit der gelehrten Rechte. Ius commune Sonderhefte, 19, Francfort/Main
1984, 1-31.
40
Voir par exemple les Quaestiones Neapolitanae éditées par Gérard Fransen
dans Bulletin of Medieval Canon Law 6 (1976) 29-46.
41
André Gouron, une école, op. cit., 238.
42
Domenico Maffei, Un tratatto di Bonaccorso degli Elisei e I più antichi statuti dello Studio di Bologna nel manoscritto 22 della Robbins Collection in
Bulletin of Medieval Canon law 5(1975) 73-101.
43
Bruce Brasington, Ways of mercy: the prologue of Ivo of Chartres: edition
and analysis, Münster, 2004, 163 pp. et du même auteur, “Studies in the
Nachleben of Ivo of Chartres. The influence of his prologue on several
Panormia derivative collections” Proceedings of the ninth international
congress of medieval canon law, op. cit. p. 63-85.
44
G. Fransen, Sources et littérature du droit canonique classique, Proceedings
of the ninth congress, op. cit., 3-20 (10-19).
45
E. Cortese, Alle origini della scuola di Bologna. Rivista internationale di
diritto commune (1993) 7-49.
46
Paucapalea, Summa decretorum, éd. Johann Friedrich von Schulte, Summa
über das Decretum Gratiani. Giessen 1890, réimo. Aalen 1965.
47
Summa decretorum, éd. Heinrich Singer, Die Summa Decretorum des
Magister Rufinus, Paderborn 1902, réimp. Aalen 1963.
48
Rolandus, Summa decretorum, éd. Friedrich Thaner, Die Summa magistri
Rolandi, Innsbrück, 1874.
49
P. Classen, Italienische Rechtsschulen ausserhalb Bolognas, Proceedings of
the sixth international congress of medieval canon law, op. cit., 205-221.
50
A. Gouron, Sur les gloses signées d. et p. dans les manuscripts du XIIème siècle, Rivista internazionale di diritto commune (1997) 12-34.
51
A. Gouron, Canon Law in Parisian Circles before Stephan of Tournai’s
53
Summa, Proceedings of the eighth international congress of medieval canon
law, San Diego 21-27 August 1988, ed. S. Chodorow, Citta del Vaticano, 1992,
497-503
52
Anne Lefebvre-Teillard, «Petrus Brito legit…» Sur quelques aspects de l’enseignement du droit canonique à Paris au début du XIIIème siècle”, RHD 2001
p. 153.
53
A. Lefebvre-Teillard, La lecture de la Compilatio primapar les maîtres parisiens du début du treizième siècle, Zeitschrift der Savigny Stiftung kan. Abt.
91(2005) 106-127 et du même auteur, Magister B. Etude sur les maîtres parisiens du début du XIIIème siècle, Tijdschrift voor Rechtsgeschiedenis 73(2005)
1-18.
54
C. Coppens, The teaching of law in the university of Paris in the first quarter of the 13th century, Rivista internationale di diritto commune 10(1999) 142
et du même auteur, Pierre Peverel, glossateur du droit romain et canoniste?,
La cultura giuridico-canonica medioevale, Milan 2003, p. 203.
55
S. Kuttner, Gratian and the Schools of Law. 1140-1234, Londres, Variorum
reprint, retractationes (p. 298-300).
56
A. Duggan, The correspondance of Thomas Becket, archbishop of
Canterbury. 1162-1170, Oxford 200, 1490 p.
57
M. Kesner, Johannes von Salisbury und das gelehrtes Recht, Proceeding of
the ninth congress, op. cit., 503-522.
58
S. Kuttner-E. Rathbone, Anglo-Norman Canonists of the twelfth century,
Traditio 7 (1949-51) 279-358, maintenant dans Gratian and the Schools of
Law, op. cit., VII.
59
Christoph H.F. Meyer, Die Distinktionstechnik in der Kanonistik des 12.
Jahrhunderts. Ein Beitrag zur Wissenschaftsgeschichte des Hochmittelalters,
Medievalia Lovaniensis, 29, Leuven, 2000, 363 pp.
60
Stephan Kuttner, Repertorium, op. cit. 141, Paris Arsenal 93, fol 161:
“Volens Gratianus formam scolasticis viris tradere in causis disputandis easque diffiniendis, hoc opus composuit in quo decreta sanctorum patrum et
canones diversorum conciliorum et decretales epistolares apostolicorum virorum et auctoritates sanctorum expositorum coadunavit”.
61
Comme l’observe Tancrède dans l’introduction à son apparat à la
Compilatio III, éditée par Johannes Friedrich von Schulte, Die Geschichte der
Quellen und Literatur des canonischen Rechts von Gratian bis auf die
Gegenwart, op. cit., vol. I, p. 244.
62
Juan de Torquemada, l’oncle du grand inquisiteur espagnol, compare cette
science à une tour car “elle est batie par les pierres solides et construite dans
54
le Décret et les multiples opinions très solides des saints pères”. In Gratiani
decretorum primam doctissimi commentarii, Venise 1578, fol. 4b n. 1.
63
Nicolas de Tudeschis, Abbas Panormitanus, Super primo decretalium libro
commentaria, Lyon 1521, fol. 5va: op. cit., fol. « causa remota est felicitas
propter quam homines studere debent..dum queritur qua fuit Gregorii intentio
remota vero est ut faciat homines bonos ad hoc enim tendit scientia».
64
Nicolas de Tudeschis, op. cit. fol. 5vb: “Joh de lign. dicit quod subiectum
scientie canonice est homo catholicus dirigibilis constitutionibus ecclesiasticis in bonum simpliciter humanum et divinum ad hoc enim tendit scientia
iuris canonici subiectum vero in scientia civili est homo politicus dirigibilis
constitutinibus legalibus in bonum simpliciter humanum”.
65
S. Kuttner, Introduction, Joannes Andreae, In quinque decretalium libros,op.
cit. p. X-XI.
66
Joannes Andreae, Glose au Liber Sextus, prooemium: «Si autem hoc opus
memoriale prouectis iuvenes instruat, cum paribus conferat et desides excusso
negligentiae somno, assiduos et vigilantes reddat ad studium: ut sermo meus
scintillam amoris huius scientiae in eis inveniens in illam fluat et nutriat: ut
cum creverit flammam dignissimam faciat».
55
56
57
58
Les débuts du Livre des Sentences comme manuel
de théologie à l'Université de Paris
Pr Claire Angotti
Fondation Thiers, Paris, France
Qui s'intéresse à l'histoire de la faculté de théologie de Paris au
Moyen-Âge est confronté à plusieurs difficultés tant du point de vue de
la quantité des œuvres produites que du point de vue des textes normatifs, souvent laconiques, qui règlent le fonctionnement de cet enseignement. L'université de Paris a été le lieu de naissance de plusieurs théologiens qui ont marqué l'histoire intellectuelle et, qu'il s'agisse des plus
grands ou des plus obscurs penseurs, la majorité de leurs œuvres s'inscrit dans le cadre académique de la faculté.
Ainsi, lorsqu'ils commentent les Sentences, les maîtres répondent à
un programme : durant tout le Moyen-Âge, les futurs maîtres en théologie ont expliqué et commenté l'œuvre de Pierre Lombard. En reprennant le répertoire élaboré par F. Stegmüller qui dénombre les commentaires des Sentences, pour l'ensemble du Moyen-Âge, tous centres
d’enseignement confondus, on peut en relever environ un millier 1.
Présentés, par P. Glorieux 2, comme le chef d'œuvre du bachelier qui
souhaite conquérir la licence en théologie, les commentaires des
Sentences ont d'abord été objet d'études doctrinales, et ce n'est finalement que depuis peu de temps que des historiens, qui ne se cantonnaient pas à l'histoire de la pensée, s'en sont emparés 3.
La quantité des commentaires ne laisse subsister aucune ambiguïté
sur le caractère obligatoire de la connaissance et de l'explication de
l'œuvre du Lombard dans l'ensemble des universités européennes.
Pourtant, les textes normatifs parisiens qui marquent les premières
59
décennies de la naissance de l'université de Paris et, partant, de sa
faculté de théologie, n'évoquent que de manière assez vague les méthodes en cours, et rien n'est dit sur l'introduction des Sentences dans le
programme. Ainsi, dans le tome I du Chartularium universitatis
Parisiensis 4, la première mention explicite du Livre des Sentences en
tant qu'ouvrage au programme date d'environ 1267 5 : et il ne s'agit pas
là d'un document officiel mais du témoignage de Roger Bacon, dénonçant l'usage - abusif, selon lui - du Livre des Sentences dans la formation théologique. Les textes les plus complets décrivant les méthodes
de la faculté de théologie sont très tardifs, comprenant plusieurs
extraits de textes antérieurs, sans qu'il soit possible de distinguer entre
invention, nouveauté et tradition. C'est pourtant sur ces deux principaux textes, datant, dans le meilleur des cas, de la première moitié du
XIVe s., que P. Glorieux 7 se fonde pour décrire «L'enseignement de la
faculté de théologie au XIIIe s.», courant ainsi le risque de figer un programme, des méthodes qui s'étaient probablement lentement introduits
et modifiés au sein de la faculté.
Il est donc impossible, en ne se fondant que sur les textes normatifs, de connaître les méthodes de travail des étudiants et des maîtres et
donc de retracer les débuts du Livre des Sentences en tant que manuel
à la faculté de théologie de Paris. Seul le recours aux œuvres et aux
manuscrits permet de sortir, en partie, de l'impasse : les œuvres, c'està-dire les commentaires eux-mêmes, sont souvent le produit fini d'un
travail qui a réclamé plusieurs années, puis qui a été revu, parfois
repris, pour être enrichi, modifié, par l'étudiant devenu maître. Les
conditions mêmes de l'élaboration et de la diffusion de l'œuvre, à
moins que l'on ne soit dans le cas, relativement rare pour un commentaire des Sentences, d'une reportatio, ne peuvent donc totalement
répondre à la question de l'usage des Sentences à l'Université. Restent
les manuscrits des Sentences, en général négligés 8, et pourtant utilisés
par les étudiants et les maîtres parisiens, comme en témoignent les
annotations dont leurs marges sont couvertes.
60
Le repérage dans les fonds des bibliothèques européennes de
manuscrits «parisiens», c'est-à-dire comprenant des éléments codicologiques et paléographiques caractéristiques des manuscrits produits à
Paris est une tâche longue et vouée à l'échec : un manuscrit peut fort
bien avoir été fabriqué à Paris puis transporté ailleurs et consulté, travaillé, sans être propriété d'un membre de l'Université ; inversement,
un manuscrit ne présentant aucune caractéristique codicologique ou
paléographique parisienne, peut avoir été propriété d'un maître ou d'un
étudiant parisien. Par chance, il existe un fonds exceptionnel par sa
taille et sa richesse qui a été mis à la disposition de membres de la
faculté de théologie de Paris : il s'agit de la bibliothèque du collège de
Sorbonne, fondé en 1257-1258, à l'intention des «pauvres maîtres en
théologie». La bibliothèque du collège a bénéficié, en plus des dons
des membres de l'entourage royal, des dons de collègues de maître
Robert de Sorbon. Elle contient des manuscrits universitaires datant de
la première moitié du XIIIe s., parfois même plus anciens.
Cette bibliothèque a été constituée pour être utile aux membres du
collège.Le plus importantdes donateurs, Gérard d'Abbeville, a contribué à son développement pour que les séculiers fassent jeu égal avec
les ordres mendiants 9. La bibliothèque, après les tatônnements primitifs, a trouvé une organisation reflétant la répartition des enseignements au sein de l'Université 10. Constituée de deux fonds, la magna
libraria, fonds des manuscrits consultables et la parva libraria, fonds
des manuscrits empruntables, la bibliothèque de la Sorbonne propose
à ses lecteurs tous les instruments nécessaires à la formation théologique. Le Livre des Sentences figure en bonne place dans le catalogue de
1338, présentant la parva libraria : le collège, à cette date, possèdait en
effet plus d'une cinquantaine de manuscrits disponibles. Grâce aux travaux de R. H. Rouse 11, il est aujourd'hui possible de reconstituer le
catalogue de 1290 : à cette date, le collège pouvait proposer à ses membres de 25 à 28 manuscrits des Sentences 12. De même pour les commentaires des Sentences : le catalogue de 1338 offrait aux membres du
collège une grande variété de commentaires tant par leur forme
61
(Scripta, c'est-à-dire commentaires littéraux, Questiones, c'est-à-dire
questions disputées) que par leurs auteurs .
En m'appuyant certes sur les textes normatifs et autres sources évoquant les Sentences mais en recourrant principalement aux manuscrits
des Sentences du fonds du collège de Sorbonne et aujourd'hui conservés à la Bibliothèque nationale de France, je souhaite étudier les
méthodes en usage à la faculté de théologie de Paris, méthodes permettant l'assimilation du Livre des Sentences et la préparation des commentaires qui couronnent la formation théologique. Il convient d'abord
de s'interroger sur l'introduction du Livre des Sentences dans le programme de la faculté de théologie (1) , de sorte que l'on est conduit à
se pencher sur le commentaire des Sentences dans le cursus de théologie au cours du XIIIe s. (2) ; ainsi, les manuscrits des Sentences se
voient dotés d'éléments préparant l'exercice universitaire du commentaire (3), éléments qui conduisent à réfléchir sur le statut du Livre des
Sentences au sein de la faculté de théologie (4).
(1) Un maître des écoles à l'Université
Le Livre des Sentences et son auteur ont fait l'objet de multiples études : la plupart des travaux présentent l'œuvre du Lombard dans le
milieu scolaire de la fin du XIIe et du début du XIIIe s ; sont ainsi évoquées les attaques doctrinales ayant visé Pierre Lombard. Une fois les
controverses apaisées, et l'enseignement du Maître approuvé officiellement lors du concile de Latran IV (1215), l'histoire du texte semble
s'achever. Les Sentences, désormais solidement fondées, peuvent être
livrées aux commentaires : et c'est sur ces derniers que se focalise la
recherche actuelle.
La lecture de l'épisode de Latran IV et, en quelque sorte, «l'officialisation» de l'enseignement du Lombard, qui expliquerait son entrée à
l'Université 14, mérite d'être rééxaminée.
62
Latran IV, une officialisation de la pensée du Lombar ?
Les débuts du Livre des Sentences n'ont pas commencé sous les
meilleurs hauspices. L'enseignement christologique de Pierre Lombard
est l'objet d'attaques. Le premier à dénoncer la pensée du Lombard est
Gerhoch de Reichesberg 15 : il le présente, dès les années 1140, comme
un tenant de la théorie de l'habitus 16, voire comme un adoptioniste.
Gerhoch reprend cette attaque, en 1164, dans une série de lettres qui
démontrent qu'il n'a pas sous les yeux la dernière version des Sentences
et qu'il ne connaît pas la position finale du maître 17. Jean de
Cornouailles dans son Eulogium ad papam Alexandram tertium 18
(rédigé une première fois en 1177, puis repris en 1179) accuse Pierre
Lombard, son ancien maître, de nihilisme christologique, en associant
nihilisme et théorie de l'habitus. Enfin, Gauthier, prieur de SaintVictor, dans son ouvrage Contra quatuor Labyrinthos Franciae 19 (composé en 1177 ou 1178), s'efforce, lui aussi, à la veille de Latran III, d'attirer l'attention d'Alexandre III sur les quatre innovateurs impies qui
menacent de ruine la théologie, à savoir Pierre de Poitiers, Gilbert de
la Porrée, Pierre Abélard et Pierre Lombard. L'attaque de Gauthier, qui
est de l'ordre du pamphlet, «monument de mauvaise foi et monument
d'ignorance» 20, accumulant les accusations, souvent erronées, vise
finalement davantage la méthode adoptée par ces maîtres, recourrant à
la grammaire et à la logique, que leur enseignement doctrinal 21.
Ces attaques ont-elle eu un effet ? Nous n'avons que peu d'informations sur le concile de Latran III (1179) 22 : d'après Gauthier de SaintVictor, qui est loin d'être un auteur impartial, le pape aurait eu l'intention de condamner l'enseignement christologique de Pierre Lombard
durant le concile. C'est l'opposition de cardinaux, dont Adam de SaintAsaph 23, ancien élève de Pierre Lombard, qui aurait fait échouer le projet pontifical.
Alexandre III, s'il n'a pas condamné au cours du IIIe concile du
Latran la doctrine christologique de Pierre Lombard, est, auparavant,
63
fréquemment intervenu pour interdire la diffusion de certaines positions théologiques : en 1164, lors du concile de Sens, le pape mentionne plusieurs points, visant probablement le Lombard 24. Il ordonne
à cette occasion à l'évêque de Paris, Maurice de Sully, d'interdire que
ces points soient enseignés. En 1170, probablement aiguillonné par
Jean de Cornouailles, Alexandre III, à nouveau, commande à l'archevêque de Sens, Guillaume aux Blanches-Mains, de s'efforcer d'interdire «l'enseignement erroné de Pierre Lombard, autrefois évêque de
Paris» 25. Enfin en 1177, Alexandre III ordonne au même Guillaume,
alors archevêque de Reims, de convoquer les maîtres parisiens ainsi
que ceux des cités avoisinantes pour que soit condamnée la même
erreur, sous peine d'anathème 26.
Est-ce à dire qu'après l'intervention pontificale, les controverses sur
la pensée de Pierre Lombard ont cessé ? Peut être du fait de l'échec
d'une condamnation officielle en 1179, il semble au contraire qu'entre
1177 et 1215, les polémiques se soient fait plus vives 27. La figure de
Joachim de Flore se détache 28 : il attaque non plus sur la délicate question de l'union hypostatique mais conteste la théologie trinitaire exposée par le Lombard.
La thèse trinitaire de Joachim, qui semble influencé par l'école de
Gilbert de Poitiers et que l'abbé de Flore avait développée dans un traité
qu'il avait fait parvenir au souverain pontife, n'a pas été retrouvée. Le «
tractatus sive libellus contra magistrum Petrum Lombardum » qu'aurait
composé Joachim est simplement mentionné dans le canon 2 du concile
de Latran 29. On peut trouver toutefois des traces de sa position sur la
Trinité dans plusieurs œuvres, le Psalterium decem chordarum 30, dont le
Libellus pourrait n'avoir été qu'une version 31 et dans Expositio ad
Apocalipsum. L'autre témoin essentiel de l'attaque et de son contenu est
évidemment le canon 2 du concile.
Joachim attaque Pierre Lombard sur sa présentation de l'essence
divine en tant que «réalité suprême qui n' engendre pas, n'est pas
64
engendrée et ne procède pas» 32. D'après le canon 2 du concile de
Latran IV, cela conduisait Joachim à accuser Pierre Lombard d'introduire un quatrième élément dans l'essence divine, en plus de trois personnes. Cette accusation de quaternité est effectivement confirmée
dans les autres œuvres de Joachim, qui mentionnent Pierre Lombard
comme leur propagateur 33.
Sans revenir sur l'analyse de la position de Joachim telle qu'elle est
présentée - et condamnée - par le concile , il convient de remarquer la
place accordée à Pierre Lombard dans les conclusions des Pères.
«Quant à nous, avec l'approbation du saint concile universel, nous
croyons et affirmons, avec maître Pierre [Lombard], qu'il y a une seule
réalité suprême, qui ne peut être saisie ni dite, qui est véritablement
Père, Fils et Saint-Esprit, les trois personnes ensemble et chacune d'elle
en particulier. C’est pourquoi il y a en Dieu seulement Trinité, et non pas
quaternité, parce que chacune de ces trois personnes est cette réalité
c'est-à-dire la substance, l'essence et la nature divine. Elle seule est le
principe de toutes choses ; en dehors duquel aucun autre principe ne
peut être trouvé. Et cette réalité n'engendre pas, n'est pas engendrée et
ne procède pas mais c'est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré
et le Saint-Esprit qui procède en sorte qu’il y a distinction dans les personnes et unité dans la nature. Donc, bien que le Père soit autre, autre le
Fils, autre le Saint-Esprit, il n’y a cependant pas une autre réalité mais
ce qu'est le Père le Fils l'est et le Saint-Esprit absolument la même chose
en sorte que, conformément à la foi orthodoxe et catholique, nous
croyons qu'ils sont consubstantiels 35 (…)»
Reprenant les termes-mêmes employés dans le passage mis en cause
par Joachim, les Pères conciliaires sont amenés à préciser la foi trinitaire
telle qu'elle avait été, pour la première fois, exposée à Nicée (325) puis
développée à Constantinople (381). Il s'agit ici d'un texte nettement plus
long que les symboles de Nicée et Constantinople et qui affirme l'unité
d'essence et la consubstantialité des personnes, reprennant ainsi ce qui
est développé dans les d. 2, 4 et 5 du livre I des Sentences.
65
Ce n'est pas tant la réflexion théologique, somme toute exposée par
d'autres maîtres du XIIe s., s'appuyant, comme Pierre Lombard sur les
auctoritates que sont les Pères de l'Église, qui paraît importante ici
mais la réitération, dans le canon 2, de ce qui avait pourtant déjà été
longuement développé dans le canon 1, et l'association explicite de
Pierre Lombard.
Ce parallélisme des canons 1 et 2 poursuit deux objectifs : sur un
plan formel, c'est une manière d'encadrer, c'est-à-dire de limiter, l'erreur de Joachim, citée au début du canon 2, qui présente l'unité des personnes comme une unité, non pas réelle mais plutôt «collective et analogique 36». Sur le fond, l'analyse de l'unité divine et des relations entre
les personnes est, dans le canon 2, contrairement au canon 1, étayée de
passages scripturaires (Jn 10, 29 ; Mt 5, 48). L'un des passages choisis
par les Pères fait écho aux arguments avancés par Joachim pour renforcer son analyse de l'unité de l'essence divine : s'appuyant sur Jn 17, 2223 qui cite les paroles du Christ à propos des fidèles «Je veux, Père,
qu'ils soient un en nous, comme nous aussi nous sommes un, pour
qu'ils soient parfaitement un», Joachim en déduisait, par analogie, que
l'unité entre les personnes est la même que l'unité des fidèles qui forment une Église. Le canon 2 reprend la même citation en établissant
une distinction sur le terme «unum» unité par identité des natures - cas
de l'unité de l'essence divine -, et union dans la grâce - cas de l'unité
des fidèles -. Le canon 2 s'achève sur une mise en garde : la pratique
de l'analogie pour saisir la notion d'unité divine a ses limites,
« car si grande que soit la ressemblance entre le Créateur et la créature,
on doit encore noter une plus grande dissemblance entre eux 37 »
et quiconque suit Joachim dans cette démarche, et dans cette analyse,
se rend coupable d'hérésie.
Le canon se conclut sur une note relativement bienveillante à l'encontre de Joachim : cette décision ne remet pas en cause le prestige du
66
monastère qu'il a fondé, ni même l'orthodoxie du fondateur, dans la
mesure où il a fait parvenir ses œuvres au Siège apostolique pour qu'elles soient jugées, et a confessé, dans une lettre qu'il a dictée et signée
de sa main, qu'il se soumet à la foi de l'Église romaine.
Latran IV tient une place importante dans l'histoire des conciles
généraux : les ambitions d'Innocent III était grandes. Ce dernier souhaitait non seulement donner une nouvelle impulsion à la croisade, lutter contre l'hérésie mais aussi promouvoir la réforme de l'Église 38. Tout
démontre une longue et soigneuse préparation du concile et une très
large assistance : archevêques, évêques, abbés mais aussi prieurs,
représentants des grands ordres, ainsi que princes laïcs, tous sont
conviés à assister au concile. La diffusion des décisions conciliaires,
leur réception, restent plus difficiles à mesurer 39. D'abord repoussée
par Innocent III, probablement en raison de son caractère hâtif, la
Compilatio IV de Jean le Teutonique contenant surtout les décrets du
concile assortis d'une glose, est rapidement acceptée et diffusée aux
écoles, après la mort du pontife (1216).
Il est évident que l'approbation de l'enseignement trinitaire de
Pierre Lombard a reçu une vaste diffusion, susceptible de faire oublier
les critiques dont d'autres positions du Maîtres des Sentences étaient
l'objet.
Certaines discussions, voire remises en question, ne s'achèvent pas
avec Latran IV : les débats autour de l'union hypostatique se poursuivent et la position trinitaire de Pierre Lombard, pourtant soutenue par
le concile, garde des opposants 40. Latran IV a toutefois permis d'ancrer
plus fermement l'orthodoxie du Livre des Sentences.
La mise en avant du Maître des Sentences, présenté comme un
tenant de l'orthodoxie face aux positions erronées de Joachim de Flore,
semble en complète contradiction avec les lettres d'Alexandre III mettant en cause l'enseignement de Pierre Lombard et s'efforçant d'en
67
limiter la diffusion.
Avec Innocent III, s'instaure un nouveau rapport de force entre les
écoles et la papauté : au cours du XIIe s., les relations entre ces deux
pôles sont ponctuées d'interventions pontificales contre les maîtres.
Les conciles de 1140 et 1148 sont autant de preuves de la méfiance des
pontifes à l'encontre des écoles, méfiance entretenue, il est vrai, par le
puissant Bernard de Clairvaux. La politique d'Alexandre III, pape
pourtant issu des écoles, s'inscrit dans cette tradition : en 1164, 1170,
1177, avec obstination, il intervient, interdit, menace d'anathème.
Après 1177 et jusqu'en 1215, on ne relève plus aucune intervention
officielle de la papauté dans les débats des écoles. Comment expliquer
ce soudain apaisement ?
À la fin du XIIe siècle, de spéculative, la théologie devient morale
et les idées de ses représentants, Pierre le Chantre, Etienne Langton,
Thomas de Chobbham, si elles sont particulièrement novatrices dans le
cadre de la réforme des mœurs, ne sont pas une menace pour l'orthodoxie. L'orientation pratique de la théologie de Pierre le Chantre et de
son Cercle 41, rencontre, au contraire, les intérêts et les besoins de la
papauté. Certains des maîtres proches de «l'école biblique morale 42»
font ainsi carrière au sein de l'Église et appliquent leurs principes réformateurs : c'est le cas d'Etienne Langton, en tant qu'archevêque de
Canterbury, de Robert de Courçon, en tant que légat pontifical. En
outre, la répétition des interdictions formulées par la papauté à l'égard
de l'enseignement de Pierre Lombard sur l'union hypostatique laisse
soupçonner qu'Alexandre III a eu le plus grand mal à les faire respecter 43. Cette mise en échec peut expliquer pourquoi, au cours des années
1170, la papauté organise une véritable politique de développement des
écoles dans une tentative d'encadrement du foisonnement scolaire ;
Innocent III, une fois sur le trône de s. Pierre, prolonge et intensifie
cette action. Enfin, si les écoles ont été génératrices de désordres voire
d'hétérodoxie, au début du XIIIe s., les foyers hérétiques les plus actifs
68
sont bien loin de Paris. Face à la critique hérétique, la papauté a
conscience de la nécessité d'une lutte efficace qui passe par une
réforme du clergé et un approfondissement de la christianisation. Elle
rencontre de ce fait les aspirations d’une partie des théologiens réformateurs de Paris.
Le canon 2 de Latran IV serait ainsi l'aboutissement, volontairement spectaculaire, médiatisé, du rapprochement entre le siège pontifical et les écoles. Ce rapprochement a été préparé de longue date : certaines des dispositions de Latran IV reprennent des législations mises
en place par les prélats réformateurs, issus des écoles.
Si les idées des représentants de l'école biblique morale ont en partie été diffusées par le concile de Latran IV, il reste difficile de mesurer leur rôle dans la mise en avant de Pierre Lombard. Certains d'entre eux connaissaient bien son œuvre : Robert de Courçon est l'auteur
de questions sur les Sentences 44, Etienne Langton, d'un commentaire
presque complet de l'œuvre du Lombard 45.
Peut-on dès lors considérer 1215 comme la date d'entrée des Sentences
à l'Université ?
Le Livre des Sentences après 1215
Certains des plus éminents membres des écoles puis de la jeune
université parisienne avaient commenté les Sentences. La forme de ces
commentaires est très variée : gloses, qui sont plutôt le fait des élèves
de Pierre Lombard 46, notamment Pierre le Mangeur 47, Pierre de
Poitiers ; questions, ainsi les questions attribuées à Robert de Courçon,
mais aussi commentaire continu sur les Sentences (Etienne Langton).
Le texte du Lombard sert donc de support à la pensée des théologiens
parisiens avant 1215 et dès les débuts de l'Université. Ainsi, la Summa
aurea, œuvre de Guillaume d'Auxerre 48, composée entre 1215 et 1220,
s'appuie sur le plan des Sentences 49 : sans en être un commentaire 50,
69
elle témoigne de la familiarité des universitaires avec l'œuvre du
Lombard. Certains exemplaires de la Summa aurea figurant dans le
catalogue de 1338 du collège de la Sorbonne sont d'ailleurs intégrés à
la section regroupant les commentaires des Sentences 51. De même, un
Livre des Sentences figure à la suite d’une Summa aurea 52.
La période de transition, de mutation, des Sentences pour l'usage
universitaire reste mal connue.
Lorsque l'on dresse un tableau chronologique des commentaires des
Sentences composés à Paris au XIIIe s., se détache nettement l'œuvre
d'Alexandre de Halès. S'il n'est pas le premier à avoir commenté les
Sentences, l'ampleur de son commentaire, sa structure, justifient que
l'on considère qu'il y a un «avant» et un «après» Alexandre de Halès.
I. Brady 53 a démontré la place fondamentale qu'avait maître
Alexandre : son commentaire systématique, daté de 1220-1227, passe
pour le premier commentaire véritablement universitaire de l'œuvre du
Lombard 54. Sans nier le rôle d'Alexandre, il convient toutefois de
remarquer que le fait même de désigner un «responsable» de l'introduction du commentaire des Sentences à l'Université rend plus délicate
la compréhension d'une telle assimilation. Les chercheurs ont, me semble-t-il, été les dupes du texte célèbre de Roger Bacon qui dénonce
vigoureusement cette nouvelle pratique en en rendant responsable
Alexandre 55. Que tel ou tel maître introduise un commentaire des
Sentences dans son enseignement ne transforme pas l’œuvre de Pierre
Lombard en un texte «au programme».
Quelle a été l’influence d’Alexandre ? Peut-on trouver un moyen de
fixer l’entrée en masse du Livre des Sentences au sein de l’Université de
Paris ? Dans la mesure où l’Université joue un rôle moteur dans la production exponentielle des manuscrits à Paris au XIIIe s. 56, il est possible,
en s’appuyant sur les manuscrits du fonds de la Sorbonne de montrer
qu’il existe une période où, à Paris, la demande en manuscrits des
70
Sentences se fait plus intense.
De manière générale, il est difficile d'estimer le nombre de manuscrits produits au Moyen Âge ; et, si tout le monde s’accorde à dire que
les manuscrits médiévaux qui nous sont parvenus ne sont qu’une petite
partie de la production 57, personne n’a véritablement les moyens scientifiques de proposer une estimation de la proportion de manuscrits
conservés par rapport aux manuscrits effectivement produits. Si l’on
s’en tient à l’analyse des manuscrits conservés, le fonds de la Sorbonne
a pour avantage d’être un fonds homogène 58, qui s’est constitué relativement tôt dans l’histoire de l’Université. En se fondant sur le catalogue de la parva libraria (1338), et malgré ses imperfections 59, on peut
affirmer qu’en 1290, la bibliothèque du collège offrait à ses lecteurs de
26 à 29 copies des Sentences et en 1338, elle en avait environ le double, c'est-à-dire qu’elle proposait, en tout, 52 exemplaires de l’œuvre
du Lombard. Soit 54 manuscrits, dans la mesure où certains ouvrages
était constitués de deux volumes 60.
Leur conservation a été absolument remarquable : E. Ornato et C.
Bozzolo ont remarqué que le taux de conservation des manuscrits
décrits dans le catalogue de la parva libraria était de 41%. Ce taux leur
semble déjà tout à fait considérable 61. Le fait que le Livre des Sentences
soit un ouvrage dont les membres du collège ont un besoin continuel,
du XIIIe au XVe s. explique probablement le taux de conservation
exceptionnel de la section consacrée au Livre des Sentences : il est, en
effet, pour les manuscrits donnés avant 1290, de 86 à 85 %, et pour
ceux donnés avant 1338 de 62%. Nous avons donc un taux moyen de
conservation approchant les 74%.
En l’absence de catalogue pour la période qui suit 1338, il faut
recourir aux manuscrits des Sentences eux-mêmes : trois exemplaires
des Sentences subsistent en tout et pour tout 62. Même si l’on peut supposer la perte de quelques exemplaires, il reste évident que le principal apport de manuscrits des Sentences a lieu, pour le collège de maî-
71
tre Robert, avant 1338 et pour moitié avant 1290 63. Ainsi, la répartition des dons (avant 1290, avant 1338, après 1338) et le fait que plus
de 85% des manuscrits des Sentences de la parva libraria légués avant
1290 soient conservés 64, nous permettent d'obtenir une image de la
production des Livres des Sentences telle qu'elle se présentait au cours
du XIIIe s.
Si l’on se fonde sur des critères de décoration et de paléographie,
il est possible de déterminer le lieu de production des manuscrits,
même si, dans certains cas, il convient de rester prudent : ainsi, sur les
40 manuscrits étudiés 65, les deux tiers d’entre eux (26 à 29), c'est à
dire la plus grande partie du fonds de la Sorbonne, sont d’origine parisienne 66, 5 semblent être d’origine française 67, 4 ou 5 d’origine italienne 68 et un probablement d’origine anglaise 69.
Un seul manuscrit des Sentences du fonds de la Sorbonne porte une
indication de date 70, mais le recours à l’analyse du décor filigrané permet, notamment dans le cas des manuscrits d’origine parisienne, de
proposer une datation au quart de siècle près 71 :
72
Le deuxième quart du XIIIe s. se détache de façon évidente : plusieurs explications peuvent être avancées. D'abord, il convient de garder à l'esprit qu'il s'agit de la période qui précède la création du collège
de Sorbonne. Les maîtres qui ont contribué à la constitution de la
bibliothèque du collège suivent alors le cursus de la faculté de théologie et leurs manuscrits personnels sont probablement fabriqués durant
leur formation. Ceci peut, en partie, expliquer la proportion de manuscrits du deuxième quart du XIIIe s. En effet, sur les 13 manuscrits d'origine parisienne, 9 figurent déjà dans le catalogue de 1290 : ceci est en
pleine conformité avec les caractéristiques de la bibliothèque du collège, essentiellement constituée de legs de bibliothèques individuelles
de maîtres et d’étudiants et donc comprenant surtout des manuscrits
récents.
Une seconde explication est cependant nécessaire, tant la disproportion est forte avec les périodes précédente et suivante : on peut
soupçonner l'existence d'une forte demande de manuscrits des
Sentences entre 1225 et 1250, à Paris. Comment interpréter un tel
constat ?
Les éditeurs de la Glosa in quatuor libros Sententiarum
d'Alexandre de Halès proposent de la dater de 1220-1227, c'est-à-dire
alors qu'Alexandre est encore maître séculier. Ainsi, il semble que
«l'innovation» d'Alexandre, consistant à commenter le Livre des
73
Sentences s'inscrive dans un mouvement plus général d'intérêt pour
l’étude des Sentences du Lombard à Paris.
Peut-on aller au delà de ce constat ? Le décor filigrané des manuscrits parisiens permet d'estimer la date de la décoration du manuscrit
de façon relativement précise : en ne retenant que les exemplaires parisiens du Livre des Sentences, soit 26 à 29 manuscrits, j'ai essayé de proposer une fourchette de 10 à 20 ans durant laquelle un manuscrit peut
avoir été doté de filigranes72. Selon cette méthode, on obtient les résultats suivants :
74
Se détache assez nettement la période 1230-1240, durant laquelle 7
à 11 manuscrits ont été dotés d'un décor. Il faut de plus évoquer le cas
du ms lat. 15 715 dont le décor filigrané, proche du style pratiqué dans
les années 1210/1220 à Paris, a été en partie gratté pour être redécoré
de filigranes proches du style pratiqué dans les années 1240. On
remarque aussi la décennie 1260 durant laquelle 3 à 5 manuscrits ont
été dotés d'un décor filigrané : certains Livres des Sentences sont, à
cette date, copiés en deux volumes ce qui fausse en partie les résultats.
Il faut bien entendu manier avec prudence les résultats d'un tel
tableau dans la mesure où les manuscrits sont assez peu nombreux et
où la répartition par décennie reste un exercice très délicat. Le choix de
ne se centrer que sur les manuscrits d'origine parisienne est, lui aussi,
discutable : le copiste, ou le filigraneur, peut fort bien avoir été formé
en Italie, par exemple, puis exercer son art à Paris ; inversement, un
artiste parisien peut quitter la capitale et conserver une technique typiquement parisienne. Il me semble, malgré tout, possible de dégager
une tendance dans la production des Sentences démarrant en 1230
pour, peut être, se prolonger en 1260.
Sans avoir la prétention de proposer une date ferme pour l'introduction des Sentences dans l'enseignement théologique dispensé à Paris, il
est possible d'avancer l'hypothèse suivante : l'adoption des Sentences
en tant que manuel de la faculté de théologie de Paris, adoption nécessitant un équipement massif des étudiants, a probablement eu lieu dans
les deux décennies qui ont suivi le commentaire d'Alexandre de Halès.
Ces conclusions ont avant tout pour objectif de souligner la relative
lenteur de l'introduction des Sentences dans le cursus de théologie à
Paris. Pourra-t-on jamais avoir une idée plus précise de la production
parisienne du Livre des Sentences ? I. Brady signalait environ 202
manuscrits datant des XIIe et XIIIe s. 73, mais en soupçonnant que ce
chiffre ne reflètait que la moitié ou le tiers des exemplaires des
Sentences produits 74.
75
L'orientation que fournit l'analyse des manuscrits des Sentences
conservés, à savoir une intensification de la production dans le deuxième
quart du XIIIe s., et, plus vraissemblablement, aux alentours des années
1240-1250, expliquerait le fait que les manuscrits des Sentences ne comportent pas de marques indiquant une production par le système de la
pecia 75. Dans son ouvrage pionnier 76, J. Destrez relevait les première
marques de pecia dans des Questiones de Philippe le Chancelier (BnF,
ms lat. 16 387) : il s'agissait d'un manuscrit qu'il datait de la première
moitié du XIIIe s. et proposait de voir dans la période 1225-1235 le
moment de mise en place du système de la pecia 77. Cette datation est
aujourd'hui discutée : plusieurs historiens proposent une date plus tardive
dans la mise en place du système de la pecia à Paris 78.
Le système de la pecia s'est développé dans tous les centres universitaires, sur le modèle des deux plus prestigieuses universités : Paris et
Bologne. Il est difficile de déterminer la date exacte de la mise en place
de cette méthode de diffusion des livres universitaires, la discussion
pour en attribuer la paternité à Paris ou à Bologne semble terminée 79.
Le cas des Livres des Sentences du collège de la Sorbonne confirmerait que la plupart des manuscrits des Sentences sont antérieurs au système de la pecia, système qui se serait ainsi mis en place assez tardivement à Paris. Datant de 1275 80, une liste des exemplaria à disposition des étudiants fournie à la fin du Chartularium Universitatis
Parisiensis mentionne une Summa Longobardi 81 : si cet ouvrage est
véritablement le Livre des Sentences, rien n'indique qu'il a effectivement été loué pour être copié.
En l'absence de marques de pecia, qui auraient eu l'avantage d'indiquer une production de masse des Sentences, peut-on trouver des indices, dans des manuscrits particuliers nous révélant la manière dont a été
produit tel ou tel exemplaire des Sentences ? On relève sur au moins cinq
manuscrits des Sentences 82, en général d'origine parisienne 83, des changements de mains : plusieurs copistes ont donc contribué à la fabrication
de chacun de ces exemplaires des Sentences. Il semble qu'il y ait eu, dans
76
la plupart des cas, un système qui rappelle la pecia : la plupart des changements de main correspondent en effet à un changement de cahier 84.
C'est pourtant l'unité qui frappe : la grande majorité des manuscrits semblent être le fait d'un seul copiste 85 et rares sont ceux qui présentent un
décor filigrané 86 où l'on peut parvenir à distinguer deux mains ; bref, tout
conduit à conclure que l'on a affaire à une production de qualité, probablement issue d'ateliers et non due à des maîtres ou des étudiants s'étant
improvisés copistes.
La grande qualité des manuscrits, le soin apporté à leur présentation
se révèle dans la décoration dont ils sont dotés : sur les 40 manuscrits,
seuls deux sont dépourvus d'ornements 87. Le décor des 38 autres n'est
pas aussi austère que l'on pourrait s’y attendre : en effet, parmi eux,
outre les inévitables filigranes, à l'encre rouge et bleue, parfois d'une
grande complexité, 17 sont dotés d'une décoration plus riche 88. Six
d'entre eux, possèdent, au début de chacun des livres des Sentences des
initiales historiées 89 et six autres se voient dotés d'initiales ornées 90. Il
est vrai que tous les ouvrages du collège n'étaient pas les manuscrits de
“pauvres” maîtres qui, étudiants, avaient bénéficié d'une place au collège et, reconnaissants, avaient ensuite légué leur bibliothèque à la
Sorbonne. Robert de Sorbon, maître de l'Université, ayant fait une
belle carrière, a fait exécuter, à quelques années d'intervalle, d'imposants manuscrits qui se caractérisent par le soin apporté au décor et par
une mise en page soignée 91.
Ce premier développement nous a permis de présenter ce qui touchait
à l'introduction matérielle du Livre des Sentences au sein de la faculté
de théologie, dans les bibliothèques personnelles des maîtres puis dans
celle du collège de Sorbonne. Qu'en est-il de l'introduction des
Sentences au sein du programme d'études théologiques au XIIIe s ?
(2) Le commentaire des Sentences dans le cursus de théologie
Peu de textes du Chartularium Universitatis Parisiensis datant du
77
XIIIe s. décrivent l'organisation de l'enseignement de la théologie et
aucun ne mentionne explicitement le Livre des Sentences comme
manuel au programme.
Les textes normatifs parisiens 1215-1231
Dressons la liste des textes normatifs 92 contenant des informations
en lien direct avec l'enseignement de la théologie à l'Université : les
statuts élaborés par R. de Courçon en 1215, en 1228, une lettre de
Grégoire IX adressée aux théologiens parisiens les mettant en garde
contre l'usage de la philosophie, en 1231 la bulle Parens Scientiarum
adressée aux maîtres et aux étudiants de Paris dans leur ensemble. En
somme, assez peu de textes, même si l'on tient compte des informations supplémentaires apportées par quelques autres bulles (1207, limitations des chaires de théologie 93, 1208, reconnaissance par la papauté
d'une forme d'organisation des maîtres parisiens 94 ).
Parmi ces quelques textes, rares sont ceux qui donnent des informations concrètes sur la méthode théologique : seuls les statuts de 1215
et la bulle Parens Scientiarum évoquent l'organisation de l'enseignement. Mais les statuts de 1215 ne consacrent que quelques lignes à
l'enseignement de la théologie : la principale préoccupation du légat
semble être de réglementer la remuante faculté des arts. Un seul paragraphe s'adresse explicitement aux théologiens, même si certaines dispositions générales concernent les maîtres et les étudiants en arts
comme en théologie :
(…) En ce qui concerne le statut des théologiens, nous statuons que nul
ne lise à Paris avant 35 ans et qu'il n'ait étudié pendant au moins 8 ans,
entendu les livres fidèlement dans les écoles et assisté aux leçons de
théologie pendant 5 ans avant de le lire publiquement des lectures privées ; qu'aucun d'entre eux ne lise avant tierce lors des journées où lisent
les maîtres. Que nul ne soit reçu à Paris pour des lectures solennelles ou
pour des prédications s'il n'est pas de mœurs et de science honnêtes. Que
nul ne soit écolier à Paris s'il n'a de maître avéré (…) 95.
78
Robert de Courçon entérinant probablement des dispositions mises
au point par les maîtres, il faut en déduire que les décisions de 1215
touchant à la pratique de l'enseignement théologique s'inscrivent d'une
part dans la continuité des méthodes des écoles (disputes, lectures), et
sont la mise en œuvre, d'autre part, de réflexions menées dès le XIIe s.
par des membres des écoles désireux de réformer de l'enseignement 96.
Quant à la bulle de 1231, surtout préoccupé de régler le conflit entre
l'Université et le chancelier à propos de l'octroi de la licence, Grégoire
IX affirme explicitement aux maîtres :
“(…) nous vous laissons la faculté de prendre les décisons et les réglements nécessaires à propos de la façon et de l'heure où l'on lit et où l'on
dispute, à propos de l'habit autorisé, des obsèques des défunts mais aussi
en ce qui concerne les bacheliers, qui, à quelle heure et ce qu'ils doivent
lire 97 (…).”
En somme, le souverain pontife dans Parens Scienciarum se
contente de conseils assez généraux pour le programme des études de
théologie :
“Et que les maîtres et les étudiants de théologie s'efforcent dans la
faculté qu'ils fréquentent d'appliquer ce qu'ils professent et qu'ils ne se
montrent pas philosophes mais qu'ils s'appliquent suffisament pour être
théodoctes (…) ; mais qu'ils disputent sur ces questions seulement dans
les écoles et qu'ils veillent à ce qu'elles soient résolues par les livres
théologiques et les traités des Pères 98.”
Grégoire IX évoque certaines méthodes (dispute), certains ouvrages (livres théologiques et traités des Pères) : à vrai dire, le souverain
pontife est surtout soucieux de définir ce que ne doit pas être un théologien, c'est-à-dire être un philosophe. Bref, comme dans la bulle de
1228 adressée aux théologiens parisiens, et dénonçant la pratique de la
philosophie, le pape définit ce que doit être un théologien, sans pour
autant indiquer la manière de le devenir.
79
Rien n'est dit sur les programmes propres à la faculté de théologie,
les statuts de Robert de Courçon mentionnent des « livres » que les étudiants ont dû entendre commenter pendant une durée déterminée. Le
terme de livre, au pluriel peut, dans certains cas, désigner la Bible. Il
reste difficile de savoir si Robert de Courçon limite à l'Écriture Sainte
les leçons que doivent «fidèlement entendre» les étudiants. Les statuts
de 1215 laissent à penser que le légat innove peu, surtout en matière
théologique : il se contente de sanctionner une organisation déjà existante, qui laisse une entière liberté aux maîtres en théologie. Les théologiens ont donc la possibilité d'étendre leur activité magistrale à d'autres ouvrages.
D'autres éléments sont plus clairs : la fixation d'un âge limite pour
enseigner la théologie (34 ans révolus) ainsi que la durée minimale des
études (8 ans) 99. Sont ensuite mentionnés deux niveaux de progression :
après 5 années d'audition «fidèle» au cours du maître, l'étudiant peut lire
publiquement «une lecture privée» (lectio privata) ; seul le maître est en
droit, après avoir rendu compte de sa vie et de sa science (allusion à
l'examen de la licence) de faire des «lectures solennelles» (lectiones sollemnes ) et de prêcher.
Deux niveaux se différencient donc par la nature même de l'exercice de la lecture : est amorcée ici la distinction entre leçons ordinaires
(solennelles) et leçons extraordinaires - ou cursives - (privées). Les
premières sont caractéristiques de l'activité magistrale, les secondes de
l'activité de l'«auditeur fidèle», c'est-à-dire de l'étudiant avancé, une
sorte d'assistant, qui est plus fréquemment désigné sous le nom de
«bachelier» ( baccalarius ) 100. C'est d'ailleurs ce terme qu'emploie plus
commodément Grégoire IX dans Parens Scientiarum.
Dans le même passage des statuts de Robert de Courçon est mentionné un horaire que les bacheliers ont à respecter : «qu'aucun d'entre
eux ne lise avant tierce lors des journées où lisent les maîtres». Les
bacheliers sont donc tenus de ne commencer leurs lectures qu'après,
80
approximativement, 9h, au moment où s'est achevé le cours magistral :
il s'agit de permettre aux auditeurs moins avancés de suivre les deux
cours et d'établir une stricte hiérarchie entre deux activités d'une part
celle du maître, d'autre part celle de son assistant.
Ces horaires sont le reflet de pratiques déjà existantes dans les écoles : le bachelier universitaire a probablement un alter ego dès le XIIe s.,
même si le terme de baccalarius n'apparaît pas. De même pour les
horaires : Pierre le Chantre, dans le Verbum abbreviatum, analysant la
pratique de la lectio observe que si une question apparaît dans le texte,
elle doit être réservée et traitée à une autre heure 101.
Le rôle du bachelier, dans les premières années de l'Université est
donc d'être le «double» du maître : rien ne les distingue en dehors de
la profondeur du commentaire du texte étudié et des horaires auxquels
ce commentaire a lieu.
Le commentaire des Sentences, peut aussi bien être l'apanage du maître que du bachelier dans la mesure où les statuts laissent toute latitude
au maître dans le choix du texte à commenter. Robert Grossetête 102, alors
évêque de Lincoln, dans une lettre datant de 1245 ou 1246 103, adressée
aux maîtres régents de l'université d'Oxford demande que soit respecté
un ordre de lecture identique à celui de Paris :
« (…) Il convient donc que toutes vos lectures à propos de l'Ancien et
du Nouveau Testament soient faites principalement à cet horaire [heure
du matin] de peur que, si cela est fait différement, ne soient pas posées
d'[autres pierres] entre les pierres fondamentales, ou à leur place, et que
ce moment, qui lui convient, ne soit pas consacré à une autre activité,
contre l'enseignement de l'Écriture et l'ordre naturel des choses, car on
s'écartera alors manifestement des Pères, des témoignages des anciens
et du modèle des théologiens régents à Paris 104. (…) »
Robert Grossetête a probablement assisté aux cours dispensés à
Paris 105. Il est question ici des horaires des lectures ordinaires, c'est-à81
dire magistrales, de la Bible qui doivent être organisées le matin. Les
lectures ordinaires sont présentées comme la pierre angulaire de l'enseignement de la théologie. Dans la même lettre, Robert Grossetête
évoque aussi les textes qui doivent faire l'objet de lectiones magistrales (c'est-à-dire «l'ordinaire» du maître) :
« (…) ces pierres sont les livres des prophètes, parmi lesquels Moïse le
législateur ne doit pas être négligé ; ainsi que les livres des Apôtres et
les Évangiles, pierres fondamentales que vous posez et disposez dans la
fondation ; par l'intermédiaire de ces livres, grâce au don de distribution
venant des inspirations émises selon l’esprit, vous faites cours aux auditeurs. (…) nous [vous] exhortons dans le Seigneur Jésus Christ : que
toutes les lectures de votre ordinaire, qui doivent êtres lues à l'heure du
matin, portent sur l'Ancien ou le Nouveau Testament, afin que vous
soyez semblables aux pères de famille, bien plus, que vous soyez plutôt
vous-mêmes des pères de famille 106 (…).»
Peu nous importe ici l'efficacité de telles recommandations pour
Oxford : ce que met en valeur ce texte, c'est que l'enseignement universitaire modèle est, dans la première moitié du XIIIe s., celui de Paris,
surtout en ce qui concerne l'enseignement de la théologie, fondé,
d'après Robert, sur l'étude de la Bible. Robert Grossetête s'est probablement rendu à Paris durant les années où l'Angleterre était frappée
d'interdit : il nous décrit, dans un texte datant des années 1240, des
méthodes théologiques bien antérieures.
Pourquoi Robert Grossetête insiste-t-il tant sur ce qui fait le propre,
selon lui, de l'activité magistrale ? La fin du texte nous en donne la clé :
« (…) bien plus, que vous soyez plutôt vous mêmes des pères de famille
présentant les choses nouvelles et anciennes de vos trésors et non certaines autres, comme des intermédiaires bibliques ou des choses
construites à partir des Pères, auxquels il faut consacrer une heure plus
convenable (…) 107 .»
82
L'évêque de Lincoln fait allusion à une pratique nouvelle ayant
cours à Oxford : un commentaire magistral fondé non plus sur le texte
biblique mais sur «des intermédiaires bibliques», on pense par exemple à un ouvrage tel que l' Histoire scolastique de Pierre le Mangeur,
qui suit de près le récit biblique tout en l'expliquant. Quant aux «choses construites à partir des Pères», on pense à des florilèges ou à des
recueils de sentences, au premier rang desquels figure l'œuvre de
Pierre Lombard.
Ce que remet en cause Robert, ce n'est pas le commentaire des
«constructions des Pères» , mais le fait que l'activité magistrale caractérisée alors par la lectio de la sacra pagina soit modifiée en faveur de
la lectio de textes d'une autre nature 108. Ceci est confirmé par une «lettre secrète» adressée à Robert Grossetête par la papauté :
« Nous vous ordonnons de ne pas empêcher frère R. de l'ordre des
Prêcheurs enseignant, à Oxford, dans la faculté de théologie, à partir
d'une lecture ordinaire du Livre des Sentences, mais plutôt de le faire
avancer de sorte que, par la grâce qui lui a été donnée, il rende accessible le contenu profond et la nécessaire vérité de ce livre à ses étudiants
attentifs 109 (…).»
Le Dominicain en question est Richard Fishacre 110 qui commente
les Sentences v. 1245 111. Très infuencé par les auteurs parisiens 112, il
semble que ce soit lui qui introduise l'usage, à Oxford, d'un commentaire magistral des Sentences.
A Paris, les premiers commentateurs des Sentences sont aussi des
maîtres : Alexandre de Halès, a commenté les Sentences alors qu'il était
maître séculier, régent en théologie. Cela pourrait être le cas aussi
d'Hugues de Saint-Cher 113 et Roland de Crémone 114 : le premier est
l'auteur d'un commentaire daté c. 1231-1232 alors même qu'il occupe
la chaire de maître régent à Paris à partir de 1230. Quant au second, il
semble avoir refondu son commentaire primitif une fois à Toulouse en
1232-1234 115.
83
Le terme de «bachelier sententiaire» n'apparaît que très tardivement
dans les textes relatifs à l'Université 116. On peut donc se demander si la
charge de commenter les Sentences est, avant 1250, à l'usage exclusif des
bacheliers. Prenons les cas de maîtres séculiers dont les commentaires
ont été conservés : Pierre l'Archevêque 117, Jean Pagus 118, Etienne de
Poligny 119, Adam de Puteorum Villa 120, ont commenté les Sentences dans
les années 1240. Leur commentaire des Sentences ne figure que dans
deux manuscrits du collège de la Sorbonne 121, manuscrits dont le donateur est inconnu. D'une lecture extrêmement difficile, les deux ouvrages
présentent, l'un (lat. 15652) sous forme de cahiers reliés par la suite, l'autre (lat. 15702) dans ses marges, les introitus de plusieurs maîtres sur le
Livre des Sentences et, pour Jean Pagus et Adam de Puteorum villa, presque l'intégralité de leur commentaire des Sentences 122.
Quelques sermons, des commentaires bibliques, des commentaires
sur des œuvres d'Aristote (cas de Jean Pagus) témoignent d'une activité
d'enseignement ; mais rien ne nous permet de dire s'ils ont commenté
les Sentences en tant que bacheliers ou en tant que maîtres titulaires
d'une chaire 123. P. Glorieux, reprennant ce délicat dossier, en propose
une interprétation très classique : pour lui, les deux manuscrits sont la
preuve que la charge de bachelier sententiaire, tant chez les réguliers
que chez les séculiers, était déjà entièrement mise en place 124.
On peut donc considérer qu'à l'université de Paris, la lecture cursive des
Sentences est confiée à des assistants, probablement au cours des années
1240, et, de manière certaine, dans la seconde moitié du XIIIe s. ; ce mouvement de passage, entre le maître et le bachelier, du commentaire du
Livre des Sentences s'inspire peut être du modèle mendiant, notamment
dominicain, qui semble avoir fixé tôt un enseignement hiérarchisé et un
programme de théologie, comprenant des manuels que le jeune dominicain envoyé étudier dans un autre couvent doit avoir dans ses bagages 125 ;
parmi ces ouvrages, en plus de la Bible et de l'Histoire scolastique, sont
citées les Sentences de Pierre Lombard 126.
84
Que le commentaire soit, dans les débuts de l'Université, le fait du
maître ou du bachelier, après les années 1250, la lecture des Sentences
est devenue un exercice obligatoire pour tous les étudiants en théologie, comme l'illustre le catalogue du collège de la Sorbonne. Ainsi, les
manuscrits donnés par Robert de Sorbon au collège sont équipés de
vastes marges qui offrent suffisament de place pour y inscrire gloses et
annnotations personnelles. S'appuyant sur les méthodes scolastiques et
des formules déjà éprouvées, l'exercice du commentaire des Sentences
tend à se normaliser.
(3) Les manuscrits des membres du collège
La plupart des manuscrits du collège de la Sorbonne sont couverts
d'annotations : c'est la mise en page du texte (marges trop étroites,
réglures trop serrées) qui explique que certains en soient dépourvus 127.
L'équipement des manuscrits
Les manuscrits des Sentences sont enrichis d'éléments qui facilitent la
consultation de l'œuvre du Lombard : les gloses en sont un des éléments
majeurs. L'œuvre de Pierre Lombard a été travaillée dès le XIIe s. : la plupart des maîtres et des écoliers liés à l'école cathédrale ont prolongé la
tradition amorcée par le Maître ; c'est le cas de Pierre de Mangeur. Il semble qu'un recueil de gloses autrefois faussement attribuées à Pierre de
Poitiers 128 réflète le travail de plusieurs générations de disciples de Pierre
Lombard par l'entremise de l'enseignement de Pierre le Mangeur.
Certains des disciples du Lombard ont élaboré des disputes en s'appuyant sur le texte même des Sentences. Même s'ils se détachent de la
pensée de leur maître, son œuvre leur sert de point d'appui quant au développement de leur réflexion théologique. C'est le cas notamment d'Odon
d'Ourscamp 129.
L'école cathédrale, en quelque sorte héritière de Pierre Lombard,
85
est à l'origine de gloses : de façon plus générale, s'élaborent, probablement dans le milieu scolaire parisien, des séries de gloses. On peut
aujourd'hui en recenser au moins une douzaine 130, datées, lorsque c'est
possible, du dernier quart du XIIe s. au début du XIIIe s. Certaines sont
anonymes, d'autres attribuées à des maîtres parisiens.
Les manuscrits des Sentences du collège de la Sorbonne témoignent
du succès de ces gloses : les notes qui figurent dans la plupart des
manuscrits ne se contentent pas toutefois de reprendre des gloses déjà
existantes. Ainsi, le ms lat. 15722 (Paris, XIII 131 ) est doté d'annotations
en forme d'apparat 132, contemporaines à la copie, qui sont en fait des
gloses signées, suivant le modèle des manuscrits juridiques, par les initiales des maîtres, «.P.» et «.W.» 133, puis sont rajoutées des gloses (marginales ou interlinéaires) formant un commentaire dans lequel certains
maîtres ou Pères sont parfois cités 134. Ces annotations s’appuient en
général sur le cadre de réglure prévu par le copiste. Les copistes
emploient fréquemment des pied-de-mouches pour amorcer leur annotation et ont un système d’appel de note aux dessins variés, qui rappellent ceux des gloses juridiques.
Certains manuscrits comportent des notes que l'on peut difficilement rattacher à la tradition des gloses du XIIe s. Tel est le cas du
manuscrit lat. 15325 qui possède une glose écrite par une main proche du copiste du texte des Sentences. Le ms lat. 15325 me paraît
représentatif des gloses qui équipent les manuscrits du collège de la
Sorbonne : c'est une sorte de «condensé» de gloses, et de technique de
travail des Sentences que l'on retrouve dans plusieurs manuscrits. Sa
glose est en partie prise dans la reliure : cette quasi-absence de marge
interne pour la glose permet de supposer qu'elle a été copiée avant que
le manuscrit ne soit relié. Ce manuscrit, comme l'indique l'ex-libris du
collège 136, a été donné en 1286 par Raoul de Châteauroux à la bibliothèque de la Sorbonne 137. Il a été réservé, probablement au cours du
XIVe s., aux membres de la Sorbonne chargés de lire les Sentences 138 :
c'est ce que laisse supposer la mention suivante, figurant sur le f. 1 :
86
« Textus Sententiarum ad usum lectoris Sententiarum in collegio
Sorbone deputatus .»
Cet office n'existe pas encore au XIIIe s., à l'intérieur de la Sorbonne :
comme le relève Olga Weijers 139, le terme de lector dans le vocabulaire
des collèges désigne alors quelqu'un chargé d'une «lecture» religieuse,
notamment pendant les repas, mais pas un véritable enseignant. L'office
- et le terme - de lecteur des Sentences dans le collège de Sorbonne ont
probablement été adoptés sur le modèle des maisons des religieux 140,
notamment les couvents mendiants qui instaurent la charge de lector dans
tous les studia mendiants 141. Le lector sententiarum apparaît ainsi dans les
statuts dominicains dès 1265 142.
Malgré l'usure du parchemin, due probablement à la fréquence des
emprunts, on constate que ce manuscrit des Sentences a été copié et
décoré avec grand soin. Il est doté d'initiales ornées, d'initiales historiées (réalisées dans un atelier parisien par deux artistes différents) puis
d’initiales filigranées. Le texte des Sentences a été corrigé (soit par
grattages, soit par des notes dans les marges). Les gloses qui l'accompagnent sont extrêmement abondantes et se présentent comme un véritable apparat.
Typologie
La glose dont est doté le lat. 15325 est constituée à la fois de notes
marginales et interlinéaires. Elle s'appuie sur une réglure et est abondamment pourvue de pied-de-mouches qui ponctuent le texte. La mise
en page générale du texte évoque celle de la glosa ordinaria. Le texte
des Sentences, sur deux colonnes, garde cependant toujours le même
nombre de lignes et la disposition des gloses reste assez désordonnée :
il faut parfois tourner la page pour connaître le commentaire d'un passage situé au recto du feuillet, de multiples signes d’appels rendent difficile le repérage et la compréhension de certaines notes.
87
Une partie des annotations contribue à constituer un véritable apparat, digne de celui de l'édition scientifique actuelle : les textes auxquels
a eu recours le Maître des Sentences sont identifiés avec soin et une
référence précise est indiquée. Ainsi dans son prologue, Pierre Lombard
fait allusion à l'épisode de l'obole de la veuve (paupercula) : «Désirant
envoyer dans la salle du trésor du Seigneur quelque chose provenant de
notre indigence et de notre petitesse avec la veuve indigente… 143 .» La
glose renvoie à Marc .XII. a et Luc .XXI. a 144 : désignant ainsi les passages des deux Évangiles, Marc 12, 42-43 et Luc 21, 1-2. Le soin
apporté à l'identification des citations bibliques est constant tout au long
du manuscrit 145.
Outre l'identification des citations bibliques, la glose signale les sentences empruntées aux Pères que le Lombard n'indique pas toujours :
examinons le prologue des Sentences. Le Lombard n’indique pas les textes patristiques dans lesquels il a puisé pour élaborer cette introduction.
Ainsi, le début du paragraphe 2 Quo inardescentes, «fidem nostram
adversus errores carnalium atque animalium hominum 146…» : au dessus
d’errores carnalium, la glose 147 indique «Augustinus, .III. de Trin. c. .I.»
c'est-à-dire le livre III du De Trinitate d’Augustin, chapitre 1. Parfois cet
apparat se contente de préciser la citation de Pierre Lombard, ainsi L. I,
dist. 1 : « (…) ut enim egregius doctor Augustinus ait in libro De doctrina christiana 148…», la glose interlinéaire rajoute « [L.] I, c. 1 .a.».
Cet enrichissement critique du Lombard peut parfois être plus développé : commentant ainsi l’utilisation, dans son prologue, du De Trinitate
d’Hilaire, la glose signale une remarque par un nota, qui renvoie à une
remarque marginale au verso du feuillet 149 : « Unde Hylarius .I. de
Trinitate dicit verbum elegantissimum ‘Optimus, inquit, lector qui dictorum intelligenciam expectet potius quam inponat et retulerit potius quam
attulerit.» La glose contient rarement ce type de remarques ; par contre,
l’identification des citations bibliques, les références aux Pères ne fléchit
pas au fil du manuscrit.
88
Comme le relevait déjà J. de Ghellinck dans son article pionnier sur
les notes du Livre des Sentences, les glosateurs identifient avec soin les
citations, signalent les loci paralleli : cet appareil critique peut paraître
étonnant dans la mesure où dans de nombreuses œuvres médiévales, ce
que nous appellerions aujourd'hui «plagiat» est monnaie courante. De
même qui ne s'est pas heurté à des « quidam dicunt » qui signalent qu'il
s'agit de la pensée d'un autre maître, sans plus de précision ?
Peut-être faut-il chercher la réponse dans la nature même des
Sentences et dans le travail théologique extrêmement poussé qui l'entoure : faire le lien entre les Sentences et les textes bibliques qui soustendent cette œuvre, c'est garantir son intérêt pour tout théologien.
Mettre en valeur et préciser les textes patristiques qui structurent la pensée du Lombard c'est non seulement dégager la structure interne de chacune des distinctions du Maître, c'est aussi transformer le Livre des
Sentences en un véritable répertoire de textes patristiques classés par
thème théologique ; c'est donc répondre au mieux, avec les méthodes 150
élaborées au cours du XIIIe s., aux ambitions du Maître qui affirmait, à
la fin de son prologue :
« (…) assemblant les sentences des Pères en un livre succinct, une fois
donnés leurs témoignages, pour qu'il ne soit pas nécessaire au chercheur
de parcourir la multitude des ouvrages, cette brève compilation offre
sans peine au lecteur ce qu'il recherche 151. »
La glose du lat. 15325 ne se contente toutefois pas d’un tel apparat
critique : elle propose une amorce de commentaire fondée sur la divisio
textus. La divisio textus telle qu'elle est décrite par P. Glorieux 152, à partir des commentaires modèles de Thomas d'Aquin et de Bonaventure,
consiste en : «l'analyse logique du texte qui fait l'objet de la leçon. La
divisio textus énonce la structure de la distinction, et les principales parties de celle-ci».
Dans le lat. 15325, la divisio textus s'écarte de cette description
89
théorique : l'examen de la divisio textus qui figure dans les marges du
prologue révèle une technique plus complexe. Le glosateur ne s'en tient
pas à indiquer les différentes parties qui sous-tendent le prologue.
Citant un passage de l’œuvre du Ps-Boèce, De disciplina scolarium 153,
il s'efforce de démontrer que le prologue de Pierre Lombard a pour
objet de piquer l'attention du lecteur, lecteur rendu tout à la fois attentif, docile - c'est-à-dire qui souhaite apprendre - et bienveillant. Pour
piquer l'attention du lecteur, trois éléments sont nécessaires : la difficulté du sujet, le désir de progresser et de faire progresser les autres, la
volonté de lutter contre la méchanceté. La difficulté du sujet est illustrée de trois manières par le Maître : il dénonce sa faiblesse, puis
annonce la pénibilité de la matière, enfin il s'efforce avec confiance et
dans la mesure du possible d'achever son œuvre. Cette troisième attitude se fonde sur une parabole, celle du Samaritain, d'abord appliquée
à la question de l'achèvement de l'œuvre, ensuite appliquée au Maître
lui-même.
L'essentiel du commentaire en marge est fondé sur l'éclatement du
texte qui devient une sorte de “poupée gigogne” dans laquelle s'emboîtent les différentes étapes de la démonstration. Chaque partie du texte
ainsi découpée est désignée par ses premiers mots, eux mêmes soulignés, probablement sur le modèle des lemmes bibliques. Le lecteur
peut alors assez rapidement se repérer à la fois dans le texte des
Sentences mais aussi dans la divisio textus.
Contrairement aux commentaires des Sentences qui tendent à disjoindre la divisio textus du reste, la glose du lat. 15325, au cours de la
divisio textus élabore une forme de commentaire paraphrasant le texte
même des Sentences. C'est ainsi qu'est commenté le passage du prologue portant sur les calomniateurs 154 : après avoir annoncé que ses
détracteurs ont plusieurs manières de s'écarter de la vérité,
« deuxièmement [i. e. deuxième manière] : ils doivent faire ce qu'ils
comprennent de la vérité et non défendre leur position. A ce propos, il
90
ajoute : une volonté inique les pousse non à l'intelligence de la vérité
mais à la défense de ce qui plait 155 .»
puis, fondé sur le terme «inique» , est élaboré un petit développement :
«ce sont ces hommes iniques, ces déserteurs de la loi de Dieu que le
Seigneur a menacés d'être éternellement damnés, qui disent dites-nous
des choses flatteuses, Is. 30, a-b [10]. Reporte-toi à ce passage, ainsi qu'à
Prov. 18, a [2] : le sot ne prend pas plaisir à être intelligent mais à étaler son sentiment ; mais comme on le trouve en 19, a [Prov. 19, 2], là où
manque le savoir, c'est-à-dire qu'il ne partage ou ne dit à personne ce qui
lui plaît mais les choses vraies et utiles, il n'y a rien de bien.»
La divisio textus du lat. 15325 a donc plusieurs objectifs : elle offre
une lecture du texte du Lombard en en proposant une structure, elle
contient aussi des matériaux susceptibles d'être réutilisés pour un commentaire littéral. La compréhension du texte reste son principal souci :
il s'agit de serrer au plus près la pensée du Lombard ; dans le reste du
manuscrit, les notes marginales des premières distinctions des quatre
livres des Sentences s'écartent rarement de la paraphrase, et s'efforcent
d'en dégager la structure.
J'ai daté le manuscrit, ainsi que sa glose, du troisième quart du XIIIe s. :
son contenu montre à quel point c'est un produit de son temps. Pensons en
effet aux commentaires de Thomas d'Aquin, de Bonaventure et des théologiens qui leur succèdent 156 : tous élaborent un commentaire qui suit étroitement le texte, aucune distinction n'est omise et chaque partie du commentaire, respectant l'unité structurelle de la distinction, commence par une divisio textus 157. L'attention portée au texte du Lombard est aussi marquée, dans
le cas du commentaire de Bonaventure notamment, par le développement
systématique des dubia circa litteram. Les dubia circa litteram sont un
«retour au texte», après le développement des questions, une manière de le
relire rapidement, à la lumière de ce qui a été développé dans les questions,
pour résoudre les dernières difficultés qu'il pose 158.
91
Rares sont les manuscrits de la Sorbonne qui n'ont pas été dotés, soit
au moment de leur fabrication, soit par un lecteur diligent, d'une divisio
textus. Ceci expliquerait les caractéristiques, la structure et l'évolution de
certains des commentaires universitaires qui nous sont parvenus : négligeant tout ce qui a trait à l'explication du texte même du Lombard, c'està-dire, dans les commentaires «classiques» que sont ceux de Thomas
d'Aquin et de Bonaventure, la divisio textus et les dubia circa litteram,
ils se cantonnent à la partie centrale du commentaire, la plus éloignée du
texte des Sentences, consistant en la réponse personnelle du maître sur
les problèmes théologiques qu'il a fait naître de chaque distinction. En
effet, puisqu'il y avait des manuscrits contenant une explication littérale
du texte, pourquoi la reprendre ? Le fait que les commentaires se focalisent sur les questions n'est donc pas nécessairement l'indice d'un manque
d'intérêt pour le texte du Lombard : la glose du lat. 15325, la constance
des divisiones textus dans les manuscrits des Sentences le prouvent 159.
Mutiplicité des niveaux de lecture
La place consacrée à la divisio textus révèle que l'objectif principal
de la glose consiste, dans le cas du ms lat. 15325, à éclairer le texte de
Pierre Lombard. C'est pourquoi d'autres notes, plus ponctuelles et ne
s'intégrant pas dans l'analyse structurelle menée par la divisio textus,
répondent aussi aux ambitions de tout commentaire littéral 160 : elles
s'efforcent de fournir une analyse textuelle (littera), d'enrichir l'analyse
contextuelle déjà menée par la divisio textus (sensus) et de proposer
une analyse philosophique et théologique (sententia), en s’appuyant
sur différents instruments de travail propres aux théologiens.
Plusieurs gloses traitant de grammaire et de linguistique attirent
l'attention du lecteur : ainsi souvent un mot difficile est explicité en
marge. L'explication est en général précédée du mot, souligné, ainsi
que de son cas au génitif : par exemple pour le terme « biga » , on lit
la note suivante 161 « Quas bigas 162 : biga, bige est carrus habens duas
rotas » ; de même pour les verbes à propos du passage où Pierre
92
Lombard, s'inspirant étroitement d'un passage du De Trinitate d'Hilaire
évoque ses détracteurs «s'efforçant de corrompre la sainteté de la foi en
établissant de faux enseignements» , la glose indique :
« cum dicit «false doctrine institutis fidei sanctitatem corrumpere
molientes» : id est conantes vel machinantes a 'molior moliris molitus
sum' quod est cum difficultate conari sive machinari maxime de magnis
rebus, quod dicitur de 'moles molis' quod est pondus sicut dicit
Huguchio. »
Contrairement à ce qu'il semblait à J. de Ghellinck 163, le dictionnaire
de Papias n'est pas le seul à être utilisé dans les notes marginales ayant
trait au vocabulaire : les Derivationes 164 d'Huguccio de Pise semblent
aussi employées dans les marges du lat. 15325. La mention d'Huggucio
est rare : la glose, en général interlinéaire, se contente de mentionner
des termes synonymes qui éclairent le sens du texte du Lombard 165.
Outre les remarques strictement grammaticales et linguistiques, la
glose souligne parfois les effets rhétoriques auxquels se livre Pierre
Lombard : ainsi dans le prologue, une glose interlinéaire, au dessus de
l'expression « delectat veritas nos pollicentis 166 », commente « hic est
color retoricus 167 ».
Le sensus est largement exploré par l'intermédiaire de la divisio textus. L'analyse contextuelle ne se limite toutefois pas à la division du
texte, et la glose, s'appuyant sur l'Histoire scolastique de Pierre le
Mangeur, abonde en remarques étymologiques voire archéologiques.
Pour expliquer le terme «gazophylacium» employé par Pierre Lombard
dans le prologue des Sentences, la glose marginale indique :
« 'Gazophilacium' est locus in quo pecunia ad servendum ponitur, et
dicitur a 'gaza' quod est in lingua persica pecunia et 'philasse' quod est
servare. Et sicut dicit Magister in Historiis : erat locus in quo reponebantur donaria sacerdotum, scilicet archa, vel locus in quo erat archa.
Musa erat locus in quo reponebantur donaria regum et principum.
93
Gazophilacium proprie erat archa in qua reponebantur donaria transeuntium. Illud autem gazophilacium hic transfertur ad Sacram Scripturam
ubi divine spirituales reponuntur scilicet rationes vivaces per quas Sacra
Scriptura contra adversarios fidei nostre defenditur.»
La remarque linguistique se double ici d'une remarque historique
voire archéologique, et offre ensuite au lecteur une clé d'interprétation
lui permettant de mesurer la richesse du propos du Maître des
Sentences et ses liens avec l'Écriture.
La sententia, qui consiste en un développement théologique ou philosophique sur tel ou tel passage du texte commenté est assez peu mise en
valeur par la glose du prologue. Une note marginale porte parfois les germes d'une discussion, d'une mise en question de la méthode du Lombard.
Ce dernier emploie par exemple le verbe «presumpsimus», la glose interlinéaire rajoute alors « scilicet presumptione cum spe auxilii divini et
sinendi ». La présomption supposée du Lombard fait effectivement l'objet d'un dubium circa litteram dans le commentaire de Bonaventure 169. De
même sur «la vérité qui n'est pas comprise» , la glose s'interroge sur la triple manière dont un sens peut ne pas fonctionner, en prenant l'exemple de
la vision : aut propter impedimentum in organo, aut propter aversionem
ab objecto, aut propter defectum lucis in medio quoad visum. On trouve
une fois encore, de manière plus développée, cette question abordée dans
les dubia circa litteram du commentaire de Bonaventure 170.
Est ce à dire que la glose du lat. 15325 est fondée sur l'œuvre du
docteur franciscain ? En l'état actuel de mes recherches, il semble que
la situation est plus complexe : elle s'inspire en effet parfois d'éléments présents dans la glose d'Alexandre de Halès 171. Mais elle a aussi
des liens avec le commentaire d’Hugues de Saint-Cher, notamment
pour le Livre IV, qui constitue une partie de la glose interlinéaire 172. Elle
reprend aussi des éléments figurant dans le commentaire de Thomas, qui
lui même semble s’être appuyé sur un passage du De disciplina scolarium en ce qui concerne les trois dispositions de l'auditeur ( attentus,
94
docilis, benivolus ). A titre de conclusion provisoire, il me semble possible de dire que nous avons là une glose fondée à la fois sur les extraits
des commentaires de maîtres formés à Paris, mais aussi sur des instruments de travails utilisés par les théologiens (Derivationes, Histoire scolastique ), mettant en œuvre les méthodes de travail proches de l'exégèse
et se nourrissant, pour enrichir le propos de Pierre Lombard, de l'Écriture
sainte.
L'étroit travail de commentaire littéral, proche de celui pratiqué sur le
texte biblique, dont fait l'objet le Livre des Sentences amène à s'interroger
sur le statut du texte du Lombard : a-t-on encore affaire à une œuvre
magistrale, donc criticable, ou à un texte, qui, semant la confusion entre
le contenu (sentences des Pères) et le contenant (œuvre composée par un
maître), de façon «métonymique», fait figure d' auctoritas 176 ?
La mise en page du lat. 15325 s'efforce de distinguer de la façon la plus
nette possible ce qui est de nature autoritative dans les Sentences, c'est-àdire les textes patristiques et ce qui est propre à Pierre Lombard. Les noms
des autorités patristiques figurent le plus souvent en marge, à l'encre rouge.
Inversement, on trouve fréquemment placé entre deux lignes de texte, de
manière très discrète un «M.» à l'encre noire : ce «M.» correspond à chaque fois à un passage propre au Lombard ( « M[agister] » ). Le lecteur
trouve ainsi des signes diacritiques qui lui permettent de différencier entre
Pères et Maître des Sentences. C'est ainsi qu'il faut comprendre le recours
à Hugues de Saint-Victor dont les œuvres sont constamment invoquées
dans la glose. Pierre Lombard, malgré le prestige gagné lors du concile de
Latran IV, demeure un maître parmi les autres.
Pourquoi alors avoir choisi l'œuvre du Lombard comme manuel en
usage à la faculté de théologie ?
(4) Pourquoi commenter les Sentences ?
Les maîtres qui commentent les deux ouvrages fondamentaux de la
95
faculté de théologie ont recours aux mêmes techniques intellectuelles,
notamment en ce qui concerne le commentaire littéral : mais ont-ils
conscience d'avoir affaire à deux ouvrages de composition, de nature
et de forme différente ?
Les critiques de Roger Bacon
Le célèbre passage de Roger Bacon attaquant le Livre des Sentences
nous propose une réponse : le célèbre franciscain dénonce d'abord, dans
l'étude de la théologie, l'importance accordée aux Sentences, somme
dont un magister est à l'origine, au détriment de l'auctoritas du texte
biblique 174. Il rappelle ensuite à quel point cette méthode va à l'encontre de la tradition, citant les maîtres qui se sont cantonnés à l'exploration du texte biblique (Robert Grossetête, Adam Marsh) 175. Puis Roger
Bacon analyse la méthode mise au point par Pierre Lombard : le texte
des Sentences s'écarte de l'ordre biblique puisque le Maître procède
selon la méthode de l'enquête ( « per viam inquisitionis » ), de ce fait, la
littéralité de la Bible n'est plus respectée 176. Cette méthode a une autre
conséquence dans les pratiques des maîtres : les Sentences facilitent la
disjonction des questions, qui ne sont désormais plus posées lors du
commentaire biblique mais lors du commentaire des Sentences 177. C'est
pourquoi, pour Roger Bacon, la Bible n'est plus expliquée dans la
faculté de théologie 178.
Le texte de Bacon demeure délicat à commenter : il mêle des éléments propres à l'enseignement interne des couvents mendiants à des
pratiques strictement universitaires 179. Il convient aussi de souligner les
difficultés de contextualisation de ce passage de l'Opus minus (daté c.
1267). La situation qu'il décrit est-elle celle des années 1260 ou bien
est-ce la reprise de constats plus anciens, comme le laisserait supposer
la référence à Robert Grossetête ?
Pour Roger Bacon, la réponse à la question «pourquoi étudier les
Sentences ?» est évidente : dans son programme de réforme de l'ensei-
96
gnement de la théologie, les Sentences de Pierre Lombard sont bannies. Il propose leur remplacement par l'Histoire scolastique de Pierre
le Mangeur, qui, tel un accessus à la Bible, en faciliterait la compréhension. La violence de l'attaque de Roger Bacon s'inscrit dans le cadre
plus vaste de la réflexion sur la nature de la théologie : il dénonce ainsi
l'immixion de la philosophie dans les questions sur les Sentences 180 et
reste partisan d'un retour au texte fondateur de tout enseignement théologique, la Bible, refusant de considérer qu'une summa magistralis soit
la théologie ou même une partie de la théologie.
L'auteur des Sentences : quelle est l'autorité de Pierre Lombard ?
Les maîtres commentant les Sentences ont eu rapidement
conscience des difficultés soulevées par l'étude d'un texte qui ne soit
pas la Bible au sein de la faculté de théologie. Dans la glose sur les
Sentences d'Alexandre de Halès, c'est à travers l'analyse des méthodes
mises en œuvre par Pierre Lombard que l'on relève une justification,
très brève, de la méthode de l'examen rationnel proposé par le Maître
des Sentences. Alexandre, dans son Introitus donnait le contenu de
chacun des quatre livres en s'appuyant à chaque fois sur une citation
biblique. Lors de son commentaire du prologue, commentant le passage « [ Vox nostra ] non a paternis discessit limitibus 181 » («notre voix
ne s'est pas écartée de la ligne de nos Pères ») il indique :
« son argument [est fondé sur] Ex. 19, 21, Descends et avertis le peuple
de ne pas franchir les limites pour aller voir le Seigneur et plus loin, 23,
délimite la montagne. A partir de ces passages, sont posés les termes de
la recherche ( inquisitio ) humaine. Sur ce passage la Glose dit en effet :
«une grande modestie est nécessaire pour qui ne veut pas scruter la
nature divine au delà de sa capacité» . Prov. 25, 27 : « Ainsi est l'examinateur curieux de la majesté divine, il sera écrasé par sa gloire » et « le
miel trouvé, mange avec mesure». C'est pourquoi Jean Damascène dit :
« ce qui nous est transmis par la Loi, les Prophètes et les Apôtres, vénérons-le et connaissons-le, sans rien rechercher au delà 182 .»
97
Si la glose d'Alexandre fournit les passages bibliques posant les
bornes de la curiosité humaine à l'égard des mystères divins, elle est
aussi la justification de la méthode de Pierre Lombard, qu'elle inscrit
dans la tradition transmise par le texte biblique par l'intermédiaires des
législateurs, des prophètes et des Apôtres.
Dans les commentaires postérieurs des Sentences, se pose la question de l'auteur, qui est une autre manière de s'interroger sur la nature
du texte des Sentences. Les prologues des commentaires des Sentences
proposent en général une réflexion sur la nature de la théologie et la
question de l'auctor du texte biblique est abordé : les auteurs distinguent un auteur principal (Dieu) et un auteur instrumental (l'auteur
humain de tel ou tel livre biblique) 185. Certains maîtres innovent en
reproduisant cette question à propos des Sentences : ainsi, se fondant
sur le schéma des quatre causes aristotéliciennes, s. Bonaventure s'interroge sur la cause efficiente du Livre des Sentences 184.
Deux passages du prologue à son commentaire des Sentences abordent ce problème : dans le développement du prologue puis sous forme
de question, « Postremo ad majorem evidentiam potest queri de causa
efficiente ». Bonaventure affirme sans hésitation qu'il s'agit de Pierre
Lombard, évêque de Paris 185 ; certes, dit-il, le Saint Esprit reste en effet
le principal explorateur des secrets et des profondeurs, mais l'esprit
conduit par la charité, c'est le Maître qui a composé cet ouvrage : aidé
par l'Esprit, il est celui qui a mis à nu les choses cachées 186. Pierre
Lombard est donc véritablement auteur : Bonaventure définit les quatre manières de composer un ouvrage 187, Pierre Lombard est plus qu'un
scripteur, «qui écrit quelque chose appartenant à un autre, sans rien
ajouter ni changer 188», plus qu'un compilateur «qui écrit quelque chose
appartenant à un autre en ajoutant des choses qui ne lui sont pas propres», plus qu’un commentateur «qui écrit des choses qui appartiennent à un autre et des choses qui lui sont propres 189, mais les choses qui
appartiennent à un autre sont prépondérantes et les siennes sont
annexes à la démonstration 190 », mais bel et bien un auteur 191, «qui écrit
98
des choses appartenant à un autre et les siennes, mais les siennes sont
prépondérantes et les autres, annexes, consolident sa pensée 192 ». Pour
Bonaventure, Pierre Lombard propose en effet ses propres sentences et
les consolide avec celles des Pères.
Désigner Pierre Lombard comme cause efficiente du Livre des
Sentences, c'est, certes, accepter qu'un autre texte que la Bible soit sujet
d'enseignement ; mais faire du Maître des Sentences la cause efficiente
de ses Sentences c'est aussi laisser la possibilité de critiquer et de travailler ce texte.
Il existe donc un jeu dialectique complexe sur l' «autorité» du Livre
des Sentences au sein de la faculté de théologie : le ms lat. 15 325 est
le reflet du délicat statut accordé aux Sentences. Au fil de la divisio textus est en effet abordée la division en quatre causes : lorsqu'il est question de la cause efficiente, la glose maintient l'attribution tradionnelle
de cette œuvre à Dieu.
« Horum igitur etc. Posita et declarata dignitate materie hujus operis. Hic ponitur ejus rationabilitatem. Est enim opus rationabile eo quod per causam intedit
vel procedit. Et ideo quatuor facit hic secundum quadruplicam causam : primo
ponit causam finalem, secundo efficientem ibi, in labore, tercio materialem
ibi, ex testimoniis, quarto formalem ibi in quatuor 193. (…) In candelabro
exaltare : tunc tangitur causam efficientem dicens in labore multo ac sudore
volumen scilicet istud Deo prestante quantum ad causam efficientem principalem, compegimus quantum ad instrumentalem 194 ».
Une œuvre ouverte
Dans les commentaires du XIIIe s., la cause formelle, quand elle est
abordée, n'est pas présentée comme un élément décisif dans le choix
des Sentences comme manuel de théologie à l'Université.
Ce sont essentiellement les historiens qui invoquent la «cause formelle» (c'est-à-dire la structure même des Sentences) pour expliquer
son succès : malgré les jugements très durs dont a été l'objet la pensée
99
de Pierre Lombard 195, la plupart des historiens de la littérature scolastique lui reconnaissent des capacités de synthèse, un plan opérant et
couvrant l'ensemble des questions théologiques de son temps. Sa tiédeur, selon eux, fait sa qualité : il sait se servir des meilleures synthèses de son temps, notamment celles d'Hugues de Saint-Victor, il sait,
sur le modèle d'Abélard, accorder les opinions divergentes des Pères
tout en faisant preuve de modération - contrairement à son prédecesseur - voire de traditionalisme, dans ses prises de positions 196. Ce serait
en fait, la neutralité, la modestie, la «médiocrité» des Sentences qui
seraient à l'origine de leur succès durant près de trois siècles.
Marcia Colish s'insurge contre cette manière de présenter l'œuvre
du Lombard, elle s'efforce notamment de restituer toute l'actualité, la
nouveauté, de la réflexion du Lombard en l'inscrivant dans les débats
théologiques de son temps et en serrant au plus près ses méthodes
intellectuelles. Au risque, comme le souligne P. Rosemann 197 d'accorder à la pensée du Lombard plus de sophistication qu'elle n'en a.
La question des différences formelles entre Bible et Sentences a été
toutefois abordée par les maîtres du XIIIe s. Plusieurs théologiens sont
conduits à réfléchir sur les modes de transmission des textes théologiques 198 : la différence de nature, de forme et de discours entre les deux
principaux ouvrages en usage à l'Université de Paris saute aux yeux 199.
A l'inverse du texte biblique, les Sentences de Pierre Lombard appartiennent à un genre littéraire ouvert, recueil d'autorités que l'on peut
enrichir. L'analyse du lat. 15 325 démontre le travail constant d'enrichissement auquel se livre la glose. Du point de vue formel, l'œuvre de
Pierre Lombard est aussi une «œuvre ouverte» qui a été adaptée aux
contraintes du commentaire universitaire. Les manuscrits des
Sentences du collège de la Sorbonne l'illustrent parfaitement. Les
manuscrits universitaires du XIIIe s. témoignent d'une volonté de
consultation efficace et ponctuelle. Outre le maintien de la mise en
page sur deux colonnes, les manuscrits sont ponctués et leur lecture est
facilitée grâce à la présence de traits sur les i, ou de traits verticaux
100
séparant les mots. Les copistes recourent systématiquement à des titres
courants indiquant le numéro du livre. Pierre Lombard est l'auteur de
rubriques qui, non seulement indiquent le titre du chapitre traité mais
structurent aussi les grandes articulations rhétoriques du texte 200. Leur
abondance peut parfois gêner la lecture : dans plusieurs manuscrits du
XIIIe s., les rubriques principales sont alors données en marge, tout
comme le nom de l'autorité patristique citée.
Deux éléments me semblent particulièrement liés à la métamorphose du Livre des Sentences en un manuel universitaire : Pierre
Lombard annonçait dans son prologue qu'il avait
« assembl[é] les sentences des Pères en un livre succinct, une fois donnés leurs témoignages, pour qu'il ne soit pas nécessaire au chercheur de
parcourir la multitude des ouvrages, cette brève compilation offre sans
peine au lecteur ce qu'il recherche. (…) Pour que ce que l'on recherche
se présente plus facilement, nous avons mis en avant les titres par lesquels les chapitres de chaque livre sont distingués 201 ».
La table des chapitres figure en effet dans la plupart des ouvrages
du XIIe s., bloc compact, situé entre le prologue et le début du livre I
des Sentences, conformément à ce qu'annonçait le Maître. Dans les
manuscrits du fonds de la Sorbonne, cette table, au contraire, précède
chacun des quatre livres des Sentences jouant ainsi le rôle de table des
matières, voire d'index, facilitant la consultation ponctuelle de l'ouvrage. Seconde innovation, la diffusion extrêmement rapide et relativement uniforme, d'un nouveau découpage des Sentences, probablement
inventé par Alexandre de Halès 202, cette “superstructure” sous forme de
distinctions, regroupe plusieurs chapitres du Lombard. Ce découpage
en distinctions est souvent rajouté, dans les marges des manuscrits les
plus anciens par une main postérieure. Les copistes, notamment dans
la deuxième moitié du XIIIe s., font figurer ce découpage en distinctions dans les marges à l'encre de couleur. Certains manuscrits comportent aussi le numéro de la distinction dans l'angle supérieur droit de
chaque feuillet, ce qui, dans le cas du Livre des Sentences est plus effi101
cace qu'une pagination.
La distinction est le résultat du travail universitaire, extrêmement
spécifique, dont le Livre des Sentences fait l'objet : elle devient, pour
autant qu'on puisse en juger, du fait de l'écart entre l'oralité de la lectio
et la rédaction du commentaire, l'unité de base du cours 203. Œuvre
ouverte, sur le fonds comme sur la forme, le Livre des Sentences
connaît des transformations structurelles liées à son nouveau statut au
sein de l’Université.
Les manuscrits du collège de la Sorbonne sont les témoins privilégiés de l'entrée de l'œuvre des Sentences dans la nouvelle institution
universitaire. Les circonstances de cette introduction sont liées à plusieurs faits décisifs : le texte des Sentences est déjà objet d'attention et
de discussion de la part des maîtres parisiens, il est souvent sous-jacent
dans plusieurs œuvres magistrales du début du XIIIe s. La mise en
avant de la pensée de Pierre Lombard lors du concile de Latran IV est
le résultat, volontairement spectaculaire, du rapprochement entre la
papauté et les écoles. Si l'orthodoxie du Lombard s'est trouvée assurée
par le concile, l'entrée du Livre des Sentences au sein de la faculté de
théologie a été assez lente : ça n'est que dans le second quart du XIIIe
s. que l'on peut constater une production massive de manuscrits, liée à
l'équipement des étudiants en théologie.
A quelle occasion, à quel moment du cursus, par qui les Sentences
étaient-elles commentées ? Si l'on s'en tient aux textes normatifs, non
seulement peu abondants, mais relativement ambigus, il reste difficile
de répondre avec précision à cette question : on peut toutefois supposer qu'avant 1250, la lectio sur les Sentences semble être une activité
plutôt magistrale. Le bachelier «sententiaire» , spécialisé dans le commentaire de l'œuvre du Maître, semble être un personage tardif du paysage universitaire.
Les manuscrits des Sentences du collège de la Sorbonne témoignent
102
du travail réalisé sur l'œuvre du Lombard : la majorité des ouvrages
conservés sont couverts de notes (gloses comme annotations). Le commentaire sous forme de glose du texte du Lombard a sa racine dans le
travail réalisé par les disciples parisiens du Maître. Des maîtres prestigieux du XIIIe s. ont poursuivi cet effort d'explicitation du texte tels
Alexandre de Halès et Hugues de Saint-Cher dont les commentaires
suivent très étroitement la pensée de Pierre Lombard. Le manuscrit lat.
15325 est symbolique du travail dont les Sentences font l'objet à Paris
à partir de la seconde moitié du XIIIe s. : doté d'une glose dès sa
confection, amplement travaillé dans les siècles suivants, le lat. 15325
est le produit de son temps. Il accorde une grande place à la divisio textus ainsi qu'à la lettre (littera), fournissant les éléments essentiels d'un
commentaire littéral. En dressant une typologie des gloses qui enrichissent le prologue, on constate l'établissement d'un apparat critique particulièrement minutieux et la mise au point d'éléments, rappelant les
méthodes de l'exégèse, qui permettent d'accéder à plusieurs niveaux de
lecture des Sentences.
Enfin, le passage célèbre de l'Opus minus de Roger Bacon et les
éléments fournis par les premiers commentateurs des Sentences,
démontrent la place ambiguë qu'occupe le manuel de Pierre Lombard
dans l'enseignement de la théologie. Il reste, certes, un ouvrage sur
lequel l'apprenti théologien s'exerce mais il est aussi une œuvre
ouverte, qui subit de multiples transformations tant textuelles que formelles afin d'être adapté à l'enseignement théologique. En cela, dès la
fin du XIIIe s., le commentaire du Livre des Sentences devient, à Paris,
pour les maîtres - et non plus seulement pour les étudiants - l'instrument privilégié, longuement travaillé, parfois soumis à plusieurs rédactions, de la diffusion de leurs positions théologiques.
Notes
STEGMÜLLER, F., Repertorium commentariorum in Sententias Petri
Lombardi, 2 vol., Würzburg, 1947 (désormais cité : Stegmüller, RCS) : F.
Stegmüller propose un classement très large tant du point de vue chronologi1
103
que – auteurs antérieurs à Pierre Lombard – que du point de vue de la nature
de certaines œuvres, qui ne sont pas à proprement parler des commentaires
mais des sommes de théologie (par exemple, la Somme de théologie de
Thomas d'Aquin, la Summa de sacramentis longtemps attribuée à Hugues de
Saint-Victor ou la Summa aurea de Guillaume d'Auxerre). J'ai donc éliminé
les œuvres qui n'étaient pas, à strictement parler, des commentaires en tenant
compte des informations apportées par les publications précisant et actualisant le répertoire de Stegmüller (cf. DOUCET, V., Commentaires sur les
Sentences de Pierre Lombard : Supplément à F. Stegmüller, extr. Archivum
Franciscanum Historicum, 47, 1954 ; id., «Quelques commentaires sur les
Sentences de Pierre Lombard», Miscellanea Lombardiana, Novare, 1957, p.
275-295 ; VAN DYK, J., «Thirty years since Stegmüller. A bibliographical
guide to the study of medieval Sentence commentaries since the publication
of Stegmüller's Repertorium commentariorum in Sententias Petri Lombardi
(1947)», Franciscan Studies, 39, 1982, p. 255-315). J'ai de plus ajouté les
commentaires anonymes signalés par F. Stegmüller et les différents manuscrits inconnus de F. Stegmüller, signalés par divers chercheurs (V. Doucet,
mais aussi BATAILLON, L. J., «Commentaires sur les Sentences :
Supplément au répertoire de M. Frédéric Stegmüller», Bulletin thomiste, 9,
1954-56, p. 30, p. 916 ; BERNARDS, M., «Zur Überlieferung mittealterlicher
theologischer Schriften. Neue Handschriften», Recherches de théologie
ancienne et médiévale, 19, 1952, p. 327- 336 ; BUYTAERT, E., «Damascenus
Latinus : on Item 417 of Stegmüller's Repertorium Commentarium»,
Franciscan Studies, 13, 1953, p. 37-70 ; GOLASZEWSKA, M., KOROLEC,
J. B., POLTAWSKI, A., SIEMIATKOWSKA, Z. K., TARNOWSKA, I., WLODEK, Z., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de F.
Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum, 2, 1958, p. 22-27 ;
KOROLEC, J. B., PALACZ, R., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de F. Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum,
11, 1963, p. 140-145 ; KOROLEC, J. B., POLTAWSKI, A., WLODEK, Z.,
«Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de F.
Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum, 1, 1958, p. 28-30 ; KUKSEWICZ, Z., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de
F. Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum, 5, 1960, p. 45-49 ;
REBETA, J., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de
F. Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum, 12, 1967, p. 135-137 ;
WLODEK, S., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de
F. Stegmüller», Bulletin de la Société internationale pour l'étude de la philo104
sophie médiévale, 5, 1963, p. 144-146 ; WLODEK, S., «Commentaires sur les
Sentences, supplément au répertoire de F. Stegmüller d'après les manuscrits
de la Bibliothèque du Grand Séminaire de Pelplin», Mediaevalia
Philosophica Polonorum, 8, 1961, p. 33-38 ; WLODEK, S., «Commentaires
sur les Sentences, supplément au répertoire de F. Stegmüller d'après les
manuscrits des bibliothèques de Prague», Bulletin de philosophie médiévale,
7, 1965, p. 91-95 ; WLODEK, S., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de F. Stegmüller d'après les manuscrits de la bibliothèque
de Wroclaw», Bulletin de philosophie médiévale, 6, 1964, p. 100-104 ; WOJCIK, K., «Commentaires sur les Sentences, supplément au répertoire de F.
Stegmüller», Mediaevalia Philosophica Polonorum, 13, 1968, p. 111-114).
2
GLORIEUX, P., «Sentences (Commentaires sur les)», Dictionnaire de théologie catholique, 14/2, 1941, col. 1860-1884.
3
Je fait référence notamment au recueil publié sous la direction de G. R.
EVANS, Medieval Commentaries of the Sentences of Peter Lombard, vol. 1,
Leiden, 2002.
4
DENIFLE, H. et CHATELAIN, E. (éd.), Chartularium Universitatis
Parisiensis, 4 vol. , Paris, 1889-1897, désormais abrégé CUP suivi du numéro
du volume et du numéro du document auquel il est fait référence.
5
CUP, I n°419.
6
Mis en annexe du t. II du CUP sous les numéros 1188 (entre 1335 et 1366)
et 1189 (vers 1385-1387). Voir aussi les textes des serments requis par les
maîtres et étudiants en théologie (CUP, II n° 1190, vers 1385-1387).
7
GLORIEUX, P., «L'enseignement au Moyen Age. Techniques et méthodes
d'enseignement en usage à la faculté de théologie de Paris au XIIIe siècle»,
Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 35, 1968, p. 65-186.
8
A ma connaissance, seul J. de Ghellinck s'est penché sur les annotations :
«Les notes marginales du Liber Sententiarum», Revue d'Histoire ecclésiastique, 14, 1913, p. 511-536 et p. 705-719 ; Plusieurs articles d'A. Landgraf s'intéressent aussi aux gloses (cf. infra).
9
ROUSE, R. H. et M. A., «La bibliothèque du collège de Sorbonne», Histoire
des bibliothèques françaises, t.1 : Les bibliothèques médiévales du VIe siècle à
1530, VERNET, André (dir.), Paris, 1989, p. 113-123.
10
NEBBIAI-DALLA GUARDA, D., «Classifications et classements»,
Histoire des bibliothèques françaises, t.1 : Les bibliothèques médiévales du VIe
siècle à 1530, VERNET, André (dir.), Paris, 1989, p. 373-393
11
ROUSE, R. H., «The Early Library of the Sorbonne», Scriptorium, 21,
1967, p. 42-71 et p. 226- 251. Pour une édition du testament de Gérard
105
d'Abbeville cf. GRAND, P., «Le quodlibet XIV de Gérard d’Abbeville»,
Archives d’Histoire doctrinale et littéraire du Moyen-Âge, 31 (1964), p. 214218, plutôt que GLORIEUX, P., Aux origines de la Sorbonne, t. 2 : Le cartulaire, Paris, 1965, n° 301, p. 354-360.
12
Cette variation s'explique ainsi : il est difficile de savoir si le catalogue de
1290 ne contenait que les 25 premiers exemplaires des Sentences signalés
dans le catalogue de 1338 ou s’il contenait les trois volumes suivants cf.
ROUSE, R. H., «The Early …», notamment p. 64.
13
Dans l'édition du catalogue de 1338, la section consacrée aux Scripta et
Questiones supra Sentencias indique 118 volumes ; il faut aussi tenir compte
de la section suivante (Summe Questionum) dans laquelle figurent d'autres
commentaires, du fait d'une erreur de catalogage. Cf. Le Cabinet …, III, p. 2534.
14
Plusieurs historiens ont insisté sur le gain d'autorité des Sentences grâce à
Latran IV : ainsi, V. Doucet, Commentaires sur les Sentences. Supplément au
Répertoire de M. F. Stegmüller, extr. Archivum Franciscanum Historicum, 47,
1954, p.88- 170 et p. 400-417 «Aucun maître en théologie n'a joui au Moyen Âge
d'une autorité comparable à celle de Pierre Lombard, surtout après qu'Innocent
III eut proclamé au IVe concile du Latran contre Joachim de Flore : Nos autem,
sacro apporbante concilio credimus et confitemur cum magistro Petro
[Lombardo] …». C'est aussi ce que semble suggérer M. Colish, soulignant la
concomittance des deux évènements : «And, in 1215, the same year in which the
fahers of Lateran IV arrived at this judgement, the Lombard's Sentences were
mandated as required reading for doctoral candidates in theology in the statutes
legislated by the University of Paris.» (Peter Lombard, vol. 1, p. 434). Cf. aussi
Ead., ibid., p. 11.
15
Les œuvres de Gerhoch sont éditées dans la Patrologie Latine, t. 194. Sur
son œuvre, cf. VAN DEN EYNDE, D., L'œuvre littéraire de Géroch de
Reichesberg, Rome, 1957 et CLASSEN, P., Gerhoch von Reichesberg : Eine
Biographie, Wiesbaden, 1960.
16
En fait, Pierre Lombard est amené à exposer les diverses réponses apportées à la question de savoir si Dieu en devenant homme est devenu quelque
chose ou non. Pierre divise, dans un passage devenu classique, les réponses
en trois théories, celle de «l'assumptus homo», celle de la subsistance et celle
de «l'homo habitus». La première théorie enseignait que non seulement Dieu
est devenu homme, mais que l'homme est devenu Dieu ; en quelque sorte une
forme modifiée d'adoptianisme : Marie, ayant engendré un enfant humain, ce
dernier aurait été immédiatement «assumé» par le Verbe divin, avant qu'une
106
personnalité humaine ne soit formée : ainsi assumée, l'humanité du Christ
s'était approprié tous les pouvoirs de connaissance et de sagesse de Dieu. Le
Christ est donc «devenu Dieu» par l'intervention de la grâce. Il est alors permis d'affirmer que Dieu est «devenu homme» puisque divinité et humanité
ne forment plus qu'une même personne («théorie de l'assumptus homo», cf.
M. COLISH, Peter Lombard, vol. 1, p. 400). La deuxième théorie enseignait,
influencée par Jean Damascène, que Dieu «devenu homme» aurait commencé à exister en deux natures ou trois substances, corps, âme et divinité.
Après l'Incarnation, la personne du Christ, simple auparavant, est alors composée de divinité et d'humanité («théorie de la subsistance», cf. M. COLISH,
Peter Lombard, vol. 1, p. 401). La troisième théorie enfin, refusait l'idée
selon laquelle l'être divin serait devenu humain et vice-versa, et qu'il serait
formé d'une personne composée de deux natures : elle propose de voir dans
le corps et l'âme un vêtement pour le Verbe, grâce auquel il devient accessible aux yeux des hommes. Dieu n'est donc devenu homme que par la forme
qu'il a prise ; c'est un élément accidentel dans la personne du Christ, qui n'a
donc pas changé de nature mais seulement de forme, exactement comme un
vêtement change de forme selon qu'on le revêt ou qu'on le quitte («théorie de
l'homo habitus», cf. M. COLISH, Peter Lombard, vol. 1, p. 401).
17
Cf. Réponse de l'évêque Eberhard de Bamberg, Epistola 16 (PL 193, col.
555B-556C et 561D-564A) à Gerhoch et analyse de la réponse chez VAN
DEN EYNDE, D., L'œuvre littéraire de Géroch de Reichesberg, Rome, 1957,
p. 279-280.
18
Cf. HÄRING, N. M. (éd.), «The Eulogium ad Alexandrum Papam tertium
of John of Cornwall», Medieval Studies, p. 253-300.
19
GLORIEUX, P. (éd. ), «Le Contra quatuor labyrinthos Franciae de
Gauthier de Saint-Victor», Archives d'Histoire doctrinale et littéraire du
Moyen Âge, 19 (1952), p. 187-335. Dans son ouvrage, il semble que Gauthier
de Saint-Victor se soit largement inspiré d'un ouvrage anonyme, l'Apologia de
verbo incarnato, non pas dirigé contre Pierre Lombard mais issu des premiers
débats à propos du nihilisme christologique ; GLORIEUX, P., «Mauvaise
action et mauvais travail, le Contra quatuor labyrinthos Franciae»,
Recherches de théologie ancienne et médiévale, 21, 1954, p. 179-193.
Palémon Glorieux insiste, dans ce dernier article, sur le peu de rayonnement
de cet ouvrage : «De son ouvrage, nulle mention n'est faite dans les écrits
contemporains, nul ne le connaît ni le cite. Tout porte à croire qu'il n'a pas dû
franchir beaucoup les frontières de Saint-Victor» (p. 182). P. Glorieux fait de
plus remarquer que Gauthier de Saint-Victor ne se contente pas de dénoncer
107
les thèses christologiques de Pierre Lombard : il s'attaque en outre à ses thèses eucharistiques et mariologiques.
20
GLORIEUX, P., «Mauvaise action et mauvais travail…», p. 184.
21
COLISH, M., Peter Lombard, vol. 1, Leyde, 1994, p. 435.
22
Cf. LONGERE J. (éd.), Le 3e concile du Latran (1179) : sa place dans l'histoire, Paris, 1982. Notamment l'article de J. CHATILLON, «Latran III et l'enseignement christologique de Pierre Lombard», p. 79-81 ainsi que l'ouvrage
de J. de GHELLINCK, Le mouvement théologique au XIIe s. , p. 250-276.
23
Les historiens ont longtemps cru qu'il s'agissait d'Adam du Petit-Pont cf.
(de) GHELLINCK, J., «Pierre Lombard», DTC, 12, Paris, 1935, col. 19412019, plus précisément col. 2008 ; de même GLORIEUX, P. «Mauvaise action
et mauvais travail, le Contra quatuor labyrinthos Franciae», Recherches de
théologie ancienne et médiévale, 21, 1954, p. 181. C'est L. MINIO-POELLO,
«The 'ars disserendi' of Adam of Balsham 'Parvipontanus'», Medieval and
Renaissance Studies, 3 (1954), qui, le premier, démontre qu'il s'agit d'un autre
personnage. Cf. COLISH M., Peter Lombard, vol. 1, p. 434.
24
Cf. CUP I, introduction n°3, n. (reprennant Annales Reicherspergenses,
MGH, SS, 27, p. 471): Ipso anno, cum per totam Franciae multae et variae
sententiae haberentur de fide inter magistros francigenas, Alexander papa,
convocatis in unum [Senonis] scholasticis et quibusque litteratis (…)
condemnavit et omnino interdixit omnes tropos et indisciplinatas questiones
in theologia, Parisiensisque episcopo praecepit, ut per totam Franciam eas
compesceret (…) : «Cette même année, comme dans toute la France on trouvait des sentences nombreuses et diverses sur la foi parmi les maîtres français,
le pape Alexandre, ayant convoqué, la veille de Noël, à Sens, les maîtres et
autres hommes lettrés jusqu'à 3 000 et plus, comme on le rapporte, condamna
avec l'accord des seigneurs cardinaux et interdit complètement tous les tropes
(?) et les questions désordonnées en théologie, et il recommanda à l'évêque de
Paris, qu'elles soient réprimées dans toute la France.»
25
CUP I, intro. n° 3 : (…) ad abrogationem prave doctrine Petri quondam
Parisiensis episcopi, qua dicitur, quod Christus secundum quod est homo non est
aliquid, omnino intenderes et efficacem operam adhiberes (…) : «(…) que tu
t'appliques totalement à la supression de l'enseignement erroné de Pierre, autrefois évêque de Paris, par lequel il est dit que le Christ selon qu'il est homme n'est
pas quelque chose [d'autre] et que tu œuvres avec efficacité (…).»
26
CUP I, intro. n° 9
27
Pour le détail de ces attaques, cf. GHELLINCK (DE), J., «Pierre Lombard»,
DTC, 12, Paris, 1935, col. 1941-2019, plus précisément col. 2009-2010.
108
28
POTESTA, G. L., Il tempo dell'Apocalisse. Vita di Gioacchino da Fiore,
Bari, 2004 ; LEE, H., «The Anti-Lombard Figures of Joachim of Fiore : A
Reinterpretation», WILLIAMS, A. (éd.), Prophecy and Millenarianism.
Essays in Honour of Marjorie Reeves, Oxford, 1980, p. 129-142.
29
Cf. ALBERIGO, G. (dir.), Histoire des conciles œcuméniques, t. 2*, éd.
française, Paris, 1994, p. 496-497 : «Nous condamnons donc et réprouvons
l’opuscule ou traité que l’abbé Joachim a publié contre Maître Pierre
Lombard au sujet de l’unité ou de l’essence de la Trinité…».
30
DI NAPOLI, G., «Giocchino da Fiore e Pietro Lombardo», Rivista di filosofia neo-scolastica, 71, 1979, p. 621-663 et p. 675-685 et SELGE, K.-V.,
«L'origine delle opere di Gioacchino da Fiore», CAPITANI, O. et
MIETHKE, J. (éd.), L'attesa della fine dei tempi nel Medioevo, Bologne,
1990, p. 87-131, plus précisément p. 91 et 115 n. 96.
31
C'est l'hypothèse formulée par ROBB, F., «A late thirteenth-century attack
on the fourth Lateran Council : The Liber Contra Lombardum and contemporary debates on the Trinity», Recherches de théologie ancienne et médiévale,
62, 1995, p. 110-144.
32
Cf. ALBERIGO, G. (dir.), Histoire …, t. 2*, p. 498-499 : … quoniam quaedam summa res est Pater et Filius et Spiritus sanctus, et illa est non generans
neque genita nec procedens.
33
ROBB, F., «A late thirteenth-century attack on the fourth Lateran Council :
The Liber Contra Lombardum and contemporary debates on the Trinity»,
Recherches de théologie ancienne et médiévale, 62, 1995, p. 116.
34
La position de Joachim est, en fait, plus complexe que ne le laissent penser
les explications du concile : cf. CROCO, A., «La formazione dottrinale di
Gioacchino da Fiore e le fonti della sua teologia trinitaria», Sophia, 23, 1955,
p. 192-196 ; CROCCO, A., «La teologia trinitaria di Gioacchino da Fiore»,
Sophia, 25, 1957, p. 218-232 ; CROCCO , A., Gioacchino da Fiore e il
Gioachismo, Naples, 2e éd., 1976 ; MEHLMANN, A., De Unitate Trinitatis.
Forschungen und Dokumente zur Trinitätstheologie Joachim von Fiore im
Zusammenhang mit seinem verschollen Traktat gegen Petrus Lombardus,
Freiburg in Br., 1991.
35
Traduction, ALBERIGO, G. (dir.), Histoire …, t. 2*, p. 498-499 : Nos autem
sacro et universali concilio approbante, credimus et confitemur cum Petro,
quod una quaedam summa res est, incomprehensibilis quidem et
ineffabilis,quae veraciter est Pater et Filius et Spiritus sanctus, tres simul personae ac sigillatim quaelibet earundem, et ideo in Deo Trinitas est somumodo
non queternitas, quia quaelibet trium personarum est illa res, videlicet subs-
109
tantia, essentia sive natura divina, quae sola est universorum principium,
praeter quod aliud inveniri non potest, et illa res non est generans neque
genita nec procedens, sed est Pater qui generat, Filius qui gignitur et Spiritus
sanctus qui procedit, ut distinctiones sint in personis et unitas in natura ?
Licet igitur alius sit Pater, alius Fiulius, alius Spiritus sanctus, non tamen
aliud, sed id quod est Pater, est Filius et Spiritus sanctus, idem omnino, ut
secundum orthodoxamet catholicam fidem consubstantiales esse credantur.
36
ALBERIGO, G. (dir.), Histoire …, t. 2*, p. 498-499 : …verum unitatem huisumodi non veram et propriam, sed quasi collectivam et similitudinariam esse
fatetur…
37
Trad. dans ALBERIGO, G. (dir.), Histoire …, t. 2*, p. 498-499 : … quia
inter creatorem et creaturam non potest tant similitudo notari, quin inter eos
maior sit dissimilitudo notanda.
38
C'est le programme prévu du concile dans la bulle Vineam Domini Sabaoth
(19 avril 1213) qui annonçait la tenue prochaine d'un concile général, le premier novembre 1215 au Latran. Cf. FOREVILLE, R., Histoire des conciles
œcuméniques, t. 6 Latran I, II, III et IV, Paris, 1965, p. 245-246 et p. 327.
39
FOREVILLE, R., Histoire des conciles œcuméniques, t. 6 Latran I, II, III et
IV, Paris, 1965, p. 311-313.
40
C'est ce dont témoigne le Liber contra Lombardum édité par C. OTTAVIANO, Liber contra Lombardum (Scuola di Gioacchino da Fiore), Rome,
1934 et analysé par F. ROBB, «A late thirteenth-century attack on the fourth
Lateran Council : The Liber Contra Lombardum and contemporary debates on
the Trinity», Recherches de théologie ancienne et médiévale, 62, 1995, p. 116.
41
Les travaux de J. Baldwin sur Pierre le Chantre et ceux de F. Morenzoni sur
Thomas de Chobbham éclairent les orientations et les pratiques des tenants de
la «théologie morale». Cf. BALDWIN, J. W., Masters, Princes and
Merchants: The Social Views of Peter the Chanter and His Circle, 2 vol.,
Princeton, 1970 ; MORENZONI, F., Thomas de Chobham et la promotion de
la prédication au début du XIIIe s., Paris, 1995.
42
Selon l'expression consacrée par M. Grabmann, Die Geschichte der scholastichen Methode, t. II, Fribourg-en-Brisgau, 1911, p. 467-501 ; voir aussi
SMALLEY, B., The Study of the Bible, Oxford, 3e éd., 1983, p. 196-263.
43
Comme le remarque FERRUOLO, S. C., The Origins of the University. The
Schools of Paris and their Critics 1100-1215, Stanford, 1985, p. 289-290.
44
Ces questions sur les Sentences précèdent son accession à la pourpre cardinalice qui a lieu entre 1211 et 1212. Cf. Stegmüller, RCS, 1, 731)
45
La date de ce commentaire reste difficile à fixer : entre 1203 et 1220. Cf.
110
LANDGRAF, A. M., «Der Sentenzenkommentar des Kardinals Stephan
Langton», Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des
Mittelalters, 37, Münster, 1952 et compte-rendu d'E. M. Buytaert, dans
Francican Studies, 13, 1953, p. 216-217 qui propose la date de 1215-1220.
46
Cf. HÖDL, L., «Die Sentenzen des Petrus Lombardus in der Diskussion seiner Schule», Medieval Commentaries on the Sentences of Peter Lombard,
EVANS, G. R (éd.), vol. 1, p. 25-40.
47
Cf. Stegmüller, RCS, 1, 669-673 ; BRADY, I., «Peter Manducator and the
Oral Teachings of Peter Lombard», Antonianum, 41, 1966, p. 454-490 ;
LANDGRAF, A., «Recherches sur les écrits de Pierre le Mangeur»,
Recherches de théologie ancienne et médiévale, 3, 1931, p. 292-306 et p. 341372 ; MARTIN, R. M., «Notes sur l'œuvre littéraire de Pierre le Mangeur»,
Recherches de théologie ancienne et médiévale, 3, 1931, p.54-66.
48
LANDGRAF, A. «Beobachtungen zur Einflussphäre Whilelms von
Auxerre», Zeitschrift für katholische Theologie, 52, 1928, p. 53-64 (la Summa
aurea est probablement composée entre 1215 et 1229).
49
RIBAILLIER, J. (éd.), Magistri Guillelmi Altissiodorensis Summa aurea,
Grottaferrata-Paris, 1987, p. 30-31.
50
Cela a clairement été démontré par MARTINEAU, P., Le plan de la Summa
aurea de Guillaume d’Auxerre, Cahier I, Etudes et Recherches, Ottawa, 1937,
p. 79-114.
51
DELISLE, L., Le Cabinet des Manuscrits, t. III, p. 25-32 (désormais cité
ainsi : Le Cabinet…, III, p. 25-32) : deux exemplaires de la Summa aurea figurent dans la section du catalogue intitulée scripta et questiones supra sentencias (lat. 15326, lat. 15740), les ms lat. 15741, 15742, lat. 15 743, lat. 15744,
lat. 15745, lat. 16386 se trouvent dans la section suivante summe questionum ;
deux exemplaires de la summa n’ont vraisemblablement pas été conservés (cf.
Le Cabinet…, III, p. 30 n° 17 et 36) ; quant au ms lat. 15747, il était enchaîné
dans la magna libraria. Ainsi en 1338, pas moins de onze exemplaires de la
Summa aurea étaient mis à la disposition des membres du collège. On peut
constater une certaine porosité entre les sections Scripta… / Summe : plusieurs
œuvres liées à l’exercice du commentaire des Sentences qui auraient logiquement dû figurer dans la section scripta et questiones supra Sentencias ont été
intégrées à la section suivante, summe questionum (p. ex. lat. 15823, décrit
ainsi dans le catalogue Scripta Bone Aventure supra tercium Sententiarum ; ou
lat. 16407, Questiones supra Sentencias).
52
Lat. 16386 : Summa magistri G. Autissiodorensis et Sentencie complete in
uno volumine. (cf. Le Cabinet…, III, p. 32 n° 103). Pour une brève description
111
du manuscrit, cf. RIBAILLIER, J., Magistri Guillelmi Altissiodorensis Summa
aurea, Grottaferrata-Paris, 1987, p. 127-128 et AVRIL, F., GOUSSET, M. T.,
Manuscrits enluminés d’origine italienne, t. II, XIIIe s., Paris, 1984, p.31-32,
n°28.
53
BRADY, I., «The distinctions of Lombard's Book of Sentences and
Alexander of Hales», Franciscan Studies, XXV, 1965, p. 90-116.
54
Cf. Magistri Alexandri de Hales, Glossa in quatuor “Libros sententiarum”
Petri Lombardi, nunc demum reperta atque primum edita studio et cura PP.
Collegii S. Bonaventurae, vol. 1-4, Quaracchi, 1951-1957, notamment les prolégomènes à la Glossa dus à V. Doucet : I, 110* ; II, 20* ; III, 31* ; IV, 20*,
44*.
55
CUP I, n° 419 : « (… ) Contra vero Alexander fuit primus qui legit et tunc
legebatur aliquando, sicut Liber Historiarum solebat legi, et adhuc legitur
rarissime (… ) », extr. de l'Opus minus, éd. BREWER, J. W., Londres, 1859,
p. 328.
56
Cf. BOZZOLO, C. et ORNATO E., Pour une histoire du livre manuscrit au
Moyen Âge. Trois essais de codicologie quantitative, Paris, 1980, p. 89 ;
ROUSE, R. H. et M. A., «The Book Trade at the University of Paris, ca. 1250ca. 1350», La Production du livre universitaire au moyen âge : exemplar et
pecia. Actes du symposium tenu au Collegio S. Bonaventura de Grottaferrata
en mai 1983, éd. BATAILLON, Louis J., GUYOT, Bertrand G. et ROUSE,
Richard H, Paris, 1988, p. 41-114.
57
BOZZOLO, C. et ORNATO E., Pour une histoire …, p. 72.
58
Dans les principales bibliothèques parisiennes, BnF (Sorbonne exceptée),
Arsenal, Mazarine, Sainte-Geneviève, Université, j'ai relevé une cinquantaine
de manuscrits datant des XIIe – XIIIe s. Certains sont les dépouilles de bibliothèques d'institutions ou de communautés prestigieuses, telles que SaintVictor (BnF lat. 14470, lat. 14513, lat. 14593), Saint-Jacques (Arsenal, 446 et
447, Mazarine 756), le collège de Navarre (Mazarine 762, Mazarine 755,
Mazarine 762, Mazarine 766, BnF lat. 17464). A l'évidence, seul le fonds de
la Sorbonne présente un nombre conséquent de manuscrits conservés.
59
Les manuscrits qui n’étaient pas en place lors du cataloguage ne sont pas
décrits. Seule leur cote est indiquée : il est dès lors difficile de savoir s’ils
étaient simplements empruntés ou définitivement manquants. Se pose aussi le
problème des manuscrits figurant dans le catalogue de la parva libraria mais
en fait enchaînés dans la magna libraria, que le catalographe n’a pas jugé utile
de décrire.
60
Lat. 16377 et lat. 16378, ainsi que lat. 15710 et 15711.
112
BOZZOLO, C. et ORNATO E., Pour une histoire …, p. 82.
lat. 15 317 ; lat. 15 324 ; lat.15 701.
63
BOZZOLO, C. et ORNATO E., Pour une histoire …, Paris, 1980, p. 94-95.
Les auteurs démontrent qu'à Paris, l'aire de diffusion de Pierre Lombard était
saturée dès le début du XIVe s.
64
L. Delisle, Le Cabinet …, II, p. 198, rapporte que les maîtres ont constaté,
en 1438, qu'il y avait trop de manuscrits dans la parva libraria par rapport aux
besoins effectifs des étudiants ; à cette occasion, ils mentionnent le nombre de
manuscrits des Sentences : 40 manuscrits. Ce chiffre correspond au nombre
d'exemplaires des Sentences aujourd'hui conservés à la BnF, si l'on considère
qu'un exemplaire des Sentences peut être en deux volumes : il faut additionner les 36 exemplaires des Livres des Sentences mentionnés dans le catalogue
de 1338, avec les quatre autres exemplaires entrés après 1338, sans tenir
compte du lat. 16386 qui contient aussi une Summa aurea et du lat. 15717 qui,
malgré les affirmations de L. Delisle, repris par P. Glorieux dans
«Bibliothèques de maîtres parisiens : Gérard d’Abbeville», Recherches de
théologie ancienne et médiévale, 36 (1969), p. 155 et p. 178 n’est peut-être
pas un legs de G. d'Abbeville. Cette remarquable stabilité serait l'indice que
les maîtres ont renoncé à vendre des exemplaires des Sentences surnuméraires ; est-ce à dire que depuis 1438 le fonds des Livres des Sentences du collège de la Sorbonne n'a plus diminué ?
65
J'exclus de mon analyse les manuscrits parvenus au collège après 1338.
66
C'est-à-dire les mss lat. 15721 ; lat. 15722 ; lat. 15718 ; lat. 15724 ; lat.
15717 ; lat. 15318 ; lat. 15320 ; lat. 15322 ; lat. 15323 ; lat. 15325 ; lat. 15702 ;
lat. 15705 ; lat. 15706 ; lat. 15713 ; lat. 15728 ; lat. 16377 ; lat. 16378 ; lat.
15703 ; lat. 15710 ; lat. 15711 ; lat. 15715 ; lat. 15716 ; lat. 15723 ; lat. 15726 ;
lat. 16374 ; lat. 15727. Il est difficile d'avoir une certitude pour les manuscrits lat. 15714, lat. 15720, lat. 16376.
67
Lat. 15319 (Est de la France), lat. 15704 (Tournai ? ), lat. 15708 (Nord de
la France), lat. 15709 (Cambrai ?), lat. 15712 (Artois ?).
68
L'origine du lat. 15725 est difficile à fixer, probablement italienne, il n'est
pas possible d'exclure définitivement l'Espagne ; lat. 15707 (Bologne) ; lat.
15719 (Italie ?) ; lat. 16375 ; lat. 16386 (Gênes). Cf. AVRIL, F., GOUSSET
M.-T., avec la collaboration de RABEL, C., Manuscrits enluminés d’origine
italienne, t. II, Paris, 1984 respectivement : lat. 15725 n°215 p. 176-177, pl.
CXXV ; lat. 16375 n°216 p. 177, pl. CXXV ; lat. 16386 n°28 p.31-32, pl. B ;
XVI. Pour le lat. 15707 cf. AVRIL, F., ZALUSKA, Y., Manuscrits enluminés
d’origine italienne, t. I, Paris, 1980, n°101 p. 59, pl. XLII.
61
62
113
Le lat. 15321 est d'origine anglaise ou normande. Cf. AVRIL F., Danz STIRNEMANN, P., Manuscrits enluminés d’origine insulaire, VIIe - XXe siècle,
Paris, 1987, n° 131 p. 84 et pl. XLV.
70
Le lat. 15702 bénéficie d'une notice sommaire dans SAMARAN, C. et
MARICHAL, R., Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des
indictions de dates …, t. III, Paris, 1959, p. 688, daté de 1240/1245.
71
M. T. Gousset, ingénieur au Centre de Recherche sur le Manuscrit Enluminé
de la Bibliothèque nationale de France a accepté de revoir les datations que je
lui soumettais et m’a initiée aux pratiques des filigraneurs parisiens. Qu’elle
en soit remerciée et trouve ici les résultats de sa pédagogie et de sa patience.
72
J’ai conscience que cette tentative de répartition reste très périlleuse : elle
n’est présentée ici que pour indiquer des pistes de réflexion.
73
BRADY, I. (éd.), PETRUS LOMBARDUS, Sententiae in IV libris distinctae, t. I, Grottaferrata, 1971, p. 129* signale 24 manuscrits, sur lesquels il
s’appuie pour son édition et 178 autres, datés des XIIe et XIIIe s. par F.
Stegmüller dans RCS, 1, p. 2-3.
74
En effet, après un rapide sondage dans les catalogues des manuscrits des
bibliothèques de France, grâce à l'index mis au point par M. Popoff (Index
général des manuscrits décrits dans le 'Catalogue général des manuscrits des
bibliothèques publiques de France', Paris, 1993) et la consultation de la base
de données In Principio, afin d'avoir une idée très approximative des manuscrits des Sentences conservés dans les bibliothèques d'Occident, j'ai relevé,
tous siècles confondus, entre 380 et 425 manuscrits contenant, en partie ou en
tout, le texte des Sentences.
75
Un manuscrit est signalé par I. Brady dans les Prolégomènes à l'édition des
Sentences, p. 134*, manuscrit «R», BnF lat. 17464 : « signa quaedam inveniuntur peciarum». Il ne s'agit pas de marques de pecia, comme le démontre
H. Shonner, «La production du livre par la pecia », La Production du livre universitaire…, p. 17-37.
76
DESTREZ, J., La pecia dans les manuscrits universitaires du XIIIe et du
XIVe s., Paris, 1935.
77
DESTREZ, J., La pecia …., p. 23, 42.
78
SHOONER, H., «La production du livre par la pecia», dans La Production du
livre universitaire… indique, quant à lui, p. 25, que le premier exemplar parisien
connu peut être très précisément daté de 1247. Durant le même symposium, R.
et M. Rouse, «The Book Trade at the University of Paris, ca. 1250 - ca. 1350»,
p. 41-114, font remarquer, p. 44-47, que les dates les plus hautes concernant
les débuts du système de la pecia ne tiennent compte ni des réserves que J.
69
114
Destrez avait lui-même formulées, ni de la nécessaire solidité de la structuration universitaire qui contrôle les stationnaires. Cf. aussi MURANO, G.,
«Opere diffuse per exemplar e pecia. Indagini per un repertorio», Italia
medioevale e umanistica, 41, 2000, p. 73-100.
79
L'un des derniers ouvrages en date tranche pour Bologne : SOETERMEER,
F., Utrumque ius in peciis. Aspetti della produzione libraria a Bologna fra Due
et Trecento, Milan, 1997.
80
Pour une discussion sur la datation proposée par les éditeurs du Chartularium,
cf. SHOONER, H. «La production du livre par la pecia», p. 17-37, notamment
p. 23 et surtout BATAILLON L. J., «Les textes théologiques et philosophiques
diffusés à Paris par exemplar et pecia», dans La Production du livre universitaire…, p. 155-163, notamment p. 155.
81
CUP I, n° 462.
82
Lat. 15702, lat. 15709, lat. 15720, lat. 15728, lat. 16376
83
le ms lat. 15709 est probablement du N de la France (Cambrai) ; le lat.
16376 n’est probablement pas parisien.
84
Ainsi, pour le lat. 15720 (Paris, XIII1), on relève un changement de main f.
27r correspondant au début du cahier 5 du ms ; f. 37va, correspondant au
début du cahier 6 ; f. 61va correspondant au début du cahier 9, f. 65vb correpondant au début du L. IV et au cahier début du cahier 10. De même, pour le
lat. 15702 (Paris, v. 1240/1245), tandis que le changement de main du f. 57v
correspond à une unité intellectuelle, marquant le début du L. II, les changements de main des f. 76rb et 144ra correspondent au passage du cahier 11 à
12 et du cahier 19 à 20.
85
On relève parfois l'intervention d'une seconde main, qui s'est contentée
d'ajouter une table des chapitres, mais qui n'intervient pas dans la confection
générale du manuscrit : ainsi le lat. 15319 dont la table des f. 2ra –3va est le
fait d'une main italienne. Je dois cette remarque à M. T. Gousset.
86
La plupart des filigranes sont tracés d'une main sûre : on relève cependant
quelques exceptions, indiquant un filigraneur non professionnel ou, du moins,
très débutant (cf. lat. 16376)
87
Lat. 15722 (espaces ménagés pour les initiales filigranées) ; lat. 15319 (seul
le L. III est doté de quelques filigranes).
88
J'ai compris dans ce chiffre les manuscrits qui ne présentent qu'une lettre
sortant de l'ordinaire du filigrane : par exemple, le lat. 15321 possédant f. 3ra
une initiale puzzle à filigranes rehaussés de lavis et ne se limitant pas aux traditionnelles encres rouges et bleues, mais recourrant en plus au rose-brun pour
les filigranes, avec des rehauts de rouge, orange, rose-brun, vert et bleu. Cf.
115
notice dans AVRIL, F. et STIRNEMANN, P., Manuscrits enluminés d'origine
insulaire, VII°-XX° s, Paris, 1987, p. 84 n° 131, pl. XLV.
89
Lat. 15318, lat. 15322, lat. 15323, lat. 15325, lat. 15725, lat. 16386.
90
Lat. 15322, lat. 15713, lat. 15714, lat. 15712, lat. 16374, lat. 16375.
91
Lat. 15318 et lat. 15320.
92
Certains textes ne nous sont probablement pas parvenus, comme le souligne
J. VERGER, «Des écoles à l'Université : la mutation institutionnelle», La
France de Philippe Auguste. Le temps des mutations. Actes du Colloque international organisé par le C.N.R.S (Paris, 29 septembre - 4 octobre 1980), éd.
BAUTIER, Robert-Henri (Colloques internationaux du C.N.R.S, 602), Paris,
1982, p. 817-846, notamment p. 828, n. 44. ; Id., «A propos de la naissance
de l'Université de Paris : contexte social, enjeu politique, portée intellectuelle», Schulen und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten
Mittelalters, FRIED, J. (éd.), Sigmaringen, 1986, p. 69-96 (réimpr. dans
VERGER, J., Les Universités françaises au Moyen Âge, Leyde, 1995, p. 136).
93
CUP I, n°5
94
CUP I, n° 8
95
CUP I, n° 20 : (…) Circa statum theologorum statuimus, quod nullus
Parisius legat citra tricesimum quintum etatis sue annum, et nisi studuerit pro
octo annos ad minus, et libros fideliter et in scolis audierit, et quinque annis
audiat theologiam, antequam privatas lectiones legat publice, et illorum nullus legat ante tertiam in diebus, quando magistri legunt. Nullus recipiatur
Parisius ad lectiones sollempnes vel ad predicationes, nisi probate vite fuerit
et scientie. Nullus sit scolaris Parisius, qui certum magistrum non habeat (…).
96
Cf. FERRUOLO, S. C., «The Paris Statutes of 1215 Reconsidered», History
of Universities, 5, 1985, p. 1-14 ; Id., The Origins of the University. The
Schools of Paris and their Critics 1100-1215, Stanford, 1985.
97
CUP I, n°79 : (…) constitutiones seu ordinationes providas faciendi de
modo et hora legendi et disputandi, de habitu ordinato, de mortuorum exequiis necnon de bachellariis, qui et qua hora et quid legere debeant (…).
98
CUP I, n° 79 : (…) Magistri vero et scolares theologie facultate quam profitentur se studeant laudabiliter exercere, nec philosophos se ostendent, sed
satagant fieri theodocti (…) sed de illis tantum in scolis questionibus disputent,
que per libros theologicos et sanctorum patrum tractatus valeant terminari.
99
Les statuts de 1215 sont contradictoires : ils mentionnent qu'il convient
d'avoir 20 ans pour être maître ès-arts et fixent à 34 ans révolus l'enseignement de la théologie, après 8 ans d'études. Que font les maîtres ès-arts pen116
dant les 6 ans de «vide» entre les deux cursus ?
100
Cf. WEIJERS, O., Terminologie des universités au XIIIe siècle, Rome,
1987, p. 173-180 ; TEEUWEN, M., The Vocabulary of Intellectual Life in the
Middle Ages, Turnhout, 2003, p. 33-35 ; VERGER, J., «Baccalarius», Lexikon
des Mittelalters, 1, 1980, col. 1323.
101
Exemple mentionné dans BALDWIN, J. W., Masters, Princes and
Merchants: The Social Views of Peter the Chanter and His Circle, vol. 1,
Princeton, 1970, p. 97
102
Robert Grossetête a auparavant été maître à Oxford et, probablement, chancelier de l'université. Il connaît donc bien les maîtres auxquels il s'adresse et
les institutions mises en place. Pour une mise au point sur les débats concernant la carrière de Robert, ses liens avec Oxford et sa désignation comme évêque de Lincoln, cf. MAC EVOY, J., Robert Grosseteste et la théologie à l'université d'Oxford (1190-1250), Paris, 1999, p. 44-60.
103
Date de 1240 indiquée dans le CUP, I n°127, corrigée dans MAC EVOY, J.,
Robert Grosseteste et la théologie à l'université d'Oxford (1190-1250), Paris,
1999, p. 197.
104
Cf. CUP I, n°127 : (…) Decet igitur vestras lectiones omnes maxime tali
tempore legendas esse de libris novi Testamenti vel veteris, ne, si secus fiat,
inter fundamentales vel pro fundamentalibus lapidibus non tales ponantur,
tempus quoque unicuique negotio congruum contra scripture doctrinam et
rerum naturalem ordinem non tribuatur, et a patrum et majorum vestigiis et
conformitate regentium Parisius theologorum manifeste recedatur (…).
105
Certaines périodes de la vie de Robert Grossetête sont, faute de sources,
mal connues. Il semble qu'il ait fréquenté Paris probablement pendant l'interdit qui frappait l'Angleterre (1209-1214) : cette hypothèse est combattue par
R. Southern dans son ouvrage Robert Grosseteste. The Growth of an English
Mind in Medieval Europe, Oxford, 2e éd., 1992. Elle a été d'abord proposée
par D. A. Callus, dans son article «Robert Grosseteste as Scholar», Robert
Grosseteste, Scholar and Bishop, CALLUS, D. A. (éd.), Oxford, 1955 puis
nuancée par M. Haren dans Medieval Thought. The Western Intellectual
Tradition from Antiquity to the Thirteenth Century, Londres, 2e éd., 1992. Pour
un bilan des querelles, cf. MAC EVOY, J., Robert Grosseteste et la théologie
à l'université d'Oxford (1190-1250), Paris, 1999, p. 44-56.
106
CUP I n°127 : (…) Quia igitur totis affectamus caritatis visceribus quod
omnia in vobis honeste et secundum ordinem fiant, sicut praecipit apostolus,
vestram discretionem omni qua possumus affectione et devotione rogamus,
monemus et exhortamur in Domino Jesu Christo, quatinus omnes lectiones
117
vestre ordinarie hora legendi matutina de novo sint Testamento vel veteri, ut
sitis similes patribusfamilias (…).
107
CUP I n° 127 : (…) imo potius ipsi patresfamilias, proferentes de thesauris
vestris nova et vetera, non alia quedam velut horum media, aut ab hagiographis patribus superedificata doctrine, quorum est tempus aliud convenientius
accomodandum (…).
108
Cf. SMALLEY, B., The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, (3e éd.)
1983 : B. Smalley, dans cette étude, avait soupçonné l'existence de deux courants de méthode dans l'Oxford des années 1240. L'un prenant modèle sur ce qui
était pratiqué à Paris dans les premières années du XIIIe s. et fondé essentiellement sur une étude de la Bible, l'alpha et l'oméga de la sagesse théologique position de Robert Grossetête - , l'autre tenant compte des tendances nouvelles
de l'enseignement théologique où l'étude des Pères tend à remplacer celle du
texte biblique.
109
Cf. ABBATE, G. «Lettere secretae d'Innocenzo IV e altri documenti in una
raccolta inedita del saec. XIII», Miscellanea Franciscana, 55, 1955, p. 317373 et EMDEN, A. B., A Biographical Register of the University of Oxford to
A. D. 1500, Oxford, 1957, II, p. 686, pour l'identification du destinataire.
D'abord datée de 1246 par G. Abbate, il semble qu'elle date plutôt de 1245 :
cf. WOOD, R., «Early Oxford Theology», Medieval Commentaries on the
Sentences of Peter Lombard, EVANS, G. R (éd.), vol. 1, p. 289-355, notamment p. 290-291.
110
Cf. LONG, R. J., «Richard Fishacre, dominicain, † 1248», Dictionnaire de
Spiritualité, t. XIII, col. 509-512.
111
La date exacte de ce commentaire est discutée parmi les historiens. Pour un
bilan sur les dates proposées, qui s'accordent toutes sur un terminus ante quem
en 1246, cf. WOOD, R., «Early Oxford Theology», Medieval Commentaries
on the Sentences of Peter Lombard, EVANS, G. R (éd.), vol. 1, p. 289-355,
notamment p.292.
112
Le commentaire des Sentences de Fishacre n'est pas encore édité, des
extraits ont cependant été édités par R. Long, dans «Richard Fishacre's way to
God», A Straigth path. Studies in Medieval Philosophy and Culture. Essays in
Honor of Arthur Hyman, Link-Salinger, R et alii (éd.), Washington D. C.,
1988, p. 174-182 ; éditant la dist. 3, L. I du Commentaire des Sentences de
Richard, R. Long démontre à quel point la forme de sa théologie est redevable à la faculté de Paris : Richard avait probablement sous les yeux la Summa
aurea.
113
Les études les plus récentes sur son commentaire des Sentences sont parues
118
dans Hugues de Saint-Cher († 1263). Bibliste et théologien, BATAILLON, L.
-J., DAHAN, G., GY, P.-M. (éd.) , Turnhout, 2004. Dans cet ouvrage, J. Verger,
faisant le point sur la carrière d'Hugues de Saint-Cher, souligne les incertitudes de la chronologie de ses études : cf. «Hugues de Saint-Cher dans le
contexte universitaire parisien», p. 13-22, notamment p. 15 et p. 20.
114
Pour la vie de Roland et sa carrière, cf. CREMASCOLI, G., «La Summa
di Rolando da Cremona. Il testo del prologo», Studi Medievali, 16 (1975),
p. 825-876.
115
Cf. TROTTMANN, C., «Sur les tous premiers prologues théologiques dominicains du XIIIe s.» , Les prologues médiévaux. Actes du colloque international
organisé par l'Academia Belgica et de l'Ecole française de Rome, Rome, 26-28
mars 1998, HAMESSE, Jacqueline (éd.), Turnhout, 2000, p. 427-470.
116
Cf. WEIJERS, O., Terminologie des universités au XIIIe siècle, Rome,
1987, p. 175.
117
GLORIEUX, P., Répertoire des maîtres en théologie de Paris au XIIIe siècle, t. 1, Paris, 1933, n. 151 (désormais cité ainsi : Glorieux, Rép. théol., 1,
151).
118
HAUREAU, B., «Jean Pagus», Histoire littéraire de la France, 29, Paris,
1885, p. 564-565 ; GRÜNDEL, J., «Die Sentenzenglosse des Iohannes Pagus
(ca. 1243-1245) in Padua, B. Ant. 139», Münchener theologische Zeitschrift,
9, 1958, p.171-185 ; Glorieux, Rép. théol., 1, 147.
119
Glorieux, Rép. théol., 1, 155 ; PELSTER, F., «Magister Stephanus de
Poliniaco und seine Quästionen. Ein Beitrag zur Geschichte der Theologie vor
Bonaventura und Thomas», Scholastik, 20-24, 1949, p. 544-564.
120
ENGELHARDT, G., «Adam de Puteorum Villa. Un maître proche d'Odon
Rigaud. Sa psychologie de la foi», Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 8, 1936, p. 61-78 ; Glorieux, Rép. théol., 1, 124 ; GLORIEUX, P., «Maître
Adam», Recherches de théologie ancienne et médiévale, 34, 1967, p. 262-267 ;
WEIJERS, O., Le travail intellectuel à la faculté des arts de Paris : textes et maîtres (ca. 1200-1500), t. I, Turnhout, 1994, p. 30.
121
BnF lat. 15702 et lat. 15652.
122
Pour une analyse du contenu de ces manuscrits, CHENU, M.-D., «Maîtres et
bacheliers de l'Université de Paris v. 1240. Description du manuscrit Paris, Bibl.
Nat. lat. 15652», Etudes d'histoire littéraire et doctrinale du XIIIe s., ParisOttawa, 1932, p. 11-39. Pour une description codicologique du lat. 15652, cf.
SAMARAN, C. et MARICHAL, R., Catalogue des manuscrits en écriture
latine portant des indications de dates …, t. III, Paris, 1959, p. 437.
123
C'est ce que fait judicieusement remarquer M.-D. CHENU, dans «Maîtres
119
et bacheliers…», p. 32, n. 3.
124
GLORIEUX, P., «Les années 1241-1247 à la faculté de théologie de Paris»,
Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 39, 1962, p. 234-249.
125
Cf. DUVAL, A., «L'étude dans la législation religieuse de saint
Dominique», Mélanges offerts à M.-D. CHENU, maître en théologie, Paris,
1967, p. 221-247.
126
Cf. THOMAS, A. H., De oudste Constituties van den Dominicanen.
Voorgeschiedenis, Tekst, Bronnen, Ontstaan en Ontwikkeling (1215-1237),
Louvain, 1965, p. 361.
127
Dans le collège de la Sorbonne ce genre de manuscrit est très rare : on peut
relever le cas curieux du ms lat. 15318, pourtant doté de vastes marges et qui
ne contient que très peu d'annotations.
128
Cf. LOTTIN, O., «A propos des Glossae super Sententias attribuées à
Pierre de Poitiers», Psychologie et morale au XIIe s., t. VI : Problèmes d'histoire littéraire de 1160 à 1300, Gembloux, 1960, p. 119-124.
129
Cf. LANDGRAF, A., Introduction à l'histoire de la littérature théologique
de la scolastique naissante, trad. française, Paris-Montréal, 1973, p. 157 ;
dans son article, «Die Sentenzen des Petrus Lombardus in der Diskussion seiner Schule», Medieval Commentaries on the Sentences of Peter Lombard,
EVANS, G. R (éd.), vol. 1, p. 25-40, L. Hödl insiste sur le fait qu'Odon, tout
en s'opposant à Pierre Lombard, appartient bien, par le recours aux Sentences
d'un point de vue littéraire, et le recours aux questions d'un point de vue formel, à la tradition de l'école cathédrale.
130
Cf. Stegmüller, RCS, 1, p. 8-13.
131
Deux mains sont responsables de cette glose : main «A» et main «B» , avec
changement au f. 34v.
132
Cf. lat. 15722 : f. 7vb « Haec simpliciter potest concedi Pater est potens
gignere paternitate Filium. W. » , f. 7va « Pater genuit Patrem necessitate inevitabilitatis …- … non voluntate precedente vel accedente. P. »
133
Cf. lat. 15722, f. 3ra : « Gregorius in Moralia : hii qui ante adventum
mediatoris… - … carnis creatoris faciem adhuc non videre. »
134
Le ms lat. 15325 a été relié à nouveau au XVIIe s.
135
BnF lat. 15325, ex-libris du donateur, f. 1 : « Iste est liber Sententiarum
Radulphus Decastro » suivi de l'ex-libris de la Sorbonne avec la prisée du ms,
« Iste liber Sententiarum est pauperum magistrorum domus de Sorbonis in
theologia studencium ex legato magistri Radulphi de Castro Radulphi, precium X librarum, anno Domini M° CC° LXXX° VI° in adventu Domini » et de
la cote du catalogue de 1338 «XXII».
120
Pour une notice succinte sur Raoul de Châteauroux, cf. BERIOU, N.,
L’avènement des maîtres de la Parole. La prédication à Parisau XIIIe s, vol. I,
Paris, 1998, p. 86-87 ; GLORIEUX, P., Aux origines de la Sorbonne, I. Robert
de Sorbon. L'homme - Le collège - Les documents, Paris, 1966, p. 324 ; sur le
legs fait au collège cf. Le Cabinet…, II, p. 170.
137
Pour le XVe s., cet usage semble acquis. cf. JULLIEN DE POMMEROL,
M.-H., VIELLIARD , J., Le registre de prêt…, p. 710 : le lat. 15 325 est
emprunté au moins 37 fois entre 1402 et 1536. Des noms d'emprunteurs figurent aussi sur les gardes du ms.
138
Cf. WEIJERS, O., Terminologie …, p. 163 : elle cite d'ailleurs les statuts du
collège de Robert de Sorbon : Illi autem quia alias procuratores non fuerunt
si minora officia exercuerint, videlicet lectural in aula, preposituram et officium in capella […] cum personnis hic nominatis, scilicet lectore, preposito,
clerico capelle et sacredote ebdomadariis. (Cf. GLORIEUX, P., Aux origines
de la Sorbonne, t. I. …, p. 198 [1274])
139
WEIJERS, O. «Le vocabulaire du Collège de Sorbonne», Vocabulaire des
collèges universitaires (XIIIe-XVIe siècles). Actes du colloque, Leuven, 9-11
avril 1992, éd. WEIJERS, O. (Etudes sur le vocabulaire intellectuel du Moyen
Age, 6), Turnhout, 1993, p. 9-25.
140
BARONE, G., «Les couvents des Mendiants, des collèges déguisés ?» ,
Vocabulaire des collèges universitaires : XIIIe-XVIe siècles, CIVICIMA VI,
1993, p. 149-157, notamment p. 150
141
BARONE, G., «Les couvents des Mendiants…», notamment p. 156 ; EAD.,
«La legislazione sugli studia dei Predicatori e dei Minori», Le scuole degli
ordini mendicanti ( secoli XIII-XIV)», Todi, 1978, p. 205-247.
142
Cupientes aliquid de penuria ac tenuitate nostra cum paupercula (…) mittere… : éd. cit., vol. 1, p. 3.
143
Lat. 15325, f. 4ra
144
Ainsi toujours, dans le prologue (f. 4ra-b) sont relevées les références à Luc
10, 35 «Lu. .X. f» , à 1 Cor. 2, 14 «Ia Cor. III» , à Ct 4, 4 «Cant. .IIII. c» , à
Is. 30, 10 «Ysa. .XXX. c» , à Prov 22, 28 «Prov. XXII».
145
Ed. cit., vol. I, p. 3, l. 9
146
Lat. 15325, f. 4rb
147
Ed. cit., vol. I, p. 57
148
F. 4vb, marge supérieure.
149
Je pense notamment aux travaux de ROUSE, R. H., «La diffusion en
Occident des outils de travail facilitant l'accès aux textes autoritatifs», Revue
des études islamiques, 44, 1976, p. 115-147 ; ROUSE, R. H. et M. A., «Le
136
121
développement des instruments de travail au XIIIe siècle», Culture et travail
intellectuel dans l'Occident médiéval, HASENHOR G., et LONGERE, J.
(éd.), Paris, 1981, p. 115-144.
150
(…) brevi volumine complicans Patrum sentencias, appositis eorum testimoniis, ut non sit necesse querenti librorum numerositatem evolvere, cui brevitas collecta quod queritur offert sine labore. ( éd. cit. p. 4).
151
Cf. « Sentences (Commentaires sur les)», Dictionnaire de théologie catholique, 14/2, 1941, col. 1860-1884.
152
WEIJERS, O. (éd.), Ps.-Boèce. De disciplina scolarium, Leiden, 1976, p. 99 :
[L. I, c. 2, § a), l. 12-13] Debet autem discipuli subjectio in tribus consistere : in
attentione, benivolencia et docilitate. Docilis ingenio, attentus exercitio, benivolus animo. Attentus, inquam, ad audiendum, docilis ad intelligendum, benivolus
ad retinendum.
153
Ed. cit., vol. I, p. 3-4.
154
Lat. 15325 : f. 4v (marge ext.), Secundo debent facere quod veritatem intelligant non ut suam positionem defendant, et quantum ad hoc subdit quos iniqua
voluntas non ad intelligenciam veritis sed ad defensionem placiti vel placentium
incitat : isti sunt viri iniqui, legis Dei desertores quibus Dominus ve scilicet
dampnatis eterne comminatur : loquimini nobis placentia Ysa. .XXX. a et b,
vide ibi et Prov. .XVII. a non recipit stultus verba prudencie nisi ea dixeris que
versantur in corde ejus (…), sed sicut sequitur [Prov.] .XIX. a. : ubi non est
sciencia anime, scilicet que nulli partit nec querit dicere placentia sed vera et
utilia, non est bonum.
155
Je pense par exemple à Pierre de Tarentaise, Bombolognus de Bologne,
Matthieu d'Aquasparta, Gilles de Rome.
156
Pour une description de la structure des commentaires des Sentences et de son
évolution, cf. FRIEDMANN, R. L., «The Sentences Commentary, 1250-1320
General Trends, the Impact of the Religious Orders and the Taste Case of
Predestination», Medieval Commentaries of the Sentences of Peter Lombard,
EVANS, G. R. (dir.), vol. 1, Leiden, 2002, p. 41-128, notamment p. 95.
157
Cf. Glorieux, P., « Sentences (Commentaires sur les)», Dictionnaire de
théologie catholique, 14/2, 1941, col. 1873.
158
Le lat. 15709 par exemple est doté, par une main du début du XIVe s. d'une
divisio textus extrêmement détaillée, d'un bout à l'autre du manuscrit.
159
Les catégories ( littera, sensus, sententia ) sont celles définies par Hugues
de Saint-Victor dans le Disdascalicon, VI, 8 (cf. BUTTILER, C. H. (éd.),
Washington, 1939 ; LEMOINE, M., (trad.) Hugues de Saint-Victor.L'art de
lire, Didascalicon, Paris, 1991, p. 225). Elles définissent, chez Hugues, ce que
122
doit être le commentaire littéral de la sacra pagina, commentaire d'une grande
complexité. ces catégories me paraissent tout à fait opérantes dans le cadre de
l'autre texte de travail des théologiens, le Livre des Sentences. Sur l'application
de ces catégories à l'exégèse cf. DAHAN, G., L'exégèse chrétienne de la Bible
en Occident médiéval, XIIe-XIVe s., Paris, 1999.
160
Lat. 15325, f. 4 ra marge extérieure.
161
Ed. cit., p. 3, l. 15 quas bigas in nobis agitat Christi caritas.
162
Cf. GHELLINCK (DE), J. «Les notes marginales du Liber Sententiarum »,
p. 710.
163
Je n’ai pas réussi à trouver cette remarque dans le manuscrits des
Derivationes consulté (lat. 15462).
164
Abdita : id est oculta ; votis : id est peticionibus ; flagitancium : id est rogancium ; emulorum : id est invidorum ; oppilare : id est claudere.
165
Prol., p. 3, l. 7 : «la vérité à établir nous charme»
166
Lat. 15325, f. 4ra
167
Cf. PL 198, col. 1602 et 1680.
168
Cf. Sed queritur de hoc dicit : opus agere presumpsimus ; sed presumptio
est peccatum, ergo peccavit. Respondeo : est presumptio confidentie de divino
adjutorio, et presumptio superbie que est de proprio ingenio. Prima est non
peccatum sed virtutis ; secundo vero est peccatum sed de prima loquitur
Magister. Cf. dubium I, dans BONAVENTURE, Opera omnia : commentaria
in quatuor libros sententiarum magistri Petri Lombardi, t. I, In primum librum
sententiarum, Quaracchi, 1882.
169
Cf. Queritur de hoc quod dicit : veritati non intellectae. Videtur enim, quod
dicat male, quia veritas est lux intelligibilis, sicut lux corporalis sensibilis ;
sed occulus habens visum non potest ignorare lux sensibilem : ergo pari
ratione nec intellectus ignorabit lucem intelligibilem. Si tu dicas, 'non est
simile' ; queritur quare non est simile et quare magis deficit natura intellectui
quam sensui ? Respondeo : dicendum, quod simile est, si quis attendat.
Triplex enim causa, quare aliquis non videt visibile : aut enim non videt, quia
non vult respicere, at si vult, impeditur propter defectum organi, aut propter
absentiam lucis (…). Cf. dubium V, BONAVENTURE, Opera omnia…, t. I.
170
Ainsi pour le terme gazophilacium, cf. Magistri Alexandri de Hales, Glossa
in quatuor « Libros sententiarum » Petri Lombardi…, vol. 1, p. 5 : gazophilacium dicitur a « phylaxe » quod est servare et « gaza » quod est est divitie.
Unde linearis super Marcum : « divitiarum custodiam ». Et habeat triplex
repositorum : corban sacerdotum [Mc 27, 6 ; Ez. 45, 5], gazophylacium pauperum [Mc 12, 41 ; Lc 21, 1], phylaxe [pro musach : IV Reg 16, 18 ; Ier 35,
123
4] regum .
171
Cf. DONDAINE, H. F., «Les gloses sur le quatrième Livre des Sentences
du lat. 3032», Recherches de théologie Ancienne et Médiévale, 17, 1950, p.
79-89.
172
Sur la notion d'auctoritas, cf. CHENU, M. D., « Authentica et magistralia.
Deux lieux théologiques aux XIIe-XIIIe siècles », Divus Thomas, 28, 1925, p.
257-285 ; Id., Introduction à l'étude de Saint Thomas d'Aquin, Paris, (5e éd.),
1993, notamment le chapitre IV «Les procédés de documentation», p. 106-126.
173
Quartum peccatum [studii theologie] est quod prefertur una sententia magistralis textui facultatis theologie, scilicet Liber Sententiarum, nam ibi est tota gloria theologorum, que facit onus unius equi (…). Manifestur est igitur quod textus illius facultatis subjicitur uni Summe magistrali, Opus minus, BREWER J. W.
(éd.), p. 328. Version corrigée du CUP I, n° 473. Les passages entre crochets sont
des rajouts permettant d’éclairer le sens du texte.
174
(…) Deinde sancti doctores non usi sunt nisi hoc textu, neque sapientes antiqui, quorum aliquos vidimus, ut fuit Robertus episcopus Lincolniensis et frater
Adam de Marisco, et alii maximi viri. Ed. cit., p. 328.
175
Et liber Sententiarum non adheret textui [i. e. Bibliae], sed vagatur extra textum per viam inquisitionis. Ed. cit., p. 328.
176
Item impossibile est quod textus Dei sciatur propter abusum libri
Sententiarum. Nam questiones que queri deberent in textu [i. e. Biblia] ad expositionem textus [i. e. Biblie] sicut fit in omni facultate sunt jam separate a textu
[i. e. Biblia]. Ed. cit., p. 328.
177
Et ideo qui legunt textum [i. e. Bibliam] non exponunt eum quia non querunt
questiones proprias et necessarias textui [i. e. Biblie] intelligendo. Ed. cit., p. 328
178
Il évoque notamment le lector sententiarum, charge interne aux couvents
mendiants ( Nam ille qui legit Sententias, habet principalem horam legendi
secundum suam voluntatem, habet et socium et cameram apud religiosos. Ed.
cit., p. 328) ainsi qu'un épisode qui semble avoir eu lieu au couvent franciscain
de Bologne ( Et ille qui legit Sententias, disputat et pro magistro habetur ; reliquus qui textum [i. e. Bibliam] legit, non potest disputare, sicut fuit hoc anno
Bononie et in multis aliis locis, quod est absurdum . Ed. cit., p. 328).
179
Cf. Primum peccatum theologie, éd. cit., p. 322-323 : Quod autem philosophia dominatur in usu theologorum in usu theologorum patet in duplici consideratione eorum. Nam una est in omnibus questionibus Sententiarum, alia in
textu [i. e. Biblia]. Sed licet theologi qui audiverunt theologiam et propheticam, quod major pars omnium questionum in summa theologie est pura philosophia, cum argumentis et solutionibus et sunt infinite questione de celesti124
bus, et de materia, et de ente, et de speciebus et similitudinibus rerum (…) que
determinantur in libris philosophorum. Deinde alia pars questionum, que est
in propriis terminis theologie, ut de beata Trinitate, de Incarnatione, de sacramentis, ventilatur principaliter per auctoritates, et argumenta, et distinctiones
vocabulorum philosophie.
180
Ed. cit., p. 4
181
5. super illud : non a paternis discessit limitibus : Ratio hujus Ex. 19, 21 :
Descende et contestare populum, ne forte velit trancendere terminos ad videndum Dominum ; et infra, 23 : Pone terminos circa montem. Ex quibus colligitur
quod sunt termini positi humanae inquisitioni. Super quem locum dicit Glossa :
Multa discretione opus est, ne quis velit divinam naturam rimari ultra quam
potest. Prov. 25, g. 27 : Perscrutator maiestatis opprimetur a gloria, et : Mel invenisti, comede quod sufficit . Propter hoc dicit Johannes Damascenus : Quae tradita sunt nobis per Legem et Prophetas et Apostolos, veneremur et cognoscamus,
nihil ultra haec inquirentes. (éd. cit.,p. 6.)
182
C'est ce que fait Thomas, dans son commentaire sur le prologue des
Sentences : Secundo tangit causam efficientem, scilicet principalem, Deo
prestante, instrumentalem, Compegimus : quia hoc opus est quasi compaginatum ex diversis auctoritatibus. Cf. MANDONNET, P. (éd.), Saint Thomas
d'Aquin, Scriptum super libros Sententiarum magistri Petri Lombardi, episcopi parisiensis..., Paris, 1929, t. 1, p. 23.
183
Cf. BONAVENTURE, Opera omnia…, t. I : proemium, notamment q. 4.
184
Et dicitur fuisse Magister Petrus Lombardus, Parisiensis Episcopus.. Ed.
cit. p. 12.
185
Magister Sententiarum perscrutatus est profunda fluviorum praevia gratia
Spiritus sancti. Ille enim est precipuus perscrutator secretorum et profundorum,
secundum quod dicitur prime ad Corinthios 2 [10]. (…) Hujus spiritus caritate
agitatus et luce et claritate illustratus composuit Magister hoc opus et scrutatus
est profunda fluviorum ; hoc etiam spiritu adjuvante, factus est revelator absconditorum. Ed. cit., p. 6.
186
Ad intelligenciam dictorum notandum, quod quadruplex est modus faciendi
librum. Ed. cit., p. 12.
187
Aliquis enim scribit aliena, nihil addendo vel mutando ; et iste mere dicitur
scriptor. Ed. cit., p. 12.
188
Aliquis scribit aliena, addendo, sed non de suo ; et iste compilator dicitur. Ed.
cit., p. 12.
189
Aliquis scribit et aliena et sua, sed alienam tamquam principalia, et suam tamquam annexa ad evidentiam ad confirmationem ; et iste dicitur commentator non
125
auctor. Ed. cit., p. 12.
190
Sur la notion d'auteur, CHENU, M.-D., «Auctor, actor, autor», ALMA. Bulletin
Du Cange, 3 (1927), p. 81-86.
191
Aliquis scribit et sua et aliena, sed sua tamquam principalia, aliena tamquam
annexa ad confirmationem ; et talis debet dici auctor. Ed. cit., p. 12.
192
Lat. 15325, f. 4va, marge inférieure
193
Lat. 15325, f. 4vb, marge inférieure
194
Cf. COLISH, M., Peter Lombard, v. 1, … p. 1-13, dresse la liste des jugemments «cruels» dont le Maître des Sentences a été l'objet.
195
L'article de J. de Ghellinck, d'une grande qualité, est pourtant tout à fait représentatif du dédain qui entoure souvent la présentation de la pensée du Lombard :
«Pierre Lombard», DTC, 12, Paris, 1935, notamment col. 1978-1991 portant sur
«l'analyse théologique de l'œuvre de Pierre Lombard et appréciation doctrinale».
196
Cf. ROSEMANN, P., Peter Lombard, Oxford, 2004, p. 6.
197
G. Dahan dans L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, p. 240
met en valeur la réflexion de Bonaventure. Ce dernier constate, au cours d'une
question disputée, peut être contemporaine de son commentaire des Sentences,
la différence entre le Livre des Sentences qui utilise un mode de recherche rationnel et la Bible.
198
Cf. DAHAN, G., L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval,
p. 37-74 : G. Dahan démontre comment le texte biblique est pensé comme
«texte inspiré, corpus fermé et texte évolutif.
199
BRADY, I., «The Rubric's of Peter Lombard's Sentences», Pier Lombardo, VI,
1962, p. 5-25.
200
Ed. cit, p. 4
201
BRADY, I., «The distinctions of Lombard's Book of Sentences and Alexander
of Hales», Franciscan Studies, XXV, 1965, p. 90-116.
202
Le manuscrit lat. 15652 contient plusieurs reportationes des cours sur les
Sentences d'Adam de Puteorum Villa et de Jean Pagus, les changements d'encre
semblent confirmer cette affirmation.
126
Le conflit entre séculiers et Mendiants
à l'université de Paris dans les années 1250 :
une affaire de pouvoir ?
Pr Jacques Verger
Université Paris-Sorbonne - Paris 4
La querelle des années 1250 entre séculiers et Mendiants est un épisode bien connu de l'histoire de l'université de Paris. Il s'agit en effet de la
première grande crise (au moins partiellement) interne de l'institution,
survenue au terme d'un demi-siècle environ d'une croissance continue qui
avait surtout suscité jusque-là des résistances extérieures liées à l'inquiétude et l'irritation des autorités ecclésiastiques parisiennes et des agents
locaux du pouvoir royal. Cette crise est d'autant plus célèbre qu'elle est
bien documentée, la plus grande partie de la documentation étant de surcroît imprimée, sinon toujours éditée scientifiquement, et donc aisément
accessible. Cette affaire a d'ailleurs depuis longtemps fait l'objet de multiples travaux historiques qui ont trouvé comme leur point d'orgue, en
1972, avec la publication de la grande thèse de Michel-Marie Dufeil.
À qui parcourt cette abondante bibliographie, il apparaît cependant
vite que si les faits sont globalement bien établis, les interprétations restent complexes, voire confuses, et souvent divergentes.
Certains, comme M.-M. Dufeil lui-même, mettent en avant le rôle des
individus, en particulier du théologien séculier Guillaume de SaintAmour, et le poids des querelles de personnes. Il est vrai que plusieurs
sources de l'époque, tant littéraires que narratives, insistaient déjà lourdement sur cet aspect. Une importance démesurée y est attribuée au seul
Guillaume de Saint-Amour, dont la forte personnalité suscitait apparemment des réactions passionnées aussi bien de haine que d'amitié.
127
On a aussi - et le thème est également présent chez M.-M. Dufeil surtout voulu voir dans cette affaire un affrontement entre tradition et
conservatisme d'une part (chez les séculiers), modernité, tant doctrinale
que pédagogique, et ouverture de l'autre (chez les Mendiants). Il va sans
dire qu'une telle approche n'est pas à l'abri des anachronismes et des jugements de valeur.
C'est sans doute pourquoi d'autres historiens ont préféré replacer la
crise universitaire dans le contexte beaucoup plus large des problèmes
créés dans l'Église du XIIIe siècle par l'essor des ordres mendiants et le
triomphe concomitant de la papauté théocratique et centralisatrice inaugurée par Innocent III et poursuivie par ses successeurs. Il faut reconnaître que, là encore, cette ligne interprétative trouve une certaine justification chez les contemporains eux-mêmes qui ont parfaitement saisi le
poids du contexte général sur l'épisode universitaire.
Sans nier l'intérêt de ces approches, il paraît cependant possible de les
compléter par une relecture plus institutionnelle et “politique” de la querelle des séculiers et des Mendiants, vue comme une affaire de pouvoir
ayant eu pour enjeu d'une part la structuration interne - d'autant plus disputée qu'elle était encore inachevée au milieu du XIIIe siècle - de l'université et l'économie des pouvoirs en son sein, d'autre part, l'insertion de la
nouvelle institution dans les appareils englobants tant de l'Église que de
la monarchie française.
C'est donc une telle relecture que nous voudrions esquisser dans les
pages qui suivent, sans reprendre le détail d'un déroulement événementiel
que j'ai supposé connu ou pour lequel on se reportera, à défaut, à la thèse
déjà mentionnée de M.-M. Dufeil.
Plenitudo potestatis : l'autorité de l'Église
La querelle entre séculiers et Mendiants a évidemment été d'abord
et avant tout une affaire ecclésiastique, dont les principaux protagonis-
128
tes se situaient tous à l'intérieur de l'Église. De plus, il faut dire que la
documentation archivistique conservée est d'origine très majoritairement ecclésiastique et même, plus précisément, pontificale, ce qui
conduit sans doute à surestimer le rôle de la papauté dans cette affaire
- et l'importance que la papauté elle-même a pu lui accorder.
Certes, ni Innocent IV (1243-1254) ni Alexandre IV (1254-1261)
n'ont provoqué la crise, qui est née au sein même de l'université, mais
ils l'ont suivie attentivement, de bout en bout, et à partir de 1253 ils
n'ont pas hésité à intervenir activement, dans un sens globalement très
favorable aux ordres mendiants, sauf à la toute fin du pontificat
d'Innocent IV, bref retournement que les historiens ont toujours eu de
la peine à expliquer.
Sans entrer dans le détail de ces interventions dont le pivot a évidemment été la promulgation de la bulle Quasi lignum vitæ le 14 avril
1255, quelques mois après l'élection du nouveau pape Alexandre IV,
qui remontait au 16 décembre 1254, soulignons deux points essentiels.
Le premier est que les papes n'ont jamais été hostiles ni à l'université ni aux universitaires comme tels. Ils n'ont nullement renié leur
action passée à leur égard ni remis en cause leurs faveurs anciennes. Ils
confirment leurs actes antérieurs, spécialement Parens scientiarum
qu'ils continuent à tenir pour l'expression fondamentale de la politique
pontificale vis-à-vis de l'université de Paris ; ils renouvellent régulièrement les privilèges personnels des universitaires et continuent à
employer à leur égard, même dans des textes aux dispositions par ailleurs sévères, le ton flatteur qui était de mise depuis le début du siècle.
Mais - seconde observation - ces mêmes papes, dans leurs diverses
interventions, ignorent superbement les notions, pourtant essentielles
aux yeux des maîtres séculiers - nous y reviendrons -, de liberté et d'autonomie universitaires. Pour le souverain pontife et en particulier
Alexandre IV, dont les lettres adoptent souvent un ton abrupt qui tran-
129
che avec le style plus modéré de la chancellerie d'Innocent IV, la plenitudo potestatis romaine pouvait et devait s'exercer sans contrainte à
l'égard de l'université comme du reste de l'Église. La plenitudo potestatis autorisait donc le pape à contrôler directement les règles de fonctionnement de l'université, à les interpréter et à les modifier à son gré,
complétant ou réformant librement les statuts antérieurs. Certes, on
vient de le dire, Parens scientiarum restait un texte de référence toujours cité, mais Alexandre IV le complète en lui adjoignant en quelque
sorte Quasi lignum vitæ qui se présente et que les textes suivants
confirment comme une sorte de second pilier de l'édifice constitutionnel sur lequel reposerait l'université.
De la même manière, sa plénitude de pouvoir permettait au pape de
maîtriser la définition et la composition même de l'université, de dire
qui en faisait ou non partie, intégrant, excluant, réintégrant à sa guise
tel individu ou tel groupe dans une institution qu'il concevait comme
une pure création pontificale. Pour lui, l'université de Paris n'était pas
une universitas autonome, reposant sur le serment de ses membres et
leur propre capacité à admettre qui ils voulaient en leur sein ou à en
rejeter ceux qui leur semblaient indignes ou indésirables, c'était simplement l'ensemble des scolares parisiens à qui le pape avait décidé de
conférer un statut particulier fondé sur des privilèges pontificaux.
Quant à l'intérêt que la papauté pouvait avoir à affirmer son autorité souveraine sur les maîtres et écoliers de Paris, il est clairement
avoué dans Quasi lignum vitæ : il s'agissait de plier l'université aux
finalités définies par le Saint-Siège et par lui seul, finalités qui
n'étaient évidemment pas d'ordre intellectuel et scientifique, mais pastoral : la prédication, le salut des âmes, significativement qualifié par
Alexandre IV d'ars artium. Et, dans cette pespective, l'intégration des
ordres religieux à l'université allait évidemment de soi, puisqu'ils
étaient les fers de lance reconnus de cette action pastorale.
Dans cette affaire, l'université n'était d'ailleurs pas la seule cible de
130
la plenitudo potestatis pontificale. Pour les mêmes raisons et de la
même manière, celle-ci s'exerçait également en direction des églises
locales (évêques, chapitres cathédraux, couvents) et de leurs instances
de concertation (conciles et chapitres provinciaux). Il y a sans doute là
une des clés de l'affaire. Très vite en effet, les maîtres parisiens ont eu
l'idée de faire appel à la solidarité de ces églises locales, i.-e. celles du
domaine royal au nord de la Loire ; beaucoup d'évêques et de chanoines devaient y être d'anciens étudiants ou gradués de Paris et les
régents parisiens eux-mêmes y étaient souvent titulaires de prébendes.
Ces églises ont d'ailleurs répondu positivement aux appels de l'université en proposant à divers niveaux leur médiation et en suggérant des
compromis réalistes auxquels les Dominicains parisiens, cédant un instant à ce “localisme” et lassés peut-être des affrontements quotidiens,
ont semblé eux-mêmes, au début de 1256, prêts à se rallier avant d'être
sèchement rappelés à l'ordre par le Saint-Siège.
Celui-ci en effet a systématiquement ignoré ces initatives locales et
dessaisi les instances qui auraient pu les soutenir, faisant pression sur
les évêques et remplaçant les juges délégués suspects de complaisance
par d'autres plus attentifs aux directives romaines.
Bref, les maîtres séculiers n'ont pas réussi, du fait des constantes
interventions pontificales, à constituer et à faire fonctionner un réseau
efficace d'amitiés locales qui auraient pu les aider à trouver un compromis satisfaisant pour eux.
Les Mendiants au contraire, surtout les Dominicains, ont su créer et
mobiliser un tel réseau mais à une autre échelle, celle qui s'est avérée
en l'occurrence décisive, c'est-à-dire celle de la Chrétienté, en agissant
directement au niveau de la Curie romaine, où les maîtres parisiens
n'ont jamais réussi à se faire durablement entendre malgré de multiples
courriers et ambassades.
La plenitudo potestatis est en effet, en soi, une notion abstraite qui
131
a besoin, pour s'exercer de manière effective, d'être informée et de voir
son action concrètement relayée sur le terrain par des hommes dévoués
à la cause pontificale. Le pape lui-même peut bien tracer la ligne directrice de sa politique mais, surtout lorsqu'il s'agissait d'un pontife
comme Alexandre IV, relativement peu préparé par son expérience personnelle à comprendre les problèmes universitaires parisiens, il avait
besoin d'être renseigné, conseillé et guidé. Or les Dominicains semblent avoir excellé dans cette pratique, les autres ordres - y compris les
Franciscains, qu'on disait pourtant spécialement proches du nouveau
pontife - étant beaucoup moins actifs et profitant surtout, du moins à
en croire ces derniers, des résultats obtenus par les Dominicains.
L'efficacité de ceux-ci s'explique sans doute par la structure centralisée
de leur ordre, l'autorité du chapitre général qui n'hésita pas, coup d'audace voire provocation, à se tenir à Paris même en juin 1256, la forte
personnalité enfin du ministre général Humbert de Romans, ancien
étudiant et gradué de Paris, parfaitement au fait de la situation et des
enjeux, habile et véhément propagandiste.
Toujours est-il qu'on identifie aisément à la Curie, dans ces mois
décisifs, un groupe actif d' “amis des Mendiants” dont les membres les
plus en vue étaient les cardinaux Jean de Tolède, Eudes de
Châteauroux, Jean Gaetano Orsini et surtout Hugues de Saint-Cher.
Ajoutons qu'à leurs amitiés romaines les Dominicains ont sans doute
pu ajouter quelques appuis locaux, plus difficiles à identifier mais qui
ont pu aider à contrer ces solidarités entre maîtres séculiers et clergé
cathédral du nord de la France dont nous parlions plus haut. Et rappelons aussi, naturellement, que les Mendiants ont également bénéficié
du soutien quasiment sans faille du roi Louis IX ; nous reviendrons sur
ce point dans la dernière partie de cette communication.
Bref, s'il serait excessif de croire que tout, dans l'Église du XIIIe siècle, s'explique par la centralisation romaine, il n'en reste pas moins que,
comme l'avait bien vu le Père Congar, le contexte ecclésiologique des
années 1250, pour complexe qu'il fût, a joué au détriment complet des
132
maîtres séculiers qui ont vu se retourner contre eux les faveurs pontificales dont ils avaient longtemps tout attendu, sans parvenir à mobiliser des appuis locaux qu'ils avaient jusque-là négligés.
Pristina libertas nostra : défense et métamorphoses de l'autonomie
universitaire
Si l'on essaye de se placer maintenant du point de vue de l'université, on arrive en terrain beaucoup moins sûr, ce qui complique l'interprétation historique.
Quelques personnages émergent, mais si certains, au premier rang
desquels Guillaume de Saint-Amour et Thomas d'Aquin, sont relativement bien connus, d'autres - à commencer par les régents dominicains
de 1253, frère Bonhomme et frère Hélie Brunet, ou les “complices” de
Guillaume, maîtres Nicolas de Bar-sur-Aube, Eudes de Douai ou
Chrétien de Verdun -, ne sont guère plus que des noms et, globalement,
le milieu universitaire parisien du milieu du XIIIe siècle reste, en l'état
actuel des recherches, mal connu, qu'il s'agisse de ses effectifs, de son
recrutement géographique et social ou de ses structures internes - affinités doctrinales ou politiques, réseaux de solidarités, tensions et
concurrences.
D'autre part, il faut rappeler que si l'université existait incontestablement depuis un bon demi-siècle, ses institutions n'étaient pas encore
vraiment stabilisées. Le recteur et les nations n'apparaissent, en tout
cas dans leur forme définitive, qu'à la fin des années 1240. Les facultés supérieures semblent encore des regroupements de fait plus que des
organismes autonomes bien constitués, avec assemblée générale et
doyen.
Il ne faut donc pas projeter sur ces années 1250 l'image de l'université définitivement organisée de la fin du siècle. Le caractère encore
précaire et inachevé des institutions universitaires laissait aux parties
133
prenantes une certaine marge d'appréciation et d'interprétation, diverses solutions institutionnelles étaient encore possibles, entre lesquelles
l'histoire n'avait pas tranché. Autrement dit, pour les séculiers qui se
trouvaient à la tête de l'université dans ces années 1250, le problème
était moins de savoir s'il fallait accueillir ou rejeter de leur sein les
ordres religieux que de préciser et de définir le cadre institutionnel
dans lequel ils pourraient être intégrés de manière satisfaisante.
À quoi pouvaient se référer les maîtres parisiens pour les aider à
fixer les institutions de l'université ? Les “modèles” alternatifs auxquels on peut penser (en particulier celui de Bologne), existaient-ils
vraiment et étaient-ils suffisamment connus à Paris à cette date ? Il est
en revanche sûr que, même si les institutions unversitaires n'étaient pas
encore totalement stabilisées, les maîtres parisiens avaient dans ces
années 1250 une assez claire conscience de leur propre histoire et des
processus ayant abouti à la situation dans laquelle ils se trouvaient. Le
célèbre “manifeste” du 4 février 1254 en est une illustration évidente.
Cette conscience historique pouvait, dans une certaine mesure, aider à
imaginer des solutions institutionnelles diverses pour l'avenir.
Quoi qu'il en soit, revenons aux conditions mêmes de l'affrontement. Malgré nos ignorances sur la composition et les structures de la
population universitaire, il semble difficile d'imaginer que la résistance
aux réguliers ait été essentiellement le fait de quelques individus isolés, personnages bornés, malveillants et jaloux qui s'identifieraient au
petit groupe constitué par Guillaume de Saint-Amour et ses amis. Cette
accusation, suggérée par quelques sources hostiles qui ont trouvé une
oreille complaisante chez M.-M. Dufeil, paraît suspecte. Certes, le
mouvement a dû avoir des chefs ou au moins des porte-parole. Que les
réguliers eux-mêmes et la Curie qui les soutenait aient cherché à stigmatiser ces “meneurs” pour les isoler et les priver du soutien collectif
de l'université afin de mieux les soumettre ou les sanctionner, est une
tactique classique, mais qui ne prouve rien quant aux appuis dont ils
ont pu disposer. De solides soutiens semblent plus que probables, mais
134
il est vrai que, face à des sources polémiques et contradictoires, on est
en peine de dire s'ils sont venus de l'université quasi unanime, voire
d'une fraction du peuple parisien, ou simplement de telle ou telle
faculté ou même d'un “parti” donné (et, en ce cas, lequel ?).
De toute façon, il s'est agi d'une affaire collective et, de même que
les réguliers prétendaient agir au nom des intérêts généraux de leurs
ordres (voire de la Chrétienté), ceux qui les ont combattus, ont mis au
centre de leur argumentation et de leur action la défense de l'autonomie universitaire - même si les réguliers et le pape ont affecté de ne pas
entendre ce thème et de ne voir dans l'attitude des séculiers que “jalousie”, méchanceté et égoïsme.
Que recouvrait, chez ceux qui s'y référaient, cette notion de défense
de l'autonomie universitaire ?
D'une part, la défense d'un statut, d'une libertas ancienne, d'autant
plus légitime qu'elle reposait à la fois sur des privilèges pontificaux et
royaux solennellement octroyés et sur un long et paisible usage qui
n'avait été remis en cause que tout récemment.
Ensuite, la défense d'un groupe et de sa capacité à affirmer et maintenir son unité et la solidarité interne de ses membres dans le cadre de
statuts librement adoptés et acceptés, toutes notions méconnues par la
papauté et les ordres religieux qui ne voulaient voir dans l'université
qu'une sorte de forme vide, un système institutionnel, un simple dispositif juridique au service de ceux qui souhaitaient étudier pour mieux
se former à leurs tâches futures sans pour autant accepter les contraintes d'un engagement personnel durable, voire exclusif.
Ceci dit, les maîtres parisiens ne se sont pas arc-boutés sur une
position rigide de refus, ils ont cherché à faire preuve d'imagination
dans la défense de la libertas universitaire. Souvent dénoncés comme
une manœuvre maladroite et, plus largement, comme le symbole d'un
135
comportement rancunier, absurde ou suicidaire de sabordage pur et
simple, le manifeste Radix amaritudinis du 2 octobre 1255 et les textes qui le complètent, peuvent, à la lumière d'une analyse plus attentive,
apparaître comme non dépourvus d'audace et d'à-propos.
Les maîtres proposaient-ils simplement de dissoudre une universitas devenue ingérable du fait des prétentions des réguliers soit pour la
reconstituer ailleurs, soit pour revenir en quelque sorte à la situation du
XIIe siècle, celle d'écoles indépendantes, cohabitant de manière informelle sur les pentes ou au pied de la Montagne Sainte-Geneviève - ou
ailleurs - et vaguement contrôlées par les autorités ecclésiastiques locales par le biais de la licentia docendi ? L'idée n'était peut-être pas
absurde, mais elle avait quand même l'inconvénient de mettre en péril,
sinon l'acquis pédagogique de la première moitié du siècle (programmes, cursus), du moins le caractère officiel et reconnu du système des
examens et des grades qui était pour beaucoup dans le succès de l'université. C'eut été un pari des plus risqués.
Il me paraît donc plus vraisemblable et plus conforme aux textes de
penser que les auteurs de Radix amaritudinis ont plutôt envisagé une
sorte de bipartition de l'université en deux entités distinctes : non pas,
comme à Bologne, une université des Italiens et une des étrangers,
mais une université pour les séculiers et une pour les réguliers - et les
séculiers qui préféreraient cohabiter avec eux ; entre les deux universités, des “passerelles” étaient d'ailleurs prévues, ce qui signifiait concession importante - que les séculiers acceptaient l'idée que certains étudiants séculiers souhaiteraient suivre, au moins provisoirement, les leçons des Mendiants.
À coup sûr, il se serait agi là d'un système complexe et peut-être fragile, mais cependant viable avec un peu de bonne volonté réciproque :
d'un côté, une université - celle des séculiers - fondée sur la solidarité
du groupe et la force du serment, de l'autre, pour les réguliers, une
seconde université reposant avant tout sur les privilèges pontificaux et
136
permettant donc cette “double appartenance” (à un ordre religieux et à
une universitas) que les séculiers dénonçaient quant à eux comme
hypocrite ou intenable. Radix amaritudinis ne réglait certes pas tous les
problèmes concrets et l'inévitable concurrence qu'aurait fait surgir une
telle partition, mais l'idée même, répétons-le, n'était pas absurde ni
sans équivalent dans le monde corporatif du XIIIe siècle.
Reste le problème de la signification même, pour les maîtres séculiers, de cette libertas qu'ils revendiquaient si ardemment. Les textes
des années 1250 ne sont pas, sur ce point, parfaitement clairs.
Faut-il l'entendre en termes modernes de “liberté de l'enseignement
et de la recherche” ? On sait que cette notion n'était pas forcément
étrangère aux universitaires du temps, l'essor de la théologie mendiante
pouvait remettre en question certaines orientations intellectuelles antérieures, mais le fait est que l'argument ne semble pas avoir été utilisé
dans la querelle des années 1250. Les réguliers n'ont jamais mis en
cause la qualité ni a fortiori l'orthodoxie de l'enseignement de leurs
adversaires séculiers ; même Guillaume de Saint-Amour ne sera pas à
proprement parler accusé d'hérésie. Paradoxalement, ce seront plutôt
les séculiers qui affecteront de voir un danger doctrinal dans l'arrivée
des Mendiants, en mettant en avant les tendances joachimites illustrées
par le Liber introductorius de Gherardo de Borgo San Donnino ; mais
cette manœuvre, qui ne pouvait d'ailleurs atteindre que les
Franciscains, fera long feu.
La liberté invoquée était plutôt d'ordre institutionnel. Comme les
libertés des églises locales, celle de l'université elle-même, en tant que
corporation autonome, ne se trouvait-elle menacée par la montée du
pouvoir pontifical et l'indifférence des nouveaux ordres à ce qui était
précisément à la fois les symboles et les instruments de cette liberté :
les serments, les grèves, le respect de la règle majoritaire. On conçoit,
comme nous l'avons rappelé plus haut, que l'université ait cherché l'appui des chapitres cathédraux, également en butte à ces excès de pou-
137
voir, et il est vrai que, dans cette affaire, la politique des ordres mendiants tendait bien, non certes à détruire l'université, mais à affaiblir consciemment ? - ses structures statutaires par la multiplication des
dérogations légales et des attitudes et pratiques fractionnelles.
Enfin, et peut-être surtout, la défense de la libertas scolastica doit
s'entendre, sous la plume des séculiers, comme la volonté de préserver
un statut social, voire professionnel - celui des magistri -, et des espérances de carrière, celles des étudiants et gradués parisiens. D'où l'insistance, qui semble presque caricaturale, parmi les arguments des
séculiers, sur les problèmes des chaires professorales, dont la poussée
des réguliers affecterait irréversiblement la répartition, des effectifs
d'étudiants qui assuraient à la fois la notoriété et les revenus des maîtres, et même de l'accès aux bénéfices supérieurs, débouché naturel des
gradués parisiens qui risquaient désormais de souffrir de la concurrence de Mendiants également diplômés.
L'exigence ecclésiologique rejoignait donc ici la fierté intellectuelle
et la conscience de soi professionnelle, et les accusations de corporatisme borné parfois lancées dédaigneusement contre Guillaume de
Saint-Amour et ses collègues ne prennent pas vraiment en compte la
complexité du contexte parisien des années 1250.
Tua prepotens dextera : l'université sous la main du roi
L'idée traditionnelle selon laquelle le roi de France ne se serait vraiment préoccupé de l'université de Paris qu'à partir de Philippe le Bel,
ne peut plus être soutenue telle quelle. A leur manière et selon les
modalités propres à leur siècle, saint Louis comme avant lui son grandpère Philippe Auguste ont été attentifs au fonctionnement et aux difficultés de l'université, même s'ils ne remettaient évidemment pas en
cause le caractère essentiellement ecclésiastique et même pontifical de
l'institution.
138
Les documents subsistants sont certes beaucoup moins loquaces sur
le rôle du roi que sur celui du pape, mais ils suffisent pour montrer que
le roi de France, dès le XIIIe siècle, se percevait et était perçu à la fois
comme co-fondateur, co-protecteur et co-réformateur ou co-censeur de
l'université, à côté du souverain pontife et, si possible, en accord avec
lui.
Le privilège octroyé par Philippe Augsute en 1200 aux scolares
Parisienses apparaît dans les documents ultérieurs, sous l'appellation
générique de privilegium regale, comme un des actes fondateurs de
l'université, presque au même titre que les statuts du cardinal Robert de
Courson (1215) ou Parens scientiarum.
Ne serait-ce que par son importance au sein de la population parisienne, l'université ne pouvait échapper aux exigences de l'ordre public
et tout à tour Louis IX lui-même et, dans leurs fonctions de régente ou
de lieutenant du roi, Blanche de Castille et Alphonse de Poitiers se
chargeront de le lui rappeler, en termes parfois assez rudes. Cette sévérité allait cependant de pair avec la tuitio royale. Le roi était aussi,
depuis 1200, le protecteur de l'université. C'était donc de lui qu'à l'occasion elle sollicitait mansuétude et justice. Ceci dit, elle apparaissait
quelque peu en position de faiblesse vis-à-vis du pouvoir royal, n'ayant
ni appui direct à la cour, ni véritable soutien dans la société parisienne.
Les Mendiants, surtout après le retour de Louis IX à Paris en septembre 1254, étaient incontestablement mieux placés. S'il est impossible
d'affimer qu'ils aient réellement bénéficié de la sympathie populaire
dont ils se targuent parfois, il est notoire qu'ils pouvaient compter sur
la sympathie personnelle du roi. Celui-ci, on le sait, n'hésitera pas à
faire garder par des hommes en armes le couvent Saint-Jacques, sans
que l'on sache très bien s'il s'agissait de protéger les frères contre les
menaces physiques des séculiers ou, au contraire, d'impressionner
ceux-ci par une démonstration de force.
Mais le plus remarquable est que, dans cette affaire, le pape
139
Alexandre IV lui-même a jugé nécessaire d'avoir recours à la médiation royale pour venir à bout des adversaires des Mendiants, spécialement Guillaume de Saint-Amour, excommunié puis banni du royaume
sur ordre du roi, la même menace de confiscation de bénéfices et de
bannissement ayant été au moins brandie contre d'autres maîtres. On
est un peu surpris que les menaces et censures ecclésiastiques, surtout
fulminées depuis la cour de Rome, n'aient pas suffi pour venir à bout
des séculiers rebelles. Faut-il y voir l'indice de soutiens assez puissants
et durables dont ceux-ci auraient bénéficié à l'université ou même dans
le clergé français ? La Curie, répugnant ou ne parvenant pas à poursuivre l'affaire comme une véritable cause d'hérésie, a-t-elle préféré
recourir au bras séculier pour en finir rapidement par une mesure politique et administrative d'éloignement qui évitait de faire de Guillaume
un martyr aux yeux de ses partisans ? Le pape a-t-il tenu à associer le
pouvoir royal à des mesures de condamnation et d'exclusion, dans un
geste de bonne volonté à l'égard d'un prince très chrétien et ami des
Mendiants certes, mais sourcilleux quant aux abus possibles de la justice ecclésiastique et des ingérences romaines dans les affaires du
royaume ?
Ne multiplions pas les hypothèses invérifiables, mais constatons
simplement que la querelle des séculiers et des réguliers des années
1250 a été, pour le pouvoir politique, une occasion supplémentaire
d'intervenir dans les affaires de l'université et de faire sentir à celle-ci
que la main du roi pouvait s'étendre sur elle, que ce soit pour protéger
ou pour punir.
Conclusion
Ces quelques réflexions ne prétendaient pas appeler à une révision
complète du bilan traditionnellement tiré de cette crise. La querelle des
séculiers et des réguliers a bien abouti à malmener l'autonomie universitaire, à asseoir définitivement la place des Mendiants au sein même
de l'alma mater parisienne, à renforcer par ailleurs les capacités d'im-
140
mixtion de la papauté dans les affaires de l'université en même temps
qu'à légitimer les éventuelles interventions dans celles-ci du pouvoir
royal.
Vues de l'intérieur de l'université, les choses sont moins claires. Les
réguliers ont certes pris solidement pied au sein de l'université, mais
ont-ils pour autant pesé lourdement sur son devenir institutionnel ? Il
semble que leur volonté était plutôt de s'y faire reconnaître une position dérogatoire, avantageuse mais marginale, leur permettant simplement de poursuivre leurs visées propres sans avoir à subir un certain
nombre de contraintes statutaires qu'ils trouvaient gênantes, sinon
inacceptables.
Les solutions institutionnelles suggérées, selon nous, par Radix
amaritudinis n'ont évidemment pas vu le jour, faute peut-être d'avoir
trouvé un écho suffisant au sein même de l'université. Pendant la crise
elle-même, certaines instances récemment mises en place - le recteur
et les nations en particulier, pour ne pas parler des facultés encore
embryonnaires de décret et de médecine - avaient été étonnament discrètes. L'épreuve terminée, la stabilisation définitive des institutions
universitaires ne s'est-elle pas précipitée, certains, y compris parmi
ceux qui ne s'étaient guère fait entendre, ayant sans doute retenu de la
crise que c'était la faiblesse même de ces institutions qui avaient été
une des causes de la déconfiture des maîtres séculiers ? Cette déconfiture a probablement été plus apparente que réelle - les théologiens parisiens, y compris les séculiers, avaient encore de beaux jours devant eux
en termes d'autorité tant doctrinale que corporative - et c'est au total de
compromis plus que de défaite qu'il faudrait parler - même si l'apaisement complet fut long à venir et si des rancœurs subsistèrent longtemps -, compromis d'où sont sorties, dans leur complexité mais aussi
leur solidité durable, les institutions qui régiront l'université de Paris
jusqu'à la fin du Moyen Age et au-delà.
141
142
Charters as Sources for the History of
the Foundation of the University of Leuven
1425-1427
Prof. Marc Nelissen
Katholieke Universiteit Leuven
The foundation of the University of Leuven is exactly dated by the
charter granted to the university on 9 December 1425, by which the
pope authorized the setting up of a studium generale in Leuven, giving
professors and students the same juridical status as those of Cologne,
Vienna and Leipzig, but denying them a Faculty of Theology. The provost of the collegiate church of St. Peter in Leuven was to become chancellor, while the rector of the new studium was to have full jurisdiction
over all members of the University. For this purpose, the duke of
Brabant, the chapter of St. Peter and the city of Leuven had to transfer
all of their jurisdictional powers over the professors and students to be,
to the rector of the new institution; the pope expressly stipulated that
they had to fulfill this cession of their rights within the period of a year
- otherwise the foundation would become null and void 1.
In the list of the authorities that were to transmit their jurisdiction to
the rector, figure the names of the parties that had initiated the process
towards the foundation of the university: some members of the chapter
of St. Peter, the town council of Leuven, and the duke of Brabant. When
we compare this list with those of the persons involved with similar
foundations, we see immediately that an important actor is not mentioned: the local bishop, Johannes de Heinsberg, bishop of Liège 2. While
this omission may seem a bit strange at first sight, it can be easily
explained. The said bishop was also the temporal lord of the bishopric
of Liège. As such, he was the ruler of a territory adjoining the duchy of
143
Brabant in the East. In the thirteenth century, the dukes of Brabant had
tried to enlarge their power in that direction in order to secure the important trade route towards Cologne: in 1212 duke Henry Ist occupied
Liège, and in 1288 the prince bishop was defeated in the battle of
Woeringen that settled the balance of powers in the region 3. Moreover,
the prince bishop had difficulties in wielding his ecclesiastical powers
in the parts of his bishopric that were situated in the Duchy of Brabant:
all too often he and his archdeacons were hindered by the privileges of
the inhabitants of the Duchy, who by virtue of the famous Golden Bull
of 1349 were to be summoned for trial only within the frontiers of the
Duchy, and by the power of the mighty local chapters in the collegiate
churches, who continuously resisted any attempt at reducing the almost
complete exemption from the ecclesiastical hierarchy they had managed
to create for themselves throughout time 4. So the absence of the bishop
can be explained, and this statement can be verified by the simple
conclusion that he did appear prominently in the history of the university in the years immediately following the foundation, as one of the
most dangerous opponents to the fledging foundation. The bishop was
not at all prepared to relinquish his prerogatives as ordinarius. It took
the university long and intense negotiations, the results of which had to
be sanctioned by the pope, to get on speaking terms again with Liège 5.
The founding fathers of the university were without doubt some of
the members of the chapter of St. Peter, and the inhabitants and members of the town council of Leuven. They took the initiative, in the summer of 1425, to send envoys to duke John IV of Brabant, asking him for
letters of recommendation for the pope 6. The duke supported their project by issuing these letters, and by offering the support of his diplomatic network of procurators in and around the papal curia. In the chronicles pertaining to the history of the duchy, he is of course named as the
founder of the university, a point of view confirmed by nineteenth-century romantic historians who were also the editors of these sources 7.
Our analysis of the foundational dossier and of the archives of the
Leuven town administration in the fifteenth century does not support
144
this vision. John IV of Brabant was a weak, young man who had been
overcome by the higher nobility, the mighty abbots and the higher
clergy of his duchy; in no way can he be compared to other university
founders who played an active role in the foundation of a university on
their territory and who were subsequently recognized as such 8.
Moreover, when we take a look at the history of Leuven in the fourteenth and the beginning of the fifteenth century, it quickly becomes
clear that the foundation of the university was, in the eyes of the town
council, part of a much larger operation that aimed at restoring the former political and socio-economical prosperity of the town as the former
capital of the Duchy of Brabant.
In the thirteenth century, the traditional cloth industry had gone
through a serious crisis: from a flourishing town of 20,000 inhabitants
in 1340, Leuven shrank to 15,500 inhabitants in1374. This downfall
manifested itself in tensions between patricians and craftsmen that led
to considerable social unrest, resulting in the end in an enhanced representation of craftsmen in the governing bodies and the administration of
the town. From 1385 onwards, the decline was stopped, and followed a
slow recovery based on new, more specialized industries like the
confection of gloves and luxurious clothes with costly finishing in fur;
this positive trend would find its culmination in the years 1440-1475 9.
On the other hand, the town saw the possibility of restoring some of
the political power that it had lost since the end of the thirteenth century.
The counts of Leuven, who later named themselves dukes of Brabant,
had always considered Leuven as the 'first town of Brabant' and as their
capital, until the reign of duke John I of Brabant (d. 1294), who chose
Brussels as his main residence. The Leuven townsmen had never well
accepted this degradation. They insisted on being treated as superior to
Brussels in protocol and ceremonies, and kept trying to regain their political prestige by trying to convince the duke to reside more often in their
town. They also engaged in a building competition with Brussels 10.
145
The ambition of the town is clearly reflected in its urbanistic policy
of the first half of the fifteenth century. Around 1400 the centre of the
town was still dominated by a Romanesque church with a big west
façade, surrounded by a churchyard and enclosed by small streets and
houses. In the next years, the foundations were laid for a totally new city
centre that would match the new wealth and ambitions of the town.
Before 1410, workers had begun to demolish the old Romanesque
church, to replace it by a much bigger gothic building. At the same time,
plans were made to create a square in the town centre, south of St.
Peter's church, between the church and a still to be built new town hall,
demolishing the old houses in front of the church. As a part of this plan,
the old cemetery of St. Peter had to be deconsecrated, an undertaking
that required the approval of Rome. The parallelism between this urbanistic project and the foundation of the university is clearly illustrated in
the sources, when we see that the town received papal consent from
Martin V on 20 January 1426, allowing them to demolish the old walls
around the churchyard and to bring the upper layer of soil in the newly
built choir of St. Peter's Church 11.
Subsequently the town council signed an agreement with the chapter of St. Peter's that enabled it to take possession of the square and to
have it paved, works that were begun only in 1432 after a second papal
consent that was issued by pope Eugene IV 12.
From 1439 onwards, further construction took place at the back of
what is still to-day the town hall. In a clear attempt to create a building
as magnificent as that of Brussels, in 1448 work started on a facade that
was planned to resemble the Brussels town hall with its almost central
belfry. However, the subsoil on which the Leuven belfry was to be build,
proved to be unstable, forcing the Leuvanists to abandon partially their
project and to confine themselves to the shrine-like structure that is still
there today.
Thus, it cannot be said that the foundation of a University in Leuven
146
sprang out of nothing. There was clearly a plan to restore the former
wealth of the city, and without doubt a university was seen as part of this
policy. It was the town council that coordinated the preparations to send
an envoy to Rome. Letters of recommendation were obtained from duke
John IV and by means of a bill of exchange a big sum of money was
made available in Rome. Around 18 September 1425, Wilhelmus
Nepotis, scholasticus of the chapter of St. Peter, departed for the Eternal
City. He returned 222 days later, at the end of April 1426. The charter
of foundation of the university and the three other charters of the same
date, were brought from Rome to Bruges by a merchant banker, who
kept them as a pledge for the payment of the total sum that was due to
the papal curia; it was again the town council that sent an envoy to pay
for them and to bring them to Leuven, where they arrived safely on 25
April 1426 13.
The wording of the foundational charter has been the object of intensive research by Erik Van Mingroot; the results of which have been published in 1994 14. It appears that the text of the Leuven charter is in large
part identical with the text of the charter of foundation of the University
of Rostock, also created by pope Martin V, on 13 February 1419, and in
smaller parts with the charter for Geneva (Martin V, 1418) 15. This does
not come as a surprise for specialists in papal diplomatics 16.
The texts of the papal charters were prepared by highly specialized
clerks at the papal curia, the abbreviatores. In composing those documents, they used mainly three sources. The first was the text of the supplication submitted by the petitioners and on which the pope had written down his consent with all or part of the favours that had been
requested, eventually deleting parts of the text or adding commentaries.
The second source consisted in texts of previously composed charters
that the abbreviatores collected in their personal manualia. In third
place came the fixed terminology and standard expressions that came
back in all papal charters and were recorded in formularies. The specific skill of the abbreviator consisted in his being able to blend all of
147
these sources to compose a new text reflecting well the stilus curiae. A
style made of conventions, formal and formulistic requirements, specific expressions and imagery, reminiscences and their use in specific
contexts, that made the difference between a simple Latin text and a
charter text that, when read aloud, was clearly identifiable as a text
coming from the pope himself, thus stressing the venerable continuity
across time that served as a foundation for the authority of the successors of St. Peter.
This, however, should not lead too easily to the conclusion that the
texts of papal charters are not valuable as sources for historical research.
The copying, reusing in different grammatical constructions and recombining of texts was at its highest in the more narrative parts of the charters, where the pope gave with great flourish the reasons that led him to
his decision; on the other hand, in the more canonical or legal parts of
the charter, where the exact bearing of the given favour was put into
words, the copying was also omnipresent, but with, here and there, additions or omissions that could be very telling.
The text of the Leuven charter, as we have stated above, is modeled
on that of Rostock, but in many places adapted to the local Leuven
situation. The most important difference between the two charters is that
the rector of Leuven is given full jurisdictional authority over the members of the university.
Apart from that, the Leuven charter contains a very strange sentence, stating that the envoy Wilhelmus Nepotis was to be the rector of
the studium for the first five years. Probably an addition obtained by the
envoy himself, who as scholasticus of the chapter of St. Peter derived
part of his income from the schools in Leuven and feared (history will
prove him right) that the foundation of the University would put an end
to the existing schools, which incited him to seek his appointment as
rector of the new organisation. In the end, Wilhelmus Nepotis did not
succeed: the town bought him out by promising him a sizeable income
148
for the same period 17.
It is interesting to note that in 1419 and 1425, the legal authority of
the rector over members of the university is a new issue in the charters
of foundation of the universities. The topic of the rectorial jurisdiction
appears in the texts of Rostock and Leuven, and then disappears again.
It is also interesting to note that the text of the Leuven charter pushes
the juridical status of the university further than that of Rostock: in
1419, the rector to be of the university of Rostock received the power to
judge all cases in which a member of the corporation was involved, be
it a cleric or a layman. Only for serious crimes and murder, had the rector to transfer the case to the competent ecclesiastical or temporal
authority, depending on the quality of the persons involved. In the
Leuven charter, the rector was given a more extended juridical authority: in fact, he was to be the only competent authority for all cases in
which members of the universitas were involved.
This far reaching power could not but influence other parts of the
text of the Leuven charter: for instance, the pope required the duke, the
chapter of St. Peter and the town to give up any juridical authority they
could claim over the members of the University. We can be pretty sure
that even at the papal curia, this was felt as a requirement that would not
be too easily accepted, because the issue of cession of jurisdiction
brought the abbreviator of the Leuven text to add a very uncommon
clause. At the end of the text an annullatio or a restriction is introduced,
a rather rare phenomenon in papal charters of foundation. The example
came from the Rostock charter, here again, but, in the case of Rostock,
the restriction was that the dukes of Mecklenburg were to found two
colleges for the new university. If they failed to do so within the period
of a year, the foundation charter would loose its validity. In the case of
Leuven, the annullatio held that if the three named parties were not to
renounce their jurisdictional authority within a year counting from the
date of the charter, the foundation would be void 18.
149
This clearly illustrates the fact that the Roman curia was well aware
that it was moving a milestone in granting full juridical immunity to the
new university. The reception of the charter in Leuven was, at least in
part, to prove it right.
The town council and the chapter of St. Peter did not hesitate to comply with the pope’s request. The town accepted the transfer during the
last negotiations on the occasion of the installation and opening ceremony of the new university, on 6 September 1426, the chapter of St.
Peter followed on 5 October 19. But the duke of Brabant was not at all
happy with the idea of a cession of his rights. With the deadline of 9
December 1426 approaching, the tension rose. Finally, an agreement
was reached, perhaps a precursor of the typical local taste for compromise that is still very well known in Belgian politics today. The duke
renounced all of his juridical powers over the members of the university
on 7 November 1426, thus avoiding the activation of the restrictive
clause included in the charter of foundation 20. But on 16 December
1426, shortly after the fatal date, the University returned part of this
jurisdictional power to the duke (the so-called retrocessio). Cases involving a lay member of the university and possibly leading to corporal
punishment or mutilation, were to belong exclusively to the duke. From
the point of view of the university, the deadline imposed by the charter
of foundation had been respected, and the institution that had come ipso
facto into being, had chosen to adapt to reality and even felt entitled to
do so 21.
We already mentioned the fierce resistance of the bishop of Liège.
Although it had been an obvious choice, from the Leuven point of view,
not to include him in the process leading to the foundation, the bishop
could not be bypassed for very long. On 29 July 1431 pope Eugene IV
confirmed an agreement reached between the university and the bishop;
it stated among other things that the university accepted that for special
categories of crimes against clerics, cases were to be tried before the
bishop’s court or officiality 22.
150
However, the charter of foundation of the University of Leuven cannot be considered in isolation. The foundational charter was the first of
at least 7 papal bullae that were issued as a set by the papal chancery
during the first years of the Leuven studium. On 9 December 1425 the
new university received not one but four papal charters. This series was
almost immediately supplemented by three additional privileges that
were dated 9 September 1427.
The additional charters from 1425 never received as much attention
as the charter of foundation. The pope granted some of the privileges
that were usually given to universities: namely, the privilege called de
fructibus percipiendis, together with its executorial letter, and two dispensations.
The privilegium de fructibus percipiendis in absentia, as it has often
been named, was a common favour in medieval canon law. In principle
every cleric that wanted to study or to stay at the Roman curia had the
possibility to ask the pope for a dispensation from the general rules,
allowing them to continue receiving the income from their benefices
while being away, as long as they provided for a substitute for those
benefices that were connected to pastoral care (the Registra supplicationum contain endless series of these kinds of requests from individuals).
To individual clerics, this right was usually granted for a number of
years, in the case of members of the University, they were allowed to
enjoy the privilege as long as they stayed there 23.
As usual in the papal chancery, this privilege was issued together
with a littera executoria, a charter in which executores were nominated.
They received the mission to have the privilege proclaimed, applied and
respected in partibus, and received full power to enforce its execution
whenever its exercise was contested by local authorities. In this case, the
abbot of St. Laurentius outside the Walls in Liège, the abbot of the
monastery of The Virgin Mary in Tongerlo and the provost of St Gertrud
in Leuven were appointed 24.
151
The same can be said of the two dispensations that were granted in
the third charter: they too are very well known in canon law. With the
first dispensation, in the jargon of the curia Romana often called a dispensatio de non promovendo ad sacros ordines infra septennium, members of the university received the right to postpone for seven years their
promotion to the major orders, even when receiving a benefice that normally required this promotion. As a result of this, they were not forced
to begin the ecclesiastical career they were aspiring to, before being certain that they would effectively be able to reach the academic grades that
were a prerequisite for their success in this matter. In the second dispensation, again in the jargon of the curia Romana often called a dispensatio de legibus audiendis, secular clerics at the university were given permission to teach and to learn civil law 25.
The difference of course between 'usual' dispensations from the normal application of canon law granted to individual students, and these
privileges, was that they were given to all members of the university and
in perpetuity. From 9 December 1425 every new member of the university could take advantage of this privilege and the accompanying dispensations, purely on the basis of his membership in the universitas
magistrorum et scholarum studii Lovaniensis. When individual clerics
wanted to receive similar dispensations, they had to submit a supplication to the papal curia in Rome, a difficult and costly undertaking, the
results of which were often unpredictable.
When we compare the set of privileges granted on 9 December 1425
with the three other charters that were granted by pope Martin V on 9
September 1427, we cannot but be struck by the continuity existing between the two of documents.
In the first charter of 1427, containing a dispensatio de physica sive
medicina audienda, the pope granted in perpetuity to the members of
Leuven University the right to study and teach medicine. Again, the
concession of this privilege was due to a stipulation of canon law, requi-
152
ring that clerics who were priests or held a higher dignity or a benefice
requiring pastoral care, were prohibited from lecturing or studying
medicine 26.
In the second, the conservatoria perpetua, Martin V named three
conservatores. These appointments of 'defenders of the privileges' were
common practice in medieval ecclesiastical history: institutions like
abbeys and churches that felt threatened, for instance by a temporal
ruler who did not respect their privileges, could call on the pope for help
and ask for a littera conservatoria. In this kind of privilege, the pope
usually nominated one or more ecclesiastics of higher rank, and gave
them the task and the powers (to be exerted auctoritate apostolica, even
up to excommunication) to defend the privileges of the concerned institution. Normally, these conservatores were given their powers in a specific case; for universities, they were given for all possible cases and ad
infinitum 27.
The third charter of 9 September 1427 pertaining to the privilege
called de non trahendo extra muros, granted in perpetuity to the members of the university the right not to appear in court outside the walls
of the town of Leuven, of course an enormous advantage for the members of the university that came from regions far away, but also for those
from the duchy of Brabant, as the juridical system at that time was scattered over many different jurisdictions and courts 28.
The complementary aspects of these two sets of privileges had
already led us to raise a number of questions when we decided to go and
look for further information in Rome. In the Vatican Archives, a first
search for additional sources in the so-called 'classical' series of registers, did yield some interesting material. The supplication in the
Registra supplicationum and the registered copy of the issued charter of
foundation in the Registra Lateranensia are both lost (some traces of the
registered copy still exist in the Indici of Contelori and Garampi, confirming that it certainly existed, but was probably lost in Paris at the begin-
153
ning of the nineteenth century, when Napoleon had all the papal archives transferred to Paris) 29. For the other charters from 1425, the registration of the supplication is also lost. But the registered copies in the
Registra Lateranensia still exist and were found 30, as well as the registered copies of the additional charters from 1427 31. The most important
find, however, was the registered copy of the supplication for the additional charters from 1427 in the registers of supplications 32. Its text
clearly shows the relation between the set of four privileges granted in
1425, and the three additional charters of 1427.
Technically speaking, these supplications were submitted as reformationes, which means that they were submitted as corrections to an
earlier supplication that had been presented to the pope but had been
partially or in its entirety refused. Moreover, when we look at the wording of the texts, we see that they clearly state that the three requests for
additional privileges for the university had already been submitted to
the pope in 1425 with the supplications for the foundation of the university, but that at the time they were not given in perpetuity. In 1425,
Martin V had apparently consented with a Fiat, excepta Facultate
Theologica for the charter of foundation and a Fiat in perpetuum for the
three charters that were effectively issued at the time, but for the three
remaining, he had only given his fiat for a limited period, 15 years for
the littera conservatoria, 7 years for the right to study and teach medicine and 7 years for the privilege de non trahendo extra muros
Lovanienses.
From this information, we can clearly conclude that in 1425, the
envoy of the university submitted the supplication for the foundation of
the University of Leuven, asking for at least seven different charters (of
course, there can have been even more, but that cannot be ascertained
on the basis of these sources). Pope Martin V reacted by conceding part
of them in perpetuity, but refrained from doing so for the others. The
envoy of the university then chose to have only the charter of foundation and the perpetual privileges issued by the papal chancery, and
154
resolved to come back after some time to submit a reformatio and try
upgrading the remaining privileges to perpetual ones, in his own words
'quia … conservatores universitatum generalium studiorum communiter perpetuo deputari consueverunt' 33. Apparently he chose the right
tactical approach.
In conclusion, we can say that the request for the foundation of the
University of Leuven was obviously submitted and handled with great
success. Without doubt, Wilhelmus Nepotis, the Leuven envoy, had been
clever enough to follow the sound advice he had been given in dealing
with the papal curia. We know for certain that in 1425 a lot of experienced ducal counsellors were available in the Roman curia. Duke John IV
of Brabant had gone through long and painful procedures at the Council
of Constance and later at the Roman curia, first to get a dispensation for
his marriage with his niece Jacoba van Beieren in the years 1417-1419,
and later to try and obtain the dissolution of that same marriage. The
whole affair cost him enormous sums of money, but also yielded without
doubt a lot of expertise in dealing with the Roman way of decision
making and the bureaucratic handling and producing of documents by
the chancery 34. Moreover, in hiring new personnel while setting up his
administration after the chaos of the Great Schism and the Council of
Constance, Martin V had often preferred recruiting them in the German
speaking world, including the Low Countries, thus avoiding to rely all
too much on the French and Italian curialists, adversaries of the time of
the Schism 35. Advice and help by countrymen must have been at the disposal of Wilhelmus Nepotis and had apparently been well used.
Secondly, for the history of universities in general and the use of
charters as sources for this type history, we can conclude that a charter
of foundation should not be seen solely as a document granting the statute of studium generale to an institution still to be founded and organised in partibus. A careful analysis of the texts, based on papal diplomatics, allows the reader to distinguish between formula, texts copied form
earlier charters and additional new elements, that were often in a very
155
skillful way combined and interwoven by the abbreviatores of the papal
chancery 36. For instance in the case of Leuven and Rostock, one can see
very clearly the new elements that were introduced in what one could
call the 'standard text' of a charter of foundation of a university. Through
the charter of foundation, the juridical autonomy of the new institution
was specified. It is clear that the Roman curia followed in this respect a
policy of pushing things as far as it could, depending on the local situation, of which it was made well aware through the supplication that had
to be handed over and defended to obtain the favour that was asked for.
At each possible occasion, a milestone was pushed a little further compared to its earlier position. While the rector of Rostock was granted
jurisdiction over the members of his studium but with some restrictions,
the rector of Leuven received full juridical autonomy. The local situation was also fully exploited. The fact that the Leuven envoy was eager
to be the first rector, for personal financial reasons, led the chancery to
take the liberty of putting him in charge of the new studium, for a period
of five years. In this respect the observation made about the University
correcting this all too far reaching juridical autonomy by coming into an
agreement with the bishop of Liège and the duke of Brabant, is not even
relevant. From the point of view of Rome, a new boundary had been
crossed, and by stressing the juridical autonomy of the new university,
it created an institution that at least until the beginning of the sixteenth
century would be able to resist continuous attempts at interfering with
its internal affairs and organisation.
Thirdly, the set of privileges that were asked for in a first instance,
but then obtained in two stages by the founders of the University of
Leuven, deserve further investigation. It would be interesting to be able
to compare dossiers as complete as the Leuven one, to see whether the
path Leuven followed is to be considered as regular or not, and whether
there existed something like a standard set of privileges that had to be
requested when founding a university, and some chronological order
attached to it. Apparently, the additional privileges were usually acquired in the years following the foundation. Perhaps was it the wish of the
156
curia not to confer too many privileges to an institution that had not yet
proven its viability; one should probably also consider the fact that this
practice meant more revenue for Rome.
We know for example of a privilege de fructibus percipiendis that
was granted to the University of Heidelberg in 1387 (more than one and
a half year after the charter of foundation of 23 October 1385), and that
this charter was almost identical to the one the University of Vienna had
obtained in 1365 37. The same goes for a a similar privilege granted to
the University of Rostock, dated 17 May 1420, that is a year latter than
the foundational charter 38.
The problem here is one of sources: Universities, especially on the
occasion of a jubilee or some other important commemoration, will not
hesitate to publish with great care their charter of foundation, sometimes with the addition of a commentary and magnificent colour illustration. Now and then, other monuments of the university receive similar
treatment, but rarely do we see a whole set of charters published and
commented. Some texts can be found in the older cartularia that were
made up and eventually printed by the universities at a time when these
texts were needed to justify and defend their juridical situation, but,
even then, archives have to be checked to try and see if they do not
contain other original and still unpublished documents of the kind. Only
when a certain number of complete dossiers are assembled, will it be
possible to draw further conclusions on the nature and importance of the
sets of privileges granted to the medieval universities.
Notes
On the history of the university in general, see E. Lamberts and J. Roegiers
(eds.), Leuven university, 1425-1985, Leuven, 1990 (with selected bibliography);
J. Roegiers and I. Vandevivere, Leuven/Louvain-la-Neuve. Aller Retour, Leuven,
2001 (also published in Dutch as Leuven/Louvain-la-Neuve. Kennis maken ); on
the charter of foundation, see E.J.M. Van Eijl, ‘The foundation of the university
of Louvain’ in J. IJsewijn and J. Paquet, The universities in the late Middle ages,
1
157
Leuven, 1978, 29-41; Erik Van Mingroot, Sapientie immarcessibilis. A diplomatic and comparative study of the bull of foundation of the university of Louvain (
December 9, 1425 ) (Mediaevalia Lovaniensia Series I/ Studia, 25) Leuven,
1994; M. Nelissen, ‘Papal charters of foundation for universities’, Paedagogica
historica, 34.2, 1998: 365-374; M. Nelissen, with J. Roegiers and E. Van
Mingroot, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit, 1425-1914, Leuven,
2000; M. Nelissen and A. d’Haenens, ‘Leuven/Louvain’ in J.M.M. Hermans and
M. Nelissen (eds.), Charters of foundation and early documents of the universities of the Coimbra group, 2nd revised edn., Leuven, 2005, 64-65 and 130-131.
2
M. Josse, ‘Heinsberg (Jean de)’ in Dictionnaire d’histoire et de géographie
ecclésiastiques, 23, Paris, 1990, col. 841-842.
3
E. Van Mingroot, ‘Het Leuvense gravenhuis’ in R. Van Uytven (ed.), Leuven.
‘De beste stad van Brabant’, Leuven, 1980, 47-67; P. de Ridder, ‘Brabant onder
de regering van hertog Jan I (1267-1294), overwinnaar van Woeringen’ in W.
Schäfke (ed.), Der Name der Freiheit, 1288-1988. Aspekte Kölner geschichte von
Wörringen bis heute. Handbuch zur Ausstellung des Kölnischen Stadtsmuseums
in der Josef-Haubrich-Kunsthalle Köln, Cologne, 1988, 224-232.
4
J. Paquay, ‘La juridiction de l’évêque de Liège au Brabant’, Leodium, 16,
1923 : 1-16; Idem, Juridiction, droit et prérogatives des archidiacres de l’église
de Liège. Contribution à l’histoire de l’ancien droit ecclésiastique liégeois,
Liège, 1935; J. Paquet, ‘L’exemption du chapitre Saint-Pierre de Louvain et la
visite de la collégiale par le nonce Morra (1617-1619)’, Bulletin de l’Institut
historique belge de Rome, 38, 1967 : 233-270.
5
M. Bruwier, ‘Les conflits juridictionnels et bénéficiaux entre l’Université de
Louvain et l’évêque de Liège de 1425 à 1568’, Revue d’histoire ecclésiastique,
44, 1949: 569-582.
6
Leuven, Town archives, nr. 5037 (General accounts of the town, 1424-1425),
fol. 276 r°.
7
E. De Dynter, Chronica nobilissimorum ducum Lotharingiae et Brabantiae ac
regum francorum, ed. P.F.X. De Ram, 3 vols, Brussels, 1854-1860; [J. Boendale],
De Brabantsche Yeesten of Rymkronyk van Braband, ed. J.F. Willems and J.
Bormans, 3 vols., Brussels, 1839-1869; [P. Impens], ‘E scriptis Petri monachi
Bethlemitici chronica excerpta’, in J. Kervyn de Lettenhove (ed.), Chroniques
relatives à l’histoire de la Belgique sous la domination des ducs de Bourgogne (
Textes latins ), Brussels, 1876, 339-468 ; A. Uyttebrouck, ‘Note sur les rapports
du Livre VII des Brabantsche Yeesten et du livre VI de la Chronique d’Edmond
de Dynter’, Bulletin de la Commission royale d’histoire, 123, 1958: 85-93 ; R.
Van Uytven, ‘Dynter, Edmond de’ and E. Persoons, ‘Impens, Pieter’ in Nationaal
158
biografisch woordenboek, 2, Brussels, 1962, col. 185-188 and 368-369.
8
The biography of John IV remains to be written. See in general A. Uyttebrouck,
Le gouvernement du duché de Brabant au bas moyen âge (1355-1430), Brussels,
1975, 2 vols.
9
See for this section, R. Van Uytven, Stadsfinanciën en stadsekonomie te Leuven
van de XIIe tot het einde der XVIe eeuw, Brussel, 1961; R. Van Uytven, Leuven.
‘De beste stad van Brabant’, Leuven, 1980.
10
A. Maesschalck and J. Viaene, ‘Het stadhuis van Leuven (Mensen en bouwkunst in Boergondisch Brabant)’, Arca Lovaniensis artes atque historiae reserans documenta, 6, 1979: 7-255; Idem, ‘De urbanisatie van de Leuvense Plaetse
in de 14de en 15de eeuw’ in M. Smeyers, with R. Van Dooren (eds.), Het
Leuvense
stadhuis.
Pronkjuweel
van
de
Brabantse
gotiek.
Tentoonstellingscatalogus Stadhuis Leuven (19 september - 6 december 1998),
Leuven, 1998, 10-40.
11
Vatican City, Archivio Segreto Vaticano, Registra Lateranensia, nr. 262, fol. 24
r°-v° (reproduced in M. Nelissen, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit,
56-57): Littera executoria, ‘Sincere devotionis affectus’, Rome, apud
Sanctosapostolos, 20 January 1426, litterae cum filo canapis granted by pope
Martin V, for the abbott of the abbey of Park near Leuven, to organize the deconsecration of part of the cemetery of St. Peters church in Leuven (this copy of the
text of the charter holding the permission of Martin V was previously not known;
its date confirms even more than before that from the beginning, the foundation
of the university and the urbanistic policy of the town were considered as elements in one single project).
12
Leuven, Town archives, nr. 2660 (Littera executoria, ‘Sincere devotionis affectus’, Rome, apud Sanctumpetrum, 8 May 1432, litterae cum filo canapis granted
by pope Eugene IV, for the provost of St. Gertrud in Leuven, to organize the
deconsecration of part of the cemetery of St. Peters church in Leuven). The text
of this charter was almost identical to the previous one by Martin V. However, an
addition of a few words in the text stated that the deconsecration had to take place
facta ipse ecclesie congrua recompensa. It is clear that this second charter was
issued to confirm an agreement between the town and the chapter of St. Peter,
made on 8 March 1428, about the deconsecration, the future lay out of the marketplace and important financial compensation by the town: see the text in
Maesschalck and Viaene, Het stadhuis van Leuven, 32-34.
13
Leuven, Town archives, nr. 5038 (General accounts of the town, 1425-1426),
fol. 121 r°; M. Nelissen, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit, 61-63
and 260.
159
Van Mingroot, Sapientie immarcessibilis.
T. Schmidt, ‘Die Gründung der Universität Rostock im Spiegel der Urkunden’
in Wissenschaftliche Tagung Universität und Stadt, anlässlich des 575. Jubiläums
der Eröffnung der Universität Rostock, Rostock, 1995, 9-16; E. Schnitzler, Die
Gründung der Universität Rostock 1419 (Mitteldeutsche Forschungen, 73),
Köln-Wien, 1974, 69-87; C. Borgeaud, Histoire de l’université de Genève, 1,
L’Académie de Calvin 1559-1798, Geneva, 1900, 7-13 and 623-625. The texts of
the charters of foundation that had been granted by Martin V to Dôle (1421),
Nantes (1423) and Perth/St. Andrews (1426) do not show the same similarity. See
for Dôle: M. Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises depuis
leur fondation jusqu’en 1789, 3, Paris, 1892, 98-99 (nr. 1611) ; for Nantes, H.
Diener, ‘Zur Geschichte der Universitätsgründungen in Alt-Ofen (1395) und
Nantes (1423)’, Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und
Bibliotheken, 42-43, 1963: 281-284; for the charter transferring the university of
St. Andrews to Perth, see J. Maitland Anderson, ‘James I. of Scotland and the
University of St. Andrews’, The Scottish historical review, 3, 1906: 314-315.
16
See as a starting point T. Frenz, Papsturkunden des Mittelalters und der
Neuzeit, 2nd enlarged edn. (Historische Grundwissenschaften in
Einzeldarstellungen, 2), Stuttgart, 2000; T. Frenz, Die Kanzlei der Päpste der
Hochrenaissance (1471-1527) (Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts
in Rom, 63), Tübingen, 1986.
17
L. Van Buyten, ‘De oorsprong en de stichting van de Leuvense universiteit’ in
550 jaar universiteit Leuven, Leuven, Stedelijk Museum, 31 januari - 25 april
1976 (exhibition catalogue), Leuven, 1976, 23-26; Van Mingroot, Sapientie
immarcessibilis, 191-192; Nelissen, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit, 67-75.
18
Van Mingroot, Sapientie immarcessibilis, 195-198.
19
Leuven, University Archives, Oude Universiteit Leuven, 4: Notarial deed in
which the town of Leuven transfers all of its jurisdictional power over members
of the university to the rector and the university, 6 September 1426; Ibidem, 5:
Notarial deed in which the provost, dean, chapter and scolaster of the collegiate
church of St. Peter transfer all of their jurisdictional power over members of the
university to the rector and the university, 5 October 1426 (both charters were
printed, in Privilegia academiae Lovaniensi per summos pontifices et supremos
Belgii principes concessa, Leuven, Aegidus Denique, 1728, 17-20 and 20-22;
and in E. Reusens, Documents relatifs à l’histoire de l’Université de Louvain (
1425-1797 ), I, Université en général, Leuven, 1893-1902, 30-33 and 33-35).
20
Leuven, University Archives, Oude Universiteit Leuven, 6: John IV, duke of
14
15
160
Brabant, grants professors and students of the university free access to the town
of Leuven, transfers all his jurisdictional power over members of the university
to the rector, and grants them the same rights as the citizens of Leuven (printed
in Privilegia academiae Lovaniensi ... concessa, 23-27 and Reusens, Documents,
I, 36-41).
21
See Reusens, Documents, I, 26-29; the original of the retrocessio can be found
in Leuven, State archives, Oude universiteit Leuven, 1 (printed in V. Brughmans,
Les anciennes institutions politiques de Louvain, Leuven, 1931, 237-238).
22
Litterae sollemnes, ‘Licet suscepti cura’, Rome, apud Sanctumpetrum, 29 July
1431, granted by pope Eugene IV, confirming the previous agreement that had
been made on 12 November 1428 between the bishop, provost and archdeacons
of Liege, and the university and the town of Leuven. The original has been lost,
manuscript copies exist (printed in Reusens, Documents, I, 50-52).
23
Privilegium de fructibus percipiendis, 'Qui creditum sibi', Rome, apud
Sanctosapostolos, 9 December 1425, litterae sollemnes granted by pope Martin
V, giving members of the university the right to continue enjoying the income
from their benefices while they are studying, provided that they install a substitute for pastoral tasks connected to them. Leuven, University Archives, Oude universiteit Leuven, 1.
24
Littera executoria for the previous charter, 'Hodie in favorem', Rome, apud
Sanctosapostolos, 9 December 1425, litterae cum filo canapis granted by pope
Martin V, for the abbots of St. Laurentius outside the Walls in Liege and of The
Virgin Mary in Tongerlo, and the provost of St. Gertrud in Leuven. Leuven,
University Archives, Oude universiteit Leuven, 2.
25
Dispensatio de non promovendo ad sacros ordines infra septennium et de legibus audiendis, 'Quoniam per litterarum studia', Rome, apud Sanctosapostolos, 9
December 1425, litterae sollemnes granted by pope Martin V, granting members
of the university the right to postpone for seven years their promotion to the
higher holy orders, and the right to study and hear civil law at the university of
Leuven. Leuven, University Archives, Oude universiteit Leuven, 3.
26
Dispensatio de physica sive medicina audienda, 'Quoniam per litterarum studia', Rome, apud Sanctosapostolos, 9 September 1427, litterae sollemnes granted by pope Martin V, giving members of the university the right to study and hear
medicine at the university of Leuven. Leuven, University Archives, Oude universiteit Leuven, 7.
27
Conservatoria perpetua, 'Et si cunctis', Rome, apud Sanctosapostolos, 9
September 1427, litterae cum filo canapis granted by pope Martin V, naming the
bishop of Utrecht, the abbot of The Virgin Mary in Tongerlo and the dean of St.
161
Peter in Leuven as conservatores perpetui for the university of Leuven. Leuven,
University Archives, Oude universiteit Leuven, 8.
28
Privilegium de non trahendo extra muros, 'Dum attente considerationis', Rome,
apud Sanctosapostolos, 9 September 1427, litterae sollemnes granted by pope
Martin V, giving members of the university the right not to be summoned in trial
outside the walls of the town of Leuven. Leuven, University Archives, Oude universiteit Leuven, 34.
29
F.X. Blouin, Vatican Archives. An inventory and guide to historical documents
of the Holy See, New York - Oxford, 1998, XX-XXI.
30
Vatican City, Archivio Segreto Vaticano, Registra Lateranensia, 262, fol. 320 r°320 v° ( privilegium de fructibus percipiendis and its executoria ); Ibidem, 262,
fol. 7 r°-v° ( dispensatio de non promovendo ad sacros ordines infra septennium
and dispensatio de legibus audiendis ).
31
Vatican City, Archivio Segreto Vaticano, Registra Lateranensia, 272, fol. 268
r° ( dispensatio de physica sive medicina audienda ); Ibidem, 301, fol. 113 r° (
conservatoria perpetua ); Ibidem, 272, fol. 72 v°-73 v° ( privilegium de non trahendo extra muros ).
32
Vatican City, Archivio Segreto Vaticano, Registra supplicationum, 215, fol. 66
r°-67 v° (reproduced in M. Nelissen, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit, 121).
33
In the text of the supplication: Ibidem, fol. 66 r°.
34
Nelissen, De stichtingsbul van de Leuvense universiteit, 89-98.
35
C.W. Maas, The German community in renaissance Rome 1378-1523, ed. P.
Herde ( Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und
Kirchengeschichte, Suppl. 39 ), Rome, 1981, XIV; C. Schuchard, Die Deutschen
an der päpstlichen Kurie im späten Mittelalter ( 1378-1447 ), Tübingen, 1987.
36
Van Mingroot, Sapientie immarcessibilis, 129-204.
37
J. Miethke, ‘Päpstliche Universitätsgründungsprivilegien und der Begriff eines
Studium generale im Römisch-Deutschen Reich des 14. Jahrhunderts’, in A.
Kohle and F. Engehausen (eds.), Zwischen Wissenschaft und Politik. Studien zur
deutschen Universitätsgeschichte. Festschrift für Eike Wolgast zum 65.
Geburtstag, Stuttgart, 2001, 7-8.
38
T. Schmidt, ‘Die Anfänge der Theologischen Fakultät der Universität Rostock
im Jahr 1433’, Mecklenburgische Jahrbücher, 117, 2002: 24.
162
The Universities and the Great
Councils in the 15th Century
Theology, Canon Law and the Effects of Learning
in the Crisis of the Late Medieval Church.*
Prof. Juergen Miethke
Universität Heidelberg
For historians, formal meetings are generally of high interest.
Assemblies of people, such as festivities, or the Frankish Mayfield,
elections of kings or bishops, treaties of peace, assemblies of Estates
or parliamentary conventions in the different kingdoms of Europe,
each kind of meeting has found an attentive screening of the sources
which may tell us about the persons assembled and the topics treated
at these assemblies, and which may give us insights into the political
and social conditions of the singular event, the aims and the efforts of
the attendants. Thus we may detect also those who might be in the end
the winners or loosers in the perspective of contemporaries or of later
generations.
For church historians also, the synods and councils of the church
have been in the focus of interest for a long time. Already in the 15th
century the sources for the councils are presented in big collections 1.
The immense eighteenth century compilation, published by the learned
bishop of Lucca, Giovanni Domenico Mansi in his Amplissima collectio 2 is to this day of value for historians and has no equal. Today however, this general interest of historians concerning councils and synods
has been newly stimulated, as the general feeling of the need for church
reform is a further attraction to this topic 3. In fact, councils, concilia
have been the main subject and instrument of discussions, of decisions
163
and judgement in questions of church reform for centuries. Certainly
the general councils of the 15th century, which had to bring to an end
the Great Schism of the Western Church, have been in the focus of
international research efforts. The synods in Pisa (1409), Constance
(1414-1418), and Basel (1431-1449) found a lot of attention. They
attracted a great variety of studies, constituing a whole field of
research for its own, well established with special monographic series
in different countries and special scholarly journals in different languages. The discussion is still going on vividly. Year after year one can find
selected source material, some voluminous monographs or big overviews, shorter essays or elegant articles treating these themes. It is
impossible for me to give a brief summary of all these scholarly efforts
in a short paper. This task would go beyond my competence. What I am
aiming at is to take a closer look at the medieval universities. I want to
describe the special role they played in those assemblies, how they
were organizing the meetings of their own, in which manner they succeeded to secure the structures of their particular world. We may possibly have a better insight in the special circumstances and duties, a
medieval university had to live in, and we may understand the selfconsiousness of scholastic university men in respect to the societies of
their surroundings. At this conference focusing on “Catholic universities” this might be a usefull task.
My paper consists of three parts. First I’ll try to have a glance at some
statistics, in order to consider the numerical importance, university men
could win at the great assemblies, including the active role university men
were able to play in the discussions. Obviously, this question cannot be
answered exclusively by statistics, but statistics may help us to have a better understanding of the interplay of different factors. Secondly, I’ll point
out, how universities were sending some of their regent masters to the
councils, and trying to stay in contact with them during their embassy.
Thirdly in the short last chapter I’ll present some conclusions concerning
a more accurate understanding of university communication and of practical effects resulting out of university theory in medieval societies.
164
I. Some Statistics of University Attendance at General Councils of
the 15th Century
The German Historian Albert Hauck in a famous article almost a
century ago (1907) identified three epochs in the history of general
councils of the Christian church 4. He made a typological distinction
between the synods of the ancient church composed by Christian
bishops, which were gathered under the presidency of the Byzantine
emperor in late antiquity, and the synods composed merely of the
church hierarchy in modern times, presided for the catholic church by
the Roman pope. In between these two types there is located the medieval concilium generale, that was attended by cardinals, bishops, prelates, abbots, representatives of singular churches and ecclesiastical corporations like the cathedral chapters, collegiate churches, religious
orders and ambassadors of the Christian princes and kings, who all
worked regularily under the presidency of the pope or some representative of the pope. Pope Innocent III had written for the IV. Lateran
Council (1215) two years earlier the letter of convocation. There
already he called the whole church particularly to Rome “because
those things are concerning the common state of all faithful Christians,
we shall convoke a general coucil according to the old custom of the
Ancient Church” 5. But he decided to call not only - as it had been usual
- the bishops to Rome, but also, in addition to those, representatives
(prepositum aut decanum) both of the cathedral chapters, but also of
the other collegiate churches of the singular dioceses 6. The list of invited attendants grew in the following century longer and longer. Finally,
the letters of convocation to the council of Vienne, were directed to a
wide range of Christians, to archbishops and bishops, to kings of all
kingdoms of Europe, in order to ensure a broad representation of
Christianity at the place of the council 7.
The popes therefore intended to have others besides the bishops sitting in front of them, when assembling a common, a general synod of
the whole church. The rules of procedure for the different councils
165
were by and large appropriate for this pupose. The council should and
did represent in truth the whole church with all its members, and
obviously enough, even the popes did not uphold the ancient idea of
the bishops being a sufficient representation of their diocese. The described expansion of church members entitled to attend the synod,
meant a decisive step towards a more general idea of representation.
We have to keep in mind: Representation of the whole universitas fidelium was widened by the popes themselves and for this purpose, too.
The popes wanted to face a truly responsible assembly which could be
legally constrained to take upon their shoulders the financial and organisatorial burdens decided at the council. The popes therefore preferred to see at the synod not only the bishops as the shepheards of their
sheep, but also the special representatives of the ecclesiastical communities and of the secular princes. So representation within the church
step by step changed its character. Certainly, the bishops remained
members, indeed important members of each council, but in addition
to them other representatives of communities and universitates, i. e.
“totalities” within the church were present and could decide more or
less on their own. They took over responsibility by the consent of their
representatives and had to fullfill later on their duties 8.
Within this trend towards early modern political representation,
university people were given more and more the chance to attend the
council not only as expert counselors of the attending bishops, but as
members of their own right in the synod. Of course, for their own sake
the bishops continued to take with them the university trained experts
as advisers and to retain them as a part of their personal staff.
Sometimes they were even used as deputies, if the bishops could not
attend the council themselves. But the borderline between learned
counseling from outside the synod to fully authorized members inside
the assembly faded away somehow. At last, at the council of Basel,
each priest could be incorporated into the great council.
This evolution took place at the same time as universities developed
166
as institutions of higher learning within Europe in several countries,
especially France, Italy and the Iberian peninsula. At the end of the 12th
and at the beginning of the 13th century universities evolved in various
places from older educational institutions or were founded - as was
more and more the case - to imitate the example of the exemplary universities, i.e. of Paris, Oxford or Bologna, whose successes seemed to
be irresistible. In fifteenth century “universities”, in the new sense of
the word, meaning institutions of higher education, took part in the
broader representation of ecclesiastical institutions at the synodal
convocations, more or less automatically 9. This certainly was due in a
certain sense to the fact, that the expertise of the learned canon lawyers
and theologians was not only useful for the business of the councils,
but also almost indispensable for complicated materials. These experts
knew by heart the biblical foundations of the faith as well as having a
wide knowledge of patristic sources and older institutions of the
church. So they seemed able to guarantee an immediate connexion
with tradition, and thereby with the apostolic tradition of the church.
I cannot specify here in detail the conception of “tradition” within
scholastic theories and its importance for the whole thinking of scholasticism. The conceptual framework was not altogether identical in all
theories, and we see a fairly broad variety of different positions, developping in the course of time and changing under very different circumstances. There is, however, a general outline beyond all this variety
and all differenciations. Scholastic discussion generally remained a
coherent discourse, which tried very hard to keep in touch with its traditions and authorities. All debate tried to maintain a firm adhesion to
the traditions of the church. Therefore there was never an outspoken
negation of tradition, although keen revitalizising and rethinking of tradition were by and large needed. Scholastic theology did a lot of rethinking the theology of the church fathers, especially of Saint Augustin.
who was present in the lecture halls of medieval universities with a
variety of compilations, ever since the 12th and early 13th centuries. For
instance the mere textbooks of the faculty of theology embodied a
167
great collection of sentences of the fathers, as for instance the Book of
Sentences by Peter Lombard or the Glossa ordinaria to the Bible. In a
very similar manner, the canonists, too, did not look only at the ius
novum, the decretals, which emanated in a steady stream from the
popes’ court. In the “Decretum ” of Gratian the canonists had a tremendous collection of traditional material. And the Decretum remained to
be of fundamental importance regarding the constitution of the church
or for all questions in respect to Christian life and thought. Specialists
of ecclesiastical law therefore were quite familiar with traditional
arguing and actualizing traditional arguments for present days concern.
No synod could even afford to leave the learned men out of their
ranks, if there were to be a real effort to keep in touch with tradition. In
fact, the presence and participation of learned clergy was soon indispensable, sometimes even urgently so, when debates touched complicated
matters of faith and order. Therefore we find learned clergymen, who
had studied at some university or at least had frequented the lecture
halls of some university teacher for a shorter or longer period almost
everywhere. We do not have exact prosopographical lists, which could
be only checked and taken together in order to reach a statistically sound
result. But there are some hints on the participation of visitors of universities which may give us some realistic impressions 10. In any case
there is no question as to the importance of a learned audience.
The general councils of the 15th century were a somehow new phenomenon for their contemporaries, even if councils as such were a traditional and highly appreciated instrument of church politics since the
times of the ancient church. First the middle ages had not favoured
general councils. Only the age of church reform, the so called struggle
concerning the investitures, made the Roman synod under the presidency of the popes especially important. From the early 13th century
onwards, the popes called together a number of general councils of the
Western church, councils, separated from each other by more or less
one generation. After the 4th Lateran Council (of 1215) the first Council
168
of Lyon took place in 1245, i.e. the assembly where pope Innocent IV.
deposited the emperor Frederick II. The next general council was
assembled 1274 in Lyon, too, by Gregory X. At last the the council of
Vienne (1311-1312) had to discuss questions of great concern for pope
Clement V. and the French king Philip the Bel, especially the process
against the Templars and the process against the memory of pope
Bonifacius VIII. Afterwards, during the Avignonesian periode of the
papal curia, the popes were not interested in a council, even if their
opponents, for instance the German ruler Louis the Bavarian and his
court were very interested in such a general church assembly 11.
The popes preferred to refine their bureaucratic instruments of
church adminstration and had no desires to convoke a general council. In the eyes of the Apostolic See a council was a stiff and awkward
institution, very difficult to manage and even more difficult to manipulate. They felt that any desired changes to be made to could be reached with good or better results and by a smoother and quiter means
through their own efforts at the papal court, i.e. by their own means
and by their bureaucratic machinery 12. A council would have been an
instrument, hardly controllable or directable to the outcome which the
papal court wished.
There are almost one hundred years between the end of the council
of Vienne (1312) and the beginning of the first council, which was
brought together in order to resolve the question of the great schism of
the West, the Council of Pisa (1409). Among the fathers assembled
there, nobody could have had any real personal experience on the “what
abouts and how tos” for a common church council. Nobody had a
memory or even a sense for the machinery of such a convocation. Only
learned men knew something from their books. They knew that councils had been held since ancient times. They were aquainted with the
canonistic sources. These, however, were not clear in all respects, and
could not be so, because the singular stipulations of the canons originated in times and places very distant from each other. But certainly there
169
had been even in the Avignonese period a lot of smaller synods, synods
of the diocese, of the province, even, maybe, of some national convocation, which could be useful in view of a coming general council.
In any case, the learned experts, who were to take part as members
of the assemblies, had to do a lot of work to gather informations on the
traditional regulations. It was certainly important that the council,
finally called by the cardinals of the two obediences, was a real and
undoubted one, legally convoked and legitimated by the church law, for
its most prominent task was to put an end to schism, which had lasted
by then already more than 30 years. Without any doubt, the learned men
were quite busy, we still have some texts discussing the questions of proper procedure and especially of the essential purposes of a general council. Learned expertise was really wanted and it was put at the disposal
of the council in Pisa and later on in further convocations. In Constance
old texts from the council of Vienne, written by a versatile canon lawyer,
the bishop of Mende in Central France named Guillelmus Duranti the
Younger, which later on was known as “ De modis generale concilium
celebrandi ” (i.e. “ The ways to celebrate a general council ” ), had some
success. Today we hold only some 13 manuscripts transmitting these
treatises, but the oldest of them was copied in the end of the 14th century, i.e. it is almost a century later than the original text was written
down by its author, whereas the great maiority of the manuscripts was
fabricated at the councils of Constance and Basel. Here the treatise of
Duranti was welcomed with astonishing readiness.
Let us take a look at the audience present at the great councils and
the proportion of which the university men could reach within this
attendancy. Of course, we do not know exactly who attended the
assemblies. Certainly, there are some lists, put together in order to
show that the present members at the council represented the largest
selection of different groups and regions of the universal church. These
lists obviously were more interested to prove the grade of representation at the council rather than to notify the singular members.
170
Therefore they wrote down exactly which bishopric or ecclesiastical
community was represented at the assembly, but seldom would they
give some remarks appropriate to identify the different persons representing them. So for instance a list of attendants of the council of Pisa
(1409), written down in a manuscript in the liberary of the collegiate
church Indersdorf in Bavaria (and later on transferred Munich) 13, the
most comprehensive list for the council, counts 795 nominations for
686 ecclesiastical institutions, represented at the council. But in this
list there are many cases of doubled nominations. There are counted
among others in particular 24 cardinals, 4 patriarchs, 81 ambassadors
of princes, 10 archbishops together with 17 procurators for other archbishops, 95 abbots and superiors of religious orders together with other
167 procurators for religious communities, 28 priors of collegiate
churches, 11 ambassadors of universites. In an annex the compilator
has listed further 109 - and this is not less than 16 % of the whole list
- nomina doctorum tam in facultate theologie quam in aliis facultatibus (“names of doctors of theology as well as of other faculties”).
The decree of the council of Pisa, which deposed the two popes of
the Roman and of the Avignonese obedience after a formal process at
the council, has 235 signatures. Besides the 24 cardinals many bishops,
abbots, priors, generals of religious orders and ambassadors of other
bishops, abbots or princes have signed this document. As far as we can
determine now, there is only one single person who did not sign as a
representative of others, a certain Nicolaus Rysshetone, utriusque iuris
dochtor ac causarum palacii apostolici auditor. We do know, however,
that this man was a member of the ambassy of the English king Henry
V. Another signature, belonging to Guillelmus Bruni decretorum doctor, was given by the representative of the archbishop of Arles and at
the same time expressly nomine proprio, that means “by his own right”.
45 men, who have signed the decree, do mention their university
degree, i.e. about 19 %. They sign as doctor or licentiatus decretorum
(18), as doctor or licentiatus legum (4), doctor, professor or licentiatus
iuris utriusque (7), doctor, magister, professor or licentiatus theologiae
171
(11), and in addition we can detect three baccalarei, two of them have
noted especially that they graduated from famous Oxford or Paris. We
have to presume that the number of university trained clerics, present at
the council, was somewhat higher than the numbers just cited, because
we know in some special cases from other sources that the person mentioned had had higher studies somewhere in Europe and did not mention it in the signature. Therefore the roughly 20% of the signatures
belonging to university men, may be regarded as a solid quota. In my
view, 20% means a considerable part of a public assembly in the age of
feudalism, when even the higher nobility was mostly without learned
knowledge or even illiterate still in the 15th century. And we can observe
at the discussions of the councils, as they have come down to us in written records 14, that the whole style of communication was becoming
more and more learned. The scholastic “quaestio”, the scholastic treatise is the model, the arguments are combined and ordered.
The council of Pisa first established a significant instrument of
counciliar debate, which was invented in order to use the general
appreciation and the authority of the scholastic science for the purposes of the council. More than one hundred members of the council with
degree were called into a special reunion, before the last decision in the
law suit against the two popes was made. This formal meeting of learned members was to give an consulatory sentence on the legal problems of a pope’s deposition. The document with their judgment has
been preserved. Without respect to their indivual clerical status in the
hierarchy of the church this assembly decided on the possibility of a
deposition, before the council itself could determinate the question 15.
Later on, after the definitive sentence of the council, other convocations of learned men with degrees otherwhere were called to give their
approval, as we are told: 123 doctors in the city of Florence near by
subscribed a similar report, and soon afterwards theologians and
lawyers in Bologna did not hesitate to do the same, giving their approval to the council’s decision.
172
We are able to continue these statistics for the other councils of the
15th century with even more clear results, and based on a sample of
greater numbers. For instance we have similar lists of participants for
both of the bigger assemblies in Constance and Basel. Unfortunalely
there are no specified accountings of university men attending those
councils. For Constance a comprehensive list 16 contains with 409
members with degrees out of 2290 names an almost identical percentage of 18 % of the whole sample. In Constance there is to be observed in the beginning a continuous institutionalization of university
members: Here, too, the theologians were assembled to form the so
called “facultas theologica“ (“the faculty of Theology”), which also
had to give its learned expertises from time to time and especially
within the deposition process against pope John XXIII. In Basel the
presence of learned fathers in the assembly is even more evident. At the
very beginning of the council, in february 1432, of the 56 members
enrolled there were 36 graduates, over 60 % of the whole attendance.
One year later, early in the year 1433 there are listed still three fifth of
the incorporated members of the council, who had graduated from universities, whereas as soon as in April 1433 their part eroded to an
amount as low as 28%, which however is still remarkably higher than
the figures of Pisa and Constance. And in the ten years from 1432 to
1442 we find 703 enrolled members with degrees out of 3182 incoporated attendants or an average of 22 %, still an astonishing watermark,
when we compare it with medieval literacy in general.
II. The Universities Represented at the Councils
The council of Basel lasted excessively long - the members continued to sit in the council for as long as 18 years - and thereby obtained
the doubtful honor to be remembered as the longest lasting, the so to
speak champion council of the whole history of Christianity, for the
council endured even longer than all the councils before and long after
it, taken together. The learned expertise however, which was visibly
present at the council all over the years, was not institutionalized, per-
173
haps because its presence was evident anyhow. University men’s attendance, if fluctuating, was at any rate remarkable 17. Usually the learned
clerics came to the assembly either by their own right as learned prelates, or, even more often, as the representatives of some other invited
person or institution. Especially interesting are the attendants sent by
the European universities. The important role, the men who came from
the university of Paris were destinated to play at the council of
Constance, is generally known. Pierre d’Ailly, of course came as a cardinal of John XXIII, not as the deputy of his ancient university. In the
same way also the Paduan professor of canon law Francisco Zabarella,
who had an important part to play in the stormy debates on the decree
“ Haec sancta ” and other decisions, was present as a cardinal and not
as a member of his former universities delegation. But Jean Gerson,
whose eminent impact on the conciliar debates is well known, participated as a representative of the university of Paris, and at the same time
as ambassador of the French king and as a representative of the archbishopric and ecclesiastical province of Sens 18.
The multiplicity of representation is a normal phenomenon, particularly because of the costs of sending ambassadors. The university of
Vienna was happy enough, if the duke of Austria was ready to take the
bulk of these costs on his side, naming members of the university of
Vienna as his ambassadors. Similarly the university of Heidelberg was
glad to share the costs with the Count Palatinate, and so on. This
cooperation could not make all financial burdens involved in an active
participation at the council completely disappear, but it was able to
reduce the costs considerably. Therefore we can see such strategies of
combination all over the whole membership of the councils. University
men also flocked independently to the cities of the councils, especially
if the assembly took a permanent or long enduring stay there, as in
Constance or in Basel 19. This may not be too surprising if we consider
that to get some special grace or prebend in situ, or to find the attention of a possible sponsor, were quite considerable. In the case of the
council of Basel the assembly could actually compete with the Roman
174
curia for a time as the place where clerics could get promotion and
sponsorship 20. At least the broad neighbourhood of the conciliar cities,
the regions of Germany and the surroundings were alerted to these possibilties. This has been proven by several studies on the market of prebends and the distribution of graces.
There is a lot to relate concerning deputies of European universities
at the councils of the 15th century. If we look to the great and long enduring synode of Basel, we may see e.g. John of Ragusa, one of the leading figures at the sessions and the president deputy of cardinal
Giuliano Cesarini at the opening of this assembly late in 1431. John of
Ragusa was certainly first there as a member of the group sent to the
Rhine valley from the Apostolic See. But he had visited already the
short council of Pavia-Siena (1423-1424) as an ambassador of his Paris
university, where he had already shown up as a conciliar reformer. John
of Segovia, the later famous historian of the Basel council, was delegated by his university Salamanca, where he had got a chair of theology.
We may continue the list with several more or less famous men who
were sent by their universities to the assemblies and stayed there for
weeks, months or even years, in order to take part in the conciliar debates and decisions. Some of them have had an remarkble effect in the history of the councils, some have left to us a series of relations from the
councils to their university which is now a vivid testimony and precious
source for the inner history of the councils decision making. I cannot go
to the details here, it may be sufficent to mention only the proctor of the
university of Vienna in Constance, Peter of Pulkau, who wrote a lot of
letters to Vienna, which were already printed 150 years ago (1856) 21.
They give a detailed picture of the debates of the council. Paulus
Vladimiri, sent by the king of Poland and the university of Cracovie,
was an urgent defender of the Polish interests in the debates with the
Teutonic knights 22 - I’ll close this list of possible examples here.
I want to emphasize, that at the singular universities a real ceremony
was needed if they wanted to send a delegation to a council. This was
175
necessary because of the costs that had to be paid for by the whole community. Therefore all members of the university had to participate in the
decision. We still have some sources in the university materials which
tell us how seriously the university took it to select their ambassadors
and provide them with sufficient mandates for the council. Whereever
there remain the acts of the congregations of the whole university or of
the singular faculties, we can obtain some precise information. For instance, Heidelberg, my own university, founded in 1386 and so at the
beginning of the Constance synod only 28 years old, did not sent to Pisa
its own ambassy, because the German king and Count Palatinate
Ruprecht was politically in opposition to the council, standing firmly
on the side of the Roman pope Gregory XII. Relatively late, in March
23rd, 1416, i.e. long after some important decisions of the council of
Constance, concerning especially the deposition of pope John XXII.
and the resignation of Gregory XII., and almost a year, too, after the
condemnation of John Wyclif and Jan Hus, but shortly before the
condemnation of Jerome of Prague and long months before the election
of Martin V, the Heidelberg masters of all faculties were assembled by
the rector Nicolaus of Bettenberg “ ad eligendum, deputandum, constituendum et ordinandum ambaxiatores, syndicos et procuratores ad
sacrum concilium Constantiense in forma meliori ”, i.e. “ in order to
elect, delegate, constitute and order the ambassadors, syndics and
proctors for the Holy Council of Constance in the best form possible ”.
The convention elected and instructed four members who were present
from the faculties of theology and canon law (and therein the rector of
the university) and in addition three absent members of the unversity
from the same faculties (who were already at the council of Constance
as ambassadors of the Count Palatinate), to act with full authority for
the university at the council 23.
The rector took care to notice the whole procedure in his official
records, the “Rektorbuch” of the university, an exact instrument, written down by a public notary 24. This was helpfull for further use,
because 16 years later, when by a letter, dated the 4th of April 1432, the
176
university was especially invited by the council’s president “ to send as
soon as possible some orderly graduated doctors who are experts in
the divine and human law and can stay with us at least three or four
month in order to do this work which is so necessary for the whole
christianity ” 25. In addition to that another letter, dated on 12th of April,
and sent by the ambassy of the Paris University, already attending
Basel, urged the Heidelberg masters to send an ambassy of their own
to the council 26. This last letter was signed by Denis de Sabrevois, a
well reknownd Basilean theologian 27. Heidelberg’s rector, John of
Bruxelles, was able to use in his notice the old formulas, recording the
whole procedure.
The Heidelberg university in 1434, in a special reunion of all the
masters of the university, sent three ambassadors to the council of
Basel. It ordered two theologians (Nicolaus Magni of Jawor and
Sebastian Brant), who had been ambassadors of the university already
to the council of Conatance and therefore were the most experienced
in conciliar negotiations. They should be accompanied by a canonist
(Otto de Lapide). This ambassy, so it was decreed, was to stay at the
council for three or four months. But in the end they went back to
Heidelberg long before the Council was closed, certainly because the
costs of their living seemed to high. In fact, we find the masters only
for a shorter period in Basel, as soon as 1434 Sebastain Brant and
Nicolaus Magni were back at the Neckar river again. When the council and pope Eugenius IV. were struggling on the supremacy, the pope
as well as the council sent messages to the universities, where all these
writings were to be heard in a formal convention, that was convocated
by the rector in special terms 28.
Universities would also delegate other representatives to the council in order to defend interests of their own sake. Especially when the
council of Basel became the competitor of the Roman curia in respect
of lawsuits on church property and rights, special proctors were sent to
the council in those special cases. In Heidelberg a long enduring dis-
177
pute with the collegiate church of Saint Germain in Speyer forced
finally the university, after many intensive consultations with the
Count Palatinate to send as many as three proctors for this busines to
Basel. At last they found a peaceful arrangement with their counterparts far away from the council in the nearer surroundings of
Heidelberg. All these decisions and also the sum of money necessary
for this purpose - in 1434 for instance 40 guilders were needed to pay
at once and give them to the proctors, which could only be financed by
a loan given to the rector by the Art’s faculty, the most numerous and
therefore fairly well situated faculty in Heidelberg 29. Several times we
can read demands for more money, for the costs were high in the cities
which hosted the church council 30. This contributed to the necessity
that ambassadors or proctors had to keep in touch continuously with
their university which had sent them to the councils.
III. Universities and Conciliarism
The masters who were left behind and who had to fulfill their teaching duties also kept continuously in touch with the deputies at the far
away councils. The university of Heidelberg was by no means a case
for its own. We can find very similar informations on the ambassies of
Vienna, Cologne and many other universities. They received the
reports, more or less detailed, and they gathered in formal assemblies
in order to make decisions on the behaviour of their representatives, for
whom they had to pay continuously collected money. The Heidelberg
example can tell us some interesting things upon the steady connection
between the councils and the universities over the times. The rectors
did pay some attention to this issue, for they took the time to write
some records into the official notice book they had to preserve for their
successors, the so called “Amtsbuch” the book of his office.
Other universities did even more. They accompanied the problems
discussed at the councils with their own memoranda. This had already
been an important task of very different universities in the time of the
178
schism, when French, Italian and English universities competed with
each other in determinating the difficult “Kirchenfrage” 31 [i.e. the
questions of the schism], in different - and of course controversial or
even contradictory - papers 32. Still further in the times of the concil of
Basel some universities took part in the debates at the meeting place of
the general conciliar sessions, that is the Cathedral church in Basel, by
sending prolific memoranda to the fathers. Especially well known are
the many pages written in Krakow (Poland) in the name of the whole
university there by the theologian Thomas of Strzempin about
1440/1441. This heavy text was sent to Basel where it was read and discussed eagerly. The text had been spread widely, so that it was in the
hands of “almost all” (as it was related later on by John of Segovia in
his history of the council) 33.
There are a lot of similar texts written at or for the councils by
European intellectuals. Some of them are of great importance for the
intellectual history. The “ Concordantia catholica ”, written by Nicolas
of Cusa 34 in 1433-1434, may be cited here as a striking example. But
there are other texts, more or less important, written by other authors,
which cannot even be enumerated here. The climate of the late medieval councils became more and more intellectual. In Constance and
Basel, where the councils competeted with the papal curia for a long
enough time, a kind of real university emerged 35. These transitory “studia” however did not attempt to become big intellectual adventures,
but rather dispatched academic grades. It seems characteristic that
most of those grades were obtained in canon law, not in theology.
But whatever we think about these so called “universities”, which
merely imitated and competed with the studium curiae and not so
much with the other European universities, we are allowed to emphasize, that the councils brought with them a real boom for university
learning. Already the Great Schism of the West had promoted universities. The courts and politicians all over Europe in those times were so
to speak constrained to look at intricate questions of church constitu-
179
tion, at the regulations of a papal election, at the respective competences of pope and cardinals and had to deal with similar highly professionalized questions, which could not be answered by mere good
sense. This was a real high noon for the specialists, who were busy
enough in elaborating their individual sight of the problems. It may be
sufficient to name here the Iberian example, especially the Castilian
diet of Medina del Campo from November 1380 to May 1381, where
the learned men together with the king’s court, the nobility and the prelates of the kingdom tried to decide, who had the better right in the
papacy, Urbanus VI or Clement VII. Long weeks of debates and discussions left thousands of testimonies and written memoranda.
Documents from this event fill today no less than 60 thick volumes in
the Vatican Archives, the so called “ Libri de schismate ”, which remain
one of the most important collection of source material for all questions of the schism, because these volumes contain in a rare completeness, the records of interrogations of witnesses, the memoranda of learned experts and their advises as to how to proceed. Certainly these
documents take part in strife, they are partial and biased, but they
demonstrate the real need, that was felt for learned periti, the university trained experts.
A similar, if not as immense of an example for the need of learning
may be the French debate on the subtraction of obedience, held in 1398
in Paris, where the king’s court asked the representatives of the French
church, whether France could and should respond to the Avignonese
pope Benedictus XIII (Pedro de Luna) by subtraction from his obedience, for the French government wanted to constrain the pope to finish
the schism by resignation. We are not interested here in the final failure
of this whole policy, but in the mostly learned votes which were given to
the king in written form and are preserved in the National Archives of
Paris until today 37. 292, (i.e. almost three hundred) votes, have come
down to us, short statements or lengthier treatises. Some of the authors
are well known intellectuals of the French public opinion of the time.
Simon de Cramaud, Gilles des Champs, Jean Courtecuisse, Jean Petit,
180
have all left their testimony, mostly written by their own hand.
If we were able to continue this review, we might see a lot of interesting details, but we will not learn anything very different. And so let
us give a short summary: The Schism and councils gave to the intellectuals of Europe an exciting chance for a mighty audience. It forced the
high nobility of the European kingdoms to ask for learned experts and
give attention to their opinion and judgement. This came out unexpectedly as a favorable situation for learned advice, which had already
been sought for in previous times, but only then gave immediate evidence of its usefullness. This situation was never equaled, neither in the
times before, nor in the times after the great councils of the 15th century: The ground was prepared for a higher general standard of learning. There is a seemingly innocuous sign, which may show this indirectly: The wave of founding new universities in the late 14th and early
fifteenth century has been explained by some scholars, not without
good reasons, by this particular connexion of policy and learned
advise. Considering for instance the motives of the Count Palatinate
Ruprecht I, when he founded the university in Heidelberg 1386, the
need for learned advice in the time of the schism does not seem to me
a bad answer 38.
The later middle ages were characterised for university men and universities generally by an astonishingly increasing upward trend in
importance. The social history of university clerks is demonstrating this
beyond any doubt. The “ gens de savoir ”, Jacques Verger has spoken so
vividly upon, received more and more importance in the later middle
ages. Whether we conceptualize this trend as a so to speak “ automatic ”
process, independent of contingent circumstances, or whether we
conceive this phenomenon as the result of special historical situations,
which favoured the high chances of the intellectuals, is not important. It
is not improbable, that the medieval intellectuals themselves were aware
of these favorable prospects. Indeed, contemporaries already seem to
have been happy for their possibilities. The councils as a “ forum ”, a
181
market place for ideas, texts and books is a well known topic of modern
research. I do not want to describe it here in repetition 39. But obviously
the intellectuals, whether they were theologians or canonists, Artists or
physicians were pushed forwards in public perception. And the learned
men themselves certainly were aware of their favorable situation, at
least partly.
Shall we be astonished by this? Or does it detract from the theoretical efforts of those people and turn them into a mere ideology of vested interests, if we see them challenged and trying to make the best
from their unexpected chances? I believe that the so called conciliarism
which was very wide spread at the universities in those times is at the
same time an expression of this contingent fact, as it is undoubtedly a
consequence of long enduring trends of medieval political thought of
consensual rulership, too. We should keep both in our reckoning, if we
try to understand and evaluate the historic moment of the 15th century.
Notes
* The text of my conference was checked stylistically by stud. phil. Paul
Riordan (Heidelberg, now Durham, NC). My thanks to him do not change my
own responsibility for the whole paper.
1
Cf. e.g. Petrus Crabbe (ed.) Concilia omnia tam generalia quam particularia, ab apostolorum temporibus in hunc usque diem … clelebrata, in 2 Bdn.,
Köln 1538; in 3 Bdn., Köln 1551.
2
Johannes Dominicus Mansi (ed.), Conciliorum nova et amplissima collectio,
Reprint Graz 1961.
3
Especially for the reform ideas at the councils a vast literature is to be consulted, e.g. Johannes Helmrath, Reform als Thema der Konzilien des
Spätmittelalters, in: Christian Unity. The Council of Ferrara-Florence,
1438/39-1989, hg. Giuseppe Alberigo (Bibliotheca Ephemeridum
Theologicarum Lovaniensium, 97), Löwen 1991, pp. 81-152 [concentrated
also in: Theorie und Praxis der Kirchenreform im Spätmittelalter, in:
Rottenburger Jb. f. Kirchengesch. 11 (1992) 41-70]; Jürgen Miethke,
Kirchenreform auf den Konzilien des 15. Jahrhunderts, Motive - Methoden Wirkungen, in: Studien zum 15. Jahrhundert, Festschrift für Erich Meuthen,
182
edd. Johannes Helmrath, Heribert Müller (in cooperation with Helmut Wolff),
München 1994, Bd.1, pp. 13-42.
4
Albert Hauck, Die Reception und Umbildung der allgemeinen Synode im
Mittelalter, in: Historische Vierteljahresschrift 10 (1907) 465-482.
5
Mansi (wie Anm. 2) XXII, 961A (= Migne PL 216, 824): Ut quia haec universorum fidelium communem statum respiciunt, generale concilium iuxta
priscam sanctorum patrum consuetudinem convocemus.
6
(A.a.O.) Mansi XXII, 961E: ... Inungatis autem vos, fratres archiepiscopi et
episcopi, ex parte nostra universis ecclesiarum capitulis non solum cathedralium, sed eticam aliarum, ut praepositum vel decanum aut alios viros idoneos
ad concilium pro se mittant.
7
A whole series of letters is printed in Mansi XXV, col. 369D-388E. Cf. for
instance the letter to Philip the Fair, where (374B) are addressed the members
of the church hierarchy first: Unde venerabilibus fratribus nostris archiepiscopis, episcopis, ac dilectis filiis electis, abbatibus, prioribus, decanis, praepositis, archidiaconis, archipresbyteris, et aliis ecclesiarum prelatis, exemptis
et non exemptis, eorumque capitulis et conventibus, per alias nostras litteras
mandamus, ut (…) ad huiusmodi concilium universale accesserint… Finally
the king himself is addressed (375A/B): Caeterum quia multipliciter expedit,
ut tam celebre concilium tua et aliorum catholicorum principum decoretur
praesentia, ut salubri concilio et auxilio [!] fulciatur, serenitatem regiam
rogamus et hortamur attentius (…) quod praescriptis loco et termino in eodem
concilio (…) studeas püersonaliter interesse …
8
Therefore the representation at the councils was straightly connected to all
the vast questions and the experiences of representation in politics. This is not
to be annotated here. Cf. e.g. already the collected studies by Gaines Post,
Studies in Medieval Legal Thought, Princeton, N.J. 1964.
9
Hastings Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages (1 1895),
New Edition by Frederick Maurice Powicke and Alfred Brotherstone Emden,
vol.I-III, Oxford 1936 (several reprints); A History of the University in
Europe, edd. by an editorial board under the general editor Walter Rüegg,
vol. 1: Universities in the Middle Ages, ed. Hilde de Ridder-Symoens,
Cambridge, New York (etc.) 1992.
10
E. g. Jürgen Miethke, Die Konzilien als Forum der öffentlichen Meinung im
15. Jahrhundert, in: Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters 37
(1981) 736-773.
11
Hans-Jürgen Becker, Die Appellation vom Papst an ein allgemeines Konzil,
Historische Entwicklung und kanonistische Diskussion im späten Mittelalter
183
und in der frrühen Neuzeit (Forschungen zur kirchlichen Rechtsgeschichte
und zum Kirchenrecht, 17), Köln, Wien 1988, pp.80ff.
12
This was mentioned as an argument of opponents by Pierre d’Ailly, De
reformacione ecclesiae, in: Quellen zur Kirchenreform im Zeitalter der
Großen Konzilien des 15. Jahrhunderts, ausgewählt und übersetzt von Jürgen
Miethke und Lorenz Weinrich, Teil I (Freiherr-vom-Stein-Gedächtnisausgabe
38a), Darmstadt 1995, pp. 339-377, p. 342sq.
13
Ms. München, Bayerische Staatsbibliothek, clm 7732, fol. 55v-64v: – Cf.
esp. Miethke, Die Konzilien als Forum der öffentlichen Meinung (note 10), p.
743; Josef Leinweber, Ein neues Verzeichnis der Teilnehmer am Konzil von
Pisa, 1409, Ein Beitrag zur Frage seiner Ökumenizität, in: Konzil und Papst,
Historische Beiträge zur Frage der höchsten Gewalt in der Kirche, Festgabe
für Hermann Tüchle, hrsg. von Georg Schwaiger, München (e.a.) 1975, pp.
207-246, hier 207-214.
14
For the relationship between written records and the spoken debates e.g.
Jürgen Miethke, Die mittelalterlichen Universitäten und das gesprochene
Wort, [11990] now in: Miethke, Studieren an mittelalterlichen Universitäten,
Chancen und Risiken, Gesammelte Aufsätze (Education and Society in the
Middle Ages and Renaissance, 16), Leiden-Boston 2004, pp. 453-491.
15
Mansi XXVII, pp. 399-401.
16
Johannes Riegel, Die Teilnehmerlisten des Konstanzer Konzils, Ein Beitrag
zur mittelalterlichen Statistik, phil. Diss. Freiburg i.B. 1916 (printed without
the appendix, which was preserved in the Institute for church history of the
University of Freiburg i. B. and in the Archives of Konstanz), cf. Thomas
Martin Buck, Die Riegelschen Teilnehmerlisten, Ein wissenschaftsgeschichtliches Detail der Konstanzer Konzilsforschung, in Freiburger Diözesanarchiv
118 (1998) 347-356.
17
For Basel esp. Johannes Helmrath, Das Basler Konzil, 1431-1449,
Forschung und Probleme (Kölner Historische Abhandlungen, 32), Köln-Wien
1987, pp. 151-157.
18
For all the bulk of literature and the sources fort he council of Konstanz look
at the sober overview of Ansgar Frenken, Die Erforschung des Konstanzer
Konzils (1414-1418) in den letzten 100 Jahren, in: Annuarium Historiae
Conciliorum 25 (1993).
19
University men at the councils, that is a topic not yet fully in the focus of the
vast literature. But look e.g. at the studies asking after the members of the
great councils.
20
This was shown lastly impressively by Robert Grams, Erfurter Juristen im
184
Spätmittelalter, Die Karrieremuster und Tätigkeitsfelder einer gelehrten Elite
des 14. und 15. Jahrhunderts (Education and Scoiety in the Middle Ages and
Renaissance, 17), Leiden-Boston 2003, esp. pp. 424-436.
21
Friedrich Firnhaber (ed.), Petrus de Pulka, Abgesandter der Wiener Universität
am Concilium zu Constantz, in: Archiv für Kunde österreichischer
Geschichtsquellen 15 (1856) 1-70; cf. Dieter Girgensohn, Peter von Pulkau und
die Wiedereinführung des Laienkelches (Veröffentlichungen des Max-PlanckInstituts für Geschichte, 12), Göttingen 1964 and the same, Die Universität
Wien und da Konstanzer Konzil, in: Das Konzil von Konstanz, hrsg. von August
Franzen und Wolfgang Müller, Freiburg i.B. 1964, 252-281; Acta facultatis
atrium universitatis Vindobonensis, 1385-1416, ed. Paul Uiblein
(Publikationen des Instituts für Österrreichische Geschichtsforschung, VI.2),
Graz-Wien-Köln 1968, pp. 436, 439, 451, 455, 467, 469.
22
St. F. Belch, Paulus Vladimiri and his Doctrine concerning International
Law and Politics, Bd. 1-2, London (etc.) 1965; Johannes Falkenberg, der
Deutsche Orden und die polnische Politik (Veröffentlichungen des MaxPlanck-Instituts für Geschichte, 45), Göttingen 1975.
23
Acta universitatis Heidelbergensis, Tomus I (simul Acta facultatis iuridicae,
tomus I) = Die Rektorbücher der Universität Heidelberg, edidit Jürgen
Miethke, curantibus Heiner Lutzmann (e.a.), Bd. I (1386-1410) und Bd. II:
(1421-1451), (Libri actorum Universitatis Heidelbergensis / Die Amtsbücher
der Universität Heidelberg, A I.1-3-II.1-2), Heidelberg 1986-1999 und 20012003 [here cited as AUH I und II]. Cf. here I, pp. 514-517 nr. 471.
24
The same procedure (a public instrument by a notary set down for an assembly of the university masters) was used already for the council of Pisa (1109) by
the University of Paris (December 20, 1408), the university of Toulouse
(February 20, 1409), and of Montpellier (April 15, 1409), cf. Johannes Vincke
(ed.), Briefe zum Pisaner Konzil (Beiträge zur Kirchen- und Rechtsgeschichte,
1), Bonn 1940, pp. 122-126, nr. 69 resp. pp. 151-155 nr. 90, pp. 187-191 nr. 103.
25
AUH II, p. 270f.: “... quantocius poteritis aliquos solennes doctores et viros
in divina et humana lege peritos nobiscum saltem per tres wel iiiior menses
permansuros ad tam necessarium omni christianitati opus ac commodum destinare ”.
26
AUH II, p. 249-250; cf. 271ff.; 367.
27
Heribert Müller, Die Franzosen, Frankreich und das Basler Konzil (14311449), Bd. 1-2 (Konziliengeschichte, Reihe B: Untersuchungen),
Paderborn/München [usw.] 1990, p. 935 [Register].
28
Cf. AUH II, pp. 405, 406, 430, 431 (for Eugenius IV.). This procedure, too,
185
was familiar with universities: a striking parallel, the masters of the university
assembled by the rector in order to get informations from the ambassadors at
the council, may we observe e.g. at the university of Vienna, already 1409, cf.
e.g. Acta facultatis artium universitatis Vindobonensis [note 21], p. 318 (June
6, 1409: for Pisa); p. 426 (July 25, 1414 for Konstanz).
29
AUH II, pp. 335f., cf. 378!
30
Claudius Sieber has given a comprehensive account of the relations of the
city of Basle to the council; his paper is to be published in a forthcoming
volume of the Vorträge und Forschungen of the Konstanzer Arbeitskreis, ed.
Johannes Helmrath and Heribert Müller, probably in 2007.
31
This concept was used by the Edition of the “Reichstagsakten” in the end of
the 19th century to characterize the problem discussed at different levels during
the Great schism.
32
Robert N. Swanson, Universities, Academics and the Great Schism
(Cambridge Studies in Medieval Life and Thought, III.12), CambridgeLondon (usw.) 1979; cf. Klaus Wriedt, Die deutschen Universitäten in den
Auseinandersetzungen des Schismas und der Reformkonzile (1378-1449),
Kirchenpolitische Ziele und korporative Interessen, Teil I: Vom Ausbruch des
Schismas bis zu den Anfängen des Konzils von Basel (1378-1432), Phil. HabilSchrift (masch.) Kiel 1972 [there is no second volume].
33
Thomas de Strzempin, Determinacio Basiliensis seu tractatus communis
universitatis Cracoviensis (ca. 1440/41), ed. Waclaw Bucickowski, in: Polskie
traktaty koncyliarystyczne z polowy XV wieku (Textus et sudia historiam theologiae in Polonia excultae spectantia, 23), Varshovie 1987, 167-230. Cf. esp.
Thomas Wünsch, Konziliarismus und Polen, Personen, Politik und
Programme aus Polen zur Verfassungsfrage der Kirche in der zeit der mittelalterlichen Reformkonzilien (Konziliengeschichte, B: Untersuchungen),
Paderborn-München (usw.) 1998, 78f. and 405a [Register]. For a shorter overview Anthony Black, The Universities and the Council of Basle: collegium
and concilium, in: The Universities in the Late Middle Ages, edd. Jozef
Ijsewijn, Jacques Paquet ( Mediaevalia Lovaniensia, I.6 ), Leuven 1978, 511523.
34
Nicolai de Cusa, De concordantia catholica, ed. Gerhard Kallen (Nicolai de
Cusa Opera omnia, iussu et auctoritate academiae litterarum Heidelbergensis
edita, XIV, 1-4), Hamburg 1959-1968. The literature for this text is almost
excessive, lastly cf. Jürgen Meithke, Die Einheit der Kirche in der
Concordantia catholica des Nikolaus von Kues, in: Platonismus im Orient und
Okzident, Neuplatonische Denkstrukturen im Judentum, Christentum und
186
Islam, edd. Raif Georges Khoury, Jens Halfwassen in cooperation with
Frederek Musall, Heidelberg 2005, pp. 201-213..
35
For the university of the council in Basel lastly Helmrath, Das Basler Konzil
(note 17), pp. 157-160.
36
Michael Seidlmayer, Die Anfänge des Großen Abendländischen Schismas,
Studien zur Kirchenpolitik, insbesondere der spanischen Staaten und zu den
geistigen Kämpfen der Zeit (Spanische Forschungen der Görres-Gesellschaft,
Staat und Kirche in Katalonien und Aragon, 5/2), Münster i.W. 1940.
37
Le vote de la soustraction d’obédience en 1398, éd. Hélène Millet et
Emmanuel Poulle, tome I: Introduction, Édition et fac-similés des bulletins du
vote (Documents, Études et Répertoires publiés par l’Institut de Recherche et
d’Histoire des Textes), Paris 1988 [tome II has not yet appeared].
38
Karl Ubl, Anspruch und Wirklichkeit: Die Anfänge der Universität Wien im
14. Jahrhundert, in: Mitteilungen des Instituts für Österreichische
Geschichtsforschung 113 (2005) 63-89, esp. p. 87, calls (citing an expression
of Peter Moraw) the founding of universities in 14th century as
“Kopfgeburten”, i.e. fancy ideas born within the heads of the founders only.
But this seems to me overdone.
39
Jürgen Miethke, Die Konzilien als Forum der öffentlichen Meinung (note
10); cf. the same, Die großen Konzilien des 15. Jahrhunderts als
Medienereignis. Kommunikation und intellektueller Fortschritt auf den
Großtagungen, in: Universität - Konzil - Stadt. Intellektuelle Kultur am Rhein
(1300-1550), Akten der XII. Jahrestagung der Société Internationale d’Études
de Philosophie Médiévale (Freiburg i. B. 2004), ed. Jacqueline Hamesse and
Maarten J. F. Marten Hoenen, Turnhout [in print, foreseen for 2007]; Johannes
Helmrath, Kommunikation auf den spätmittelalterlichen Konzilien, in: Die
Bedeutung der Kommunikation für Wirtschaft und Gesellschaft, ed. Hans Pohl
(Vierteljahreshefte für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, Beihefte 87),
Stuttgart 1989, pp. 116-172.
187
188
Commenter Aristote à la fin du XVe siècle
Typologie de quelques commentaires
parisiens des années 1470–1485
Paul J. J. M. Bakker*
Radboud Universiteit Nijmegen
1. Introduction
Les trois dernières décennies ont vu naître un intérêt grandissant
pour l’histoire de la philosophie et de la théologie du Moyen-Âge tardif. Contrairement à l’historiographie traditionnelle de la pensée
médiévale, qui avait tendance à mépriser les doctrines philosophiques
et théologiques du XIVe et du XVe siècle en termes de déclin, de désintégration ou de décadence, les historiens d’aujourd’hui adoptent
généralement une attitude plus ouverte voire sympathisante. L’une des
nombreuses conséquences de ce changement d’attitude est la vague de
publications consacrées à la Faculté des Arts de l’Université de Paris
pendant la seconde moitié du XIVe siècle. A la suite des travaux pionniers de Pierre Duhem et d’Anneliese Maier, les historiens de la philosophie ont beaucoup progressé dans l’étude des philosophes comme
Jean Buridan, Albert de Saxe, Marsile d’Inghen et Nicole Oresme et
Pierre d’Ailly 1. Les doctrines de ces auteurs, notamment leurs théories
dans les domaines de la logique et de la philosophie naturelle, se sont
avérées des positions philosophiques novatrices, dont certaines continuaient à faire l’objet de discussions jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
En ce qui concerne l’historiographie de la philosophie du XVe siècle, les recherches récentes ont privilégié les différentes traditions
intellectuelles extra-universitaires, au détriment de la pensée universitaire 2. L’un des plus fameux «outsiders» du XVe siècle est bien-sûr
189
Nicolas de Cuse († 1464), dont les théories philosophico-théologiques
ont attiré l’attention de plusieurs historiens de la pensée médiévale 3.
Un autre philosophe important qui se place en dehors de l’université
est Marsile Ficin († 1499), le représentant le plus célèbre du platonisme florentin. Les spécialistes de la pensée philosophique de la
Renaissance se sont beaucoup intéressés aux doctrines de Ficin, ainsi
qu’à celles de Jean Pic de la Mirandole, Lorenzo Valla, Rodolphe
Agricola et Beatus Rhenanus 4. A côté de cette tendance générale qui
consiste à privilégier les traditions extra-universitaires, certains historiens se sont intéressés à quelques aspects bien précis de l’enseignement universitaire du XVe siècle. Parmi ces aspects, l’on peut compter
le fameux «Wegestreit», c’est-à-dire les débats entre réalistes et nominalistes au sein des universités allemandes, les controverses entre
albertistes et thomistes à l’Université de Cologne, les discussions
concernant les futurs contingents à l’Université de Louvain, les doctrines logiques de Paul de Venise développées à l’Université de Padoue
et, enfin, l’enseignement de la morale par Niccolò Tignosi à
l’Université de Florence 5.
Etant donné cet intérêt grandissant pour la pensée philosophique du
Moyen Age tardif, il est difficile de comprendre pourquoi les développements doctrinaux à l’Université de Paris au cours du XVe siècle sont
restés pratiquement inexplorés. En effet, concernant Paris, les recherches récentes ont visé, d’une part, des auteurs de la seconde moitié du
XIVe et des toutes premières années du XVe siècle et, d’autre part, des
auteurs du début du XVIe siècle. De ce fait, la période intermédiaire qui
sépare, d’un côté, Pierre d’Ailly et Jean Gerson et, de l’autre, Jacques
Lefèvre d’Etaples et Charles de Bovelles, est restée, pour sa plus
grande part, une «terra incognita» 6. Cette situation est d’autant plus
déconcertante que les contextes sociaux et institutionnels de la pensée
parisienne du XVe siècle ont été bien étudiés, entre autres, par Astrik
Gabriel et Jacques Verger 7. En outre, l’un des événements majeurs sur
le plan intellectuel, à savoir la fameuse «crise nominaliste», c’est-àdire l’interdiction du nominalisme par Louis XI en 1474 et sa révoca-
190
tion en 1481, a été bien étudiée par Zénon Kaluza 8.
Dans le but de contribuer à combler cette lacune laissée par l’historiographie de la philosophie du Moyen Age tardif, cette étude se propose d’examiner en détail une petite série de commentaires parisiens
sur les écrits d’Aristote dans le domaine de la philosophie naturelle et
de la métaphysique. Les commentaires sélectionnés, au nombre de
quatre, datent des années 70 à 85 du XVe siècle ; ils sont donc plus ou
moins contemporains de la «crise nominaliste» des années 1474-1481.
Je commencerai mon étude par une présentation globale des quatre
commentaires et de leurs auteurs. Ensuite, j’étudierai les principales
caractéristiques littéraires de ces ouvrages. Enfin, j’explorerai quelques aspects de la doctrine de chacun de ces commentaires.
2. Les commentaires
Les textes qui font l’objet de la présente étude ont été écrits par Jean
Hennon, Jean le Damoisiau, Jean de Caulaincourt et Georges de
Bruxelles 9.
Le premier de ces auteurs, Jean Hennon, est originaire du diocèse
de Noyon « diocesis Noviomensis » et, de ce fait, il appartient à la
nation Picarde de la Faculté des Arts. Ses activités au sein de cette
nation sont bien connues pour la période de 1476 à 1484. En outre,
entre 1464 et 1484, Hennon est pensionnaire ( socius ) du Collège de la
Sorbonne. A ce titre, son nom apparaît régulièrement dans le Livre des
prieurs de la Sorbonne. Enfin, le Registre de prêt de la bibliothèque du
Collège de la Sorbonne nous donne quelques informations sur ses activités intellectuelles en 1476. Au cours de cette année, Hennon semble
avoir préparé sa lecture des livres III et IV des Sentences de Pierre
Lombard. En effet, il emprunte à la bibliothèque plusieurs ouvrages de
morale et de théologie sacramentaire, tels que la tertia pars de la
Somme théologique de Thomas d’Aquin et, pour la morale, les deux
Sommes de Guillaume Peyraut O.P. († 1271), le De vitiis et le De vir-
191
tutibus 10. La Bibliothèque nationale de France possède aujourd’hui
deux manuscrits contenant des ouvrages de Jean Hennon. L’un de ces
manuscrits (le MS lat. 6529) comprend une série de commentaires sur
les libri naturales et la Métaphysique d’Aristote. Ce manuscrit fut écrit
par un certain Franciscus Finé en 1473 ; Hennon y est désigné comme
baccalaureus formatus in sacra pagina (il est donc bien avancé dans
ses études de théologie). Selon le colophon de ce manuscrit, son scribe,
Franciscus Finé, fut pensionnaire du Collège de «Petite Navarre» ( in
collegio parve Navarre ) 11.
Le deuxième auteur, Jean le Damoisiau, nous est moins bien connu
que Jean Hennon. Tout ce que nous savons avec certitude est qu’il
appartint à la nation Française de la Faculté des Arts (il est désigné
comme « magister gallicanus » ), qu’il obtint sa licence en théologie le
12 mars 1488 et son doctorat le 20 octobre de la même année 12. Un
manuscrit de la Bibliothèque Universitaire de Wroclaw (le MS IV. F. 8)
contient une série de commentaires sur les libri naturales et la
Métaphysique d’Aristote rédigés par maître Jean le Damoisiau. Ce
manuscrit fut écrit en 1480 par une seule main, probablement celle
d’un certain Nicolas de Cumeres, dont le nom est mentionné à deux
reprises. A certains endroits du manuscrit, cependant, le nom de
Nicolas de Cumeres a été raturé et remplacé par celui d’un certain
Ludovicus Mares, probablement un possesseur ultérieur du manuscrit.
Le colophon du manuscrit ne fait état d’aucun collège parisien, ni pour
l’auteur des commentaires ni pour le scribe 13. D’ailleurs, le nom de
Jean le Damoisiau lui-même n’est mentionné que deux fois dans le
manuscrit. Il est désigné comme maître ès arts et bachelier en théologie ( in artibus magistro necnon in sacra pagina baccalario ) 14.
En ce qui concerne Jean de Caulaincourt, notre troisième auteur, il y
a quelque incertitude sur son diocèse d’origine. Certains documents l’attachent au diocèse de Thérouanne ( « diocesis Morinensis » ), dans l’actuel Pas-de-Calais, alors que d’autres le relient à celui de Noyon ( « diocesis Noviomensis » ). Quoi qu’il en soit (ces deux diocèses se trouvant
192
dans le nord de la France), Caulaincourt appartint à la nation Picarde,
dont il fut lui-même élu procureur le 28 août 1480. Il avait obtenu la maîtrise ès arts deux ans auparavant (sous la direction d’un certain maître
Pierre de Ruella) 15. Un manuscrit de la Bibliothèque Municipale de
Mende (le MS 40) contient les commentaires de Jean de Caulaincourt
sur les libri naturales et la Métaphysique d’Aristote. Ce manuscrit a été
écrit entre le mois de décembre 1480 et le mois de juillet 1481 par un
seul scribe, un certain Antoine de Courtignon, pensionnaire du Collège
de la Marche 16. Une étude attentive de ce manuscrit révèle que les commentaires sur les libri naturales correspondent quasi mot-à-mot à ceux
imprimés à Parme (1481), à Venise (1487 et 1490) et à Bâle (1490) sous
le nom de Jean de Magistris ou Jean Magistri 17. Dans ces éditions, toutefois, le commentaire de la Métaphysique fait défaut. D’après le colophon du plus ancien de ces incunables, il s’agit de commentaires d’orientation scotiste (ils sont rédigés « secundum mentem doctoris Subtilis
Scoti » ) 18.
Quant au quatrième auteur dont les écrits seront examinés ici,
Georges de Bruxelles, nous ne savons que très peu sur lui. Mis à part
la date de sa mort, en 1510, et le fait qu’il ait enseigné à la Faculté des
Arts de Paris, nous ne connaissons quasiment pas de détails sur sa vie
et sa carrière universitaire. En revanche, il est certain que Georges a
rédigé plusieurs ouvrages philosophiques, dont une série de commentaires sur les libri naturales et la Métaphysique d’Aristote. Ces commentaires ont été publiés par Thomas Bricot, qui y a ajouté quelques
questions de sa propre plume. Quant à Thomas Bricot lui-même, il fut
promu maître ès arts à Paris en 1479. Il obtint la licence en théologie
en janvier 1490 et son doctorat au mois de mars de la même année. Il
enseigna la philosophie au Collège de Sainte-Barbe tandis que, pendant ses études de théologie, il fut boursier ( bursarius ) au Collège des
Cholets 19. L’ouvrage qui nous intéresse ici (c’est-à-dire les commentaires de Georges de Bruxelles avec les questions ajoutées par Thomas
Bricot) ayant été imprimé pour la première fois en 1486 (à Lyon), il
s’ensuit que les écrits de Georges sont en tout cas antérieurs à cette
193
date 20. Selon l’intitulé de l’ouvrage (d’après l’editio princeps de 1486),
il s’agit de commentaires « secundum viam modernorum » 21. Dans
l’édition à laquelle j’ai eu accès (Lyon 1502), Georges est désigné
comme « interpres acutissimus » des nominalistes 22.
Pour terminer ce tableau, et avant d’explorer en détail, dans le
second paragraphe de cette étude, les principales caractéristiques littéraires de ces quatre ouvrages, je voudrais dresser un premier bilan provisoire, en deux points, concernant les commentaires et leurs auteurs.
(1) D’abord, rappelons les dates des ouvrages que nous allons étudier.
Celui de Hennon a été copié en 1473, celui de Damoisiau en 1480, et
celui de Caulaincourt en 1480-81. La première édition imprimée du
commentaire de Georges de Bruxelles a vu le jour en 1486 (et aucun
témoin manuscrit de ce texte n’a été retrouvé). A en juger par ces dates,
qui constituent le terminus ante quem de la rédaction de ces ouvrages,
les commentaires de Hennon, Damoisiau et Caulaincourt ont été rédigés durant la période de l’interdiction du nominalisme (1474-1481),
alors que l’ouvrage de Georges de Bruxelles se situe très probablement
après cette période.
(2) Ensuite, les commentaires se rattachent tous à un collège parisien
différent, à l’exception de celui de Jean le Damoisiau, où aucun collège
n’est mentionné. L’ouvrage de Hennon est lié au Collège de «Petite
Navarre» (par l’intermédiaire de son scribe, Franciscus Finé), tandis
que celui de Caulaincourt se rattache au Collège de la Marche (par le
biais de son copiste, Antoine de Courtignon). En ce qui concerne
Thomas Bricot, le «rédacteur» ou l’«éditeur scientifique» du commentaire de Georges de Bruxelles, il était lié, à différents titres, au Collège
de Sainte-Barbe et au Collège des Cholets. Il est vrai que les liens entre
les quatre commentaires et les différents collèges parisiens sont fragiles dans la mesure où ils passent par l’intermédiaire des copistes et
d’un «rédacteur». Néanmoins, l’existence de ce lien (aussi fragile soitil) justifie l’hypothèse selon laquelle ces textes reflètent l’enseigne-
194
ment des arts dispensé, au nom des quatre nations, dans les collèges
mentionnés. De ce fait, ils nous permettent de mieux connaître le
milieu universitaire parisien de la fin du XVe siècle.
3. Caractéristiques littéraires des commentaires
En ce qui concerne les principales caractéristiques littéraires des
quatre commentaires, il faut, en premier lieu, rappeler qu’il s’agit de
quatre séries de commentaires sur les libri naturales et la
Métaphysique d’Aristote. Or, du point de vue de leur contenu et de leur
structure, ces commentaires sont parfaitement parallèles. En effet, ils
se rapportent invariablement aux mêmes écrits d’Aristote et toujours
dans le même ordre, à savoir :
- la Physique, livres I à VIII ;
- le De caelo et mundo, livres I, II et IV 23 ;
- le De generatione livres I et II ;
- la Météorologie, livres I à III, mais non pas le livre IV ;
- le De anima livres I à III ;
- le De sensu ;
- le De memoria ;
- le De somno ;
- le De longitudine et brevitate vitae ;
- les livres I à VI de la Métaphysique 24.
Ce parallélisme entre les quatre commentaires du point de vue de
leur contenu et de leur structure confirme l’hypothèse d’un lien étroit
entre ces ouvrages et l’enseignement des arts dispensé dans les collèges. En effet, les «tables des matières» de nos commentaires correspondent fidèlement au curriculum des arts prescrit dans les statuts de
1366 et ceux de 1452. Etant donné que, en ce qui concerne les libri
naturales et la Métaphysique, la seule différence entre les statuts de
1366 et ceux de 1452 consiste en ce que les derniers ne prescrivent plus
la lecture de la Météorologie, il s’ensuit que ces commentaires repré-
195
sentent l’enseignement des arts sanctionné par les statuts de 1366. Ou,
en d’autres termes, ces commentaires montrent que la suppression de
la lecture de la Météorologie, préconisée par les statuts de 1452, n’a
pas été respectée 24.
En second lieu, il convient d’analyser le genre littéraire de nos commentaires. De ce point de vue, les ouvrages de Jean le Damoisiau et
Georges de Bruxelles, d’un côté, se distinguent de ceux de Jean
Hennon et Jean de Caulaincourt, de l’autre. En effet, Jean le Damoisiau
et Georges de Bruxelles procèdent généralement en deux étapes : ils
proposent d’abord une explication du sens et de la structure du texte
aristotélicien, pour ensuite soulever une ou plusieurs questions au sujet
du texte commenté. Autrement dit, dans ces deux textes, l’on trouve
une expositio textus suivie d’une ou de plusieurs quaestiones 26. Il en va
autrement dans les commentaires de Jean Hennon et Jean de
Caulaincourt, où la quaestio n’est pas pécédée d’une expositio textus,
laquelle, en effet, semble faire défaut. Cependant, une lecture attentive
montre que dans ces ouvrages, l’expositio textus est devenue partie
intégrante de la quaestio. Prenons l’exemple le plus clair, celui de Jean
Hennon. Au premier abord, son ouvrage semble se composer uniquement de questions du type de celles que l’on trouve fréquemment dans
les différents commentaires du Moyen Age tardif. En effet, ses questions s’organisent en sept parties : le titulus quaestionis, deux séries de
rationes principales ( quod non et in oppositum ), une série de notabilia, une conclusio responsalis suivie de dubitationes (en règle générale
au nombre de trois) et, enfin, une réplique aux rationes principales.
Cependant, à l’intérieur de ces questions, l’on trouve, généralement
dans un des notabilia, l’expositio du texte d’Aristote. Par conséquent,
chacun des quatre commentaires se compose à la fois d’une explication du texte d’Aristote et de questions rattachées au texte commenté.
La seule différence sur ce point réside en ce que Jean le Damoisiau et
Georges de Bruxelles séparent clairement la partie expositio et la partie quaestio, alors que Jean Hennon et Jean de Caulaincourt intègrent
l’expositio dans la structure même de la quaestio.
196
Une troisième caractéristique littéraire de nos textes concerne les
quaestiones soulevées, en particulier leur nombre et leurs rapports entre
elles. Nous avons dressé, pour chacun des quatre commentaires, des listes de toutes les quaestiones et de toutes les dubitationes 27. Ces listes
montrent que, en général, sous le titre d’une seule question principale,
les commentateurs traitent, dans les dubitationes, plusieurs autres questions tantôt dépendantes tantôt indépendantes de la question principale.
Or, si l’on compare les différentes listes de quaestiones et de dubitationes, la similitude entre trois commentaires, à savoir ceux de Jean
Hennon, Jean le Damoisiau et Jean de Caulaincourt, saute aux yeux.
Pour illustrer la similitude de ces ouvrages, prenons l’exemple du problème de la divisibilité de la matière ou de la substance matérielle, problème traité au début du livre premier de la Physique. A propos de ce
problème, l’on voit tout de suite que certaines questions sont pratiquement identiques dans les ouvrages de Hennon, Damoisiau et
Caulaincourt (mis à part le titre de la question principale, c’est le cas
notamment de la question sur le genre et la différence [ Utrum ex distinctione generis a differentia possit in re concludi pluralitas encium ] ).
La similitude de ces trois ouvrages apparaît encore plus clairement
quand on regarde l’ensemble du texte. Il devient alors manifeste que
certaines questions qui ne figurent pas dans les listes des quaestiones et
des dubitationes, interviennent ailleurs, par exemple dans les notabilia.
Si l’on prend en considération ces questions plus ou moins «camouflées», il s’avère que (toujours à l’intérieur de la question sur la divisibilité de la matière ou de la substance matérielle) le nombre de questions communes aux trois commentaires est bien supérieur au nombre
de questions qui ne le sont pas. Un tableau récapitulatif des questions
communes à ces trois commentaires est présenté dans l’appendice I. De
ce fait, il est évident que les commentaires de Hennon, Damoisiau et
Caulaincourt sont extrêmement proches les uns des autres quant aux
questions soulevées. Quant au commentaire de Georges de Bruxelles, il
occupe une place à part à côté de ces trois ouvrages.
Cela nous amène à signaler un quatrième et dernier point caracté-
197
ristique, à savoir les multiples occurrences de correspondance littérale
entre certains passages dans les commentaires de Hennon, Damoisiau
et Caulaincourt. Ces passages correspondants se trouvent aussi bien
dans les parties expositio textus que dans les parties quaestio.
L’appendice II présente deux exemples illustrant ce phénomène, chacun tiré de la question concernant la divisibilité de la matière . Le premier passage énumère les cinq «étapes» que l’on peut distinguer dans
le processus de l’introduction de la quantité (ou de la divisibilité) dans
la matière. Celle-ci n’est d’abord rien d’autre que la matière.
Deuxièmement, elle devient apte à recevoir l’étendue. Troisièmement,
la forme substantielle s’unit à la matière. Quatrièmement, la quantité
s’unit au composé de la matière et de la forme substantielle.
Cinquièmement et dernièrement, la matière est devenue formellement
étendue et divisible grâce à la quantité. Comme on le voit, le passage
est littéralement identique dans les trois commentaires. Il en va de
même dans le second passage, qui explique pourquoi la proposition
«tantum album est» est fausse et impossible. Au regard de ces correspondances littérales, la question qui se pose évidemment est de savoir
quelle est la source de ces passages. Plus précisément : est-ce que nos
trois auteurs se copient l’un l’autre ou bien y a-t-il une souce commune
dont chaque commentateur se sert l’un indépendamment de l’autre ?
Pour l’instant nous devons laisser cette question sans réponse, faute
d’une connaissance suffisante d’autres commentaires parisiens du XVe
siècle 29.
4. Aspects doctrinaux des commentaires
Passons maintenant à l’étude de quelques aspects doctrinaux des
quatre commentaires. Etant donné que les ouvrages de Hennon,
Damoisiau et Caulaincourt peuvent être considérés comme des membres d’une même famille, si ce n’est comme des «cousins germains»,
je me limite pour l’instant à l’un d’entre eux. Je comparerai donc, sur
quelques points précis, seulement deux commentaires, à savoir celui de
Jean de Caulaincourt et celui de Georges de Bruxelles 30. Or, comme je
198
l’ai constaté plus haut, les colophons de ces ouvrages donnent d’emblée une indication de leurs orientations doctrinales respectives. En
effet, la version imprimée du commentaire de Jean de Caulaincourt,
attribuée à Jean de Magistris, se place sous l’égide du Docteur Subtil,
Jean Duns Scot, alors que le commentaire de Georges Bruxelles se
réclame explicitement de la via moderna et du nominalisme. Pour cette
raison, et compte tenu du fait que le contexte intellectuel dans lequel
ces commentaires ont vu le jour a été très largement dominé par le
débat sur les universaux, il semble tout à fait naturel d’étudier en premier lieu la doctrine des universaux dans ces deux commentaires.
(1) Dans l’ouvrage de Jean de Caulaincourt, la doctrine des universaux
est évoquée dans le contexte du premier livre du De anima. La question
concernée s’intitule Utrum universale sit prius singulari 31. La doctrine
élaborée au cours de cette question reprend l’essentiel, et en tout cas le
vocabulaire caractéristique, de celle défendue par Duns Scot 32. Voici
quelques éléments importants de cette doctrine. (a) Tout d’abord,
Caulaincourt attribue aux universaux une forme d’existence réelle.
Cette existence propre aux universaux se distingue, cependant, de celle
des singuliers. En ce qui concerne le rapport entre le singulier et l’universel, Caulaincourt affirme que le singulier précède l’universel tant sur
le plan ontologique ( natura ) que du point de vue de la perfection ( perfectione ) 33. (b) En outre, pour Caulaincourt, la notion d’«universel» est
liée à celle de «nature commune» ( natura communis ) 34. Ces «natures
communes» possèdent un statut ontologique réduit par rapport à celui
des singuliers. En termes scotistes : les natures communes disposent
d’une «unité moindre que l’unité numérique» ( unitas minor unitate
numerali ) 35. (c) Enfin, les natures communes ne sont pas à proprement
parler universelles, mais elles le deviennent grâce à l’intellect.
Autrement dit, l’universalité en tant que telle (c’est-à-dire l’unité générique ou spécifique) dépend d’une opération de l’intellect 36. Au cours
de son argumentation, Caulaincourt se réfère explicitement à la célèbre
analyse avicennienne des universaux, laquelle joue un rôle de première
importance dans la conception scotiste 37.
199
Dans le commentaire de Georges de Bruxelles, le problème des universaux est évoqué à plusieurs reprises. Nous le trouvons, d’abord, au
début du premier livre de la Physique, à propos de la question de savoir
Utrum universalia sint nobis notiora singularibus. Dans cette question,
la tendance nominaliste (ou non-réaliste) de l’auteur apparaît clairement
dans la mesure où la question initiale, qui concerne les universaux
comme objet de la connaissance humaine, est d’emblée transformée en
une question concernant la connaissance des choses singulières par l’intermédiaire de concepts universaux. Dans le cadre de cette question, il ne
s’agit donc pas d’analyser le statut ontologique des universaux réels, mais
uniquement d’explorer la fonction épistémologique des concepts universaux 38. En revanche, dans un autre contexte de son commentaire, à savoir
au livre III de la Métaphysique, Georges se prononce explicitement sur le
statut ontologique des universaux. Ici, une question concerne le problème
des universaux en tant que tel alors qu’une autre porte sur un problème
lié à celui des universaux, à savoir le problème du principe d’individuation. Dans la première question ( Utrum genera et species sint universalia in rerum natura in ipsis singularibus existentia vel extra singularia
subsistentia ), Georges rapporte en détail une opinion anonyme, laquelle
met en avant certains aspects de la conception scotiste des universaux, en
particulier la notion de « natura communis » et, surtout, celle de « distinction formelle» 39. A l’encontre de cette opinion, Georges défend lui-même
la thèse selon laquelle les universaux ne sont pas des choses, mais des
signes, des termes ou des intentions. Plus précisément, il affirme que les
universaux écrits et vocaux sont des signes conventionnels, alors que les
universaux mentaux (c’est-à-dire les concepts) possèdent le statut de
signes naturels 40. Dans la question sur le principe d’individuation ( Utrum
sit ponenda differentia individualis tanquam principium formale et essentiale distinctivum unius individui ab alio eiusdem speciei ), Georges s’oppose à l’opinion scotiste. Selon cette opinion, la « natura communis »,
laquelle se rapporte indifféremment à tel ou tel individu, tient son individualité d’une «différence individuelle» désignée par le terme technique
« haecceitas » 41. Il opte lui-même pour la position selon laquelle toute
chose est de par elle-même singulière et individuelle 42. Dans les marges
200
de l’édition de 1502, ces deux doctrines sont identifiées comme étant respectivement l’« opinio scotistarum » et l’« opinio nominalium ».
En somme, en ce qui concerne le problème des universaux, la différence entre Jean de Caulaincourt et Georges de Bruxelles réside
avant tout en ce que le premier souscrit à l’opinion scotiste alors que le
second se fait l’avocat de l’opinion nominaliste. En outre, il est important de remarquer que l’ouvrage de Jean de Caulaincourt (rédigé durant
la période de l’interdiction du nominalisme) ne fait état ni d’une opinion «nominaliste» ni d’une opinion «réaliste» dans ce débat. Son
texte est remarquablement dépourvu de toute forme de polémique. En
revanche, dans l’ouvrage de Georges de Bruxelles (rédigé vraisemblablement après la révocation de l’interdiction du nominalisme), l’on
trouve non seulement plus de polémique mais aussi la mention explicite (quoiqu’en marge du texte) d’une «opinio nominalium». Toutefois,
l’on ne rencontre, chez ces deux auteurs, ni référence explicite ni allusion implicite au fait même de l’interdiction du nominalisme ou aux
débats qui ont contribué à sa révocation.
(2) Un deuxième élément doctrinal qui mérite d’être étudié ici est la
question du statut ontologique de la quantité. A partir du premier quart
du XIVe siècle, les discussions sur cette question ont été dominées par
la conception ockhamienne de la quantité. Selon Guillaume d’Ockham,
la quantité (plus précisément la quantité continue permanente ou l’étendue) n’est pas une chose absolue réellement distincte de la substance et
de la qualité. Au contraire, la quantité continue n’est rien d’autre que la
substance ou la qualité elle-même en tant que composée de parties
ayant entre elles une certaine distance locale 43. Parmi les successeurs
parisiens d’Ockham du milieu du XIVe siècle, cette conception «réductionniste» de la quantité fut acceptée notamment par Albert de Saxe. En
revanche, elle ne fut pas adoptée par Jean Buridan 44. Où se situent nos
deux commentateurs de la fin du XVe siècle dans ce débat ? - En ce qui
concerne Jean de Caulaincourt, il est incontestable qu’il ne partage pas
du tout le point de vue ockhamien. En effet, dans sa question sur la divi-
201
sibilité de la substance matérielle ( Utrum substantia materialis seclusa
quantitate sit divisibilis ), il suppose très clairement que la quantité possède un statut réel propre, différent de celui de la substance et de la qualité 45. En revanche, Georges de Bruxelles, dans une question intitulée
Utrum quantitas sit res distincta a re quanta, fait sienne la conception
ockhamienne. D’après lui, la quantité n’est pas un accident réellement
différent de la chose étendue ( quantitas non distinguitur realiter a re
quanta ). Réciproquement, toute substance matérielle et toute qualité
étendue sont identiques à leur propre étendue respective 46. En revendiquant cette opinion, Georges se fait donc partisan de l’opinion
d’Ockham et d’Albert de Saxe. Cependant, chez Georges (de même
d’ailleurs que chez Jean de Caulaincourt), toute référence à Ockham ou
à Albert fait défaut dans ce contexte. A propos de cette discussion, chacun des deux auteurs s’abstient de toute forme de polémique ou de discussion.
(3) Un troisième point doctrinal intéressant pour comparer les deux
commentaires est la théorie développée pour expliquer le mouvement
des projectiles et la chute accélérée des graves. Pendant les premières
décennies du XIVe siècle, des théologiens franciscains comme
François de Marchia et Guiral Ot avaient avancé une théorie selon
laquelle ces mouvements s’expliquent par la présence, dans l’objet mû,
d’une certaine force motrice appelée tantôt «virtus impressa» tantôt
«impetus» 47. Cette théorie fut adoptée, sous des formes quelquefois
légèrement différentes, entre autres par Jean Buridan, Marsile
d’Inghen et Albert de Saxe 48.
Chez chacun de nos deux commentateurs du XVe siècle, l’on
retrouve la théorie de l’« impetus » pour expliquer le mouvement des
projectiles. En effet, Caulaincourt qualifie de «probable» l’opinion
selon laquelle un projectile est mû par une « virtus impulsiva » appelée « impetus », imprimée par le projecteur au moment du lancement
(dans une question intitulée Utrum omne proiectum moveatur ab
extrinseco vel a medio ) 49. De même, Georges de Bruxelles affirme
202
que le projectile, après avoir quitté la main du projecteur, est mû par
la «virtus» qui lui a été imprimée. Cette « virtus » est définie comme
une qualité distincte du projectile, plus précisément comme une «passion», une «qualité dispositive» ou encore une « disposition » 50. Quant à la chute accélérée des graves, en revanche, Jean de
Caulaincourt ne se sert pas de la théorie de l’« impetus ». Au contraire,
il affirme ici que, plus le mobile est proche de son lieu naturel (le bas,
dans le cas des graves), plus il tend vigoureusement vers ce lieu. D’où
il s’ensuit que le mouvement des graves est plus rapide à la fin qu’au
début. Au nom de cette explication, Caulaincourt critique l’application de la théorie de l’«impetus» au problème de la chute des graves
51
. Chez Georges de Bruxelles, l’on trouve une démarche comparable
à celle de Jean de Caulaincourt. En effet, dans un premier temps,
Georges rapporte la doctrine de certains «docteurs fameux» (non
identifiés) selon laquelle l’accélération du grave au cours de sa chute
s’explique par le fait que, au début du mouvement, l’« impetus »
n’existe pas encore dans le mobile alors que, à l’approche du terme du
mouvement, la force de l’« impetus » s’intensifie. Pour cette raison, le
mouvement est plus rapide à la fin qu’au début 52. Pour Georges,
cependant, cette théorie n’est pas acceptable du fait qu’elle ne saurait
expliquer ni l’origine de cet « impetus » ni la cause de son déclin 53.
C’est pourquoi, Georges lui-même se décide pour une théorie alternative, laquelle explique l’accélération du grave à la fin de sa chute par
la diminution de la résistance de l’air. Il accepte la conséquence de
cette théorie, à savoir que, dans le cas hypothétique d’un mouvement
dans un espace vide (c’est-à-dire non rempli d’air), la chute du grave
est aussi rapide à la fin qu’au début 54. En définitive, Jean de
Caulaincourt et Georges de Bruxelles s’accordent donc pour adopter
la théorie de l’« impetus » dans l’analyse du mouvement des projectiles alors que, dans leurs explications respectives de la chute accélérée
des graves, ils recourent à des explications différentes 55.
(4) Un dernier point intéressant du point de vue d’une comparaison
doctrinale provient du domaine de la psychologie. Il s’agit de la ques-
203
tion de l’unité ou de la pluralité des formes substantielles. L’enjeu de
cette question est de savoir si, dans le composé humain, il y a une seule
âme, à savoir l’âme intellectuelle, par laquelle l’homme est à la fois
vivant, animal et rationnel, ou bien s’il y a une âme distincte pour chacune de ces trois opérations. Les différentes réponses à cette question
jouaient un rôle de première importance dans les débats entre franciscains et dominicains, du dernier quart du XIIIe siècle jusqu’au concile
de Vienne (1311-1312). En règle générale, les franciscains défendaient
la pluralité des formes alors que les dominicains se prononcaient (à la
suite de Thomas d’Aquin) en faveur de l’unité 56. - Qu’en est-il alors
chez nos deux commentateurs du XVe siècle ? Chez Jean de
Caulaincourt, nous trouvons une théorie selon laquelle l’homme
contient en lui deux formes substantielles différentes ( in homine reperiuntur due forme substantiales ). La première est la «forme du corps»
ou la « forme du composé » ( forma mixti ), laquelle inclut en elle à la
fois les formes des quatre éléments et la forme de corporéité ( forma
corporeitatis ). A côté de la «forme du corps», l’homme dispose d’une
seconde forme substantielle, à savoir l’âme intellectuelle, laquelle
comprend en elle, de façon virtuelle, l’âme sensitive et l’âme végétative 57. Cependant, ces deux formes substantielles (la «forme du corps»
et l’âme intellectuelle) ne sont pas des formes de l’homme à titre
d’égalité. En effet, selon Caulaincourt, le rapport entre la «forme du
corps» et l’âme intellectuelle est identique à celui existant entre la
matière et la forme. D’où il conclut que, à proprement parler, le composé humain ne contient en lui qu’une seule forme substantielle, à
savoir l’âme intellectuelle. La «forme du corps» est appelée «forme»
pour écarter l’idée selon laquelle l’âme intellectuelle pourrait s’unir
directement à la « nuda materia », c’est-à-dire à la matière en tant que
telle. La théorie de Caulaincourt peut donc s’interpréter, semble-t-il,
comme une tentative de réconcilier les deux opinions opposées.
Cependant, en dernière analyse, c’est la doctrine thomiste de l’unité de
la forme substantielle qui l’emporte sur son antagoniste, celle de la
pluralité 58. - L’attitude de Georges de Bruxelles face à ce problème est
plus hésitante. En effet, dans une question intitulée Utrum in homine
204
propter diversas operationes vitales sit ponenda anima sensitiva realiter distincta ab intellectiva, Georges se contente simplement de juxtaposer les deux opinions alternatives, sans se décider pour l’une d’entre
elles et sans essayer de les réconcilier 59.
Avant de conclure cette typologie globale des commentaires parisiens de la fin du XVe siècle, soulignons enfin que toute analyse doctrinale de ces textes est rendue difficile et laborieuse par le fait qu’ils
ne mentionnent que rarement des opinions alternatives et que, là où ils
le font, l’identification de ces opinions fait très souvent défaut. Il
revient donc à l’historien de déterminer, sur chaque point de doctrine,
la place de ces commentaires dans le paysage doctrinal.
5. Conclusion
En conclusion, je voudrais revenir sur les deux volets principaux de
ma présentation, l’analyse littéraire et l’analyse doctrinale. Sur le plan
littéraire, rappelons que les quatre commentaires qui ont fait l’objet de
cette étude sont parfaitement parallèles. En effet, chaque commentaire
se rapporte aux mêmes écrits aristotéliciens, et toujours dans le même
ordre. En outre, chaque ouvrage offre un mélange de commentaire littéral (c’est-à-dire une expositio textus) et de commentaire spéculatif
(c’est-à-dire des quaestiones). Ce parallélisme confirme, semble-t-il,
l’hypothèse d’un lien étroit entre ces textes et l’enseignement dispensé
dans les collèges et les écoles du Quartier Latin. Bien que la nature précise de ce lien reste à définir, il semble certain que nos commentaires
(compte tenu de leur style élaboré et encyclopédique ainsi que de leur
taille) constituent plutôt des «ouvrages de référence» à utiliser par le
maître pour donner son enseignement que des manuels destinés aux
étudiants 60.
Sur le plan doctrinal, l’image globale qui se dégage du commentaire de Jean de Caulaincourt, ainsi que des ouvrages voisins de Jean
Hennon et de Jean le Damoisiau, est celle d’ouvrages éclectiques. La
205
question importante est donc de savoir quelle est la tendance principale
de cet éclecticisme. Pour répondre à cette question, l’on peut dire premièrement que, en ce qui concerne les questions philosophiques proprement dites, ces trois auteurs suivent généralement les opinions, et en
tout cas le vocabulaire, de Scot (toujours est-il que la question de
savoir dans quelle mesure ces textes portent l’empreinte de scotistes
comme Antoine Andrée ou Jean le Chanoine reste ouverte).
Deuxièmement, sur certains points précis, nos textes semblent s’inscrire dans d’autres traditions doctrinales (notamment celle de Thomas
d’Aquin et des thomistes). Il reste à répertorier quels sont ces points et
à expliquer pourquoi l’on y préfère une tradition doctrinale différente
de celle suivie habituellement. Troisièmement, pour les questions d’ordre scientifique, Caulaincourt, Hennon et Damoisiau suivent en général des auteurs de l’«école» de Buridan, en particulier Albert de Saxe
61
. En ce qui concerne le commentaire de Georges de Bruxelles, il
paraît plus homogène que ceux de Caulaincourt, Hennon et
Damoisiau. En effet, l’ensemble de cet ouvrage semble s’inspirer des
écrits dépendant de l’«école» de Buridan au sens large. Dans une perspective plus générale, les ouvrages étudiés ici témoignent d’une tendance doctrinale qui se caractérise par les deux traits suivants.
Négativement, ils montrent que le paysage intellectuel à Paris durant la
seconde moitié du XVe siècle est caractérisé par l’absence de certains
courants de pensée, comme l’albertisme, qui dominent les débats ailleurs, notamment à Cologne et Louvain 62. Positivement, ils témoignent
du fait que le milieu parisien de la fin du XVe siècle a été dominé par
le scotisme, un courant de pensée qui, après avoir été sévèrement critiqué par Jean Gerson au début du XVe siècle, connaîtra un grand succès au XVIe et, surtout, au XVIIe siècle 63.
206
APPENDICE I
Comparaison des questions soulevées dans les commentaires de
Hennon, Damoisiau et Caulaincourt
A. Titres des quaestiones et des dubitationes
Hennon
Utrum substancia materialis pro illo priori quo prescindit a quantitate habeat
partes secundum quas nata sit divisibiliter extendi (Phys. I, 4)
- Dubitatur primo utrum omnia encia sint una substancia.
- Dubitatur secundo utrum ex distinctione generis a differencia possit
in re concludi pluralitas encium.
- Dubitatur tercio utrum substancia materialis a quantitate prescisa habeat
partes ab invicem loco et situ distinctas.
Damoisiau
Utrum substantia materialis seclusa quantitate sit divisibilis (Phys. I, 3)
- Dubitatur primo utrum, toto quiescente, possint eius partes moveri, vel
utrum, parte alicuius totius quiescente, possit alia pars moveri, et
maxime de partibus continuis, cum dicat Philosophus quinto
Methaphisice quod continuum est cuius motus est unus.
- Dubitatur secundo utrum materia seclusa quantitate sit in loco, et etiam
sue partes, et si sue partes sint in loco, utrum una sit in loco alterius vel
sit extra ipsam.
- Dubitatur tertio utrum ex distinctione generis a differentia, que sunt
partes diffinientes speciem, possit in re concludi pluralitas entium.
Caulaincourt
Utrum substantia materialis seclusa quantitate sit divisibilis (Phys. I, 6)
- Dubitatur primo utrum ista consequentia sit bona: homo et animal et
bipes sunt; ergo multa sunt.
207
- Dubitatur utrum quiditas speciei sit realiter divisibilis in quiditatem
generis et differentie et ex ipsis realiter componibilis.
- Dubitatur tertio utrum ista consequentia sit salvabilis quam negat
Aristoteles: tantum album est; ergo tantum unum est album, supposito
quod omnia sint alba.
B. Titres des questions soulevées dans l’ensemble du texte
B.1 Questions communes aux commentaires de Hennon,
Damoisiau et Caulaincourt
1. Utrum substancia materialis pro illo priori quo prescindit a quantitate
habeat partes secundum quas nata sit divisibiliter extendi (H.) ; Utrum
substantia materialis, seclusa quantitate, sit divisibilis (D.) ; Utrum substantia materialis, seclusa quantitate, sit divisibilis (C.).
2. Utrum toto quiescente, possunt eius partes moveri (H.) ; Utrum, toto quiescente, possint eius partes moveri, vel utrum, parte alicuius totius quiescente, possit alia pars moveri (D.) ; Utrum sit salvabile partem alicuius
continui moveri, toto remanente immobili (C.).
3. Utrum bene sequatur: unum album est; ergo tantum unum album est (H) ;
An ista consequentia quam negat Philosophus sit bona: tantum album est;
ergo tantum unum album est, supposito quod omnia sint alba (D.) ; Utrum
consequentia sit salvabilis quam negat Aristoteles: tantum album est; ergo
tantum unum album est, supposito quod omnia sint alba (C.).
4. Utrum ex distinctione generis a differencia possit in re concludi pluralitas
encium (H.) ; Utrum ex distinctione generis a differentia, que sunt partes
diffinientes speciem, possit in re concludi pluralitas entium (D.) ; Utrum
quiditas speciei sit realiter divisibilis in quiditatem generis et differentie, et
ex his realiter componibilis (C.).
5. Utrum substancia materialis a quantitate prescisa habeat partes ab invicem
loco et situ distinctas (H.) ; Utrum materia, seclusa quantitate, sit in loco
(D.) ; Utrum iste quatuor propositiones sint saluabiles ; prima: «materia
nuda est in loco» ; secunda: «partes entitative materie nude sunt in loco»;
tertia: «una pars materie nude est extra aliam vel intra aliam »; quarta: «
una non est in loco alterius» (C.).
208
B.2 Questions communes aux commentaires
de Damoisiau et Caulaincourt
1. An ista propositio sit vera: «illud quod vere est nulli accidit» (D.) ; Utrum
quod vere est, alicui accidat (C.).
B.3 Questions propres aux commentaires de Hennon,
Damoisiau et Caulaincourt
Hennon
1. Utrum omnia encia sint una substancia.
Damoisiau
1. An subiectum et accidens faciant unum tertium numero.
2. An accidens possit intelligi sine subiecto sicut et esse.
Caulaincourt
1. Utrum, seclusa quantitate, materia habeat partes.
2. Utrum materia habeat propriam extensionem ab ipsa quantitate distinctam.
3. Utrum rationes Parmenidis et Mellissi sint per rationes sillogisticas deducibiles.
4. Utrum ista consequentia sit bona: homo et animal et bipes sunt; ergo multa
sunt.
209
APPENDICE II
Exemples de correspondances littérales entre les commentaires
de Hennon, Damoisiau et Caulaincourt
A.
Hennon
Utrum substancia materialis pro illo priori quo prescindit a quantitate habeat
partes secundum quas nata sit divisibiliter extendi.
[P 20vb] In generatione compositi substantialis, que mensuratur instanti temporis, sunt ymaginanda quinque signa sive instantia nature. In primo signo
materia est tantum materia, ita quod in illo primo signo solum conveniunt
materie predicata nata verificari de ipsa in primo modo dicendi per se. In
secundo signo convenit materie extensibilitas aptitudinalis et generaliter
omnia predicata secundi modi fundata in ratione formali ipsius materie. In tertio signo est unio forme substantialis cum materia. In quarto concomitatur
quantitas, que advenit materie iam informate forma substantiali. In quinto
materia fit formaliter et actualiter extensa per quantitatem.
Damoisiau
Utrum substantia materialis, seclusa quantitate, sit divisibilis.
[W 19rb] In generatione suppositi substantialis, que fit in instanti temporis,
sunt ymaginanda quinque signa sive instantia nature. In primo signo materia
est tantum materia, ita quod in illo signo materie solum conveniunt sua predicata primi modi dicendi per se. In secundo signo materie convenit extensibilitas et generaliter omnia predicata secundi modi. In tertio forma substantialis
unitur materie. In quarto quantitas unitur materie informate forma substantiali. In quinto materia denominatur actualiter extensa per quantitatem.
Caulaincourt
Utrum substantia materialis, seclusa quantitate, sit divisibilis.
210
[M 14vb] in generatione compositi substantialis sunt ymaginanda quinque
signa sive instantia nature in eodem instanti temporis. In primo signo materia
est tantum materia, ita quod in illo signo materie solum conveniunt predicata
primi modi dicendi per se. In secundo signo materie convenit extensibilitas et
generaliter omnia predicata secundi modi. In tertio forma substantialis unitur
materie extensibili. In quarto quantitas unitur materie informate forma substantiali. In quinto materia fit actualiter extensa tali quantitate.
B.
Hennon
Utrum bene sequatur: unum album est; ergo tantum unum album est.
[P 22rb] Omnis propositio affirmativa exclusiva de hoc verbo «est» secundo
adiacente in qua signum exclusivum additur concreto de quo vere negatur
suum abstractum, est impossibilis et implicat contradictionem, quia effectus
formalis non potest esse sine sua causa formali ; sed dictio exclusiva addita
alicui subiecto excludit ab eo quicquid vere negatur de ipso. Ex hoc sequitur
quod hec singularis exclusiva, scilicet «tantum album est», falsa est et impossibilis. Nam bene sequitur : tantum album est ; ergo album est (ab exclusiva
ad suam preiacentem). Et ultra : album est ; ergo albedo est (ab effectu cause
formalis ad suam causam). Et ultra : albedo est ; ergo non tantum album est,
quia albedo est aliquid quod non est album.
Damoisiau
An ista consequentia quam negat Philosophus sit bona: tantum album est ;
ergo tantum unum album est, supposito quod omnia sint alba.
[W 19va] Omnis propositio affirmativa exclusiva de hoc verbo «est» secundo
adiacente in qua exclusivum additur concreto de quo vere negatur suum abstractum, est impossibilis et implicans contradictionem. Patet, quia effectus
cause formalis non potest esse sine sua causa formali. Sed dictio exclusiva
addita alicui subiecto excludit ab eo omne illud quod de ipso vere negatur. Ex
quo sequitur quod ista est impossibilis : « tantum album est ». Patet, quia bene
sequitur : tantum album est ; ergo album est (ab exclusiva ad preiacentem). Et
ultra : album est ; ergo albedo est (ab effectu cause formalis ad suam causam).
211
Et ultra : albedo est ; ergo non tantum album est, quia albedo est aliquid quod
non est album.
Caulaincourt
Utrum illa consequentia sit salvabilis quam negat Aristoteles: tantum album
est; ergo tantum unum est album, supposito quod omnia sint alba.
[M 16va] Omnis propositio exclusiva de «est» secundo adiacente in qua
signum exclusivum additur concreto de quo suum abstractum vere negatur, est
impossibilis et includens contradictionem. Patet, quia effectus formalis non
potest esse sine sua causa formali. Ex isto sequitur quod ista est impossibilis:
«tantum album est». Sequitur enim: tantum album est ; ergo album est (ab
exclusiva ad preiacentem). Et ultra: album est ; ergo albedo est. Et ultra :
albedo est ; ergo non tantum album est. Tenet consequentia, quia albedo est
aliquid quod non est album.
Notes
* Mes recherches ont bénéficié du soutien financier du fonds néerlandais de
la recherche scientifique (NWO), dossier n° 200-22-295.
1
Des études récentes concernant la pensée philosophique de Buridan sont : J. M.
M. H. Thijssen & J. Zupko (éds.), The Metaphysics and Natural Philosophy of
John Buridan, Leiden: Brill, 2001 (Medieval and Early Modern Science, 2) ; M.
E. Reina, Hoc hic et nunc: Buridano, Marsilio di Inghen e la conoscenza del singolare, Firenze: Olschki, 2002 ; J. Zupko, John Buridan: Portrait of a FourteenthCentury Arts Master, Notre Dame (IN): University of Notre Dame Press, 2003 ;
et G. Krieger, Subjekt und Metaphysik: die Metaphysik des Johannes Buridan,
Münster: Aschendorff, 2003 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und
Theologie des Mittelalters, N. F., 65). Pour Albert de Saxe, cf. M. J. Fitzgerald,
Albert of Saxony’s Twenty-Five Disputed Questions on Logic: A Critical Edition
of his Quaestiones circa logicam, Leiden : Brill, 2002 (Studien und Texte zur
Geistesgeschichte des Mittelalters, 79). Pour Marsile, cf. M. J. F. M. Hoenen & P.
J. J. M. Bakker (éds.), Philosophie und Theologie des ausgehenden Mittelalters:
Marsilius von Inghen und das Denken seiner Zeit, Leiden : Brill, 2000.
Concernant Oresme, cf. S. Caroti (éd.), [Nicole Oresme,] Quaestiones super de
212
generatione et corruptione, München: Verlag der Bayerischen Akademie der
Wissenschaften, 1996 (Veröffentlichungen der Kommission für die Herausgabe
ungedruckter Texte aus der mittelalterlichen Geisteswelt, 20) ; S. Kirschner,
Nicolaus Oresmes Kommentar zur Physik des Aristoteles: Kommentar mit
Edition der Quaestionen zu Buch 3 und 4 der Aristotelischen Physik sowie von
vier Quaestionen zu Buch 5, Stuttgart: Steiner, 1997 (Sudhoffs Archiv. Beihefte,
39) ; et U. Taschow, Nicole Oresme und der Frühling der Moderne: Die
Ursprünge unserer modernen quantitativ-metrischen Weltaneignungsstrategien
und neuzeitlichen Bewusstseins - und Wissenschaftskultur, Halle: Avox-Medien
Verlag, 2003.
2
Pour un aperçu global de la philosophie du XVe siècle, voir S. Swiezawski,
Histoire de la philosophie européenne au XVe siècle, Paris : Beauchesne,
1990. L’étude la plus complète de la philosophie naturelle de cette époque est
également due à S. Swiezawski, L’univers : la philosophie de la nature au XVe
siècle en Europe, Warszawa : Editions de l’Institut d’Histoire des Sciences de
l’Académie Polonaise des Sciences, 1999 (Studia copernicana, 37).
3
Pour Nicolas, voir K. Flasch, Nicolaus Cusanus, München : Beck, 2001
(Beck’sche Reihe, 562. Denker) ; H. G. Senger, Ludus sapientiae: Studien
zum Werk und zur Wirkungsgeschichte des Nikolaus von Kues, Leiden : Brill,
2002 (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters, 78) ; et K.
Kremer & K. Reinhardt (éds.), Nikolaus von Kues, 1401-2001. Akten des
Symposions in Bernkastel-Kues vom 23. bis 26. Mai 2001, Trier: Paulinus,
2003 (Mitteilungen und Forschungsbeiträge der Cusanus-Gesellschaft, 28).
4
Des études récentes concernant Ficin sont : W. Scheuermann-Peilicke, Licht
und Liebe: Lichtmetapher und Metaphysik bei Marsilio Ficino, Hildesheim:
Olms, 2000 (Studien und Materialen zur Geschichte der Philosophie, 57) ; A.
Malmsheimer, Platons ‘Parmenides’ und Marsilio Ficinos ‘Parmenides’Kommentar: ein kritischer Vergleich, Amsterdam : Grüner, 2001 (Bochumer
Studien zur Philosophie, 34) ; et M. J. B. Allen & V. Rees (éds.), Marsilio
Ficino: His Theology, his Philosophy, his Legacy, Leiden: Brill, 2002 (Brill’s
Studies in Intellectual History, 108). Pour Pic, voir G. Garfagnini (éd.),
Giovanni Pico della Mirandola. Convegno internazionale di studi nel cinquecentesimo anniversario della morte (1494–1994), Mirandola, 4-8 ottobre
1994, Firenze: Olschki, 1997 (Studi Pichiani, 5). Pour Valla, voir M.
Laffranchi, Dialettica e filosofia in Lorenzo Valla, Milano : Vita e Pensiero,
1999 (Scienze Filosofiche, 66) ; et L. Nauta, «William of Ockham and
Lorenzo Valla: False Friends. Semantics and Ontological Reduction»,
Renaissance Quarterly, 56 (2003), 613–651 ; et Id., «Lorenzo Valla’s Critique
213
of Aristotelian Psychology», Vivarium, 41 (2003), 120–143. Pour Agricola,
voir F. Akkerman & A. J. Vanderjagt (éds.), Rodolphus Agricola Phrisius
1444-1485. Proceedings of the International Conference at the University of
Groningen, 28-30 October 1985, Leiden : Brill, 1988 (Brill’s Studies in
Intellectual History, 6) ; et M. G. M. van der Poel, [Rodolphe Agricola,] Ecrits
sur la dialectique et l’humanisme, Paris : Champion, 1997 (Textes de la
Renaissance, 18). Pour Beatus Rhenanus, voir J. Hirstein (éd.), Beatus
Rhenanus (1485–1547) : lecteur et éditeur des textes anciens. Actes du
Colloque International tenu à Strasbourg et à Sélestat du 13 au 15 novembre
1998, Turnhout: Brepols, 2000 (Studia Humanitatis Rhenana).
5
Au sujet du «Wegestreit», voir G. Ritter, Studien zur Spätscholastik, 2: Via
antiqua und via moderna auf den deutschen Universitäten des XV.
Jahrhunderts, Heidelberg: Winter, 1922 (Sitzungsberichte der Heidelberger
Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, 1922/7) ; et
F. Ehrle, Der Sentenzenkommentar Peters von Candia des Pisaner Papstes
Alexander V. Ein Beitrag zur Scheidung der Schulen in der Scholastik des 14.
Jahrhunderts und zur Geschichte des Wegestreites, Münster : Aschendorff,
1925 (Franziskanische Studien, Beihefte, 9). Les discussions parisiennes sur
le nominalisme et le réalisme des universaux ont été étudiées par Z. Kaluza,
Les querelles doctrinales à Paris. Nominalistes et réalistes aux confins du
XIVe et du XVe siècles, Bergamo : Pierluigi Lubrina Editore, 1988 (Quodlibet,
2). Pour les controverses entre Albertistes and Thomistes, voir G. G.
Meersseman, Geschichte des Albertismus, 1: Die Pariser Anfänge des Kölner
Albertismus, Paris : Haloua, 1933 (Dissertationes Historicae, 3) ; 2 : Die ersten Kölner Kontroversen, Rome: ad S. Sabinae, 1935 (Dissertationes
Historicae, 5) ; ainsi que plusieurs publications de M. J. F. M. Hoenen. La querelle des futurs contingents à l’Université de Louvain a été examinée récemment par C. Schabel, «Peter de Rivo and the Quarrel over Future Contingents
at Louvain: New Evidence and New Perspectives», Documenti e studi sulla
tradizione filosofica medievale, 6 (1995), 363-473; 7 (1996), 369-435. Pour
Paul de Venise, voir A. R. Perreiah (éd.), [Paulus Venetus,] Logica parva. First
Critical Edition from the Manuscripts with Introduction and Commentary,
Leiden : Brill, 2002. L’enseignement de la morale dispensé par Niccolò
Tignosi à l’Université de Florence a été étudié par D. A. Lines, Aristotle’s
Ethics in the Italian Renaissance (ca. 1300-1650). The Universities and the
Problem of Moral Education, Leiden : Brill, 2002 (Education and Society in
the Middle Ages and Renaissance, 13), part. 185–220.
6
Pour Buridan et son «école», voir supra, n. 1. Pour Pierre d’Ailly, voir L.
214
Ackerman Smoller, History, Prophecy, and the Stars: The Christian Astrology
of Pierre d’Ailly, 1350-1420, Princeton (NJ) : Princeton University Press,
1994. Pour Gerson, voir G. H. M. Posthumus Meyjes, Jean Gerson, Apostle of
Unity: His Church Politics and Ecclesiology, Leiden : Brill, 1999 (Studies in
the History of Christian Thought, 94) ; et C. Roth, Discretio spirituum:
Kriterien geistlicher Unterscheidung bei Johannes Gerson, Würzburg :
Echter, 2001 (Studien zur systematischen und spirituellen Theologie, 33).
Pour Lefèvre, voir J.-F. Pernot (éd.), Jacques Lefèvre d’Etaples (1450?–1536).
Actes du colloque d’Etaples les 7 et 8 novembre 1992, Paris : Champion, 1995
(Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance, 5). Pour Bovelles, voir
J.-C. Margolin (éd.), Lettres et poèmes de Charles de Bovelles. Edition critique, introduction et commentaire du ms. 1134 de la Bibliothèque de
l’Université de Paris, Paris : Champion, 2002 (Textes de la Renaissance, 52).
L’histoire de la faculté de théologie de l’Université de Paris au XVIe siècle a
été bien étudiée par J. K. Farge, Biographical Register of Paris Doctors of
Theology, 1500-1536, Toronto: Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1980
(Subsidia Mediaevalia, 10) ; et Id., Orthodoxy and Reform in Early
Reformation France: the Faculty of Theology of Paris, 1500-1543, Leiden :
Brill, 1985 (Studies in Medieval and Reformation Thought, 32).
7
Voir A. L. Gabriel & G. C. Boyce (éds.), Auctarium chartularii Universitatis
Parisiensis, VI : Liber receptorum nationis Anglicanae (Alemanniae)
1425–1494, Paris : Didier, 1964 (dorénavant : Auct. VI) ; et J. Verger, Les universités françaises au Moyen Age, Leiden : Brill, 1995 (Education and Society
in the Middle Ages and Renaissance, 7), en particulier les chapitres 6-9 (pp.
122-255). Voir également S. Lusignan, «L’enseignement des arts dans les collèges parisiens au Moyen Age», dans : O. Weijers & L. Holtz (éds.),
L’enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, XIIIeXVe siècles). Actes du colloque international, Turnhout : Brepols, 1997 (Studia
Artistarum, 4), 41-54.
8
Voir Z. Kaluza, «La crise des années 1474-1482 : L’interdiction du
Nominalisme par Louis XI», dans : M. J. F. M. Hoenen, J. H. J. Schneider &
G. Wieland (éds.), Philosophy and Learning. Universities in the Middle Ages,
Leiden: Brill, 1995 (Education and Society in the Middle Ages and
Renaissance, 6), 293-327.
9
Soulignons que ces quatre commentaires constituent environ 75% des commentaires philosophiques que nous connaissons pour cette période. Ce fait
justifie, à mes yeux, qu’on se contente ici de présenter les détails de ces ouvrages et la biographie de leurs auteurs.
215
10
Pour plus de détails bio-bibliographiques sur Jean Hennon, voir P. J. J. M.
Bakker, «Natural Philosophy and Metaphysics in Late Fifteenth-Century
Paris. I: The Commentaries on Aristotle by Johannes Hennon», à paraître dans
Bulletin de philosophie médiévale, 47 (2005). Voir également C. H. Lohr,
«Medieval Latin Aristotle Commentaries. Authors: Jacobus - Johannes Juff»,
Traditio, 26 (1970), 135–216, part. 203-204 ; Z. Kaluza, «Les débuts de l’albertisme tardif (Paris et Cologne)», dans : M. J. F. M. Hoenen & A. de Libera
(éds.), Albertus Magnus und der Albertismus. Deutsche philosophische Kultur
des Mittelalters, Leiden : Brill, 1995 (Studien und Texte zur Geistesgeschichte
des Mittelalters, 48), 207-295, part. 286 ; et O. Weijers, Le travail intellectuel
à la Faculté des arts de Paris : textes et maîtres (ca. 1200–1500), 5 :
Répertoire des noms commençant par J (suite : à partir de Johannes D.),
Turnhout : Brepols, 2003 (Studia Artistarum, 11), 82-83.
11
Voici le texte du colophon (MS Paris, Bibliothèque nationale de France, lat.
6529, 327ra) : «Completus est presens liber philosophie Aristotilis in alma
Parisius vniuersitate conditus ab eximio viro doctissimo magistro Johanne
Hennon (?) in sacra pagina pro tunc baccalario formato, scriptus per me
Franciscum Fine in preclara arcium facultate eo tunc studentem in collegio
parue Nauarre in monte sancte Genouefe virginis anno domini nostri Ihsu
Christi millesimo CCCCmo LXXIIIo die vero prima octobris. De fine cuius
laudes extollo trino et vni viuenti in secula seculorum. Amen». - La signification de l’expression «in collegio parve Navarre» est incertaine. Aucune institution de ce nom n’est mentionnée dans les différentes listes de collèges parisiens (notamment dans H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle
Ages. A new edition in three volumes, éd. F.M. Powicke & A.B. Emden,
Oxford : Clarendon Press, 1987 [11936], 1 : 497-539, part. 536–539 ; S.
Guenée, Bibliographie de l’histoire des universités françaises des origines à
la Révolution, Paris : Picard, 1978, 1 : 268-281 ; et Farge, Biographical
Register, 551–553). Peut-être s’agit-il tout simplement du Collège de Navarre.
Toutefois, Franciscus Finé n’est pas mentionné parmi les étudiants de la
Faculté des Arts admis au Collège de Navarre entre 1400 et 1500 (cf. J. de
Launoy, Regii Navarrae Gymnasii Parisiensis Historia, pars I, liber 2, cap. 13,
Paris 1677, dans : Id., Opera omnia, 4/1, éd. F. Granet, Cologne 1732,
387–393). D’autre part, il semble plausible que Franciscus Finé soit la même
personne que François Finé répertorié par E. Wickersheimer, Dictionnaire
biographique des médecins en France au Moyen Age, Genève : Droz, 1979
(11936) (Hautes études médiévales et modernes, 34), 1 : 154b. - Le second
manuscrit contenant des ouvrages de Jean Hennon est le MS Paris,
216
Bibliothèque nationale de France, lat. 6436. Ce manuscrit contient une série
de commentaires sur la logica antiqua. - Pour les deux manuscrits contenant
des ouvrages de Jean Hennon, voir C. Samaran & R. Marichal, Catalogue des
manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de
copiste, 2 : Bibliothèque Nationale, Fonds Latin (Nos 1 à 8.000), Paris :
Centre national de la recherche scientifique, 1962, 341 et 353. - Dans toute
citation ultérieure, le MS Paris, Bibliothèque nationale de France, lat. 6529,
sera désigné par le sigle P.
12
Pour les quelques détails bio-bibliographiques sur Jean le Damoisiau, voir
P. J. J. M. Bakker, «Natural Philosophy and Metaphysics in Late FifteenthCentury Paris. II: The Commentaries on Aristotle by Johannes le Damoisiau»,
à paraître dans Bulletin de philosophie médiévale, 48 (2006). - Voir également
W. Senko, «Les commentaires sur la Métaphysique d’Aristote conservés dans
la Bibliothèque de l’Université de Wroclaw», dans : P. Wilpert (éd.), Die
Metaphysik im Mittelalter. Ihr Ursprung und Ihre Bedeutung. Vorträge des II.
internationalen Kongresses für Mittelalterliche Philosophie, Köln 31. August
- 6. September 1961, Berlin : De Gruyter, 1963 (Miscellanea Mediaevalia, 2),
764-766, part. 765 ; Z. Wlodek, «Nieznany mistrz Paryski Jan le Damoisiau i
komentarze do dzien Arystotelesa w rkp IV F 8 Biblioteki Uniwersyteckiej we
Wroclawiu [Un maître parisien inconnu, Jean le Damoisiau et les commentaires des œuvres d’Aristote dans le MS IV F 8 de la Bibliothèque de
l’Université de Wroclaw]», Roczniki filozoficzne, 16/1 (1968), 133-138 ; C. H.
Lohr, «Medieval Latin Aristotle Commentaries. Authors: Johannes de Kanthi
- Myngodus», Traditio, 27 (1971), 251-351, part. 255-256 ; et Weijers, Le travail intellectuel, 109.
13
Voici le texte du colophon des libri naturales (MS Wroclaw, Biblioteka uniwersytecka, IV. F. 8, 263va) : «Finitur ista philosophia naturalis per me
Ludouicum Mares scripta, eiusdem possessorem, sub venerabili viro Johanne
le Damoisiau in artibus magistro necnon in sacra pagina baccalario anno
domini millesimo CCCCmo LXXX° tertio die mensis iunii». Le colophon de
la Métaphysique est comme suit (302ra) : «Finitur ista Methaphisica sub venerabili viro Johanne le Damoisiau in artibus magistro necnon in sacra pagina
baccalario per manum Ludouici Mares, eiusdem possessoris, anno domini
millesimo CCCC° LXXX° luce vicesima septima mensis octobris». Le nom
de Nicolas de Cumeres est mentionné aux ff. 164rb et 181vb. - Dans toute citation ultérieure, le MS Wroclaw, Biblioteka uniwersytecka, IV. F. 8, sera désigné par le sigle W.
14
Cf. les deux colophons cités dans la note précédente.
217
15
Pour l’ensemble des données bio-bibliographiques sur cet auteur, voir P. J.
J. M. Bakker, «Natural Philosophy and Metaphysics in Late Fifteenth-Century
Paris. III: The Commentaries on Aristotle by Johannes de Caulaincourt (alias
Johannes de Magistris)», à paraître dans Bulletin de philosophie médiévale,
49 (2007). - Voir également O. Weijers, Le travail intellectuel à la Faculté des
arts de Paris : textes et maîtres (ca. 1200-1500), 4 : Répertoire des noms commençant par H et J (jusqu’à Johannes C.), Turnhout : Brepols, 2001 (Studia
Artistarum, 9), 166-168.
16
Voici le texte du colophon du commentaire de la Physique (MS Mende,
Bibliothèque municipale, 40, 85rb) : «Explicit octavus liber Phisicorum scriptus per me Anthonium de Courtignon sub venerabili viro magistro Johanne de
Caulincourt in regali collegio magne Marchie testibus sociis meis, scilicet …
Qui fuit completus et perfectus XXVIIIaVIIIa (!) martii, anno domini millesimo CCCCmo octuagesimo. [Sign. A. de Courtignon]». La Métaphysique se
termine ainsi (217ra) : «Explicit Metaphisica finita per me Anthonium de
Courtignon sub venerabili viro magistro Johanne de Caulaincourt in regali
collegio magne Marchie testibus sociis meis, scilicet … [217rb] teste signo
meo manuali hic apposito prima die mensis jullii anno domini millesimo quadringentesimo octuagesimo primo [die vero mensis jullii]. [Sign. A. de
Courtignon]». Pour le manuscrit de Mende, voir C. Samaran & R. Marichal,
Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date,
de lieu ou de copiste, 6 : Bourgogne, Centre, Sud-Est et Sud-Ouest de la
France, Paris : Centre national de la recherche scientifique, 1968, 297. - Dans
toute citation ultérieure, le MS Mende, Bibliothèque municipale, 40, sera
désigné par le sigle M.
17
Pour ces éditions, voir L. Hain, Repertorium bibliographicum, Berlin : J.
Altmann, 1925, 2/1, 318, nos 10445-10449. Voir également Weijers, Le travail
intellectuel, 116-118.
18
Voir Jean de Magistris, Quaestiones perutiles super tota philosophia naturali, éd. Parma 1481 (Hain 10447), x5va : «Questiones perutiles super tota philosophia naturali magistri Joannis de Magistris doctoris Parisiensis cum
explanatione textus Aristotelis secundum mentem doctoris Subtilis Scoti feliciter finiunt. Impressum Parme anno dominici natalis 1481 die vero XIIa mensis Decembris». - Dans toute citation ultérieure, cette édition sera désignée par
le sigle A.
19
Pour les détails bio-bibliographiques de Georges de Bruxelles et Thomas
Bricot, voir P. J. J. M. Bakker, «Natural Philosophy and Metaphysics in Late
Fifteenth-Century Paris. IV: The Commentaries on Aristotle by George of
218
Brussels and Thomas Bricot », à paraître dans Bulletin de philosophie médiévale, 50 (2008). - Voir également J. K. Farge, « Thomas Bricot », dans : P. G.
Bietenholz & Th. B. Deutscher (éds.), Contemporaries of Erasmus. A
Biographical Register of the Renaissance and Reformation, Toronto:
University of Toronto Press, 1985, 1 : 199-200.
20
Pour cet ouvrage, voir C. H. Lohr, «Medieval Latin Aristotle Commentaries.
Authors: G - I», Traditio, 24 (1968), 149-245, part. 156-158, et O. Weijers, Le
travail intellectuel à la Faculté des arts de Paris : textes et maîtres (ca. 12001500), 3 : Répertoire des noms commençant par G, Turnhout : Brepols, 1998
(Studia Artistarum, 6), 73-75. Pour les éditions, voir Hain, Repertorium
bibliographicum, 1 : 552–553, nos 3971-3976.
21
Cf. Lohr, «Medieval Latin Aristotle Commentaries», 158.
22
Cf. le colophon des libri naturales d’après l’édition de 1502 (clxxxvb) :
«Georgii nominalium interpretis acutissimi cursus iste totius Phisices
Aristotelis vna cum textu egregii sacrarum litterarum professoris magistri
Thome Bricot finit feliciter. Lugduni per Jacobum Mailleti, anno salutis M.
CCCCCII Idus XIII. Septembris». Le colophon de la Métaphysique ne mentionne pas d’orientation doctrinale (xxxvra) : «Questiones iste sex librorum
Metaphisices vna cum textus explanatione pro ritu famatissime Parisiorum
Academie a Jacobo Mailleti Lugduni impresse, anno salutis M. CCCCCII.
XVI. Kal. Octobris». - Dans toute citation ultérieure, cette édition sera désignée par le sigle L.
23
Dans le commentaire imprimé de Jean de Magistris, l’absence du livre III
est expliquée de la manière suivante : «Nota quod a Parisiensibus communiter non ponitur liber tertius, quia parve est utilitatis. Ergo, finito secundo libro
Celi et mundi, incipit quartus» (A [k8ra]). Le commentaire de Jean Hennon (P
170rb) dit seulement : «Explicit secundus De celo et mundo ; incipit quartus».
24
Le commentaire de Jean Hennon omet le livre III de la Métaphysique. Bien
que le commentaire de Georges de Bruxelles contienne des questions liées au
livre III, l’expositio textus de ce livre fait défaut ; dans l’édition de 1502, cette
absence est justifiée par la remarque suivante (L xiiivb) : «Tertius liber, quia
nihil in eo resolutorie dictum est, Parisii<s> non legitur».
25
Le statut de 1366 prescrit la lecture des livres suivants (ceux qui concernent
la philosophie naturelle et la métaphysique sont imprimés en italique) : «Item
statuimus auctoritate predicta quod scolares antequam ad determinandum in
artibus admittantur, congrue sint in gramatica edocti, et Doctrinale et
Grecismum audiverint; dummodo in studiis aut aliis locis, ubi grammaticalia
didicerint, dicti libri legantur. Item quod audiverint veterem artem totam,
219
librum Thopicorum, potissime quoad quattuor libros, et libros Elenchorum,
Priorum et Posteriorum complete; etiam librum de Anima in toto vel in parte
… Item quod nullus admittatur ad licentiam in dicta facultate, nec in examine
Beate Marie, nec in examine Sancte Genovefe, nisi ultra predictos libros audiverit Parisius vel in alio studio generali librum Physicorum, de Generatione et
Corruptione, de Celo et Mundo, Parva naturalia, videlicet libros de Sensu et
Sensato, de Sompno et Vigilia, de Memoria et Reminiscentia, de Longitudine
et Brevitate vite, librum Metaphisice, vel quod actu audiat eundem, et quod
aliquos libros mathematicos audiverit. Item quod nullus decetero admittatur
ad magisterium in artibus, nisi predictos libros audiverit, nec non libros morales, specialiter librum Ethicorum pro majori parte, et librum Metheororum,
saltem tres primos libros …» (cf. H. Denifle & Ae. Chatelain [éds.],
Chartularium Universitatis Parisiensis, Paris : Delalain, 1889-1897 [dorénavant: CUP], III : 143-148, no 1319 [part. 145]). - Dans le curriculum des arts
prescrit par le cardinal d’Estouteville en 1452, la Météorologie n’est plus
mentionnée : «Item sequens approbamus statutum, quod scolares, priusquam
admittantur ad determinandum, audiant Veterem Artem totam, librum
Thopicorum potissime quoad quatuor libros, et libros Elencorum, Priorum et
Posteriorum complete, etiam librum de Anima in toto vel in parte … Item illud
statutum innovamus, quod nullus admittatur ad licentiam in dicta facultate,
nec in examine Beate Marie, nec in examine Beate Genovefe, nisi ultra predictos libros audierit Parisius, vel in alio studio generali, librum Phisicorum,
de Generatione et Corruptione, de Celo et mundo, Parva Naturalia; videlicet
libros de Sensu et Sensato, de Sompno et Vigilia, de Memoria et
Reminiscentia, de Longitudine et Brevitate vite, librum Methaphysice, vel
quod actu audiat eundem, et quod aliquos libros mathematicales audiverit;
quodque audiverit libros Morales, specialiter librum Ethicorum quantum ad
majorem partem» (CUP IV, 713-734, no 2690 [part. 728-729]).
26
Le commentaire de Georges de Bruxelles se distingue de celui de Jean le
Damoisiau dans la mesure où il offre tout d’abord une «version abrégée» du
texte d’Aristote fort différente des traductions latines connues. Ensuite, il
donne une expositio textus, laquelle, curieusement, se rapporte au texte
d’Aristote lui-même (selon la traduction latine de Guillaume de Moerbeke) et
non pas à la «version abrégée» qui précède l’expositio. Les lemmes qui constituent et structurent l’expositio n’ont donc pas de référent dans le textus abbreviatus Aristotelis établie par Georges lui-même.
27
Ces listes seront publiées dans les prochains numéros du Bulletin de philosophie médiévale ; voir supra, nn. 10, 12, 15 et 19.
220
28
Pour un troisième exemple (concernant les théories de Hennon et
Damoisiau sur la chute accélérée des graves), voir infra, n. 55.
29
Néanmoins, nous pouvons d’ores et déjà assurer que le commentaire aristotélicien du scotiste Nicolas de Orbellis (ou Dorbellus) († 1475), dont l’importance a souvent été attestée, ne constitue pas la source des nombreux passages communs aux textes de Hennon, Damoisiau et Caulaincourt. Pour
Nicolas Orbellis, voir E. Wegerich, «Bio-bibliografische Notizen über
Franziskanerlehrer des 15. Jahrhunderts», Franziskanische Studien, 29
(1942), 150-197, part. 174-178.
30
Dans les notes, je signalerai occasionnellement les rapports entre le commentaire de Jean de Caulaincourt, d’un côté, et ceux de Jean Hennon et Jean
le Damoisiau, de l’autre. Voir infra, nn. 31 et 55.
31
M 143rb-145ra (cf. A q2ra–q4va). La question est soulevée à propos d’un passage dans lequel Aristote affirme que «l’animal en général ou bien n’est rien,
ou bien est postérieur» ( De anima I 1, 402b7-8). - Chez Jean le Damoisiau, le
problème des universaux n’intervient pas dans le contexte du De anima, mais
dans le commentaire de la Métaphysique (III, q. 1, Utrum universale sit res
extra animam existens in rebus singularibus distincta a re singulari). D’après
la «conclusio responsalis» de cette question «Universale est res subsistens
extra animam in suis singularibus ex natura rei distincta a re singulari» (W
278vb). - Jean Hennon se prononce brièvement sur les universaux dans un
dubium de son commentaire de la Métaphysique (I, q. 2, dub. 1, Utrum magis
universalia sint difficiliora ad cognoscendum ). Voici l’essentiel de son argumentation (P 311ra) : «Ad dubium respondetur per unam distinctionem et
unum dictum. Distinctio est hec: duplex est universale, scilicet universale in
predicando et universale in causando. Universale in predicando diffinitur in
primo Posteriorum quod est ‘unum in multis et de multis’. Sed universale in
causando est cuius virtus ad plures effectus se extendit, sicut prima causa. Et
per oppositum ‘singulare’ dicitur duobus modis, scilicet singulare oppositum
universali in predicando et singulare oppositum universali in causando. Unde
hic non est (P 311rb) sermo de universali in predicando, quia de cognitione eius
satis determinatum est in primo Phisicorum. Sed solum hic est sermo de universali in causando. Dictum est istud : magis universale secundum causalitatem est nobis minus notum quam minus universale. Patet sic, quia quanto aliquid est minus sensibile, tanto est minus notum nobis ; sed magis universale
secundum causalitatem est minus sensibile ; igitur». - Pour un aperçu global
des discussions médiévales sur le statut des universaux, voir A. De Libera, La
querelle des universaux. De Platon à la fin du Moyen Age, Paris : Editions du
221
Seuil, 1996.
32
Pour la conception scotiste du statut des universaux, voir De Libera, La querelle des universaux, 329-351, et T. B. Noone, «Universals and Individuation»,
dans : Th. Williams (éd.), The Cambridge Companion to Duns Scotus,
Cambridge : Cambridge University Press, 2003, 100-128.
33
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, I, q. 2, M 143rb :
«Sciendum est primo quod pro declaratione terminorum questionis ponuntur
alique distinctiones. Prima est : universale capitur dupliciter : uno modo
secunde intentionaliter et pro significato, scilicet pro ipsa universalitate que
est quedam relatio rationis fundata in natura universali cognita comparata ad
multa singularia cognita ; alio modo capitur prime intentionaliter et pro denominato, et sic universale non est aliud quam una natura communis de multis
predicabilis ; et de isto querit presens questio. - Secunda distinctio : universale
esse prius singularibus potest intelligi dupliciter : uno modo in essendo, alio
modo in cognoscendo. Utrum autem universale sit prius cognitum quam singulare aut e contra, visum est in principio primi Phisicorum. - Tertia distinctio : universale esse prius singulari in essendo potest tripliciter intelligi : uno
modo prioritate temporis, aut prioritate nature, aut prioritate ordinis aut perfectionis. Universale autem et singulare sunt simul tempore. Sed singulare est
prius natura universali (universale enim accipit esse subiectivum et existentie
a singulari). Similiter universale est quid posterius singulari perfectione (singulare enim perfectius est suo universali)» (cf. A q2ra-rb).
34
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, I, q. 2, M 143rb :
«Utrum sit aliqua natura universalis realiter multis communicabilis. Ad quam
respondetur quod sic. Quod probatur tripliciter. Primo quia : plus realiter
conveniunt Sor et Plato quam Sor et Brunellus ; ergo in aliquo reali conveniunt ; et illud reale non potest esse aliquod singulare, quia singulare neque
illud reale potest esse conceptus vel aliquod signum ad placitum institutum ;
ergo necesse est quod sit aliqua natura universalis. - Secunda ratio : iste propositiones conceduntur ‘color est primum obiectum visus’, ‘homo est primo
risibilis’ ; vel ergo subiecta supponunt personaliter pro aliquibus suppositis
illorum subiectorum (et sic propositiones erunt false), vel supponunt (M
143va) simpliciter pro conceptu vel materialiter pro ipsismet signis institutis (et
sic videtur adhuc quod tales propositiones sunt false) ; et sic relinquitur quod
supponant pro natura communi. - Tertia ratio : subiectum scientie realis est ens
reale, et non vox neque conceptus neque aliquod singulare ; ergo est aliqua
natura universalis. Maior patet, quia nulla scientia realis est de vocibus aut
conceptibus ; etiam singularium non est scientia» (cf. A q2rb). Comme on le
222
voit dans ce passage, Caulaincourt utilise les notions de « natura communis »
et « natura universalis » de manière quasi équivalente. Ailleurs, il distinguera
la nature commune et l’universalité proprement dite (voir infra, n. 36).
35
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, I, q. 2, M 143va :
«Utrum illa natura (sc. communis PB) sit una aliqua unitate reali minori quam
sit unitas numeralis. Pro solutione huius difficultatis ponuntur alique suppositiones … Ex hiis dicuntur tria. Primo: quod quacumque operatione intellectus
seclusa, natura universalis est una unitate consequente propriam entitatem,
que vocatur ‘unitas propria’ ; que proprie non debet dici ‘unitas generica’ nec
‘specifica’ nec ‘numeralis’ ; non ‘generica’ nec ‘specifica’, quia illas habet ab
intellectu ; nec ‘numeralis’, quia talis unitas est minor unitate numerali. Secundo dicitur quod natura universalis est una per denominationem extrinsecam ab unitate propria sui suppositi. - Tertio dicitur quod etiam quiditas universalis habet suam (?) unitatem realem, scilicet numeralem, sui suppositi, et
hoc per denominationem extrinsecam. - Ex hiis patet directe responsio ad difficultatem quod quiditas universalis, seclusa quacumque operatione intellectus (unitate intrinseca M), est una unitate reali que est minor unitate numerali,
que vocatur ‘unitas sibi propria’» (cf. A q2rb-va).
36
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, I, q. 2, M 143va :
«Utrum quiditas communis sit universalis, seclusa quacumque operatione
intellectus. Pro cuius solutione ponitur primo talis distinctio : aliquid esse universale potest dupliciter intelligi : uno modo in potentia (et sic omne illud
quod aptum natum est esse in multis est universale), alio modo aliquid est universale in actu ; et ad ipsum requiruntur due relationes : prima est aptitudo ad
esse in multis, que proprie vocatur ‘communicabilitas’, secunda <est> relatio
dicibilitatis, a qua universale formaliter dicitur de multis (universale enim est
unum in multis et de multis). - Ex hoc ponitur talis suppositio : quod seclusa
operatione intellectus, quiditas communis habet primam relationem, que est
communicabilitas (quacumque enim operatione intellectus seclusa, humanitas
est multis communicabilis) ; sed quiditas communis non habet relationem
dicibilitatis a se, sed habet eam ab intellectu … (M 143vb) Ideo bene dicebat
Commentator quod intellectus facit universalitatem in rebus» (cf. A q2va).
37
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, I, q. 2, M 143va :
«Prima (sc. suppositio PB) est : quidquid convenit alicui secundum se aut in
ultimata precisione convenit ei in primo modo dicendi per se. Hoc patet per
Avicennam dicentem quod equinitas est tantum equinitas» (cf. A q2rb). - Pour
l’analyse avicennienne des universaux, voir De Libera, La querelle des uni-
223
versaux, 177-206.
38
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, I, q. 1, dub. 2, L
vvb : «Pro solutione dubii est advertendum quod titulus dubii dupliciter potest
intelligi. Uno modo : utrum conceptus universaliores sint nobis notiores quam
conceptus minus universales - sed (si éd.) istum sensum non querimus in proposito, nec illum intendit Philosophus, cum dicit quod procedendum est ab
universalibus ad singularia … Alio modo potest titulus dubii sic intelligi :
utrum (vira) res prius cognoscantur a nobis secundum conceptus magis universales quam secundum conceptus minus universales - et hunc sensum intendit Philosophus per dictam propositionem. Sed tamen adhuc questio in hoc
sensu capta potest dupliciter intelligi. Uno modo sic : utrum res prius cognoscantur secundum conceptus magis universales quam secundum conceptus
minus universales a quolibet cognoscente illas res - et in isto sensu non capit
Philosophus dictam propositionem … Alius sensus est iste : utrum res prius
cognoscantur secundum conceptus magis universales quam secundum
conceptus minus universales a communitate humana cui aliqua scientia est
tradenda - et in [in] isto sensu capit propositionem prius dictam … (virb) Istis
notatis, dicitur ad dubium quod in scientia toti communitati tradenda procedendum est ab universalioribus propositionibus talis scientie ad propositiones
minus universales, exquo illa prius a tota communitate cognoscuntur». - Dans
une dubitatio très courte de son commentaire du De anima (I, q. 2, dub. 1,
xcviiivb-xcixra), Georges confirme son orientation non-réaliste : «Dubitatur
primo utrum universalia aut nihil sint aut sunt posteriora suis singularibus. Ad
dubium dicitur prout ad propositum sufficit quod in proposito Philosophus
intelligit dictum suum de universalibus in essendo, eo modo quo Plato posuit
universale (ut sibi imponitur). Et hoc satis improbat Philosophus septimo
Metaphisice. Et hoc idem tangit Philosophus primo Posteriorum, quando dicit
‘gaudeant genera et species ; monstra enim sunt, si sic sunt’, quasi diceret
quod sunt quedam figmenta, quibus non est correspondentia in rebus. Et
quando subdit Philosophus ‘aut sunt posteriora singularibus’, intelligit
Philosophus de universali in significando vel predicando, quod (ut in pluribus) posterius est rebus singularibus ad extra, a quibus est causatum tanquam
ab obiectis. Vel potest dici quod solum intelligit de universalibus in predicando vel representando, quod scilicet illa nihil sunt aut sunt posteriora apud
intellectum nostrum secundum naturalem ordinem intelligendi, singularibus
vagis ipsis tamen correspondentibus. De isto tamen visum est in primo
Phisicorum».
39
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Metaphysicae, III, q. 2, dub.
224
4, L xvirb : «Ad dubium respondent aliqui quod talia universalia formaliter
sunt signa naturalia vel voluntaria, que sunt accidentia et non substantie. Sed
fundamentaliter et denominative illa que primo denominantur universalia per
talia signa sunt res de se communes per indifferentiam ad omnia individua sue
speciei, sic quod non repugnat de se nature humane que est in Sorte quin sit
eadem in Platone et in aliis hominibus propter suam indifferentiam. Sed ut
aiunt nunquam poterit esse in eo propter identitatem quam habet cum differentia individuali Sortis. Nec sequitur, ut dicunt : natura mea de se indifferens
est ad esse in te ; ergo potest esse in te, immo causatur fallacia secundum quid
ad simpliciter. Et causa dicta est prius. - Dicunt secundo quod ideo sunt
ponende nature tales sic de se communes preter operationem anime tanquam
principia formalia denominativa essendi, ut puta humanitas Sortis est principium formale quo Sortes formaliter et essentialiter denominatur homo. Non
tamen est principium informativum, sicut albedo in pariete, nec est principium
materiale, nec efficiens nec finale, sed solum essentiale, ita quod est una tertia entitas distincta a materia et forma Sortis, cuius sunt partes essentiales. Dicunt tertio quod de tali natura humana abstractive significata nulla predicata concreta aut abstracta realia predicantur, nisi idem de se, ut ‘humanitas
est humanitas’, immo non est animalitas, nec animal, nec ens, nec entitas, quia
talia non sunt sibi identica, sed distincta formaliter».
40
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Metaphysicae, III, q. 2, dub. 4,
L xvirb : «Ideo contra predicatem opinionem ponuntur alique conclusiones.
Prima est: quod genera et species que sunt universalia vocalia et scripta sunt
extra animam sicut accidentia, et vocalia et scripta sunt substantie, saltem que
naturaliter existunt. Sed mentalia sunt in anima subiective. Hec conclusio satis
patet ex quid (xviva) nominis terminorum. Secunda conclusio : quod talia universalia sunt res que contingenter sunt signa, et non necessario, puta vocalia et
scripta ad placitum et per voluntatem humanam, et mentalia proprie dicta sunt
naturaliter de se sine voluntate hominis significativa quamdiu sunt vitaliter animam immutantia, contingenter tamen … Tertia conclusio : quod illa que
proxime denominantur per istas intentiones secundas ‘genus’, ‘species’ et ‘universale’ sunt res que sunt signa mentalia et vocalia et scripta, mentalia tamen
principaliter, et alia secundario». L’emploi de la notion de «vitalis immutatio»
(selon la forme dérivée de «vitaliter … immutantia») suggère l’influence de
Pierre d’Ailly. En effet, dans la pensée psychologique et sémantique de Pierre
d’Ailly, la notion de « vitalis immutatio » occupe une place importante. Voir L.
Kaczmarek, « Vitalis immutatio. Erkundungen zur erkenntnispsychologischen
225
Terminologie der Spätscholastik», dans : A. Heinekamp, W. Lenzen & M.
Schneider (éds.), Mathesis rationis. Festschrift für Heinrich Schepers,
Münster : Nodus, 1990, 189-206; Id., «Notitia bei Peter von Ailly, Sent. 1, q. 3.
Anmerkungen zu Quellen und Textgestalt», dans: O. Pluta (éd.), Die
Philosophie im 14. und 15. Jahrhundert. In memoriam Konstanty Michalski
(1879-1947), Amsterdam : B. R. Grüner, 1988, 385-420, part. 390. Kaczmarek
a montré que Pierre d’Ailly emprunte la notion de vitalis immutatio au commentaire des Sentences du théologien franciscain Jean de Ripa.
41
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Metaphysicae, III, q. 2, dub.
6, L xviirb : «Respondent quidam quod sic. Et dicunt quod principium individuationis est aliquod intrinsecum essentiale individuo, quod vocant «hecceitatem», dicentes quod natura de se communis Sorti et Platoni contrahitur tanquam potentialis ad esse Sortis per talem differentiam individualem, que est
eadem realiter secum, distincta tamen formaliter ab ea ; et proprie non componit aliquid per se unum, cum non sit sibi potentia et actus, sed singulatizat
talem naturam et facit denominative, non tamen effective, quia est agens talem
naturam esse unam numero. Que de se est una minori unitate, scilicet specifica. Probant sic quia: secluso quocmque alio non essentiali individuo, tale
individuum est individuum et singulare ; sed talis natura non est de se incommunicabilis ; igitur talis individuationis principium intrinsecum est differentia
individualis».
42
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Metaphysicae, III, q. 2, dub.
6, L xviiva: «Ex his repondetur ad dubium secundum probabiliorem opinionem
quod quelibet res seipsa est singularis et individua. Non tamen secluditur
causa efficiens a qua effective res est singularis, sed secluditur causa fundamentalis quocumque modo a re ipsa et partibus eius distincta, ita quod ad hoc
quod res sit singularis non requiritur aliquid qualitercumque a re ipsa distinctum. Sed posita re, ponitur singularis, quocumque alio per possibile vel
impossibile secluso. Patet conclusio, nam, ut patuit, res non dicitur formaliter
singularis ab aliqua differentia individuali, nec ab aliquo accidente ; igitur
necessario sequitur quod a seipsa formaliter est singularis et individua».
43
Pour la conception ockhamienne de la quantité, voir A. Maier, Studien zur
Naturphilosophie der Spätscholastik, 4 : Metaphysische Hintergründe der
spätscholastischen Naturphilosophie, Roma: Edizioni di storia e letteratura,
1955 (Storia e letteratura, 52), 176-198, et M. McCord Adams, William
Ockham, Notre Dame (IN): University of Notre Dame Press, 1987
(Publications in Medieval Studies, 26), 1: 169-213.
44
Voir J. Biard, «Conception sémiologique de la science et statut ontologique
226
de la quantité dans le nominalisme parisien du XIVe siècle», dans : G. Federici
Vescovini & F. Barocelli (éds.), Filosofia, scienza e astrologia nel Trecento
europeo : Biagio Pelacani Parmense, Padova : Il poligrafo, 1992 (Percorsi
della scienza. Storia, testi, problemi, 2), 135-154.
45
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros Physicorum, I, q. 6, M 14vb :
«Utrum materia habeat propriam extensionem ab ipsa materia et a quantitate
distinctam. Respondetur per unam distinctionem et unam suppositionem.
Distinctio est hec: duplex est extensio. Quedam est actualis a qua res formaliter et actualiter est extensa. Alia est extensio aptitudinalis, que proprio
nomine vocatur ‘extensibilitas’, a qua materia dicitur formaliter extensibilis. Suppositio est hec : in generatione compositi substantialis sunt ymaginanda
quinque signa sive instantia nature in eodem instanti temporis. In primo signo
materia est tantum materia, ita quod in illo signo materie solum conveniunt
predicata primi modi dicendi per se. In secundo signo materie convenit extensibilitas et generaliter omnia predicata secundi modi. In tertio forma substantialis unitur materie extensibili. In quarto quantitas unitur materie informate
forma substantiali. In quinto materia fit actualiter extensa tali quantitate. - Ex
hiis dicuntur duo ad difficultatem. Primo: quod materia, seclusa quantitate, est
extensibilis per extensionem ab ea formaliter distinctam, et non realiter.
Secundo dicitur quod extensio actualis a qua materia dicitur formaliter
extensa, realiter distinguitur a materia, quia talis extensio est realiter ipsa
quantitas ; ergo non convenit materie, seclusa quantitate» (cf. A. [a9ra]).
46
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, I, q. 2, dub. 1, L
ixva : «Ad dubium probabiliter pro presenti dicitur quod quantitas non distinguitur realiter a re quanta, ut patet per rationes post oppositum factas. Unde
licet aliqua substantia sit sua quantitas, non tamen omnis substantia est quantitas, quia substantia immaterialis non est quantitas, sicut est anima et intelligentia. Nec etiam omnis substantia quanta est sua quantitas continua, ut patet
de illa substantia cuius una pars est indivisibilis, sicut est homo - quantitas
enim hominis est materia hominis ; sed homo non est materia eius ; ergo homo
non est sua quantitas, et hoc loquendo de quantitate continua. Sed omnis substantia pure materialis cuius nulla pars est simpliciter indivisibilis est sua quantitas continua. Non tamen omnis quantitas est substantia - patet de quantitate
que est qualitas extensa, ut puta albedo. Nec etiam omnis quantitas est qualitas, capiendo qualitatem pro ente realiter inherente alicui. Capiendo tamen
illum terminum ‘qualitas’ sicut capitur quando est genus generalissimum, sic
omnis quantitas bene esset qualitas, sed non omnis qualitas esset quantitas, ut
patet de qualitate indivisibili et immateriali».
227
47
L’étude fondamentale sur la théorie de l’«impetus» est due à A. Maier,
Studien zur Naturphilosophie der Spätscholastik, 2 : Zwei Grundprobleme der
scholastischen Naturphilosophie. Das Problem der intensiven Grösse, die
Impetustheorie, Roma: Edizioni di storia e letteratura, 31968 (Storia e letteratura, 37), 113-314 (pour François de Marchia, 161-197). Pour Guiral Ot, voir
P. J. J. M. Bakker, «Guiral Ot et le mouvement. Autour de la question De motu
conservée dans le manuscrit Madrid, Biblioteca Nacional, 4229», Early
Science and Medicine, 8 (2003), 298-319.
48
Voir Maier, Zwei Grundprobleme, 201-235, 259-290. Voir également Th.
Dewender, «Einige Bemerkungen zur Authentizität der Physikkommentare,
die Marsilius von Inghen zugeschrieben werden», dans : S. Wielgus (éd.),
Marsilius von Inghen, Werk und Wirkung. Akten des Zweiten Internationalen
Marsilius-von-Inghen-Kongresses, Lublin: Redakcja Wydawnictw KUL,
1993, 245–269.
49
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros Physicorum, VIII, q. 7, dub.
2, M 84vb : «Utrum proiectum moveatur ab intrinseco vel a medio. Pro solutione huius dubii ponuntur due opiniones. Prima est opinio communis, et est
hec quod proiciens primo movet ipsum proiectum, et ipsum motum movet
unam partem aeris, (et ipsa pars aeris movet proiectum, et iterum proiectum
movet aliam partem aeris add. A), et sic quousque deficiat virtus proicientis.
Et sic dicunt quod motus proiectionis (proiectorum A) est a diversis motibus
et etiam a diversis moventibus, et quot sunt motus partiales tot sunt medii
motores seu moventes et medii motus, et ex illis fit unus motus unitate aggregationis. - Secunda opinio que apparet probabilior est quod proiciens imprimit suam virtutem impulsivam ab ipso subiecto (in ipso proiecto A), que virtus impulsiva vocatur ‘impetus’. Et est una qualitas motiva cui resistit (recessit M) gravitas moventis et moti et resistentia medii. Ideo continue debilitatur
et tandem corrumpitur, et sic proiectum cessat violenter (virtualiter M)
moveri, similiter et illa virtus subiectata (?) in proiecto» (cf. A i3rb–va). - Pour
un bref aperçu de cette question (d’après la version imprimée attribuée à Jean
de Magistris), voir P. Duhem, Le système du monde. Histoire des doctrines
cosmologiques de Platon à Copernic, Paris : Hermann, 1959, 10 : 108-110.
50
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, VIII, q. 4, L
cxlira : «Sciendum quod de ista questione sunt tres opiniones. Una est dicentium quod proiectum post recessum a manu proiicienti movetur ab aere per
antiparistasim, ita quod aer subintrat locum proiecti, et sic pellit proiectum
ad aliam partem aeris ; et iterum alius aer subintrans locum proiecti pellit
proiectum ad aliam partem ; et sic continue quousque proiectum ad tantam
228
distantiam perveniat ad quantam potest pervenire ta - ( cxlirb) - li proiectione.
Hanc autem opinionem Philosophus reputat esse falsam octavo huius … Alia est opinio quod proiectum post recessum a manu proiicientis movetur ab
aere hoc modo quia, cum proiectum dimittitur, proiiciens movet aerem proximum ipsi proiecto et ille aer movet aerem sibi proximum a quo proiectum
movetur, et sic deinceps quousque proiectum ad tantam distantiam perveniret ad quantam pertingere potest tali proiectione. Ista autem opinio videtur
esse falsa, ut bene probant quattuor prime rationes ante oppositum … - Tertia
opinio est dicens quod, cum proiiciens movet ipsum proiectum, imprimit sibi
quemdam impetum sive quemdam virtutem motivam per quam ipsum proiectum potest moveri ad illam partem ad quam proiiciens intendit. Iste autem
impetus est qualitas quedam distincta ab ipso mobili, que est passio sive passibilis qualitas vel dispositio. Et secundum istam opinionem manifeste possunt sustineri et salvari experientie adducte in quattuor primis rationibus. Istis notatis, ponitur conclusio responsiva : conclusio responsiva ad quesitum
secundum tertiam opinionem, scilicet quod proiectum post recessum a proiiciente movetur a virtute sibi impressa. Patet, quia proiecta non dicuntur nisi
tribus modis moveri, scilicet per antiparistasim, a medio et ab impetu ; sed
duo primi modi non sunt acceptandi, ut docet experientia ; ergo relinquitur
tertius modus». Voir également Duhem, Le système du monde, 10 : 84-86.
D’après Duhem, l’exposé de Georges révèle l’influence d’Albert de Saxe et
de Marsile d’Inghen.
51
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De caelo et mundo, II, q. 3, M
97va : «Utrum omnis <motus> naturalis sit velocior in fine quam in principio.
Pro cuius solutione ponitur talis distinctio : duplex est motus naturalis : quidam est circularis, alius est rectus. Ex hiis dicuntur duo. Primo : quod nullus
motus circularis naturalis (saltem simplex) est velocior in fine quam in principio, nec e contra. Secundo dicitur quod omnis motus naturalis rectus est
velocior in fine quam in principio. Patet primo, quia unumquodque quanto est
fini propinquius tanto fortius tendit ad suum finem ; sed terminus motus naturalis recti est finis ipsius mobilis ; igitur quanto mobile est propinquius suo
loco tanto fortius tendit ad ipsum (M 97vb) locum. Ad ipsum tamen non additur aliqua virtus, sed solum quidam conatus (?) naturalis ipsius virtutis. Ex
hoc [hoc] sequitur falsitas opinionis aliquorum dicentium motum naturalem
esse velociorem in fine propter virtutem attractivam loci, aut propter impetum
sibi impressum, aut propter pluralitatem moventium (?). Talis enim motus non
esset pure naturalis, sed etiam partim violentus, cum esset effective partim ab
extrinseco» (cf. A [k5ra]). Voir également la troisième question du livre VIII de
229
son commentaire de la Physique, où Caulaincourt arrive à la conclusion que
voici : «Conclusio responsalis : gravia et levia inanimata moventur a se ipsis
per se aut per accidens in genere cause efficientis. Patet, quia habent in se
principium effectivum sui motus, ut probatum est ; ergo moventur a se ipsis»
(M 78vb, A [h6rb]). Voir également Duhem, Le système du monde, 10 : 109.
52
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, VIII, q. 3, dub.
1, L cxxxviiiva : «Ad dubium dicitur quod motus localis naturalis qui fit per
medium uniforme, hoc est equaliter densum vel equaliter rarum in omnibus
suis partibus, est velocior in fine quam in principio. Et hoc provenit ex eo,
quia in illo mobili causata est quedam qualitas in mobili, que vocatur ‘impetus’, active concurrens ad motum. Que quidem qualitas non fuit in principio
motus, et quantum mobile magis accedit ad terminum ad quem tantum illa
qualitas magis concurrit. Igitur motus naturalis velocior est in fine quam in
principio. Hec autem causa a famosis doctoribus datur».
53
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, VIII, q. 3, dub.
1, L cxxxviiiva : «Etiam si virtus motiva esset maior in fine, hoc maxime esset
propter talem impetum quem aliqui ponunt. Sed ille non est ponendus, cum
non videtur a quo causaretur vel per quid destrueretur». Voir également
Duhem, Le système du monde, 10 : 86-87.
54
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros Physicorum, VIII, q. 3, dub.
1, L cxxxviiiva : «Alia tamen causa potest dari quod ex eo motus naturalis est
velocior in fine quam in principio, quia medium magis resistit in principio
quam in fine, cum plus sit de medio inter mobile et terminum ad quem in principio motus quam in fine ; modo totum est maioris resistentie quam sua pars.
Nam si aliquid debeat moveri motu naturali deorsum per aerem decem pedum,
magis resistit aer decem pedum quam aer quinque pedum, et aer quinque
pedum quam aer unius pedis. Et hoc clarius potest videri de aqua. Et ideo, si
non esset aliquod medium resistens sive active inclinans et concurrens ad
impediendum motum ipsius mobilis, utpote si poneretur vacuum quoddam
spatium separatum inter ignem et terram, tunc, si lapis moveretur deorsum,
non citius moveretur in fine quam in principio, cum ibi non sit maior virtus
motiva in fine quam in principio, cum motus localis non est deperditivus de
per se nec acquisitivus».
55
Jean Hennon et Jean le Damoisiau expliquent tant le mouvement des projectiles que la chute des graves par une seule théorie, celle de l’«impetus».
Pour Hennon, voir les passages suivants (P 146rb) : «Secunda difficultas est a
quo moventur proiecta post recessum a primo motore proiciente (percutiente
P). De qua sunt due opiniones principales. Prima est Philosophi, que est com230
munis … Secunda vero opinio dicit hoc esse falsum. Ymo ita est quod prohiciens imprimit impetum sive virtutem impulsivam [que] in proiecto, cui resistit gravitas mobilis et (est P) resistentia medii. Ideo continue movet proiectum
quousque corrumpatur» ; (P 164rb) «Et ideo dicunt quod causa maioris velocitatis in motu naturali circa finem est impetus acquisitus in ipso mobili, ita
quod grave suo motu preter gravitatem <suam naturalem acquirit sibi quemdam impetum sive gravitatem> accidentalem, que iuvat gravitatem naturalem
ad movendum grave velocius ; et similiter est de levitate. Nam secundum
quod ipsum corpus naturale movetur diutius, secundum hoc sibi acquiritur
maior impetus, et continue velocius movetur nisi impediatur per maiorem
resistentiam quam sit (P 164va) impetus sibi acquisitus. Est autem talis impetus quedam qualitas de secunda specie qualitatis, que generatur a forma substantiali mobilis mediante motu, et corrumpitur per absentiam conservantis,
scilicet ipsius motus, sicut lumen corrumpitur in medio per absentiam et
remissionem corporis luminosi». Voir également Duhem, Le système du
monde, 10 : 64-67. - Pour Damoisiau, voir les passages suivants (W 136vb) :
«Est tamen alius modus dicendi, scilicet quod proiciens imprimit unam virtutem impulsivam ipsi proiecto, que solet vocari ‘impetus’ ; et ab illo impetu
movetur proiectum, cessante (W 137ra) proiciente. Est autem ille impetus
nature permanentis et qualitas motiva, cui resistit gravitas proiecti et etiam
ipsum medium. Ideo continue huiusmodi impetus debilitatur et remittitur et
tandem corrumpitur. Et tunc proiectum cessat moveri ab illo impetu, sed a
gravitate sua movetur ad suum locum naturalem. Nec equalis impetus imprimitur omnibus proiectis, et hoc propter dispositionem materie proiectorum.
Unde materia lapidis, que est densior materia pluvie, est aptior ad recipiendum impetum et recipit maiorem impetum. Nec eque cito corrumpitur impetus sibi impressus ab aere sibi resistente. Unde de isto impetu ymaginandum
est sicut de virtute magnetis impressa ferro, per quam magnes attrahit ad se
ferrum» ; (W 155rb) : «Ideo, dimissis istis opinionibus et multis aliis, dicendum est aliter quod causa maioris velocitatis in motu naturali circa (W 155va)
finem est impetus acquisitus in ipso mobili, ita quod grave suo motu preter
gravitatem suam naturalem acquirit sibi quemdam impetum sive gravitatem
accidentalem, que iuvat gravitatem naturalem ad movendum grave velocius ;
et similiter est de levitate. Nam secundum quod ipsum corpus naturale movetur diutius, secundum hoc sibi acquiritur maior impetus, et continue velocius
movetur nisi impediatur per maiorem resistentiam quam sit impetus sibi
acquisitus. Est autem talis impetus quedam qualitas de secunda specie qualitatis, que generatur in motu naturali a forma substantiali mobilis mediante
231
motu, et corrumpitur per absentiam conservantis, scilicet ipsius motus, sicut
lumen corrumpitur in medio per absentiam et remotionem corporis luminosi».
56
Pour ce problème, voir R. Zavalloni, Richard de Mediavilla et la controverse sur la pluralité des formes, Louvain : Editions de l’Institut Supérieur de
Philosophie, 1951 (Philosophes médiévaux, 2), 213–496, et Th. Schneider,
Die Einheit des Menschen. Die anthropologische Formel «anima forma corporis» im sogenannten Korrektorienstreit und bei Petrus Johannis Olivi. Ein
Beitrag zur Vorgeschichte des Konzils von Vienne, Münster: Asschendorff,
1973 (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des
Mittelalters, N. F. 8). Pour l’origine de ce problème, voir D. A. Callus, «The
Origins of the Problem of the Unity of Form», The Thomist, 24 (1961), 257285, part. 257-272. La première alternative (la doctrine de l’unité) a été défendue par Avicenne, la seconde (la doctrine de la pluralité) par Ibn Gabirol (pour
les latins Avicebron). Grâce aux différents écrits de Dominicus Gundisalvi (†
1151), la doctrine de l’unité aussi bien que celle de la pluralité ont été transmises aux écoles parisiennes et oxoniennes de la première moitié du XIIIe siècle. Avec Thomas d’Aquin, la question psychologique de l’unité ou de la pluralité de l’âme s’ouvre sur la métaphysique. Elle se transforme alors en la
question plus large de savoir s’il y a, dans une substance composée en général et dans l’homme en particulier, une seule forme substantielle ou bien plusieurs formes substantielles différentes.
57
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, II, q. 2, M 148vb :
«Secundo ponuntur aliqua dicta. Primum : in eodem homine non sunt tot
forme substantiales quot sunt predicata que de eo predicantur in quid …
Secundum dictum : in eodem homine non sunt ponende tot forme substantiales quot sunt ponende forme substantiales elementorum. Tertium dictum : in
eodem homine non sunt ponende tot forme substantiales quot sunt partes eterogenee … Quartum dictum : in eodem homine non est ponenda forma corporeitatis realiter distincta a forma mixti … Quintum dictum : in eodem
homine est ponenda forma mixti realiter distincta ab illius anima intellectiva
… Sextum dictum : in eodem homine non est ponenda (M 149ra) anima intellectiva distincta a vegetativa et sensitiva. Patet, quia anima intellectiva virtualiter continet vegetativam et sensitivam ; ergo sunt incompossibiles in eodem.
- Ex hoc sequitur quod in eodem homine solum reperiuntur due forme substantiales, scilicet forma mixti, que est forma substantialis realiter informans
materiam, et anima intellectiva, que est forma substantialis informans corpus
compositum ex materia et forma substantiali mixti» (cf. A [q 8rb–va]).
58
Jean de Caulaincourt, Commentaria in libros De anima, II, q. 2, M 149ra :
232
«Secundo sequitur quod homo non est compositus ex anima et materia nuda,
ymo est compositus ex anima intellectiva tamquam ex forma substantiali et ex
corpore mixto tamquam ex materia. Illud tamen corpus mixtum non est corpus
de genere substantie nisi reductive, quia non est superius ad hominem essentialiter (?), <quia> ‘corpus mixtum’ non predicatur de homine predicatione
dicente ‘hoc est hoc’, sed predicatione dicente ‘hoc est ex hoc’, sicut pars integralis de toto. - Tertio sequitur quod in homine est solum una forma substantialis que proprie debet vocari ‘forma hominis’, scilicet anima intellectiva.
Forma enim mixti non proprie dicitur ‘forma hominis’ nisi per locutionem gratia partis, eo quod est forma substantialis corporis hominis» (cf. A [q 8va]).
59
Georges de Bruxelles, Commentaria in libros De anima, II, q. 1, dub. 1, L
ciiirb : «Circa hanc dubitationem sunt due opiniones … in hoc convenientes
quod in nullo animato alio ab homine propter operationum diversitates ponende
sunt plures forme substantiales (puta anime totales) realiter inter se distincte,
puta sensitiva a vegetativa, sed est una et eadem forma substantialis que dicitur
‘sensitiva’ et anima vegetativa. Sed differunt in hoc quia in homine anima sensitiva secundum unam opinionem dicitur realiter esse distincta ab anima intellectiva, non a vegetativa in eodem ; secundum aliam vero opinionem sensitiva
in homine nec distinguitur ab intellectiva nec vegetativa … Et sic hec opinio ad
hanc questionem respondet quod propter diversas operationes vitales in homine
oportet ponere animam sensitivam realiter distinctam ab anima intellectiva …
(ciiivb) Alia opinio est non ponens distinctionem in homine inter animam intellectivam et sensitivam dicens quod est una et eadem forma substantialis in
homine que dicitur ‘anima sensitiva’ et ‘anima intellectiva’».
60
Soulignons, d’une part, que les ouvrages présentés ici n’ont pas les traits
caractéristiques de reportationes, mais ceux d’ouvrages destinés à la «publication». Pour la notion de «reportatio», voir O. Weijers, Terminologie des universités au XIIIe siècle, Roma : Edizioni dell’Ateneo, 1987 (Lessico intellettuale europeo, 39), 361-365. D’autre part, ils diffèrent très clairement des
«manuels d’étudiants» tels que nous les connaissons (pour le XVe siècle) des
universités allemandes, en particulier Cologne. Pour ces «manuels», voir
M.J.F.M. Hoenen, «Late Medieval Schools of Thought in the Mirror of
University Textbooks. The Promptuarium argumentorum (Cologne 1492)»,
dans : M. J. F. M. Hoenen, J. H. J. Schneider & G. Wieland (éds.), Philosophy
and Learning. Universities in the Middle Ages, Leiden : Brill, 1995
(Education and Society in the Middle Ages and Renaissance, 6), 329–369.
61
Pour une étude récente sur l’ «école de Buridan» en général, et sur les rapports entre Buridan et Albert en particulier, voir J. M. M. H. Thijssen, «The
233
Buridan School Reassessed. John Buridan and Albert of Saxony», Vivarium,
42 (2004), 18-42.
62
Pour l’albertisme à Cologne et à Louvain, voir Kaluza, «Les débuts de l’albertisme tardif», et A. G. Weiler, «Les relations entre l’université de Louvain
et l’université de Cologne au XVe siècle», dans : J. IJsewijn & J. Paquet (éds.),
The Universities in the Late Middle Ages, Leuven : Leuven University Press,
1978 (Mediaevalia Lovaniensia, 1/6), 49-91.
63
Pour l’hostilité de Gerson à l’égard des scotistes, voir Kaluza, Les querelles
doctrinales, 35-86 (et 127-144). Pour l’essor du scotisme à la Renaissance et à
l’époque moderne, voir O. BOULNOIS (éd.), Duns Scot au XVIIe siècle, 1 :
L’objet et sa métaphysique dans : Les Études philosophiques, 1 (2002), 1-81 ; 2 :
La cohérence des subtils, dans : Les Études philosophiques, 2 (2002), 145-237.
234
Frère Thomas d’Aquin, universitaire
Dr Adriano Oliva, o.p.
Commission Léonine, CNRS-PARIS
«Frère Thomas d’Aquin, universitaire» : voilà un titre qui implique
un bien vaste programme ! Pour le traiter, au moins de façon relativement sommaire, nous situerons, dans un premier temps, la carrière universitaire de Thomas à l’intérieur de sa biographie. Ensuite nous étudierons les différents genres littéraires des ouvrages produits par
Thomas dans le cadre de son enseignement universitaire ; dans cette
partie, nous essaierons de présenter quelques traits personnels de Frère
Thomas professeur.
1. La première formation intellectuelle et le parcours universitaire de
Thomas d’Aquin
Au temps de Frédéric II, dans une région du royaume de Sicile à la
frontière avec les États pontificaux, vers 1225, naquit Thomas
d’Aquin. Il grandit dans une famille de seigneurs au service de l’empereur, et son père était le gouverneur de la région, proche du théâtre
sur lequel s’affrontèrent les armées de l’empereur et celles qui combattaient pour le pape 1 .
Élevé, jusqu’à l’âge de cinq ans, dans le château fort de
Roccassecca, Thomas fut ensuite conduit à l’abbaye voisine du MontCassin, où il reçut la première éducation intellectuelle. Probablement en
1239, quand l’abbaye est l’objet d’un violent conflit entre l’empereur et
le pape, Thomas est envoyé au Studium universitaire de Naples 2 , fondé
par Frédéric II en 1224 et réformé par ce même empereur dix ans plus
tard 3 . Nous connaissons encore très mal cette première étape de la formation de niveau universitaire du jeune Thomas, mais il me semble que
235
l’on peut au moins exclure que pendant cette période il ait pu assister à
l’enseignement de Pierre d’Irlande : d’une part la présence de ce maître
au Studium n’est attestée qu’après 1250 4 ; d’autre part, M. Andrea
Robiglio a bien montré l’origine hagiographique de cette légende 5.
En 1242, probablement, Thomas d’Aquin entra dans l’Ordre des
Frères Prêcheurs, à Naples ; ensuite il fut contraint de passer une année
environ de séjour forcé en famille (1244-1245) 6, et en 1246 il arriva à
Paris 7 , où enseignait frère Albert de Cologne, dit Albert le Grand.
C’est pendant les années 1246-1248 que le jeune frère italien entra en
contact avec l’université de Paris. Le P. R. A. Gauthier a constaté que
Thomas d’Aquin, au long de sa carrière d’enseignant, manifeste une
connaissance approfondie de l’Ethica uetus et des commentaires sur
celle-ci faits à Paris dans les années quarante du XIIIe siècle ; or Thomas
n’aurait pu acquérir cette connaissance ni à Naples avant 1246, ni à
Paris après 1252, quand ces discussions étaient dépassées : cela nous
assure, donc, qu’à Paris, entre 1246 et 1248, le jeune frère italien non
seulement entra en contact avec l’enseignement de la philosophie dispensé à la faculté des arts, mais qu’il s’imprégna de cet enseignement
pour la suite de sa carrière 8.
Après une période de trois ans à Cologne, où Thomas a été l’assistant de maître Albert, il revint à Paris pour y lire les Sentences de Pierre
Lombard. Cependant, la carrière universitaire prévoyait, avant la lecture des Sentences, la lecture «cursive» de quelques livres de la Bible ;
nous conservons le texte de cet enseignement de Thomas : sa lecture
sur les prophètes Isaïe et Jérémie 9.
Lecture «cursive» désigne, comme le mot l’indique, un commentaire concis, qui présente le contenu global des chapitres et fait ressortir les axes autour desquels la matière des livres est organisée, pour
dégager le dessein de l’auteur divin. Une partie autographe du commentaire de Thomas sur Isaïe a été conservée et nous l’avons étudiée
de près il y a quelques années : cela nous a permis de situer à Paris cet
236
enseignement de Thomas, que le P. J. Weisheipl, dans sa belle biographie Friar Thomas de 1974, avait cru pouvoir placer à Cologne, pendant que Thomas était assistant d’Albert 10.
À l’automne 1251, ou 1252 au plus tard, Thomas d’Aquin commença donc sa carrière d’enseignant à l’université de Paris, en lisant
«cursorie» deux livres de la Bible. Il faut observer que le cas de
Thomas d’Aquin constitue la première attestation certaine que des religieux devaient commenter «cursivement» la Bible à l’université avant
de pouvoir y lire les Sentences de Pierre Lombard. D’ailleurs, nous
conservons un document de l’université de Paris datant de 1252, dans
lequel il est expressément demandé aux religieux d’obtempérer eux
aussi au règlement qui prévoit ce commentaire «cursif» de la Bible,
préalable au commentaire des Sentences 11.
Les débuts de l’enseignement des Sentences à l’université de Paris
sont très bien étudiés dans l’article de Mme Angotti, figurant dans ce
même recueil 12. Thomas d’Aquin commenta dans son cours le premier et
le deuxième Livre pendant l’année scolaire 1252-1253, ou 1253-1254, et
l’année suivante il enseigna le troisième et le quatrième Livre. La rédaction du commentaire de chacun des Livres fut contemporaine ou succéda
immédiatement à l’enseignement de celui-ci : en effet, nous pouvons être
certains que le modèle ( exemplar ) du Commentaire au premier Livre
était déjà disponible pour être copié, avant même que Thomas n’enseignât, l’année suivante, le traité sur la foi du troisième Livre 13.
L’enseignement «cursif» de la Bible et la lecture des Sentences,
constituaient les deux étapes fondamentales en vue de postuler la licentia docendi, qui introduisait à l’enseignement magistral. En effet, après
avoir obtenu la licence, il fallait être reçu par le collège des maîtres et
obtenir ainsi une chaire d’enseignement. À cette époque, seul celui qui
avait obtenu une chaire et avait enseigné en tant que maître régent pouvait avoir le titre de maître de l’université de Paris. Entre l’obtention de
la licentia docendi et le début de l’enseignement magistral, il pouvait
237
se passer un certain temps pendant lequel le candidat à la maîtrise
devait assister un maître régent : par la suite, on désignera ce genre
d’assistant par l’expression «bachelier formé». La lecture des
Sentences était en effet partie intégrante de l’enseignement qui devait
être dispensé dans le cadre d’une des chaires de l’université ; et chaque
bachelier sententiaire lisait les Sentences en tant qu’assistant d’un maître régent, qu’il secondait ensuite dans les disputes. Nous ne savons
pratiquement rien du maître dont Thomas d’Aquin fut l’assistant. Il
s’agit probablement d’Élie Brunet, dont nous ne possédons que quelques fragments 14.
Thomas acheva l’enseignement des Sentences à la fin de l’année
scolaire 1253-1254 ou, au plus tard, l’année suivante, 1254-1255.
Cependant il n’obtint pas immédiatement la licentia docendi de la part
du Chancelier de l’université de Paris et le pape dut intervenir en mars
1256 en faveur de Thomas et de Bonaventure de Bagnoregio, afin que
les deux frères mendiants pussent devenir maîtres régents 15.
La raison de ce retard est la fameuse querelle entre clercs séculiers
et frères mendiants, sur laquelle l’article de M. Verger nous fait découvrir nombre d’aspects nouveaux. Si l’on considère que l’acte officiel
par lequel les luttes s’ouvrirent est de février 1252 et que celui par
lequel elles se conclurent est du 12 août 1257, on constate que Thomas
d’Aquin dut dispenser son premier enseignement sur la Bible et celui
sur les Sentences en pleine période de turbulences - rappelons-nous
que pendant l’hiver 1255-1256 le couvent Saint-Jacques dut être gardé
par les archers du roi. Le frère Thomas d’Aquin dut attendre probablement deux ans avant d’être reçu dans le consortium magistrorum, vers
juin 1256 ; en revanche, le frère Bonaventure, qui enseigna les
Sentences deux ans avant Thomas, dut attendre trois ou quatre ans.
Pendant les deux années qui suivirent immédiatement l’enseignement
des Sentences, Thomas se consacra à l’achèvement de la rédaction
écrite du commentaire, que l’on désignait par le mot Scriptum ; en
outre, pendant ce temps, il dut assister son maître dans ses disputes et
238
dans son enseignement.
La charge de maître régent, comme nous l’avons dit, n’arriva pour
Thomas qu’en 1256 et il l’exerça jusqu’en 1259. L’Ordre des Frères
Prêcheurs, pour permettre à un nombre plus élevé de ses membres
d’obtenir le titre de maître en théologie, avait en effet prévu que la
durée de l’enseignement n’excédât point trois ans. Exceptionnellement Thomas d’Aquin sera appelé à enseigner à Paris une deuxième
fois, de 1269 à 1272.
Les raisons pour lesquelles, en 1269, Thomas dut quitter l’enseignement à Rome pour assumer un second mandat comme professeur
dans l’une des chaires tenues par les dominicains à Paris sont bien
connues. Il s’agit de la deuxième phase de la querelle entre séculiers et
mendiants.
Si pendant la première phase de ces luttes le frère Bonaventure eut
un rôle important, l’engagement de Thomas fut de son côté très vigoureux, d’autant plus que les séculiers voulaient enlever aux dominicains
une de leurs deux chaires. Pendant la seconde phase de ces luttes, ce
sera Thomas d’Aquin qui conduira la défense des religieux 17.
Pour terminer cette présentation de la biographie «universitaire» de
Thomas d’Aquin, il faudrait dire un mot de la période napolitaine de
son enseignement. Il est hors de doute que le Studium du royaume de
Sicile, fondé en 1224 et restauré en 1234 par l’empereur Frédéric II
dans la ville de Naples avait un niveau universitaire d’enseignement.
Thomas y enseigna quand Charles d’Anjou réorganisa à son tour le
Studium en 1272. Déjà la réforme de 1234 prévoyait l’enseignement de
la théologie ; et en 1272 c’est Thomas d’Aquin qui s’en charge, comme
nous l’assure un acte du roi Charles d’Anjou, qui, le 15 octobre 1272,
assigne au frère Thomas l’honoraire d’une once d’or par mois pour les
dépenses liées à son enseignement : «Cum religiosus vir frater Thomas
de Aquino dilectus noster aput Neapolim in theologia legere debeat, nos
239
volentes sibi exhibere subsidium in expensis et propter hoc de una uncia
auri ponderis generalis pro quolibet mense quamdiu ibidem legerit sibi
providere velimus [...]» 18. Ce document dit «puisque le frère Thomas
d’Aquin doit enseigner la théologie à Naples» (legere debeat) cette formule s’explique parce que la tâche d’enseigner la théologie dans un
couvent dominicain de la province Romaine (dont dépendait à cette
époque toute l’Italie péninsulaire) avait été assignée à frère Thomas par
le chapitre provincial de Florence de 1272 ; en revanche, c’est Thomas
qui avait décidé d’implanter à Naples un Studium dominicain où pouvoir dispenser cet enseignement 19.
Or, si l’on considère qu’en choisissant cette ville Thomas répond à
un souhait du roi Charles d’Anjou, qui avait invité à se rendre à Naples
les étudiants de l’université de Paris, à nouveau en grève pendant l’hiver 1272 20 ; et si l’on tient compte du fait que Thomas pendant ces
deux années aura des rapports très étroits avec sa famille et que, grâce
à son intervention, plusieurs prélats accorderont aux Frères Prêcheurs
de fonder des couvents dans leur diocèse, nous sommes amenés à
découvrir une dimension nouvelle du professeur Thomas d’Aquin 21.
L’image d’un homme que la concentration intellectuelle aurait isolé du
monde et fait vivre dans un nuage s’évanouit complètement : Thomas
nous apparaît comme quelqu’un qui sait avoir le sens des réalités
concrètes. Ce n’est pas sans raison que Roger d’Aquila, comte de
Traetto, qui mourut le 26 août 1272, avait désigné son beau-frère
Thomas d’Aquin comme exécuteur testamentaire 22.
2. Les genres littéraires de l’enseignement universitaire de Thomas
d’Aquin
2.1 La lecture «cursive» des Livres d’Isaïe et de Jérémie
Nous avons rappelé que la première tâche universitaire de Thomas
d’Aquin a été de commenter quelques livres de la Bible. D’après nos
connaissances actuelles des règlements universitaires, le choix des
240
livres à commenter était libre. Thomas a choisi de commenter les prophètes Isaïe et Jérémie. Il semble bien que Bonaventure, deux ans
avant, ait commenté un des évangiles, toujours de manière «cursive» 23.
Le caractère «cursif» des premiers commentaires bibliques de
Thomas n’empêche pas d’entrevoir certains intérêts du jeune théologien, caractéristiques de sa personnalité. Pour ce faire, on pourrait analyser en particulier les explications du sens spirituel ou mystique du
texte, qui sont confiées, dans ce commentaire, à des « collationes auctoritatum ».
Ces « collationes » sont une particularité de ces commentaires de
saint Thomas, particularité que le P. Pieter Gils a définies ainsi : «des
assemblages de citations de l’Écriture, des rapprochements qu’a suggéré tel mot d’Isaïe, et qui ne trouvent pas leur place dans le commentaire strictement littéral, mais inspirent des applications spirituelles ou
morales» 24. Dans les éditions courantes ces collationes sont insérées
dans le texte et introduites par les mot nota / notandum super illo
verbo, mais dans la partie autographe du commentaire sur Isaïe,
conservée à la Bibliothèque Vaticane, elles se présentent sous une
forme schématique et sont regroupées en éventail. La façon de compiler ces schémas est bien connue ; le P. Gils écrit à ce propos : «les moines, imbus de l’Écriture Sainte, citent le plus souvent de mémoire, et
composent en fonction de ‘‘mots-agrafes’’ qui suggèrent une série de
textes connus ; les scolastiques travaillent avec une concordance ( distinctiones ). Nous pensons que S. Thomas se situe entre les deux» 25.
Ce sur quoi je voudrais ici attirer l’attention est le fait que la plus
grande partie des collationes du Super Isaiam a comme sujet le Christ,
sauveur, libérateur, médecin, pasteur, mais aussi, modèle pour ses fidèles. Le texte du prophète s’y prête, cela va de soi, mais il est important
de souligner cet aspect de la spiritualité du jeune frère dominicain.
Plusieurs thèmes de la vie spirituelle, développés ensuite, par exemple
dans la partie morale de la Somme de théologie, se trouvent déjà ici in
241
nuce : par exemple l’action du Père et de l’Esprit-Saint dans la sanctification des fidèles. Les autres « collationes » concernent la vie spirituelle des fidèles, qui doivent imiter le Christ et les saints, se nourrir
de la Parole de Dieu, rendre vertueux leurs actes. Le P. J. P. Torrell et
Mlle Denise Bouthillier ont consacré à ces petits textes plusieurs études auxquelles nous renvoyons volontiers 26. Une analyse du commentaire sur le prophète Jérémie - conduite malheureusement sur un texte
non critique - nous a permis de repérer une quarantaine de ces collationes, dont les thèmes concernent surtout des arguments de théologie
morale 27.
Il y a un deuxième aspect de ces ouvrages de jeunesse qu’il me
semble important d’observer : c’est l’usage d’une autorité philosophique à l’intérieur d’une argumentation théologique, par lesquelles
Thomas d’Aquin articule deux domaines de la pensée de l’homme
croyant : la philosophie et la théologie. J’ai choisi un exemple curieux
et intéressant sous plusieurs aspects. Au chapitre 4 du commentaire sur
Isaïe, il est dit : «Et sept femmes s’arracheront un seul homme, ce jourlà». Thomas commence par chercher les raisons de la licéité de cet acte,
«car - il écrit - le Seigneur ne se console pas de ce qui est illicite» ; et il
renvoie immédiatement à Aristote : «Il faut observer, comme le dit le
Philosophe, que l’union d’un mâle et d’une femelle, parmi les êtres
humain, n’est pas seulement pour la génération, comme c’est le cas pour
les bêtes, mais aussi pour une vie meilleure ( ad commodum vitae ) : il y
a donc des actions différentes de l’homme et de la femme, dans lesquelles ils s’entraident réciproquement». Ensuite il montre que le
législateur pourrait reconnaître, dans certains cas, le caractère licite de
la polygamie, car, selon la nature, l’homme peut rendre féconde plus
d’une femme, tandis que le contraire n’est pas possible : une femme ne
peut pas donner plus d’un père à son enfant. Et il conclut en disant
qu’il n’est pas bien qu’un homme ait plus d’une femme, «surtout écrit-il - parce que cela empêche la communauté de vie, étant donné
que l’amitié parfaite qui doit exister entre le mari et l’épouse, pour
laquelle aussi l’homme laisse son père et sa mère, Gen. 2, 24, ne peut
242
pas se réaliser avec plusieurs femmes» 29.
Il vaut la peine d’observer que l’autorité du Philosophe n’est pas
seulement invoquée au début de l’argumentation, mais que, dans la
conclusion, Thomas unit le renvoi à l’Éthique à Nicomaque du début à
un renvoi au livre de la Genèse 30.
Cette méthode, qui n’étonne pas quand on la rencontre dans un
commentaire des Sentences, surprend en revanche dans un commentaire «cursif» de l’Écriture sainte ; et on remarquera à cet égard que,
dans les commentaires dont nous parlons, l’on peut compter dix renvois explicites au Philosophe et douze renvois explicites à Augustin.
2.2 Le commentaire des Sentences
Pour le commentaire au troisième livre des Sentences, nous avons
la chance de posséder une grande partie de l’autographe de Thomas et
aussi l’un des archétypes de la tradition universitaire, l’exemplar
conservé aujourd’hui à Pampelune. Cela nous permet d’étudier de
manière très précise la façon même dont Thomas a composé le commentaire des quatre Livres et comment se faisait au XIIIe siècle la publication des ouvrages de ce genre 31.
Quand frère Thomas d’Aquin s’appliqua à cet enseignement, la
méthode du commentaire sur le texte de Pierre Lombard était désormais fixée : l’étude de chaque partie commentée du texte des
Sentences ( lectio ) s’ouvre par la division de cette partie et se termine
par son exposition. Nous avons pu montrer ailleurs que la matière
d’une lectio enseignée pendant le cours correspond à une distinction
ou à une partie de celle-ci 32. La divisio textus et l’expositio textus
constituent ce qui reste de la façon originelle de commenter les
Sentences : cette façon consistait dans l’explication du texte du
Lombard, ce qui comportait parfois de brèves questions. Souvent, dans
l’expositio textus rédigée par Thomas, cette méthode a survécu ; mais,
243
entre la division du texte et cette explication, il est désormais coutume
d’introduire de vraies questions, subdivisées en articles. La façon de
faire a changé à la moitié des années quarante. La méthode primitive
est désignée par le mot « Glosa » et celle composée par Alexandre de
Halès en constitue un bel exemple 33. De ce même genre est le commentaire du premier maître dominicain qui enseigna les Sentences à l’université d’Oxford, en 1242 environ : Richard Fishacre 34. Le commentaire d’Eudes Rigaud, que l’on date des années 1240-1244, reste encore
très proche de cette méthode 35. En revanche, Albert le Grand, qui enseigne à Paris en même temps que Rigaud ou peu après, suit la façon nouvelle de commenter les Sentences, avec l’introduction de questions 36.
Cette méthode sera également suivie par Bonaventure et Thomas
d’Aquin 37. On peut constater une évolution parallèle à la faculté des
Arts : la Lectura in Librum de anima d’un maître anonyme des années
1245 atteste l’utilisation d’une méthode semblable à celle d’Albert le
Grand 38.
Cette évolution fait perdre progressivement de son importance au
texte du Lombard et accroît en revanche la place des élaborations théologiques et philosophiques contemporaines aux commentateurs.
Contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, cette évolution n’implique pas une perte d’intérêt pour l’autorité des écrits des Pères grecs
et latins ; et, en même temps, l’étude des ouvrages d’Aristote consacrés à la philosophie de la nature, à la psychologie et à la métaphysique assume un rôle capital dans l’élaboration théologique de certains
auteurs, notamment Thomas d’Aquin.
Pour se faire un idée des sources auxquelles Thomas recourt, on
peut se référer à l’«index of authorities» du Scriptum super Sententiis
dressé il y a vingt cinq ans par Charles Lohr 39 : bien que cet index se
fonde sur des éditions non critiques, qui ont parfois intégré dans le
texte de Thomas des passages inconnus à la tradition manuscrite, ce
relevé de citations permet cependant de se faire une idée générale des
écrits auxquels Thomas se réfère.
244
Aristote, par exemple, est présent avec 2304 citations environ, plus 63
renvois au Liber de Causis. On trouve 9 renvois à Socrate et aux
Socratici ; 32 à Platon et 5 aux Platonici ; 10 à Pythagore ou aux
Pitagorici ; Porphyre est cité 7 fois. Cicéron est cité 50 fois, plus 6 occurrences du commentaire au Somnium Scipionis de Macrobe ; Boèce est
cité 164 fois. Le Commentateur par antonomase, Averroès, a 177 références, tandis qu’Alexandre d’Aphrodise n’apparaît que dans 3 citations
indirectes. Algazel et al-Farabi comptent chacun 6 citations. Avicenne au
moins 170 citations. Avempace est présent avec 3 renvois. Les auteurs
juifs sont moins utilisés : le Fons uitae d’Avicebron apparaît 3 fois et
Moïse Maïmonide seulement 19 fois, Isaac 11 fois.
La présence massive d’Aristote ne doit pas étonner : l’ouvrage le
plus cité est l’Éthique à Nicomaque (946 références), que Thomas
connaissait bien, car, peu d’années auparavant, à Cologne, il avait aidé
Albert à rédiger son premier Commentaire 40. Cet ouvrage d’Aristote
n’est pas seulement utilisé pour déterminer des questions de théologie
morale : il nous semble, par exemple, que l’élaboration d’Aristote pour
établir que l’Éthique est une science a inspiré Thomas dans son élaboration du statut scientifique de la doctrina theologie dans son prologue
du commentaire des Sentences. La Physique, avec 309 renvois, est également fort présente, surtout dans le deuxième Livre, consacré à la
création. Si le De anima et les autres ouvrages de psychologie, pris
ensemble avec le De animalibus, totalisent environ 380 renvois, la
Métaphysique, à elle seule, en présente 354 environ. On peut encore
observer, à propos de Boèce, que les citations appartiennent surtout au
De consolatione et au De Trinitate, et que les écrits de logique ne sont
pas beaucoup cités.
Il est vrai qu’un relevé de ce type nous dit peu de la connaissance
directe des ouvrages cités ; cependant l’analyse systématique de toutes
les citations de la Métaphysique dans le commentaire au Ier livre des
Sentences, étude élaborée par Marta Borgo de l’École Normale
Supérieure de Pise, en collaboration avec la Commission Léonine, a
245
démontré le recours direct de Thomas au texte d’Aristote 41. Mlle M.
Borgo poursuit maintenant le travail en prenant en considération les
citations de la Physique. Quant à l’Éthique à Nicomaque, comme nous
l’avons déjà dit, nous sommes certains que Thomas en avait une
connaissance directe 42.
Pour la théologie, Augustin domine largement avec 1095 citations,
mais il faut noter qu’Ambroise totalise 97 citations, Jérôme 130 environ,
Hilaire de Poitiers 72, Léon le Grand 12, Isidore de Séville 41, Grégoire
le Grand 319. Le versant grec de la patristique, à cette époque de la
documentation de Thomas, est moins développé : Origène 14 renvois ;
Basile 14 citations ; Grégoire de Nysse et Némésius 12 citations ; Jean
Chrysostome 25 citations, plus 9 renvois à l’Opus imperfectum in
Matthaeum ; le Ps.-Denys l’Aréopagite 589 citations ; Maxime le
Confesseur 5 renvois ; Jean Damascène 264 citations environ.
Il faut aussi prendre en considération quelques auteurs plus récents :
Bède, qui est présent avec 24 citations, Anselme avec 82, Bernard avec
62, Hugues de Saint-Victor avec 90, Richard de Saint-Victor avec 30,
Prévôtin avec 9.
Finalement, si l’on compare le nombre des autorités tirées d’auteurs
non chrétiens et des ouvrages philosophiques de Boèce avec celui des
autorités provenant d’auteurs chrétiens, on trouve environ 3060 citations pour les premières et environ 3000 citations pour les secondes. Il
faut observer, cependant, que j’ai laissé de côté non seulement tous les
renvois à l’Écriture sainte, mais aussi ceux au Décret, qui contient
beaucoup d’extraits de Pères, et au Corpus de droit civil, parce que les
citations de ces deux ouvrages ne peuvent pas être situées a priori
parmi les citations philosophiques ou théologiques ; j’ai également
laissé de côté les renvois aux Sentences de Pierre Lombard, puisque cet
ouvrage est une compilation de sentences d’autres auteurs qu’il faudrait analyser une à une pour pouvoir les distribuer entre les deux catégories que nous avons établies. Quel est donc le résultat et l’utilité
246
d’une telle analyse ? À mon avis, même ces chiffres bruts suffisent à
donner une idée de l’ampleur des références doctrinales auxquelles
Thomas a prêté attention en rédigeant cet ouvrage de jeunesse.
L’ensemble des citations d’un auteur déterminé faites par Thomas a
parfois été étudié dans des articles spécifiques qui ont bien montré ce
que l’élaboration doctrinale de Thomas d’Aquin doit à ces devanciers.
À ce propos, je me bornerai à évoquer, une fois de plus, le rapport privilégié qui relie la doctrine de Thomas d’Aquin à celle d’Aristote et je
citerai ces lignes peu connues du P. R. A. Gauthier : «On a souvent cru,
on croit encore quelquefois que saint Thomas (à qui saint Albert a frayé
le chemin, mais à peine) s’est trouvé en face d’un Aristote brut, et pour
tout dire, quand il s’agit surtout du traité De l’âme, en face d’un
Aristote païen dont il a dû corriger le «matérialisme». Or, quand saint
Thomas, jeune étudiant, est arrivé à Paris en 1246-1247 (cf. S. Thomae
de Aquino, Opera Omnia, éd. Léon., t. XLVIII, App., p. xv-xvi), il a pu
suivre le cours de notre maître [c’est-à-dire l’Anonyme, dont le P.
Gauthier édite le commentaire au De anima ], ou un cours tout semblable : Aristote lui a été livré digéré et déjà tout chrétien. La tâche historique de saint Thomas n’a donc pas été de christianiser Aristote. C’était
fait, bien fait, trop bien fait même : l’Aristote des Artistes n’était pas
seulement un Aristote chrétien, c’était un Aristote platonicien. La tâche
historique de saint Thomas a donc été bien plutôt, autant que faire se
pouvait à une époque où les préjugés platoniciens étaient si forts, de
rendre à la philosophie d’Aristote sa pureté, et, surtout, de prendre
comme instrument de la réflexion théologique, non plus, comme
l’avait fait Augustin, l’éclectisme platonico-stoïcien, mais cet
Aristotélisme enfin retrouvé. Cette révolution, saint Thomas l’a faite.
Mais il n’aurait pu la faire si une génération de maîtres ès arts n’en
avaient préparé les voies» 43.
Ce texte est intéressant non seulement par la portée de son analyse
historique, mais aussi par la manière dont les rapports entre les écrits
d’Aristote et ceux de Thomas sont comparés.
247
Nous reviendrons ensuite sur quelques particularités doctrinales du
prologue des Sentences, mais il faut maintenant considérer les autres
ouvrages produits par Thomas dans le cadre de son enseignement universitaire.
2.3 Magister in sacra Pagina
2.3.1 Le commentaire «ordinaire» de la Bible en classe
Les tâches des professeurs universitaires, au Moyen-Âge, sont bien
décrites, comme chacun sait, par la célèbre triade de Pierre le Chantre,
dans son Verbum abbreviatum : legere, disputare, praedicare 44. Lire,
c’est-à-dire commenter la Bible, était certainement le devoir principal
d’un maître (à Paris, on désignait comme «ordinaire» le commentaire
d’un maître titulaire de chaire 45) ; il est cependant curieux que nous
ayons conservé relativement peu de commentaires bibliques dont la
rédaction définitive soit due aux maîtres eux-mêmes. Dans le cas de
Thomas d’Aquin, qui nous retient ici, il faut commencer par constater
que, à ce jour, nous ne savons pas quels sont les livres de la Bible qu’il
a commentés pendant sa première régence à Paris, de 1256 à 1259. En
revanche, nos sources situent dans sa seconde régence à Paris, de 1269
à 1272, un nombre de commentaires qui semble excessif pour une
période qui ne couvre même pas trois années ; il semble cependant
acquis que Thomas ait commenté à cette époque les évangiles de
Matthieu et de Jean et, probablement, une partie du corpus paulinien 46.
Ces commentaires nous ont été conservés : celui sur l’évangile de
saint Matthieu est arrivé jusqu’à nous dans deux reportations, qui sont
le fruit de notes prises pendant le cours. Le fait que cet ouvrage n’ait
pas été rédigé soigneusement, mais soit resté à l’état de la reportation
explique qu’il n’ait pas connu une grande diffusion. En revanche, le
commentaire sur l’évangile de saint Jean, lui aussi reporté, a été rédigé
avec plus de soin et cela a eu pour conséquence que non seulement le
commentaire a connu une large diffusion, mais, chose exceptionnelle
248
pour les commentaires scripturaires fruits de reportation, a aussi été
diffusé par le système de l’exemplar et des pecie 47. Cela s’explique par
la grande demande que ce commentaire doit avoir suscitée à Paris ; et
cela témoigne indirectement de la grande qualité de ce commentaire.
Les récentes traductions en langue française des commentaires par
Thomas des Épîtres aux Corinthiens, avec les remarquables introductions de Gilbert Dahan 48, nous permettent facilement d’apprécier le
talent exégétique de Thomas. En même temps, le fait que ces ouvrages
soient peu rédigés et qu’ils reflètent plutôt l’enseignement oral nous
permet de comprendre qu’ils aient été transmis jusqu’à nous à travers
une traditions textuelle compliquée 49.
2.3.2 Les questions disputées et les questions de quolibet
À l’université de Paris, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, un
maître pouvait soutenir deux genres de disputes : les unes, dont le sujet
était fixé à l’avance par lui-même, qui faisaient partie intégrante et
donc obligatoire de son enseignement ; les autres, dites quodlibétiques
et auxquelles ne s’exposaient que les maîtres particulièrement brillants
(ou qui s’estimaient tels), parce que le sujet (ou les sujets) était choisi
non à l’avance par le maître, mais par le public lors de la séance 50. Dans
le contexte des luttes entre clergé séculier et mendiants, un maître qui
décidait de soutenir des disputes de quolibet s’exposait à des discussions qui pouvaient devenir virulentes 51.
Nous conservons deux séries de questions disputées non quodlibétiques, soutenues par Thomas pendant son enseignement universitaire
parisien : les questions De veritate, disputées pendant la première partie de cet enseignement et les questions De malo, De virtutibus et De
unione Verbi incarnati pendant la deuxième 52. À l’exception des deux
dernières disputes (De virtutibus et De unione Verbi incarnati), ces
deux séries de questions sont désormais éditées dans la collection
Léonine des Opera Omnia et peuvent donc être étudiées aisément dans
un texte critique. Rappelons que, pour les questions De veritate, nous
249
conservons le manuscrit dicté par Thomas à un de ses secrétaires 53. Le
fait que Thomas se soit consacré à une rédaction soigneuse de ces
séries de questions montre l’importance que ce genre de textes revêtait
au XIIIe siècle. Cette importance était due, surtout, au fait que les disputes constituaient une circonstance majeure pour l’ensemble de la
communauté universitaire, qui était tenue d’y participer.
Nous conservons également deux séries de questions de quolibet soutenues par Thomas, l’une pendant la première régence, 1256-1259 :
Quodlibet VII-XI ; et l’autre pendant la deuxième régence, 1269-1272 :
Quodlibet I-VI et XII. Ces deux séries sont elles aussi éditées dans l’édition Léonine et sont donc accessibles dans un texte critique. De plus, les
apparats des sources sont d’une érudition admirable. Fixer la date de chaque Quodlibet a été très difficile et il y a parfois des divergences entre
spécialistes 54.
Parmi les sujets les plus disputés dans les Quodlibeta de Thomas, il
y a la question de la pauvreté, qui oppose les dominicains aux franciscains ; mais il y a surtout la querelle entre séculiers et mendiants, à propos de la vie religieuse et de la possibilité pour les religieux de dispenser un enseignement, en particulier à l’université.
2.3.3 Frère Thomas prédicateur et pédagogue
Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, dans les études médiévales,
on a probablement sous-estimé l’importance, en tant qu’enseignement,
de l’acte de prédication d’un maître régent de l’université de Paris. On
est bien conscient désormais que les textes des sermons peuvent nous
livrer des connaissances historiques auxquelles on aurait difficilement
accès autrement 55. Il faut aussi étudier la prédication en tant que fait
historique en lui-même 56. Pour ces raisons, je m’arrête un peu plus
longuement sur ce sujet, en présentant un important sermon de Thomas
d’Aquin : Puer Iesus proficiebat.
250
La prédication universitaire était un acte qui faisait partie de l’enseignement dispensé ordinairement à l’université de Paris. C’est donc
un moment de la vie intellectuelle et religieuse d’une université qui, à
Paris, est une communauté de clercs.
Tous les maîtres étaient tenus à prêcher ; quelques maîtres ont cru
important de recueillir leurs sermons : dans ce cas, les notes que les étudiants prenaient durant le sermon ( reportationes ) étaient ensuite rédigées et données au maître qui, à partir d’elles, préparait son recueil 57.
L’édition des sermons de Thomas d’Aquin, qui sera publiée prochainement dans la collection de la Léonine par les soins du P. L. J.
Bataillon, nous apprend que Thomas n’a pas préparé un recueil de ses
sermons universitaires. Nous connaissons un peu moins de vingt sermons universitaires de Thomas, attestés chacun par un maximum de
trois manuscrits 58.
Un de ces sermons, qui a comme thème « Puer Iesus proficiebat
etate et sapientia et gracia apud Deum et homines », a été prêché le
premier dimanche après l’Épiphanie pendant la seconde régence à
Paris (1269-1272) 59. Thomas dit explicitement, dans le prologue du
sermon, qu’il s’adresse aux jeunes, à qui il veut proposer en exemple
le progrès du Christ adolescent : « adolescentia Christi adolescentibus
proponitur in exemplum ... ad exemplum adolescentum proponitur profectus Christi » (ed. Leon., u. 10-14). Ces jeunes auxquels il s’adresse
sont des étudiants, auxquels il donne plusieurs conseils sur leurs études, mais avant tout il leur donne des conseils sur comment grandir. Il
leur indique en premier lieu que l’homme doit grandir dans sa totalité,
corps et âme ; il invite ensuite ces jeunes à surveiller leur croissance et
à s’employer à trouver les moyens de corriger d’éventuelles déficiences : «Celui dont un pied se développerait et pas l'autre mettrait tout
son zèle à trouver un médecin qui ferait se développer l'autre pied. La
même chose pour toi : ton corps grandit en proportion de ton âge, tu
dois faire attention à ce que ton esprit grandisse aussi conformément à
251
ton âge. (Qui in uno pede cresceret et non in alio, totum studium poneret in medico quod cresceret similiter in alio pede. Similiter qui crescis etate corporis, debes ponere totum studium tuum ut crescas etiam
etate mentis)» (u. 124-128). Ensuite il leur indique qu’«acquérir» Dieu
et ses biens ( Deum et bona celestia [lucrari] ) est la chose la plus
importante de toutes ; comme on est attentif à ne pas perdre une heure
de leçon qu’on juge utile, il ne faut pas rater le temps opportun pour se
convertir à Dieu. L’expression lucrari Deum est très forte et exprime
bien cette primauté du rapport de l’homme à Dieu et du fidèle au
Christ ( Christum lucrari : Super Ad. Philip. 3, lc. 2), qui est une
constante de l’anthropologie théologique de Thomas d’Aquin 60.
Le passage que nous allons citer maintenant nous semble bien illustrer la méthode dont Thomas usait en s’adressant aux étudiants : « Il est
dommage de grandir selon le corps mais pas selon l'esprit. Tu diras peutêtre : Je suis jeune, je veux m'amuser durant ma jeunesse ; quand je serai
vieux, je me tournerai vers le Seigneur. Sûrement tu te prépares là une
bien lourde entreprise. Ce à quoi l’homme s’habitue dès sa jeunesse lui
est facile : il est facile, en effet, à un paysan de travailler dans les champs
parce qu'il en a l'habitude, alors que c'est bien difficile pour toi. ( Item
crescere etate corporis non mentis est laboriosum. Sed dices : ‘‘Iuuenis
sum ; uolo ludere in iuuentute mea ; cum ero senex conuertam me ad
Dominum’’. Certe committis te magno labori : quod homo assuescit a
iuuentute sua facile est ei ; quod patet quia facile est rustico in campo
laborare quia consueuit, quod tibi est difficile’’ (u. 164-170). Ces mots
expriment une attitude d’esprit du frère Thomas : celle de se mettre à la
place de son interlocuteur 61. Pas de menaces aux adolescents, mais
l’invitation à prendre conscience de leur responsabilité devant Dieu :
« ‘Réjouis-toi, jeune homme, de ta jeunesse. [Suis les voies de ton cœur
et les désirs de tes yeux !] Mais sache que sur tout cela, Dieu te fera
venir en jugement’ [Eccl. = Qo 11,9] ( Letare iuuenis pro adolescentia
tua ; scitote [!] quod pro hiis adducet te Dominus in iudicio ) » ; pourtant au moment du jugement «ne désespère pas de la miséricorde de
Dieu ( noli desperare de Dei misericordia ) » (u. 193-199).
252
Après avoir encouragé les jeunes auditeurs à prendre conscience de
leur devoir de progresser dans leur éducation globale, il leur indique
quelques moyens pour progresser. Il fait cela d’une façon extrêmement
discrète : «Comment grandit-on en esprit ? Sûrement quand on grandit
en sagesse et en grâce. … Parmi les effets de la grâce, aucun ne se
remarque davantage que la paix (Quomodo crescit homo mente ? Certe
quando crescit sapencia et gracia. ... Inter autem omnes effectus gracie, nullus est ita manifestus sicut pax ) » (u. 202-210). Ensuite il présente quatre conditions pour que cette paix soit vraie, et il opère ainsi
une sorte d’éducation indirecte, discrète, dans un contexte qui est, rappelons-le, celui des luttes entre clercs séculiers et frères mendiants.
Dans ce sermon, Thomas d’Aquin nous apparaît avant tout comme
un éducateur des adolescents à une vie humaine et religieuse épanouie.
Dans la deuxième partie du sermon, il s’applique à élucider comment
on progresse dans la sagesse et dans les rapports humains ( profectus
conversationis humane ).
À propos de cette deuxième partie du sermon, qui est la « collatio »
de l’après-midi, nous observerons deux choses. Premièrement, Thomas
dit que «De même que le progrès en grâce se montre par la paix, de
même le progrès en sagesse se montre par la contemplation ( sicut profectus gracie ostenditur in pace, ita profectus sapiencie in contemplatione ) » (u. 338-339). Cela pourrait étonner des lecteurs de Thomas au
XXIe siècle, pour lesquels le mot contemplatio désigne plutôt quelque
chose de caché, de secret. En revanche, pour Thomas ce mot a une vaste
ampleur et il désigne une opération de l’intelligence qui va de la recherche scientifique jusqu’à l’adoration et qui, dans la mesure où elle atteint
sa fin, est source de joie : gaudium de veritate.
Nous arrivons ainsi à la deuxième observation, à propos des
conseils que Thomas donne aux étudiants pour bien accomplir leurs
études. Ce sont des conseils pour pratiquer la contemplatio : «Pour progresser en sagesse, il faut quatre choses : écouter volontiers, chercher
253
avec soin, répondre avec circonspection et méditer attentivement ( Ad
hoc autem quod homo proficiat in sapiencia, quatuor sunt necessaria,
scilicet quod libenter audiat, diligenter inquirat, prudenter respondeat
et attente meditetur )» (u. 356-359). L’exposition de ces lignes directrices commence par un petit adverbe qui révèle encore une fois la caractéristique de la pédagogie de Thomas : il faut écouter volontiers, il faut
écouter avec joie, il faut cultiver en soi-même l’envie d’écouter ( libenter audiat ). Les étudiants sont avant tout les auditeurs des enseignants
et c’est donc à ce propos que Thomas donne des conseils pratiques :
«Mais comment faut-il écouter ? Certainement avec persévérance.
Certains veulent écouter une leçon en passant, mais ne s'y attachent pas
… Un seul professeur n'est pas compétent en toute matière. Saint
Grégoire savait tirer les leçons morales, saint Augustin résoudre les
problèmes, saint Ambroise découvrir les sens allégoriques … Ce que
tu n'apprends pas d'un de tes maîtres, tu l'apprends d'un autre. Je ne veux
pas dire que je crois bon pour ceux qui débutent dans un domaine de
suivre plusieurs maîtres : ils doivent d’abord en suivre un seul, mais,
une fois formés, il leur faut en écouter plusieurs pour cueillir chez chacun ce qui est profitable. ( Sed quomodo debes audire ? Certe perseueranter. Quidam unam lectionem uolunt audire in una sciencia transitorie ; non ponunt ibi cor. [...] Sed unus [docens] non est perfectus in
omnibus. Beatus Gregorius optime sciuit moralitates, beatus
Augustinus questiones soluere et beatus Ambrosius optime allegorizauit. Quod non addiscis ab uno, addiscis ab alio, [...]. Quod non narrat unus, narrat alius. Non dico quod credam utile esse quod qui incipiunt primo audire scientiam aliquam [quod] diuersos audiant, sed
debent audire unum quousque sint fundati, et cum sint fundati, audiant
diuersos ut possint carpere flores ex diuersis, id est que sunt utilia ) »
(u. 370-391).
La contemplatio doit être libre et critique, et pour cela Thomas rappelle aux étudiants : «Quelques-uns adoptent les opinions des maîtres
du seul fait qu'ils ont suivi leurs cours, mais personne ne doit avoir
d'ami quand il s'agit de la vérité : on ne doit adhérer qu'à la vérité, car,
254
dit le Philosophe, la divergence d'opinion ne nuit pas à l'amitié . (Aliqui
sequuntur opinionem magistrorum quia audiunt eos ; sed nullus debet
habere amicum in ueritate sed solum debet ueritati adherere, quia dicit
Philosophus quia discordia in opinionibus non repugnat amicicie ) »
(u. 398-401).
La contemplatio doit être ouverte et toujours en quête : «Tu ne dois
pas te contenter d’interroger ceux que tu peux rencontrer, mais tu dois
interroger les anciens et ceux qui ne sont pas présents. Si tu es limité
quant aux personnes que tu peux rencontrer, tu n’es pas limité quant
aux livres. ( Item non solum debes esse contentus ut interroges presentes, sed debes interrogare antiquos et absentes. Si non habes copia
quantum ad personas, habes tamen quantum ad scripta ) » (u. 429432). Voici une invitation concrète à la lecture.
La recherche doit confronter et vérifier les idées avec le réel : « Mais
tu ne dois pas seulement te contenter des personnes et des écrits, mais
tu dois aussi prendre en considération le monde créé, car il est dit dans
l'Ecclésiastique : Dieu a répandu sa sagesse dans toutes ses œuvres. (Item
non solum sufficit quod ipsos interroges uel etiam scripta, sed debes
considerare in consideratione creaturarum, quia dicitur in Ecclesiastico :
Deus effudi sapienciam suam super omnia opera eius ) » (u. 437-441).
L’étudiant n’est pas un auditeur passif, mais il doit élaborer les connaissances qu’il acquiert.
Et finalement, ce processus d’acquisition de la sagesse exige ( est
debitum ) la communication et le dialogue : «le meilleur moyen de
progresser dans le savoir, c’est de communiquer aux autres ce qu’on
sait ( nullus ita bene potest proficere in scientia sicut in communicando aliis quod ipse scit )» (u. 448-450).
Après avoir développé la dimension de l’écoute jusqu’à la communication, Thomas donne encore des conseils pratiques à propos de la
façon de répondre, ce qui dans l’organisation de l’université médiévale
255
était un acte institutionnel ; ces considérations sont adressées à l’étudiant qui doit répondre aux interrogations, mais elles sont également
valables pour le bachelier et le maître, qui doivent répondre dans les
disputes. À ce propos je cite seulement une belle expression de
Thomas : «La réponse doit être appropriée à la question, ne pas valoir
par le clinquant des mots, mais par le fait qu’elle répond effectivement
à ce qui est demandé ; autrement ce n’est que du vent ( responsio sit
proportionata questioni, ut sit non cum faleris uerborum sed ad questionem ; aliter esset responsio uentosa ) » (u. 476-478).
Les indications pour bien mener la vie en société ne sont pas moins
concrètes. Thomas dit que les conseils que l’on pourrait tirer du passage de l’évangile pris comme thème du sermon pourraient concerner
à la fois les prélats et leurs sujets ; cependant, puisque dans l’auditoire
il y a plus de sujets que de prélats, il se bornera à évoquer les conseils
pour que les sujets, donc les étudiants, puissent bien progresser. Cette
observation a aussi le ton d’une critique adressée aux prélats, dans la
période, déjà évoquée, de lutte recrudescente entre clercs séculiers et
frères mendiants.
Ces conseils pour les jeunes étudiants consistent dans la pratique de
la piété, de la pureté, de l’humilité et de la discrétion. La piété nous
permet de nous mettre au niveau de notre interlocuteur ( descendere
per pietatem ad proximum, u. 541). La pureté nous permet de condescendre aux autres dans le bien, à l’imitation du Christ (à la différence
de ceux qui condescendunt aliis, sed nimis, quia usque ad peccatum,
u. 542-543) : il faut remarquer que frère Thomas ne se préoccupe pas
de blâmer les comportements impurs, mais plutôt qu’il recommande
une juste mesure dans la condescendance. L’humilité permet de se
consacrer à l’étude, en évitant de concentrer ses énergies pour devenir
prélats. Le dernier conseil est celui de la discrétion dans l’obéissance :
il faut obéir aux prélats seulement en ce qui est bon ; et donc il faut pratiquer le discernement des ordres que l’on reçoit. Ce conseil évoque un
article de la Somme de théologie, où Thomas rappelle, à ceux qui sont
256
soumis à une quelque obéissance, qu’en ce qui concerne le mouvement
intérieur de la volonté l’homme n’est pas tenu d’obéir aux hommes,
mais à Dieu seul ; et il en est de même pour ce qui concerne la nature
du corps humain, parce que par nature tous les hommes sont égaux 62.
Ce dernier conseil est encore une invitation aux étudiants à agir avec
responsabilité.
On peut terminer cette analyse par les considérations que le P. L. J.
Bataillon a écrites dans l’introduction (à paraître) de l’édition de ce sermon : « [...] le développement pédagogique [du sermon Puer Iesus ] est
original et d’un très grand intérêt. Je ne connais pas d’autre cas de sermon donnant des conseils un peu précis pour bien mener les études».
3. Les réponses de Thomas à des demandes d’expertise et sa conception du rapport entre la science philosophique et la doctrina fidei
Après avoir présenté le parcours universitaire de frère Thomas et les
différents ouvrages qui sont le fruit de son enseignement académique,
il faut, en troisième lieu, considérer deux tâches auxquelles Thomas se
livra pendant qu’il était professeur à l’université : les commentaires à
Aristote et les réponses données à différentes questions qui lui étaient
posées en tant qu’expert.
L’œuvre monumentale réalisée par Thomas en commentant les
écrits d’Aristote peut bien se comprendre si nous nous rappelons ce
que R. A. Gauthier écrit à propos de la manière dont Thomas interpréta
Aristote : «La tâche historique de saint Thomas a donc été [...], autant
que faire se pouvait à une époque où les préjugés platoniciens étaient
si forts, de rendre à la philosophie d’Aristote sa pureté». Et cela permet aussi de mieux comprendre les raisons multiples qui ont conduit
Thomas à commenter Aristote : d’une part, comme l’avait bien relevé
le P. R.-A. Gauthier, le commentaire de certains ouvrages du
Philosophe lui permet de réfléchir et d’écrire certaines parties de sa
Somme de théologie (le commentaire au De anima est écrit parallèle-
257
ment à l’anthropologie de la I Pars et le commentaire à l’Ethica
Nicomachea est réalisé parallèlement à la IIa Pars ) 63 ; mais, d’autre
part, c’est en connexion avec la faculté des Arts (de Philosophie,
dirions-nous) que Thomas commente des œuvres logiques d’Aristote
et il avait peut-être même commencé à réaliser un corpus de commentaires aux écrits d’Aristote pour faire concurrence à celui du
Commentator 64.
Je laisse de côté ce domaine bien vaste et débattu, pour attirer, en
revanche, l’attention sur une des expertises auxquelles Thomas répond
au cours de son deuxième enseignement à Paris. La composition
d’opuscules sur différents sujets constitue une part non négligeable de
l’activité de Thomas. Celui que je commente brièvement peut être daté
avec précision : 2 avril 1271, jeudi saint. Il s’agit de la Responsio ad
magistrum Ioannem de Vercellis de quadraginta tribus articulis. Cette
réponse est précédée par une lettre de Thomas au maître de l’Ordre des
Frères Prêcheurs, Jean de Verceil, dans laquelle il se plaint de devoir
répondre à ces questions ( articuli ) sans savoir les raisons pour lesquelles ces articles sont affirmés ou contredits ( asseruntur uel impugnantur ) : dans ce cas, il dit, j’aurais pu répondre plus adéquatement à l’intention de celui qui me soumet ces questions ( potuissem magis intentioni dubitantium respondere ) 65.
Il continue sa lettre en disant qu’il a répondu du mieux qu’il l’a pu,
mais il déclare avant tout que plusieurs de ces articles ne concernent pas
la doctrine de foi ( fidei doctrinam ), mais la philosophie ( philosophorum dogmata ). Et : «Il est très dommageable d'affirmer ou refuser
comme relevant de la doctrine sacrée ce qui ne la concerne pas. ( Multum
autem nocet talia que ad pietatis doctrinam non pertinent uel asserere
uel negare quasi pertinentia ad sacram doctrinam )». Il cite, ensuite,
deux longs passages de saint Augustin, et il conclut la lettre en disant :
«Il me semble plus sûr que les choses que la plupart des philosophes
pensent et qui ne contredisent pas notre foi, même quand elles sont
introduites sous le nom de philosophie, ne soient pas affirmées comme
258
dogmes de foi ou rejetées comme contraire à la foi, de peur de fournir
aux sages de ce monde une occasion de mépriser la doctrine chrétienne.
( Unde mihi videtur tutius esse ut huiusmodi que philosophi communiter
senserunt et nostre fidei non repugnant neque sic esse asserenda ut dogmata fidei, etsi aliquando sub nomine philosophorum introducantur ;
neque sic esse neganda tamquam fidei contraria, ne sapientibus huius
mundi contemnendi doctrinam fidei occasio prebeatur )» 66.
À la fin de plusieurs réponses, on trouve des observations de ce
genre : par ex., dans la réponse au septième article nous lisons : « Et,
ut breuiter dicam, omnes predicti articuli uel parum uel nichil faciunt
ad doctrinam fidei, sed sunt penitus philosophici » ; à l’article quarante : « Sed hoc nichil ad doctrinam fidei pertinet nec asserere nec
improbare » 67.
Je veux en citer une surtout qui me semble très importante. Le problème concernait l’interprétation qu’Averroès donne d’un passage
d’Aristote et Thomas répond : « Nec uideo quid pertineat ad doctrinam
fidei qualiter uerba Philosophi exponantur » 68. L’attitude de Thomas
vise à sauvegarder l’indépendance des domaines et des disciplines :
l’interprétation historique du Philosophe ne concerne pas en tant que
telle la réflexion théologique. Il ne s’agit certainement pas d’interdire
à la foi de s’exprimer, mais il est évident que, pour Thomas, il ne peut
pas y avoir confusion entre le domaine philosophique et le domaine
théologique, l’objet formel de l’un et l’objet formel de l’autre, pour le
dire avec les mots de l’École 69.
D’autre part, la conclusion de cette lettre ne permet aucun doute :
«Telles sont, mon Révérend Père, les choses que je pense en ce
moment devoir répondre aux articles que vous m’avez transmis, bien
que beaucoup d'entre eux soient hors des limites de la faculté de théologie, mais, conformément à vos ordres, je me suis fait un devoir de
faire ce que l'exercice de ma charge ne demandait aucunement. ( Hec
sunt, Pater reuerende, que michi respondenda occurrunt ad presens
259
articulis a uobis transmissis, quamuis plures eorum sint preter limites
theologice facultatis ; sed ex uestra iniunctione factum est michi debitum quod proprii officii professio nullatenus requirebat )» 70.
Cette claire distinction que Thomas affirme avec force dans ces
mots, écrits dans les dernières années de sa vie, était déjà très claire au
début de son enseignement à l’université.
Comme je l’ai dit plus haut, je reviens à la fin de cet article, au prologue du commentaire des Sentences. Dans le premier des cinq articles
qui déterminent la théorie de la doctrina theologie, il parle de la relation
de la théologie avec les autres sciences 71. S’il est vrai qu’il affirme que
celles-ci sont au service de la doctrina theologie, il évite cependant
d’appeler la théologie, domina ou regina, parce qu’il conçoit la théologie comme science subalternée à la science de Dieu et des bienheureux.
On met parfois en doute que c’est pour cette raison que Thomas
évite cette appellation de la théologie et l’on dit que, s’il évite d’appeler la théologie domina, il appelle cependant les autres sciences ancillae. Cette désignation des autres sciences comme ancillae n’apparaît à
vrai dire qu’en un seul endroit, à notre connaissance, dans les écrits de
Thomas, dans la première question de la Somme de théologie 72. Il est
certain que Thomas considère toutes les sciences philosophiques, les
sciences humaines, dirions-nous, au service de la doctrina theologie.
Mais précisément pour que ces sciences puissent être utiles à la théologie, il est nécessaire qu’elles cherchent à atteindre leur propre fin,
selon leur propre méthode et qu’ainsi elles offrent à la théologie leurs
conclusions 73. Ces sciences ne sont pas des sciences subalternées à la
théologie quant à leurs principes ; elles gardent donc, dans leur fonctionnement, leur indépendance par rapport à la théologie ; le contrôle
que la docrina fidei peut exercer sur elles est un contrôle «externe» 74.
Thomas d’Aquin le sait bien et pour cette raison il se justifie d’avoir
franchi les limites theologice facultatis et il semble bien en vouloir un
peu au Maître de l’Ordre qui l’y a obligé. Cela montre en même temps
260
que Thomas est bien conscient de sa fonction de professeur universitaire, charge dont nous avons cherché à mettre en valeur quelques
aspects.
Notes
Cf. F. SCANDONE, « La vita, la famiglia e la patria di S. Tommaso », in S.
Tommaso d’Aquino O. P. Miscellanea storico-artistica, [ed. I. TAURISANO],
Roma, 1924, p. 46-51. - Je remercie vivement les PP. L. J. Bataillon et D. Ols
qui ont accepté de relire cet article et qui m’ont fait profiter de leurs conseils.
2
S. TUGWELL, «The Life and Works of Thomas Aquinas», in Albert &
Thomas, New York, 1988, p. 201-203.
3
Cf. F. DELLE DONNE, «La fondazione dello Studium di Napoli: note sulle
circolari del 1224 e del 1234», in Atti della Accademia Pontaniana, N.S. 42
(1993) 179-197, spéc. l’édition de la lettre de 1234, p. 196-197.
4
M. DUNNE, «The Person of Peter of Ireland», in Magistri Petri de Ybernia,
Expositio et Quaestiones in Aristotelis Librum de longitudine et brevitate
vitae, (ex. cod. Vat. lat. 825, ff. 92r-102r), Louvain-laNeuve, 1993, p. 1-9.
5
A. A. ROBIGLIO, « ‘‘Neapolitan Gold’’ : A Note on William of Tocco and
Peter of Ireland », in Bulletin de philosophie médiévale, 44 (2002) p. 107-111 ;
ID., « ‘Et Petrus in insulam deportatur’. Concerning Michael Dunne’s opinion
on Peter of Ireland», ibid., 46 (2004) p. 1-4. V. aussi la réponse de Dunne à la
première note de Robiglio : M. W. DUNNE, «Concerning ‘‘Neapolitan Gold’’ :
A Note on William of Tocco and Peter of Ireland . A Response to Andrea
Robiglio», ibid., 45 (2003) 61-65.
6
Cf. S. TUGWELL, «The Life...», p. 204-207 ; 1242 est la date que les
anciens biographes semblent indiquer pour la prise d’habit de Thomas.
7
Cf. J.-P. TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne et son
œuvre. 2e édition 2002 revue et augmentée d’une mise à jour critique et bibliographique, Paris, 20022, p. 28.
8
Cf. J.-P. TORRELL, Initiation..., p. 29-30, mais aussi p. 33-36.
9
À propos de l’enseignement à l’université de Paris, il faut toujours partir de :
O.WEIJERS, Terminologie des universités au XIIIe siècle, Roma, 1987 ; ID., Le
maniement du savoir. Pratiques intellectuelles à l'époque des premières
Universités (XIIIe-XIVe siècles), Turnhout, 1996 ; pour la faculté de théologie :
L. SILEO, «Università e teologia», dans : Storia della teologia nel Medioevo,
dir. par G. D'ONOFRIO t. II : La grande fioritura, Casale Monferrato, 1996,
1
261
p. 471-550. V. aussi : L.-J. BATAILLON, «Les conditions de travail des maîtres de l’université de Paris au XIIIe siècle», RSPT, 67 (1983), p. 417-432 ; ID.,
«Il lavoro intellettuale al tempo di san Tommaso», dans Studi 1996, Roma
1996, p. 13-21.
10
A. OLIVA, Les débuts de l’enseignement de Thomas d’Aquin et sa conception de la sacra doctrina. Avec l’édition du prologue de son Commentaire des
Sentences, (Bibliothèque Thomiste 58), Paris, J. Vrin, 2006, p. 207-2245.
11
Cf. Cartularium Universitatis Parisiensis, I, n. 200, p. 226-227 ; et aussi A.
OLIVA, Les débuts..., p.210-213. Le document de 1252 a été très bien étudié
dans : J. VERGER, «Le conflit entre séculiers et mendiants à l’Université de
Paris dans les années 1250 : une affaire de pouvoir ?», dans les Actes du
Symposium l’université catholique au Moyen-Âge, p. 125-140, FIUC, Paris,
2007.
12
Cl. ANGOTTI, «Les débuts du Livre des Sentences comme manuel de théologie à l’Université de Paris», dans les Actes du Symposium l’université catholique au Moyen-Âge, p. 57-124, FIUC, Paris 2007
13
Cf. A. OLIVA, Les débuts..., p.164-166.
14
Cf. TH. KAEPPELI, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, Romae
1970, t. I, p. 363.
15
À propos de cette étape de la vie de Thomas, v. J.-P. TORRELL, Initiation...,
p. 73-78.
16
Pour l’étude de cette querelle il faut désormais se référer à : J. VERGER,
«Le conflit entre séculiers et mendiants à l’Université de Paris dans les années
1250 : une affaire de pouvoir ?», dans les Actes du Symposium l’université
catholique au Moyen-Âge, p. 125-139, FIUC, Paris, 2007.
17
J.-P. TORRELL, Initiation..., p. 109-139.
18
M.-H. LAURENT, «Documenta», dans Fontes Vitae S. Thomae de Aquino,
fasc. VI, Saint-Maximin, 1937, p. 579-580.
19
«Studium generale theologie quantum ad locum et personas et numerum
studentium committimus plenarie fr. Thome de Aquino. Studium artium ponimus in conventu Pisano, ubi leget fr. Ricculdus Florentinus, cuius studium
deputamus etc.» (TH. KAEPPELI et A. DONDAINE, Acta Capitulorum provincialium Provinciae Romanae (1243-1344), Romae, 1941, p. 39).
20
Cf. Cartularium Universitatis Parisiensis, I, n. 443, p. 501-502.
21
Le 27 décembre 1269, l’abbé du Mont-Cassin, Bernard Ier Ayglier, en considération de l’amitié qui l’unit au fr. Thomas d’Aquin et au fr. Troiano, concède
aux frères Prêcheurs de pouvoir construire un couvent à San Germano (v. M.H. LAURENT, «Documenta», dans Fontes..., p. 571-572) ; en mars 1272, l’ar262
chevêque de Salerne, Matthieu della Porta, en considération de l’amitié qui le
lie au fr. Thomas d’Aquin, donne aux frères Prêcheurs, en vue d’y établir un
couvent, l’abbaye de Saint-Paul de Palearia (M.-H. LAURENT,
«Documenta», dans Fontes..., p. 573-574).
22
Trois documents émanant de la chancellerie du roi de Sicile, Charles Ier
d’Anjou, attestent que frère Thomas d’Aquin a dû s’occuper pendant un certain temps à régler les problèmes de succession posés par cet héritage (M.-H.
LAURENT, «Documenta», dans Fontes..., p. 575-579).
23
Cf. le témoignage de certains manuscrits des Postille super Lucam : B. G.
BOUGEROL, Introduction à Saint Bonaventure, p. 170-180 ; on peut voir
également la description des manuscrits donnée par les éditeurs de Quaracchi,
“Prolegomena”, dans S. Bonaventurae, Opera Omnia, ed. Quaracchi, t. 7, p.
IX-XI ; de même, la discussion dans : TH. REIST, Saint Bonaventure as a
biblical commentator. A translation and Analysis of his Commentary on Luke,
XVIII,34 - XIX, 42, Lanham-New York-London, 1985, p. 68-70. À propos de
ce Commentaire, il faut lire l’introduction à la traduction italienne : B. FAES
DE MOTTONI, “Introduzione” a San Bonaventura, Commento al Vangelo di
San Luca / 1, (1-4), (S. Bonaventurae Opera, t. IX/1), Roma, 1999, p. 7-26.
24
P.-M. GILS, «Les Collationes marginales dans l'autographe du
Commentaire de S. Thomas sur Isaïe», in RSPT 42 (1958), p. 255.
25
Ibid., p. 264, n. 39.
26
J.-P. TORRELL - D. BOUTHILLIER, «Quand saint Thomas méditait sur le
prophète Isaïe», in RT 98 (1990), p. 5-47, repris dans : ID., Recherches thomasiennes : Études revues et augmentées, Paris, 2000, p. 242-281. D. BOUTHILLIER, «Le Christ en son mystère dans les collationes du Super Isaiam
de Thomas d'Aquin», in Ordo sapientiae et amoris. Image et message de saint
Thomas d'Aquin à travers les récentes études historiques, herméneutiques et
doctrinales. Hommage au professeur Jean-Pierre Torrell OP à l'occasion de
son 65e anniversaire, éd. C.-J. PINTO DE OLIVEIRA, Fribourg (Suisse),
1993, p. 37-64. ID., «Splendor gloriae Patris : Deux collations du Super
Isaiam de S. Thomas d'Aquin», dans Christ among the Medieval Dominicans.
Representations of Christ in the Texts and Images of the Order of Preachers,
ed. K. EMERY, Jr., J. WAWRYKOW, Notre Dame, Indiana , 1998, p. 139-156.
27
V. aussi : H.-F. DONDAINE et L. REID, «Préface » in : THOMAE DE AQ.,
Opera Omnia, Expositio super Isaiam ad litteram, ed. Leonina (ed. Leon.,
dorénavant) t. 28, Roma, 1974, p. 20*, n. 7.
28
«Et apprehendent septem mulieres [uirum unum in die illa...]. Sed ex hoc
uidetur quod sit licitum habere plures uxores, quia Dominus numquam conso263
latur per illicitum. Praeterea, omne peccatum est innaturale ; sed habere unum
uirum plures uxores est naturale, quia unus potest fecundare plures. - Ad quod
dicendum quod, sicut dicit Philosophus, coniunctio maris et femine in hominibus non est tantum propter generationem, sicut in brutis, sed etiam ad commodum uite : unde et maris et femine sunt diuerse operationes in quibus auxiliantur sibi inuicem» (THOMAE DE AQ., Super Isaiam, c. 4 [ed. Leon., t. 28,
p. 33, u. 1 et 28-38]).
29
«Et adhuc magis impedit communem uitam, quia perfecta amicitia qualis
est inter uirum et uxorem, propter quam etiam homo patrem et matrem derelinquit, Gen. II24, non potest esse ad multas» ( ibid. [p. 33, u. 64-68]).
A propos de l’application de citations et d’axiomes philosophiques en théologie, on peut voir : D. OLS, Le Cristologie contemporanee e le loro posizioni
fondamentali al vaglio della dottrina di S. Tommaso, Città del Vaticano, 1991,
p. 125-136.
31
P.-M. GILS, «Textes inédits de S. Thomas : Les premières rédactions du
Scriptum super Tertio Sententiarum », in RSPT, 45 (1961), p. 201-228 ; 46
(1962), p. 445-462 et p. 609-628 ; ID., «Codicologique et critique : Pour une
étude du ms. Pamplona, Catedral 51», in Scriptorium, 32 (1978), p. 221-230 ;
ID., «S. Thomas écrivain», dans : S. THOMAE DE AQ., Opera Omnia, Super
Boetium de Trinitate. Expositio libri Boetii De ebdomadibus, ed. Leon., t. 50,
Roma - Paris, 1992, p. 175-209. À propos de la production libraire au moyen
âge, v. : “La production du livre universitaire au Moyen-Age, exemplar et
pecia”. Actes du Symposium tenu au Collegio San Bonaventura de
Grottaferrata en mai 1983, textes réunis par L.-J. BATAILLON, B.G. GUYOT
et R.H. ROUSE, Paris, 1988 ; R. H. ROUSE & M. A. ROUSE, Manuscripts
and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500,
London, 2000, 2 voll.
32
V. A. OLIVA, Les débuts..., p. 225-241.
33
À propos de l’enseignement des Sentences à la faculté de théologie de Paris
on peut voir : F. DEL PUNTA-C. LUNA, «La teologia scolastica» dans Lo
Spazio letterario nel medioevo. 1. Il medioevo latino, vol. 1, t. 2, p. 323-353 ;
et, pour avoir une vue d’ensemble sur l’enseignement des Sentences, v. : P.
GLORIEUX, «Sentences», Dictionnaire de théologie catholique, t. 14/2,
1941, col. 1860-1884.
34
Il faut placer son enseignement des Sentences après 1241 et avant 1246 : cf.
R. J. LONG and M. O’CAROLL, The Life and Works of Richard Fishacre OP.
Prolegomena to the Edition of his Commentary on the Sentences, München,
30
264
1999, p. 39-46.
35
La lecture des Sentences par Eudes Rigaud doit être placée entre 1240 et
1244 ; on pourrait même préciser, selon L. Sileo, entre 1240 et 1242 : L.
SILEO, Teoria della scienza teologica. «Quaestio de scientia theologiae» di
Odo Rigaldi e altri testi inediti (1230-1250), Roma, 1984, vol. 1, p. 90-93.
36
V. J. A. WEISHEIPL, “Life and Works of St. Albert the Great”, dans
Albertus Magnus and the Sciences. Commemorative Essays 1980, Toronto,
1980, p. 21-22 ; pour la chronologie des œuvres : H. ANZULEWICZ, De
forma resultante in speculo des Albertus Magnus. Handschriftliche Überlieferung, Literargeschichtliche und Textkritische Untersuchungen, Textedition,
Übersetzung und Kommentar, Münster, 1999, t. I, p. 6-17.
37
On s’accorde à fixer la lecture des Sentences par Bonaventure en deux
années, de 1250 à 1252. Pour la chronologie de Bonaventure, on peut voir J.
G. BOUGEROL, Introduction à saint Bonaventure, Paris, 1988. La lecture en
classe des Sentences par Thomas doit être fixée de 1252 (ou 1253) à 1254 (ou
1255 au plus tard) : cf. A. OLIVA, Les débuts..., p. 164-166.
38
ANONYMI, Magistri Artium (c.1245-1250), Lectura in librum De anima a
quodam discipulo reportata (Ms. Roma Naz. V.E. 828), ed. R.-A. GAUTHIER,
Grottaferrata, 1985.
39
Ch. H. LOHR, Saint Thomas Aquinas Scriptum super Sententiis : an Index
of Authorities cited, Avebury, 1980. V. aussi les intégrations de Cl. J. VANSTEENKISTE, Rassegna di Letteratura Tomista, 16 (1983) p. 45-48, n. 111.
40
Cf. J. P. TORRELL, Initiation..., p. 36-40.
41
Cf. M. BORGO, La Metafisica di Aristotele nel Commento di Tommaso
d’Aquino al primo libro delle Sentenze di Pietro Lombardo, Tesi di laurea in
Storia della Filosofia Medievale, presentata presso l’Università degli Studi di
Pisa, Pisa, 2003. Une étude réalisée à partir de cette thèse sera publiée dans la
revue des Sciences Philosophiques et Théologique de 2007.
42
V. R.-A. GAUTHIER, “Saint Thomas et l'Éthique à Nicomaque”, dans :
THOMAE DE AQ., Opera Omnia, Sententia libri Politicorum. Tabula libri
Ethicorum, Appendix, ed. Leon., t. 48, Romae, 1971, p. xv-xvi.
43
R. A. GAUTHIER, «Introduction» in Anonymi, Magistri Artium. Lectura in
librum De anima..., p. 22*.
44
«In tribus igitur consistit exercitium sacrae Scripturae: circa lectionem, disputationem et praedicationem»: PETRUS CANTOR, Verbum abbreviatum
(PL 205, 25 A) ; et ID., Verbum adbreviatum, textus conflatus, I, 1: «In tribus
autem consistit exercitium sacre Scripture : in lectione, disputatione, predicatione» (CCCM 196, p. 9, u. 4-5).
265
45
Cf. O. WEIJERS, Terminologie des universités au XIIIe siècle, Roma, 1987
p. 308 ; v. aussi A. MAIERU, «Tecniche di insegnamento», in Le scuole degli
Ordini mendicanti, Todi, 1978, p. 327-328 [pp. 307-352].
46
Pour l’ensemble v. : J.-P. TORRELL, Initiation..., p. 80-86 et 287-292.
47
Nous ne connaissons pas d’autres commentaires bibliques, fruits d’une
reportation, qui aient été transmis par ce système : v. L. J. BATAILLON, «Les
textes théologiques et philosophiques diffusés à Paris par exemplar et pecia»,
in La production du livre universitaire au Moyen-Âge, «exemplar» et «pecia».
Actes du Symposium tenu au Collegio San Bonaventura de Grottaferrata en
mai 1983, textes réunis par L.-J. BATAILLON, B.G. GUYOT et R.H. ROUSE,
Paris, 1988, p. 155-163, spéc. p. 159. La liste de taxation de 1275 est éditée,
avec d’autres documents relatifs à ce système, dans : G. MURANO, Opere
diffuse per exemplar e pecia, Turnhout, 2005, p. 86 ; aux pp. 779-780 et 784785 on trouve, à propos de ces ouvrages, la liste des manuscrits recopiés sur
pièces.
48
G. DAHAN, «Introduction», in THOMAS D’AQUIN, Commentaire de la
première Epitre aux Corinthiens, complété par PIERRE DE TARANTAISE,
Postille sur la Première Epitre aux Corinthiens, trad. par J.- É. STROOBANT
DE SAINT ÉLOY, Annotation par J. BORELLA et J.- É. STROOBANT DE
SAINT ÉLOY, Paris 2002, p. I-XXXIX ; ID., «Introduction», in THOMAS
D’AQUIN, Commentaire de la Première Épître aux Corinthiens, trad. par J.É. STROOBANT DE SAINT ÉLOY, Annotation par J. BORELLA et J.- É.
STROOBANT DE SAINT ÉLOY, Paris 2005, p. I-XLVIII.
49
Cf. L. J. BATAILLON, «La diffusione manoscritta e stampata dei commenti
biblici di San Tommaso d’Aquino», in Angelicum, 71 (1994), p. 579-590.
Pour ce qui concerne le commentaire du corpus paulinien, il faudra lire la
remarquable introduction de G. de Grandpré à l’édition du Super Ep. ad
Romanos, qui paraîtra dans quelques années dans l’édition léonine.
50
Cf. Les questions disputées et les questions quodlibétales dans les Facultés
de Théologie, de Droit et de Médecine, éd. par B. Bazán et a., Turnhout,
Brepols, 1985.
51
V. M.-M. DUFEIL, Guillaume de Saint-Amour et la polémique universitaire
parisienne 1250-1259, Paris, 1972 ; et Die Auseinandersetzungen an der
Pariser Universität im XIII. Jahrhundert, éd. par A. ZIMMERMANN – G.
VUILLEMIN-DIEM, Berlin - New York, 1976.
52
Cf. J.-P. TORRELL, Initiation..., p. 293-301.
53
A. DONDAINE, Secrétaires de saint Thomas, Roma, 1956 ; ID., «Autour
des Secrétaires de saint Thomas», in Miscellanea Mediaevalia, bd. 2, Berlin,
266
1963, p. 745-754 ; v. également : ID., «Préface», dans : THOMAE DE AQ.,
Opera Omnina, De veritate, ed. Leon., t. 22,1, p. 5*-182*.
54
V. la remarquable introduction de R.-A. GAUTHIER, «Préface», dans :
THOMAE DE AQ., Opera Omnia, Questiones de quolibet, ed. Leon., t. 25,1,
Romae,1996, p. 1*-160*.
55
Cf. CH. H. HASKINS, “The University of Paris in the Sermons of the
Thirteenth Century”, dans : ID., Studies in Mediaeval Culture, New York,
1929, p. 36-71 ; L. J. BATAILLON, «Les crises de l’Université de Paris
d’après les sermons universitaires», dans Die Auseinandersetzungen an der
Pariser Universität im XIII. Jahrhundert, éd. par A. ZIMMERMANN - G.
VUILLEMIN-DIEM, Berlin - New York, 1976, p. 155-169 ; repris dans : ID.,
La prédication au XIIIe siècle en France et en Italie. Etudes et documents,
Aldershot-Brookfield, Variorum, 1993, VIII.
56
Sur ce sujet, on pourrait renvoyer à de nombreuses études, mais nous nous
bornons à en citer quelques-unes à titre d’exemple : N. BERIOU, La
Prédication de Ranulphe de la Houblonnière. Sermons aux clercs et aux simples gens à Paris au XIIIe siècle, Paris, 1987, 2 vol. ; F. IOZZELLI, Odo da
Châteauroux. Politica e religione nei sermoni inediti, Padova, 1994 ; K. L.
JANSEN, The Making of the Magdalen. Preaching and Popular Devotion in
the Later Middle Ages, Princeton N. J., 2000 ; D. L. D’AVRAY, Medieval
Marriage Sermons. Mass Communication in a Culture without Print, Oxford,
2001 ; ID., Medieval Marriage. Symbolism ans Society, Oxford, 2004.
57
Cf. N. BERIOU, “La prédication au béguinage de Paris pendant l’année
liturgique 1272-73", in Recherches augustiniennes, 13 (1978), p. 105-229 ; L.
J. BATAILLON, “Sermons rédigés, sermons réportés”, in Medioevo e rinascimento, 3 (1989), p. 69-86 ; repris dans : ID., La prédication au XIIIe siècle
en France et en Italie. Etudes et documents, Aldershot-Brookfield, Variorum,
1993, III.
58
L. J. BATAILLON, «Les sermons attribués à saint Thomas : Questions d’autenticité», in Miscellanea Mediaevalia 19 (1988), p. 325-341 ; repris dans :
ID., La prédication au XIIIe siècle en France et en Italie. Etudes et documents,
Aldershot-Brookfield, Variorum, 1993, XV.
59
Pour le texte de ce sermon nous nous référons à l’édition critique, à paraître prochainement dans le t. 44 de l’édition Léonine, par les soins du P. L. J.
Bataillon ; on trouvera aussi le texte de ce sermon dans deux collections
d’Opera omnia de Thomas : Parme, éd. Fiaccadori, 1879, t. 24, p. 220-224 et
Paris, éd. Vivès, 1879, t. 32, p. 663-671.
60
La bibliographie sur ce sujet est très vaste et il faudrait commencer par lire :
267
J.-P. TORRELL, S. Thomas d’Aquin, maître spirituel. Initiation 2. 2e édition
revue et augmentée d’une Postface, Paris-Fribourg (CH), 2002. Pour ce qui
concerne l’anthropologie de Thomas dans le contexte de son époque, il faut se
référer à : E. H. WEBER, La personne humaine au XIIIe siècle. L’avènement
chez les maîtres parisiens de l’acception moderne de l’homme, Paris, 1991.
61
Le P. R.-A. Gauthier, à propos de la tâche du sage telle que la définit saint
Thomas, non seulement en général mais aussi par rapport à soi-même (cf.
ScG, I 2), écrivait : «[...] la tâche du sage n’est complète que lorsqu’il a montré que la raison même sur laquelle l’adversaire fonde son erreur est en réalité
en accord avec la vérité qu’on a démontrée. Cette façon de concevoir la réfutation de l’erreur implique qu’on se mette sur le terrain de l’adversaire, non
pas tant pour le persuader, lui, que pour nous éclairer, nous : on ne peut découvrir l’endroit où il s’est trompé qu’en refaisant le chemin qu’il a fait. Ainsi fait
Aristote, ainsi, du moins, prétend-il faire [...]. Saint Thomas ne conçoit pas la
réfutation de l’erreur, deuxième tâche du sage, autrement que l’avait conçue
Aristote. [...] le théologien qui tient à faire son métier de sage ne devra pas se
contenter d’établir la vérité de foi en s’appuyant sur la révélation, il devra
encore montrer la cause de l’erreur d’Aristote, le caractère spécieux de ses raisons ; cela ne servira de rien à Aristote, mais cela assurera au chrétien la pleine
intelligibilité de sa foi» (R.-A. GAUTHIER, «Préface», in : THOMAE DE
AQ., Opera Omnia, Sentencia lib. De Anima, ed. Leon., t. 47,1, p. 293*) ; v.
aussi : B. MONTAIGNE, «Les deux fonctions de la sagesse : ordonner et
juger», in RSPT, 53 (1969), p. 674-686.
62
«[...] in his quae pertinent ad interiorem motum voluntatis, homo non tenetur homini obedire, sed solum Deo. Tenetur autem homo homini obedire in his
quae exterius per corpus sunt agenda. In quibus tamen etiam, secundum ea
quae ad naturam corporis pertinent, homo homini obedire non tenetur, sed
solum Deo, quia omnes homines natura sunt pares : puta in his quae pertinent
ad corporis sustentationem et prolis generationem. Unde non tenentur nec
servi dominis, nec filii parentibus obedire de matrimonio contrahendo vel virginitate servanda, aut aliquo alio huiusmodi» (IIa-IIae, q. 104, a. 5, resp. [ed.
Leon., t. 9, Romae, 1897, p. 390] ; v. également ibid. ad 2m et a. 1, ad 1m
[ibid., p. 383]).
63
Cf. R.-A. GAUTHIER, «Préface», dans : THOMAE DE AQ., Opera Omnia,
Sentencia lib. De Anima, ed. Leon., t. 47,1, p. 288*-294*.
64
Cette thèse a été formulé par R. Imbach à la fin d’une remarquable conférence donnée à la «Journée Thomas d’Aquin», à Paris, en 2003 ; la suite de sa
recherche sur la présence d’Averroès dans les œuvres de Thomas lui semble
268
confirmer cette thèse. Pour la relation de Thomas avec la faculté des Arts v. :
R.-A. GAUTHIER, «Préface», dans : in THOMAE DE AQ., Opera Omnia,
Expositio Libri Peryermenias, ed. Leon., t. 1*,1, p. 85*-88* et ID., «Préface»,
dans : in THOMAE DE AQ., Opera Omnia, Expositio Libri Posteriorum, ed.
Leon., t. 1*,2, p. 76*-77*. V. également THOMAS VON AQUIN, Prologe zu
den Aristoteleskommentaren, herausgegeben, übersetzt und eingeleitet von Fr.
CHENEVAL und R. IMBACH, Frankfurt am Main, 1993, p. LVII-LXIV. Pour
l’édition de la lettre de la faculté des Arts au chapitre général de l’Ordre dominicain en 1274, v. A. BIRKENMAJER, «Der Brief der Pariser Artistenfacultät
über den Tod des hl. Thomas von Aquin», dans Vermichte Untersuchungen zur
Geschichte der mittelalterlichen Philosophie, Beiträge zur Geschichte der
Philosophie des Mittelalters, Texte und Untersuchungen, bd. XX.-5., Münster
i. W., 1922, p. 1-35, édition de la lettre p. 2-5 ; et v. égalément : ID., «Neues
dem Briefe der Pariser Artistenfacultät über den Tod des hl. Thomas von
Aquin», dans : Xenia Thomistica..., éd. S. Szabó, Romae, 1925, p. 57-72.
65
THOMAE DE AQ., Responsio ad magistrum Ioannem de Vercellis de 43
articulis (ed. Leon., t. 42, p. 327, u. 1-58 ; v. également la Préface de H.
DONDAINE : ibid., p. 300-301).
66
Ibid., p. 327, u. 51-58.
67
Ibid., art. 7 (p. 329 u. 159-162) ; art. 40 (p. 335, u. 589-590).
68
V. ibid., art. 34 (p. 333, u. 476-483).
69
Sur ce point de doctrine on peut v. : THOMAE DE AQ., Super Boetium De
Trinitate, q. 2, a. 3 (ed. Leon., t. 50, p. 86-88).
70
THOMAE DE AQ., Responsio ... de 43 articulis (p. 335, u. 614-619).
71
À propos de la conception thomiste de la théologie on peut v. : J.-P. TORRELL, «Le savoir théologique chez saint Thomas», RT, 96 (1996), p. 355-396 ;
A. OLIVA, dans Archa Verbi 3 (2006), p.55-75.
72
I Pars, q. 1, a. 5, set c. et ad 2m (ed. Leon., t. 4, p. 16) : dans les deux cas
l’adjectif est appliqué à la relation de la théologie avec les autres sciences, ou
à la fonction que celles-ci peuvent avoir par rapport à la théologie.
73
On pourrait se référer à un sujet actuel, celui de l’embryologie : à ce propos
Thomas d’Aquin adopte les conclusions propres à l’embryologie de son époque et il les applique en théologie : il n’essaie pas d’extraire une embryologie
de la Révélation. Sur l’embryologie médiévale v. : R. MARTORELLI VICO,
«Anima e corpo nell’embriologia medievale», in Anima e corpo nella cultura
medievale, par C. CASAGRANDE et S. VECCHIO, Firenze, 1999, p. 95-106.
74
En effet, Thomas admet une subalternation des fins des sciences philosophiques par rapport à la théologie (et la cause finale est dite extrinsèque), mais non
269
une subordination des principes de ces sciences par rapport à la théologie : «Ex
hoc possumus duas habere conclusiones. Vna est quod ista scientia imperat
omnibus tamquam principalis. Alia est quod ipsa utitur in obsequium sui omnibus aliis scientiis, quasi usualis [...]. Ita cum finis totius philosophie sit infra
finem theologie et ordinatus ad ipsum, theologia debet omnibus aliis scientiis
imperare et uti hiis que in eis traduntur» (I Sent., prol., a. 1, resp. [ed. A. OLIVA,
Les débuts..., a. 1, u. 42-44 et 47-49 ; cf. ed. Mandonnet, p. 8] ).
270
Ramon Llull y los Studia linguarum
Prof. Ignasi Roviró Alemany
Universitat Ramon Llull, Barcelona
Introducción
No hay ninguna duda que el tema de los Studia linguarum tiene su
pleno sentido si se relaciona adecuadamente con la función principal a
la que estaban determinados estos centros. En realidad más que relacionarse con la enseñanza que se daba en la universidad tiene que verse
en el contexto misional y con la voluntad de que dichos centros fuesen
verdaderos núcleos formadores en lenguas y en doctrina de hombres
dispuestos a dar su vida por Jesucristo y por la iglesia. Nos situamos
en el siglo XIII y a principios del XIV, unos decenios convulsos y problemáticos para con el diálogo con las demás religiones. Ramon Llull,
el increíble mallorquín que conoció profundamente estas graves dificultades, trabajó incansablemente para la conversión de los infieles
con todas las posibilidades que estaban a su alcance y a tenor del oscilante contexto histórico en que vivió. Pero lo esencial de su intuición
no varió: se trataba de educar a misioneros, con habilidad para el diálogo y la evangelización, en la lengua de los infieles. En la predicación
del mensaje cristiano, la lengua no podía ser ningún obstáculo; como
tampoco lo debía ser todo contenido que se expresara a través de los
llamados argumentos de autoridad. Ramon Llull creará un sistema que
elimina todo saber basado en esta forma retórica de diálogo y aborda
el problema de la conversión a partir de la fuerza propia del Evangelio
y de la base común que tienen las llamadas “religiones del libro”. Los
Studia linguarum serán pues un instrumento de evangelización que
Ramon Llull conocía perfectamente. Antes que llevara a la práctica
estos centros de educación - como lo veremos en el caso del de
Miramar -, eran ya una realidad dominicana.
271
Tenemos noticia de que a mediados del siglo XIII, siendo Maestro
General de los Predicadores Humberto de Romans escribió una comunicación interna dando facilidades a los hermanos que deseaban aprender lenguas extranjeras para difundir el mensaje de Cristo a los infieles 1. No en vano estas escuelas se iniciaron en España, dado el papel
predominante de recuperación de los territorios en manos islámicas.
La población residente en los lugares que pasaban a manos de los cristianos debía ser evangelizada. Si nos centramos sólo en la expansión
del reino de Aragón durante el siglo XIII, se ha calculado que la población de no-cristianos llegaba a un cuarto de su totalidad, es decir, cerca
de 250.000 personas de un total de 900.000. El dominico catalán que
afrontó plenamente esta cuestión fue Ramon de Penyafort (1185-1275)
y más tarde su discípulo Ramon Martí (c. 1230-c. 1284). Los dos escribieron importantes tratados apologéticos que precedieron los escritos
lulianos. Ramon de Penyafort fue la gran figura que empezó a impulsar el ‘contacto’ entre cristianismo, judaísmo y islamismo y a preparar “materiales” para hacer fructífero el encuentro. Por este motivo
pidió a Santo Tomás de Aquino que redactara la Summa contra gentiles, y, probablemente, también incentivó a Ramon Martí para que
escribiera sus obras apologéticas. Por otra parte, organizó en Túnez y
Murcia (se discute si también en Mallorca) escuelas de árabe y hebreo
con muy notables esfuerzos. Sin embargo, Llull entendía que los métodos dominicanos fracasaban al no dar “razón necesaria” de la fe cristiana, al no justificar racionalmente los artículos de la fe. El ejemplo lo
ve en Ramon Martí, compañero y rival en la misión evangelizadora. En
su Pugio fidei, y a partir del nuevo marco epistémico-tomista, trabaja
en una doble dimensión: contra los filósofos materialistas, hedonistas
y materialistas demuestra los preambula fidei; y contra los infieles
demuestra de manera indirecta o negativa los artículos de la fe. Así
pues, los preámbulos, pueden demostrarse, los artículos no. Bien al
contrario, Ramon Llull se encuentra en el augustinismo medieval.
Como San Anselmo o Hugo de San Víctor, hay que entender lo que se
cree. Es en la práctica misionera donde la teoría de la evangelización
272
puede comprobarse, y para Llull, la práctica de Ramon Martí había
demostrado su ineficacia. Este dominico catalán, en los años 12681269, intentó convertir inútilmente a al-Mustansir. Llull relata el fracaso misionero en su liber de fine:
En Túnez, había un rey sarraceno, llamado Miramolí. No hace demasiado tiempo que un religioso le quiso probar, en lengua árabe, que la
ley de los sarracenos era falsa, cosa que es fácil de demostrar. Entonces
este rey le dijo que probara la fe de los cristianos y entonces él se haría
cristiano y haría bautizar los habitantes de su patria. Aquel religioso no
era demasiado instruido en filosofía ni teología y respondió que la fe
cristiana no se podía probar, solamente tenía que ser creída. El rey tomó
estas palabras como un engaño, y dijo que él no quería dejar una creencia por otra, pero que de buen grado abandonaría una creencia por la
inteligencia de la verdad. Por lo tanto, si aquel religioso hubiera aportado razones tan convincentes de nuestra fe - razones que se encuentran
en la Sagrada Escritura y también, estoy seguro, en mis libros ya citados -, el rey no las habría podido contradecir y se habría hecho cristiano y, con él, su gente 2.
Los Studia linguarum son pues algo mas que escuelas de lenguas.
Entre el modelo dominico y el luliano hay dos formas opuestas de entender la evangelización. Además de la formación filosófico-teológica y de
la lengua de los infieles - especialmente el árabe y el hebreo -, en los
Studia linguarum se estudiaba la vida del profeta y el Corán (en referencia al mundo islámico) y la literatura rabínica (en el caso de la cultura hebrea) para poder establecer un diálogo provechoso entre el
misionero y el evangelizado. Por el lado dominico, funcionaron como
mínimo cinco escuelas de lenguas, probablemente de manera sucesiva
que duraran alrededor de unos setenta años (1250-1320 c.) 3.
Paralelamente, mientras los dominicos forman a sus misioneros en
estos centros, Ramon Llull creó uno de propio, Miramar, al que atenderemos brevemente en las páginas que siguen, y no paró de intentar
expandir su modelo al resto de la cristiandad. Si bien los Studia linguarum dominicos son un fenómeno prácticamente catalán - excepto el de
273
Túnez, los otros centros estaban en dicho territorio: Murcia, Barcelona,
Mallorca?, Valencia y Játiva -, Ramon Llull intentará exportar su forma
de entender la preparación de los misioneros en los Studia linguarum.
En esta aportación al Congreso Université, église, culture atenderemos
también a la constancia del maestro mallorquín en la petición insistente
de centros de formación especializada al largo de toda su vida, hasta al
final, con el reconocimiento de sus propuestas en el concilio de Vienne
(1311).
Elementos esenciales de la vida de Ramon Llull en relación con las
peticiones de los Studia linguarum
Ramon Llull nació en Palma de Mallorca en 1232 - o a principios
de 1233 -, de una familia de nobles que habían llegado a la isla con la
conquista del rey catalán Jaume I. De educación refinada, actúa en la
corte como senescal del principe - futuro Jaume II (1253) -. En 1257
se casa con Blanca Picany, hija de mallorquines potentados, con quien
tiene un hijo - Domingo -y una hija - Magdalena -. La vida lujosa y
lujuriosa de la corte no le satisface plenamente 4 hasta que, según sus
propias palabras, una noche de 1263, mientras se hallaba en la cama
componiendo una canción para una dama de la corte, se le presenta una
visión de Cristo clavado en la cruz. Ramon no le hace ningún caso y la
aparición se repite hasta cinco veces en sucesivas noches. Recapacita,
y finalmente, con treinta años cumplidos, decide dejar la vida mundana
que llevaba para dedicarse en cuerpo y alma a Cristo. En su autobiografía, dictada en el verano de 1311 en París, a instancias de unos monjes amigos suyos, y conocida con el título de Vita coetanea 5 , explica
que en estos momentos de conversión se le revela claramente su
misión, en un triple cometido. El primero, morir, incluso en martirio si
llegara el caso, para propagar la fe cristiana. El segundo, escribir el
mejor libro del mundo contra los errores de los infieles. El tercero,
dado el interés para nuestra aportación, vale la pena leerlo en toda su
letra. Dice Ramon Llull:
274
“Pero considerando otra vez que aunque con el tiempo el Señor Dios
concediese la gracia de escribir dicho libro, sin embargo poco o nada
podía hacer él solo, pues ignoraba totalmente la lengua arábica, que era
la propia de los sarracenos.
Por eso le vino a la mente que iría al Papa, a reyes y príncipes
cristianos, para incitarlos, y obtener de ellos la construcción, en
varios reinos y provincias apropiadas, de monasterios en los que
personas religiosas escogidas y otras idóneas para dicha causa,
estudiasen las lenguas de los susodichos sarracenos y de otros
infieles para que, entre las personas allí instruidas convenientemente, siempre se pudieran encontrar personas idóneas para ser
enviadas a predicar entre los sarracenos y otros infieles la pía verdad, que es en Cristo, de la fe católica” 6.
Desde los inicios de su conversión, con aquél complejo mundo de
relaciones de la cristiandad consigo misma y para con el mundo islámico, Ramon Llull aparece, con treinta años cumplidos, con una
misión propia de un hombre loco. Su situación económica, patrimonial
y social era excelente, tenía una familia a quién educar, su edad ya un
poco avanzada, su triple cometido un tanto imposible para un hombre
que no tenía una formación adecuada ni había cursado en ninguna universidad. ¿Cómo un hombre así puede proponerse escribir el mejor
libro del mundo, cuando circulaban los grandes textos platónicos, los
neoplatónicos, los patrísticos y agustinianos; cuando circulaban los
magníficos textos de Aristóteles y de los lógicos y místicos árabes,
etc.? ¿Cómo un hombre solo puede proponerse fundar escuelas de lenguas para formar misioneros hábiles en la discusión y conversión de
los infieles si no es experto ni en una teología ni en la otra? ¿Cómo un
hombre que únicamente conocía la lengua vernácula puede emprender
ésta alocada empresa? A todo esto hay que tener presente que su patria,
la isla de Mallorca, a treinta y poco años de la conquista del rey catalán Jaume I, estaba aún poblada por una tercera parte de musulmanes
esclavos en un régimen colonial. Mallorca era un enclave comercial y
275
estratégico esencial entre la Europa cristiana y el mediterráneo islámico. No hay duda, pues, que Llull percibió la gran necesidad para la
religión cristiana de convertir urgentemente sus propios vecinos así
como las vastas regiones islámicas.
Llull supo que no contaba con sus únicas fuerzas sino que había
sido llamado por Dios para llevar a término estas temeridades.
Inspirado por el sermón de un obispo en el día de San Francisco de
Asís, vendió todas sus posesiones - reservando una parte para el sustento de su família -, entregó el fruto de la venta a los pobres y emprendió una larga peregrinación al santuario de Rocamador para, posteriormente, dirigirse por la ruta del camino del apóstol a la basílica de
Santiago de Compostela.
De regreso pasó por Barcelona, dónde aún tenía algunos familiares
y especialmente habitaba un ya viejo y experimentado Ramon de
Penyafort. En aquella época, el compilador de las Decretales del Papa
Gregorio IX y ex-general de los Dominicos, se encontraba retirado de
aquellas grandes responsabilidades y atendía a los avatares de la vida
religiosa del reino. San Ramon de Penyafort dio un fuerte impulso a los
studia linguarum de los dominicos poco tiempo antes que Llull iniciara
sus proyectos. Sin duda que el consejo del de Penyafort era vital para
Ramon Llull, aunque parece que fue algo decepcionante ya que Llull
ansiaba ir a formarse a la Sorbona mientras que Ramon de Penyafort
le indicó que retornase a Mallorca y allí adquiriera los conocimientos
necesarios para seguir con su vocación. Es muy probable que en la isla
quedase algo del estudio de lenguas que los dominicos habían fundado
y Llull podía conocer. Fuera por lo que fuese, Llull partió de nuevo
hacia su patria y empezó, aproximadamente desde 1265, nueve años de
estudio intenso. Se preocupó de aprender y dominar el árabe, comprando un esclavo de los muchos que se podían adquirir, con normalidad, en la misma Mallorca. También aprendió un latín práctico, que le
permitió escribir de manera eficaz - sin demasiadas florituras - sus
obras. Además de las dos lenguas, durante este periodo estudió la
276
Biblia, el Corán, los maestros sufies, el Talmud, las obras de Platón y
de Aristóteles, San Anselmo, Ricardo de San Víctor y pensadores árabes como al-Gazzalí y Avicena. Esta etapa de su vida termina con la
composición del Compendium logicae Algazelis (al hablar de Miramar
haremos una referencia a la obra) y con el Libre de Contemplació en
Déu 7.
La segunda etapa de su vida se inicia a diez años de su conversión
y con ya cumplidos los cuarenta, cuando se retira a Puig de Randa, un
monte próximo a su casa. Son unos días intensos de meditación y
contemplación, que terminan con “la iluminación de Randa” 8. Cabe
señalar que dicha iluminación no es del contenido - ya expuesto esencialmente en el anterior Libre de contemplació -, sino de la forma. Es
trata de encontrar la manera eficaz de presentar, sin los argumentos de
autoridad, el contenido de la fe católica a través de las “razones necesarias”. Insistimos en la importancia de este hecho para el diálogo con
los infieles, y en concreto con el Islam. Se trata de no recurrir a, y discutir, los textos de los padres sino apelar a la evidencia de la razón y
de los hechos. Esta era una nueva manera de presentar la acción misional. Ahora, el mejor libro del mundo contra los errores de les infieles
ya no será un volumen, sino un sistema, el suyo, el denominado Ars.
Después de la “iluminación”, abandona Puig de Randa y se dirige al
Monasterio de Santa María de la Real para escribir varios volúmenes
donde se contiene el sistema luliano. Esta etapa, que va desde 1274
hasta aproximadamente 1289, ha sido llamada por los expertos como
“etapa cuaternaria”, porque los principios del Arte luliano son múltiples de cuatro. Las figuras geométricas abundan mucho y se usa la
notación algebraica. Los cuatro elementos se encuentran en la base de
complejos razonamientos analógicos 9. Con toda esta actividad creadora de textos y de nueva forma de misionar se cumplía el segundo de
sus objetivos. Faltaba iniciar el tercero, la fundación de escuelas. Para
este propósito, lo veremos más detalladamente en su momento, se dirigió a su buen amigo el Infante Jaume de Mallorca para que fundara un
monasterio en Mallorca donde se educaran trece frailes franciscanos en
277
el sistema luliano y en el aprendizaje del árabe. En 1276 el Papa
confirma la puesta en marcha del colegio de Miramar, en un paisaje
idílico de la isla de Mallorca. El autor de la vita coetanea lo escribe así:
“Por la misma época, Ramon consiguió del dicho rey de Mallorca que
se edificara un monasterio en su reino, y que se dotara de posesiones
suficientes, y que trece frailes Menores se instalaran allí para aprender
árabe con el fin de convertir a los infieles, como ya se ha dicho; a los
que les serian entregados a perpetuidad, como también a sus sucesores,
quinientos florines anuales para lo que les fuera necesario” 10.
Los graves hechos políticos que sucedieron a partir del mismo año
de la fundación de Miramar absorberán la vida de Llull. La muerte del
rey Jaume I trajo como resultado la partición del reino entre sus dos
hijos y, a causa de la triple alianza europea contra Cataluña (1285) el
enfrentamiento armado entre los hermanos. Llull dejará Mallorca a
causa de estas hostilidades militares y se refugiará en Montpellier,
capital intelectual del reino de Mallorca. Aunque la visitará en un par
o tres de ocasiones más, la isla de Mallorca dejó de ser el centro de
operaciones de Llull. Emprende los primeros viajes allende las fronteras de su patria. En 1287, siguiendo el ideal ya marcado, visita Roma
con la intención de pedir al Papa Honorio IV la fundación en varias
partes del mundo monasterios como el fundado en Miramar. Ya se
recordará que Honorio IV, enero de 1286, concedió a la universidad de
París cátedras de lenguas extranjeras y seguramente que Llull albergó
esperanzas en el Papa para extender esta iniciativa para los principales
centros de la cristiandad. Volvamos a la letra de la Vita coetanea para
ver como relata este hecho:
“Después de esto Ramón se fue a la curia de Roma para ver si podía
obtener del señor Papa y de los cardenales la institución por el mundo
de monasterios similares para la enseñanza de varias lenguas. Pero
cuando llegó, encontró que el Papa, es decir el señor Honorio, acababa
de morir” 11.
278
Fracasa, pues, su primer intento de expandir el modelo de Miramar
por toda la cristiandad, tomando, sin duda, buena nota de las experiencias dominicanas. Persiguiendo este propósito - y sin desdeñar los
demás - deja Roma sin esperar a que fuera elegido un nuevo Papa y
emprende el camino de París. Esta primera estancia en la capital francesa está marcada, por un lado, por el fracaso y, por el otro, por un
cierto éxito. Es aquí donde escribe las tres cartas - que ya atenderemos
- al rey francés, a un prelado amigo suyo y a la Universidad de París,
todas con el hilo conductor de promover las cátedras de estudio de lenguas de los infieles. Aquí tampoco encuentra apoyo para su empresa.
Llega a París en tiempo del canciller Bertold de Saint Denys (elegido
en el diciembre de 1288) y éste le permite enseñar en su aula la formulación del Arte luliano. Los alumnos no hacen ni caso a un hombre que
presenta problemas de frontera con una anotación algebraica difícil de
seguir. Sin embargo, a partir de dicha lectura Llull se nombrará y será
nombrado magister. Por otro lado, tomará contacto con el que será el
principal seguidor de sus doctrinas, en aquel momento socius de la
Sorbona, Thomas Le Myésier 12. No de vacío, pero sí con la amargura
del fracaso retorna a Montpellier.
La tercera etapa de su vida se contabiliza desde aproximadamente
1290 hasta 1308 y se ha denominado “etapa ternaria”, porqué los principios del arte son ahora modificados y reducidos a múltiplos de tres,
segun Llull per mor de la fragilitat de l’enteniment humà, es decir, por
la dificultad que tiene el entendimiento humano en seguir su sistema.
Esta es una conclusión que podía extraer de su experiencia parisina.
Seguramente que por esta misma razón, desaparece de sus obras la
anotación algebraica y los cuatro elementos ya no juegan papel alguno
como modelo analógico 13.
El 1290 parte hacia Génova, con las recomendaciones de Ramon
Gaufredi, ministro general de los franciscanos, para instruir a los frailes en el dominio del Arte luliano 14. Un año después lo encontramos de
nuevo en la ciudad eterna, reclamando, otra vez, la fundación de cole-
279
gios de lenguas. El nuevo Papa era Nicolás IV, el primer franciscano
que llegaba al solio pontificio. Llull, sin duda alguna, debía poner
esperanzas en que esta vez el Papa atendería adecuadamente la propuesta de creación de escuelas de lenguas, un Papa que había mostrado
mucho interés en los aspectos evangelizadores, como lo muestra el
hecho que los misioneros enviados por él alcanzaron los países más
lejanos hasta entonces conocidos. El redactor de la Vita coetanea es un
poco más parco de palabras en esta segunda petición al Papa:
“Una vez hecho esto, dirigió sus pasos hacia la curia romana, deseando,
como antes, obtener, repartidos por el mundo, la fundación de monasterios para la enseñanza de varias lenguas” 15.
Esta visita se realiza en 1291, un año fatal para la cristiandad. En el
mes de mayo de aquel año cae la última plaza cristiana en el oriente,
San Juan de Acre, convertida en símbolo de la presencia cristiana en
tierra santa. La pérdida de esta plaza provoca una crisis de confianza
en el poder cristiano. Si es la verdadera fe, se preguntó masivamente el
orbe cristiano, ¿Cómo se pierden las batallas y los lugares santos frente
al Islam? Podríamos ver la pérdida de San Juan de Acre como el inicio
de una larga época de crisis en la cristiandad, aunque Nicolás IV tuvo
siempre en su mente la liberación de Tierra Santa de los musulmanes.
Llegó incluso a convocar una cruzada, pero el desinterés mostrado por
las grandes monarquías europeas y las complicadas relaciones entre
los reinos de Aragón y Sicilia hicieron fracasar la empresa. Sobre
Ramon Llull también se dejaron sentir los efectos de tan significada
pérdida. Si por un lado escribió varios textos - a los que nos referiremos más adelante - pidiendo al Papa la recuperación de Tierra Santa
por otro, como abatido y desconfiando de toda lucha en común
proyecta una misión realizada por él solo al norte a África. Pero, ya en
Génova, y poco antes de partir la nave que debía llevarlo a aquellas
tierras de infieles, le asalta lo que hoy llamaríamos una depresión que
lo postra durante un tiempo en cama, dudando incluso de su proyecto
misional. Repuesto, a finales de 1292 toma una nave que lo conducirá
280
a Túnez, disputando contra los musulmanes que quieren escucharlo. A
causa de esto y de la fama que logra, es denunciado al soberano Abu
Hafs como hombre peligroso para con la fe islámica. A punto de ser
condenado a muerte por su osadía, se le embarca en una nave genovesa
con la advertencia de que si intenta de nuevo la conversión de islámicos en aquella tierra se le dará muerte sin contemplaciones. Ya en la
ciudad de Nápoles, escribe varias de sus obras y celebra la elección de
un nuevo Papa, el asceta Pedro de Monrone, que dirigirá la Iglesia con
el nombre de Celestino V. Esta elección abre esperanzas a espirituales
y reformadores, como lo es Ramon Llull, que espera del nuevo Papa la
acción definitiva para evangelizar el mundo islámico. Llull le dedica
alguna obra y una de petición conversión de los infieles, que ya atenderemos brevemente. Celestino V era un ermitaño que finalmente no
soportó la presión y las intrigas de la Curia y abdicó el 13 de diciembre de 1294, cinco meses después de su elección. Entró nuevo Papa,
Bonifacio VIII, en la Navidad que aquel mismo año y fue coronado en
enero del 1295. Ramon Llull le presentó a Bonifacio VIII las mismas
peticiones que fue repitiendo de Papa en Papa, siempre con el mismo
resultado nulo, con buenas palabras pero sin acciones decididas. El
abatimiento ante tantas negativas se plasman en el bello poema
Desconhort 16 (Roma, 1295).
Pero Llull era un hombre que no abdicó nunca de su misión y antes
de iniciar un segundo viaje a París (1297-1299) se entrevistó con su
rey, Jaume II de Mallorca quién le dio una recomendación para el rey
francés Felipe IV el Hermoso. En París, auspiciado por sus pocos
seguidores, inició una agria polémica con la moda averroísta que inundaba la Sorbona e insistió en sus peticiones al rey francés. Sin éxito
alguno, dejó la capital francesa para iniciar una nueva aventura misional en tierras de Chipre, siguiendo la falsa noticia de la ocupación de
Siria por los mongoles. Después de recuperarse de un intento de asesinato por envenenamiento en aquellas tierras, volvió a Mallorca (1302)
y viajó a varias ciudades ya por él conocidas, escribiendo constantemente libros. Indicamos una fecha, abril de 1305, y un lugar, Lión.
281
Ramon Llull presenta a un nuevo Papa, Clemente V, una nueva petición, con los mismos temas de fondo de siempre. La Vita coetanea nos
lo cuenta escuetamente:
“En el tiempo del señor Papa Clemente quinto, dejando la ciudad de
París llega a Lión. Mientras residía allí, suplicó por una cosa de extraordinaria bondad para la fe, es decir que el mismo señor Papa hiciera
construir monasterios donde se reuniesen hombres devotos y aptos para
aprender las lenguas de los pueblos para poder predicar el evangelio a
todos los infieles, según el mandato del Señor cuando dice: “Id por
todo el mundo a predicar el evangelio a toda criatura” 17. Pero esta
súplica no interesó mucho ni al Papa ni a los cardenales 18 ”.
Una vez más Ramon Llull quedó desengañado de la Curia romana.
Como lo hiciera 14 años antes, solo, se embarca en 1306 hacia un país
musulmán con voluntad misionera y martirial. Si en 1292 predicó en
Túnez, ahora, en 1306 será el pequeño estado de Bugia - escindido dos
años antes de Túnez - dónde se repetirá lo substancial de su aventurada
predicación. Es delatado, maltratado y preso. Gracias a los buenos oficios de sus amigos catalanes y genoveses Halid I, el soberano de
Bugia, lo expulsa con toda clase de amenazas si vuelve a predicar en
su tierra. Su nave de retorno naufraga y tiene que llegar a nado a las
orillas de Pisa, donde es recibido con honores. Vivirá en Pisa hasta
1308, escribiendo e intentando organizar una cruzada para la liberación de Tierra Santa. Si bien obtiene algunas ayudas de los nobles y de
las damas de buena sociedad de Génova, de la república de Pisa sólo
puede conseguir una recomendación para el Papa.
La última etapa de la vida de Ramon Llull que los especialistas
señalan es caracterizada como etapa post-Arte y empieza a partir de
finales de 1308. Aquí Llull abandona las cuestiones de método, que ya
cree suficientemente establecidas, como lo son la mecanización del
pensamiento a través del Arte y se centra en problemas específicos de
lógica, filosofía y de teología. Es una etapa muy intensa, escribe más
obras que en todas las etapas anteriores, Anthony Bonner y Lola Badia
282
cuentan 135 obras, evidentemente no de la extensión del citado Libre
de contemplació (se calcula cerca de 1.000.000 palabras) 20.
Para nuestros propósitos es importante destacar, como lo haremos
en su momento, el Liber qui est de adquisitione Terrae Sanctae de
1309 y que representa una revisión de las ideas ya expresadas al Papa
Clemente V a partir de la nueva situación política después de la extinción de la orden de los Templarios. El verano de 1309 llega a París,
donde residirá por espacio de dos años. En esta visita, la polémica con
los averroístas de la Sorbona es total. Atacar a los averroístas parisinos
es defender su propio Arte ya que se postula la necesidad de una auténtica comprensión de la fe. En realidad, Ramon no se defendía a él personalmente sino que intentaba mantener la integridad de la fe en el
seno de la cristiandad. Esta acción, así como la petición de cátedras de
lenguas de los infieles, es expuesta, de nuevo, por Llull al rey Felipe
IV el Hermoso en enero de 1311 21. Se tiene constancia de cierto éxito
de Llull: cuarenta maestros y bachilleres de la Sorbona aprueban las
tesis lulianas antiaverroistas. Antes de dejar París, dictó la vita coetanea, este texto que tanto nos ha ayudado.
El 16 de octubre de 1311 el Papa Clemente V inicia el concilio de
Vienne para discutir cuatro graves problemas: la cuestión de la orden
del Templo, los errores de los Fraticelli, de los Dulcinistas y de los
Beguinos, la recuperación de Tierra Santa y el restablecimiento de la
disciplina eclesiástica. Ramon Llull se prepara para hace oír su voz en
dicha asamblea de ministros de la cristiandad. La vita coetanea lo
narra con estas palabras:
“A continuación, sabiendo Ramon que el padre santísimo, el señor papa
Clemente quinto quería celebrar un concilio general en la ciudad de
Vienne, el año del Señor 1311, en las calendas de octubre, se propuso ir
a dicho concilio con el fin de obtener tres cosas para la reparación de la
fe ortodoxa.
La primera era que se construyera un lugar suficiente para albergar hom-
283
bres devotos y de gran capacidad intelectual para estudiar varios idiomas,
para que supiesen predicar la doctrina evangélica a toda criatura.
La segunda era que de todos los caballeros religiosos cristianos se constituyera una orden que librara en ultramar una guerra incesante contra los
sarracenos hasta que se recuperase Tierra Santa.
La tercera era que contra las opiniones de Averroes, que en muchas cosas
ha sido un pervertidor de la verdad, el señor Papa ordenara rápidamente
un remedio, que consistiría en encontrar hombres católicos inteligentes
que no buscasen su propia gloria sino el honor de Cristo y que atacaran
dichas opiniones y a quines las sustenten, opiniones que van contra de la
verdad y la sabiduría increada, que es el Hijo de Dios Padre” 22.
Prácticamente la vita coetanea termina aquí. ¿Acaso este texto sirvió
como presentación de Llull a las personalidades que iban a reunirse en
Vienne y así poder luchar contra la imagen de loco que de él se ofrecía?
Sea como fuere, puede decirse que por primera vez Ramon Llull
tiene un éxito importante frente la jerarquía eclesiástica ya que el
Concilio escuchó dos de las peticiones que hemos relatado. El decreto
conciliar Inter sollicitudines 23 dispuso que se impartieran clases públicas de lenguas orientales en los estudios de París, Oxford, Bolonia,
Salamanca y en dónde residiera la Curia romana. Se establecían dos
maestros por el hebreo, dos por el árabe y dos por el caldeo. Además
de enseñar lengua, los maestros debían traducir obras de estas lenguas
al latín. Los gastos de estos colegios corrían a cargo del rey donde estaban establecidos, excepto los de la Curia, que los sustentaba el Papa.
La segunda petición no se obtuvo completamente, pero sí que el
Concilio dispuso que todos los bienes de los Templarios, disueltos
hacía muy poco, pasaran a manos de los Hospitalarios y poder plantear
así una nueva expedición a Tierra Santa de manos del rey francés
Felipe IV el Hermoso. Sin embargo, no hubo la condena del averroísmo latino, que esperará aún doscientos años más, hasta el quinto
284
concilio lateranense (1511). Estos pueden considerarse los primeros
grandes éxitos, obtenidos a la edad de 79 años.
La actividad posterior de Ramon Llull es intensa, tanto en viajes
como en creación. Visita Montpelier, Mallorca, Mesina y con 81 años
empieza una nueva aventura misionera a Túnez, esta vez no tan polémica como las dos anteriores. Tenemos poquísimas referencias de este
último viaje. Parece que la muerte le llegó en el viaje de retorno a
Mallorca, en 1316.
El monasterio de “Miramar” en Mallorca
Ya sabemos que Ramon Llull tenía la formación de misioneros
como uno de los elementos esenciales de su actuación en favor de la
cristiandad. Era necesario - y lo predicó siempre - instituciones que
preparasen bién a los candidatos. Sus peticiones se dirigieron a Nicolás
IV (1292), Celestino v (1294), Bonifacio VIII (1295), Clemente V
(1305, 1308 y 1309), al Concilio de Vienne (1311) y en dos ocasiones
al rey Francés Felipe IV el Hermoso.
Desde 1265 hasta 1274 aproximadamente Ramon Llull se entrega
completamente a su formación lingüística, filosófica y teológica que
ha de servirle como base indispensable para su futura misión. Ya ha
peregrinado a Santiago de Compostela y al santuario de Nuestra
Señora de Rocamador. Se ha entrevistado con San Raimundo de
Penyafort que le ha desaconsejado su formación intelectual en París.
Retirado en el monte Randa de Mallorca, y posteriormente en el
monasterio de La Real, ha escrito el apasionante Libre de
Contemplació en Déu. Con este bagaje a principios de 1275 o finales
del año anterior, es llamado por el infante Don Jaume, futuro rey de
Mallorca, a Montpelier para hacer valorar por expertos eclesiásticos la
ortodoxia de la obra de su antiguo senescal y atraído ya por su fama.
El encuentro se celebra en Montpelier donde Ramon Llull formula su
petición de fundar un colegio-monasterio para la preparación de futu-
285
ros misioneros.
El infante Don Jaume, vistos los informes aceptables de los expertos, loa su obra y accede a la fundación y dotación del monasterio que
Llull pedía. Pero como condición expresa Ramon Llull hacía constar
que los novicios fuesen frailes franciscanos, que, a diferencia de los
dominicos, no tenían ninguna experiencia en escuelas de lenguas. La
experiencia que persigue Llull es nueva, quiere iniciar una forma nueva
de misionar y por lo tanto no puede utilizar los medios y los métodos
dominicanos, viciados ya por una experiencia y por unos resultados.
Recordemos que los franciscanos llegaron a Mallorca con la conquista
por parte de Jaume I, a seis años de la muerte de San Francisco. En
buena manera, los franciscanos ofrecían a Llull la simplicidad, la novedad y el ímpetu que caracterizaba su propio proyecto misional.
El Papa Juan XXI confirmó la fundación del monasterio en bula
extendida en Viterbo el 17 de octubre de 1276, donde destacaba:
“… se construyera un monasterio o casa de religiosos a sus expensas,
en la cual trece frailes franciscanos, siguiendo las regulaciones y disposiciones del provincial del Orden, estudiasen árabe para que cuando
estuviesen formados competentemente en esta materia fueran en tierra
de paganos y allí se dirigieran a las almas perdidas” 24.
No tenemos constancia - se han perdidos los archivos y toda documentación relativa - del éxito de la comunidad de frailes franciscanos
que dirigían el monasterio. No sabemos cuantos se educaron allí, no
sabemos su impacto. Tenemos constancia que entre 1285 y 1291 dirigió aquel monasterio Fray Lorenzo de Carraria, que en 1292, Fray
Bernardo Folch, siendo un escolar Fray Simon de Corna. También
tenemos confirmación que Fray Simón de Puigcerdà fue alumno de
Ramon Llull cuando éste impartía en el monasterio. Años más tarde,
Simón de Puigcerdà será llamado por el mismo Llull para que le traduzca del catalán al latín algunas obras suyas.
Se calcula pues que el monasterio de Miramar duró alrededor de 17
286
años, o sea, aproximadamente desde 1276 a 1293. La primera noticia
que se posee de su desaparición y en letra de Ramon Llull es en su
poema de casi desesperación Desconhort 25, dónde se muestra contrariado por la pérdida de aquél monasterio de tantos sueños y esperanzas, fundado con voluntad de perpetuidad 26.
Los Studia linguarum que Llull proyectaba, y Miramar fue el ejemplo real, se pensaban para hombres vocacionados que ya tuviesen estudios de teología, de filosofía y sagrada escritura. No era un Studium
generale, una escuela episcopal o catedralícia o incluso una escuela
monástica, dónde los alumnos se instruían a base del trivium y el quadrivium. Miramar era un centro de especialización misionera, que además de árabe se impartía doctrina islámica a base del Corán y de las
tradiciones islámicas. Se estudiaba el contexto histórico y sociológico,
la mentalidad, las prácticas religiosas y geografía de los islámicos.
Llama la atención ésta última disciplina, que podría parecer un tanto
anecdótica si además de las materias citadas se le agrega como elemento fundamental para el misionero el Arte luliano. La geografía era
para Llull, como lo era para sus contemporáneos, un instrumento indispensable para los hombres que querían evangelizar. También atendían
a los hechos biográficos de Mahoma, de conocimiento indispensable
para aquellos que debían entrar en contacto con los musulmanes.
Sebastián Garcías Palou indica 27 cuales fueron los libros lulianos de
debían utilizarse en el monasterio de Miramar. Todo parece indicar que
el Libre del gentil e dels tres savis 28 era ideal para informar de las
características de la religión y la estructura del pensamiento islámico.
En aquella obra no sólo se puede apreciar la estructura dialéctica propia de un sabio islámico sino que a la vez informa de los contenidos de
su fe. Sin lugar a dudas en el libro se enseña que la fe católica es superior a las demás, pero preservando siempre la libertad de escogerla por
parte del gentil. El segundo que indica Garcías es la Art abreujada
d’atrobar veritat o Ars compendiosa inveniendi veritatem 29, que está
pensada como un breve y útil resumen del arte luliano con el cual un
287
islámico y incluso un pagano puede darse cuenta de los elementos claves de la fe cristiana. Un tercer libro que se usaría en Miramar era el
Libre de demostracions 30, que se utilizaba como tratado de apologética
misionera con la finalidad de encontrar razón para creer y creer razonablemente.
Todos estos libros fueron compuestos en fechas anteriores o
concordantes con la fundación del monasterio de Miramar. Sebastián
Garcías Palou no atiende, sin embargo, a un texto clave y fundamental
de aquella época. Es el curioso textos Lògica del Gatzell o
Compendium logicae Algazelis 31. Ramón Llull indica que lo tradujo del
árabe al latin en Monpelier para poder ser de ayuda a los escolares de
teología y filosofía. Sin duda que esto significa que dicha obra fue
escrita con anterioridad del 1275 (se da por ciento que la compuso
entre 1271 y 1272). Pero ¿con que finalidad? Miguel Cruz Hernández
indica que: Este sería un problema insoluble si no se acepta la tesis de
la temprana y original vocación intelectual del futuro Beato hacia la
conversión “científica” de los musulmanes 32 . Si los árabes ya disponían de un texto en su lengua, ¿para qué la traducción en latín? Y por
otro lado, si la obra de Llull es una introducción - un compendio - a los
Maqasid 33, los árabes ya podían leer directamente la obra de al-Gazzalí
y no tenían que recorrer a una obra introductoria. No hay duda, pues,
que Llull escribió esta obra con la intención de ser más que una traducción o introducción. Era una aproximación tanto a la obra de al-Gazzalí
como a su propio pensamiento. Lo podemos deducir de sus mismas
palabras, cuando escribe que su texto es un Explicit compendium
logice Algazalis cum aliquibus additionibus theologiae. Puede pensarse que el texto está destinado a los estudiantes de Montpelier, para
ayudarles a entrar en el pensamiento del filósofo árabe, pero si se
observa que la traducción de la Maqasid al-falasifah al latín fue realizada por Domingo Gundisalvo en Toledo antes de 1185 y que circulaba
a primeros del siglo XII entre los maestros y estudiantes parisinos, no
se percibe la necesidad de poseer dicha obra de Ramón Llull. Si tenia
una intención educativa sólo se nos puede ocurrir la necesidad de dotar
288
a sus estudiantes de un texto que, por un lado, aproxime al lector al
pensamiento árabe y por otro al pensamiento del maestro mallorquín.
Los destinatarios eran, o él mismo o bien los 13 frailes de la escuela de
Miramar.
Nos lo induce a pensar también no solo la deducción lógica sino la
estructura de la obra. Entre los apartados más lógicos, Llull intercala
tanto textos propios de la Maqasid al-falasifah como de la Tahafut alFalasifa 34. De la primera incorpora, en primer lugar, la cuestión sobre
la sustancia, los accidentes y la distinción de esencia y existencia. En
segundo lugar, la demostración sobre la existencia de Dios y, finalmente, el conocimiento por reminiscencia, por sensación y por ideas.
De la Tahafut recoge la demostración de la creación ex nihilo sui et
subiecti et in tempore, los atributos divinos y la teoría de las primeras
y segundas intenciones éticas. Todo este conjunto de cuestiones pueden ser perfectamente admitidas por un musulmán. Pero si atendemos
a la materia que le sigue nos percatamos que sólo un cristiano lo podía
aceptar, así se plantea la demostración del Dios uno y trino y de la
encarnación en la figura de Jesús. Miguel Cruz afirma que ni San
Alberto Magno, ni Santo Tomás de Aquino, ni los agustinianos y franciscanos que enseñaban en París en 1274, ni Juan XXI - Pedro Hispano
- habrían aceptado que en la lógica se debatieran los dogmas de la
Trinidad y de la Encarnación 35.
Por otra parte, la obra es traducida por el mismo Llull del latín al
catalán, su lengua vernácula 36. Sin duda que la traducción al catalán es
la mejor forma para que la obra llegase a aquellos que tenían esta lengua como materna, como lo eran los estudiantes en Miramar.
Las peticiones de escuelas de lenguas orientales
Es reciente el trabajo que el medievalista, investigador y especialista
de los temas del medievo catalán, Josep Perarnau, ha publicado en el
prestigioso Arxiu de Textos Catalans Antics (ATCA) 37. Su aportación
289
viene ha completar y profundizar los textos que Jocelyn N. Hillgarth
editó en su “Diplomatari lullià” 38. El investigador catalán aporta la
transcripción de tres cartas inéditas, hasta hoy desconocidas en dicha
versión, donde Ramon Llull pide al Rey, a un prelado francés y al
Estudio de París, la fundación de escuelas de lenguas. Los textos aludidos se encuentran en la Bibliothèque Municipale et Interuniversitaire de
Clermont Ferrand y hasta ahora no habían sido identificados a causa de
su mala clasificación. Los textos se hallan junto con la Disputatio fidelis et infidelis, sin que se identificara su autor, Raymundi, con Ramon
Llull. El perspicaz trabajo de Josep Perarnau nos indica que las cartas
son copia del siglo XIII o principios del XIV de los escritos que hoy se
conocen bajo el título Epistolae tres (ad Universitatem parisiensem, ad
regem Franciae, ad quendam amicum) 39, datadas en París entre 1287 y
1289. Con anterioridad, el citado J.N. Hillgarth había reproducido la
versión de los documentos que publicaron Edmond Martène y Ursí
Durand a principios del s. XVIII. El Doctor Perarnau hace un análisis
completo de los textos que presenta en versión inédita y los acompaña
de un estudio detallado de los precedentes no lulianos que abordan el
tema de la formación para el diálogo con el Islam. Por otra parte detalla
cuales son los escritos de Ramon Llull que se plantea la necesidad de
escuelas de lenguas en las que se enseñara las lenguas de los infieles y
la doctrina cristiana.
Muy acertadamente, Josep Perarnau divide esta producción luliana
entre los escritos antes de 1291 y los posteriores a dicha fecha. Ya es
sabido el impacto para la cristiandad que supuso la pérdida de San Juan
de Acre, ocurrida en aquel terrible 1291. Y Llull no fue ajeno a la crisis que dicha perdida acarreo a todos los cristianos. La reacción de
Ramon Llull fue la incorporación en sus objetivos de la recuperación
de Tierra Santa. Sin duda que este propósito se articulaba a la perfección con el ideal misionero de conversión y las peticiones de institución de los Studia linguarum. Algunos estudiosos anteriores habían
adjudicado que la incorporación del tema de la guerra de reconquista
de los lugares santos aparecía en Ramon Llull como consecuencia de
290
razones psicológicas - como es el caso de B. Altaner 40 - o bien a partir
de una visión no propia de su tiempo en cuanto a las relaciones entre
el poder temporal y el poder espiritual, defendida por Ramon
Sugranyes de Franch 41. Ya el Padre Eusebi Colomer había indicado que
Ramon Llull era hombre de su tiempo y que el impacto de la caída de
San Juan de Acre se dejaba sentir en gran manera en las obras de Llull
posteriores a tan gran pérdida 42.
Entre todos los escritos donde Ramon Llull plantea la necesidad de
formación específica para los misioneros suman veintinueve documentos, libros, cartas 43… De todos ellos atenderemos, primeramente a
las cartas aludidas, y posteriormente a los que el Dr. Perarnau llama
“formulaciones globales”.
Las tres cartas
Recogiendo las indicaciones del Dr. Perarnau, las tres cartas forman
una unidad entre ellas y con la Disputatio fidelis et infidelis 44. Este
hecho, debería modificar la estructura de algunos catálogos de las
obras del beato Ramon Llull, que consignan por separado cartas y
Disputatio. Especialmente cabe indicar la continuidad de la Disputatio
y la carta remitida a la Universidad de París. Es muy fácil pensar que
el libro iba dirigido a los maestros de la Facultad de Teología. Hacemos
una selección de los fragmentos más destacados de cada una de ellas.
1. Postulatio a rege Francorum pro studio linguarum Parisius statuendo
“…Aunque sea yo indigno de hacer una petición tan grande, que es
deseo de todos los cristianos, suplico con ánimo devoto y deseante,
como la misma real majestad del reino de Francia ha tenido por costumbre desde hace mucho tiempo procurar más que los otros por el
bien de la cristiandad, que os dignaseis conceder para alabanza y magnificencia del nombre de Dios, por caridad y mirando con piedad a los
miserables infieles que viven sin Ley y mueren sin fe, una benemérita
291
limosna que servirá para evitar mortalidades, a saber, que hagáis
construir y dotar un lugar o lugares en el que o en los cuales religiosos
u otros hombres de santa conversación, que ahora hay muchos, deseosos de servir a Dios y de actuar apostólicamente eligiendo vivir por
Cristo y morir, finalmente, en nombre de Cristo, aprendan los idiomas
de los infieles para que una vez que conozcan las variantes de dichas
lenguas magnifiquen a Dios en aquellos idiomas donde no es comprendido, lo exalten dónde es despreciado, lo prediquen donde no
crean mostrando la verdad de las verdades y se muestre firmemente
que la ley de los cristianos es la auténtica….”
2. Petitio ad prelatum consiliarum regis Francorum in favorem scholae linguarum 46
“La sabiduría de Dios por su clemencia nos ha traer a todos de la
nada a la existencia, porque de este modo todos nos sentimos obligados a enaltecer y glorificar su majestad. Comoquiera que no hay nada
de más adecuado para el enaltecimiento y la glorificación de la majestad de Dios que restituir a los errados al camino de la verdad, a los ciegos a la luz de la claridad, y a los muertos a la tierra de los vivos,
convirtiendo los ignorantes al conocimiento y al amor de nuestro Señor
Dios, Ramon Llull suplica a vuestra paternidad, por mucho que sea
indigno de suplicar una cosa tan grande, que, por mor de la caridad y
la misericordia que como padre piadoso que sois, os queráis dignar de
hacer diligentemente de intercesor ante del rey de Francia para la
conversión de los infieles y el enaltecimiento de la fe católica, interviniendo a favor de la exhortación que yo le he hecho porque, como adalid de los reyes y príncipes cristianos, digno de ser como es el apoyo y
la protección de la Cristiandad con el generoso mantenimiento económico de tantos asuntos, se quiera dignar de hacer una limosna bien
meritoria, esto es, que haga edificar y dotar un lugar o lugares en el
cual o en los cuales unos cuántos religiosos u otros hombres de santa
vida, imbuidos de la gracia del cielo (y ahora justamente hay muchos
hombres que anhelan vivir y morir por Cristo), aprendan los idiomas
292
de los infieles y así, bien formados, y con el celo de la caridad, vayan
a predicar a los infieles por varias regiones del mundo el más grande
de los conocimientos a los incultos, la más alta de las verdades a los
errados, y la vida eterna a los agonizantes, de forma que el nombre de
Jesucristo sea glorificado por quien ahora lo escarnecen y se acreciente
el rebaño del Señor. Verdaderamente, seria oportuno que la ciudad de
París, que en el magisterio del conocimiento y de la doctrina es adalid
dando el estudio y la disciplina de la verdad, fuera la que generase esos
luchadores de la fe”.
Postulatio a Studio generali Parisius pro studio linguarum 47
“Ved, reverendos padres y señores maestros, como se acerca el peligro para toda la Iglesia de Dios, y si vuestra sabiduría y devoción, que
mantienen a toda la Cristiandad, no alzan un escudo ante la perfidia de
los sarracenos, y no se pone atención en frenar el impetuoso torrente
de los tártaros, no digo ni quiero pensar lo que podría pasar. Y resulta
muy sorprendente que sean muchos más los adversarios de Dios que
no sus defensores, puesto que hay muchos hombres que lo critican más
que no alaban, cuando Dios se ha hecho hombre para todos los hombres, y ha muerto porque ellos pudieran vivir. Y también hay mucha
gente que ya se ha apartado de la unidad de la Iglesia de Dios, como
por ejemplo los griegos y otros muchos cismáticos. […] Todo esto me
provoca remordimientos de conciencia, y me ha forzado a venir delante
de vosotros, que por la gran discreción y sabiduría vuestras habéis de
estar interesados a tomar las disposiciones que hagan falta en un asunto
tan grande, y en un servicio tan piadoso, tan meritorio, y tan grato y
provechoso para Dios y para todo el mundo, esto es, que aquí en París,
desde dónde brota la fuente del conocimiento de Dios, y desde dónde
reluce la antorcha de la verdad para todo el pueblo cristiano, se funde
un estudio de árabe, de tártaro y de griego, en el que aprendamos las
lenguas de los enemigos de Dios y nuestras, y yendo a predicarles y a
enseñarlos, podamos vencer sus falsedades con la espada de la verdad
y transformarlos en pueblo de Dios aceptable, y convertir los enemigos
293
en amigos. De hacerse una cosa así y fuera del agrado de Dios, seria lo
más importante que podríamos hacer para la exaltación y la expansión
de la Cristiandad. Y por llevar a la práctica estos designios tú,
Universidad de París, eres un fundamento inapreciable, porque de ninguna forma no serás la más perita con respecto a tus doctores, ni de tú
deja de salir la luz que ilumina todo el mundo, das testimonio de la verdad, y vienen a ti maestros y discípulos de muy lejos y de todas partes
para adquirir todos los conocimientos. Cuántas cosas que te fueran
provechosas no encontrarías en los libros de los griegos y de los árabes, si pudieras entender sus lenguas sin ser necesario ningún intérprete? Quién podría contar tanta alabanza, tanto honor a Dios, tan caritativa compasión hacia los pobres errados, y cuanto bien se seguiría de
esto y con esto? Y lo podríais hacer con poco esfuerzo, si elevarais
vuestra petición al muy alto rey de Francia, porque él, que es el más
noble de entre los reyes de la tierra, se dignara favorecer este nobilísimo asunto por encima de todos los demás con su benemérita limosna,
es decir que, una vez tuviera conocimiento de la importancia de este
asunto, fundara y dotara el mencionado estudio y os escuche, tal y
como así lo espero”.
Las formulaciones globales
1. Capítulo CCCXLVI del Libre de contemplació (c. 1273)
Los treinta apartados que componen este capítulo están fundamentados en dos presupuestos básicos, en primer lugar la voluntad salvadora de Dios y el reconocimiento de la plena libertad en el acto de fe
del hombre (sea o no cristiano). Aquí no se trata únicamente de exponer sus teorías sino también de desarrollar una estrategia eficaz para
instruir y convencer al cristiano en su misión transmisora de la fe. De
esta manera, y con los esfuerzos de todos, los que están en el error (los
infieles) tienen la oportunidad de salvarse. Se insiste repetidamente
que esta es una misión de todos, tanto de la jerarquía (Papa,
Cardenales, Obispos, Sacerdotes…) como de todos los fieles 48.
294
Sin embargo, Ramon Llull señala un desfase entre, por una parte,
saber y poder, y por otra, el querer efectivo y real. Este problema tanto
afecta al pueblo cristiano como a sus dirigentes. Es así como toda la
Iglesia tiene que rezar, adorar y contemplar para que Jesucristo mueva
las voluntades reales, la del Papa y la de todos. De todo ello saldrá una
clarificación doctrinal para hacer evidente el mensaje cristiano a aquellos que no lo han vivido, siempre, claro está, preservando la libertad de
conciencia y la seguridad física (sólo admite la violencia defensiva
como respuesta a una agresión violenta). En esta voluntad de clarificación doctrinal pedagógica, con fines de conversión, aparece la necesidad de las escuelas de lenguas. Estos esfuerzos misionales tienen por
primer objetivo la conversión de los islámicos, ya que por contexto son
los infieles más próximos 49.
2. Libre qui és contra Antichrist, 1274 50
En este libro puede verse repetidas las ideas expresadas ya en el
Libre de contemplació, si bien no se alude a la justificación de la violencia defensiva y, por otra parte, se cita directamente una obra que les
ha de ser utilísima a los misioneros: se trata del Art abreujada d’atrobar veritat, a la que ya hemos aludido mas arriba. Esta obra ha de
poder dotar a los candidatos a misiones de las claves necesarias para
que un infiel descubra el porqué el cristianismo es la religión verdadera
y superior a todas las demás. En el Libre qui és contra Antichrist se
observa cuales son los elementos que en el islamismo obstacularizan la
evangelización cristiana. Referente a la construcción de los Studia linguarum indica que han de hacerse en lugares solitarios, apacibles y
bellos. Los que concurran a ellos tienen que ser educados en filosofía
y teología, con la misión de convertir a los infieles por “razones necesarias”, es decir, por el método luliano de predicación, según la manera
que se expone en su Art abreujada de trobar veritat. Un requisito indispensable de los candidatos era su disposición a darlo todo, incluso la
vida en martirio, si llegase el caso 51.
295
3. Tractatus de modo convertendi infideles (1291-1292?) 52
En este librito, de seis capítulos breves, se puede ver claramente el
estado de abatimiento que en Ramon Llull y en la cristiandad en general provocó la caída de San Juan de Acre y, un poco anteriormente,
Trípoli (1289). Se trata de una propuesta práctica y eficaz de reconquistar Tierra Santa, que Llull enviará al Papa Nicolás IV. Se detalla el ataque por el mar y la batalla por tierra, buscando todos los recursos militares del papado para causar miedo al enemigo y con la participación
personal del Papa. Las órdenes militares trabajarían conjuntamente
para obtener el éxito de la misión. El capítulo tercero está dedicado a
los planes para la conversión. Como se puede ver, Llull no plantea sólo
una reconquista militar, sino una misión y conversión paralela al acto
bélico. En esta actividad misional, lo primero que hay que atender es
que los hombres escogidos para ello sean santos y piadosos, dispuestos a morir por Cristo y expertos filósofos y teólogos. Los argumentos
a discutir son los presentes en la Biblia y los elaborados por los santos
padres. A la vez que hay que escribir libros y traducirlos a las lenguas
de los infieles para que estos, estudiándolos, puedan ver sus propios
errores.
Para reforzar el trabajo de este ejército de misioneros se crearían los
studia linguarum, uno de los cuales se ubicará en Roma, que seria el
central. Otros en París - donde la ciencia florece más - , en España - a
causa del gran número de sarracenos existentes - , en Genova y Venecia
- porqué sus ciudadanos están en contacto con los sarracenos y tártaros
- en Prusia, Hungría, Armenia y en otros lugares adecuados para la
adquisición de lenguas bárbaras y de diálogo con los infieles. Por
motivo de seguridad y control de los estudiantes, son más aconsejables
los centros en territorio latino. A los jóvenes que se internen el dichos
centros, además de las lenguas de los infieles se les enseñaría el amor
al martirio por Cristo.
296
4. Quomodo Terra Sancta recuperari potest (1292), conocida también
como Epistola summo pontifici Nicholao IV pro recuperatione
Terrae Sanctae 53
Esta breve carta al Papa Nicolás IV no aporta grandes cambios al
Tractatus de modo convertendi infideles, aunque vale la pena reseñarla
por la voluntad de Ramon Llull de presentar explícitamente al Papa su
voluntad y su proyecto de recuperación de Tierra Santa. Es un resumen
adaptado, con modificaciones importantes, pero que siguen la línea ya
trazada. Más allá pues de dichas modificaciones - por ejemplo ya no
se considera indispensable la presencia del Papa y se reúnen todos los
ejércitos en uno sólo - se sigue entendiendo que la función de los predicadores expertos en lenguas de los infieles tienen su importancia en
esta acción conjunta de toda la cristiandad para recuperar los territorios
santos. No sólo son misioneros expertos que dialogan en su lengua con
los infieles, sino que la fuerza de sus razonamientos son la forma más
sutil de vencer al enemigo; las armas vencen, la razón luliana convence.
5. Petició de Ramon a Celestí v per a la conversió dels infidels (1294)
54
y la Petitio Raymundi pro conversione infidelium ad Bonifacium
VIII (1295) 55
Son dos peticiones porqué se presentaron a dos Papas diferentes,
también puede observarse que de la carta a Celestino V sólo se
conserva el original catalán y de la petición a Bonifacio VIII se
conserva la versión latina. Pero en realidad es un mismo texto con
variantes de traductor o poco significativas. Puede pensarse que al
Papa Bonifacio VIII se le entregó una traducción de la petición a
Celestino V, que por falta de tiempo este no pudo responder a la propuesta que le hacía Ramon Llull sobre la conversión de los infieles y
la recuperación de Tierra Santa. Como ya sabemos, el nuevo Papa hizo
oídos sordos a Ramon Llull, con lo que la decepción del maestro cata-
297
lán se acrecentó. El contenido de la petición se basa en dos líneas fundamentales que el Papa tiene que asegurar, por un lado está “el tesoro”
espiritual con la misión de convertir a los infieles a través de hombres
sabios, expertos en lenguas orientales y dispuestos a morir por
Jesucristo; por otro lado, “el tesoro” corporal propone la reconquista
de los lugares santos. Le pide al Papa todos los esfuerzos posibles para
la reconciliación de los cismáticos y la conversión de los Tártaros por
“disputación”. A la vez que indica la necesidad de invitar a estudiantes
infieles a formarse en la cultura cristiana para que, una vez convertidos por la fuerza de la razón y del espíritu, retornen a sus lugares de
origen y sean portadores de su nueva fe 56.
6. Liber de fine (1305) 57
Este libro representa una nueva petición al Papa, un nuevo intento
para que sus planes sean atendidos por el gobierno de la Iglesia. Al
Papa Benito IX Llull no le envió ninguna de sus peticiones. Pero a
Clemente v, pocos meses después de entrar en el papado, le entrega
este libro en forma de petición con el objetivo de “poder conducir al
mundo a buen estado y así reunirlo en una sola unidad católica”. En
buena manera es una sistematización del De modo convertendi infideles, con las reflexiones posteriores a sus recientes viajes. El libro se
divide en tres distinciones. La primera trata de la disputa contra los
infieles, la segunda sobre la guerra de reconquista y la tercera presenta
a muy grandes rasgos los principios elementales del “arte” luliano.
Dedicaremos unas breves líneas a caracterizar especialmente la primera distinción.
Para la planificación de la disputa con los infieles se escogerá un
cardenal de vida santísima que mandará construir cuatro monasterios
fuera de las ciudades, en lugares apacibles y no demasiado cerca del
mar, con la dotación anual suficiente para poder mantener los maestros, los estudiantes de lenguas y la biblioteca. Se hará una atenta selección de los candidatos, sean o no de ordenes religiosas, con las capaci-
298
dades de soportar las dificultades del aprendizaje y la determinación
de, si es necesario, dar la vida por Cristo. En estos monasterios es suficiente una comunidad de doce estudiantes, con un superior. Cuando dos
de estos hayan aprendido los idiomas enseñados, se irán a predicar el
evangelio y dejaran su sitio para dos nuevos estudiantes. En el primero de
los cuatro monasterios, se enseñará la lengua árabe, en el segundo el
hebreo, en el tercero la lengua de los cismáticos y en el cuarto la de los
tártaros. Para poder obtener maestros expertos en estas lenguas una forma
práctica es ir a estos países y ofrecer el puesto a hombres pobres que, atraídos por el lucro, aceptarían el encargo.
Puestas estas bases, Llull da la clave de las creencias religiosas de los
sarracenos, los judíos, los cismáticos (griegos, monofisitas y nestorianos)
y tártaros. Enseña sus doctrinas básicas y en que consisten sus errores.
7. Liber qui est de acquisitione Terrae Sanctae (1309) 58
Un nuevo libro de petición no sólo al Papa sino que se dirige, esta vez,
a la Santa Sede, incluidos los cardenales: ellos tienen la Sapientia,
Potestas et Caritas. La supresión de la orden del Templo y el Concilio de
Vienne tienen una carga especial en el presente libro. Llull esperaba con
ansias que el Concilio reconociera y respaldara sus proyectos. Con respecto al Liber de fine, toma mayor fuerza la acción militar por encima a
la acción misionera, Llull puede verse forzado por las circunstancias históricas pero también por sus resultados misioneros poco fructíferos.
Plantea una auténtica guerra de recuperación sin que medie o incida algún
poder “civil”, como por ejemplo el rey que aparecía en la petición anterior. Todo se deja en manos eclesiásticas, especificándose el material
bélico necesario, las rutas de conquistas previas a seguir, como lo son
Ceuta y Constantinopla. Si bien es muy preciso en estos términos, esto no
es obstáculo para que pida al Papa y a los Cardenales la fundación de tres
monasterios, uno en Roma, otro en París y el tercero en Toledo dónde
hombres virtuosos y devotos estudiarían varias lenguas orientales y posteriormente serian enviados, dispuestos al martirio si llegara el caso, a evan-
299
gelizar a aquellos pobres infieles.
Palabras finales
Josep Perarnau nos indica 59 un dato muy relevante referente a la disposición total de los candidatos a estudiantes de las escuelas lenguas orientales. La experiencia personal de Llull parece que induce a creer que todo
intento de dialogo de la fe cristiana con otras creencias religiosas o desemboca en el martirio o bien a situaciones muy próximas. Su larga relación con el esclavo musulmán o su dilatada experiencia de diálogo en el
norte de África, así como las leyes islámicas, perece que lo avalan. Llull
sabia, pues, que su aventura de diálogo y conversión de los infieles era
total, sin marcha atrás, con el riesgo constante de perder la vida.
En esta gran aventura de convertir el mundo, las armas de Llull fueros
las de la inteligencia y las del amor. Para J. N. Hillgarth 60, nuestro mallorquín tenía una de aquellas raras mentes capaces de asimilar las verdades
de escuelas diferentes; por un lado, se percibe la inteligencia de los dominicos y por el otro la voluntad propia de los franciscanos. Pero además,
puede verse el buen conocimiento del islamismo y del judaísmo. Por ello
es acertado el describir su sistema como «filosofía de frontera», un gran
sistema, único en todo el occidente medieval.
Hemos empezado nuestra aportación haciendo hincapié en que las
peticiones a Reyes y Papas de monasterios donde se enseñase lenguas
orientales con el fin de evangelizar a los infieles tenía que ponerse necesariamente en relación con el proyecto misionero de Ramon Llull: al fin
y al cabo, los Studia linguarum eran instrumentos destinados a formar
hombres que entrasen a debatir con los paganos. Cabe preguntarse por la
eficacia del sistema luliano y su éxito al largo de toda su dilatada existencia. No hay duda que puede ser una temeridad el responder a la pregunta
con los datos que hoy poseemos. El Padre Eusebi Colomer 61, después de
exponer el contenido y comentar el interesante libro de Ramon Llull
Disputatio Raymundi christiani et Hamar saraceni (escrito en Pisa, 1308),
nos hace entender que Llull al final de su vida no respiraba aquel opti-
300
mismo que en el Llull inicial se percibe a cada paso. Su experiencia primera se da en Mallorca, con la población de musulmanes esclavizados, es
decir, agrupados artificialmente y sin ninguna clase de poder. Pero cuando
transporta su método evangelizador a las sociedades islámicas naturales Tunez y Bugia, por ejemplo - , el método ya no es tan eficaz y cosecha
sonoros fracasos. El drama de Ramon Llull se encuentra en no comprender esta evidencia de entrada.
Por otra parte, Llull parece que ha construido una imagen a priori de
los infieles. Ha estudiado sus doctrinas, ha encuadrado a cada uno de ellos
en un modelo teórico a partir del cual afronta la relación con seres humanos reales, a los que quiere evangelizar, suponiendo que estarán dispuestos al diálogo. Llull se ha hecho “el otro” a su medida. Antes de sus experiencias misioneras en tierras del norte de África, vemos en sus diálogos
personajes que dialogan con el protagonista, con razones bien estructuradas. Al entrar en el mundo islámico real empiezan los verdaderos problemas, aparecen las “razones del corazón” y se pasa del diálogo fructífero a
la disputa. Para convertirse no es suficiente tener razones de la razón, falta
esencialmente, y Llull lo sabía, querer ser convertido. Y eso no se obtiene
tan fácilmente. El sistema de Llull, honesto y abierto, da para encontrar
las razones de la razón; pero ya no depende del sistema que el evangelizado quiera ser convertido.
Apéndice. Nota sobre el contexto geopolítico en tiempos de Ramon
Llull: los estados más importantes del mediterráneo 62.
Dividimos el mediterráneo entre los estados musulmanes y los estados cristianos en razón de los intereses misionales de Ramón Llull y sin
fijarnos en los pequeños estados que tendrán un papel determinante el
la política internacional del siglo XIII. A grandes líneas podemos decir
que los estados musulmanes ocupan el sur y todo el este del mediterráneo, mientras que los estados cristianos están ubicados en los territorios
del norte y del oeste que baña dicho mar. Esta división la podemos trazar una vez que han pasado a manos árabes las últimas plazas que la
301
cristiandad poseía en el reino de Jerusalén, como son Beirut, Sidón, Tiro
y San Juan de Acre (1291).
De entre los estados árabes destaca Ifriqiya que ocupaba una parte de
la actual Túnez y de Libia. Para el gran historiador árabe Ibn Khaldun
(1332-1395) este era el estado musulmán que desarrollaba el comercio
más importante con Barcelona y los territorios catalanes. Estaba dominado por la dinastía berebere de los Háfsides. Otro emirato árabe importante a destacar era el que esta misma dinastía regentó entre 1285 y 1309
entre Bugia y Constantinopla, que correspondería a la parte oriental de la
Algeria moderna. Un tercer estado, en el Magreb central, era dominado
por la dinastía Abd-el-Wadid. Era un enclave de suma importancia para
Mallorca ya que por Tlemcen - su capital - y por Orán - su puerto - se
comercializada el oro que salía y entraba de la isla. El cuarto emirato era
Marruecos que con Mallorca y Cataluña tenía un comercio importante
aunque no tan destacado como los anteriores. Estaba dominado por la
dinastía de los Merinids. El último reino árabe era la bella Granada, la
última perla de la España musulmana que se mantuvo activa hasta final
del siglo XV. Estaba gobernada por la dinastía de los Násrides.
Atendiendo ahora a los estados cristianos destacamos en primer lugar
Castilla que, sin tener un papel determinante en el mediterráneo, mantuvo
una presencia comercial a través del puerto de Sevilla (en posesión desde
1248). Un segundo estado importante era el reino de Aragón, que integraba Cataluña y Aragón. Jaume I reconquistó buena parte de su territorio a los musulmanes y los legó a su hijo Pere III. Era un reino fuerte política y comercialmente. Un tercer estado, Francia, era la primera potencia
europea, especialmente su capital. Su influencia comercial no ocultaba en
nada su importancia como centro cultural de primer orden. Un cuarto
estado era Nápoles y Provenza que ejercían su influencia bajo la regencia
de la casa de Anjou. En quinto lugar destacamos Genova, que controlaba
Córcega y una parte de Cerdeña, y Pisa que dominaba la parte restante de
dicha isla, eran auténticas naciones rivales en el mar. En sexto lugar,
Sicilia que tenía una personalidad propia como nación, aunque durante
302
más de un siglo (1285-1409) estuvo bajo dinastía catalana. No hay que
olvidar, por otro lado, los estados papales, con su curia romana. En vida
de Ramon Llull, la curia se trasladó de Roma a Francia y posteriormente
a Aviñón. Finalmente es necesario destacar el reino de Mallorca, que
estaba articulado a base de tres territorios muy desiguales i sin continuidad territorial. Por un lado estaba el Rosellón, la Cerdaña y el Capcir que
ejercían de auténtica frontera entre Francia y la península ibérica. Por el
otro encontramos el importante territorio de Montpeller, que destacaba
por su escuela de medicina, por la universidad y por su puerto de mar que
daba la salida más importante al comercio francés. Por último cabe destacar las islas baleares, que habían sido conquistadas a los árabes en tiempos de Jaume I y en fechas dispares. Desde el punto de vista geopolítico,
Mallorca era un enclave de alto valor comercial y estratégico entre África
y Europa. A finales del siglo XIII, dos terceras partes del tráfico marítimo
mallorquín lo era con el norte de África. Esto nos ayuda a deshacernos de
dos ideas modernas sobre Mallorca que puede ser un impedimento para
comprender aquélla época: en primer lugar la de la gran distancia entre el
norte de África y Europa, es decir, entre la cultura cristiana y la cultura
islámica; y en segundo lugar, la de Mallorca como paraíso de vacaciones
de los europeos. Aún hoy parece que Mallorca está más cerca de Londres
que Algeria. Mallorca estaba en el centro de la gran área comercial del
mediterráneo. En las ciudades portuarias del mediterráneo sur había
consulados mallorquines y, por su parte, en Mallorca se encontraban tanto
los representantes comerciales de aquellos países como genoveses, pisanos, catalanes, venecianos, etc.
Notas
Cf. L. ROBLES, El “studium arabicum” del capítulo dominicano de Toledo
de 1250, p.33.
2
Cf. la edición catalana, Darrer libre sobre la conquesta de Terra, Barcelona,
Proa, 2002, p. 90-91.
3
Cf. A. BERTHIER, Les écoles de langues orientales fondées au XIIe siècle
par les Dominicans en Espagne et en Afrique. J.M. COLL, Escuelas de lenguas orientales en los siglos XIII y XIV. L. ROBLES, El “Studium arabicum”
1
303
del capítulo dominicano de Toledo. Antecedentes del “Miramar” de Ramon
Llull. A. CORTABARRIA, originalidad y significación de los “Studia linguarum” de los dominicos españoles de los siglos XIII y XIV. A. CORTABARRIA. San Ramón de Penyafort y las Escuelas dominicanas de lenguas. J.
FORMENTIN IBÁÑEZ, Funcionamiento pedagógico y proyección cultural
de los estudios de árabe y de hebreo promovidos por San Ramón de Penyafort.
4
Escribe en su monumental y magnífico Libre de contemplació en Déu (c.70,
22): “Jo som estat foll del començament de mos dies d’entrò a trenta anys passats”. (OE, II, p.250). “He vivido en locura desde el inicio de mis días hasta
pasado los treinta años.”
5
Manuscritos Latinos: Lyon, Bibliothèque Publique, Fonds Général 258
(XV); Madrid, Biblioteca de la Universidad Complutense, Facultad de
Derecho, 106 (XV); Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10561
(XVII); Clm. 10573 (XVII); Clm. 10589 (XVII); Palma de Mallorca, Arxiu
Diocesà, Causa Pia Lul·liana c. 3, l. 2 (XVIII ?), Biblioteca del Marquès de
Vivot, 4 (XVIII); Biblioteca Pública, 1042; Paris, Bibliothèque Nationale, lat.
15450; lat. 14586 (XV); Roma, Collegio di San Isidoro, 1/109 (XVI); 2/104
(XVI/XVII); Vaticano, Biblioteca Apostolica, Vat. lat. 10275 (XV).
Manuscritos Catalanes: Londres, British Library, Add. 16432 (XV); Palma de
Mallorca, Biblioteca Bartolomé March, 99-V1-6. Manuscritos Castellanos:
Palma de Mallorca, Arxiu Diocesà, Causa Pia Lul·liana c. 3, l. 2. Ediciones.
Para la edición latina y catalana destacamos: Miquel BATLLORI y J.N. HILLGARTH, Vida de Ramon Llull. Les fonts escrites i la iconografia coetània,
Barcelona, Associació de Bibliòfils, 1982. Para la castellana: Ramon LLULL,
Obra Escogida, ed. Miquel Batllori; trad. Pere Gimferrer, Madrid, Alfaguara,
1981.
6
“Sed rursus considerans, quod licet Dominus Deus sibi processu temporis
faciendi praedictum librum gratiam largiretur, parum tamen uel nihil ipse
solus facere posset, inde praesertim, cum ipse linguam arabicam, quae
Saracenorum est propria, penitus ignoraret. Sed ad haec sibi uenit in mentem,
quod iret ad papam, ad reges etiam et principes christianos, ad excitandum
eos, ac impetrandum apud ipsos, quod constituerentur in diuersis regnis seti
prouinciis ad hoc aptis monasteria, in quibus electae personae religiosae et
aliae ad hoc idoneae ponerentur ad addìscendum praedictorum Saracenorum
et aliorum infidelium linguagia, ut ex eisdem personis, ibidem conuenienter
instructis, in promptu semper, assumi possent et mitti personae idoneae ad
praedicandum et manifestandum praedictis Saracenis et aliis infidelibus piam,
quae est in Christo, fidei catholicae ueritatem”. La versión catalana, del s. XV,
304
se aleja un poco, aunque no en lo fundamental, del manuscrito latino: “E pensant mes auant que jatsia ell asso fahes, pus no sabia la lengo morischa o arabicha que res no li aprofitaria, e mes auant considerant ell esser sol en aquest
ten gran exercici, e per asso ell pensa que anas al sant pare e als princeps dels
xristians a impetrar ques fahessen diuerses monastirs ahon homens sauis literats studiassen e aprenguessen la lenguo arabicha e de tots los altres infaels
per so que posquessen entre ells prehicar e manifestar la veritat de la sancta fe
catholica”. Reproduzco los textos de la edición de Miquel BATLLORI y J.N.
HILLGARTH citada, p. 14-15.
7
Fue considerado como el cumplimiento de su deseo de escribir “el mejor
libro del mundo”. Manuscritos catalanes: Milán, Ambrosiana, A 268 Inf.
(1280); Milán, Ambrosiana, D 549 Inf. (1280); Palma de Mallorca, Collegi de
la Sapiència, F-143 (XIV); Biblioteca Pública, 1006; Maguncia, MartinusBibliothek, 220i (XIV-XV); 220k (XIV-XV); Palma de Mallorca, Biblioteca
Pública, 1005 (XV); 1010 (XV); Vaticano, Apostolica, Vat. lat. 10734 (XV);
Barcelona, Biblioteca de la Universitat de Barcelona, 280 (XV); Biblioteca de
Catalunya, 2007 (XV); Roma, Isidoro, 1/71 (XV); Palma de Mallorca,
Biblioteca Pública, 1011 (XVI); Barcelona, Biblioteca de Catalunya, 3188
(XVI); Palma de Mallorca, Societat Arqueològica Lulliana, Aguiló 111
(1626); Biblioteca Pública, 1046 (1646); 1047 (1646); Munich, Bayerische
Staatsbibliothek, Hisp. 72 (614) (XVII); Munich, Bayerische Staatsbibliothek,
Hisp. 71 (613) (1711); Palma de Mallorca, Arxiu Municipal, Bibl. 42 (XVIII).
Manuscritos latinos: Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 3348A (1298);
Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10494 (XIV); Paris, Bibliothèque
Nationale, lat. 3342 (XV); Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10518
(1419); Bernkastel-Kues, St. Nikolaus Hospital, 83 (XV); Madrid, Biblioteca
Nacional, 131 (XV); 132 (XV); Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1009
(XV); Colonia, Historisches Archiv der Stadt Köln, GB fol. 144 (1514);
Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10577 (XVII); Palma de Mallorca,
Collegi de la Sapiència, F-205 (XVII); Arxiu Diocesà, Causa Pia Lulliana 29
(XVII?); 30 (XVII?) 31 (XVII?); 32 (XVII?); 33 (XVII?); París, Bibliothèque
Nationale, lat. 17819 (1660); Palma de Mallorca, Arxiu Diocesà, Causa Pia
Lulliana 34 (1691); 35 (1691); 24 (1692); 25 (1692); 26 (1692); 27 (1692); 28
(1692); Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 17820 (1717); lat. 17821 (1717);
Palma de Mallorca, Arxiu Diocesà, Causa Pia Lulliana 19 (1733); 20 (1733);
21 (1733); 22 (1733); 23 (1733); Palma de Mallorca, Biblioteca Pública,
1003, II (XVIII); 1072 (XVIII); Arxiu Diocesà, Causa Pia Lulliana 49
(XVIII); Arxiu Municipal, Bibl. 45 (XVIII). Ediciones. En catalán, dos edi305
ciones: Obres de Ramon Lull.(ORL), tomos I-VII, Palma de Mallorca, 19061914; y Obres Essencials (OE), Barcelona, 1957-1960.
8
Escribe el autor de la Vita coetanea : “Subito Dominus illustravit mentem
suam dans eidem formam et modum faciendi librum, de quo supra dicitur,
contra errores infidelium” Op. Cit. 14, p. 16-17. Es a causa de este hecho que
a Ramon Llull se le apoda con el título de Doctor illuminatus.
9
Se pueden distinguir dos ciclos en el interior de dicha etapa:
a) 1274-1283. Ciclo del Art abreujada d’atrobar veritat (Ars compendiosa
inveniendi veritatem). Es una etapa expansiva del Arte, lo aplica al resto de
ciencias. Obras más destacadas: Art abreujada d’atrobar veritat (ca.1274),
Doctrina pueril (1274-1276?), Libre del gentil e dels tres savis (1274-1276?),
Libre de demostracions (liber mirandarum demostrationum) (1274-1278?),
Libre de l’orde de cavalleria (1279-1283?), Libre d’Evast e d’Aloma e de
Blanquerna (1283) y en su interior el libro 6 (Libre d’amic e amat) y el libro
7 (Art de contemplació).
b) ca. 1283-1289. Ciclo del "Art demostrativa". Es reformula el papel de los
elementos y es desarrolla la doctrina de los correlativos. Obres mas importantes: Art demostrativa (1283), Regles introductòries a la pràctica de l’art
demostrativa (1283-1285), Fèlix o el libre de les meravelles (1288-1289) y en
su interior el libro 7 (Libre de les bèsties)
10
Sub eodem tempore impetrauit etiam Raimundus a praedicto rege
Maioricarum unum monasterium construi in regno suo, et possessionibus
dotari sufficientibus, ac in eodem tredecim fratres Minores institui, qui linguam ibidem discerent arabicam pro conuertendis infidelibus, ut superius est
expressum. Quibus, necnon et aliis, succedentibus aliis in eodem monasterio,
perpetuo de praedictis possessionibus ad eorum necessaria ministrarentur singulis annis quingenti floreni”. (sec.17, p. 18). El traductor-adaptador catalán
lo expresa así: “E en aquell temps impetra lo dit Reuerend Mestra, del dit
senyor Rey, esser edifficat hun monastir en lo Regne de Mallorques ben dotat
de possessions, en lo qual posquessen viura xiij frares qui aprenguessen la
lengo morische per conuertir los infaels, als quals tots anys fossen dats sinchcents florins dar per llur sustentacio. (sec. 17, p.17)
11
“Post haec iuit Raimundus ad curiam Romanam, causa impetrandi, si posset, a domino papa et cardinalibus, huiusmodi monasteria pro diuersis linguis
discendis per mundum institui. Sed cum ipse ad curiam peruenisset, inuenit
papam tunc recenter mortuum, dominum scilicet Honorium papam.” (sec.18,
p. 18-19). En la versión catalana: “Apres donchs de aquestes cosas anassen lo
dit Reuerend mestra al pare sant e als cardinals per obtenir que per lo mon se
306
fessen monastirs hon sa aprenguessen diuersos lengatges per convertir los
infae1s, e com fos ates a cort atroba lo sant pare qui llauors era mort de
fresch…” (sec. 18, p. 17-18).
12
Cf. HILLGARTH, J. N. Ramon Llull i el naixement del lullisme. p. 192.
13
Algunas de las obras más importantes: Ars inventiva veritatis (1290), Libre
de Sancta Maria (1290-1292?), Hores de Sancta Maria (1290-1293?), Taula
General (1293-1294), Arbre de filosofia desiderat (1294), Lo desconhort
(1295), Arbre de ciència (1295) y en su interior la parte 15 (Arbre exemplifical), Libre de ànima racional (1296), Proverbis de Ramon (1296?), Arbre de
filosofia d’amor (1298), Començaments de filosofia (1299), Cant de Ramon
(1300), Liber de ascensu et descensu intellectus (1305).
14
Es puede leer el texto completo en HILLGARTH, J. N. Diplomatari lullià,
p. 60-61.
15
“Qvo facto direxit ad Romanam curiam gressus suos, cupiens ibidem, ut
alias, impetrare, monasterio fieri per mundum pro diuersis linguis, ut supra
dicitur, addiscendis”. (ed. cit., sec. 19, p.19). “La qual cosa acabada, dellibera
d anar en cort romana per dar forma de fer los monestirs que tant desitjaua…”
(ed. cit., sec. 19, p. 18).
16
Manuscritos catalanes: Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Ottob.
lat. 542 (XIV); Bibliotheca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 845 (XIV);
Barcelona, Biblioteca de Catalunya, 2017 (XIV); Palma de Mallorca,
Biblioteca Pública, 1025 (XIV/XV); Vaticano, Bibliotheca Apostolica
Vaticana, Vat. lat. 9344 (XV); Londres, British Library, Add. 16431 (XV);
Roma, Collegio di San Isidoro, 1/71 (XV); Palma de Mallorca, Biblioteca
Pública, 996, II (XVI); 1184 (XVI-XVII); Societat Arqueològica Lulliana,
Aguiló 110 (XVI-XVII); Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Vat. lat.
10036 (1615); Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10591 (XVII);
Palma de Mallorca, Biblioteca del Convent de Sant Francesc, 14 (XVIII).
Puede consultarse el poema entero a Obres essencials (OE) p. 1308-1328 o en
formato digital a http://www.rialc.unina.it/89.6.htm.
17
Marco: 16, 15.
18
“Tempore igitur domini Clementis papae quinti, a ciuitate Parisiensi recedens, peruenit Lugdunum. Ibique residens, summo pontifici supplicabat de re
pro fide uberrimae bonitatis, uidelicet ut ipse dominus papa ediceret monasteria fieri; in quibus uiri constituerentur deuoti et apti; qui, diuersarum gentium idiomata addiscentes, possent uniuersis infidelibus praedicare euangelia
iuxta Domini mandatum, dicentis: Ite in mundum uniuersum praedicare euangelium omni creaturae. Quae quidem supplicatio tam domino papae quam et
307
cardinalibus modicum fuit curae”. (ed. cit. sec. 35, p. 26). “En temps de Papa
Climent quint partis lo Reuerend mestra de la Ciutat de Paris e vench sen al
sant pare soplicant lo que fes construhir diuersos monastirs en los quals se
aprenguessen diuersos lenguatges per preycar la sancta fe catholica als infaels
axicom nostre senyor ho hauia manat als apostols, dient “anau per tot lo
vniuersal mon a prehicar lo sanct Euuangeli a tota creatura”. De la qual cosa
axi lo sant pare con los cardinals hagueren pocha cura ne ansia”. (ed. cit. sec.
35, p. 24).
19
Cf. BONNER, Anthony y Lola BADIA, Ramon Llull, vida, pensamient i
obra literària, p. 48.
20
Destacamos de esta época: Proverbis d’ensenyament (1309), Disputatio
Raimundi et averroistae (1310), Sermones contra errores Averrois (1311),
Vita coetanea (1311), Art abreviada de predicació (1313), Libre de consolació d’ermità (1313), Liber de Bono et malo (1315).
21
En su escrito, fechado en la noche de Navidad de 1310, en París, le pide cuatro cosas: la primera que sea protector de la fe cristiana, “La segunda petición
era que a su cristianísima majestad le fuera grato de eliminar las opiniones y
las obras de Averroes, desterrándolas y extirpándolas del Estudio de París, de
modo que en adelante nadie se atreva a citarlas, leerlas o escuchar comentarios sobre ellas, puesto que contienen nauseabundos errores contra nuestra
santa fe. Y lo que es aun más peligroso, estos errores engendran cada día otros
nuevos y más graves. Para un cristiano es inicuo y vergonzoso afirmar que la
fe es más improbable o sólo aparente, que no explicable por pruebas, y eso
dicen los seguidores del herético Averroes”. La tercera, la creación en la
Universidad de París de cátedras para misioneros que irían a predicar en tierra
de infieles y la última petición consistía en hacer llegar al Papa la necesidad
de unir todos los órdenes militares para la reconquista de Tierra Santa. Cf.
Liber natalis pueri parvuli Christi Jesu, capítulo XXVIII. CF. ROL VII, p. 69.
Puede verse la edición catalana en OE, p. 1294-1295.
22
“Post haec autem sciens Raimundus, fare a sanctissimo patre, domino
Clemente papa quinto, generale concilium celebrandum apud civitatem
Viennensem, anno Domini 1311 in Kalendis Octobris, proposuit ire ad dictum
concilium, ut tria ibidem impetraret ad reparationem fidei orthodoxae.
Primvm quidem, ut locus constitueretur sufficiens, in qua uiri deuoti et intellectu uigentes ponerentur, studentes in diversis linguarum generibus, quod
omni creaturae scirent doctrinam euangelicam praedicare. Secvndvm vero, ut
de cunctis religiosis militibus christianis fieret unus ordo; qui ultra mare
contra Saracenos usque ad recuperationem Terrae sanctae bella continua, reti308
nerent. Tertivm autem, ut contra opiniones Averrois, qui in multis peruersor
extitit veritatis, dominus papa celeriter ordinaret remedium, quod per uiros
intelligentes catholicos, non intendentes ad sui gloriam, sed Christi honorem,
obiceretur praedictis opinionibus et eas tenentibus, quae obuiare uidentur
veritati et sapientiae increatae, Filio Dei Patris”. (ed. cit. sec. 44, p. 29). La
versión catalana lo expresa así: “Apres de las dessus dites cosas, sabent lo dit
Reverend mestra per lo sant pare Climent delira esser apleguat consell general en la Ciutat de Viana en lany de nostro senyor Mil ccc xj, dellibera d anar
al dit consili per proposar tres cosas a honor e reuerencia e augment de la
sancta fe Catholica. La primera que fossen construhits certs lochs ahon certes
persones deuotes e de alta inteliigencia studiassen en diuersos lenguatges, per
so que a totes les nascions posquessen preycar lo sant Evangeli; lo sagon que
a tots los Cavaliers xristians fos [dona]t cert orde que continuadement trebaliassen en conquistar la terra sancta; La terça que contra la oppinio de averrois, qui en moltes cosas ha volgut aduersar a la sancta fe Catholica, fos provehit per homens de sciencia ordonant libres con tra les dites errors e contra
tots aquelis qui [la dita op]pinio tendrien…” (ed. cit. sec.44, p. 26-27).
23
L. IV, tit. 1 de Magist. c. 1.
24
“...monasterium sive locus religiosus de tuis bonis propriis construatur, in
quo tredecim frates ordinis minorum, qui, iuxta ordinationem et institutionem
provincialis ministri, continue in arabico studant, commorentur, ut tandem
instructi competenter in illo ad terram paganorum se conferant animarum profectibus intendentes…” Cf. Mn. Reg. Vat. 38, Ep. LIII, 15-16. S. GARCÍAS
la reproduce en su libro El Miramar de Ramon Llull, 319-320. También J. N.
HILLGATH en su Diplomatari lullià, p. 39-40.
25
Manuscritos catalanes: Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Ottob.
lat. 542 (XIV); Ottob. lat. 845 (XIV); Vat. lat. 9344 (XV); Vat. lat. 10036
(1615); Barcelona, Biblioteca de Catalunya, 2017 (XIV); Palma de Mallorca,
Biblioteca Pública, 1025 (XIV/XV); 996, II (XVI); 1184 (XVI-XVII);
Biblioteca del Convent de Sant Francesc, 14 (XVIII); Societat Arqueològica
Lul·liana, Aguiló 110 (XVI-XVII); Londres, British Library, Add. 16431
(XV); Roma, Isidoro, 1/71 (XV); Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm.
10591 (XVII). Una versión digital se puede consultar en
http://www.rialc.unina.it/89.6.htm. Sobre papel, véase Josep ROMEU i
FIGUERAS: Ramon Llull, Poesies, Barcelona, Enciclopèdia Catalana, 1986,
p.27.
26
Los versos son los que siguen:
651 “so es, que·l papa agues mant home letrat,
309
qui desiras per Jhesu esser marturiat,
per so que per tot lo mon fos entes e honrat;
654 e que cascu lenguatge fos mostrat,
655 segons que a Miramar ha estat ordenat,
656 e aja·n conciencia qui ho ha afollat!”
27
El Miramar de Ramon Llull, p. 74
28
Manuscritos catalanes: Oxford, Bodleian Library, Canon. Ital. 147 (XIV);
Palma de Mallorca, Col·legi de la Sapiència, F-129 (XIV); Biblioteca Pública,
1071 (XIV); 1025 (XIV/XV); Biblioteca del Convent de Sant Francesc, 4
(1663). Manuscritos latinos: París, Bibliothèque Nationale, lat. 16114 (XIII);
Bibliothèque Nationale, lat. 15450 (1325 ca.); Bolonia, Biblioteca
Universitaria, 1732 (XIV); Berlín, Staatsbibliothek, Lat. fol. 187 (XIV);
Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1062 (1390); 1032 (XV); Munich,
Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10497 (XIV-XV); Clm. 10575, II (XVII);
Clm. 10594 (XVII); Clm. 10564 (XVII); Oxford, Bodleian Library, Arch.
Selden. B. 25 (XIV/XV); Roma, Biblioteca Casanatense, 1414 (XV);
Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 9344 (XV); Salamanca,
Biblioteca Universitaria, 1875 (XV); Milán, Biblioteca Ambrosiana, A 208
Inf. (XV); Maguncia, Stadtbibliothek, II 234 (1459); París, Bibliothèque
Mazarine, 3501 (XVII); 3506 (XVII). Destacamos las dos ediciones de
Anthony BONNER, una en NEORL y otra en OE.
29
Manuscritos latinos: Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10502
(XIV); Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 5112 (XIV);
Lucca, Biblioteca Statale, 2641 (XIV); Bolonia, Biblioteca Universitaria,
1732 (XIV); Palma de Mallorca, Col·legi de la Sapiència, F-130 (XIV);
Cologny-Ginebra, Fondation Martin Bodmer, Bodmer 109 (XIV); Barcelona,
Biblioteca de Catalunya, 118 (XIV); Munich, Bayerische Staatsbibliothek,
Clm. 10511 (XIV/XV); Florència, Biblioteca Riccardiana, 1001 (1417/1418);
Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1031 (XV); Munich, Bayerische
Staatsbibliothek, Clm. 10514, III (XV); Palma de Mallorca, Biblioteca del
Marquès de Vivot, 5, II (XV); Biblioteca Pública, 1032 (XV); Lión,
Bibliothèque Publique, Fonds Général 258 (XV); Napoles, Biblioteca
Nazionale, VIII.D.18 (XV); Palma de Mallorca, Biblioteca del Convent de
Sant Francesc, 7 (XV); Nápoles, Biblioteca Nazionale, VII.D.32 (XV);
Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. theol. et phil. Q 31
(1472); Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1053, I (XV); 1074 (XV);
Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Reg. lat. 1289 (XV/XVI); Viena,
Österreichische Nationalbibliothek, 11327 (XVII); Munich, Bayerische
652
653
310
Staatsbibliothek, Clm. 10562 (XVII/XVIII); Cremona, Biblioteca
Governativa, 99 (1739); Palma de Mallorca, Arxiu Diocesà, Causa Pia
Lulliana 7 (XVIII).
30
Manuscritos: Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Hisp. 62 (606) (XIV);
Hisp. 53 (597) (XV); Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1021 (XV 1ª
m.); Arxiu Diocesà, Causa Pia Lul·liana 9 (XVIII).
31
Manuscritos: Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10538, II (XIV
final). 103-126v. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10544 (14491450). 77-93. Viena, Österreichische Nationalbibliothek, 2529 (XV). 1-31v.
Gotha, Universitäts und Forschungsbibliothek Erfurt/Gotha, Chart. B 1502
(XV). Puede consultarse la edición siguiente: Libre de demostracions, ed.
Salvador Galmés, núm. XV de las ORL Palma de Mallorca, 1930.
Ediciones, entre otras cabe destacar: CHARLES LOHR, Raimundus Lullus'
Compendium Logicae Algazelis. Quellen, Lehre und Stellung in der
Geschichte der Logik. Tesis doctoral, Freiburg, 1967. JORDI RUBIÓ. Ramon
Llull i el Lullisme. Barcelona: Publicacions de l'Abadia de Montserrat, p. 111166. Obres de Ramon Llull I, ed. Salvador Galmés y Ramon d'Alòs-Moner,
XIX. Palma de Mallorca, 1936.
32
La fundación de Miramar y el sentido de la “sabiduria cristiana” de Ramon
Llull. Actas del II Congreso internacional de lulismo, Miramar, 19-24 octubre
1976, Palma de Mallorca, 1979, p.2.
33
Maqasid al-falasifah: fi al-mantiq wa-al-hikmah al-ilahiyah wa-al-hikmah
al-tabi`iyah. Este es un texto compendioso y muy claro sobre la lógica, la
metafísica y la física de Ibn Sina. El original árabe puede consultarse en
http://www.ghazali.org/books/mdskurdi-mf.pdf. La edición latina (1506) se
encuentra en http://www.ghazali.org/books/gz-latin.pdf.
34
Seguramente que es el texto más conocido por los filósofos, dado su carácter crítico acerca de la incoherencia de sus argumentos. El original árabe, con
edición crítica y introducción de Maurice Bouyges puede encontrarse en
http://www.ghazali.org/books/tahafot-boyges.pdf
35
Op. cit, p.3
36
Los manuscritos existentes se encuentran en: Sevilla, Biblioteca
Colombina, 7-6-41 (1425). 5a-14b. Roma, Corsiniana, 1362 (XV). II, 258270v. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10538, III (XV/XVI). 127138v
37
PERARNAU I ESPELT, Josep. La còpia manuscrita medieval de les tres
lletres de Ramon Llull demanant al Rei, a un prelat de França i a l’Estudi de
París l’establiment d’escoles de llengües (Clermont-Ferrand, BMI, ms. 96),
311
Barcelona, Arxiu de Textos Catalans Antics, XXI, (2002), 123-218.
38
HILLGARTH, Jocelyn Nigel. Diplomatari lullià: documents relatius a
Ramon Llull i a la seva familia, Barcelona y Palma de Mallorca, Universitat
de Barcelona i Universitat de les Illes Balears, 2001.
39
Ediciones. En Catalán: HILLGARTH, Jocelyn Nigel. Diplomatari lullià, p.
50-58. En latín: MARTÈNE, Edmond y Ursí DURAND Thesaurus novus
anecdotorum quinque in tomos distributus, París: F. Delaulne, H. Foucault, M.
Clouzier, et al., 1717. DENIFLE, Henricus y Aemilius CHATELAIN.
Chartularium Universitatis Parisiensis II, París, 1891, p. 83-84 (frag).
THORNDIKE, Lynn, University Records and Life in the Middle Ages
"Records of civilization-sources and studies" XXXVIII, New York, Columbia
University Press, 1944, p. 125-7.
40
B. ALTANER, Glaubenszwang und Glaubensfreiheit in der Missionstheorie
des R. Lullus, HJ 48, 1928.
41
SUGRANYES DE FRANCH, Raymond Lulle, docteur des missions, avec un
choix de textes traduïts et annotés. Neue Zeitschrift für Missionswissenschaft,
Supplementa, V, 1954.
42
Cf. E. Colomer, El pensament als Països Catalans durant l’edat mitjana i
el renaixement, p. 176
43
Son: Libre de contemplació en Deu (c.1273), Libre qui és contra Antichrist
(1274), La petición, hoy perdida, de fundación del Monasterio de Miramar
(1276), Blanquerna (c.1285), Liber super salmorum Quicumque vult sive
Liber Tartari et Christiani (c. 1258), Petición de Ramon Llull a Honorio IV
(no hay texto autógrafo, 1287), Disputatio fidelis et infidelis (1288), Epistolae
tres (ad Universitatem parisiensem, ad regem Franciae, ad quendam amicum)
(1287-1289), Tractatus de modo convertiendi infideles (1291-1292?),
Quomodo Terra Sancta recuperari potest (1292), Disputació de cinc savis
(1294), Petició de Ramon a Celestí V per a la conversió dels infidels (1294),
Petitio Raymundi pro conversione infidelium ad Bonifacium VIII (1295),
Desconhort (1296), Libre de home (1300), Disputatio fidei et intellectus
(1303), Liber de fine (1305), Liber disputationis Raymundi christiani et
Hamar saraceni (1308), Liber clericorum (1308), Liber qui est de acquisitione Terrae Sanctae (1309), Liber natalis pueri parvuli Ihesu Christi (13101311), Liber disputationis Petri et Raymundi sive Phantasticus (1311), Liber
de ente quod simpliciter est per se et propter se existens et agens (1311), la
resolución del Concilio de Vienne, Liber de locutione angelorum (1312) y el
Liber de participatione Christianorum et Sarracenorum (1312).
44
Manuscritos latinos: París, Bibliothèque Nationale, lat. 16112 (XIII).
312
Clermont-Ferrand, Bibliothèque Municipale et Interuniversitaire, 96 (XIIIXIV). St. Bonaventure, Bonaventure, 4 (XIV). Munich, Bayerische
Staatsbibliothek, Clm. 10533 (XV); Clm. 10594 (XVII). Vaticano,
Bibliotheca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 9344 (XV). San Candido (Innichen),
Biblioteca della Collegiata (Stiftsbibliothek), VIII. C. 8 (1494).
45
Ad exaltationem nominis Domini Dei nostri, regie maiestati Raymundus
Lul, licet ad tanti suplicationem negocii sit indignus, quod ab universis christianis est desiderabile, supplicat deuoto et desiderativo animo, ut sicut ipsa
regia regni Francorum magestas ab antiquo successive pre ceteris procurare
christianitatis comoda consueuit, dignaretur ad laudem et magnificenciam
divini nominis merito karitatis intuituque pietatis, miseris infidelibus viventibus sine Lege, morientibus sine fide, bene meritam elemosinam concedere,
tante mortalitatis naufragio succurrentem, uidelicet, locum seu loca
construere et dotare, in quo seu quibus a religiosis ab aliisque sancte conversationis uiris, qui nunc multi sunt hoc diuino munere appetentes, necnon
etiam secundum modum apostolicum ad hoc pro Christo vivere et pro nomine
Christi mori finaliter eligentes, addiscantur infidelium ydiomata, ut eorum
linguarum varietates docti, eorum ydiomatibus magnificarent Deum ubi non
colitur, exaltarent Eum ubi spernitur, predicarent Eum ubi non creditur, veritatem veritatum monstrantes, Legem christicolarum panderent firmiter esse
veram; dignum etenim esser, necnon ualde laudabile ut a uilla Parysiensi, que
christiane veritatis scientieque principalis mater est fidelibus et magistra,
emergent veritatis radii, qui per diuersa mundi climata radiantes, infidelium
errores, cum sint possibiles ad revocandum, suo lumine revocarent; Ihesus
Christus mortem adiit ut a morte perpetuo universos homines liberaret; sperandum est ideo hoc adimpleri, maxime propter ineffabile passionis Christi
meritum et propter etiam laborem et fortitudinem fidelium tunc ad hoc feruenter laborancium una cum Sacre Scripture iuuamine, ac similiter necessariarum rationum compulsione, quibus false opiniones et erronee obiectiones, que
contra fidem catholicam adduci possunt, destruende sint leviter, solidaque firmitate fidei roboranda sit veritas.
Cum igitur hoc sit sanctum negotium pre ceteris sublime, pre ceteris nobile,
et super omnia desiderabile, et sim indignus quod dicta mea moueant seu
mouere debeant tantam regiam maiestatem, suppliciter deprecor per Ipsum,
ad cuius gloriam hoc requiro, quod intuitu misericordie habere dignemini
consilium super istis, si possit tam pium tam meritoriumque negotium promoueri, uel quod plus cedat ad exaltationem fidei et omnipotentis Dei gloriam
et honorem; semper quidem patres uestri meliora pro christianitate defen313
denda totis uiribus elegerunt; moueant ergo desiderium uestrum eorum nobilissima et necessaria pro fide gesta; ipsi enim ad hoc in tantum Deum dilexerunt, quod suis meritis christianitatis columpne fieri mererentur, in sempiternum famam laudis de filiis in filios protendentes; et quoniam, sicut et ipsi
christianam ueritatem dilexistis, vos non solum illis similem, sed pocius excellentiorem animus meus desiderar esse exemplum simile alliis ac etiam posteris uestris relinquentem; falsitas igitur, ueritatis fidei repugnatrix, est doctrina et gladio deuincenda, vt auxiliante Deo religio christiana preualeat et
illud quod propheticum dicitur impleatur: «A solis ortu usque ad occasum
laudabile nome n Domini», sui grati a et laboriosa fortitudine feruencium laudatorum. Ed. J. Perarnau, Op. Cit. p. 133-134.
46
Divina sapientia omnes sua clemencia ad esse de nichilo nos produxit, vt
unusquisque ad exaltationem et gloriam divine magestatis se senciat obligatum. Cum autem, ad exaltationem et gloriam divini nominis nichil maius
conveniat quam errantes in viam veritatis, cecos in lumen claritatis, mortuos
in terram vivencium reducere, convertendo ignorantes in cognitionem et amorem Domini Dei nostri, paternitati vestre supplicat ideo Raymundus Lullii,
licet ad supplicationem tam magnifici negocii sit indignus, vt intuitu karitatis
et misericordie, tanquam pius parer dignemini pro conversione infidelium et
pro exaltatione catholice fidei esse apud dominum regem Francorum diligens
intercessor. Suppliciter quidem exortatus sum ut ipse, qui principalior est
inter reges et principes christianos, christianitatis autor fieri meruit et protector, ad tanti negocii subsidium largiri benemeritam elemosinam dignaretur,
videlicet ut locum siue loca edificari faceret et dotaret, in quo siue quibus religiosi aliique sancte conuersationis uiri, qui ad hoc celesti gratia imbuti, nunc
multi sunt pro Christo mori et uiuere sicientes, discerent infidelium ydiomata,
doctique et ad infideles profecti, insipientibus summam sapientiam, errantibus
summam veritatem, morientibus uitam eternam, zelo karitatis per diversa
mundi climata predicarent, itaque glorificaretur nomen Ihesu Christi ab hiis
qui vilipendunt illum, et ovile dominicum augeretur. Sane expediret in civitate
Parysiensi, que in scientia et doctrina magisterii optinet principarum, armato
studio et disciplina veritatis generari debere fidei pugnatores. Cum, igitur,
deprecationes mee, quamuis iuste sint, fiant indigne ad movendum in tanto
negotio regiam maiestatem, et circa hoc totam spem et fiduciam in vos iecerim ex antiquo, suppleat vestra reverenda paternitas id quod mea non potest
indignitas adimplere; vt, cum se facultas optulerit dignemini pietatis intuitu
dominum regem ad tam pii tam necessariique negocii executionem inducere,
ut vestri et ipsius meritis et aliorum ad hoc feruenter laborancium, convertan314
tur errantes lumi ne veritatis in cognitionem et amorem domini Ihesu Christi.
Ed. J. Perarnau, Op. Cit. p. 138-139.
47
Deo fidelis est ac summa karitate succensus, qui in cognitionem et dilectionem summe sapientie et amoris ignorantes dirigens, cecos illuminans, mortuos in viam vite reducens, pro testamento Dei sui adversitates et corporalis
mortis pericula non formidat: gloriam et magnum decorem eius, quis enarrabit? Generationes infidelium, qui hodierna die Deum nesciunt, quis enumerabit? Quot ab errorum cecitate in infernorum tenebras labuntur, quis excogitabit? Proth dolor, tanta dampna merito plange devota plebs fidelium christiana. O fons superne sciencie, que Parysius tot tante auctoritatis professores
inebriasti doctrina mirifica, extende torrentes tuos ad terras infidelium, et
irriga errancium corda penitus arida rore celi, expelle tenebras, aperi eis
radios eterni luminis; heu, quando ambulabunt omnes gentes in lumine tuo, et
omnis homo ambulans in splendore solis tui videbit salutare Dei? Desiderio
magno desideravi hoc ego, Raymundus Lullii, quod summe desiderabile est
omnibus fidelibus christianis, et ab hiis perfectibile, quorum intellectus
summa sapientia divinitus illustrauit; felix est illa universitas, que tot gignit
fidei defensores, et felix illa civitas, cuius milites armati sapientia et deuotione
Christi possunt barbaras nationes subdere summo regi; quando «adorabit te
omnis terra, Deus, psallet et benedicet nomini tuo»; et «omnes tribus et lingue servient tibi».
Consideretis hoc, reverendi patres et domini, intellectibus et voluntatibus quorum est obiectumsumma veritas et summa bonitas, quoniam, sicut Deus est
intelligibilis et amabilis, quia summe verus, summe bonus, sic ubique et multum, quia inmensus, et in affini tempore assidue, quia eternus. O quam felices
fuere apostoli et martires, quia «in omnem terram exiuit sonus eorum et in
fines orbis terre uerba eorum» predicancium Ihesum Christum. O quam preciosa mors eorum in conspectu Domini, que multos de morte revocavit ad
vitam. O utinam essent modo multi tales viarum illorum reparatores, quoniam
valde gloriosum et necessarium esset toti populo christiano, quia sicut ego
scio, quoniam expertus sum, multi sunt philosophi Arabum, qui ad perfidiam
Macometi christicolas pervertere nituntur et inproperant nobis infideles filii,
dicentes: «Ubi est deus eorum»; et preterea Iudei et Sarraceni, prout possunt,
conantur Tartaros in suas sectas inducere. Et si contingat, quod absit, Tartaros
esse Iudeos uel Sarracenos, vel eos condere per se sectam, timendum est ne
cedat in tocius christianitatis inconparabile detrimentum, sicut accidit de
secta Macometi, qua inuenta, Sarraceni irruerunt super nos, et quasi tercia
pars christianitatis cecidit. Innumerabilis est illa Tartarorum generatio. In
315
brevi quidem tempore multa sibi regna et principatus manti bellica subiugavit. Videte, reverendi patres et domini, magnum iminere periculum toti
Ecclesie Dei; et nisi sapientia et devotio vestra, qua tota christianitas sustinetur, Sarracenorum perfidie opponat clipeum salutarem, et si neggligat impetuosum torrentem Tartaricum refrenare, nolo ulterius dicere. Sed pensate quid
poterit evenire; et mirtilli est quod plures sint adversarii Dei quam defensores, et plures homines vituperent illum quam laudent, et Deus homo propter
homines factus est, et ipse homo mortuus est, ut eos uiuificaret, et multi etiam
ab unitate Ecclesie Dei iam declinaverunt, ut Greci et multi alii scismatici.
Consideretis quantum malum pro bono Deo redditur et quantum obprobrium
ab eis qui ad laudandum eum creati sunt, et quanta persecutio nobis fidelibus
imineat, et de qua questione simus Deo in extremo iuditio responsuri, cum
requiret a nobis mortem eorum, qui nostris predicationibus et exemplis debuerant vita perfrui sempiterna. Hic consciencie stimulus me remordet et coegit
me uenire ad uos, quorum summe discretionis et sapientie interest ordinare
circa tantum negotium, tam pium, tam meritorium, tam Deo gratum servicium
et utile toti mundo, uidelicet, quod hic Parysius, ubi fons divine scientie oritur, ubi veritatis lucerna refulget populis christianis, fundaretur studium
Arabicum, Tartaricum et Grecum, ut nos linguas adversariorum Dei et nostrorum docti, predicando et docendo illis, possimus in gladio veritatis eorum vincere falsitates, et recidere populum Deo acceptabilem et inimicos conuertere
in amicos; quod, si fiat (et placeat Deo quod sic), maximam quidem pro nobis
suscipiet christianitas exaltationem et dilationem, et huius rei tam inestimabilis eritis fundamentum; et tu, Parysius vniuersitas, nequaquam eris minima in
doctoribus tuis, ex te enim exiet lux vniuersis gentibus et perhibebis testimonium ueritati, et confluent ad te magistri et discipuli tui de longe, et vniuersi
haurient de te scientias vniuersas. Quid habebunt boni Greci et Arabes in
uoluminibus suis, quin sit tibi notum, cum sine interprete linguas eorum intellexeritis? Quis extimabit quanta laus, quantus honor Deo, quanta karitatis
conpassio erga miseros errantes et quantum bonum in hoc et ex hoc loco
sequetur? Et hoc leuiter fieri potest, si illustri regi Francie preces uestras porrexeritis ut ipse, qui nobilissimus est inter reges terre, huic nobilissimo negotio inter omnia negotia largiri dignetur suam benemeritam elemosinam, uidelicet predictum studium seti studia fundare et dotare.
Et exaudiet vos, ut confido, postquam huius negocii cognoverit auctoritatem.
Ed. J. Perarnau, Op. Cit. p.141-143
48
“... ço és, lo sant apostoli, e los cardenals, e·ls prelats, e·ls religiosos, e·ls
prínceps, e·ls altres cristians.” Obres essencials (OE), vol. II, p.1150.
316
49
Sustituyo las letras que Llull utiliza como símbolos por su contenido: “...los
sarrains s'acosten més a la C (comunidad de los creyentes) que nulles altres
creences... per açò és pus leugera cosa de convertir los sarrains que null altre
poble... pus la C (comunidad de los creyentes) hagués convertits los sarrains,
leugera cosa seria puixes tot l'àls a convertir qui és el l'E (mundo)” Op Cit. p.
1154. Perarnau, Op. Cit., p. 165.
50
Atendemos tanto a la excelente edición que del libro realizó el Dr. Perarnau
(cf. Arxius de Textos Catalans Antics, IX, 1990, 7-182) como al artículo del
citado investigador que nos sirve de guía para estas páginas y que hemos ido
citando, especialmente obsérvese las páginas 165-167.
51
“... cové fer en los llochs seperats, agrests, delitables, estudis de diverses
lenguatges e que en aquells studis sien hòmens savis, en scièncias de philosophia e theologia studians, per tal que vagen prehicar los infaels, los quals deu
hom preïcar per rahons necessàries... Aquells preïcadors cové ésser tan devots
a martire que no dubten mort ni turmens a sostenir per nostre senyor Déus. E
cové que vaien als infaels e que disputen ab ells sobre.ls articles, sigüent la
manera de la Art abreuiada de trobar veritat, la qual als infaels sia mostrada
e sia a ells mostrada comuna philosophia e theologia sots breus començaments necessaris per tal que per l'effectu en philosophia sia demostrada veritat dels articles en theologia... Los preïcadors demunt dits deuen ésser triats e
alets de les religions e dels hòmens setglàs covinents al sant offici damunt dit.
E cové que sien nodrits a morir e a desirar morir per exelçar la fe sancta. E
cové que sien tremeses als infaels per llurs maiors e per lo sant apostoli...
Establiment e ordonament cové ésser fet com lo sant pare apostoli tremetra als
reys dels infaels que li tremeten hòmens savis en llurs sextes e que a aquells
sia mostrat lati e los libres, per los quals la fe chrestiana és revelada e demostrada ésser en veritat. E que sien a aquells savis dons donats e agredablement
sien servits e que retornen en llurs terres paguats del acullyment que hom a
ells haurà fet. E tot aço se cové a la art de convertir los infaels, per tal que
aquells la fe cathòlica recompten en llurs terres e que se'n vagen ab enteniment il·luminat e ab consciència nafrada per la sciència que enfre los chrestians hauran apresa sobre la revelació de la fe cathòlica”. Edición de Josep
Perarnau, Arxius de Textos Catalans Antics, IX, 1990, cf. p. 149-152.
52
Existe un solo manuscrito latín, en Sevilla, Biblioteca Colombina, 7-6-41
(XV).
53
Manuscritos latinos: Sevilla, Biblioteca Colombina, 7-6-41 (XV); Palma de
Mallorca, Biblioteca del Marquès de Vivot, 4 (XVIII).
54
Único manuscrito catalán: Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Hisp. 60
317
(604) (XIV). Cf. la edición de Mn. Josep Perarnau en ATCA, I, 1980, 29-43.
55
Manuscritos latinos: París, Bibliothèque Nationale, lat. 16116, III (XIV);
lat. 15450 (1325 ca.); lat. 17827 (XVII). Munich, Bayerische Staatsbibliothek,
Clm. 10576 (XVII); Clm. 10565 (XVII).
56
“Aquest trezor de sancta esglesya conciram en dues maneres: trezor speritual e trezor corporal. Espiritua, que.ls sants hòmens religiozes e seglars, qui
per nostre seyor a honrar desígien pendre mort e qui són de doctrina sacra
il·luminats, aprezessen diuerses lengatges que anassen prehicar los euuangelis per tot lo món e que uós, sant pare, e uosaltres, seynors cardenals, assignàssets vn seynor cardenal, qui tractàs aquest negoci e qui feés sercar aquels per
totes les terres dels crestians, qui a aquesta sancta predicatió conuinens seran
e éser volran, e que a aquels fossen mostrats tots los lenguatges del món, e que
d’assò fossen estudis fets en les terres dels crestians e dels tartres; e que.l seynor cardenal qui aquest offici auria feés la mesció dels estudis e dels estudians, e assò continuamén entrò que tot lo món fos de crestians”. Ed. Josep
Perarnau, ATCA, I, 1980, 32-33.
57
Manuscritos latinos: Palma de Mallorca, Biblioteca Pública, 1042 (XIV);
1184 (XVI-XVII); Col·legi de la sapiencia, E-131 (XVI). Munich, Bayerische
Staatsbibliothek, Clm. 10543 (XV). Roma, Biblioteca Casanatense, 43 (XV).
Vaticano, Bibliotheca Apostolica Vaticana, Ottob. lat. 654 (XV); Vat. lat. 7317
(XV). Sevilla, Biblioteca Colombina, 7-2-27. Montserrat, Biblioteca del
Monestir, 406 (1623).
58
Manuscritos latinos: París, Bibliothèque Nationale, lat. 15450 (1325ca); lat.
17827 (XVII). Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm. 10565 (XVII).
59
Op. Cit., nota 10
60
Ramon Llull i el naixement del lullisme, Curial i Publicacions de l’Abadia
de Montserrat, Barcelona, 1998, p. 39-40
61
Cf. El pensament als Països Catalans durant l’Edat Mitjana i el
Renaixement, p. 71-73
62
Cf. A. BONNER, Obres selectes de Ramon Llull (1232-1316), vol I.
Bibliografia
Abreviaturas comunes de las obras de Ramon Llull
ATCA. Arxiu de Textos Catalans Antics. Edición de textos lulianos y de otros
autores catalanes medievales, dirigido por Josep PERARNAU. Barcelona,
Facultat de Teologia y Institut d’Estudis Catalans.
318
MOG. Beati Raymundi Lulli Opera, ed. Ivo SALZINGER, 8 vol., Maguncia,
Häffner, 1721-1742; reimpr. F. STEGMÜLLER, Frankfurt-M., 1965.
OE. Obres Essencials. intr. Joaquim Carreras i Artau, Miquel Batllori, Tomàs
Carreras i Artau y Jordi Rubió i Balaguer 2 vols. Barcelona, ed. Selecte, 19571960.
ORL. Obres de Ramon Llull. Editadas por Salvador Galmés y otros, 21 vol.
Palma de Mallorca, 1906-1950.
ORLJR. Obras de Ramón Lull, ed. Jerónimo Rosselló, 3 vols. Palma de
Mallorca, Tipografía de las Hijas de Colomar, 1901-1903.
NEORL. Nova edició de les obres de Ramon Llull. Varios volúmenes editados
por el Institut d’Estudis Baleàrics, Patronat Ramon Llull. Palma de Mallorca.
Dirigido por Anthony BONNER.
ROL. Raymundi Lulli. Opera Latina a magistris et professoribus edita
Maioricensis Scholae Lullisticae, ed. F. Stegmüller y otros Palma de Mallorca,
Maioricensis Schola Lullistica. 30 vol. y un suplemento aparecidos hasta
2005. Los cinco primeros, en Palma de Mallorca, después en el Corpus
Christianorum Continuatio Mediaevalis, Turnhout, Brepols. Edición crítica
latina del Raimundus Llullus Institut de Freiburg.
OS. Obres selectes de Ramon Llull (1232-1316), ed. Anthony BONNER, 2
vol. Palma de Mallorca, Editorial Moll, 1989. Traducción de Selected Works
of Ramon Llull (1232-1316), 2 vols. Princeton, N.J., 1985.
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http://www.udg.edu/ilcc/Eiximenis/narpan/narpan.htm. Pagina del grupo de
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322
Les matricules universitaires et le statut des clercs
à l’université médiévale et seiziémiste
Prof. Hilde De Ridder-Symoens
Universiteit Gent, Belgique
Une des questions que les organisateurs du colloque sur la relation
entre Église et Université se sont posées concernait le caractère ecclésiastique des universités à la fin du Moyen-Âge et notamment la question de savoir si les universités étaient le monopole des clercs. Et que
faudrait-il entendre par clercs ? On parle en effet d'un processus de
sécularisation par lequel les universités perdent petit à petit leur caractère clérical et deviennent des institutions laïques, avec une minorité
d'étudiants clercs. Dans cette discussion, on fait parfois trop peu la distinction entre l'université en tant qu'institution (institution ecclésiastique ou institution laïque) et la composition de ses membres (clercs ou
non). Cet exposé n'a pas la prétention de vouloir formuler une réponse
exhaustive à ce sujet. Bien que cette contribution soit plutôt technique
et statistique, elle apportera tout de même des éléments à la discussion.
Les opinions formulées sur la sécularisation de l'université de la fin
du Moyen-Âge sont surtout basées sur une approche statistique de données relatives au statut clérical dans les sources universitaires.
Plusieurs livres d'immatriculation ou de promotion ajoutent des particularités au nom des novices ou des gradués, comme nobilis, pauper,
magister, clericus, religiosus, etc. Ces ajouts donnent des renseignements précieux sur la condition sociale des universitaires, pour autant
que nous comprenions vraiment le sens exact de ces mots. Comme
chaque institution, l'université a développé un vocabulaire propre qui
peut dévier ou s'éloigner de la signification traditionnelle des mots.
Grâce à l'analyse détaillée de ces ajouts dans plusieurs universités
323
médiévales et seiziémistes, il doit être possible de mieux comprendre
ce que les contemporains entendaient par ces termes.
Questions de terminologie
Dans cet exposé, je voudrais examiner les vocables ecclésiastiques
et en particulier le vocable clericus. Dans son livre sur la Terminologie
des universités au XIIIe siècle, Olga Weijers a consacré trois pages à la
notion de clericus 1. Elle a souligné que 'le terme clericus reste en soi
un terme ambigu, soulignant l'état ecclésiastique de l'immense majorité des étudiants et définissant leurs rapports avec les pouvoirs publics
plutôt que leur appartenance à l'université 2. En effet, la distinction traditionnelle du droit canonique entre clerici et laici, déterminée par la
tonsure et l'ordination des clercs, s'estompe. Comme chaque scolaris,
ou écolier, au haut Moyen-Âge, avait le statut de clericus, les deux
vocables (scolaris et clericus) sont devenus presque synonymes aux
XIIe et XIIIe siècles. Et comme les clercs au haut Moyen-Âge étaient
pratiquement les seuls à recevoir une éducation intellectuelle, la notion
de clericus fut aussi associée à celle de litteratus et le laicus devint
l'équivalent de l'illiteratus 3. Cette dernière association a disparu au bas
Moyen-Âge, lorsqu'un nombre toujours croissant de laïcs ont trouvé le
chemin des écoles. Ce phénomène a débuté dans la péninsule italienne
dans le courant du XIIIe siècle. Les textes universitaires officiels ne
considèrent plus clericus et scolaris comme des quasi synonymes; ils
distinguent les clerici scolares des laici scolares 4. Il n'en reste pas
moins qu'au début du XVe siècle encore, dans les universités avec une
faculté des arts bien peuplée, un nombre important d'étudiants ont reçu
la tonsure et jouissent de ce fait des privilèges ecclésiastiques et universitaires. L'insertion dans l'Église donne au scolaris la possibilité de
solliciter des prébendes, même s'il n'a pas été ordonné prêtre, et de
jouir de tous les avantages, tant juridiques que fiscaux, qu'entraîne
l'état clérical 5. En tant que suppôt d'une université, le prébendier était
dispensé de résider. Afin de savoir si un étudiant avait le droit d'avoir
des revenus de bénéfices sans obligation de résidence, même s'il s'agis-
324
sait d'un bénéfice avec cure d'âmes, les recteurs étaient obligés de noter
l'office ecclésiastique avec le lieu de résidence 6. En principe donc, les
matricules universitaires devraient donner une image assez fiable du
nombre des bénéficiaires de prébendes. Les recteurs avaient-ils la
même obligation envers les tonsurés non prébendiers ? Ce ne semble
pas être le cas. Selon Rainer Schwinges, les étudiants tonsurés étaient
tellement communs jusqu'au milieu du XVe siècle que les recteurs ou
procuratores nationis n'estimaient souvent pas nécessaire de les enregistrer comme tels. Vers 1500, selon le même auteur, le nombre de
clercs diminua proportionnellement dans les matricules universitaires.
Il en déduit une décléricalisation de l'université dans la seconde moitié
du XVe siècle, et ceci dans toute l'Europe 7. Mais comment le prouver
si nous ne savons pas dans quelle mesure on peut se fier aux mentions
sur la condition sociale et cléricale dans les registres matricules ?
En outre, les sources universitaires normatives n'expliquent pas quel
statut a en fait l'étudiant qui est appelé clericus. C'est pourquoi il est
nécessaire d'examiner dans la pratique de quelle manière le terme est
utilisé dans l'administration universitaire. Autrement dit : quels étudiants appelait-on clericus ? Dans son inestimable ouvrage Les matricules universitaires, Jacques Paquet soulève un coin du voile 8. Les
membres du clergé régulier sont désignés comme tels : professus, religiosus, frater, monachus, bien que l'ordre ne soit pas toujours mentionné. Pour ce qui est du clergé séculier, les registres sont beaucoup
moins précis. Certaines matricules ne mentionnent jamais les termes
clericus ou laicus (ce dernier étant de toute façon très rare), comme celles d'Erfurt ou Leipzig; d'autres le font très irrégulièrement, comme celles de Cracovie, Greifswald ou Francfort-sur-l'Oder. Pour certaines
années, elles mentionnent de nombreux clercs; pour d'autres années, il
n'y en a pratiquement aucun inscrit au rôle 9. C'est pourquoi Jacques
Paquet se demande si des vocables tels que clericus, presbyter, pastor,
parochus, plebanus, vicarius, capellanus ou altarista sont interchangeables ou si, au contraire, ils désignent une fonction précise. Selon
Rainer Schwinges, tous les étudiants avec indication d'une fonction clé-
325
ricale (geistliche Würdenträger) à Cologne sont aussi effectivement des
ecclésiastiques 10. Mais que faire avec l'étudiant qui est serviteur
(nommé clericus) d'un autre étudiant, comme, par exemple, Johannes
de Gheysmaria, qui fut inscrit à Cologne en 1415 comme 'pauper et clericus magistri Heinrici de Brilon '. Jean de Geismar et Arnould
Offermans sont-ils des serviteurs, secrétaires, ou des chapelains personnels ? Ceci semble le cas avec le noble Otto Laner de Breitbrach qui
figure en 1476 dans le livre des procurateurs de la nation germanique à
Orléans avec son serviteur, le prêtre Heinrichus de Mulheim, ' capellanus eiusdem domini de Breitbach, nihil solvit quia clericus domini '.
Après ses études, Otto Laner entra dans l'Église comme chanoine 12.
Plus difficile à interpréter encore est le terme dominus. Il n'y a pas
de doute que dominus Otto Laner n'était pas clerc; le prédicat a trait à
son statut de noble. Dans certaines matricules, et ceci jusqu'au XVe siècle, dominus réfère toujours à un prêtre ordonné; aussi bien des curés de
paroisses que des prélats portent ce titre 13. A Paris, presque tous les
artiens diplômés sont nommés dominus. Sont-ils tous des tonsurés ?
Loin de là, selon Paquet 14. Le terme dominus peut aussi bien se rapporter à un étudiant noble ou à un personnage de renom (humaniste,
homme influent), ou même désigner un gradué. A Erfurt ou Bologne, il
s'agit de gradués d'une faculté supérieure 15. Dans la nation germanique
de l'Université d'Orléans et à Dole, dominus est uniquement réservé aux
étudiants nobles ou de renom, aussi bien au XVe qu'au XVIe siècle. On
y trouve souvent la combinaison nobilis dominus (moins nobilis vir ) 16.
D'autres universités utilisent de manière plus arbitraire le terme dominus. Selon Schwinges, dans le Saint Empire Romain, ce sont surtout les
recteurs des studiums de Cologne et de Louvain qui ajoutent l'appellation dominus (respectivement 2,3 et 1,9 % contre 1 % ou moins dans les
autres studia generalia germaniques) 17. Dans un exposé élaboré,
Schwinges essaie de trouver logique et justification dans l'emploi de
dominus, mais ceci s'avère quasi impossible. On ignore la portée exacte
de ce terme. Ce qui est certain, c'est que clericus, presbyter et dominus
ne sont pas interchangeables. Outre les domini et domini scolares, la
326
matricule de Cologne mentionne aussi des domini presbyteri mais également des nobiles domini 18.
Il reste un dernier point à noter concernant la cohérence et la logique de notation. Chaque individu qui voulait étudier dans une université, ou du moins profiter des privilèges universitaires, devait se présenter devant le recteur ou le procureur de la nation, prêter serment et
payer les droits d'immatriculation 19. Les universités médiévales appliquaient une gradation dans les droits d'inscription : les nobles payaient
plus, les clercs moins ou rien du tout ( gratis propter deum ), de même
que les pauvres ( nihil solvit quia pauper ), ou on leur accordait des
facilités de payement 20. On pourrait croire que les recteurs étaient méticuleux dans la notation de la condition sociale, compte tenu des implications financières attachées au statut social. Mais loin de là. Plusieurs
recteurs, comme à Freiburg, Wittenberg ou Tübingen, ne mentionnent
pas ou rarement le montant des frais d'inscription; d'autres se contentent de mentionner la condition sociale sans ajouter le montant, comme
à Louvain 21. La notation systématique des montants, comme à Cologne
ou Heidelberg, ou régulière comme à Orléans ou Dole, est d'une aide
considérable dans la détermination du statut social et clérical des suppôts universitaires. Pour quelques universités, on dispose également de
registres spéciaux, dressés par les receveurs, comme à Avignon,
Orléans et Freiburg i. Br 22. Je sais par expérience qu'ils sont souvent
complémentaires aux matricules, non seulement en ce qui concerne les
frais d'inscription, mais également l'identité de l'étudiant.
Crédibilité des registres matricules
Il est clair que tout étudiant tonsuré, qu'il soit ordonné ou non, n'est
pas toujours mentionné comme tel dans les matricules ou les registres
de promotion. Parfois, des demandeurs de prébendes ecclésiastiques
mentionnés dans des rotuli se retrouvent aussi dans des matricules universitaires, mais ne sont pas désignés comme clericus ou autre dénomination de ce genre. La recherche de Jacques Paquet nous apprend en
327
tout cas que les matricules et registres de promotion ne sont pas des
sources fiables pour permettre d'aborder le statut social et clérical des
étudiants de manière statistique. Ils peuvent donner une information
individuelle sur la condition sociale des inscrits, mais rien de plus.
Reste donc à savoir dans quelle mesure on peut se fier à l'information
statistique que les auteurs comme Rainer Schwinges, Christoph Fuchs
et Achim Link donnent sur la base des livres matricules (voir plus loin).
Grâce au travail préparatoire fait par Margit Eggel dans son
mémoire sur les étudiants néerlandais à l'Université de Heidelberg
depuis sa fondation en 1386 jusqu'à la fondation de l'Université de
Louvain en 1425, il est possible d'étudier en détail les notions cléricales dans les registres universitaires 23.
Nous avons la certitude qu'au moins un tiers de tous les étudiants
néerlandais étaient tonsurés. Le nombre est certainement plus élevé, si
l'on tient compte des nombreux étudiants en théologie pour qui manque
la mention d'un statut clérical. Environ 70% de tous les tonsurés à
Heidelberg sont nommés clericus, dominus ou presbyter. Nous supposons en effet que les domini étaient des clercs, bien que nous n'ayons la
certitude que pour la moitié d'entre eux. L'absence de 'système' dans la
mention du statut clérical est prouvée par le fait que les étudiants s'inscrivent comme clericus dans une université et pas dans l'autre. Quelques
exemples : 'Johannes de Yttersum, clericus Traiectensis dyoc., scolaris in
artibus ' a été immatriculé à Cologne en 1398. En 1400, nous le retrouvons à Heidelberg comme 'Johannes Ittersym Traiectensis dyocesis. baccalaureus artium', c'est-à-dire sans référence à son état clérical 24. 'Petrus
de Gruythuys Traiectensis diocesis ' s'inscrit comme tel en 1386-1387 à
Heidelberg; en 1392, il apparaît à Cologne en tant que ' baccalaureus in
artibus ' et ' canonicus et thesaurarius ecclesiae S. Walburgis
Zutphaniensis ' 25. ' Henricus de Gulpen, Leod. dioc. ', est, de son côté,
immatriculé à Heidelberg en 1399, sans ajout à son nom. Le 22 juin
1399, il est mentionné en tant que clericus et decretorum doctor lors de
son élection comme Recteur magnifique de l'Université 26. Bernhardus,
328
comes de Solms, se fit inscrire dans la nation germanique de l'Université
d'Orléans comme ' nobilis dominus, majorum Coloniensis et Leodiensis
ecclesiarum canonicus '. Bien qu'il fût déjà chanoine lors de ses immatriculations à Heidelberg en 1449 et Cologne en 1450, il y est mentionné
sans aucun prédicat de ce genre. Walter Back de Bois-le-Duc fut suppôt
à Heidelberg (1427), Cologne (1433, 1434-1446), Rostock (1434) et
Orléans (1448). Dans aucun registre il n'est mentionné comme clerc,
alors qu'il a eu une belle et longue carrière ecclésiastique qui avait débuté
avant son immatriculation à Heidelberg. On pourrait encore citer beaucoup d'autres exemples pour Heidelberg, comme le démontre le tableau
ci-dessous.
Le manque de 'système' ne se limite naturellement pas aux seuls
Néerlandais. Pour la période 1386-1450, Christoph Fuchs a calculé que
10,2 % des étudiants sont inscrits avec des vocables cléricaux (2,7 %
comme chanoine, 3,9 % comme clerc, 3,6 % comme religieux; respec-
329
tivement 44, 63 et 58 sur 1632 étudiants). Ce nombre est de 3 % plus
petit que celui des alumni qui ont suivi une carrière dans l'Eglise : 90
chanoines (5,5 %), 69 clercs mineurs (4,2 %), 58 moines (3,6 %) 29.
Environ à la même époque, à Tübingen, 7.9 % seulement des immatriculés peuvent être attachés à l'Église (457 des 5800 suppôts entre 1477
et 1534). L'analyse des carrières montre cependant qu'au moins 1095
alumni ont suivi une carrière ecclésiastique (18.9%) 30.
Le tableau chronologique ci-dessous (tableau 2) montre qu'il n'y a
pas de baisse systématique des tonsurés à Heidelberg au cours du
temps. Entre un cinquième et la moitié de tous les étudiants néerlandais sont inscrits à Heidelberg comme ecclésiastiques. Il n'y a pas d'explication directe pour ces fluctuations : divergences dans les nombres
effectifs des tonsurés ou différence dans la méthode d'enregistrement
des nouveaux étudiants ?
Après l'érection de l'Université de Louvain, le nombre d'étudiants
néerlandais baisse considérablement à Heidelberg, mais, proportionnellement, le pourcentage des tonsurés augmente légèrement tout au
long du XVe siècle. Me basant sur la liste de J. de Wal 31, j'ai pu dresser
330
le tableau suivant :
A Bologne, un petit pourcentage (13.6) d'étudiants des Pays-Bas
septentrionaux ont été enregistrés comme clercs, avec une nette différence entre le XVe (19.5%) et le XVIe siècle (6.6%) 32. L'étude prosopographique montre cependant une autre réalité. Ad Tervoort a pu
331
reconstituer la carrière de 337 des 640 étudiants. 118 ou 35% d'entre
eux ont suivi une carrière ecclésiastique (72 ou 21,4% avant 1500, 46
ou 13,6% après 1500) 33.
Cette petite enquête sur la présence des Néerlandais à Heidelberg et
Bologne montre clairement qu'il n'est pas possible d'émettre des jugements sur le nombre de clercs dans les universités, ni sur les tendances
de sécularisation de la population universitaire à la fin du Moyen-Âge,
uniquement à partir des enregistrements.
Revenons aux universités du Saint Empire. La nouvelle Université
de Louvain ne fut pas seulement une grande concurrente pour le studium d'Heidelberg, mais aussi pour celui de Cologne. Vers le milieu du
XVe siècle, le nombre de Néerlandais diminue drastiquement dans les
deux universités 34.
Pour Cologne, c'est R. Schwinges qui a étudié de près la condition
sociale des étudiants immatriculés entre 1395 et 1495 35. Près d'un quart
des étudiants sont inscrits sous une appellation cléricale. A partir du
milieu du XVe siècle, Schwinges observe une baisse sensible du nombre de clercs (de 50% à 15%), ce qui ne fut pas le cas à Heidelberg 36.
332
Grâce au doctorat de M. Link, nous sommes bien informés sur la
présence des ecclésiastiques à Greifswald depuis l'origine de
l'Université en 1456 jusqu'à sa fermeture sous l'influence de la
Réforme en 1524 37. Sur un total de 3317 étudiants, au moins un cin-
quième est tonsuré. Le pourcentage des novices tonsurés reste assez
stable pendant toute la période: les fluctuations sont liées aux nombres
d'inscrits 38.
Ces chiffres sont du même ordre de grandeur que ceux
d'Heidelberg, mais moins élevés que ceux de Cologne pour la même
période (15%). Pour Heidelberg, néanmoins, il s'agit d'étudiants néerlandais et, à Greifswald et Cologne, de toute la population estudiantine.
Reste à savoir si ces nombres reflètent la réalité ou s'ils dépendent du
mode d'enregistrement. Toutes les études statistiques montrent que dans
la seconde moitié du XVe siècle, un changement brusque a eu lieu dans
les universités: le nombre d'étudiants augmente graduellement, mais le
nombre de clercs qui s'y inscrivent baisse de manière drastique 39.
L'aide prosopographique
Les ajouts vagues et incomplets concernant la condition sociale
dans les matricules et registres de promotion universitaires obligent à
une autre approche pour obtenir des données statistiquement plus fiables sur la présence de clercs dans les universités. C'est pourquoi la
connaissance du déroulement ultérieur de la vie des étudiants universi-
333
taires est le seul moyen de comprendre les motifs inhérents à la terminologie utilisée et d'apporter une information sur la fiabilité des matricules en matière de condition sociale. En outre, il est possible d'en
savoir plus sur les gradués qui, après leurs études, ont opté pour une
carrière ecclésiastique 40. Heureusement, au cours des dernières décennies, des recherches prosopographiques importantes ont été effectuées
à propos des étudiants universitaires. Il y a cependant un problème.
Tout renseignement sur les études et carrières dépend fortement des
sources disponibles. Pour l'identification des étudiants au Moyen-Âge,
on dispose d'archives ecclésiastiques bien plus nombreuses que les
archives civiles. Il y a donc un réel danger d'identifier beaucoup plus
de clercs, même au niveau des ordonnés mineurs, que d'alumni laïcs.
Quant au grand nombre d'individus non identifiés, on ne peut se livrer
qu'à des supputations sur leur condition sociale et leur carrière.
Il n'en reste pas moins que, grâce aux travaux prosopographiques,
des milliers de gradués médiévaux sont sortis de l'anonymat.
Sur les 748 maîtres universitaires du diocèse de Liège que C.
Renardy a retrouvés entre 1140 et 1350, 84% sont des clercs qui ont
suivi une carrière dans l'Église. La situation change cependant rapidement; à partir de la fin du XIVe siècle, le nombre de clercs diminue très
nettement 41. Selon Stelling-Michaud, quatre cinquièmes des Suisses
qui ont étudié à l'université de droit de Bologne entre 1255 et 1330 sont
des membres du clergé (154 des 220 étudiants) 42. Jusqu'au début du
XVe siècle, le nombre de clercs reste important dans l'universitas juristarum. J. Schmutz a repéré 1901 tonsurés allemands (Saint Empire)
sur un total de 3601 étudiants ou 53% pour la période 1265-1425. Des
1700 étudiants non tonsurés, 374 ou 22 % sont entrés dans l'Église
après leurs études, ce qui donne un taux de 2275 ou 63% de gradués
bolonais qui ont suivi une carrière ecclésiastique. Les quelques étudiants prébendiers qui ont quitté l'Église après leurs études (voir plus
loin) ne font pas la différence 47. Lorsqu'on compare ces chiffres avec
ceux d'Ad Tervoort (voir tableau 4), il s'avère que, tout comme pour la
334
Frise (voir plus loin), les gradués des Pays-Bas septentrionaux, ou du
moins ceux qui ont étudié en Italie, trouvent proportionnellement
moins d'emplois dans l'Église que dans les autres pays. On ignore s'il
y a suffisamment de prébendes à la disposition des étudiants et gradués, et suffisamment d'offices ecclésiastiques, ou si le corps estudiantin est déjà plus laïcisé.
Il y a quelques années, j'ai examiné la situation des Tournaisiens
aux études avant la fondation de l'Université de Louvain en 1425 48. La
liste des universitaires originaires de Tournai repose sur diverses sources universitaires (listes matricules et registres de gradués d'universités
et nations, actes des délibération des différentes corporations académiques, etc.) et non universitaires. Une source de premier ordre est
constituée par les rotuli envoyés par les universités au pape pour obtenir des bénéfices pour les étudiants et enseignants, et les registres de
suppliques où on retrouve les demandeurs individuels de bénéfices. En
ce qui concerne les sources non universitaires tournaisiennes, j'ai dû
me contenter d'archives communales, provinciales et ecclésiastiques
fortement mutilées en 1940. En outre, j'ai été confrontée au même problème que Christiane Renardy en ce qui concerne le titre ou terme
magister, maître, mie, mire, meester, retrouvé dans les sources : universitaire ou homme de métier ? En tout, 566 personnes entrent en ligne
de compte pour cette recherche. La première mention d'un universitaire potentiel date de 1149; comme je l'ai dit, la recherche s'arrête fin
1425. Pour 304 de ces personnes, un passage à l'université est attesté
par les sources; pour les 262 autres, il reste des doutes. Parmi ceux-ci
figurent entre autres dix chanoines qui reçurent du chapitre NotreDame la permission d'aller aux études. Mais nous ne possédons pas les
preuves qu'ils ont effectivement conquis des grades ni même étudié
tout court. Même en tenant compte de toutes les déficiences dues aux
sources, on peut constater un accroissement quasi continuel des universitaires. Il s'agit en grande partie de clercs (environ 80%), et même de
chanoines ou curés. Il reste à savoir si ce phénomène n'est pas relaté
aux sources, puisqu'une majorité des étudiants ont été retrouvés dans
335
les suppliques et rotuli.
Considérons également les résultats de l'étude prosopographique de
Samme Zijlstra pour la Frise. Il a recherché les universitaires frisons
dans toutes les sources possibles jusqu'en 1680. Avec une moyenne de
25 %, les clercs sont faiblement représentés parmi les étudiants frisons
entre 1372 et 1499. Leur nombre s'accroît cependant jusqu'à 40% vers
1520. Il semble que la Frise et le pays de Groningue n'aient compté au
Moyen-Âge qu'un nombre assez restreint d'ecclésiastiques gradués 45.
Vers le milieu du XVIe siècle, 45 % au moins de tous les prêtres actifs
en Frise avaient une formation universitaire derrière eux, une situation
comparable à celle du Brabant Septentrional 46. On trouve des chiffres
comparables dans plusieurs autres régions du Saint Empire 47.
En ce qui concerne les alumni néerlandais de l'Université de droit
d'Orléans, j'arrive pour la période 1444-1546 à des taux analogues à
ceux de la Frise. Les anciens étudiants originaires du diocèse d'Utrecht
sont encore très portés vers une carrière ecclésiastique, 29 % (111 tonsurés sur un total de 382 étudiants). Pour l'ancien Duché de Brabant,
73 des 306 étudiants brabançons, ou 24 %, ont suivi une carrière dans
l'Église. Le comté de Flandre ne compte que 15% d'ecclésiastiques
parmi ses étudiants orléanais 48. En tout, parmi les 756 étudiants néerlandais à Orléans, 194 ou 25,6% étaient ou sont devenus gens d'église,
alors que 3,8% seulement portaient un vocable clérical lors de leur
immatriculation ou promotion (13 canonici, 9 clerici, 5 presbyteri, 1
capellanus, 1 regularis, aucun dominus) 49. Ces chiffres correspondent
à ceux de l'Université de Dole au XVIe siècle. Des 2903 suppôts, seuls
104 individus (3 %) portent un vocable clérical (45 religiosi et fratres,
35 canonici, 12 clerici, 11 presbyteri, 1 capellanus) 50.
Des 9 Néerlandais qui portent le vocable clericus à Orléans, nous
savons avec certitude que 7 d'entre eux ont suivi ultérieurement une
carrière ecclésiastique et que deux ont quitté les ordres sacrés 51. Ce
n'était certes pas inhabituel. Ceux qui n'avaient reçu que les ordres
336
inférieurs pouvaient selon le droit ecclésiastique quitter l'église; leurs
bénéfices étaient alors déclarés vacants. Cependant, les sous-diacres
devaient obtenir à cet effet une dispense papale. Un des motifs de ce
changement d'orientation était le danger d'extinction de la lignée. C'est
aussi la raison pour laquelle les chanoines de descendance noble différaient le plus longtemps possible l'accession aux ordres supérieurs. Sur
un total de 154 clercs suisses qui ont étudié le droit à Bologne entre
1265 et 1300, Stelling-Michaud a trouvé trois cas d'abandon de l'état
ecclésiastique 52. J. Schmutz compte une douzaine d'Allemands qui,
après leurs études comme prébendier à Bologne entre 1265 et 1424,
sont retournés dans le monde pour se marier et perpétuer la famille 53.
W. Kuhn en a retrouvé encore bien plus pour Tübingen 54. Seule une
recherche prosopographique poursuivie et intense pourra faire comprendre l'étendue de ce phénomène. Dans mes propres recherches prosopographiques, je n'ai rencontré que quelques cas. Une étude détaillée sur le magistrat municipal d'Anvers dans la première moitié du
XVIe siècle évoque deux cas. Jérôme Happaert s'est inscrit en 1486 à
Louvain comme étudiant en droit et comme clericus. Cela ne l'a pas
empêché par après de se marier deux fois et d'occuper à diverses reprises entre 1504 et 1527 (année de sa mort) un siège au tribunal échevinal d'Anvers. C'est ce que l'on constate également chez Rutger van
Doerne, qui fut immatriculé à la faculté des arts à Louvain en 1503 en
tant que clericus et qui, plus tard (de 1517 à sa mort en 1533), comme
homme marié, a été magistrat municipal à Anvers 55.
Il ne faut pas confondre les clercs qui quittent l'église après leurs
études avec les clerici uxorati. Au Moyen-Âge, les détenteurs des
ordres mineurs jusqu'au sous-diaconat, avaient le droit de se marier,
mais ils perdaient alors le droit aux bénéfices ecclésiastiques. Il est rare
qu'on les trouve mentionnés dans les registres universitaires 56.
Conclusions
1. Tous les spécialistes en la matière sont d'avis que le nombre d'étu-
337
diants immatriculés comme clericus a diminué au cours du MoyenÂge, et assez drastiquement après 1450. A partir des registres matricules, il n'est cependant pas possible de connaître ni l'étendue du phénomène, ni l'évolution chronologique, même si on tient compte du caractère de l'université en question. Il ne faut pas non plus oublier que chaque enquête statistique sur l'enrôlement des clercs universitaires au
Moyen-Âge doit se borner aux universités du Saint-Empire et aux
nations germaniques. Ce n'est qu'à partir du XVIe siècle que les autres
pays ont commencé d'une manière plus systématique à dresser des
registres matricules universitaires 57.
2. On retrouve entre 3 et 60% des ecclésiastiques enregistrés comme
tels. Les énormes différences d'une institution à l'autre peuvent s'expliquer partiellement : caractère de l'institution, localité, spécialismes disciplinaires, soins portés à l'enregistrement, situation politique, etc. Le
seule manière d'en sortir vraiment est d'identifier autant que possible
les suppôts.
3. L'analyse prosopographique montre que ce n'est pas parce qu'un étudiant ne s'inscrit pas comme clericus qu'il n'a pas reçu les ordres
mineurs ou qu'il ne rejoint pas l'Église ultérieurement. Nous avons vu
que le nombre d'étudiants inscrits comme clericus ne correspond pas
au nombre d'étudiants clercs ou au nombre de diplômés qui entrent au
service de l'Église. Dans les universités qui donnent des indications
plus précises et régulières, telles que chanoine, moine ou autre, les choses sont évidemment différentes. J'ai en outre l'impression que les responsables étaient plus méticuleux dans l'enregistrement des clercs
réguliers que séculiers.
4. Je ne peux pas donner de réponse à la question de savoir dans quelle
mesure et pour quelle raison le nombre de clerici dans les matricules
diminue au cours du temps. Est-ce devenu moins fonctionnel ou utilitaire pour l'administration universitaire ? Ou y a-t-il moins d'ordinations mineures à la fin du Moyen-Âge, les étudiants se sentant moins
338
'obligés', pour quelque raison que ce soit, d'accepter les ordres mineurs
pour avoir accès à l'université ? Une réponse partielle peut certainement être trouvée dans la réduction du nombre de pauvres dans les universités, combinée avec une restriction dans l'offre de prébendes vers
la fin du XVe siècle 58. Dans cet exposé, je ne me suis pas davantage
étendue sur cette problématique, car elle mérite une étude à elle seule.
5. Dans le même ordre d'idées, il faut se demander si le nombre de
clercs à l'université a effectivement diminué en chiffres absolus. Je n'ai
pas cette impression. Proportionnellement, on constate bien entendu
une régression nette, mais c'est la conséquence de la forte augmentation du nombre d'étudiants laïcs. Cet accroissement s'effectue progressivement dès le milieu du XVe siècle, mais surtout au XVIe siècle. Sur
ce point, on pourrait parler d'une laïcisation du corps estudiantin.
Toutefois, au moins un cinquième à un quart des étudiants, selon le
caractère religieux et disciplinaire de l'université, sont des gens
d'Église. Comme, au XVIe siècle, la demande de gradués dans tous les
offices publics et ecclésiastiques a augmenté fortement, il reste un bon
nombre de jeunes gens qui fréquentent l'université en vue d'une carrière stable et lucrative. Il est plausible que vers le milieu du XVe siècle, plus qu'antérieurement, les jeunes décident non pas avant, mais
après leurs études d'entrer dans l'Église (puisque l'aide financière de
l'Église par voie de prébendes et de bourses d'études a régressé).
6. Ce qui ressort certainement de cette petite enquête, c'est que les
addenda relatifs au statut clérical de l'étudiant dans les matricules universitaires ou les listes de promotion ne sont pas une base sûre pour
prétendre que l'université médiévale a un caractère clérical ou non, et
si oui, dans quelle mesure. Cela s'applique d'ailleurs également aux
données concernant la condition sociale ( pauper, dives, nobilis ) 59. Le
fait d'ajouter ou non un prédicat varie d'une université à l'autre et même
d'un recteur à l'autre. Et comme la façon de noter les bejauni ou novices est très liée à l'époque et au lieu, il est pratiquement impossible d'en
dégager des tableaux généraux et comparatifs. Même pour esquisser
339
des tendances à long terme, ces données restent discutables.
Notes
Weijers, O., Terminologie des universités au XIIIe siècle (Rome 1987), p.
183-185; voir aussi Teeuwen, M., The Vocabulary of Intellectual Life in the
Middle Ages, CIVICIMA, CIVI 10 (Turnhout 2003), p. 53-54.
2
Weijers, Terminologie, p. 185.
3
Grundmann, H., ' Litteratus-illiteratus. Der wandel einer Bildungsnorm vom
Altertum zum Mittelalter', Archiv für Kulturgeschichte 40 (1958) 1-65.
Republié dans Ausgewählte Ausätze, III (Stuttgart 1987) 1-66. (Schriften der
MGH 25-3).
4
Weijers, Terminologie, 185; Teeuwen, Vocabulary, 54.
5
Voir la définition donnée dans le Lexicon des Mittelalters, vol. 5, col. 1207 : '
Etwa seit der Mitte des 3. Jh. bezeichnet Klerus (ordo, clerici, status clericalis,
clerus) jene vom Volk (laici, populus) unterschiedene Personengattung (genus),
der durch Wahl und Weihe 'Anteil' am kirchl. Amt und an geistl. Vollmacht
(potestas) verliehen wird (C. 12 q.1 c.7). Im hohen und späten MA werden unter
K. (klerkesie, klerisey) häufig alle Personen zusammengefaßt, die unter
Kirchenrecht leben, auch wenn sie keine geistl. Weihen besitzen (fratres, sorores, Scholaren)'. Voir aussi Schwinges, R.C., Deutsche Universitätsbesucher im
14. und 15. Jahrhundert. Studien zur Sozialgeschichte des alten Reiches
(Stuttgart 1986), p. 408-411.
6
Kibre, P. Scholarly Privileges in the Middle Ages. The Rights, Privileges, and
Immunities of Scholars and Universities at Bologna, Padua, Paris and Oxford
(London, 1961), passim (voir dans l'index benfices); Miethke, J., 'Die Kirche
und die Universitäten im 13. Jahrhundert', in J. Fried (ed.), Schulen und
Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters (Sigmaringen
1986), p. 311-314. Voir aussi note 62.
7
Schwinges, R., 'Student education, student life', in: A History of the
University in Europe. Volume 1: Universities in the Middle Ages, ed. by H. de
Ridder-Symoens (Cambridge 1992), p. 200-201.
8
Paquet, J., Les matricules universitaires, Typologie des sources du Moyen
Age occidental, Fasc. 65, A-IV.1 (Turnhout 1992), p.70-72.
9
Paquet mentionne aussi Heidelberg, mais ceci n'est pas tout à fait exact: dans
la matricule d'Heidelberg apparaissent bien des clerici, comme il sera démon1
340
tré plus loin.
10
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 400-403.
11
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 410, note 90. (Je n’ai pas retrouvé
Offermans dans la matricule de Keussen); Keussen, H. (ed.), Die Matrikel der
Universität Köln 1389-1559, 3 vol. (Bonn 1892-1929, reprint Düsseldorf
1979); vl. 1, p. 173, n° 25.
12
Ridder-Symoens, H. de, D. Illmer and C.M. Ridderikhoff, Premier Livre des
procurateurs de la nation germanique de l'ancienne université d'Orléans
(1444-1546), 2e partie : Biographies des étudiants, vol. I, 1444-1515 (Leiden
1978); vol. II, 1516-1546 (Leiden 1980); vol. III, Tables (Leiden 1985), n°s
152 et 153. Dorénavant, Livre des Procurateurs I-2.
13
Paquet, Matricules, p. 71. Schwinges, Universitätsbesucher, p. 403-408.
14
Paquet, Matricules, p. 71.
15
Paquet, Matricules, p. 73.
16
Exemples : Livre des Procurateurs I-2, n°s 64, 99, 152, 153, 180, 235, 540;
pour Dole : Bibliothèque Municipale de Besançon, ms. 983, f°s 258, 410; ms
984, f°s 5, 22, 23.
17
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 403-404.
18
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 403-408.
19
Pour un aperçu général, voir: Schwinges, R., 'Admission', in: A History of
the University in Europe. Volume 1: Universities in the Middle Ages, ed. by H.
de Ridder-Symoens (Cambridge 1992), p. 171-194 et M.R. di Simone,
'Admission', in: A History of the University in Europe. Volume 2: Universities
in Early Modern Europe (1500-1800), ed. by H. de Ridder-Symoens
(Cambridge 1995), p. 285-325.
20
Paquet, Matricules, p. 38-39; Schwinges, 'Admission', p. 185-186; Moraw,
P., 'Zur Sozialgeschichte der deutschen Universitäten im späten Mittelalter',
in: Giessener Universitätsblätter, 8.2 (1975), p. 51-52; Overfield, J.H.,
'Nobles and Paupers at German Universities to 1600', Societas, 4 (1974), p.
179-180; Fuchs, C., Dives, Pauper, Nobilis, Magister, Frater, Clericus.
Sozialgeschichtliche
Untersuchungen
über
Heidelberger
Universitätsbesucher des Spätmittelaters (1386-1450), Education and Society
in the Middle Ages and Renaissance 5 (Leiden 1995), p. 56-60.
21
Paquet, Matricules, p. 78 et note 14.
22
Archives Dép. du Loiret, D 223 - D 225 (1507-1602) : libri receptorum;
Fletcher, J.M., The Liber Taxatorum of Poor Students at the University of
Freiburg im Breisgau (Notre Dame, Indiana, 1969); Verger, J., "Les comptes
de l'université d'Avignon", in: Les universités à la fin du Moyen-Âge, éd. J.
341
Paquet et J. IJsewijn (UCL. Publications de l'Institut d'études médiévales, 2e
série, 2) 190-209
23
Eggel, Margit, Semper Apertus. Studenten uit de Lage Landen aan de
Universiteit van Heidelberg 1386-1425, onuitgegeven scriptie VU
Amsterdam 2001.
24
Wal, J. de, 'Nederlanders, studenten te Heidelberg (1386-1670)',
Handelingen en mededelingen van de Maatschappij der Nederlandse
Letterkunde te Leiden, 1885-6, p. 3-156; voir n° 211.
25
Wal, 'Nederlanders', n° 12
26
Wal, 'Nederlanders', n° 180
27
Livre des Procurateurs I-2, n° 64.
28
Livre des Procurateurs I-2, n° 22; cas analogues n°s 21, 28, 55, 63, etc.
29
Fuchs, Dives, p. 133, 136-137, 147-160.
30
Kuhn, W., Die Studenten der Universität Tübingen zwischen 1477 und 1534.
Ihr Studium und spätere Lebensstellung, 2 vol. , (Diss. Göppingen 1971), vol.
1, p. 52-61.
31
Basé sur J. de Wal, 'Nederlanders, studenten te Heidelberg (1386-1670)',
Handelingen en mededelingen van de Maatschappij der Nederlandse
Letterkunde te Leiden, 1885-6, p. 3-156.
32
Tervoort, Ad, The iter italicum and the Northern Netherlands. Dutch
Students at Italian Universities and their Role in the Netherlands' Society
(1425-1575) (Leiden, Brill, 2005), p. 223.
33
Tervoort, The iter italicum, p. 222.
34
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 235-236; Keussen, Matrikel, vol. 1, p.
170*-171*.
35
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 341-486 = III. Die soziale Herkunft
der Universitätsbesucher.
36
Schwinges, Universitätsbesucher, p. 392-413; p. 649, tableau 48.
37
Link, A., Studien zur Herkunft spätmittelalterlicher Studenten am Beispiel
Greifswald (1456-1524), Beiträge zur Geschichte der Universität
Greifswald, Bd. 1 (Stuttgart 2000); également disponible sur internet:
http://webdoc.gwdg.de/diss/1999/link/inhalt.htm.
38
Link, Studien Greifswald, p. 36-47.
39
Schwinges, R., 'Admission', p. 187-193; voir aussi note 62.
40
Un bel exemple est celui d'Otto Laner de Breitbrach: il figure en 1476 dans le
livre des procurateurs de la nation germanique à Orléans comme ' nobilis dominus, solvit jura nobilium ', avec son serviteur, Heinrichus de Mulheim ' capellanus eiusdem domini de Breitbach, nihil solvit quia clericus domini '. Après ses
342
études, Otto Laner entra dans l'Église comme chanoine (Livre des Procurateurs
I-2, n°s 152 et 153).
41
Renardy, C., Le monde des maîtres universitaires du diocèse de Liège 11401350. Recherches sur sa composition et ses activités, Bibl. Fac. Phil. et Lettres
de l'Univ. de Liège, fasc. CCXXVII (Paris 1979) et Renardy, C., Les maîtres
universitaires dans le diocèse de Liège. Répertoire biographique 1140-1350,
Bibl. Fac. Phil. et Lettres de l'Univ. de Liège, fasc. CCXXXII (Paris 1981).
42
Stelling-Michaud, S., L'Université de Bologne et la pénétration des droits
romains et canonique en Suisse aux XIIIe et XIVe siècles, Travaux d'humanisme et de Renaissance vol. XVII, Genève, 1955, p. 130; voir aussi S.
Stelling-Michaud, Les juristes suisses à Bologne (1255-1330). Notices biographiques et regestes des actes bolonais, Travaux d'Humanisme et de
Renaissance vol. XXXVIII, Genève, 1960.
43
Schmutz, J., Juristen für das Reich. Die deutschen Rechtsstudenten an der
Universität Bologna 1265-1425, 2 dln, Veröffentlichungen der Gesellschaft
für Universitäts- und Wissenschaftsgeschichte 2 (Basel 2000), p. 86; à la p.
158 l'auteur donne 391 au lieu de 374 personnes qui ont obtenu leur premier
bénéfice après avoir été gradués.
44
Ridder-Symoens, H. de, 'Les Tournaisiens aux études avant la fondation de
l'Université de Louvain (1425)', in: Excerptiones iuris: Studies in honor of
Andre Gouron, edited by Bernard Durand and Laurent Mayali, Studies in
Comparative Legal History, The Robbins Collection, (Berkeley, 2000), p. 589606.
45
Zijlstra, S., Het geleerde Friesland - een mythe? Universiteit en maatschappij in Friesland en Stad en Lande ca. 1380-1650 (Leeuwarden 1996), p. 72-75
46
Zijlstra, Het geleerde Friesland, p. 105; Bijsterveld, A.-J., Laverend tussen
Kerk en wereld. De pastoors in Noord-Brabant 1400-1570, Diss. VU
Amsterdam, 1 dl. tekst, 2 dln bijlagen (Amsterdam 1993), p.158.
47
Oediger, F.W., Über die Bildung der Geistlichen im späten Mittelalter,
Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelters (Leiden-Keulen 1953),
p. 66-67 (moyennes entre 33 et 60%).
48
Ridder-Symoens, H. de, 'Brabanders aan de rechtsuniversiteit van Orléans,
1444-1546. Een socio-professionele studie', Bijdragen tot de Geschiedenis, 61
(1978) 195-347 (fasc. 3-4), p. 273; Ridder-Symoens, H. de, 'Vlaamse studenten aan de rechtsuniversiteit van Orléans 1444-1546', in Beleid en Bestuur in
de oude Nederlanden. Liber Amicorum prof.dr. M. Baelde, o.red.v. H. Soly en
R. Vermeir (Gent 1993), p. 105-126; De Ridder-Symoens, H., 'Studenten uit
het bisdom Utrecht aan de rechtenuniversiteit van Orléans 1444-1546: een
343
overzicht', in: M. Bruggeman et al. (eds.), Mensen van de nieuwe tijd: een
liber amicorum voor A.Th. van Deursen (Amsterdam 1996), p. 70-97
49
Comptage fait à partir des Livres des Procurateurs I-2.
50
Comptage fait à partir de: Martelaere, Bart De, Nederlandse studenten aan
de Universiteit van Dole in de 16de eeuw, onuitgegeven scriptie, Universiteit
Gent 2005-2006.
51
Gijsbrechtus van Bronckhorst (ca 1421-1473), immatriculé à Louvain
comme étudiant noble en 1441. En 1443, nous le retrouvons mentionné
comme rector altaris à l'église Saint-Victor de Batenburg. En 1445, le procureur de la nation germanique de l'Université d'Orléans l'inscrit comme nobilis
et clericus. Il quitta la cléricature avant 1452 pour recevoir la seigneurie de
Batenburg et d'Anholt (Livres des Procurateurs I-2, n° 15). L'Anversois
Cornelius de Bot fut inscrit en 1501 sans ajouts; en 1503, dans son rapport de
procurateur, il se dit clericus; après son retour au Brabant, il opta pour une carrière civile et se maria (Livres des Procurateurs I-2, n°358).
52
Stelling-Michaud, L'université de Bologne, p. 130, 169.
53
Schmutz, Juristen, I, 156.
54
Kuhn, Studenten Tübingen, I, p. 60, note 1.
55
Wouters, Koen, De Antwerpse stadsmagistraat in de eerste helft van de zestiende eeuw. Een prosopografische studie, scriptie V.U.Brussel 2002, p. 179180, 187-188.
56
Schwinges, Universitätsbesucher, 410;
http://www.fh-augsburg.de/~harsch/Chronologia/Lspost13/GregoriusIX/gre_3t03.html
57
Voir à ce sujet l'aperçu intéressant de Paquet, Matricules, p. 16-24.
58
Kurze, D. 'Der niedere Klerus in der sozialen Welt des späteren Mittelalters',
in: K. Schulz (ed.), Beiträge zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte des
Mittelalters', Festschrift für Herbert Helbig zum 65. Geburtstag (Keulen 1976),
p. 290 e.s.; Oediger, Über die Bildung; Meyer, A., ‘Spätmittelalterliches
Benefizialrecht im Spannungsfeld zwischen päpstlicher Kurie und ordentlicher
Kollatur. Forschungsansätze und offene Fragen’, in: C. Chodorow (ed.),
Proceedings of the Eighth International Congress of Medieval Canon Law
(Vatican City 1992), p. 248-261; Meyer, A., Arme Kleriker auf Pfründensuche:
eine Studie über das in forma pauperum- Register Gregors XII von 1407 und
über päpstliche Anwartschaften im Spätmittelalter, Forschungen zur kirklichen
Rechtsgeschichte und zum Kirchenrecht 20 (Keulen-Wenen 1990); Schmutz, J.,
‘Erfolg oder Misserfolg ? Die Supplikenrotuli der Universitäten Heidelberg und
Köln 1389-1425 als Instrumente der Studienfinanzierung’, Zeitschrift für historische Forschung, 23 (1996), p. 145-167; Oediger, Bildung, p. 80es.; Boute, B.
344
'"Pro muro sunt domui Israel" Heretics, Ecclesiastical Benefices and Academics
in the Confessional Age', in: Université, Église, Culture. L'Université Catholique
à l'´Epoque Moderne de la Réforme à la Révolution, XVIème - XVIIème siècles. Actes
du Troisième Symposium Universidad Iboamericana México, 30 avril - 3 mai
2003, éd. par Pierre Hurtubise / Fédération Internationale des Universités
Catholiques. Centre de Coordination de la Recherche (Paris 2005), p.232-282.
59
Ridder-Symoens, H. de, 'Rich Men, Poor Men: Social Stratification and
Social Representation at the University (13th-16th Centuries)', in: Wim
Blockmans & Antheun Janse, Showing Status. Representation of Social
Positions in the Late Middle Ages, Medieval Texts and Cultures of Northern
Europe 2 (Turnhout, Brepols, 1999), p. 165. J. Overfield, qui a basé son article 'Nobles and Paupers at German Universities to 1600' sur les registres universitaires, considère la qualité d'information suffisante pour en détecter les
changements importants et pour en déduire des tendances (voir à la p. 182).
345
346
The Monastic Orders at the Medieval University of
Paris: A Prosopographical Analysis
Prof. Thomas Sullivan, OSB
Conception Abbey, United States of America
This study explores features of the monastic population of the
medieval University of Paris of interest to historians of monasticism
and the medieval university. The 915 individuals - 538 Benedictines
(59% of the total), 145 Cluniacs (16%), and 231 Cistercians (25%) and
one monk of an unspecified order - included in the population investigated are professed monks known to have either studied or taught at the
University of Paris between 1200 and 1500.
The facts I wish to establish about this population are comparatively
simple. I am concerned first with chronological and geographical distribution of this population, where they came from, and when they
came to the university. I am concerned second with academic interest
and accomplishment: in which faculties did these monks enroll and
what degrees, if any, did they take. And finally I am interested in the
careers of these monks: how were they employed in church and society.
I am especially interested in differences, if any, between the career
paths followed by those monks studying theology and those studying
canon law.
The study of these patterns of recruitment and employment allows
the prosopographer to trace interactions between university and
society. According to John Baldwin, such interaction proceeds in a
double direction: the tracing of patterns of student recruitment points
347
out pressures placed on the university by the world; the study of patterns of employment of graduates in church and state suggests the university’s impact on society 1.
Data describing the subjects of this study are drawn from two published biographical registers: the first, a register of Benedictine and
Cluniac monks attending the University of Paris between 1229 and
1500; the second, a register of the regular clerics licensed in theology
at Paris between 1373 and 1500. This latter register contains biographical notices concerning, among many others, the sixty-eight Cistercian
monks who were licensed in theology 2. I have created a third register,
as yet unpublished, of the Cistercian university-monks not listed in that
of the religious licentiati 3.
The data found in these registers have been aggregated into a database which identifies each of the university-monks by name and religious order, locates each monk both geographically (according to
monastery, diocese, and region) and chronologically (according to
period and generation). The database further indicates each monk’s
academic experience (faculty, highest degree, and/or college) and
employment in both church (monastic and diocesan) and society (royal
or ducal service, etc.)
I would like to present my findings in broad outline first and then
comment on them, one by one, in more or less detail. A review of the
data generated from the manipulation of the database indicates the following.
- First, monks first appear at the University of Paris in the 1220s and
1230s and maintain a continuous presence at the university throughout the late Middle Ages.
- Second, monks came to the university from 272 monasteries both
within and outside of territorial France. The great majority of the students originated from four regions north of the Loire.
348
- Third, in the case of the Benedictine monks, there is a relationship
between the wealth of the sponsoring monastery and the numbers of
monks sent to the university.
- Fourth, it was to the advanced study of theology and canon law that
all but a minute proportion of the university monks devoted their academic energies.
- Fifth, at least 40% of the Parisian monks were awarded the baccalaureate, the licentiate, or either the magisterium in theology or the doctorate in canon law.
- Finally, university monks attained all levels of both the monastic cursus honorum and the ecclesiastical hierarchy, from simple monk to
sovereign pontiff.
CHRONOLOGICAL AND GEOGRAPHICAL DISTRIBUTION
Monks first appear as students at the University of Paris in the
1220s and 1230s and maintain a continuous presence at the university
throughout the late Middle Ages.
We are fortunate to be able to determine for all but two of the 915
university monks a sure or approximate date of attendance at the
University of Paris. For comparative purposes, the 300 years from
1200 to 1500 4 have been divided twice. The first division apportions
the three centuries into two periods: Period I, covering the years 12001380, and Period II, the years 1380-1500. The second distributes the
three centuries into fifteen “generations” of twenty years’ length; each
monk has been assigned to a generation according to the date he first
appears in university records or is likely to have arrived in Paris for studies 5.
349
When reviewing the data for chronological distribution the first
thing to note is that the monastic population at the university is unevenly divided between the first and second periods [Table I-A]: onequarter of the monks appear in Period I: 1200-1379 and three-quarters
in Period II: 1380-1500. These figures should not, of course, surprise.
The university was born during the first period and would grow in
number throughout the three centuries under discussion here. It is true
too that as the decades progress so also does the number of useful
records increase that enable us to draw tentative conclusions about the
composition of the university and its constitutive elements.
Table I-B shows us that the monastic orders, however, were not slow
off the mark to join the movement toward the university. While no
monks appear in the first generation (1200-1219), two - a Benedictine
and a Cistercian - are found in the second (1220-1239) 6. In that same
second generation the first monastic studia materialized alongside
those of the mendicant orders and regular canons: the Cistercian studium, founded in 1224, and the domus of the monks of Saint-Denis-enFrance first mentioned in abbey records in 1229 7. One Cluniac monk 8
appears in the third generation, that preceding the foundation of the
Cluniac domus studiorum in the fourth (1258-1260) 9. After the third
generation, monks from each of the orders appear in every generation
throughout the medieval period. While between 1220 and 1300 the
Cistercian Order registers significantly more university-monks than
the two other monastic orders, the Benedictine population would take
the lead for the next two centuries. In no generation between 1300 and
1500 do the Cluniac or Cistercian monks again outnumber their
Benedictine brethren.
The growth rate differed in the first and second periods [see again
Table I-B]. In the first period, the monastic population increased in five
generations out of seven and sustained itself in two. The eighth generation (1340-1359) shows a population almost doubled that of the previous
generation. This accelerated growth is likely a response to Pope
350
Benedict XII’s reforming constitutions: Fulgens sicut stella, published
for the Cistercians in 1335, and Summi magistri, for the monachi nigri
(Benedictines and Cluniacs) in 1336 10. We have evidence from the
Cluniac studium that the demands of the Summi magistri were not
without effect there. Visitators repeated to the Cluniac general chapter of
1342 the bitter complaints of the new scholars, “ missi virtute constitutionum domini pape ”, against the antiqui who excluded the novi from
the administration of the college, withheld food and pittances, and forbade the college servants to wait on them. The sudden influx of new students into the college apparently disrupted established procedures and
caused dissension within the monastic community, most likely because
of the increased strain placed on the house’s economic resources.
In the second period, however, there were two instances in which
the numbers of the university monks dropped, the second occasion precipitously. The first occurred in the eleventh generation (1400-1419)
and involved only a slight reduction; the second, in the fourteenth
generation (1460-1479), involved a considerable drop, from 141
monks to ninety-six. In both cases the population returned quickly in
the following generation to its previous level or beyond. This instability may be attributed to the turmoil occasioned by both civil war in
France, culminating in the capture of Paris by the Burgundian faction
in 1418, and the French reconquest of English-held territories, especially in Normandy, through 1453 12. We know that the monasteries of
France suffered severe economic loss during these decades and it may
have been difficult to find adequate funds to support monks and colleges during this period 13.
The number of Benedictine monks present at the university between 1380 and 1480 held steady with sixty-two to sixty-five monks
per generation, jumping significantly only in the last generation, 14801500. We see peak figures for both the Cluniac and the Cistercian
Orders in the thirteenth generation (1440-1459). It has been suggested
that the university population recovered around 1450 and would
351
remain fairly stable through the rest of the century 14. It seems likely too
that the Cluniac numbers reflect the population growth of that Order’s
monasteries in its province of France. The disturbances of the late fourteenth century and first half of the fifteenth had emptied the monasteries of the Cluniac order; it was only ca 1454 that the general Cluniac
population would return to its thirteenth-century demographic peak 15.
Monks came to the university from 275 monasteries both within and
outside of territorial France; the great majority of the students were
from four regions north of the Loire.
The regional origins of almost 90% of these monks, based on either
the monastery of profession or of first appearance, are known to us.
For comparative pur-poses, France has been divided twice. The first
division separates territorial France into two sections, north and south
of the Loire River. The second partition splits territorial France into
thirteen regions for those monks coming from within France and six
additional regions for those monks coming from outside of territorial
France 16.
Ninety-five percent of the 798 monks with known regional origin
originated within territorial France and only five percent from monasteries outside of France [Tables II-A1 and II-A2]. Ninety percent of
this majority, in turn, originated in monasteries located in the eight
regions north of the Loire River and only 10% from the five regions
south of the Loire [Table II-A1]. There is little change in the geographical distribution between the first and second periods, that is, prior
to 1380 and after that year, except a slight shift in favor of monks from
houses north of the Loire. However, we see a substantial reduction
from the first to the second periods in the number of monks from houses outside of territorial France. If the ratio of total population from the
first period to the second period [Table II-B] was maintained between
the two periods, i.e., that is, approximately one to almost three, we
would expect almost fifty-five to sixty foreign monks instead of the
352
twenty identified. There is a shift as well in the foreign regions sending
monks to Paris [Table II-C]. From the British Isles, for instance, eight
monks were sent to Paris, two Cistercian and six Benedictine, all of
them appearing as scholars in the first period, and limited to the decades between 1240 and 1339; no monks from the British Isles appeared
as Parisian university monks after 1339, within either the first or
second periods. The hostilities between the English and the French in
the Hundred Years’ War (1337-1453) explain this absence, coupled
with the continued development at the universities of Oxford and
Cambridge of studia for monks of the two orders, Benedictine and
Cistercian 17.
From the Swiss cantons we have nine monks, one from the first
period and eight from the second, including two Cluniac monks from
Romainmoutier and six Cistercians from different monasteries.
Another seven monks originated in the Iberian peninsula, two in the
first period and five in the second. Among these seven were four
monks from the Cistercian monastery of Poblet in Catalonia, three in
the second period.
While 90% of the monks originated from monasteries located in the
eight regions north of the Loire, we can further localize the population.
Table II-D indicates that two-thirds of all the university-monks with
identified monasteries came to Paris from houses in the following four
regions: the Parisian basin, 32%; the North, 26%; Normandy, 23%;
and Burgundy, 19%.
From Paris and its surrounding region 18, thirty-eight monasteries
sponsored 160 university-monks, the greatest number from any region.
The most im-portant of these is the royal abbey of Saint-Denis-enFrance. Though it had a domus for its scholars as early as 1229, SaintDenis’s first named monk appears in the fifth generation (1280-1299),
after which monks from this house appear in every generation through
1500. Of Saint-Denis’s thirty-three university-monks, eight became
353
masters of theology between 1380 and 1419, forming an important
voting block in that faculty in the negotiations concerning the schism
and in the politics of the capital 19.
It should be noted that of the seven Cluniac priories from this region
sending monks to the university, the most prolific was the Parisian
monastery of Saint-Martin-des-Champs which produced eleven masters of theology, most in the fifteenth century. All the priories from the
region of Paris sending students to Paris were priories obliged by
Cluniac legislation to maintain a student at the university through the
payment of an annual burse to the Collège de Cluny, with SaintMartin-des-Champs obliged to maintain two students 20.
The data indicate that 130 monks from the region of the North 21 were
sent to Paris for studies, monks from thirty-seven different monasteries.
The largest contingent of Cistercians, ten in all, came from the abbey of
Les Dunes. This number includes Jean de Waarde, promoted a magister
theologie in 1275, the first of his Order to do so 22.
Almost two-thirds of the forty-four Cistercians in this region came
from monasteries in present day Belgium. Another twenty-nine monks
were sponsored at Paris by the important Benedictine abbey of SaintVaast d’Arras; twenty-two of its university monks appear between
1440 and 1500 23.
In Normandy 24 twenty-eight Benedictine and Cistercian monasteries 25 sponsored 117 students. Monks sent in the first period numbered
only twelve; in the second, an astonishing 104. A significant number of
Norman university-monks appears in the five decades between 1380
and 1439: the wealthy Benedic-tine abbeys of Fécamp and Bec each
sponsored seven university-monks; Saint-Wandrille, five; and
Jumièges, four. The remaining houses of both orders sponsored only
one, two, or three monks during this period.
The region of Burgundy 26 is ranked fourth in the number it sponso-
354
red for study at Paris, sending ninety-seven monks from twenty-seven
monasteries. The forty-four Benedictines involved came from fourteen
different monasteries, an average of three monks per house. The abbey
of Cluny sent fifteen monks and the priory of La Charité-sur-Loire
sponsored six of its brethren; together these two houses account for
80% of the twenty-six Burgundian Cluniacs in Paris. It should be noted
that Cluniac legislation demanded that the abbot of Cluny maintain
four scholars in Paris at his own expense and La Charité, two 27.
Among the Cistercian houses of Burgundy, the Order’s motherhouse, Cîteaux, sent eight monk-scholars and Clairvaux nine; together
these two monasteries sent 60% of the twenty-eight Cistercian
Burgundian monks. Surprisingly, we find only two monks from these
important abbeys at Paris during the eighty years between 1360 and
1439.
There is a positive correlation between the wealth of the sponsoring
monastery and the numbers of monks sent to the university.
A useful means of determining the economic prosperity of individual monasteries is M. H. Hoberg’s work listing the servitia communia
owed the Apostolic Camera. The servitia communia were dues amounting to the equivalent of one year’s income paid the Apostolic Camera
by bishops and abbots immediately on their consecration or translation
to another see or abbey by the pope 28. Hoburg lists twenty-one houses
paying the highest rates - between 8000 florins and 4000 florins - as
their servitia communia 29. Among these were two Cluniac monasteries,
one Cistercian, and one of Augustinian Canons, as well as seventeen
Benedictine houses. Excluding the house of Augustinian Canons,
Saint-Sernin in Toulouse, the twenty remaining houses sponsored 191
university-monks, almost a quarter of the total number of university
monks for whom we know the monastery of profession or first mention. The eighteen wealthiest Benedictine monasteries, representing
less than twelve percent of the total 152 Benedictine monasteries sen-
355
ding students to Paris, were responsible for 37% of the university
monks, a figure out of proportion to their numerical strength [see Table
IV]. We know that a Parisian education was very costly and that, as a
result, many monasteries could not (or would not) maintain students at
the university despite both papal insistence and demands from provincial and general chapters.
ACADEMIC INTEREST AND ACCOMPLISHMENT
It was to the advanced study of theology and canon law that all but
a minute proportion of the university monks devoted their academic
energies.
In a sermon outline composed in the 1270s for delivery “ ad religiosos commorantes in studio ”, the Dominican former master-general and
university master, Humbert of Romans, evaluated the utility of the
various disciplines monks could study. Most useless, he claims, is the
study of law, characterized by wrangling and squabbling. After law, the
study of medicine: its concern for the flesh made it inappropriate for
religious. Philosophical knowledge he judged illusory and next to useless. Religious, he proclaimed, should study the science of salvation,
that is, theology 30.
Faculty Choice. Monks did not have complete freedom to choose
a particular faculty in which to study; their choice was limited by
canon and statute, either that of the church in general or that of a particular order or college. The study of medicine, for instance, was forbidden to all members of religious orders, not just monks. Cistercian
monks were repeatedly forbidden by their general chapters the study of
canon law 31. While the repetition of the prohibitions may indicate some
problem with the implementation of the statutes, we have no record
that any Cistercian monks studied or graduated in canon law at Paris 32.
Faculty preference could also be influenced by the college-system
356
maintained by the different religious orders. Cluniac statutes determined in 1276 and 1289 that only those monks studying theology could
reside at the order’s studium in Paris unless special permission had
been granted by the abbot of Cluny. Canon law, the statutes directed,
was to be pursued at the studia of Orléans, Toulouse, Montpellier, or
Avignon. In 1378, however, provision was made for the study of canon
law at Paris; the quite practical reason advanced was the maintenance
and defense of the rights of the ecclesia Cluniacensis.
We know faculty affiliation for 808 of the 915 monks in our population: 55% studied theology and 44% canon law [Table IV-A]. All of
the Cistercians at Paris are thought to have studied theology; no extant
records indicate otherwise. Among the monachi nigri, three-quarters of
the Cluniac university-monks opted for theology and one-quarter
chose canon law as their field of inquiry. However, a surprising 70% of
the 476 Benedictine monks with identified faculty studied canon law
and only 29% theology. Comparable data for the University of Oxford
before 1500 indicates that a large majority (84%) of Oxford’s population of black monks studied theology there and only 16% in one or
both of the law faculties 33.
While only eight canon lawyers appear in the two decades between
1340 and 1360, the last two decades of the fifteenth century saw
eighty-nine canonists 34. No doubt attitudes toward the desirability of a
canon law degree varied considerably from house to house and order
to order. Of the twenty-six monks from Saint-Denis-en-France who
came to the university, seventeen studied theology and nine read canon
law. The royal abbey produced eleven masters of theology and only two
doctors of canon law. Of the thirty-nine monks from the abbey of
Marmoutier known to have studied in Paris, eighteen studied canon
law and fourteen studied theology; the abbey, however, generated seven
masters of theology and only two of canon law.
In the last decades of the fifteenth century, however, the Collège de
357
Marmoutier would become a threat to the Faculty of Canon Law. The
dean of the faculty informed the doctors that a monk of the Collège de
Marmoutier was quite successfully lecturing in canon law in the college and that the ordinary lectures of the doctors were losing their auditors. The dean felt the situation could only worsen with the advent of
winter since the students would abandon the cold and drafty schools of
the faculty for the more comfortable lectures in college. In 1483 and
again in 1489, the Faculty tussled with the monks over lectures and
administrative actions 35.
The later Middle Ages witnessed a fierce debate among university
men on the respective merits of canonists and theologians. The theme
of the ignorant and dangerous canonist was one that was eagerly taken
up by many fifteenth century theologians, only too well aware that they
had fallen behind in the competition 36. This animus toward both canon
law and canon lawyers obviously had little or no influence on the
monachi nigri, especially the Benedictines.
The development of the numbers of black monks trained in canon
law in the fourteenth and fifteenth centuries was likely, as Professor
Brundage states, “not so much a result of monastic pride and avarice
as it was a reaction to the re-alities of late medieval life. As legal systems became more complicated and more sophisticated, it became not
merely convenient but necessary for monastic communities to produce
their own house counsel, in a literal sense of that term” 37. Brundage’s
assessment is consonant with the Cluniac justification for allowing
Cluniac students to study canon law at Paris mentioned above: the
maintenance and defense of the rights of the ecclesia Cluniacensis.
At least 40% of the Parisian monks were awarded the baccalaureate, the licentiate, and either the magisterium in theology or the doctorate in canon law.
We know also the degree level (bachelor, licentiate, master/doctor)
358
for almost 80% of the university monks: Table V-A reveals that more
than half left the university with the baccalaureate, relatively few with
the licentiate, and a third of the group as magistri theologie or doctors
of canon law. The Benedictines saw the largest number of their students
- 62% - leaving the university with the baccalaureate; the Cluniacs and
Cistercians each saw 43% of their students leaving at the point. And the
Benedictines as a group saw only 21% of their number gradu-ating as
masters of theology or doctors of canon; the Cistercians, however, graduated more than half of their number as masters and the Cluniacs at
44% of theirs 38.
In conferring the licentiate in theology, the university chancellor
received each graduate according to order of perceived merit, a ranking
provided the chancellor by the regent masters of the Faculty of
Theology. Rank was understood to indicate academic excellence and
determined precedence in subsequent ceremonies and examinations. A
mid-seventeenth century document, the Ordo licentiatorum (BnF ms
lat 5657-A), presents the name of each Parisian licentiatus, date when
he was licensed or licensed and magistratus, religious order where
appropriate, college affiliation, regional origin, and sometimes notes of
further career 39.
The Ordo licentiatorum informs us of 201 monks who were either
licensed or who incepted as masters of theology. Table V-B shows that
the regent masters, when ranking these monks according to merit, assigned upper quartile status to 17% of the Benedictines, 19% of the
Cluniacs, and 22% of the Cistercians. For comparative purposes I
should mention that 37% of the secular clerics received upper quartile
ranking (the most desirable) and only a little over 10% of the regulars
(regulars include the canons regular, monks, and mendicants). Lower
quartile status was assigned to 35% of the Benedictines, 36% of the
Cluniacs, and 33% of the Cistercian theologians. Again, for comparative purposes, lower quartile status was awarded to only 17% of the
secular clergy and to 37% of the regular clergy.
359
The Ordo also allows us to determine inception rates among the
various groups of clergy in the Faculty of Theology [Table V-C]. The
seculars incepted at a rate of 84% and the regulars 89%. The monks
incepted at an overall rate of 86%: 95% for the Cistercians, 82% for the
Benedictines, and only 70% for the Cluniac theologians 40. I have not
been able to determine why the Cistercian inception rate was so much
higher than that of the seculars and other regulars - or why the Cluniac
rate was so much lower. It is well known that the ceremonies and festivities surrounding inception were very costly and that the religious
orders were nervous about such extravagance. One possibility, however, offers itself as an explanation for Cistercian inception success.
Quite a few of the Cistercian theologians were already abbots at the
time of their licentiate and inception, twenty-four of sixty-eight
Cistercian licentiati, with many receiving their abbacies while students. (Among the 124 Benedictine and Cluniac licentiati only two
Benedictines held abbacies at the time of inception). Could it have
been that abbots used revenues from their monasteries available for
bearing the cost of inception? 41 We know that the abbot of Regny did
so and so extravagantly that the Cistercian general chapter of 1477
recognized his inception expenses as a contributing factor in the
exemption of Regny from taxes and contributions to the Order for the
next three years 42.
A final note concerning Parisian university monks and their academic work brings us to their role in the fourteenth and fifteenth centuries in the founding of other universities or of new faculties within
other universities. In the second half of the fourteenth century, Pierre
de Courbeton, OClun, magister theologiae of Paris in 1352 and familiaris of the cardinal of Cluny, Androuin de la Roche, was one of the
nine “founders” of the Faculty of Theology at the University of
Bologna in 1364 43. The Cistercian, Konrad von Ebrach, after studies in
Paris, read the Sentences at the University of Bologna in 1368-1369
and became a magister theologie there in 1370. He taught theology at
360
the University of Prague from 1376 to 1384 and in 1385 was commissioned with Heinrich von Hesse to establish the Faculty of Theology at
the University of Vienna 44.
In 1386, Reginald de la Buissière, OCist, migrated from Paris to
Heidelberg to serve as its first professor of theology. He moved again,
this time to Cologne, appearing there in 1389-1390. In 1400, he would
become dean of Cologne’s Faculty of Theology 45.
When the University of Poitiers was established in 1431, Petrus
Baston, OSB, a doctor of canon law of Paris, acted as its conservator
privilegiorum and first professor of canon law, regent until his death in
1436 46. Stephanus Bureti, OClun, a magister theologie, served as dean
of the Faculty of Theology while abbot of Montierneuf (r. 1439-1461),
a Cluniac “abbey of the obedience” 48 in Poitiers. Nicolas Le Comte,
OCist, 49 and Robert Jolivet, OSB 50, both took part in the foundation of
the University of Caen. Jolivet was one of five dignitaries commissioned in July 1436 to assist at a meeting of the Estates of the baillis of
Caen, Cotentin, Alençon, and Lisieux and to assist in establishing the
newly created university. The foundation of this university in 1432 was
an occasion of serious conflict between the University of Paris and the
Anglo-Burgundian government then in power. It was a threat to the
University of Paris’s enrollment and an insult to Parisian dignity 51.
ECCLESIASTICAL CAREERS
University monks attained all levels of both the monastic cursus
honorum and the ecclesiastical hierarchy, from simple monk to sovereign pontiff.
It is generally accepted that university graduates were especially
well prepared for positions in the administration of the church. This
statement is appropriate to monastic graduates as well, who took positions of leadership in both the monastic and diocesan churches.
361
We are able to determine for the 915 monks in the sample the
highest ecclesiastical rank achieved for just over half of them. Table
VI-A demonstrates that these 469 monks were engaged at two different
levels of ecclesiastical administration before, during, and after their
university experience. The first level includes assignments within their
monasteries and the second, hierarchical rank within the wider church.
The great majority of Parisian university-monks who assumed positions of authority operated within the monastic world - only five percent achieved ranks within the church’s hierarchy.
Twenty-three university-monks were named bishops, created cardinals, or elevated to the throne of Peter. According to Table VI-B, those
university monks attaining the highest offices in the church, three
popes and four cardinals, either studied or taught at Paris between 1300
and 1360 (that is, within Period I); all of these were professed of
monasteries located south of the Loire. The 469 university graduates
with known positions are split almost evenly between theologians and
canon lawyers (51% to 49%). Six of the sixteen monastic bishops
appear in the first period as well: each of the monastic orders presented bishops. The bishops make their first appearance in the decades
between 1280 and 1300. Ten bishops appear in each of the six generations of Period II, that is, from 1380 through 1500, and all but one were
professed of monasteries situated north of the Loire. Study in neither
faculty (theology or canon law) predisposed one for a position in the
hierarchy: twelve graduated in theology and thirteen in canon law.
However, holding the master’s degree in theology or the doctorate in
canon law was important for university-monks in the hierarchy: twothirds of the hierarchs graduated as masters or doctors. Only one
monastery produced more than one hierarch was the abbey of SaintDenis-en-France, which presented three, a cardinal and two bishops 52.
Of the popes, two were professed Benedictine monks and one of the
Cistercian Order. Jacques Fournier, a Cistercian of the abbey of
Boulbonne, was elected the third of the Avignon popes (r. 1334-1342)
362
and ruled as Benedict XII. A learned theologian and a great reformer of
the religious orders, he published legislation important in the history of
monks and education, known collectively as the Benedictina 53. Pierre
Roger, a Benedictine monk from the abbey of la Chaise-Dieu, a master
of theology, was the fourth of the Avignon popes (r. 1342-1352) 54. He
ruled as Clement VI, and was a patron of the arts and bon vivant.
Finally, there is Guillaume de Grimoard, a monk of the abbey of SaintVictor at Marseilles and a doctor of canon law of the University of
Montpellier. Elected sixth of the Avignon popes (r. 1362-370), he ruled
as Urban V 55.
For most monks of the monasteries maintaining students at the university, the main contact with the university lay in the fact that so many
of university-monks returned from the studium to take positions of
authority in their houses as abbots, priors, or obedientiaries. Table VIA indicates that of the 469 monks for whom we can identify highest
ecclesiastical office, just over half served as the superiors in their communities (abbots of the Benedictine and Cistercian Orders as well as
the abbots of the Cluniac “abbeys of the obedience”, and Cluniac
priors of houses dependent immediately on the abbey of Cluny) 56.
Twenty-one percent served as claustral priors and 11% held office as
priors of dependent houses, including the sixteen monks governing the
Parisian houses of study sponsored by their respective monasteries or
orders. A further 11% of the 469 monks remained at the first level
within the monastic cursus honorum, that of obedientiary 57.
Is there any correlation between monastic office holding and
faculty of study (theology or canon law) ? According to Table VI-C
there appears to be no discernible pattern: canon lawyers were more
likely than theologians to remain at the level of obedientiary; priors of
dependent houses were chosen equally from among theologians and
canon lawyers. It should be noted that the different monastic orders had
different systems of interior administration. We find among the
Parisian university-monks no notation of any Cistercian obedientiaries
363
and only a few Cluniac. And while the Benedictine and Cluniac Orders
both had extensive systems of dependent priories, the Cistercians had
none or very few.
Theologians were almost nine-to-one chosen as priors of the
Parisian houses of study, dependencies in one sense but, because of
their unique function, independent. One must take into account that the
provisors of the Cistercian studium were all theologians, again by
decree and statute. The fact that one of the Cluniac priores scolarium
was a canon lawyer indicates that for a time, though the college was
intended primarily for the study of theology, canon lawyers could and
did study there and could be appointed prior 58.
At the higher levels of monastic administration canon lawyers outnumber theologians as claustral priors, three canon lawyers to every
one theologian. Abbots, on the other hand, were more likely to be chosen from among the theologians: three theologians for every two canonists. Subtracting the Cistercian abbots, all theologians by statute and
decree, from the equation, we find that Benedictine abbots were more
than three times likely to be canon lawyers than theologians (eightyfour canon lawyers to only twenty-five theologians). Cluniac abbots
and priors, on the other hand, were two-and-a-half times more likely to
be theologians than canon lawyers.
Tables VI-D and VI-E present information on the correlation between mo-nastic office holding and degree level (master/doctor, licentiate, or bachelor). Almost half the obedientiaries are drawn from
bachelors; though more priors of dependencies had earned the baccalaureate than higher degrees, masters were not too far behind them in
relative strength. More than half of the superiors of the monastic studia were doctors or masters. When it comes to the claustral priors,
almost two-thirds of them are bachelors. Finally, more than half of the
abbots were doctors or masters. It should be noted that the licentiati
seem to have lost out in the distribution of offices: they comprise only
15% of those monks whose degree-levels are known to us, while the
364
masters present 46% and the bachelors 39%.
Combining the two tables (rank and faculty and rank and degree)
we can draw some conclusions about distribution of degree and faculty
among those whose ecclesiastical and monastic rank is known to us
[see Table VI-E]. Of the six ranks, bachelors of canon law dominate
three while masters of theology dominate the other three. Those monks
earning the highest status as abbots or priors of Cluniac houses were
masters of theology; they frequently chose bachelors of canon law to
be their priors and their obedientiaries.
CONCLUSION
“In using a database derived from a biographical register of a university,
or, for that matter, any biographical register compiled from diverse sources”, William J. Courtenay warns the prosopographer, “the richness of
particular sources or gaps in documentation can make statistical results
at best approximate, and at worst, unreliable” 59, I have taken this monitum to heart - and expect the reader to do so as well - in preparing and
presenting this prosopographical analysis of the monastic orders at the
University of Paris. And I hope, of course, that my findings are at least
approximate and not at all unreliable. An analysis such as this, however,
can only have the simple goal of learning as much as possible about this
population in order to help the historian understand the complex interaction of the university and a monasticism insufficiently studied and perhaps too harshly and unjustly judged.
Notes
J. W. Baldwin, “Masters at Paris from 1179 to 1215: A Social Perspective”,
in Renaissance and Renewal in the Twelfth Century, edited by R. L. Benson
and G. Constable (Oxford, 1982), 139.
2
See the author’s Benedictine Monks at the University of Paris, AD 12291500. A Biographical Register. Education and Society in the Middle Ages and
Renaissance, vol. 4 (Leiden, 1995) and his Parisian Licentiates in Theology,
1
365
A.D. 1373-1500: A Biographical Register. Vol. I. The Religious Orders.
Education and Society in the Middle Ages and Renaissance, vol. 18 (Leiden,
2004).
3
Important secondary sources concerning Cistercian monks at the University
of Paris include works by Caroline Obert: “La vitalité de l’Ordre cistercien à
la fin du Moyen-Âge, à travers le recrutement des étudiants du Collège SaintBernard de Paris,” in Monachisme d’orient et d’occident: Cîteaux après l’âge
d’or (Sénanque, 1987), 1-35; “La promotion des études chez les Cisterciens à
travers le recrute-ment des étudiants du Collège Saint-Bernard de Paris au
moyen âge”, Cîteaux, commentarii cistercienses 40 (1989): 65-77; “Les lectures et les oeuvres des pensionnaires du Collège Saint Bernard: Jalons pour
l’histoire intellectuelle de l’Ordre de Cîteaux à la fin du Moyen Age”,
Cîteaux, commentarii cistercienses 40 (1989): 245-89. Other useful works
include the Dictionnaire des auteurs cisterciens, edited by Émile Brouette,
Anselme Dimier, and Eugène Manning (Rochefort, 1975-1979); Bibliotheca
scriptorum sacri ordinis cisterciensis elogiis plurimorum maxime illvstrium
adornata, edited by Carolus de Visch (Cologne, 1656); Statuta Capitulorum
Generalium Ordinis Cisterciensis: ab anno 1116 ad annum 1786, edited by
Joseph-Maria Canivez, 8 vols. (Louvain, 1933-1941).
4
Peter Moraw, “Careers of Graduates”, in A History of the University in
Europe. Volume I. Universities in the Middle Ages, edited by Hilde de RidderSymoens (Cambridge, 1992), 245-79, divides university history into three
periods: The Beginnings (Twelfth Century until around 1200), The Universal
Age (1200-1380), and The National and Regional Era (1380-1500). His
dating of the second two periods has proven useful for my own work, especially with regard to data avail-ability for the history of the University of Paris.
5
See Thomas Sullivan, “Benedictine Masters of the University of Paris in the
Late Middle Ages: Patterns of Recruitment”, Vivarium 31, 2 (1993): 226-240;
Thomas Sullivan, “Cistercian Theologians at the Late Medieval University of
Paris”, Cîteaux. commentarii cistercienses 50, 1-2 (1999): 85-102, esp. 91.
6
Sometime before 1239, when recalled from the University of Paris to
become abbot of the monastery of Saint-Laurent in Liège, his monastery of
profession, Henricus de Haccuria, OSB, is said to have obtained the baccalaureate in theology and the licentiate in canon law [Sullivan, Benedictine Monks,
171-72]. In 1233, Guillaume, abbot of Froidmont, is said to have lent a psalter, a glossa, and a book of the Sentences to magister Renaldus, for the duration of his stay in Paris. Renaldus is thought to have been a monk of
Froidmont [Anne Bondéele-Souchier, Bibliothèques cisterciennes dans la
366
France médiévale : répertoire des abbayes d'hommes (Paris, 1991), 120].
7
See Donatella Nebiai-Dalla Guarda, “Le collège de Paris de l’abbaye de SaintDenis-en-France,” in Sous la règle de saint Benoît, Structures monastiques et
sociétés en France du Moyen Âge à l'époque moderne : Abbaye bénédictine
Sainte-Marie de Paris, 23-25 octobre 1980 (Genève-Paris, 1982), 461-88.
8
Galdericus was the first Cluniac regent master in theology among the monachi nigri and probably played an important role in the foundation of the
Cluniac house of studies [Sullivan, Benedictine Monks, 147].
9
See Pierre Anger, Le Collège de Cluny (Paris, 1916). See also the author’s
Studia monastica: Benedictine and Cluniac Monks at the University of Paris,
1229-1500 (unpublished Ph.D. dissertation, University of WisconsinMadison, 1982), 20-29.
10
The text of the Fulgens sicut stella is found in Charles Cocquelines,
Bullarium, privilegiorum ac diplomatum Romanorum pontificum amplissima
collectio, 14 vols. (Rome, 1739-1744), 3: 203-13. See the analysis of this latter document in J.-B. Mahn, Le pape Benoît XII et les cisterciens (Paris,
1949). The text of the Summi magistri may be found in Cocquelines,
Bullarium 3: 214-40. Though dealing primarily with the effect of the Summi
magistri in England, Peter McDonald’s study, “The Papacy and Monastic
Observance in the Later Middle Ages: The Benedictines in England,” Journal
of Religious History 14 (1986): 48-74, is very useful.
11
Statuts, chapitres généraux, et visites de l’Ordre de Cluny, 9 vols. and a supple-ment, edited by Gaston Charvin (Paris, 1965-1982) 3: 335-36.
12
Jacques Verger, “The University of Paris at the End of the Hundred Years’
War”, Les universités françaises au Moyen Age (Leiden, 1995), 199-27. This
article focuses on the years 1418 through 1450, when the Burgundians captured Paris to King Charles VII’s reestablishment of his Burgundian provinces
and the end of the Hundred Years’ War.
13
See Heinrich Denifle, La desolation des églises, monastères, et hôpitaux en
France pendant la guerre de cent ans, 2 vols. (Paris, 1897-1899).
14
Jean Favier, Nouvelle histoire de Paris: Paris au XVe siècle (1380-1500)
(Paris, 1974), 74.
15
Guy de Valous, Le Monachisme clunisien dès origines au XVe siècle, 2nd ed.
revised,, 2 vols. (Paris, 1970), 1: 212.
16
The regions are, in alphabetical order: Brittany, Burgundy, Center, FrancheComte, Languedoc, Normandy, North, Northeast, the Pays de la Loire, the Region Parisienne, Southwest, and West. The foreign regions in alphabetical
order: the British Isles, Germany, the Iberian Peninsula, Italy, the Low
367
Countries, and Switzerland.
17
For Oxford, consult M. W. Sheehan, “The Religious Orders 1220-1370”, in
The History of the University of Oxford. Volume 1. The Early Oxford Schools,
edited by J. I. Catto (Oxford, 1984), 193-224, esp. 213-21 and R. B. Dobson,
“The Religious Orders 1370-1540,” in The History of the University of
Oxford. Volume II. Late Medieval Oxford, edited by J. I. Catto and T. A. R.
Evans (Oxford, 1992), 531-79, esp. 544-54. The monastic orders are treated
briefly in Damian Riehl Leader, A History of the University of Cambridge.
Volume 1. The University to 1546 (Cambridge, 1988), 48-50, 57-58, 339-40,
and 350.
18
The Parisian region includes the dioceses of Beauvais, Chartres, Laon,
Meaux, Paris, and Soissons.
19
See Guy Thompson, “ ’Monseigneur Saint Denis’, his abbey, and his town
under the English Occupation”, in Power, Culture, and Relgion in France c.
1350-c. 1550, edited by Christopher Allmand (Woodbridge, Eng., 1988), 15-36.
20
In addition to Saint-Martin-des-Champs, there were Coincy, ElincourtSainte-Marguerite, Grandchamp, Longpont, Nogent-le-Rotrou, and Saint-Leu
d’Esserent.
21
This region includes the dioceses of Amiens, Arras, Cambrai, Liège,
Thérouanne, and Tournai.
22
Glorieux, Répertoire des maîtres 2: 262, no. 367; Dictionnaire de
Spiritualité 8: 787-88; Dictionnaire d’histoire et Géographie ecclesiastique
(Paris, 1912-).
23
Nécrologe de l’abbaye de St Vaast d’Arras, edited by E. Van Drival.
Documents inédit concernant l’Artois (Arras, 1878).
24
This region includes the dioceses of Avranches, Bayeux, Coutances, Evreux,
Lisieux, Rouen, and Sées.
25
The Cluniacs had only twelve small priories within the metropolitan province of Rouen [Charvin, Statuts 6: 326]. Only one university monk is known
to have had any connection with any of these priories, Petrus Migetii, an infamous magister theologie who governed the priory of Longueville in the city
of Rouen and took part in the initial trial of Jeanne d’Arc and the rehabilitation trial as well [Sullivan, Benedictine Monks, 234-35.
26
This region includes the dioceses of Autun, Auxerre, Chalon-sur-Saone,
Langres, Lyon, Macon, and Nevers.
27
See footnote 17.
28
G. Mollat, The Popes at Avignon, 1304-1378, 9th ed. (London, 1963), 319.
29
M. H. Hoberg, Taxae pro communibus servitiis solvendis, ex libris
368
Obligationum ab anno 1295 ad annum 1455 confectis (Vatican City, 1947),
374.
30
Jacques Dubois, “Les Ordres monastiques aux XIIIe siècle en France d’aprè
les sermons d’Humbert de Romans, maître general des Frères Prêcheurs (d.
1277)”, in Sacris Erudiri. Jaarboeck voor Godsdienstwetenschappen 26
(1983): 187-220, esp 217-18.
31
James A. Brundage, “The Monk as Lawyer,” The Jurist 34 (1979): 434.
32
Certain monks applied to the Holy See for permission to study canon law
in contravention of the statutes of the Order. The Chartularium universitatis
parisiensis notes that Pope Martin V granted frater Conanus Kaerengarii,
abbot of Bégard, permission to study law at Angers, “non obstantibus constitutionibus” [Chartularium universitatis parisiensis, edited by Heinrich
Denifle and Emile Chatelain, 4 vols. (Paris, 1889-1897) 4: 441]. See also
Louis Lekai’s discussion of Cistercians and the study of law in his The
Cistercians: Ideal and Reality (Kent, Ohio, 1977), 86-87.
33
R. B. Dobson, “The Religious Orders 1370-1540,” in The History of the
University of Oxford. Vol. II. Late Medieval Oxford. Edited by J. I. Catto and
T. A. R. Evans (Oxford, 1992), 571; Brundage, “The Monk as Lawyer,” 43334. See also James A. Brundage, “English Trained Canonists in the Middle
Ages: A Statistical Analysis of a Social Group”, in Law-Making in LawMakers in British History. Papers Presented to the Edinburgh Legal History
Conference, 1977, edited by Alan Harding (London, 1980), 64-78. James G.
Clark, in his A Monastic Renaissance at St Albans (Oxford: Clarendon Press,
2004), 153 suggests that the cathedral priories built up large collections of
works of canon law as resources to assist monastic officials in their struggles
with episcopal authority and that the Saint Alban’s monks had recourse to law
books in their disputes with the secular clergy
34
The first Benedictine to earn the doctorate in canon law (“ primitius doctorate Parisius sui Ordinis professors ”) was Johannes de Sancto Dionysio alias
Papillon, a monk of the abbey of Saint-Laumer of Blois [Sullivan, Benedictine
Monks, 310]. By 1349, he had been joined by two other Benedictines, Pierre
Ameihl and Robert Couroye [Sullivan, Benedictine Monks, 19-20 and 121-22
respectively].
35
La Faculté de Decret de l’Université de Paris au XVe siècle, 4 vols., edited
by Marcel Fournier (Paris, 1895-1942) 2: 458, 460; 3: 257.
36
See for instance R. James Long, “ ’ Utrum iurista vel theologus plus proficiat ad regimen ecclesisae’: A Quaestio Disputata of Francis Caraccioli”,
Mediaeval Studies 30 (1968): 134-62.
369
Brundage, “Monk as Lawyer,” 436.
See the author’s “Completion Rates and Time-to-Degree Figures for the
Mid-Fifteenth-Century Parisian Faculty of Theology”, Medieval
Prosopography 22 (2001): 181-93.
39
See the author’s “Merit Ranking and Career Patterns: The Parisian Faculty
of Theology in the Late Middle Ages,” in Universities and Schooling in
Medieval Society, edited by William J. Courtenay and Jürgen Miethke with the
Assistance of David B. Priest. Education and Society in the Middle Ages and
Renaissance, vol. 10 (Leiden, 2000), 127-63.
40
See the author’s, “Merit Ranking and the Religious Orders,” in The Vocation
of Service to God and Neighbour. Essays on the Interests, Involvements and
Problems of Religious Communities and their Members in Medieval Society
(Turnhout, 1998): 140-41, 142-43.
41
Sullivan, “Cistercian Theologians”, 90.
42
Statuta Capitulorum Generalium Ordinis Cisterciensis 5: 381.
43
Sullivan, Benedictine Monks, 117.
44
Dictionnarie d’histoire et géographie ecclésiastiques (Paris, 1912) 13: 482;
Dictionnaire des auteurs cisterciens 1: 184.
45
Sullivan, Parisian Licentiates 1: 215.
46
Sullivan, Benedictine Monks, 40-41.
47
Sullivan, Benedictine Monks, 84.
48
The Order of Cluny included among its houses the so-called “abbeys of the
obedience”, discussed by Valous in Le Monachisme clunisien 2: 57-65.
49
Sullivan, Parisian Licentiates 1: 144.
50
Sullivan, Benedictine Monks, 184.
51
Michel de Boüard, “Quelques données nouvelles sur las création de
l’Université de Caen (1432-1436)”, in Le Moyen Âge 69 (1963): 727-41. See
also Verger, “University of Paris”, 207-8.
52
Pierre de Versailles and Gui de Montmirail were made bishops and Gilles
de Rigaud was created cardinal [Sullivan, Benedictine Monks, 336-39, 24243, and 292-93 respectively].
53
See J.-B. Mahn, Le pape Benoît XII et les cisterciens (Paris, 1949) for a discussion of the bull, Fulgens sicut stella, addressed to the Cistercian Order and
the first of the bulls comprising the Benedictina.
54
Sullivan, Benedictine Monks, 296-99.
55
A brief comment about Guillaume de Grimoard may be in order: his sojourn
at the University of Paris is little known. In a document from 1386 concerning
the dispute between the Faculty of Canon Law and Amelius de Brolio,
37
38
370
Guillaume de Grimoard is mentioned as having lectured de mane at Paris,
after having lectured at Montpellier. In 1411, the Collège de Cluny claimed
him among its illustrious alumni in a dispute with the abbot of Cluny argued
in the Parlement de Paris. It is likely that this took place sometime between
his promotion to the doctorate at Montpellier in 1342 and his promotion to the
abbacy of Saint-Germain d’Auxerre in 1352 [Sullivan, Benedictine Monks,
164-166].
56
Among the Cluniac priories dependent immediately on Cluny are included
three of the “Five Daughters” of Cluny, Souvigny, Saint-Martin-des-Champs
in Paris, and La Charité-sur-Loire. These houses were, in effect, abbeys
without the name or the abbot. See Valous, Le Monachisme clunisien 2: 6567.
57
The most frequently held obediences were those of sacristan and almoner
(nine and five, respectively). Other obediences include cellarer, kitchenmaster
(coquinarius), chamberlain, curticularius, dispensarius, officialis, and provost.
58
Sullivan, Benedictine Monks, 329-30.
59
William J. Courtenay, “Prosopography and University Sources: The Case of
Paris”, Medieval Prosopography 22 (2001): 152.
371
372
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375
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378
La vie religieuse dans l’Université de Paris
au Moyen Âge
Pr Nathalie Gorochov
Université de Paris XII, France
Quand s’ouvre le XIIIe siècle, Innocent III (1198-1216), placé à la
tête d’une Eglise confrontée depuis plusieurs décennies à l’hérésie, protège l’Université naissante pour en faire une institution contrôlée par la
papauté, un centre d’études capable de former des clercs efficaces dans
la pastorale comme dans l’élaboration de la doctrine et la défense de la
foi 1. Dès l’origine l’Université de Paris est une institution d’Eglise par
son recrutement - ce sont des clercs -, par la nature de la licencia docendi
- délivrée par une autorité ecclésiastique -, par ses privilèges - octrois de
bénéfices aux étudiants et dispenses de résidence. Si elle le reste durant
tout le Moyen-Âge, sa dépendance par rapport au pouvoir pontifical a pu
varier, parfois contestée aux XIVe et XVe siècles, parfois concurrencée
par un pouvoir royal de plus en plus «interventionniste».
Institution d’Eglise, il revient donc à ses membres d’appliquer à la
lettre l’abondante législation pontificale qui, à partir du quatrième
concile de Latran, tend à normaliser les pratiques religieuses dans le
cadre de la paroisse où doivent désormais se dérouler les principaux
moments de la vie du chrétien: assistance à la messe dominicale, participation aux processions et aux offices religieux des jours de fête, réception des sacrements, confession annuelle 2.
Alors que la hiérarchie ecclésiastique exige toujours plus de la société
chrétienne, elle peut attendre des membres de l’Université qu’ils se
379
conforment à la fois à l’idéal du clerc et à l’idéal du fidèle diffusés par
les textes canoniques. Il s’agit donc ici d’éclairer le comportement religieux de ces clercs venus de partout pour étudier et enseigner dans les
écoles parisiennes au Moyen Âge. Se pose dans le même temps la question d’une vie religieuse de l’Université en tant que corps, qui aurait
orienté, canalisé, façonné, voire réduit les pratiques des individus dans
l’intérêt de la cohésion de la corporation. Ainsi, dans l’histoire de la vie
religieuse de l’Université, au sein de laquelle rayonne la faculté de théologie de Paris, gardienne de la Foi depuis Parens Scientiarum 3, il
convient de mettre en lumière ce qui est proprement universitaire et collectif, ce qui a pu distinguer la religion des universitaires, de la religion
de tous les autres chrétiens.
Plus que tout autre groupe social, l’Université de Paris, un agrégat de
milliers de clercs, est un monde mouvant et hétérogène, où se côtoient
parfois brièvement des individus plus ou moins jeunes aux origines géographiques et sociales multiples, aux statuts ecclésiastiques divers - du
jeune étudiant ès arts fraîchement tonsuré au prêtre déjà doté de bénéfices qui se consacre à des études en théologie par exemple. Il va de soi
que ces individus entretiennent des rapports différents à l’Eglise selon
qu’ils sont ou non engagés dans une carrière ecclésiastique, qu’ils sont
séculiers ou réguliers, simples auditeurs ou déjà enseignants etc. Malgré
la motivation commune de l’apprentissage intellectuel, il n’en reste pas
moins que la multiplicité des comportements, des langues, des fortunes,
des modes de vie et, pour finir, des dévotions engendre le désordre voire
l’anarchie déjà dénoncés vers 1200 par Etienne de Tournai 4. En ces
années pré-universitaires, dans les écoles, l’absence de contrôle de la
pratique de l’enseignement comme de son contenu et de ses acteurs rend
d’autant plus nécessaire une réforme institutionnelle que des doctrines
suspectes commencent à être enseignées et sitôt dénoncées suscitent un
procès en 1210, contre les présumés disciples d’Amaury de Bène, au
moment même où l’institution universitaire se constitue 5. Pour tenter
d’expliquer la naissance de l’Université à ce moment précis, pourquoi ne
pas ajouter aux causes politiques et intellectuelles déjà invoquées par les
380
historiens le facteur religieux c'est-à-dire l’urgence d’un contrôle doctrinal sur des écoles où menace l’hérésie, un contrôle qui serait donc facilité par la mutation institutionnelle en université 6. Loin d’être un aspect
anecdotique dans son histoire, la vie religieuse de l’Université de Paris
me paraît être un facteur explicatif essentiel de sa naissance.
Dès lors c'est-à-dire dès les premières années d’existence de
l’Université, la papauté n’a de cesse de définir et de répéter la norme
religieuse aux universitaires parisiens, aux maîtres en particulier, d’introduire des éléments efficaces de contrôle par exemple les Mendiants, car
l’enseignement des maîtres est pour l’Eglise une arme qui peut s’avérer
à double tranchant en cas de déviance comme ce fut le cas en 1210. Cette
élaboration des normes religieuses parallèle à l’organisation progressive
de l’institution elle-même au XIIIe siècle fera l’objet de la première partie de ce travail. On verra ensuite que même dans l’Université de Paris,
au plus près de la faculté de théologie, la vie religieuse porte la marque
conjointe des règles imposées d’en haut et de la spontanéité voire de la
fantaisie des pratiques suivies par les fidèles, c'est-à-dire les universitaires. La documentation laisse entrevoir toutes les difficultés que l’institution, qui ne prend que lentement conscience d’elle-même, rencontre à
mettre en place une vie religieuse cohérente, face aux dévotions individuelles, particulièrement au XIIIe siècle sur lequel je me permettrai d’insister davantage en raison de mes recherches actuelles 7. Enfin, dans une
troisième partie, seront esquissées pour les XIVe et XVe siècles, les nouvelles mesures disciplinaires, contemporaines d’un durcissement de la
censure dans l’Université et qui permettent à l’institution, désormais
dotée de règlements précis mais aussi de sanctuaires plus nombreux, de
mener une vie religieuse dense et un peu plus cohérente.
1-L’élaboration progressive des normes au XIIIe siècle
L’affaire du procès des Amauriciens et la menace de l’hérésie dans les
écoles
381
Au moment même où la corporation universitaire parisienne se
constitue, où les maîtres jusque là indépendants les uns des autres s’associent en une organisation encore assez lâche, entre 1207 et 1213, une
affaire d’hérésie fait grand bruit qui touche de près les écoles parisiennes. Au commencement de l’histoire de l’Université de Paris, il y a donc
la menace sinon de l’hérésie au moins de l’hétérodoxie. En effet, en
1210, l’archevêque de Sens Pierre de Corbeil et l’évêque de Paris Pierre
de Nemours convoquent, jugent et condamnent quatorze clercs disciples présumés de maître Amaury de Bène 8, mort semble-t-il en 1206.
Ils sont accusés de professer un panthéisme rigoureux apte à ébranler
les fondements de la croyance chrétienne : « omnia sunt Deus » enseignent-ils, alors que depuis plusieurs années les œuvres d’Aristote et de
leurs commentateurs arabes récemment traduites en Espagne sont désormais accessibles à Paris et qu’elles engendrent ce panthéisme.
Admettre que Dieu est identique à l’essence de toutes choses relativise
l’eucharistie, l’Incarnation, la rédemption. La réflexion philosophique
des Amauriciens les amène à formuler des positions subversives en
matière de foi, de pratiques, de morale, enfin c’est ce qu’affirment leurs
accusateurs. Car les fragments d’interrogatoire autrefois découverts par
M. T. d’Alverny montrent des clercs bien réticents à reconnaître ce dont
on les accuse. Finalement, après avoir été soupçonnés à l’initiative de
l’évêque de Paris Pierre de Nemours ils sont jugés et condamnés sévèrement par l’archevêque de Sens Pierre de Corbeil, davantage pour la
menace qu’ils représentent que pour des idées réellement exprimées.
Neuf d’entre eux sont dégradés, perdant leurs bénéfices ecclésiastiques,
et menacés de bûcher s’ils refusent d’abjurer, tandis que par un rituel
macabre on exhume et disperse les restes de maître Amaury de Bène,
ainsi excommunié, privé de sépulture chrétienne.
La menace que représentait la présence des Amauriciens dans
l’Université est jugée assez grave pour que les statuts de l’Université rédigés par le légat Robert de Courson en août 1215, cinq ans plus tard, interdisent l’étude des œuvres d’Amaury de Bène et de maître David de
Dinant, un aristotélicien avéré aussi panthéiste, ainsi que des Libri
382
Naturales et de la Métaphysique d’Aristote 9. La doctrine d’Amaury de
Bène est également condamnée par Innocent III dans le premier canon du
concile de Latran publié en novembre 1215 10. De même en 1231, la bulle
Parens Scientiarum reprend ces interdits 11 mais l’efficacité de ces mesures est faible puisque tout Aristote est commenté à Paris vers 1250 12, sans
doute aussi pour mieux en juguler les risques.
Alors qu’au tournant des XIIe et XIIIe siècles le théologien Pierre le
Chantre a convaincu bien des prélats que les théologiens de Paris - maîtres ou étudiants - doivent principalement se consacrer au travail pastoral et mettre leur savoir au service de l’encadrement des fidèles 13, le
danger est donc grand de les voir enseigner et diffuser des doctrines
hétérodoxes à l’instar des clercs Amauriciens. Est-ce cette menace qui
incite Robert de Courson, lors du concile provincial de 1213, à émettre quelques réserves au sujet des prêtres de paroisse autorisés à faire
des études lorsqu’il déclare :
« Qu’il ne soit permis à aucun curé de paroisse d’apprendre les sciences séculières, qui ne peuvent en aucune manière être utiles au salut de
ses ouailles. Mais s’il obtient de son évêque l’autorisation de fréquenter les écoles, qu’il n’apprenne que la lettre vraie, qui est la Sainte
Ecriture, pour l’enseignement de ses paroissiens » 14.
Cette réticence à l’égard des études des arts libéraux, nécessaire
propédeutique à la théologie, est étrange de la part de l’un des membres les plus connus du cercle de Pierre le Chantre 15. Elle survient dans
un sermon conservé avec d’autres dans un gros recueil de sermons
parisiens datables des années 1210-1215, qui contient outre de très
nombreux textes anonymes, quelques sermons de maîtres de
l’Université de Paris comme Prévotin de Crémone, Pierre de Poitiers,
Guillaume de Pont de l’Arche, Jean d’Abbeville, Pierre de Capoue,
tous manifestement soucieux des progrès de l’hérésie, selon Nicole
Bériou, à l’instar des autorités du diocèse de Paris en ce début du XIIIe
siècle. Est-ce aller trop loin que d’y voir parmi bien d’autres causes,
383
une conséquence de l’affaire récente des Amauriciens 16 ?
Il est vrai que le réveil pastoral, l’offensive de la Foi et bien d’autres menaces hérétiques concernent la Chrétienté toute entière dans ces
années 1200-1215, tandis que s’achève le pontificat d’Innocent III 17 et
que les prescriptions doctrinales et pastorales du IVe Concile de Latran
sont appelées à être diffusées partout : réaffirmation du Credo, importance des sacrements conférés par le prêtre de paroisse, nécessité de la
confession annuelle. L’Université de Paris peut dans cette large mesure
jouer un rôle essentiel dans leur application : former des clercs conformes à cet idéal, capables d’assurer l’encadrement des fidèles et de les
mener au salut. Les pratiques religieuses des universitaires parisiens
doivent être en parfait accord avec les préceptes de Latran IV. Mais
dans quel cadre paroissial ?
Le cadre : les paroisses de la rive gauche au début du XIIIe siècle
Depuis le XIIe siècle, et cela s’accélère semble-t-il après 1150, les
maîtres et étudiants affluent de tout l’Occident vers les écoles parisiennes, qui s’associent donc vers 1207-1212 en une universitas. Ils vivent
et travaillent principalement sur la rive gauche de la Seine, sauf les chanoines de Paris, dont les écoles restent dans le cloître de Notre-Dame 18.
Les paroisses et les établissements ecclésiastiques sont multiples au sud
de la Seine. A partir de 1215, quels sont les lieux où les universitaires
parisiens entendent la messe dominicale, où ils reçoivent les sacrements, où ils se confessent, où ils entendent prêcher ou prêchent euxmêmes, quels sont les jours de fêtes religieuses chômés dans les écoles ?
Les membres de la corporation ont-ils des dévotions particulières, des
lieux de culte qui leur sont propres ?
Au XIIIe siècle, la rive gauche compte intra muros sept églises
paroissiales : Saint-André des Arts, Saint-Cosme, Saint-Séverin, SaintBenoît le Bétourné, Saint-Hilaire, Sainte-Geneviève, enfin SaintNicolas du Chardonnet un peu plus tard, vers 1230 19. Le découpage
384
paroissial a été modifié par la construction de la nouvelle muraille de
Philippe Auguste : ainsi Saint-André des Arts et Saint-Cosme ont été
érigées pour les habitants du bourg de Saint-Germain des Prés désormais enfermés dans l’enceinte et ces deux églises restent soumises au
patronage de l’abbé de Saint-Germain. Quant à Saint-Nicolas du
Chardonnet elle est créée par l’évêque de Paris Guillaume d’Auvergne
à proximité de l’abbaye de Saint-Victor qui reste hors les murs 20. Ainsi
la ville de Paris comporte huit paroisses rive gauche, douze sur l’île de
la cité, quatorze paroisses rive droite. Signalons aussi les grands établissements réguliers installés à Paris depuis longtemps : le prieuré
Saint-Eloi sur l’île de la Cité, le prieuré clunisien de Saint-Martin des
Champs rive droite, Sainte-Geneviève rive gauche, au sommet de sa
colline dont les pentes couvertes de vigne disparaissent peu à peu avec
le développement du bourg, enfin au-delà des remparts, au sud-ouest
Saint-Germain des Prés et au sud-est Saint-Victor 21.
Vers 1215 on peut supposer que les maîtres et étudiants se partagent
entre toutes ces églises. La collégiale Sainte-Geneviève, située au cœur
du quartier latin, réformée par les Victorins au milieu du XIIe siècle et
qui sert à l’Université de deuxième chancellerie pour l’examen de
licence au cours du XIIIe siècle, ne semble pas avoir de rôle religieux
particulier à l’égard de la corporation 22. Parmi les sermons cités plus
haut prêchés à Paris vers 1210 par des maîtres de l’Université, l’un est
prêché à Sainte-Geneviève, l’autre à Saint-Antoine, l’abbaye de femmes récemment fondée par Foulques de Neuilly pour accueillir les
prostituées converties, sur la rive droite. Dans les deux cas, le prédicateur fait allusion à un public comportant des scolares 23, y compris à
Saint-Antoine ce dont il ne faut pas s’étonner puisque plusieurs collèges peuplés d’étudiants ont été depuis le XIIe siècle précisément fondés rive droite .
L’évêque de Paris Eudes de Sully a peu avant 1208 rédigé les plus
anciens statuts synodaux français, offrant au clergé parisien une codification nouvelle de la discipline sacramentelle. En l’absence de calen-
385
drier universitaire pour cette période ancienne, il faut supposer que les
maîtres et étudiants avec les prêtres des paroisses parisiennes suivent
tout au long de l’année un calendrier des fêtes chrétiennes chômées à
peu près partout en vigueur 25. Outre les dimanches, ces jours sont probablement:
- les principales fêtes : Noël, la Circoncision, l’Epiphanie, Pâques,
l’Ascension, la Pentecôte
- les fêtes de la Vierge : la Purification, l’Annonciation, l’Assomption, la Nativité
- l’invention de la Sainte Croix
- les fêtes des principaux saints : saint Jean l’Evangéliste, les Saints
Innocents, la nativité de saint Jean Baptiste, la Décollation
- les fêtes des douze apôtres
- les fêtes de saint Laurent, saint Michel, saint Martin, saint Nicolas,
sainte Marie Madeleine
- également les fêtes de sainte Geneviève et saint Denis, saints
patrons de Paris.
Quand le légat Robert de Courson rédige les statuts de l’Université
en 1215 26, il consacre peu de mots à la vie religieuse. Il y prévoit que
les étudiants librement recrutés par leur maître lui soient étroitement
attachés (« nullus sit scolaris Parisius, qui certum magister non habet»)
ce qui implique probablement que les étudiants assistent chaque jour
aux cours de leur maître mais qu’ils lui soient aussi soumis dans leur vie
quotidienne et notamment dans l’accomplissement de leurs obligations
religieuses. Seul point notable dès l’origine : ces statuts primitifs de
1215 assurent la cohésion, la solidarité internes de la corporation par
l’assistance aux funérailles, obligatoire pour tous les membres actifs à
savoir les maîtres : la moitié des maîtres sont invités à assister aux funérailles d’un étudiant mais en cas de décès d’un maître, tous les autres
maîtres doivent assister aux vigiles ainsi qu’à l’office et à l’enterrement
et tous les cours et disputes doivent être interrompus ce jour-là. Malgré
le caractère allusif de ce passage, il va de soi ici que les étudiants sui-
386
vent leurs maîtres dans ces célébrations. Robert de Courson consacre un
passage aussi long aux funérailles - qui réunissent et consolident la corporation - qu’au recrutement des maîtres qui la constituent 27.
L’Université a une dimension confraternelle évidente : les funérailles
des membres, isolés de leur milieu familial le plus souvent, sont organisées par la corporation qui doit y assister par moitié quand il s’agit
d’un étudiant, toute entière quand il s’agit d’un maître et les écoles cessent de travailler ces jours-là. Robert de Courson ne statue pas sur les
autres pratiques religieuses pour lesquelles les universitaires se dispersent probablement, dans ces années-là, entre les différentes paroisses
parisiennes. On décèle donc dès 1215 une timide tentative d’assurer par l’assistance aux funérailles - la cohésion de cet agrégat d’individus
différents, mais sans considération ou disposition d’ordre matériel : il
n’existe pas de sanctuaire réservé à l’Université.
Contrairement à Sainte-Geneviève, seule l’abbaye de Saint-Victor
semble détenir un rôle pastoral un peu particulier à l’égard des écoles
parisiennes, celui de pénitencerie du studium, alors que le rôle intellectuel de la communauté victorine fondée par Guillaume de Champeaux
décline au tournant des XIIe et XIIIe siècles 29. Les Victorins ont largement participé à la réflexion théologique et canonique sur le sacrement
de pénitence tout au long du XIIe siècle, en s’opposant notamment à la
conception abélardienne de prépondérance de la contrition et en affirmant la nécessité de la confession et de la pénitence . Sur cinq Summae
confessorum importantes produites entre 1160 et 1237, deux l’ont été par
des moines de Saint-Victor 30 et attestent que l’administration du sacrement de pénitence est restée une activité spécifique de Saint-Victor pendant un siècle, une pastorale pénitentielle spécialement tournée vers le
monde scolaire d’après des exempla mais aussi d’après plusieurs documents édités dans le Chartularium de Denifle et Châtelain. Ainsi en
1212 une lettre d’Innocent III à l’abbé de Saint-Victor fixe les limites
d’un privilège par lequel les étudiants excommuniés peuvent être absous
à Saint-Victor 31. Vers 1216 le pénitencier de Saint-Victor, Ménend, soumet à Rome six questions ayant trait à la juridiction pénitentielle de
387
l’abbé de Saint-Victor sur les étudiants de Paris, et il reçoit des réponses
point par point de frère Raoul, le pénitencier d’Honorius III 32. Avec les
documents émanant du pouvoir pontifical, Jacques de Vitry témoigne
dans son Historia Occidentalis de ce rôle essentiel assuré par les
Victorins auprès des universitaires vers 1220: «port très tranquille», l’abbaye offre la purification pénitentielle aux écoliers et aux fidèles qui
accourent, écrit-il 33. A cette date, il semble bien que Saint-Victor soit le
seul sanctuaire parisien à détenir un lien particulier avec l’Université de
Paris, en vertu d’une tradition déjà ancienne. Mais tout change avec l’arrivée des disciples de saint Dominique à Paris, en 1217. En une dizaine
d’années, ils reçoivent du pouvoir pontifical l’essentiel des charges pastorales à l’égard de la population universitaire, si bien qu’en avril 1231,
quelques jours après avoir fulminé la bulle Parens Scientiarum, Grégoire
IX concède conjointement à l’abbé de Saint-Victor et au prieur des
Frères Prêcheurs de Paris le pouvoir d’absoudre selon les formes canoniques les maîtres et écoliers qui auraient encouru une censure en étudiant les livres d’Aristote interdits par le concile de Paris en 1210 et par
les statuts de Robert de Courson en 1215 34.
Les papes et Saint-Jacques, paroisse de l’Université de Paris ?
Alors que le légat d’Innocent III Robert de Courson a par ses statuts
réglementé l’organisation des funérailles des maîtres et étudiants parisiens, sans préciser les lieux où elles devaient se dérouler, le pontificat
d’Honorius III (1216-1227) est marqué par la production d’une abondante législation réglementant la vie religieuse de l’Université sous
l’autorité des frères Prêcheurs. C’est le 12 septembre 1217 qu’un petit
groupe de frères arrivé à Paris est accueilli sur l’Ile de la Cité dans une
maison près de l’Hôtel-Dieu, devant les portes du palais épiscopal 35. En
1218, le maître anglais Jean de Barastre, doyen de la collégiale de SaintQuentin, en son nom et celui de l’Université et à la demande du pape
Honorius III, donne aux frères la «maison de Saint-Jacques», rive gauche, dans laquelle ils ne s’installent peut-être qu’en 1221, selon le
témoignage de Jourdain de Saxe 36. Ce n’est pas une simple maison mais
388
un hospice pour pélerins fondé en 1209 et doté d’une chapelle 37. Le 1er
décembre 1219, Honorius III concède aux frères à leur demande le droit
de célébrer des offices 38, ce qui provoque l’immédiate opposition du
clergé de la paroisse de Saint-Benoît le Bétourné qui voit affluer les
fidèles vers la chapelle cédée aux disciples de saint Dominique.
Aussitôt le pape sollicite en leur faveur la protection et l’arbitrage des
prieurs de Saint-Denis et Saint-Germain des Prés le 11 septembre 1219,
de l’Université le 27 février 1220, de l’archevêque de Sens et de l’évêque de Paris le 29 mai 1220 ; enfin Honorius demande au chapitre de
Paris - qui a autorité sur le clergé de Saint-Benoît - de bien vouloir laisser les Prêcheurs célébrer le culte et avoir un cimetière près de la chapelle Saint-Jacques qu’ils ont à Paris 39. On parvient à une composition
fin 1220 par laquelle il est décidé que les frères moyennant un cens
annuel de vingt sous peuvent célébrer et ensevelir au couvent même
leurs hôtes, qu’ils peuvent avec une cloche limitée au poids de 300 livres
appeler les fidèles mais qu’ils doivent annoncer à leurs derniers l’obligation d’assister sous peine d’excommunication à la messe paroissiale pour
cinq fêtes où ils ferment leurs portes : Pâques, Pentecôte, Translation de
saint Benoît, Toussaint, Noël 40. Quant à l’Université, oeuvrant « pro
salute animarum nostrarum », en 1221, elle accorde aux Prêcheurs tous
les droits qu’elle a au lieu-dit Saint-Jacques devant l’église SaintEtienne, confirmant semble-t-il le don de Jean de Barastre 41. Cet acte est
essentiel car en échange de ce don la corporation obtient une confraternité générale et perpétuelle. Afin que les Prêcheurs montrent leur reconnaissance, l’Université leur demande d’associer à leurs prières les maîtres et étudiants comme des frères (tanquam confratres suos).
L’Université les prie de célébrer au grand autel, chaque année, le lendemain de la fête de saint Nicolas (6 décembre) une messe solennelle pour
les maîtres et écoliers vivants, pour la sauvegarde de l’Université, et le
lendemain de la fête de la Purification de la Vierge (2 février), de célébrer avec la même solennité une messe pour ceux qui seront morts à
Paris (qui de Universitate nostra Parisius decesserint), d’agir aussi
solennellement pour chaque maître mort pendant sa régence à Paris (in
officio regendi Parisius decesserit) que pour l’un des frères défunts.
389
Chaque frère prêtre doit célébrer une messe pour le maître décédé et le
prieur faire lire trois psautiers. «Si le maître défunt choisit là sa sépulture, s’il est théologien qu’il soit enterré dans la salle du chapitre, s’il
est d’une autre faculté qu’il soit enterré dans le cloître». On souhaiterait
disposer pour le couvent Saint-Jacques de Paris d’un document aussi
exceptionnel que le livre des sépultures du couvent San Domenico de
Bologne qui conserve encore aujourd’hui les noms de tous les scolares
qui ont élu sépulture au cours du XIIIe s chez les frères 42.
Ainsi dès 1221, les frères Prêcheurs de Paris reçoivent la mission
particulière de prier pour les universitaires vivants comme pour leurs
morts et d’accueillir leurs sépultures 43. L’Université doit se réunir dans
le sanctuaire des frères Prêcheurs deux fois par an pour une messe
solennelle ainsi que les jours de funérailles. En quelques années,
Honorius III est parvenu à conférer aux Prêcheurs un rôle pastoral
essentiel dans l’Université, avant même que ceux-ci n’obtiennent leurs
premières chaires et un prestige intellectuel exceptionnel.
La vie religieuse de l’Université se concentre-t-elle en d’autres
moments que ces célébrations occasionnelles à Saint-Jacques quand, à
partir des années 1220, se met en place une prédication spécifiquement
universitaire des dimanches et les jours de fêtes 44, dont on peut supposer qu’elle accompagne des offices - mais sont-ils communs à toute
l’Université ? La prédication universitaire qui s’organise alors a laissé
de nombreuses traces dès la première moitié du XIIIe siècle. On dispose d’une série cohérente de sermons pour l’année universitaire 12301231 45 : sermons des dimanches, de fêtes du temps et de fêtes des
saints, une bonne centaine de jours par an lors desquels un maître prêche devant l’Université « coram Universitate ». Le calendrier festif en
1230-1231 correspond à celui du diocèse de Paris, sans présenter de
particularité. Par ce que Nicole Bériou nomme le «prisme des reportations» l’on découvre, dix ans après l’installation des frères mendiants
à Paris, la place qu’ils occupent déjà dans l’Université : lors de l’année
universitaire 1230-1231, ils prononcent près de la moitié des sermons
390
recensés devant la corporation. Quant aux lieux de culte qui accueillent
cette prédication « coram universitate » de l’année 1230-1231, ils sont
sept : le couvent Saint-Jacques, dont la vaste église n’est alors qu’en
chantier, Saint-Antoine dont l’abbatiale est toute neuve, Saint-Germain
des Prés, Saint-Victor, Sainte-Geneviève, Saint-Cosme et le VieuxTemple. L’auditoire peut en certains lieux, par exemple Saint-Antoine,
être mixte 46. On peut supposer que ces sept sanctuaires accueillant la
prédication universitaire au début des années 1230 : cinq rive droite,
deux rive gauche, sont particulièrement fréquentés par les étudiants
mais surtout les édifices les plus vastes pouvant contenir des centaines
de clercs.
La prédication des Mendiants devant l’Université est un des moyens
par lesquels ils attirent de nouvelles recrues. Le maître général
Jourdain de Saxe, autrefois maître ès arts séculier qui a pris l’habit, se
réjouit dans plusieurs de ses lettres adressées à Diane d’Andalo du
grand succès de l’ordre à Paris, par exemple en avril 1226: «en quatre
semaines vingt-et-un frères nouveaux au couvent Saint-Jacques de
Paris, parmi lesquels six maîtres ès arts et les autres étaient bacheliers
ou compétents pour entrer dans l’ordre». Il ajoute que l’évêque de
Paris est venu assister au sermon et a mangé au réfectoire avec les frères 47. Deux ans plus tard, toujours en avril, on lit : «depuis l’Avent
jusqu’à Pâques environ quarante novices sont entrés dans l’ordre à
Paris, dont plusieurs étaient des maîtres et les autres convenablement
litterati et nous avons bon espoir à propos de beaucoup d’entre eux» 48.
Huit ans plus tard le rythme des conversions est toujours aussi soutenu,
ainsi en mai 1236 il rapporte : «cet hiver depuis l’Avent jusqu’aujourd’hui à Paris de nombreux bons et grands lettrés nobles et des maîtres sont entrés dans l’ordre. Aujourd’hui alors que je t’écris les frères
disent que soixante-douze (novices) ont déjà été reçus» 49. Les temps
forts de la prédication, le Carême et ses nombreux jours de fête, sont
aussi les temps propices au recrutement : la conversion doit fréquemment survenir au moment ou à la suite d’un sermon 50.
391
Il n’est alors pas surprenant de voir des maîtres séculiers refuser
d’emmener leurs étudiants aux sermons de crainte de les voir rejoindre
l’un des deux ordres ! Déjà, en 1222, Honorius III interdisait aux maîtres d’empêcher leurs élèves d’aller à Saint-Victor pour la confession
et les obsèques 51, sans doute par peur de les voir choisir une vie religieuse. Bien des sources mentionnent cette même réticence à l’égard
des sermons des Mendiants et Robert de Sorbon s’en inquiète au
milieu du XIIIe siècle 52.
Des normes de vie religieuse peu à peu définies après 1231
Une fois établies ces dispositions minimales relatives aux funérailles et aux sermons, les statuts universitaires ainsi que les documents
pontificaux se multiplient à partir des années 1230, éclairant un peu
plus précisément les institutions universitaires qui se mettent alors en
place 53. La relative abondance des sources normatives émanant de
l’Université, des facultés et des nations récemment constituées incite à
penser qu’il y a un souci plus grand désormais de réglementer la vie
quotidienne dans les écoles, l’enseignement, les emplois du temps, le
calendrier. Ainsi l’alternance des jours de travail et des jours de fête
sort de l’ombre au milieu du XIIIe siècle. En 1245, un règlement de la
faculté des arts intitulé Quo tempore, quibus diebus, quibus horis, lectiones cursorie in artibus sint legendae indique précisément la répartition annuelle des lectures et des disputes, l’alternance des jours et des
heures de leçons ordinaires, des jours et des heures de leçons extraordinaires, des jours de disputes et des jours fériés 54. Tout l’enseignement
cesse les dimanches et les jours de fêtes et en 1255 un autre statut de
la faculté des arts rappelle que les cours doivent s’interrompre les jours
des fêtes des douze apôtres et des quatre évangélistes, la veille de Noël,
de Pâques, et de la Pentecôte à tierce et pendant trois jours pour ces
trois fêtes d’obligation, ce qui semble être particulier au monde universitaire alors que les statuts synodaux contemporains n’imposent que
deux jours fériés 55. Autre particularité universitaire : l’introduction progressive des fêtes des nouveaux saints, attestée dans les recueils de
392
reportationes parisiens 56 : saint François (canonisé en 1228), saint
Antoine de Padoue (1231), saint Dominique (1234), Pierre de Vérone
(1253).
En ce milieu du XIIIe siècle, la vie religieuse commence à s’organiser dans le cadre des nations qui avaient été interdites par Honorius en
1222 mais dont l’existence est entérinée par Innocent IV en 1249 57. Les
centaines de maîtres ès arts et leurs étudiants se regroupent en quatre
nations, sous-corporations comprenant des membres d’origine géographique commune, des «compatriotes» s’assurant aide et protection
mutuelles. Dès lors les pratiques religieuses sont strictement surveillées à l’intérieur de chaque nation comme l’atteste un statut fragmentaire de la nation anglaise de 1252 :
«Chaque bachelier en arts ira aux funérailles des écoliers les jours de
fêtes, quand il en sera informé, et les jours ouvrables quand il y sera
invité. Il assistera à toutes les assemblées de sa nation. Il ne fera pas de
danses dehors le jour de son principium. Il lira ou fera lire le psautier
pour chaque maître régent défunt. Il assistera à la fête de saint Edmond,
à la fête de saint Nicolas, à la fête de sainte Catherine, à la fête de saint
Thomas, et aux vêpres de la Vierge chaque vendredi, et à la messe de
chaque samedi dans sa nation, à moins qu’il n’ait un empêchement
légitime. Il ne s’absentera pas pour assister aux assemblées ou messes
d’une autre nation… » 58
Au milieu du XIIIe siècle, les messes hebdomadaires semblent célébrées dans le cadre des nations qui ont aussi leur fête annuelle et leur
saint patron: saint Edmond pour la nation anglaise, peut-être saint
Thomas de Canterbury supplanté, à une date que l’on ignore, par
Guillaume de Bourges pour la nation française, la Vierge Marie pour
les Normands, saint Firmin pour la nation Picarde 59. Faute de documents précis l’on n’en sait pas plus, pour le XIIIe siècle, sur d’éventuels
sanctuaires attribués aux nations. Par ailleurs un règlement de la
faculté des arts de 1275 confirme l’existence d’au moins deux fêtes
communes aux quatre nations, les fêtes de saint Nicolas et de sainte
Catherine: en ces deux jours-là comme pour les funérailles des maîtres
393
régents morts l’Université toute entière doit se réunir 60.
Les sermons « coram universitate » et la vie religieuse
A partir du milieu du XIIIe siècle, en chaque dimanche et jour de
fête (une centaine de jours par an) ce n’est plus un mais deux sermons
qui sont adressés à l’Université. Au sermo du matin est dès lors toujours associé un sermon de l’après-midi ou du soir, la collatio, et ce
dédoublement, dont l’initiative revient peut-être au maître général de
l’ordre des Prêcheurs, visiblement très influent sur le monde universitaire, Jourdain de Saxe, se généralise après 1250 d’après les nombreuses reportationes conservées 61. Le thème des deux sermons, qui peuvent être prononcés par des prédicateurs différents, doit être le même.
A mesure qu’on avance dans le siècle, les Mendiants assurent une part
de plus en plus grande de cette prédication universitaire, par exemple
les trois quarts des sermons entre 1281 et 1283, tandis qu’après 1250
les sermons du dimanche ont presque toujours lieu dans la nouvelle
église du couvent Saint-Jacques et les sermons des jours de fêtes presque exclusivement au couvent des Mineurs 62 y compris quand ce sont
des séculiers qui prêchent, même au plus fort du conflit entre séculiers
et mendiants dans les années 1250 ! La grande quantité de sermons
universitaires conservés pour le XIIIe siècle représente une documentation d’une extrême richesse mais ne nous permet cependant pas de
répondre à une question essentielle pour notre sujet à savoir la place
exacte de ces sermons dans la vie religieuse : associés aux offices des
dimanches et des fêtes, ces sermons participent davantage, semble-t-il
de l’«éloquence profane» 63, de l’exercice universitaire, que de la liturgie dont ils sont peut-être distincts, faisant même l’objet d’un apprentissage dans les écoles de théologie comme l’a notamment montré L.J. Bataillon 64.
Ainsi au cours du XIIIe siècle, l’Université prenant peu à peu
conscience d’elle-même et sous l’influence du pouvoir pontifical a
394
règlementé la vie religieuse de ses membres, leur imposant des temps
et des lieux dévotionnels particuliers. Grâce à l’appui pontifical, le
monde des écoles a aussi progressivement intégré, avec les frères et
moines, le modèle évangélique, tandis que par la prédication, l’enseignement religieux imprègne ce milieu plus que tout autre. Mais y a-til réellement au XIIIe siècle cohésion et uniformité des pratiques religieuses dans le monde universitaire parisien, messe hebdomadaire
dans les nations, funérailles chez les Mendiants, confession à SaintVictor, réunions générales lors des sermons ? C’est une réponse globalement négative que la deuxième partie de ce travail va apporter à ces
questions.
2-La diversité des pratiques au sein du monde universitaire au XIIIe
siècle
Indiscipline et forces centrifuges
S’il est un topos des exempla c’est bien celui des étudiants indisciplinés voués à l’Enfer. Si l’on en croit les prédicateurs, les écoliers ne sont
pas assidus aux offices et contrairement aux prescriptions du IVe concile
de Latran ne se confessent pas. Le maître Jean de Montlhéry prêche ainsi
vers 1250 : « Scolaris quando venit Parysius statim currit ad lotricem ut
lavetur, non vadit ad confessionem ut mundetur eius cor » 65. Qu’en estil donc du rôle des chanoines de Saint-Victor ? Jean Longère a relevé
plusieurs exempla nous prouvant que la pastorale pénitencielle de SaintVictor est pourtant bien tournée vers le monde scolaire. Pour l’année
1199, Césaire de Heisterbach rapporte qu’un étudiant ayant commis de
nombreux péchés a différé sa confession. Il surmonte enfin la honte de
l’aveu et vient à Saint-Victor : il est si ému qu’il ne peut parler, il met
donc par écrit ses fautes, à la demande du prieur, qui, après lecture, sollicite et obtient l’autorisation de consulter l’abbé. Celui-ci constate que
la tablette qu’on lui tend est effacée : la contrition du jeune homme a permis à la miséricorde divine de faire disparaître la faute 66. Mais il ressort
principalement de l’exemplum que l’étudiant est un pécheur !
395
Quand il arrive que les étudiants soient présents aux offices, ils n’y
sont guère attentifs selon d’autres exempla :
Vox in choro, mens in foro
Vel in mensa vel in thoro
scande Gauthier de Château-Thierry, chancelier de l’Eglise de Paris
entre 1246 et 1249 dans son sermon « Contra illos qui gaudent de brevitate missarum et longitudine lectionum et disputationum et foris sunt
dum cantatur missa » 67.
Aux multiples exempla d’étudiants voués aux tourments de l’enfer
font écho les statuts disciplinaires qui après 1250 condamnent les rondes, beuveries et repas auxquels s’adonnent les étudiants de la faculté
des arts pendant les jours de fêtes. A partir de 1280, l’interdiction de
danser dans la rue est incluse dans le serment des licenciés en arts 68.
En 1276, le légat Simon de Brie, futur pape Martin IV, déplore dans un
texte très long ces pratiques condamnables selon lui récemment apparues, opposant la piété passée aux abus contemporains, dénonçant les
danses nocturnes, les violences des étudiants qui font scandale dans la
cité et déshonorent le clergé 69. Pourtant, des sermons des années 1230
par exemple ceux de Gautier de Château-Thierry dénonçaient déjà ces
danses nocturnes accomplies en certaines fêtes comme les calendes de
janvier 70. La deuxième moitié du XIIIe siècle est marquée par de multiples condamnations d’anciennes pratiques légitimes qu’on chasse de
l’espace sacré de l’église et du cimetière 71. Simon de Brie se contente
ici de reprendre les prescriptions épiscopales qu’on lit au même
moment dans les statuts synodaux 72 : il incarne la sévérité grandissante de l’autorité ecclésiastique à l’égard de pratiques jusque là tolérées.
Dans les critiques énoncées par les textes statutaires de la fin du
XIIIe siècle, la diversité et l’éclatement des pratiques apparaissent en
creux. En décembre 1275, la faculté des arts interdit aux maîtres de
396
célébrer plus d’une fête particulière à la nation, le statut précise : quelle
que soit la nation, la province ou le diocèse d’origine du maître . Doiton comprendre que le saint patron de chaque nation est menacé de
concurrence par d’autres saints dont quelques individus encouragent le
culte, troublant la cohésion de la vie religieuse dans la nation et dans
l’Université ?
L’histoire des saints patrons de l’Université et de ses nations reste à
faire, et on ne dispose que de l’étude fort ancienne de Du Boulay sur
le sujet 74. Les nations n’émergent dans la documentation qu’en 1249
alors qu’elles sont en conflit pour l’élection du recteur et qu’elles
avaient été interdites sous le pontificat d’Honorius III en 1222 75. Quant
aux saints qui les représentent, ils ne sont mentionnés que plus tard
encore, sauf pour la nation anglaise 76. Ainsi les maîtres et étudiants de
la nation française ont adopté comme saint patron Guillaume de
Donjon, successivement chanoine séculier ayant étudié dans les écoles
parisiennes, puis grandmontain, cistercien, enfin archevêque de
Bourges de 1200 à 1209, canonisé en 1218, au début du pontificat
d’Honorius III 77. Pour André Vauchez c’est l’ordre cistercien, que
Guillaume de Donjon avait soutenu, qui diffuse son culte un peu partout. En est-il de même dans l’Université de Paris lorsque les
Cisterciens la rejoignent après 1245 ? Selon Du Boulay, la nation de
France initialement placée sous la protection de saint Thomas de
Canterbury aurait ensuite choisi saint Guillaume 78, peut-être aussi sous
la pression d’une majorité d’étudiants de la nation de France originaires des diocèses de Bourges, Orléans, Nevers. La nation normande placée sous la protection de la Vierge au XIIIe siècle adopte en 1325
comme nouveau saint patron saint Romain, un archevêque de Rouen
du VIIe siècle, probablement à l’initiative d’un groupe de pression
rouennais 79. L’attachement des maîtres et étudiants normands à la
Vierge explique pourquoi ils introduisent précocement, dès les années
1260, la fête de l’Immaculée Conception à Paris alors que la faculté de
théologie continue à en nier la légitimité et cette contradiction est particulièrement significative pour notre propos 80. Depuis que, vers 1230,
397
le Livre des Sentences de Pierre Lombard (1155) est devenu un manuel
obligatoire dans l’étude de la théologie, qu’après avoir été bacheliers
bibliques, les étudiants en théologie deviennent bacheliers sententiaires, exposant, commentant l’ouvrage de Pierre Lombard avant d’accéder à la licence ou maîtrise en théologie, ils sont amenés à commenter
les passages que Pierre Lombard a consacré à la sanctification de
Marie, et prendre position dans une controverse de longue date, de
même qu’ils peuvent aussi être incités à confronter les arguments
contradictoires sur ce même thème dans des disputes quodlibétiques
ou des questions disputées. Commentaires sur les Sentences, questions,
quodlibets aujourd’hui conservés dans les bibliothèques gardent la
trace de l’opposition générale des maîtres et bacheliers en théologie
parisiens à la fête de l’Immaculée Conception de Marie tout au long du
XIIIe siècle, avant les prises de position tout à fait opposées, favorables,
de Jean Duns Scot dans les premières années du XIVe s. Par exemple
en 1270 Thomas d’Aquin doit au cours d’une dispute quodlibétique
répondre à la question suivante : est-il permis de célébrer la fête de
l’Immaculée conception de Marie ? Comme Bonaventure au même
moment, il se montre embarrassé à nier le privilège de l’Immaculée
Conception alors que la fête progresse partout y compris au sein de
l’Université de Paris, puisqu’elle est célébrée par la nation Normande,
somme toute indisciplinée, le 8 décembre 1266, selon le témoignage
d’Eudes Rigaud et malgré les réserves de la faculté de théologie 81.
La difficulté à choisir et vénérer des saints communs
Par contraste avec ces figures d’étudiants indisciplinés, plusieurs
anciens universitaires parisiens, principalement des maîtres, ont été
canonisés. Au regard des milliers de clercs ayant étudié ou enseigné
pour le seul XIIIe siècle, on ne recense qu’une dizaine de canonisés
mais leur lien avec l’Université est généralement mis en avant dans
l’hagiographie, au moment où culture et sainteté sont de plus en plus
souvent associées 82. Ainsi c’est l’Université d’Oxford qui réclame la
canonisation d’Edmond d’Abingdon, mort en 1240, canonisé en 1247,
398
qui fut maître ès arts pendant 6 ans à Oxford avant de venir étudier et
enseigner la théologie à Paris puis d’accéder à l’archevêché de
Canterbury. Les témoignages sur la sainteté d’Edmond exaltent son
enseignement à Oxford et Paris, et l’habitude qu’il avait de veiller tard
dans la nuit pour étudier 83. La même vertu est reconnue à Thomas de
Cantiloupe, devenu évêque de Hereford, mort en 1287 et canonisé en
1320 dont des témoins rapportent lors de son procès de canonisation
que pendant ses études parisiennes vers 1240, il fut constamment
accompagné de son chapelain personnel qui célébrait pour lui la messe
chaque matin avant qu’il ne se rende aux écoles 84. On peut s’étonner
que ces saints évêques vénérés outre-Manche soient relativement
oubliés dans l’Université de Paris où ils ont tous deux enseigné.
L’image de pasteur dynamique, prêt à entrer en conflit avec le pouvoir
royal pour défendre son diocèse, ami des Ordres Mendiants, défenseur
des opprimés, n’incarne finalement pas un idéal universitaire quand il
est dépourvu de dimension intellectuelle, doctrinale et le plus célèbre
de ces évêques anglais, saint Thomas Becket, reste célébré un jour par
an dans l’Université mais il est abandonné comme saint patron au
cours du XIIIe siècle.
En revanche, la rapidité avec laquelle l’Université réclame le corps
de Thomas d’Aquin au lendemain de sa mort prouve à quel point il
représente, aux yeux des universitaires le saint idéal, un modèle en
quelque sorte canonisé avant tout procès par l’ampleur de son œuvre et
de son enseignement. Dès mars 1274, l’Université de Paris adresse en
effet une lettre au chapitre général des Dominicains 85. Après les condoléances et l’éloge funèbre d’usage, l’Université en vient à l’objet essentiel de la lettre. N’ayant pu obtenir le retour de Thomas dans la capitale
capétienne de son vivant, après son départ pour Naples en 1272
l’Université de Paris réclame le corps de Thomas mort à Fossanova
afin qu’il reçoive sépulture à Paris :
«Bien que nous l’ayons réclamé instamment à votre chapitre général de
Florence, nous n’avons pu obtenir qu’il restât à Paris, quelle douleur !
399
Cependant, en mémoire d’un tel clerc, d’un tel père, d’un tel docteur,
nous qui ne sommes pas ingrats et qui lui vouons une grande affection,
comme nous n’avons pu le retenir vivant, nous vous prions humblement de nous donner les os de ce défunt, puisqu’il est tout à fait inconvenant et indigne qu’une autre nation ou un autre lieu que Paris, la très
noble cité de tous les savoirs - qui l’a éduqué, nourri, puis à qui il a
apporté tant de fruits et de soulagements - détienne son corps et sa
sépulture. Puisque l’Eglise honore les os et les reliques des saints, il
nous semble honnête et saint d’avoir, pour l’honorer perpétuellement,
le corps d’un tel docteur, dont les écrits perpétuent chez nous la renommée, et dont la mémoire attachée à la sépulture se maintiendra sans fin
dans les cœurs de nos successeurs» 86.
Dans la même lettre, l’Université réclame avec le corps les manuscrits des commentaires que le docteur avait commencés à Paris. Cette
démarche au service de la mémoire d’un grand docteur n’est pas sans
ambiguïté, par la comparaison entre les reliques des saints et le corps
d’un docteur mort que l’Université s’apprête à vénérer tel un saint.
Ainsi, presque considéré comme saint par l’Université dès sa mort sans être néanmoins porté sur les autels - Thomas d’Aquin n’est canonisé que cinquante ans plus tard. Dans son procès de canonisation de
1319 de même que dans la lettre de l’Université de 1274 l’homme s’efface derrière l’œuvre et ses mérites personnels n’auraient pas été suffisants s’il n’avait eu à son actif plusieurs dizaines de traités théologiques énumérés avec soin - au cours du procès - par le logothète
Barthélémy de Capoue, leur caractère inspiré ne faisant aucun doute
par ailleurs et contribuant aussi à renforcer l’action pastorale du
Docteur : des témoins soulignèrent quelle aide son œuvre leur apportait pour mieux comprendre les vérités de la Foi 87. Quoi qu’il en soit,
en canonisant saint Thomas d’Aquin en 1323, saint «hors série» selon
André Vauchez, l’Eglise romaine rend, avec beaucoup de retard, les
suprêmes honneurs à un maître universitaire et à son œuvre fruit de
cinquante ans de labeur. Il va de soi que les calendriers universitaires
inscrivent la fête de saint Thomas d’Aquin comme jour férié pour toute
l’Université de Paris à partir de 1323, mais cinquante ans après sa
400
mort, il n’est peut-être plus le saint idéal que réclamait l’Université qui
ne célèbre pas ce docteur Dominicain avec plus de solennité qu’un
autre saint au XIVe siècle 88. Au même moment la monarchie française
encourage fortement les cultes de saint Yves - aussi un ancien écolier
parisien 89 - et de saint Louis dont les fêtes donnent lieu à des jours
fériés dans l’Université.
L’Université et ses nations vénèrent quelques saints officiels mais
qui sont bien loin de représenter les seuls intercesseurs chargés de prier
pour les universitaires parisiens. Ces derniers n’échappent pas à la tentation de la multiplication des suffrages et à la religiosité «flamboyante» mise en lumière par les travaux de Jacques Chiffoleau 90.
La crainte du salut et les fondations de messes-anniversaires
L’historien médiéviste est contraint de renoncer, faute de sources, aux
méthodes comme aux résultats précis de la sociologie religieuse 91.
Comment approcher la réalité des pratiques du monde universitaire, sans
verser dans l’un ou l’autre archétype, le pécheur et le saint, les plus présents dans la prédication comme dans les sources normatives 92 ? Il existe
une source sérielle bien répertoriée pour la France, les documents nécrologiques, notamment les obituaires, qui contiennent aujourd’hui les milliers de noms de fidèles, clercs ou laïcs, ayant fondé des messes-anniversaires par souci de leur salut à partir de la fin du XIIe siècle 93. En effet,
après 1200, avec la redécouverte du testament, avec la multiplication des
legs pieux, avec le développement de la croyance au Purgatoire, la documentation nécrologique se transforme : aux communautés religieuses de
moines et de chanoines, qui se contentaient jusque là d’inscrire dans des
nécrologes une simple commémoration pour les défunts, des laïcs, bourgeois ou nobles, des clercs, qui n’appartiennent pas nécessairement aux
communautés, demandent moyennant argent de célébrer pour leur âme
après leur mort des messes-anniversaires. Ce qui amène moines et chanoines à confectionner des obituaires, livres dans lesquels on inscrit, à
côté des obits des membres de la communauté, les notices parfois longues
401
de tous ces donateurs : chaque notice comporte, à côté du nom du défunt,
de sa qualité ou de sa fonction, les éléments constitutifs de sa fondation
faite généralement sous forme de rente. Quotidiennement manipulés, lus
et consultés chaque jour, les obituaires se dégradent assez vite, d’autre
part complétés au fil du temps par les notices qui s’ajoutent, ils peuvent
être saturés au point d’en exiger une récriture, même une refonte qui élimine les fondations anciennes aux revenus épuisés 94. Aujourd’hui la
conservation des obituaires français médiévaux est très inégale 95. Un
dépouillement des obituaires manuscrits des cathédrales ou chapitres
cathédraux et des couvents mendiants français antérieurs à 1350 ainsi que
des obituaires édités m’a permis de recenser 440 obits ou fondations de
messes-anniversaires de 260 universitaires parisiens du XIIIe siècle 96.
Voici les enseignements de ce dépouillement certes partiel puisque centré
sur le XIIIe siècle d’une part et dépourvu de données non françaises d’autre part. Les 440 fondations concernent 260 universitaires, tous d’anciens
maîtres de l’Université, presque tous chanoines d’un ou plusieurs chapitres cathédraux, voire dignitaires, évêques et même pour quelques uns
ayant accédé au cardinalat comme Robert de Courson 97, Pierre de
Collemezzo 98, Robert de Somercotes 99 ou Jean Cholet 100. Si la plupart de
ces anciens universitaires ont fondé un seul obit connu, un petit nombre,
notamment les évêques de Paris, bénéficient généralement d’au moins
dix messes un peu partout dans leur diocèse et ne sont à ce sujet guère
représentatifs 101. Les fondations se répartissent de façon équilibrée entre
les communautés parisiennes et des communautés hors de Paris 102. Hors
de Paris, ce sont les gros chapitres cathédraux : Chartres, Amiens, Meaux,
Le Mans, Rouen, Senlis, Sens, dans une moindre mesure Angers,
Orléans, Mâcon qui célèbrent le plus d’offices pour d’anciens universitaires défunts. Le nombre de messes décroît avec l’éloignement par rapport
à la capitale capétienne. L’achat d’une messe anniversaire est la démarche
non d’un étudiant ou d’un jeune gradué, mais relève de la décision d’un
homme mûr, soucieux de son salut, et assez fortuné pour effectuer un tel
legs. Les maîtres parisiens parviennent à obtenir des prébendes dans les
chapitres cathédraux parfois situés dans leur région natale ou en tout cas
à une distance de Paris qui leur permette d’y poursuivre leur activité d’en-
402
seignement, et c’est à leurs confrères qu’ils demandent de prier pour leur
âme. Les notices d’obituaires rappellent en bien des cas la double carrière
ecclésiastique et universitaire 103. Pour l’autre moitié des fondations, parisiennes cette fois 104, on note la forte part de fondations conservées dans le
bel obituaire de Notre-Dame de Paris : 68 au total : 43 messes en mémoire
de chanoines, dignitaires ou évêques de la cathédrale de Paris qui confient
les suffrages à leurs confrères. En revanche, c’est davantage le séjour dans
l’Université et l’attachement de longue date à un sanctuaire au cœur
même du quartier des écoles qui incitent un assez grand nombre de maîtres à faire célébrer pour leur âme une messe anniversaire à Saint-Victor,
Sainte-Geneviève, ou à l’église des Mathurins. Parce qu’autrefois ces
maîtres ont entendu des messes à Sainte-Geneviève ou Saint-Victor,
qu’ils s’y sont confessés, ils souhaitent y voir leur mémoire célébrée, si
bien que ces offices-là me semblent dériver d’une piété proprement universitaire. La carte des fondations parisiennes par ces universitaires est
d’ailleurs symétriquement inverse de celle qu’a pu dresser Boris Bove
pour les familles bourgeoises parisiennes qui fondent majoritairement -à
la même époque- des messes anniversaires rive droite : à Saint-Martin des
Champs et Saint-Germain l’Auxerrois, et seulement dans un petit nombre de cas rive gauche à Saint-Victor et Sainte-Geneviève 105. Le recours
aux suffrages des chanoines de Sainte-Geneviève et Saint-Victor (63 maîtres) caractérise les maîtres n’ayant pas reçu de bénéfices à Paris (sauf 5
chanoines de Notre-Dame et les évêques) souhaitant manifestement voir
célébrée leur mémoire au cœur même de l’Université et dans un sanctuaire auxquels ils restent attachés.
Bien des réserves doivent être exprimées malgré tout : l’étroitesse
de l’échantillon, d’une part, et la valeur inégale des documents d’autre
part. On peut déplorer par exemple la disparition de l’obituaire médiéval du couvent des Prêcheurs ; également le choix d’obituaires de chapitres canoniaux, ce qui écarte largement les non-prébendés. Enfin la
fondation d’anniversaire est une démarche complexe, fondation pieuse
mais aussi geste social qui manifeste l’appartenance à une élite 106.
403
En ce sens, comme il m’a été donné l’occasion de le montrer ailleurs 107, la mémoire des morts dans l’Université est largement défaillante, on ne célèbre pas de messes individuelles pour tous les défunts,
mais une seule messe annuelle, et cela dans les facultés et nations
comme dans les collèges si bien qu’il revient aux individus, plus
encore s’ils ont quitté la corporation, d’assurer l’entretien de leur
mémoire par des fondations soit dans les collèges, soit dans les églises
du Quartier latin. Après 1300, face à la dispersion des dévotions
l’Université prend des mesures nouvelles.
3-Règlements et discipline accrus après 1300
L’instauration de messes quotidiennes dans les collèges
On assiste dans le premier quart du XIVe siècle à une cléricalisation
nette du monde universitaire parisien. On ne se contente pas de reprendre les dispositions disciplinaires antérieures mais un souci de réforme
se manifeste qui tend à imposer aux maîtres et étudiants les pratiques
des communautés régulières.
Par exemple dans les collèges, qu’ils soient anciens ou fondés après
1300. Au collège de Sorbonne on instaure en 1307 la messe hebdomadaire chantée en l’honneur de la Vierge le samedi et on prévoit des distributions pour l’assistance aux offices telles qu’elles existent depuis
longtemps dans les chapitres canoniaux 108. L’ordonnance la plus importante instaure en 1319 une messe quotidienne à célébrer dans la chapelle du collège, pour remédier, précise le statut, à une lacune inacceptable dans une communauté de clercs fondée plus de cinquante ans
auparavant :
« Omnino indecens et indevotum reputandum est quod tantum et
tale collegium ubi tot et tales sacerdotes et clerici continue
conversantur, quacumque die celebratione careat sacramentorum sacramenti » 109.
404
La messe quotidienne apparaît en réalité quatre années plus tôt, en
1315, dans les statuts du collège de Navarre rédigés par les exécuteurs
testamentaires de la reine Jeanne de Navarre. Ces statuts très détaillés
prévoient que des chapelains chantent chaque jour dans la chapelle du
collège les huit heures canoniales et y célèbrent des messes quotidiennes, en plus des messes des dimanches et des jours de fêtes. La présence
des boursiers à toutes ces célébrations est obligatoire et les absences fortement sanctionnées 110. Dans les autres collèges parisiens fondés au
même moment, l’encadrement religieux est comparable, par exemple
au collège du cardinal Lemoine, dont les statuts, rédigés entre 1302 et
1310, évoquent un chapelain chargé de célébrer des messes et d’écouter les confessions des étudiants boursiers 111. Plus que tous les autres,
les étudiants boursiers des collèges - environ 10% de la population étudiante au milieu du XIVe siècle - sont soumis à des obligations religieuses denses dans les chapelles édifiées au cours du XIVe siècle au sein
de ces établissements. Ainsi dans la plupart des collèges fondés sous le
règne de Philippe VI de Valois (1328-1350) 112 est instituée une messe
quotidienne dès l’origine, par exemple au collège d’Autun (1341) 113 ou
encore au collège de Bourgogne (1334) 114. Au collège de Hubant (1339)
les jeunes boursiers grammairiens sont soumis à des obligations religieuses denses décrites à la fois par le texte et l’image dans l’exceptionnel manuscrit enluminé renfermant ses statuts 115 : respect des fêtes communes à toute l’Université mais aussi messes annuelles en l’honneur
des fondateurs, prière à la sainte Vierge chaque matin au lever, heures
de la Vierge avec trois psaumes et trois leçons, le soir vêpres et complies, oraisons aux saints tout au long de la semaine, prières au coucher.
Cette cléricalisation des universitaires parisiens doit être replacée
dans un contexte plus large, au tournant du XIIIe et du XIVe siècle, de
redéfinition des rapports entre les clercs et les laïcs et de création d’une
sorte de «Sainte Alliance des clercs» unanime pour ne laisser qu’un
rôle marginal aux laïcs dans l’Eglise. Par un élitisme rigoureux la
papauté distingue la religion savante des clercs de celle plus populaire
405
des laïcs. On ne tolère plus désormais de statut intermédiaire ni chez
les universitaires ni chez les religieux, cléricalisés au même moment.
Amendes et discipline
Toute une gamme de sanctions doit faciliter l’application de ces
exigences à l’égard des clercs. En 1305, pour la première fois dans
l’Université de Paris, l’absence à des offices religieux peut être sanctionnée par le versement d’une amende. C’est la reine Jeanne de
Navarre qui introduit une telle innovation lorsqu’elle décrit le collège
qu’elle fonde dans son testament 117. Jamais on a surveillé d’aussi près
les dévotions des étudiants parisiens. Le système élaboré par Jeanne
fait varier le montant de l’amende selon la nature de l’office négligé.
Quelques années plus tard, on introduit sanctions et amendes dans de
nouveaux statuts du collège de Sorbonne 118 mais aussi dans les règlements universitaires. Il est frappant de constater que les quatre nations
adoptent ce système d’amendes pour absence aux offices dans les
années 1320-1330. La nation française la première, en 1323, publie un
Statutum de assistencia ad missam communem qui prévoit la confiscation des distributions habituelles pour étudiants à la messe commune
de la nation 119. En avril 1336, les maîtres de la nation picarde s’accordent pour faire payer des amendes aux étudiants absents aux vêpres du
vendredi et à la messe du samedi. Les maîtres qui prennent ces dispositions insistent sur la nécessité d’assister à l’office tout entier et
condamnent les étudiants qui se contentent de recevoir leur distribution
pour s’en aller aussitôt après 120. Les maîtres de la nation française instaurent les mêmes amendes quelques mois plus tard, en août, reprenant
mot pour mot les statuts picards 121. C’est au tour des maîtres de la
nation normande en janvier 1337 122. A la même époque, dans les universités du midi de la France, dont les maîtres et étudiants sont pour la
plupart des laïcs, par exemple à Toulouse, seuls le recteur, les gradués
et les officiers de l’université sont obligés d’assister aux offices, et la
population universitaire dans son ensemble ne connaît pas les mêmes
406
contraintes que les universitaires parisiens 123.
Discipline et cléricalisation des universitaires vont de paire : au
XIVe siècle moins qu’au siècle précédent on ne tolère plus que des
clercs consacrent les jours de fêtes religieuses à danser dans la rue,
d’autant plus que ces jours de fêtes sont nombreux.
Abondance de jours de fêtes dans l’Université
Les calendriers rédigés par les nations picarde et allemande au
milieu du XIVe siècle nous donnent l’image d’une vie religieuse extrêmement dense tout au long de l’année 124. Vers 1350 les cours sont interdits dans toutes les écoles ( non legitur in aliqua facultate ) tous les
dimanches et près de 80 jours fériés bien plus nombreux qu’au XIIIe
siècle 125.
Globalement l’Université respecte le calendrier des fêtes chrétiennes du diocèse de Paris : fêtes du Christ et de la Vierge, fêtes des douze
apôtres. L’Université néglige les très populaires fêtes de saint Marcel et
sainte Geneviève qui ne sont pas chômées dans les écoles. En revanche, à la différence des autres fidèles, les universitaires célèbrent particulièrement les docteurs de l’Eglise Ambroise, Augustin, Jérôme et
Grégoire, qui ne donnent pas lieu à des jours chômés en dehors de
l’Université, ainsi que les saints patrons des nations Romain,
Guillaume de Bourges, Edmond et Firmin.
En ces jours-là l’Université interrompt tous les cours, un sermon
commun du matin ainsi qu’une collatio du soir sont prononcés chez les
Mendiants ou ailleurs, par exemple dans la chapelle du collège de
Navarre à partir des années 1370. Ce qui ne signifie toujours pas une
messe commune.
Il faut ajouter à ces fêtes communes à toute l’Université tous les
jours de fêtes particuliers à une faculté ou à une nation. Ainsi les juris-
407
tes ont bien une vingtaine de jours chômés supplémentaires, indiqués
dans les calendriers : les jours des fêtes des saints Fabien, Sébastien,
Blaise, Gervais et Protais, Cosme et Damien et d’autres, comme si les
décrétistes suivaient au plus près le calendrier chrétien dans toutes ses
variantes. La faculté de théologie interrompt aussi ces cours en des
jours particuliers comme ceux de la commémoration des translations
de saint Dominique (24 mai) ou saint François (25 mai).
Est-il possible de respecter un calendrier aussi chargé ?
L’exceptionnel cahier de Richard de Basoches, un étudiant parisien qui a
régulièrement pris des notes tout au long de l’année universitaire 13921393, conserve la trace de l’alternance des jours legibiles et non legibiles
dans les écoles de théologie de Paris, à la fin du XIVe siècle 126.
Conformément aux statuts et aux calendriers du XIVe siècle, les leçons
s’interrompent en effet non seulement les dimanches mais aussi les jours
de toutes les fêtes que l’on vient d’énumérer. Au folio 53 verso on lit au
milieu des notes de cours : «Vigilia beati Andree apostoli», courte phrase
qui annonce une journée sans leçon. Au folio 62 verso, Richard de
Basoches signale la reprise des cours le lundi 30 décembre après une
interruption de plusieurs jours liée à Noël : « Et hec de presenti lectione,
lecta die lune post natale Domini Nostri Jesu Christi prima die legibili ».
Après Noël les cours se sont interrompus jusqu’à la fête de saint Thomas
Canterbury le 29 décembre. L’ensemble du cahier de notes prouve que le
calendrier des jours fériés est appliqué à la lettre, et Richard de Basoches
est si attentif au saint du jour qu’il l’inscrit presque quotidiennement
avant de prendre des notes par exemple au folio 18 :
« Hec sint dicta de principio magistri Petri Plaoul supra secundum
Sententiarum die sabbati facto ante festum sanctorum Fabiani et
Sabastiani in quibus non feriavimus sed ad studium fuimus ».
La fête des saints Fabien et Sébastien est en revanche, comme on
l’a vu plus haut, une fête suivie par la faculté de décret. Les universitaires se repèrent bien dans cette très dense succession de fêtes diver-
408
ses, particulières ou communes.
Pompe et solennité au XVe siècle
Statuts et règlements mais aussi textes de réforme d’après 1350
développent largement l’idée selon laquelle les maîtres et dans une
moindre mesure les étudiants, placés en situation de représentation lors
des offices, des sermons ou encore des processions, doivent porter des
vêtements et insignes distinctifs. Très précocement développées dans
les premiers statuts du collège de Navarre au début du XIVe siècle, les
dispositions d’ordre vestimentaire pour les cérémonies religieuses
prennent une place croissante dans les statuts universitaires entre 1350
et 1500 127. Pour Jacques Verger 128 l’objectif est double : manifester la
hiérarchie du corps universitaire mais surtout imposer bien plus que
par le passé une atmosphère de gravité, de dignité, de pompe, une vie
religieuse et plus globalement un style de vie qui manifeste leur appartenance à l’élite de la société et pas seulement à l’Eglise. En l’occurrence, dans le texte de la réforme du cardinal d’Estouteville pour
l’Université de Paris en 1452, c’est la volonté royale d’ordonner le
royaume qui s’exprime désormais plus fort que la volonté pontificale.
L’Université elle-même n’est pas étrangère à ces aspirations de solennité alors qu’elle manifeste depuis le règne de Charles VI sa prétention
à conseiller le pouvoir.
Pompe et solennité impliquent-elles l’existence de lieux adaptés
aux cérémonies associant plusieurs centaines, voire plusieurs milliers
de maîtres et étudiants ? On a encore peine à distinguer dans les sources des XIVe et XVe siècles une nette répartition des sanctuaires qui ne
sont jamais exclusivement réservés aux universitaires, à certains types
de célébrations ou encore d’assemblées. On assiste bien après 1350 à
une concentration rive gauche, qui semblait moins nette au XIIIe siècle.
Les églises des Mathurins, de Saint-Julien-le-Pauvre, de Saint-Cosme,
409
de Saint-Nicolas abritent tour à tour messes, assemblées, services pour
les défunts des différentes nations, la chapelle du collège de Navarre
plus volontiers la nation de France, tandis que les maîtres de la nation
normande se réunissent souvent au collège d’Harcourt 129. Les plus vastes sanctuaires rive gauche demeurent jusqu’à la fin du Moyen-Âge
l’église des Dominicains, l’église des Franciscains et la chapelle du
collège de Navarre achevée sous Charles V, les mieux adaptées aux
rares offices et sermons généraux, alors que l’Université refuse visiblement de se réunir à Notre-Dame.
Au terme de l’évolution médiévale, Robert Goulet dans son
Compendium recenter editum de multiplici Parisiensis universitatis
magnificentia, dignitate et excellentia publié au début du XVIe siècle 130,
consacre un bref paragraphe aux offices religieux, aux sermons et aux
sanctuaires qui leur sont associés. Chaque nation, province ou faculté a
une chapelle ou une église pour y célébrer les offices hebdomadaires 131.
De même chaque nation et faculté célèbre chaque année un obit général pour ses défunts 132. Trois siècles après les statuts de Robert de
Courson, Robert Goulet nous apprend que les obits généraux de
l’Université ont toujours lieu chez les Prêcheurs, pour certains, ou bien
dans l’église des Mathurins pour d’autres 133. Dans le paragraphe consacré aux sermons, Robert Goulet livre de même la liste des jours fériés
inchangée depuis le XIVe siècle ainsi que les noms de quelques sanctuaires étroitement associés à certaines fêtes : le sermon général de la
fête de saint Louis au collège de Navarre, le sermon de la saint Bernard
chez les Bernardins 134, le sermon de la fête de l’Immaculée Conception
chez les Augustins, les sermons de la saint Jérôme et de la saint Benoît
aux Mathurins 135. Au cours du XIVe siècle l’Université s’est emparé du
droit de collation sur trois églises paroissiales : saint André des Arts,
saints Cosme et Damien, saint Germain le Vieux, ainsi que sur une
vingtaine de chapellenies fondées rive gauche.
La solennité de l’Université s’exprime donc tous les dimanches et
jours de fêtes dont le calendrier est resté à peu près inchangé depuis le
410
XIVe siècle, dans des lieux qui se sont multipliés après 1350, et surtout
depuis 1400, lors de formes nouvelles de la vie religieuse, les processions, devenues alors si fréquentes qu’on a élaboré un très précis ordo
processionis universitatis que Robert Goulet nous livre au début du
XVIe siècle 136, laissant à son lecteur imaginer le cortège mené par les
plus jeunes étudiants devançant les maîtres à travers les rues de Paris.
Ce «rituel flamboyant» devenu «la pratique dévotionnelle vedette» au
XVe siècle porte la pompe universitaire à son comble.
Les humanistes contre la « religion flamboyante »
Dès la fin du XIVe siècle des voix minoritaires s’élèvent ici et là
contre le foisonnement liturgique. En 1413, dans sa retraite de
Fontaine-au-Bois, après de nombreuses années passées à Paris, puis à
Avignon à la chancellerie pontificale, Nicolas de Clamanges, chanoine
d’Auxerre, rédige un petit traité en latin intitulé «Contre l’institution
des fêtes nouvelles» 138. L’objet essentiel de ces quelques folios est de
déplorer la multiplication des fêtes religieuses nouvelles qui favorisent
selon lui la paresse et les plaisirs malsains des chrétiens, notamment
des plus jeunes d’entre eux. Ayant longtemps étudié puis enseigné à
l’Université, il critique «la jeunesse efféminée qui se laisse aller ces
jours-là dans le luxe et la pétulance, et entraîner à toutes sortes de
méfaits». Ajoutant qu’il «ne manque pas cependant de personnes dévotes qui célèbrent dignement ces fêtes» Nicolas de Clamanges propose
de suivre l’exemple de son ancien maître Michel de Creney, confesseur
du roi Charles VI et évêque d’Auxerre, qui par différents statuts synodaux a réduit dans son diocèse le nombre de jours fériés, jours d’oisiveté mais aussi de misère. Car selon Nicolas de Clamanges «de nouveaux saints viennent sans cesse occuper les jours que nos ancêtres
avaient réservés au service de Dieu… nous connaissons certaines églises tellement encombrées de fêtes de saints que souvent plusieurs tombent un même jour et se font concurrence, chacune ayant le droit à l’intégralité de l’office». On a en effet cette impression d’accumulation,
de profusion de fêtes lorsqu’on consulte les calendriers manuscrits de
411
l’Université de Paris : au fil des années des mains diverses ont ajouté
dans la marge des fêtes nouvelles qui sont venues s’intercaler surtout
après la deuxième moitié du XIVe siècle, à la fois pour respecter le
calendrier chrétien au plus près et célébrer les saints récemment portés
sur les autels mais aussi pour satisfaire les cultes de saints locaux, les
particularismes encouragés par tel ou tel groupe à l’intérieur des
nations. Dans son étude sur le calendrier de la nation allemande de
l’Université de Paris, parue en 1937 - dans un contexte politique particulier- Paul Perdrizet 139 évoquait même l’éveil des nationalités bien
visible dans ce calendrier par la prolifération des fêtes de saints locaux
ajoutées au XVe siècle 140. Comme toute la société chrétienne à la fin du
Moyen-Âge, l’Université n’échappe pas à la «religion flamboyante», à
ce recours à une multiplicité d’intercesseurs, qui relève à la fois de
l’institution et des individus. Les membres de l’Université, collectivement et individuellement, multiplient d’autant plus volontiers les intercesseurs, les lieux et temps d’intercession que la ville de Paris et la
seule rive gauche offrent après 1350 un équipement religieux très
dense : vastes églises des ordres religieux, chapelles nouvellement édifiées dans les grands collèges, sans compter les églises paroissiales, un
ensemble de sanctuaires sans comparaison avec ce qu’il était au XIIIe
siècle. La voix des humanistes tels Nicolas de Clamanges qui appellent
dans les premières années du XVe siècle à une foi plus intérieure n’est
pas entendue dans le monde universitaire.
Conclusion
Cette allusion à Nicolas de Clamanges nous invite d’abord à revenir, en conclusion, sur la production intellectuelle et son influence sur
la vie religieuse. L’Université de Paris est au Moyen Âge est - c’est une
évidence - un lieu d’intense production intellectuelle, et une part de
cette production en fait un milieu particulièrement imprégné d’enseignement religieux. Dans les écoles de la faculté de théologie rassemblant autour d’une quinzaine de maîtres plusieurs centaines d’étudiants
maîtres ès arts, on commente quotidiennement les jours legibiles la
412
Bible et les Sentences de Pierre Lombard, on débat sur les questions
théologiques lors des disputes. Mais il y a aussi la présence des manuscrits produits sur place par les maîtres et donc plus accessibles aux universitaires - par conséquent sans doute plus diffusés et lus dans le quartier des écoles, qu’ailleurs - par exemple les innombrables traités
moraux, pastoraux, ecclésiologiques dont on ne peut dresser ici l’inventaire, souvent destinés aux étudiants eux-mêmes, des futurs prêtres,
comme le De conscientia de Robert de Sorbon qui adopte l’astuce
pédagogique de comparer l’examen de conscience à un examen universitaire 141. Enfin l’enseignement religieux est largement distribué aux
maîtres et étudiants par la prédication universitaire - beaucoup plus
étudiée pour le XIIIe siècle mais non moins abondante aux XIVe et XVe
siècles. Dès le milieu du XIIIe siècle un prédicateur anonyme en accord
avec l’opinion commune remarque que c’est tout le peuple de Paris qui
bénéficie de la place que tient l’étude de la Bible dans l’Université,
Paris étant à ses yeux «comme un moulin où le froment du Seigneur
est moulu pour rassasier le monde entier, dans les leçons et les débats
des maîtres, ou comme un four et une cuisine où se cuit le pain, dont
les Parisiens sont les premiers servis» 142. Quelques années plus tard, un
frère mineur remarque que les Parisiens en général «ont plus de facilité à connaître les commandements de Dieu qu’en n’importe quelle
autre ville du monde». On parle beaucoup de Dieu dans l’Université et
au-delà devant le peuple de Paris, néanmoins incapable selon Robert
de Sorbon «d’avaler le moindre morceau de pain alors qu’ils l’ont en
abondance», mais il ne nous appartient pas ici d’étudier la vie religieuse des citadins.
Par rapport au reste de la société, l’Université présente tout au long
de la période une vie religieuse particulièrement dense qui évolue au
cours de ces trois longs siècles. Au XIIIe siècle, dépourvue d’éléments
matériels, notamment de sanctuaires adaptés, l’Université en tant que
corps ne règlemente que lentement et partiellement la vie religieuse de
ses membres, dont les dévotions se dispersent entre les paroisses, malgré les tentatives de la papauté de centrer les pratiques autour du cou-
413
vent des Prêcheurs. Dans la société médiévale, on trouve rarement réunis en un même lieu une telle diversité d’individus venant de tous horizons, d’où la division en nations au sein desquelles s’organise la vie
liturgique tant bien que mal car les tendances religieuses «particularistes» sont nombreuses et la corporation peu sûre d’elle-même. Aux
XIVe et XVe siècles, l’Université désormais dotée de ses sanctuaires
rive gauche se cléricalise tandis que les assemblées de maîtres mettent
par un système doucement répressif les étudiants au pas - on n’est ici
pas plus sévère qu’en matière doctrinale - afin que la corporation uniformise des pratiques religieuses qui puissent servir de modèle au
royaume tout entier, sauf quelques dévotions aux saints docteurs de
l’Eglise qui lui sont réservées.
Notes
H. Denifle et E. Châtelain, dans le Chartularium Universitatis Parisiensis,
tome I, Paris, 1889 (désormais abrégé CUP) ont édité les lettres d’Innocent III
concernant les écoles parisiennes aux actes n°3 (25 mai 1205), n°5 (14
novembre 1207), n°8 (1208 ou 1209), n°10 (12 février 1210), n°14 (20 janvier 1212), n°15 (23 janvier 1212), n°24 (entre 1210 et 1216), lettres auxquelles on peut ajouter les statuts rédigés par son légat Robert de Courson en 1215,
n°20 (août 1215). Sur le développement institutionnel de l’Université et ses
relations avec Innocent III, voir H.Rashdall, The Universities of Europe in the
Middle Ages, Oxford, 1895, rééd. 1936 par F. M. Powicke et A. B. Emden, vol.
1, p. 298 et s. ; J. Miethke, «Papst, Ortsbischof und Universität in den Pariser
Theologenprozessen des 13. Jahrhunderts», dans Die Auseinandersetzungen
an der Pariser Universität in XIII jahrhundert, Berlin-New-York, 1976, p. 5294 ; S. C. Ferruolo, The Origins of the University. The Schools of Paris and
their Critics 1100-1215, Stanford, 1985 ; W. Maleczek, «Das Papstum und die
Anfänge der Universität im Mittelalter», Römische historische Mitteilungen,
27 (1985), p. 85-143 ; les deux articles de synthèse de Jacques Verger, «Des
écoles à l’Université : la mutation institutionnelle» dans La France de
Philippe Auguste. Le temps des mutations, R.-H. Bautier éd., Paris, 1982, p.
817-846 et «A propos de la naissance de l’Université de Paris : contexte
social, enjeu politique, portée intellectuelle», initialement paru dans Schulen
und Studium im sozialen Wandel des hohen und späten Mittelalters, J. Fried
1
414
éd., Sigmaringen, 1986, p. 69-96, réédité dans Les Universités françaises au
Moyen Âge, Leyde, 1995, p. 1-35. La bibliographie complète antérieure à
1980 a été rassemblée par S. Guenée dans Bibliographie de l’histoire des universités françaises des origines à la Révolution, t. 1, Paris, 1981.
2
Conciliorum oecumenicorum decreta, éd. J. Alberigo et alii, Freiburg-imBrisgau, 1962.
3
«…lorica fidei, gladius spiritus et cetera inde fit christiane militie armatura»
(CUP, t. 1, n°79, p. 137, 13 avril 1231).
4
Etienne de Tournai déplorant le désordre dans les écoles en appelle au pape
dans une lettre éditée dans CUP, t. 1, n°48, p. 47-48. J. Verger, dans son article «A propos de la naissance…» cité note n°1, évoque les critiques exprimées
par d’autres auteurs de la fin du XIIe siècle comme Godefroy de Saint-Victor
ou Philippe la Chancelier. Voir aussi sur ce point S. C. Ferruolo, The Origins
of the University, op. cit.
5
CUP, t. 1, n°11 et n°12, p. 70-72. Sur ce procès de 1210 l’étude la plus complète est celle de G.C. Capelle, Autour du décret de 1210. III. Amaury de Bène.
Etude sur son panthéisme formel, Paris, 1932. Voir aussi K. Albert, «Amalrich
von Bena und der Mittelalterliche Pantheismus» dans Die
Auseinandersetzungen…, op. cit. note n°1, p. 193-212 ; G. Dickson, «The
Burning of the Amalricians», Journal of Ecclesiastical History, 40 (1989), p.
69-74 ; J.M.M. H. Thijssen, «Master Amalric and the Amalricians.
Inquisitorial Procedure and the Suppression of Heresy at the University of
Paris», Speculum, 71 (1996), p. 43-65.
6
Dans ses deux articles cités dans la note n°1, Jacques Verger présente les
principales hypothèses avancées dans l’historiographie pour expliquer la naissance de l’Université. L’essor intellectuel dû à l’apport des traductions aurait
été décisif selon Herbert Grundmann, Vom Ursprung der Universität im
Mittelalter, Darmstadt, 1964. Le «nouvel Aristote», à la fois incitation à la
liberté et à la reprise en main, aurait appelé la transformation des écoles en
université, souligne Jacques Verger dans «A propos de la naissance…», p. 21.
7
Dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger des recherches
sur l’Université de Paris au XIIIe siècle, menée sous la direction de Monsieur
le Professeur Jacques Verger (Université de Paris IV).
8
L’affaire est connue par quatre documents cités en annexe avec d’autres par
G.C. Capelle, Autour du décret…, op. cit. note n°5 : le premier est un fragment d’interrogatoire édité par M.T. d’Alverny, dans «Un fragment du procès
des Amauriciens», Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge,
18 (1950-1951), p. 325-336 ; le deuxième est la liste détaillée des erreurs des
415
Amauriciens qui a sans doute servi aux interrogatoires - éditée par Denifle et
Châtelain (CUP, t. 1, p. 71) et qui est rapportée dans le texte de leur condamnation ; le troisième document est un texte intitulé Contra Amaurianos peutêtre rédigé par le cistercien Garnier de Rochefort, édité par Cl. Baeumker,
Munster, 1926 ; enfin le quatrième est le témoignage du cistercien Césaire de
Heisterbach dans la section de son Dialogus Miraculorum consacrée à l’hérésie, éd. J. Strange, Cologne, 1851, p. 304-307. Des quatorze individus interrogés par l’archevêque de Sens, la moitié sont des prêtres, deux diacres, deux
sont sous-diacres, tous participent à la vie religieuse du diocèse de Paris, plusieurs étant chargés d’une paroisse ; surtout neuf d’entre eux étudient à la
faculté de théologie de Paris. Outre les informations précieuses que ces documents nous livrent sur le recrutement des écoles parisiennes en ce début du
XIIIe siècle (des clercs déjà engagés dans les charges ecclésiastiques non loin
de Paris mais bénéficiant de dispenses pour fréquenter les écoles), le principal intérêt de l’affaire est ici le procès d’hérésie presque interne à l’Université.
9
CUP, t. 1, p. 78-80.
10
Conciliorum oecumenicorum decreta, op. cit., p. 163 et suivantes.
11
CUP, t. 1, p. 136-139.
12
Comme le prouvent les statuts de la faculté des arts de Paris de 1255, CUP,
t. 1, p. 277-279.
13
Conformément à la fameuse trilogie lectio-disputatio-predicatio exprimée
par cet auteur dans son Verbum Abbreviatum, voir à ce sujet J. W. Baldwin,
Masters, Princes and Merchants. The social views of Peter the Chanter and
his circle, 2 vol., Princeton, 1970.
14
Cité par N. Bériou dans L’avènement des maîtres de la parole. La prédication à Paris au XIIIe siècle, vol. 1, 1998, p. 69-70.
15
J. W. Baldwin, op. cit., vol. 1, p. 19-25.
16
N. Bériou, dans L’avènement…, op. cit., p. 48 à 71 étudie longuement ce
contexte parisien du premier quart du XIIIe siècle, ainsi que les sermons
conservés pour ces années-là qui portent la marque des suites de l’affaire des
Amauriciens.
17
Qui fut d’après l’une de ses lettres l’élève de Pierre de Corbeil : sur les études d’Innocent III, voir M. Maccarrone, «Innocent III prima del pontificato»,
Archivio della deputazione romana di storia patria (1943), p. 59-134.
18
A.L. Gabriel, «Les écoles de la cathédrale de Notre-Dame et le commencement de l’Université de Paris», Revue d’histoire de l’Eglise de France, 50
(1964), p. 73-98.
19
L’ouvrage de référence sur les paroisses parisiennes est celui d’Adrien
416
Friedmann, Paris, ses rues, ses paroisses, du Moyen Âge à la Révolution française, Paris, 1959.
20
R. Cazelles, Paris de la fin du règne de Philippe Auguste à la mort de
Charles V 1223-1380, Nouvelle histoire de Paris, Paris, 1972, p. 17 et p. 4749.
21
Ibidem, p. 50-55.
22
Sur l’abbaye Sainte-Geneviève aucun ouvrage récent ne remplace celui de
l’abbé P. Féret, L’abbaye de Sainte-Geneviève de la congrégation de France,
2 vol., Paris, 1883 ; R. Giard, dans «Etudes de l’abbaye de Sainte-Geneviève
jusqu’à la fin du XIIIe siècle», Mémoires de la société de l’histoire de Paris,
30 (1903), p. 41-126, ne dit rien des relations de l’abbaye avec l’Université au
XIIIe siècle.
23
N. Bériou, op. cit., p. 60-61.
24
Une des listes les plus complètes des collèges parisiens médiévaux a été
dressée par H. Rashdall dans The Universities of Europe in the Middle Ages,
op. cit., vol. 1, p. 536-539 : les trois collèges fondés avant 1220 se trouvent
pour l’un sur l’île de la Cité (collège des Dix-Huit) pour les deux autres rive
droite (collège de Saint-Thomas du Louvre et collège de Saint-Honoré).
25
O. Pontal, Les statuts synodaux français du XIIIe siècle, tome 1, Les statuts
de Paris et le synodal de l’ouest, Paris, 1971. En réalité, le texte d’Eudes de
Sully, le plus ancien de la série des statuts synodaux, ne comprend pas, dans
ses capitula très brefs, de liste complète de jours fériés mais seulement une
liste des jours de jeûne. La liste des fêtes majeures correspondant à des jours
fériés se trouve en revanche dans les statuts synodaux ultérieurs.
26
CUP, t. 1, p. 78-80.
27
S. C. Ferruolo, «The Paris Statutes of 1215 reconsidered», History of
Universities, 5 (1985), p. 1-14.
28
Dom Fourier Bonnard, Histoire de l’abbaye royale et de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris. Première période 1113-1500, Paris,
1904, chapitre VII, p. 194 et s. Sur cette fonction pastorale de Saint-Victor
voir surtout Jean Longère éd., L’abbaye parisienne de Saint-Victor au Moyen
Âge, Paris-Turnhout, 1991, en particulier la communication de Jean Longère
sur «La fonction pastorale de Saint-Victor à la fin du XIIe siècle et au début
du XIIIe siècle », p. 291-313. D. Poirel nuance l’idée d’un déclin de SaintVictor au XIIIe siècle dans son article «Dominicains et Victorins dans la première moitié du XIIIe siècle», dans S. Lusignan et M. Paulmier-Foucart éd.,
Vincent de Beauvais, frère prêcheur, un intellectuel et son milieu au XIIIe siècle, 1997, p. 169-188.
417
Jean Longère, op. cit., p. 300.
Ibidem : il s’agit d’une part du Liber Poenitentialis de Robert de
Flamborough, rédigé au début du XIIIe siècle, édité en 1971 par F.F. Firth sous
le titre Liber Poenitentialis. A Critical Edition with Introduction and Notes,
Toronto, 1971, d’autre part de la Summa de confessione de Pierre de Poitiers,
écrite peu après 1215, éditée par J. Longère en 1980 à Turnhout.
31
CUP, t. 1, p. 74.
32
CUP, t. 1, p. 85-87.
33
J.F. Hinnebusch, The Historia Occidentalis of Jacques de Vitry. A Critical
Edition, Fribourg, 1972, p. 137-138, cité par J. Longère, op. cit.
34
CUP, t. 1, p. 143.
35
Retenons parmi l’abondante bibliographie E. Bernard, Les Dominicains
dans l’Université de Paris ou le grand couvent des Jacobins de la rue SaintJacques, Paris, 1883 ; C. Douais, Essai sur l’organisation des études de
l’Ordre des Frères Prêcheurs aux XIIIe-XIVe siècles (1216-1342), ParisToulouse, 1884 ; M.-D. Chapotin, Histoire des Dominicains de la province de
France. Le siècle des fondations, Rouen, 1898 ; M.-H. Vicaire, Histoire de
saint Dominique, 2 vol., Paris, 1982.
36
CUP, t. 1, p. 94, note.
37
CUP, t. 1, p. 95-96 et M.-H. Vicaire, op. cit., p. 133 et s.
38
CUP, t. 1, p. 93-94.
39
CUP, t. 1, p. 94-97 et M.-M. Dufeil, Guillaume de Saint-Amour et la polémique universitaire parisienne 1250-1259, Paris, 1972, p. 30 et suivantes.
40
B. Guérard, Cartulaire de Notre Dame de Paris, t. II, p. 392.
41
CUP, t. 1, p. 99-100.
42
Alfonso d’Amato O.P., I Domenicani e l’Università di Bologna, Bologne,
1988, p. 139 et suivantes ; voir également J. L. Gaulin, «Le cimetière du couvent Saint-Dominique de Bologne au XIIIe siècle», dans Religion et société
urbaine au Moyen-Âge. Etudes offertes à Jean-Louis Biget, Paris, 2000, p.
283-299.
43
Je me permets ici de renvoyer à mon article «La mémoire des morts dans
l’Université de Paris au XIIIe siècle», dans Memoria, Communitas, Civitas.
Mémoires et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge, H.
Brand, P. Monnet, M. Schaub éd., Ostfildern, 2003, p. 117-129.
44
Sur la prédication universitaire parisienne au XIIIe siècle, voir en premier
lieu N. Bériou, L’avènement…, op. cit., ainsi que La prédication de Ranulphe
de la Houblonnière, 2 vol., Paris, 1987, et L.J. Bataillon, «Sermoni e orazioni
d’ambiente universitario parigino nel secolo XIII», Documenti e studi sulla
29
30
418
tradizione filosofica medievale, V (1994), p. 297-329. Sur la prédication parisienne des Mendiants, voir D. L. d’Avray, The Preaching of the Friars.
Sermons diffused from Paris before 1300. Il existe aussi quelques articles plus
généraux sur la prédication universitaire médiévale de J. Hamesse, «La prédication universitaire : éloquence sacrée, éloquence profane ?», Ephemerides
Liturgicae, 105 (1991), p. 283-300 ; «La prédication universitaire» dans La
predicazione dei fratri dalla meta del 1200 alla fine del 1300, Spolète, 1995,
article également publié en italien dans le Bulletino dell’Istituto Italiano per
il Medioevo, 101 (1999), p. 305-331 et «The University» dans J. Hamesse éd.,
Medieval Sermons and Society, Louvain, 1998, p. 311-315 ; dans le même
volume, de Phyllis Roberts, «Medieval University Preaching : the Evidence in
the statutes», p. 317-328. Sans compter tous les articles portant sur un recueil
ou sur un prédicateur donnés du XIIIe siècle.
45
Autrefois étudiés et partiellement édités par M. M. Davy, dans son étude
pionnière Les sermons universitaires parisiens de 1230-1231. Contribution à
l’histoire de la prédication médiévale, Paris, 1931. N. Bériou compare ce
recueil de 1230-1231 avec les recueils de 1241-1243 et de 1281-1283, dans
L’avènement, op. cit., p. 109 et s.
46
N. Bériou, op. cit., p. 120.
47
Jordani de Saxonia Epistulae, Angelus Walz éd., Rome, 1951, lettre XXXII,
après le 19 avril 1226, p. 39.
48
Ibidem, lettre XL, après le 11 avril 1228, p. 46.
49
Ibidem, lettre XLII , 1236 avant la Pentecôte , p. 47.
50
N. Bériou, op. cit., p. 123.
51
J. Longère, op. cit., p.305 d’après la Summa de confessione de Pierre de
Poitiers.
52
Cité par N. Bériou, op. cit., p 123-124 : «Videmus aliquando quod magistri
nobilium non adducunt eos ad sermonem, quia timent ne intrent religionem ;
non vellent etiam quod multum proficerent vel quod boni essent, quia timent
ne ab eis separentur, sive quod eos dimitterent et alios acciperent. Isti destruunt Ecclesiam Dei et scientiam religionis, quia viri nobiles habent hodie
magnum posse in Ecclesia et multi pravi facti sunt per magistros»
53
J’ai précédemment étudié certains de ces textes normatifs dans un article
auquel je me permets de renvoyer «Les pratiques religieuses des étudiants
parisiens au Moyen Âge : entre conscience de groupe et discipline imposée»,
paru dans Religion et société urbaine, op. cit., p. 415-434.
54
CUP, t. 1, p. 178-179.
55
CUP, t. 1, p. 277-279.
419
56
N. Bériou, op. cit., p. 111, voit progressivement apparaître des sermons prononcés pour leur fête dans les recueils de la deuxième moitié du XIIIe siècle.
57
P. Kibre, The Nations in the Medieval Universities, Cambridge
(Massachussets), 1948, demeure le seul ouvrage de synthèse sur les nations
universitaires au Moyen-Âge.
58
CUP, t. 1, p. 230 : Ibit ad sepulturam scolarium diebus festivis, quando sciat,
et feriatis diebus, quando fuerit citatus. Intererit omnibus congregationibus
sue nascionis. Non sustinebit coreas duci in principio suo extra domum. Leget
vel legi faciet psalterium magistro actu regente mortuo. Non revelabit secreta
nascionis sue. Intererit festo sancti Edimundi regis, et festo sancti Nicolai et
festo beate Katherine, et beati Thome, et vesperis beate Marie qualibet die
sabbati in sua nascione, nisi legitimum habuerit impedimentum, quod notificabit procuratori seu provisori… Non absentabit se ut intersit congregationibus vel missis in aliena nascione factis nec in propria…
59
P. Kibre, op. cit., p. 87.
60
CUP, t. 1, p. 530-532 : «exceptis festis beati Nicholai et beate Katherine que
sunt communia et sollempnia toti clero».
61
N. Bériou, L’avènement, op. cit., p. 111 et s.
62
Ibidem, p, 115
63
Dans un article assez récent cité note n°44, «La prédication universitaire :
éloquence sacrée, éloquence profane»… Jacqueline Hamesse s’interroge sur
ce qu’elle est tentée d’appeler l’éloquence profane qui nous apprend beaucoup sur le monde universitaire mais assez peu sur ses pratiques et ses croyances religieuses.
64
L.-J. Bataillon, «De la lectio à la predicatio. Commentaires bibliques et sermons au XIIIe siècle», Revue des sciences philosophiques et théologiques, 70
(1986), p. 559-575.
65
Cité par C.O. Haskins dans «The University of Paris in the sermons of the
thirteenth century», Studies in Mediaeval Culture, Oxford, 1929, p. 36-71.
66
Césaire de Heisterbach, Dialogus miraculorum, éd. J. Strange, 1851, II, 10,
p. 75-77, cité par J. Longère dans «La fonction pastorale de Saint-Victor…»,
op. cit., p. 303.
67
C.O. Haskins, op. cit., p. 57.
68
CUP, t. 1, p. 586 : «non sustinebitis choreas duci extra domum vestram».
69
CUP, t. 1, p. 540-541.
70
C. O. Haskins, op. cit., p. 70.
71
J.C. Schmitt, Histoire de la France religieuse, J. Le Goff et R. Rémond
(dir.), Paris, 1988, t. 1, p. 510.
420
72
Des interdictions identiques adressées aux clercs se multiplient après 1250
dans les statuts synodaux, voir par exemple O. Pontal, Statuts synodaux de
l’ouest, p. 87 et les Constitutions de Guillaume Durand, évêque de Mende,
citées par J. C. Schmitt, op. cit., p. 511.
73
CUP, t. 1, p. 530-532 : «Statuimus ut nullus magister cuiuscunque fuerit
nationis, provincie, vel episcopatus, intromittat se nisi de unico festo principali in una natione et etiam speciali, exceptis festis beati Nicolai et beate
Katherine que sunt communia et sollempnia toti clero»
74
C.E. Du Boulay, De patronis IV nationum universitatis, Paris, 1662.
75
Plus précisément, Honorius interdit en 1222 les étudiants de «se donner des
chefs par nation», CUP, t. 1, p. 102 ; plus tard, en 1249, les nations semblent
constituées depuis longtemps, CUP, t. 1, p. 215-216.
76
Saint Edmond est mentionné dans les statuts de la nation anglaise de 1252,
CUP, t. 1, p. 239.
77
A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge,
Paris-Rome, 2e édition, 1988, p. 79, 144-145 et 336.
78
Du Boulay, op. cit., . 49 et P. Kibre, The Nations in the Mediaeval
Universities, Cambridge (Massachusetts), 1948, p. 87.
79
CUP, t. 2, p. 288, et P. Kibre, op. cit., p. 88.
80
Sur l’histoire médiévale de ce culte voir la thèse de M. Lamy, L’Immaculée
Conception. Etapes et enjeux de la controverse au Moyen Âge, XIIe-XVe siècles, Paris, 2000.
81
M. Lamy, op. cit., p. 293 et suivantes.
82
A. Vauchez, op. cit., p. 460 et suivantes.
83
A. Vauchez, op. cit., p. 463 ; sur saint Edmond, l’ouvrage de référence
demeure celui de C. H. Lawrence, Saint Edmund of Abingdon. A Study in
Hagiography and History, Oxford, 1960. On y trouve aux pages 222-289
l’édition de la Vita S. Edmundi auctore Matthaeo Parisiensi.
84
A. Vauchez, op. cit., p. 634 : «In minori et maiori etate multum studuit et
fuit magister in artibus, doctor in decretis, magister in theologie et rexit actu
in artibus Parisius, Oxonii in decretis et post in theologia, et eiusdem universitatis Oxoniensis cancellarius fuit et ipsum studium tempore sui officii bene
rexit. Apocalipsim in studio Parisiensis legit. Habebat ipse dominus Thomas
in studio Parisiensi et aliis locis in familia sua continue de robis suis unum
capellanum sibi missam valde mane antequam exiret ad scolas vel alia loca
celebrantem»
85
CUP, t. 1, p. 504-505.
86
Ibidem, traduction du latin.
421
87
Sur le procès de canonisation de saint Thomas d’Aquin, voir A. Vauchez,
op. cit., notamment p. 400-401.
88
L’Université de Paris n’a pas obtenu satisfaction puisque le corps de saint
Thomas resté à Fossanova jusqu’en 1363 a été transféré à cette date à Toulouse
sur la décision d’Urbain V. Sur la translation du corps de saint Thomas
d’Aquin à Toulouse, voir E. Delaruelle, «La translation des reliques de saint
Thomas d’Aquin à Toulouse (1369) et la politique universitaire d’Urbain V»,
Bulletin de littérature ecclésiastique, 56 (1955), p. 129-146.
89
A. Vauchez, op. cit., p. 265. La Saint-Yves est aussi un jour chômé dans les
universités du Midi d’après Jacques Verger, Les universités du Midi de la
France à la fin du Moyen Âge, thèse dactylographiée de l’Université de Paris
IV, 1994, p. 210 et suivantes. L’Université d’Orléans célèbre aussi saint Yves
selon Ch. Vulliez, «L’œuvre d’un pionnier du culte de saint Yves à Orléans :
la Vita attribuée à Pierre de Dinteville», Bulletin de la société nationale des
Antiquaires de France, 2000, p. 96-105. Sur le culte de saint Louis aux XIVe
et XVe siècle, voir notamment B. Guenée, «Le vœu de Charles VI. Essai sur
la dévotion des rois de France aux XIIIe et XIVe siècles», Journal des Savants,
janvier-juin 1996, p. 67-135 ainsi que mon article «Entre théologie, humanisme et politique. Les sermons universitaires de la fête de saint Louis sous le
règne de Charles VI (1380-1422)», Saint Denis et la royauté. Etudes offertes
à Bernard Guenée, F. Autrand, Cl. Gauvard et J.M. Moeglin éd., Paris, 1999,
p. 51-64.
90
C’est dans l’Histoire de la France religieuse, t. 2, que J. Chiffoleau emploie
cette expression.
91
Telle que Gabriel Le Bras l’a magistralement élaborée au milieu du XXe siècle notamment dans Introduction à l’histoire de la pratique religieuse en
France, 2 vol., Paris, 1942 et 1945 et dans Etudes de sociologie religieuse, 2
vol., Paris, 1955.
92
L’indiscipline des étudiants est un cliché des sources littéraires comme
archivistiques, comme j’ai pu le montrer dans un article auquel je me permets
de renvoyer : «Le stéréotype de l’étudiant pauvre et indiscipliné dans les sources du XIIIe siècle», dans Le stéréotype, outil de régulations sociales, M.
Grandière et M. Molin éd., Rennes, 2003, p. 143-160.
93
J.-L. Lemaître en fait une présentation longue et détaillée dans l’introduction au Répertoire des documents nécrologiques français, Paris, 1980, vol. 1.
Voir également N. Huyghebaert, Les documents nécrologiques. Typologie des
sources du Moyen-Âge occidental, n°4, Turnhout, 1972, 2e édition remise à
jour par J.-L. Lemaître en 1985.
422
Sur tout ceci voir J.-L. Lemaître, Répertoire, vol. 1, introduction.
J.-L. Lemaître en offre dans les 4 volumes de son Répertoire un inventaire
complet.
96
Une fois les références collectées dans le Répertoire de J.-.L. Lemaître ont
été dépouillés les obituaires suivants (précisons que la plupart des manuscrits
ont été consultés dans leur version microfilmée à la section diplomatique de
l’IRHT à Orléans). D’abord les éditions d’A. Molinier, Obituaires de la province de Sens, Paris, 1902, t. 1 : diocèses de Sens et de Paris, t. 2 : diocèse de
Chartres, t. 3 : diocèses d’Orléans, Auxerre, Nevers, t. 4 : diocèses de Meaux
et de Troyes. Pour la province ecclésiastique de Lyon, J. Laurent et alii,
Obituaires de la province de Lyon, t. 1 et t. 2 ; manuscrits : martyrologe-obituaire de la cathédrale d’Autun (BN lat. 9883, XIIIe s), obituaire de la cathédrale d’Autun (Arch. Dép. Saône et Loire, 5 G 1, XIIIe-XIVe s), martyrologeobituaire de la cathédrale de Langres (Chaumont, bibl. mun. Ms 38 (127),
XIIIe s), obituaire et livre de distributions de la cathédrale de Langres (Arch.
Départ. Haute Marne, 2 G 176). Pour la province ecclésiastique de Rouen,
deux obituaires manuscrits de la cathédrale de Rouen (Arch. Dép. SeineMaritime, G 2094, XIIIe ; Paris, bibl. nat., lat. 5196, XIVe s), un obituaire de
la cathédrale d’Evreux (Paris, bibl. nat. nouv. acq. lat. 1773, XIIIe s). Pour la
province ecclésiastique de Tours, deux obituaires de la cathédrale d’Angers
XIIIe-XIVe s (Angers, bibl. mun., ms 723 et 735), l’obituaire de la cathédrale
de Dol de Bretagne (Rennes, arch. Départ. Ille et Villaine, G 281, XIVe s), les
obituaires édités des cathédrales du Mans et de Tours : G. Busson et A. Ledru,
Nécrologe-obituaire de la cathédrale du Mans, Le Mans, 1906 et J.J.
Bourassé, «Martyrologe-obituaire de l’église métropolitaine de Tours»,
Mémoires de la société archéologique de Touraine, t. XVII (1865), p. 1-82.
Pour la province ecclésiastique de Reims, l’obituaire de la cathédrale
d’Amiens édité par l’Abbé Roze, «Nécrologe de l’église d’Amiens»,
Mémoires de la société des Antiquaires de Picardie, 3e série, t. VIII (1885), p.
265-503), trois obituaires manuscrits de la cathédrale d’Arras (Arras, bibl.
mun., ms 740, 290 et 305, tous trois du XIIIe siècle), l’obituaire édité de la
cathédrale de Beauvais (Comte de Marsy, «Obituaire et livre des distributions
de l’église cathédrale de Beauvais XIIIe s», Mémoires de la société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, t. XII (1883), p.
134-194), un obituaire manuscrit de la cathédrale de Châlons-sur-Marne
(Arch. Dép. Marne, G 711, XVe s), le martyrologe-obituaire de la cathédrale
de Laon (Laon, bibl. mun., ms 341, XIIIe s), deux obituaires manuscrits de la
cathédrale de Reims (Arch. Dép. Marne, G 661 (1), XIIIe s et Ottoboni latin
94
95
423
2960, fin XIVe s) ainsi que l’édition des trois obituaires fondus en un texte
unique par Pierre Varin dans Archives législatives de la ville de Reims,
Seconde partie : Statuts, tome 1, Paris, 1853, un obituaire manuscrit de la
cathédrale de Senlis (Paris, Bibl. nat., lat. 9975), un des obituaires de la cathédrale de Thérouanne édité par Th. Duchet et A. Giry dans Cartulaires de
l’église de Thérouanne, Saint-Omer, 1881. Pour les diocèses en terre
d’Empire : un obituaire de la cathédrale de Besançon édité par J. Gauthier et
J. de Sainte-Agathe, «Obituarium capituli metropolitani Bisuntini», Mémoires
et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche-Comté publiés par
l’Académie de Besançon, t. IX (1900),p. 1-192, l’obituaire (plus tardif, fin
XIVe s) de la cathédrale de Genève édité par A. Sarasin, Obituaire de l’église
cathédrale Saint-Pierre de Genève, Genève, 1882, l’obituaire de la cathédrale
de Lausanne édité par J. Grémaud, «Cartulaire du chapitre de Lausanne»,
Mémoires et documents publiés par la société d’histoire de la Suisse
Romande, t. VI (1851), p. 633-663, l’obituaire de la cathédrale de Saint-Jean
de Maurienne édité par A. Billiet et l’Abbé Albrieux, «Extrait d’un ancien obituaire du chapitre Saint-Jean de Maurienne», Chartes du diocèse de
Maurienne, Chambéry, 1861, p. 335-385), l’obituaire de la cathédrale de
Strasbourg édité par W. Wiegand, «Das Melker Seelbuch der Strassburger
Kirche», Zeitschrift für die geschichte des Oberrheins, nouv. Série, t. III
(1888), p. 77-103 et 192-205. J’ai aussi dépouillé les obituaires antérieurs à
1350 des cathédrales méridionales sans trop de résultats, les clercs de ces diocèses n’allant traditionnellement pas étudier à Paris : le martyrologe-obituaire
de la cathédrale d’Aix-en-Provence (Aix, bibl. Méjanes, ms Rés. 37(14), XIVe
s), l’Obituaire de la cathédrale d’Apt édité par F. Sauve, Monaco, 1926, l’obituaire de la cathédrale de Béziers édité par H. Barthès, dans Les documents
nécrologiques du diocèse de Béziers. Nécrologes et obituaires du XIe au XVIIIe
siècle, Saint-Geniès, 1988, l’Obituaire du chapitre Saint-Mary de Forcalquier
(1074-1593), Digne, 1887.
Outre les obituaires de chapitres collégiaux et de couvents mendiants édités par
Molinier, j’ai aussi dépouillé les Documents liturgiques et nécrologiques de
l’église collégiale Saint-Pierre de Lille, Lille-Paris, 1895 par E. Hautcoeur ; V.
Leblond et Marquis de Luppé, Obituaires des églises Saint-Nicolas et SaintMichel de Beauvais, Paris, 1923, L’obituaire du chapitre collégial SaintHonoré, édité par J.-L. Lemaître, Paris, 1987, ainsi que A. Bourdeaut, H.
Bourde de la Rogerie, «Nécrologe des Cordeliers de Rennes», Bulletin de la
société archéologique d’Ille et Villaine, t. LIV, 1927, p. 113-141 et A. Béguet,
«Nécrologe des frères mineurs d’Auxerre», Archivum Franciscanum
424
Historicum, t. III (1910), p. 115-138, 310-322, 530-550, 716-738.
97
Obituaires de l’abbaye de Port-Royal et de Notre-Dame de Troyes, dans
Obituaires de la province de Sens, t. 1, p. 643 et t. 4, p. 238.
98
Obituaires des abbayes de Port-Royal, Preuilly, du Val et de SainteGeneviève, Obituaires de la province de Sens, t. 1, pp. 499, 629, 640, 885.
99
Obituaire de Notre-Dame d’Amiens, Abbé Roze, «Nécrologe de l’église
d’Amiens», p. 403.
100
Inscrit dans les obituaires de Notre-Dame de Paris, de Saint-Germain des
Prés, de l’abbaye de Saint-Denis, des abbayes de Sainte-Geneviève et SaintVictor, de Sainte-Catherine, de l’église des Mathurins, enfin du collège des
Cholets, dans Obituaires de la province de Sens, t. 1, pp. 163, 302, 336-337,
506, 575, 649, 692, 775, 797, 818.
101
Par exemple Renaud Mignon de Corbeil, évêque de Paris de 1250 à 1268,
est inscrit dans 15 obituaires différents, cf Obituaires de la province de Sens,
t. 1, pp. 134 (Notre-Dame de Paris), 336 (abbaye de Saint-Denis), 347 (prieuré
d’Argenteuil), 369 (abbaye de Chelles), 390 (Saint-Magloire), 400 (collégiale
Saint-Spire de Corbeil), 415 (prieuré de Deuil), 441 (Saint-Martin des
Champs), 502 (Sainte-Geneviève), 548 (abbaye de Saint-Victor), 617 (abbaye
d’Yerres), 644 (abbaye de Port-Royal), 701 (Chartreux de Vauvert), 794
(Saint-Germain l’Auxerrois), 825 (collégiale Saint-Opportune). De même son
successeur Etienne Tempier, inscrit de même dans neuf obituaires d’établissements de son diocèse, Obituaires de la province de Sens, t. 1, pp. 194, 337,
391, 587, 621, 630, 687, 703, 800.
102
Pour les chiffres se reporter au tableau n°1.
103
Quand elles sont détaillées, par exemple dans les obituaires de Notre-Dame
de Paris, de Notre-Dame de Chartres ou de la cathédrale du Mans. Donnons
le seul exemple d’une notice de l’obituaire du Mans qui nous fait découvrir un
maître de l’Université de Paris n’ayant laissé nulle trace par ailleurs dans les
archives universitaires et pontificales : «IIII nonas decembris. Sic obiit magister Johannes Guerrif, hujus ecclesie canonicus, vir profundi pectoris et scientiae eminentis ; qui laudabiliter rexit Parisius in sacra pagina multis annis»
(Busson et Ledru, op. cit., p. 323)
104
Saint-Victor, Saint-Germain des Prés, Saint-Martin des Champs, situées
hors les murs, ont été considérées ici comme «parisiennes».
105
B. Bove, Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens de
1260 à 1350, Paris, CTHS, 2004, p. 468 et s. Voir la carte des fondations parisiennes des universitaires ci-après, à comparer avec celle qu’a pu établir B.
Bove p. 471.
425
O.G. Oexle (dir.), Memoria als Kultur, Göttingen, 1995.
N. Gorochov, «La mémoire des morts…» Des confréries - dont ce n’est pas
la seule vocation - peuvent aussi contribuer à célébrer la mémoire des défunts
qui n’est pas vraiment entretenue par l’Université elle-même, comme P. Trio
le montre dans son article «A Medieval Students Confraternity at Ypres : the
Notre Dame Confraternity of Paris Students», History of Universities, 1985,
p. 15-54.
108
P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, Paris, 1966, t. 1, p. 208.
109
Ibidem, p. 213.
110
N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation (1305) au début du
XVe siècle. Histoire de l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, 1997, p. 159 et suivantes.
111
Arch. Nat., M 145.
112
Il existe sur ces collèges une excellente synthèse, malheureusement inédite,
de S. Lamoureux, Les collèges fondés à Paris sous le règne de Philippe VI de
Valois (1328-1350), mémoire de maîtrise de l’Université de Paris XII, 2002.
113
D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes of the College of Autun at the
University of Paris, Notre Dame (Indiana), 1971, p. 39.
114
M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de Paris, vol. V, statuts
du collège de Bourgogne, p. 640.
115
A.L. Gabriel, Student life in Ave Maria College, Medieval Paris. History
and Chartulary of the College, Notre Dame (Indiana), 1955.
116
A. Vauchez, op. cit., p 160.
117
N. Gorochov, Le collège de Navarre, p. 126 et s., p. 159 et s.
118
P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, t. 1, p. 213.
119
CUP, t. 2, p. 270.
120
CUP, t. 2, p. 460.
121
CUP, t. 2, p. 466.
122
CUP, t. 2, p. 472.
123
J. Verger, Les universités du Midi…, p. 210.
124
Le calendrier de la nation picarde rédigé au milieu du XIVe siècle a été
édité dans CUP, t. 2, p. 709 ; le calendrier de la nation anglo-allemande, à peu
près contemporain, a été édité par P. Perdrizet dans Le calendrier de la nation
d’Allemagne de l’ancienne université de Paris, Paris, 1937.
125
Cf tableau n°2.
126
Bibl. nat. Latin 3074, partiellement édité par P. Glorieux, «L’année universitaire 1392-1393 à la Sorbonne à travers les notes d’un étudiant», Revue des
sciences religieuses, 19 (1939), p. 419-482.
106
107
426
127
Déjà esquissées dans les statuts de Robert de Courson (1215), ces dispositions absentes des statuts des nations du milieu du XIVe s, occupent de nombreux paragraphes du texte de la réforme du cardinal d’Estouteville (1452)
par exemple, CUP, t. 4, n°2690.
128
J. Verger, «Les universités françaises au XVe siècle : crise et tentatives de
réforme», Les universités françaises au Moyen Âge, p. 228-255.
129
P. Kibre, The nations, p. 73-74.
130
R. Goulet, Compendium recenter editum de multiplici Parisiensis universitatis magnificentia, dignitate et excellentia, Paris, 1517.
131
R. Goulet n’en donne pas la liste exacte. Ibidem, fol. 9 : Quelibet natio, provincia aut facultas speciale sacellum aut ecclesiam pro celebrandis divinis
officiis habet, ubi singulis hebdomadis domini regentes artiste seorsum quilibet in loco sue nationis die veneris vesperas de beatissima virgine Maria cantant, et sabbati missam et tam in vesperis quam missis pecuniales distributiones percipiunt. Similiter doctores et magistri superiorum facultatum quilibet
in loco sue facultatis sepius missas votivas et pro defunctis celebrant et distributiones assistentibus effunduntur.
132
Ibidem, fol. 9 : Quelibet insuper natio et facultas celebrem obitum generalem ipsius solemnis celebratur obitus pro defunctis ipsius facultatis suppositis et benefactoribus.
133
Ibidem, fol. 9 v : Suns insuper obitus generales universitatis quorum quidam fiunt apud fratres predicatores…alii autem obitus fiunt apud sanctum
Mathurinum.
134
La vaste chapelle du collège des Bernardins est édifiée à partir de 1334,
selon Ph. Dautrey, «Croissance et adaptation chez les Cisterciens au XIIIe siècle : les débuts du collège des Bernardins de Paris, Analecta Cisterciensa,
1976, p. 122-215.
135
Ibidem, fol. 9 v : De sermonibus doctoralibus et aliis.
136
Ibidem, fol. 12 v.
137
Ces expressions sont celles de J. Chiffoleau dans son article sur «Les processions parisiennes de 1412. Analyse d’un rituel flamboyant», Revue historique, 284, p. 37-76.
138
Ce texte a été traduit par P. Glorieux dans un article : «Mœurs de chrétienté
au temps de Jeanne d’Arc. Le traité contre l’institution des fêtes nouvelles de
Nicolas de Clamanges», Mélanges de science religieuse, 23 (1966), p. 5-29.
Sur Nicolas de Clamanges, voir E. Ornato, Jean Muret et ses amis Nicolas de
Clamanges et Jean de Montreuil. Contribution à l’étude des rapports entre les
humanistes de Paris et ceux d’Avignon (1394-1420), Paris-Genève, 1969.
427
P. Perdrizet, op. cit.
A titre comparatif, se produit une semblable évolution à l’Université
d’Orléans, d’après C. Vulliez, «Calendriers universitaires et particularismes
nationaux ? L’exemple de l’Université médiévale d’Orléans», Religion et mentalités au Moyen Âge. Mélanges en l’honneur d’Hervé Martin, Rennes, 2002,
489-497.
141
R. de Sorbon, De conscientia et de tribus dietis, F. Chambon éd., Paris,
1903.
142
Cet exemple ainsi que les deux suivants sont cités par N. Bériou dans
L’avénement des maîtres de la parole aux pages p. 215-216.
139
140
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