Compte rendu du XIe Congrès national : tenu à Saint

Transcription

Compte rendu du XIe Congrès national : tenu à Saint
PARTI OUVRIER SOCIALISTE RÉVOLUTIONNAIRE
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COMPTE H END U
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Xt CONGRÈS NATIMIL
Tenu à Saint-Quentin
du. 2 au. 9 Octobre 1892
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL : 199, rue Saint-Maur, 199
Prix: : 7;0 centimec
PARIS
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I. rue Snint-Saureur. 51
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Xle CONGRÈS NATIONAL
Tenu à Saint-Quentin
dm. 2 aw. 9 Octobre
1892
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL 199, rue Saint-Maur, 199
F°1 »ix 50 centimes
-
•
PARIS
rleCeIZZ:b10ERXE b F-à..AST .13-Tel-Mair-AMTM
-
51, rue Saint-Sauveur,
1893
•
ORDRE DU JOUR
PREMIÈRE PARTIE
PREMIÈRE QUESTION. —
Lois Ouvrières
10 Des garanties aux Syndicats ouvriers ;
20 Suppression des articles 414 et 415 du
Code
pénal ;
3° Du marchandage ;
4° Création de Bourses du Travail dans les départements, et de leur Fédération ;
•5° Suppression des bureaux de placement ;
6° Fédération nationale et internationale de métiers.
Suppression des armés
permanentes et Fédération des peuples. ,*
DErnikmE. QUESTION. -
Création de Syndicats agricotes; des r' apports d établir ..entre le f3rotétariat
industriel et le prolétariat agricole.
TROISIÈM'E QUESTION. —
QUATRIÈME QUESTION.
-
''
• n
De la Révolution et des mesures
-
-immédiates pour en assurer le succès..
CINinfatE QUESTION. — Des.
•-
.r
Congrès internationaux de
1893: Zurich et Chicago.
Des• moyens pratiques pour /*dire aboutir les ..
• résolutions des Congrès. • ,
•
.•
.
•
•
DEUXIÈME PARTIE
Questions résolues en' séances iiriiée3 du Parti
1.0 Revision du programme législatif du Parti.
2 Tactique et discipline du Parti :
Action électorale;
Des rapports des élus avec le Parti;
Des moyens de propagande.
Ces question's étant exeusiveraent d'ordre intérieur du. Parti ouvrier, ont été traitées par les
seuls adhérents du Parti.
•
NOMS DES GROUPES ADHÉRENTS
et des Délégués
Fédérations, Bourses du Travail, Chambres
syndicales, ,Groupes corporatifs et Cercles
d'études sociales.
-
Secrétariat générai du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire. Lavaud.
Fédérations
- Fédération des travailleurs socialistes des Ardennes. •
Clément.
Fédération du Centre.' A. Legrand.
Fédération générale des travailleurs des chemins de fer
de France et des côionses. Tiétart, i colas:
• Fédération française des•travailletirsclu Livre: -- Ha-
.
melin.
$0 ciété.g4nérale• des ouvriers' chapeliers .de. France.
• . . .
•
Areès Sicré.
. • Union des C'harnbres syndicales. eduvriéres de: Boulogne-
—
.
-
.
•sur-Her. =-Vitoux.
-
-•
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Union fédérative; des Chambrés syndicales • ouvrié res tle
ecirrondissemnt:de:Cognac. Dumay. • • ••••
Fédératicm ouvrière de l'Yonne: Lonclè
Franche-:
Fédércition oùvrielre de' Besançon - et de COMM. RelisiéL
•
.
•
-
-
Fédéra ion ides ^Soci tés ::coopératives :des M.rdennes.
-
B.; Cléinee•
4
—6—
Bourses du Travail
Bourse du Travail de Paris. -= Emmélé.
Bourse du Travail de Saint-Etienne. Lavaud.
•
•
Chambres syndicales et Groupes corporatifs
Passementiers à la main de Paris. — Monfourny.
Chambre .syndicale typographique parisienne. — Hamelin.
Mouleurs de Montleemè-Laval-Dieu. —Nogent_
Ferblantiers du département de la Seine. Payen.
Chauffeurs conducteurs-mécaniciens du département de
la Seine. — Loncle.
Métallurgistes de Fraisans_
Dumay.
Ouvriers et employés des chemins de fer français (Section
• de Saint-Quentin). — Nicolas.
Verriers de Charleville. — Frison.
Métallurgistes de Rimogne. — Nogent.
•
Ofivriers et. ouvrières en brosserie de* Charleville. —
Nicolas.
Chambre syndicale de la Métallurgie d'Eteignifres.
•
.
Nogent.
Ouvriers en voitures de Paris: —Mignon.
Ouvriers én. --bdtiment de Sedan. (lem section). — Nicolas.
Ouvriers mouleurs de Nouzon_ — Nicolas.
douteries mécaniques de Charleville. —Frison.. ,
Ouvriers et ouvrières en tissus- de Douzy. — Frison.
Potiers, tourneurs, moulezirs de Digbin. Payen.
'Scieurs, découpcuri et mouluriers de .1a Seine.
•
Chausse
Marbriers du département de la Seine. Chausse.
Ouvriers étireurs au banc de Paris. — Chausse.
Ouvriers billarqiers de Paris. — Monfourny.
Ouvriers cuisiniers d'Alger. — Gelei.
Ouvriei-s tonneliers de la Seine. —•Gelez.
Ouvriers tonneliers et ouvriers de magasins. _ Gelez.
•Ouvriers ei employés des 'chemins de fee (Section de
Sotteville-lès-Rouen). — Gelez. •
Ardoisiers de Fumay. Vasse.
Ouvriérs 'boulangers-de' la Seine:
Bachelef..• • Ouvriers verriers de Chdton-sur-t§aône. Bacheleb •
—
,
Forgerons-mécaniciens et frappeurs de la Seine.
—
Vasse.
Chambre syndicale et d'appui mutuel des ouvriers teinturiers-dégraisseurs de Paris. — Monfourny.
Ouvriers chapeliers d'Albi. —Arcès-Sacré.
Représentants de commerce et garçons de magasins de
Paris. — Bachelet.
Ouvriers et ouvrières de Moulins et Yzeure. — Arcès.
Sacré.
Métallurgistes de Warcq. Vasse.
Ouvriers tailleurs et coupeurs d'habits de „brimes.
—
Vasse
Boucheurs àrémeri de Paris. — Payen.
Relieurs-doreurs de Paris. — Emmêlé.
Cloutiers de Gespunsart. Vasse.
E'b ég nistes en fantaisie, chambre noire et science de Paris.
Monfourny.
Brodeurs à façon de Saint-Quentin. — Lande.
Papetiers-Régleurs. Emmélé.
Ouvriéres et ouvriers métallurgistes de Givonnc.
—
Dumont.
Ouvriéres et ouvriers métallurgistes de Cons-la-Grandville. — Dumont et Frison.
Ouvrières et ouvriers méiallurgistes de Deville.
Du-
mont.
Ouvrières et ouvriers métallurgistes de MaubertFontaine. — Dumont.
Ouvriers brodeurs de Saint-Quentin. — Dumont.
Métallurgistes de Bevin. — 3.-B. Clément.
Métallurgistes de Nouzon. J.B. Clément.
Métallurgistes de Braux. Frémaux.
. Ajusteurs de Neufmanit. Frémaux.
Métallurgistes d'Etion. Frémaux.
Mouleurs de Istreufmanil. Frémaux.
Métallurgistes de Vrigne-au-Bois. -7- Frémaux.
Tisseuses et. tisseurs de Saint-Quentin:. —Weiss&
Tisseurs de Sedan. — Wattissé. .
Tisseurs de •S'aint-Menges. Watissé.
Tisseurs et similaires de Daigny. Watissé.
Tisseurs et similaires e,e
Mouleurs de Saint-Quentin. — Troenié.
Métallurgistes d'Anchamps. Troemé.
Métallurgistes des 3fazures.
Troemé.
Métallurgistes de Bourg-Fidéle. — Troemé.
Métallurgistes de
Troemé.
Mécaniciens de Saint-Quentin.
Vitoux.
Souffleurs de verre au chalumeau de la Seine. —Vitoux.
.Métallurgistes de Pure et environs. — Vitcux.
Métallurgistes de Monthermé-Laval-Dieu Pradinaud.
Ouvrières et ouvriers de Chdteal4-Regnault.
Pradidaud.
Syndicat des Groupes corporatifs du canton de SaintDenis. — Pradinaud.
Chambre syndicale des Métallurgistes de Sedan. — Pradinaud.
Union syndicale de l'Orft.'vrerie de Saint- Denis. — Pradinaud.
Chaudronniers de Saint-Quentin. — Leconte.
Ouvriers en bcitiment de Charleville (2e section).
Leconte.
Carriers et tailleurs de pierre de Givet.
Leconte.
Ouvriers en métallurgie de Charle oille — Leconte.
Ouvriers et employés des chemins de fer français (SecTiétard.
tion de Rennes).
Ouvriers charrons de la Seine. — Mignon.
Menuisiers en voitures de Paris. —Mignon.
Selliers en voitures de Paris. — Mignon.
Peintres en voitures de Paris. — Mignon.
Mouleurs en fonte du département de la Seine.
Groussier.
Marbriers de Cousobre. Dumay.
Ouvriers de la boucherie en gros de Paris.— Groussier.
Groupe la Solidarité ouvrière des tailleurs de la Seine.
Nogent.
Chambre syndicale des métallurgistes de Joigny-surMeuse. — Nogent_
—
-
—
• Cercles d'études sociales et Groupes
Le Droit à la vie, à Angecourt. — Lefebvre.
La Revendication, de Isiouzon. Lefebvre.
L'Avant-Garde, de Vrigne-au-Bois. — Lefebvre.
Les Travailleurs socialistes, de Saint-Ouen.— Lefebvre.
Comité républicain d'initiative électorale de Sottevillelès-Rouen. — Lefebvre.
Groupe d'études sociales de la Porte-Saint-Maetin,
Paris. — Lavaud.
Groupe les Socialistes révolutionnaires du Combat
(XIXe), Paris. — Lavaud.
Groupe d'études sociales du Xe (ire section). — La-
vaud.
Groupe Le Réveil social de Levallois-Perret. Picardet.
Groupe le Droit, de Levallois-Perret. —Picardet.
Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, Groupe de
Saint-Denis. — Picardet.
Cercle d'études sociales les Prolétaires d'Aubervillers.
— Picarde.
Groupe les Précurseurs de Clichy. — Picardet.
Cercle d'études sociales rEclaireur de Vivier-au-Court.
-
Martelet.
Parte ouvrier, Groupe d'Ivry-sur-Seine. — Martelet.
• Parti ouvrier, Fédération du XVe, Paris. — Martelet.
Parti ouvrier, Groupe du r, Paris. — Martelet. •
Cercle d'études sociales de Plaisance (XIV1, Paris. —
Martelet.
J.B. Clément.
Cercle l'Etincelle de Charlevitle.
Parti ounrier socialiste, Groupe de Saint-Quentin. —
Jongle. Parti ouvrier socialiste, Groupes de Dijon (1", 2e et 3e
sections). — Jouglet.
Groupe républicain socialiste clifonnais. — Jouglet.
Parti ouvrier, Groupe des Batignolles et le Réveil socia.
liste des Epinettes, Paris — Vitoux.
Groupe d'études sociales de Nauroy (Aisne).
Arcès-
Sacré.
Cercle d'études sociales et d'action politique des GrandesCarrières (XVMe). --r -Bachelet.
Parti ouvrier, Groupe d'études sociales du nb, Paris.
- DouiLlé.
L'Egalité des femmes d' Asnières (Seine). — Citoyenne
Vincent.
.
Groupe Devoirs et droits d'Arles (Bouches-du-Rhême.
Gelez.
j.
Groupe d'études 'sociales de Monceau-les-Mines. —
Groussier.
Travailleurs socialistes du douzième arrondissement
de Paris. — Leconte.
Bachelet.
Parti ouvrier, groupe Kléber Le Vigilant, de Balan. — Frison.
Cercle typographique d'études sociales de Paris. — J.
Allemane.
Groupe du quartier Vincent-de-Paul (X9. — Payen.
'Groupe républicain socialiste Bizcriain (Parti ouvrier),
à Besançon. — Leconte.
Groupe du Parti ouvrier la Solidarité ouvriérc du PèreLachaise (Paris). — Dumay.
Cerck d'études sociales de Belleville. — Groussier.
Groupe des travailleurs socialistes révolutionnaires de
Romans et Bourg-de-Péage (Parti ouvrier). — AresSacré.
En Avant de Pantin. — Douillé.
La Fraternité sociale des Près-Saint-Gercais.
Douillé.
Cercle d'études sociales du XXe. Dumay.
Groupe d'études sociales du quartier Saint-Fargeau. —
Monfourny.
Groupe du Parti ouvrier du Kle (ire* section). —
Chausse.
Groupe du Parti ouvrier du XIe (2e section). —
Chausse.
Groupe d'études la Fraternité du IVe. Douillé.
Groupe d'études et d'action politique du 111e. —
Douillé.
Groupe républicain socialiste Auxerrois (Parti ouvrier).
Payen.
L'Union des travailleurs de Rive-de•Gier (Loire). —
Mouillon.
Groupe ouvrier socialiste « Le Réveil de Clignancourt »
.(XVIlie arrondissement). — Groussfer.
.
—ü—
Chambres syndicales et Groupes ayant adhéré
au Congrès sans pouvoir s'y faire représenter directement
Métallurgie de Seine-et-Oise, à Poissy. — Paul Deaux,
secrétaire.
Ouvriers en. bdtiment de Nevers (Section des Menuisiers). — Magnien, secrétaire.
Union des ouvriers mécaniciens du département de la
Seine.
Ramie, secrétaire.
Ouvriers serruriers en bdtiment de Paris.
Bacôme,
secrétaire.
Ouvriers et aidés maçons de Vienne (Isère). — Arma,net,
secrétaire.
Métallurgistes du Saut du Tarn, à Saint Juéry.
Paul
Huguenin secrétaire.
« Les ilausv » d'Angoulême.
Laurent Caprais, secrétaire. •
Ouvriers fabricants de balais, à Grisolles (Tarn-etGaronne). — B. Petit, secrétaire.
Ouvriers verriers de Rive de Gier (Loire). . Pierre
Vinay, secrétaire.
Ouvriers dessinateurs, écrivains et graveurs lithographes
de Paris.
Unième, secrétaire.
Ouvriers papetiers et cartonniers de Bourgoin .Tallieu
"
(Isère). — Guérin, secrétaire.
Métallurgistes de Rive de Gier (Loire). — Villard, secrétaire.
Mécaniciens et similaires de Saint Etienne. Bosmet,
secrétaire.
.Mineurs. du Bassin du Gier, à Rive de Gier.
Éruyéron, secrétaire. •
—
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—
Nota. — Le citoyen Dumay n'a 'Pu se rendre à. SaintQuentin étant assez gravement malade à, cette époque.
Le citoyen. Groussier s'est trouvé également dans'
l'impossibilité d'accomplir son mandat.
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RAPPORTS
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11E-MIÈRE QUESTION
LOIS OUVRIÈRES. --- DES GARANTIES AUX SYNDICATS OUVRIERS
Le gouvernement bourgeois que nous possédons,
poussé par les revendications que faisait entendre
la classe ouvrière, a imaginé de tromper les travailleurs, en faisant à leur intention une loi sur les Syndicats. C'est ainsi qu'il a été forcé de présenter la
loi de 1884 sur les Syndicats, voulant faire croire
qu'il protégeait le travailleur. Cette loi avait l'air de
laisser â ces demie: s aine liberté• absolue- pour défendie leurs salaires, en se-servant du groupement.
Les socialisteS n'ont pas-hésité, dès le commencement, â•montrer le piège tendu. En effet, cette loi
qui parait donner aux travailleurs le droit de se
syndiquer, -limite immédiatement ce droit par des
restrictions abusives, et il est. facile de constater,
d'autre part, que les patrons se mettent constamment au-dessus de la loi pour empêcher leurs ouvriers.de se' former en Syndicat.
Les exemples que nous pourrioni citer sont.nombreux. Dans les mines, dans leà compagnies de che nains . de fer, aux omnibus de Paris, dans tous les
départements, 'notamment dans les Ardennes, où il
existe de nombreux Syndicats. le 'cas arrive tous les
jours où les patrons déclarent à leurs ouvriers que
s'ils se syndiquent, ils les metront à la porte immédiatement. S'ils n'agissent pas_ toujou.: s avec cette
.
13 —
franche brutalité, ils ne sont généralement guère
embarrassés à trouver un prétexte quelconque pour
renvoyer les syndiqués.
La loi de 1884 est donc mauvaise. Cependant, nous
devons constater que depuis ce moment, une grande
poussée en faveur du groupement a eu lieu dans le
monde prolétarien. A cette époque, les statistiques
officielles constatent qu'il existait 101 Syndicats patronaux, et seulement 68 Syndicats ouvriers. Chaque
année, nous voyons ces derniers augmenter, pour
arriver à dépasser ceux des patrons en 1890; 1,004
Syndicats patronaux et 1,006 Syndicats ouvriers. En
1891 et 1892 ce nombre augmente encore dans des
proportions considérables pour, les ouvriers, laissant
loin derrière eux les groupements patronaux.
Si nous constatons qu'il n'entre dans cette statistique que les Syndicats ouvriers qui ont reconnu
la loi de 1884, nous sommes bien au-dessous de la
vérité, et nous pouvons hardiment dire que les groupements ouvriers en France atteignent actuellement
le chiffre de 4,000.
•
Le Congrès, ne voulant pas être taxé d'utopiste,
doit tenir compte que tous ces groupements, bon
gré ou mal gré, qui sont régis par la loi de 1884 ont
besoin d'une loi de protection ; c'est pourquoi il ne
saurait
trop recommander aux travailleurs d'ap,
puer auprès des pouvoirs publics le projet de loi
Bovier-Lapierre, dans sa rédaction primitive.
Nous ne nous faisons pas d'illusion. Avec la
franchise que possède la bourgeoisie actuelle, elle
saura encore tourner cette loi en renvoyant de leuri
ateliers, sous des prétextes divers, les ouvriers qui
entreront dans leurs Syndicats. Depuis longtemps
déjà, elle 'a commencé cette tactique.
Ce qui nous fait recommander ce projet de loi à
l'attention des travailleurs, c'est qu'il donnera une
force morale aux militants pour amener dans la
bonne voie les hésitants, les peureux, qui craignent
à tout moment perdre leur pain, parce qu'ils adhèrent à. un Syndicat.
.
— 14 —
SUPPRESSION DES ARTICLES
414 ET 415
Il est bon de montrer les raisons qui militent en
faveur de la suppression des articles 414 et 415 du
Code pénal.
De tout temps, la bourgeoisie a fait les lois en
sa faveur. C'est pourquoi toujours elle a su mettre
des entraves à la liberté du travail. Examinons donc
comment ces articles 414 et 415 ont été appelés à
figurer dans le Code pénal.
Ces dispositions édictées il y a cent ans, au lendemain de la Révolution, ont été inspirées par l'esprit mème de cette Révolution, et elles ne faisaient
que répéter les nombreuses lois de 1791 à 1794, qui
avaient pour objet de protéger les anciens serfs des
jurandes et maîtrises contre un retour offensif des
partisans des corporations privilégiées et de l'enrégimentement des serfs salariés.
Dans sa haine des anciennes maItr;ses et jurandes, autrefois instruments de servitude et d'oppression, la Révolution de 89 est allée si loin qu'elle a
proscrit de3 codes et des lois toutes dispositions
qui eussent pu être favorables aux associations,
sous quelque forme que ce fût. Une association de
travailleurs eût été alors considérée -comme une
tentative de retour aux règlements de métier d'ordre
monarchique, et le peuple l'eût brisée avec colère.
Des tentatives de grèves corporatives furent ainsi
étouffées comme des manoeuvres royalistes par les
plus ardents amis du peuple. La liberté individuelle
était tout.
C'est ainsi que le législateur de l'époque a cru
pouvoir législativement protégerle travail. individuel
libre contre les violences des restaurateurs des
vieilles associations. C'est là ce qu'on entendait par
liberté de travail, dans l'esprit des articles 414 et 415.
Un siècle s'est éco' ulé depnis, et aujourd'hui le
prolétariat, s'inspirant çies besoins nouveaux, ne
voit plus de salut que dans l'association par Syndicats et Fédérations syndicales. Ces associations
syndicales sont devenues la garantie dé la liberté,du
?
,
.
i5
travail. Il devient donc logique d'abroger les articles
414 et 415. qui ne répondent plus aux aspirations de
notre époque ; la bonne foi l'exige aussi
Cependant, la réaction capitaliste qui nous gouverne ne l'entend pas ainsi ; elle garde soigneusement
dans son arsenal des vieilles lois, et comme une
arme de combat contre le prolétariat, les articles
414 et 415 qui punissent toute atteinte â la liberté du
travail.
Mais la liberté du travail, selon les gouvernants
et leurs tribunaux, c'est le droit pour tout travailleur
non inscrit dans la grande armée syndicale de conspirer contre l'intérêt commun des travailleurs, en
faveur du maintien de la servitude patronale. C'est
ainsi qu'une loi de liberté, d'il y a un siècle, est devenue un nouveau carcan ajouté à ceux qui nous
enchaînent.
La loi du 22 germinal an XI, faite à la fin de la
République et au commencement du premier empire, est la première loi qui marque l'établissement,
pour un long siècle, de la domination de la bourgeoisie patronale ; elle s'est emparée de la puissance ; la série des lois oppressives des travailleurs
est largement ouverte.
La loi de germinal an XI établit une distinction
entre patrons et ouvriers. Les patrons ne .pouvaient
être punis que d'un mois de prison « pour faire. travailler ou tendant à forcer injustement ou abusivement Pabaistament des salaires », tandis que les
ouvriers pouvaient être condamnés «à trois »mois de
priser! t pour empêcher de se rendre avant ou après
certaines heures à l'atelier, et pour 'suspendre ou
empêcher le travail. »
. Le Code pénal de 1810 aggrava encore ces péniilités. Par la loi du 25 mai 1864, le législateur fait une, distinction: La coalition, accompagnée de violences et de manoeuvres coupables, reste un délit et est
punie comme tel; mais la coalition simple,c'esiiià• dire le concert de V ceux qui, sans agitation, .sans
trouble, sans attentatà la. -liberté d'autrui, s'enten- •
dent pour fixer les conditions du travail, » fut' désorr
.
.
•
,
•
.
-
J
•
— 16 —
mais licite. Les articles 414, 415 et 416 du Codé pénal
furent remaniés dans ce sens.
Enfin, arrive la loi de 1884 sur les Syndicats. Elle
supprime l'article 4i6, qui punissait d'une amende
de 16 â 300 francs, et de six jours à trois mois de
prison. Mais elle laiise subsister les articles 414
et 415, ainsi conçus
« Arr. 414. — Sera puni d'un unprisonnement de
Çix jours à trois ans, et d'une amende de 16 à
3,000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait,
menaces ou manoeuvres frauduleuses, aura amené
ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une
cessation concertée du travail, dans le but de forcer
la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. »
« ART. 415.
Lorsque les faits punis par l'article
précédent' auront été commis par suite d'un plan
concerté, les coupables pourront être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute
police pendant un an au moins et cinq ans au plus. »
La loi de 1.884 a donc permis aux Syndicats de
mettre en interdit une maison ou de faire cesser le
travail. Mais si la loi nouvelle a donné aux Syndicats
ces« moyens d'action, elle s'est attachée surtout à
protéger l'ouvrier qui trahit ses frères de travail
dans une grève. Celui qui profite continuellement de
tons les sacrifices faits par ses camarades, de ceux
qui luttent pour l'augmentation des salaires, et surtout contre la diminution de ceux-ci.
Pour ceux qui rappellent ces travailleurs ignorants ou égoïstes au devoir, quelquefois par des
actes inspirés par l'énervement que crée toute grève,
on a laissé les articles 414 et 415.
Eh! voyez citoyens, comment on peut les mettre
â toutes les. sauces ces articles du Code pénal.
Au Comméneemen t d'oétobre 1890, une grève éclatait danS iule :mine à Firminy. Des mineurs allèrent
aux environs de la fosse en grève pour empêcher
leurs -camarades de se rendre au travail. A cet effet,
ils étaiént- sur la .ro tee lorsque- survint un: renégat,
-
-
-
-
.
-
-
-
— 17
se rendant au puits. Les mineurs s'y opposèrent en .
le cernant et lui barrant le chemin. Celui-ci dut rebrousser, et dénonça ceux qui l'avaient empêché de
passer. Il constata toutefois qu'il n'avait pas été.
touché.
L'affaire vint devant le tribunal de Saint-Etienne •
le 3i octobre suivant. Le jugement constata que si
les prévenus n'avaient pas frappé, ils s'étaient placés
devant le traître pour l'empêcher. de passer, ce qui
constituait une voie de fait. Il condamna donc les pré- .
venus. à vingt-quatre heures de prison et aux frais
du procès.
DanS%la même séance, un gréviste qui avait suivi
jusqu'à sa porte un ouvrier revenant du travail et
lui avait crié : « Je le reconnais, nous « l'aurons plus
tard... nous j'éventrerons », a été condamné à quatre
jours de prison et aux dépens. Il parait que ce fait
constituait la tentative d'atteinte à la liberté du. travail par voie de fait et par menace.
La bourgeoisie nous dit bien que les articles 414 •
et 415-sont aussi bien applicables aux patrons qu'aux
ouvriers, mais c'est encore là une fumisterie, car nous mettons au .défi qui que ce soit de' nous citer le -cas •
d'un tribunal condanEmant un _patron parce qu'il a
malmené une individualité' quelconque.
Il n'en est pas de même de ceux condamnant un
ouvrier: Sans remonter plus haut que 1884, on cons
tate que 2,287 'ouvriers ont été condamnés à'la pri••
son, y compris les femineS et lei enfants. Dans un
a
seul départeinent, les Ardennes, depuis 1885 i •
eu, cinq années de prison données aux travailleurs.'
•.
Et tout cela, grâce aux articles 414 et 415;
Nous estimons qué les travailleurs doivent rester
libres de déféndre leurs intérêts par tous le's moyen•
possibles; c'est pourquoi nous nous élevons • contre
toute pénalité, et que..nous voulons
_'pie
a
de ces articles, du Code pénal. se. •
,-11
-
.
.
.
-
-
DU -MARCHANDAGE r. •
-3-,• • .
•
Nous considézoil le". nitirChatidae
explôitation qui...répercuté suela-main,
•
•"›
vriêre, non seulement l'exploitation capitaliste d'en
haut, mais aussi l'exploitation patronale, et ce qui
est pire, l'exploitation d'un travailleur sur ses propres frères de travail.
Donc, nous pensons que, dans la marche vers
notre émancipation, en tant que travailleurs, la première exploitation à supprimer est celle du marchandage. Nous l'exigeons d'autant plus que, souvent, les marebandeurs•sont plus oppressifs que les
patrons eux-mèmes.
Retharquez que notre République bourgeoise n'a
rien fait pour empêcher cette odieuse exploitation.
Si nous remontons plus haut, nous pouvons constater que lorsque éclata la Révdelution de février 1848,
la République se préoccupa du sort des travailleurà.
Le 29 février,le gouvernement provisoire, « considé.
«Tant qu'il était temps de mettre un terme aux ion« Bues et iniques souffrances des travailleurs », nommait une commission permanente intitulée : Corn-
.
mission de gouvernement pour les travailleurs.
Cette. cornraission pensa que les souffrances iniques des- ouvriers étaient dues au trop grand nombre
d'heures de travail et à la granile exploitation qu'ils
subissaient. Elle constata qu'un travail trop prolongé non seulement ruine la\santé de celui qui s'y
livre, mais encore l'empêché de cultiver son intelligence, et. en même temps porte atteinte à la dignité
dé l'homme.
. Elle décida que l'exploitation des Ouvriers par les.
sous-entrepreneurs ouvriers; dits marchandeurs ou
ticheroni, est essentiellement injuste, vexatoire, _et
•
- • .
contraire au principe dè la fraternité. Voici ce que-elle vit décréter, le 2 mars, par le gouvernement provisoire : .,
« Io Lajournée dé travail est diminuée d; une heure.
En,conséquence, à Paris, où elle était de onze heures,
elle est réduite à dix, et en 'province, où -elle'était de
4uze heures, elle est réduite à. onze; .
2° L'exploitation des ouvriers par des.sous-entrepieneurs :ou. marchandage:esf,abolié».
Comme la prescription (1'3 22 .mars,relative- à. l'ex-
,
.
ploitation par le marchandage, n'était pas suffisamment observée, un décret du 21 mars édicta des' peines
plus sévères contre les contrevenants. Il était ainsi
conçu :
c Toute exploitation de l'ouvrier par voie de marchandage, sera punie d'une amende de 50 à 100 francs,
pour la première fois; de 100 à 200 francs en cas de
récidive; et s'il y avait double récidive, d'un emprisonnement qui pourrait aller de un à six mois.
« Le produit des amendes sera destiné à secourir
les invalides du travail. »
•
Cesdécrets ne sont pas abrogés. Pourquoi le gouvernement républicain actuel, qui parle toujours
d'améliorer le sort des travailleurs, ne les applique-t-il pas ? La question sociale est pourtant à
l'ordre du jour plus que jamais aujourd'hui. Nos ministres déclarent à tout moment qu'il est temps de
s'occuper des travailleurs.
A l'occasion du Centenaire de la•République, au
Panthéon, le président de la Chambre. le ministre
de l'intérieur et même le président de la République
ont encore prononcé des discours où le socialisme
tenait une large place. Ces chefs du pouvoir ont reconnu une fois de plus qu'il était temps d'étudier le
problème social pour prendre des mesures en faveur
des prolétaires.
• Farceurs! Ils ont en mains tout ce qu'il faut pour
améliorer le sort des ouvriers, mais comme cela
n'est possible qu'en touchant aux prérogatives de la
classe capitaliste, ils ne veulent pas se résigner à
faire aucune concession.
•
Quand donc les travailleurS comprendront-ils
cela ?
-.
Des faifs révoltants se passent de nos jours 41,
chaque initant. Nous croyOns .bon d'en citer un, pris
parmi volis,. à Saint-Quentin
Kutrefols, lorsqu'un ouvrier brodeur avait une
pièce mal faite, par sa faute ou dé la faute du métier;
ou bién de marchandise démauvaisé qualité qu'on
-
-
-
lui donnait, le patron lui faisait payer le coton et le
tissu et lui remettait la pièce.
Le brodeur pouvait donc tirer de cette pièce un
certain profit en la vendant en gros ou en dëtail.
C'était trop beau! Aujourd'hui, ce n'est plus la
même chose: le patron garde tout. Non seulement le
patron conserve la pièce, sans avoir à payer la façon
ou la demi-façon, mais pour punition, il donne du
mauvais travail à l'ouvrier. Et pourtant cet ouvrier
n'est pas responsable si le métier ou la marchandise
sont de qualité ou de fabrication défectueuse.
Par ce fait,• lorsque l'ouvrier a travaillé toute la
semaine, non seulement il n'est pas sûr d'être payé,
mais encore il a à sa charge une ouvrière enfileuse
qu'il doit payer de 2 francs à 2 fr. 50 par jour. Cela
arrive fréquemment.
Un autre abus qui n'est pas moins criant, c'est le
raccommodage.
Le patronat a pris depuis peu l'habitude de faire
payer le raccornitodage au brodeur. Le patron en
profite pour le voler sur les heures et voici comment :
Le raccommodage est très difficile à contrôler dans
les broderies, et l'exploiteur en profite pour retenir
à l'ouvrier une journée et demie de salaire, lorsqu'il
n'a payé à l'ouvrière que dix ou onze heures, soit une
journée. Cela ne lui suffisant pas, il a imaginé un autre
genre de vol. Pendant qu'il paie 15 et 20 centimes
l'heure les ouvrières employées à ce travail, il retient
25 centimes au brodeur. Comme on le voit,. les bourgeois ne reculent devant rien. Ils mettent en pratique
cette maxime : Les petits bénéfices font les gros capitaux.
.
•
Autrefois, à, Saint-Quentin, l'ouvrier brodeur ga-.
enait de 30 à 40 centimes p:our cent points, suivant
l'écart du métier, et ne payait pas de raccommodage.
Il arrivait ainsi à se faire une journée de 2 à 3 fr 50.
.11 y a là un abus qu'il est du devoir des Syndicats
de faire disparattre le plus tôt possible, comme ils
doivent rejeter impitoyablement de leur sein tous les
-21—
•
marchandeurs, et les signaler à J'attention de leurs
membres.
Nous déclarons aussi que le travail aux pièces
doit être combattu énergiquement par les groupements ouvriers. Ce genre de travail n'est profitable
qu'aux patrons, qui basent leurs prix sur les plus
habiles de leurs ouvriers. D'un autre côté, il excite
la jalousie entre les travailleurs et empêche, par un
surmenage quotidien, d'employer un plus grand
nombre de bras.
Il est donc du devoir des militants de recommander le travail en commandite, comme cela se pratique
dans la typographie, ou à son défaut, le travail à la
journée et à l'heure.
Comme garantie pratique, nous demandons que
les décrets de 1848 soient énergiquement appliqués,
qu'ils soient complétés par une sanction pénale plus
rigoureuse, et que les délinquants soient justiciables
des tribunaux. Comme corollaire, nous demandons
l'abrogation de l'article 1799 du Code civil, ainsi
conçu :
a Les maçons, charpentiers, serruriers et autres
ouvriers qui font directement des marchés à prix
fait, sont astreints aux règles prescrites dans la
présente section : ils sont entrepreneurs dans la
partie qu'ils traitent. »
,
BOURSES DU TRAVAIL
Comme tous les travailleurs syndiqués l'ont compris, les Bourses du Travail sont l'organisme matériel et le complément indispensable pour parachever
et régulariser l'organisation syndicale ouvrière.
Par cc régulariser », nous entendons dire qu'il faut
apporter dans la formation des groupements syndicaux une méthode unique, dont l'emploi, mis en pratique dans toute la France, amènera' ce que nous'
voulons : la Fédération complète des forces ouvrières.
Prenant pour exemple la Bourse de Paris, on
peut se rendre compte des résultats que nous pourrons obtenir. En 1887, date de sa fondation, le nom-
,
t
3
.
bre des Syndicats était très restreint; 44 seulement
adhèrent à la Bourse. Les débuts furent difficiles.
car il fallait former une organisation dont on ignorait encore les rouages.
Cependant, la persévérance vint à bout des obstacles et, l'année suivante, le nombre des Syndicats
avait triplé. Depuis, la marche ascensionnelle s'est
toujours continuée, et aujourd'hui on compte plus de
260 Syndicats adhérents â la Bourse du Travail de
Paris, et représentant près de 300,000 travailleurs
organisés.
Ces résultats ne furent pas seulement profitables
pour Paris. La province suivit l'exemple donné, et
bientôt les villes de Lyon, Saint-Etienne, Boulognesur-Mer, Marseille, Bordeau.x,Toulouse, Cognac, etc.,
eurent aussi leur Bourse.
C'est surtout en 1889 que la propagande fut fertile.
En effet, les réceptions données par la Bourse de
Paris aux délégués ouvriers de province et de l'étranger, à l'Exposition et aux Congrès socialistes,
les renseignements à eux fournis, les encouragements qu'ils reçurent stimulèrent leur ardeur pour
créer dans leurs villes respectives des Bourses, du
Travail.
De plus, la Bourse du Travail de Paris, prenant
sur son budget, cependant peu élevé, tout ce qu'il
était nécessaire pour une propagande active, envoya
des délégués dans les centres ouvriers, pour engager les travailleurs à exiger de leurs Conseils municipaux la création de Bourses. Aussi les résultats
font bien présager de l'avenir.
Ce qui peut donner aux Bourses une grande force
morale et aider dans une large mesure à faire 'prévaloir les revenecations ouvrières, c'est la'Fédérar
tion des Bourses du Travail. De cette façon, les
travailleurs, reliés entre eux par son entremise,
peuvent s'entendre •et .obtenir les réformes qu'il s
sont en droit d'exiger.
Voici quelles sont nos idées principales
•,
Les Chambres syndicales doivent ètr.é uniques
par chaque profession
et par ville. : , •
Les Bourses du Travail doivent être organisées
de façon à répondre aux multiples besoins des travailleurs.
Lorsque cette grande besogne, dont la réalisation
doit être poursuivie simultanément par tous les Etats
européens, et en suivant autant que possible-une
méthode identique, sera devenue un fait, les travailleurs syndiqués, dans leurs Congrès internationaux,
n'auront plus qu'à fixer le mode de leur organisation
internationale.
SUPPRESSION DES BUREAUX DE PLACEMENT
Si une exploitation est odieuse entre toutes, c'est
bien celle des bureaux de placement, puisqu'elle
s'exerce contre les plus dénués des travailleurs
ceux atteints par le chômage.
Il est regrettable qu'après vingt-deux ans de République, les prolétaires en soient encore à deman-•
der la suppression de ces officines qui spéculent sur
la misère. N'est-il pas du devoir d'un Etat républicain d'aider et d'assister gratuitement tous les ouvriers dans la recherche du travail, faute duquel,
dans la société actuelle, ils sont exposés à mourir
de faim.
Depuis quelques années, une • propagande active
est faite pour amener cette suppression, et cela avec
d'autant plus de raison que le prolétariat s'organise
dans toutes les contrées de la France en Syndicats.
C'est à ceux-ci à. faire le placement des ouvriers de
lèui profession. Ce devoir incomPe aussi aux Bourses du Travail.
Là, cômnile partout,. le prolétariat se heurte au
mauvais vouloir de la classe capitaliste, •qui se
refuse à toutes relations avec les Syndicats ouvriers:
les patrons préférant s'adresser aux. ' bureaux de
placement, certains qu'ils sont d'y _trouver 'des salariés à plus bas prix.
Le Congrès ne saurait trop s'élever contre les
bureaux de placement, c'est pourquoi il demande •
leur suppression et une. loi punissant les contrevenants à des peines très rigoureuSes.
.
p
FÉDÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE DE MÉTIERS
Si les travailleurs veulent arriver à leur émancipation complète, ils ne doivent compter que sur
leurs propres forces. C'est don c à eux à s'organiser
pour arriver le plus vite possible à leur but. Nous
avons la conviction que c'est des groupements ouvriers que partira le signal de la Révolution sociale.
Eu conséquence, il appartient donc aux socialistes d'encourager la formation de Syndicats dans
toutes les villes, petites ou grandes. Ces Syndicats,
une fois constitués, doivent former entre eux des
Fédérations corporatives. Dans les villes qui ne
sont pas encore en possession de Bourses du Travail, les Syndicats ont pour devoir de former des
Fédérations locales. Les Fédérations doivent correspondre entre elles et se donner mutuellement les
renseignements dont elles ont besoin. L'intérêt général ?eur dicte cette conduite.
Plusieurs corporations ont depuis longtemps compris. les avantages de ces vastes groupements.
Nous pouvons citer, entre autres, les typographes
et les chapeliers, qui possèdent des Fédérations
très importantes et qui organisent continuellement
des délégations pour former de nouveaux Syndicats.
.11 n'est pas douteux que les typographes arriveront
dans un certain temps à être tous groupés sous le
même drapeau. Cette Fédération a déjà 125 sections
• en province- Les employés de chemins de mer ont
suivi la même voie et ne sont pas loin d'aboutir.- Les
mineurs tiennent un Congrès en ce moment pour
créer, eux aussi, leur Fédération. Il en est de même
des verriers_
Au point de vue moral, nous.;tenons à signaler
un des rouages de la Fédération des Travailleurs du
Livre, que nou.s voudrions voir adopter dans toutes.
lés corporations groupées.. Nous 'vouions parler
du viaticum, ou autrement dis t, secours de route
pour les voyageurs.
Lorsqu'un membre de cette Fédération est obligé
-de quitter une ville pour manque de travail, partout
.où il passe il a droit à un 'secours - en argent basé
-
e
-
-
-
.
-
_ 25
sur le nombre de kilomètres qu'il a parcourus. C'est
un droit pour lui, et non une aumône qu'il demande.
Tous les trimestres, la répartition de ces frais est
faite par les soins du Comité central, au prorata des
membres appartenant à. chaque section.
Il est dépensé environ 10,000 francs par an, ce
qui représente la somme de 1 fr. 25 par membre et
par année. Vous voyez que c'est relativement peu
pour chacun d'eux, et que cela sert énormément aux
malheureux parcourant les routes, par tous les
temps, à la recherche du travail. Ce droit n'est pas
reconnu seulement aux fédérés français, mais à
tous les travailleurs du Livre syndiqués, quelle que
soit leur nationalité
11 est impossible, dans ce rapport, de ne pas citer
le beau principe de solidarité qui existe dans le dé, partement des Ardennes, où les Syndicats sont plus
nombreux, en proportion, que n'importe où. Quand
un voyageur,- quel que soit son métier et sa nationalité, arrive dans un village où existe un Syndicat, il
n'a qu'à présenter une pièce constatant qu'il appartient â un groupement. Immédiatement, il trouve la
table et le coucher pendant assez de temps pour
qu'il puisse se reposer de ses fatigues. Lorsqu'il
quitte ces vaillants travailleurs il a toujours une
pièce d'argent en poche pour l'aider it aller plus
loin, où il a chance de trouver l'ouvrage qu'il
cherche.
Nous ne saurions trop engager les ouvriers à suivre ces exemples. Ils arriveront ainsi à attirer à eux
les indifférents et quelquefois les égoïstes qui ne se
mettent d'un groupement que si celui-ci peut leur
procurer des avantages plus ou moins immédiats.
Il est du devoir des Fédérations aussi, de créer
une caisse de chômage 'centrale, ou tout au moins,
si cette création était trop difficultueuse à appliquer,
d'engager les Syndicats adhérents à en créer sous
leur propre autonomie.
Partant de ce principe que les travailleurs ont
tous les mêmes droits et les • mêmes ennemis, sans
nous occuper des frontières, créges surtout pour les
.
-
2t;
diviser et permettre à la classe capitaliste de les
oppresser plus facilement, nous déclarons que le
prolétariat doit être organisé internationalement au
moyen de Fédérations corporatives. Celles-ci seront
appelées avec les organisations socialistes, â former
un Secrétariat général dans chaque pays, comme l'a
décidé le Cong'rès de Bruxelles.
C'est par l'organisation et la force que nous arriverons à vaincre.
LES PRUD'HOMMES
Nous considérons que tout salarié doit être justiciable des Conseils de prud'hommes, c'est pourquoi
le Congrès proteste contre le projet de loi actuellement soumis aux Chambres, qui propose la création
de Conseils de prud'hommes commerciaux, distincts
des Conseils de prud'hommes ouvriers: auxquels
seraient soumis, à. titre de salariés, les commis de
magasins et avec eux les garçons de magasins, véritables homme_ de peine.
Le Congrès proteste aussi, avec la plus grande
énergie, contre l'annulation des élections de vingtdeux conseillers prud'hommes de Paris.
Voilà, citoyens;comment nous entendons le groupement des forces ouvrières. Quand les travailleurs
en seront arrivés â cette apogée, les prérogativeS de
la classe bourgeoise ne résisteront pas longtemps
aux assauts prolétariens, et le sol, sous-sol et instruments de travail ne seront pas longs à devenir propriété collective, et profitable à tous.
rusoLuTioNs PROPOSÉES ET VOTÉES
Liberté complète pour les Syndicats ouvriers;
leur personnalité civile et obligatoire après simple
déclaration. Journée de. huit heures comme maximum. Salaire fixé par les Chambres syndicales ouvrières.
Suppression ctes articles 414 et 415 du Code pénal.
.Abolition du marchandage.. Abrogation de l'article
)
1799 du Code civil. Application des décrets-loi de
mars 1818. Suppression du travail aux pièces.
Organisation de Bourses du Travail dans toutes
les villes. Fédération de ces Bourses.
Suppression des bureaux de placement et droit
exclusif pour les Bourses du Trà.vail et Syndicats du
placement des ouvriers. Pénalités rigoureuses contre
ceux qui tenteraient la formation de bureaux de placement sous une rubrique quelconque.
Suppression des places de grève et construction
d'emplacements pour les ouvriers et ouvrières cherchant du travail, sous la direction administrative des
Bourses du Travail.
Affectation de fonds municipaux aux Bourses et
Syndicats ouvriers pour le placement des travailleurs. En cas d'absence de Bourse du Travail ou éloignement de celle-ci, droit absolu pour les Syndicats
ouvriers de tenir des réunions dans les locaux municipaux.
Organisation de Fédérations corporatives nationales et internationales. Abrogation de la loi sur
l'Internationale.
Etablissement de Conseils de prud'hommes dans
chaque canton, desquels seront justiciables tous les
salariés.
Le rapporteur, ALFRED HAMELIN.
Saint-Quentin, le octobre 1892.
Les membres de la Commission. :
TIÉTARD, GELEZ, Mit/NON, EMMÉLÉ.
DEUXIÈME QUESTION'
SUPPRESSION DES ARMÉES PERMANENTES. - FÉDÉRATION
DES PEUPLES
Rapporteur : J.-B. Clément
•
Bien que cette question ait été portée , l'ordre du
jour de tous nos Congrès ouvriers, tenus depuis
-
— 28 —
plus de dix ans, nous avons pensé que notre devoir
était de la signaler encore à l'attention des travailleurs, en raison surtout des événements sanglants
de Fourmies, de ce qui se passe à Carmaux et de
l'emploi menaçant que la bourgeoisie continue à
faire des armées permanentes.
En conséquence, comme au début de l'organisàtton du Parti ouvrier, plein encore du souvenir douloureux des journées de juin 1848, da coup d'Etat de
1851, des hécatombes prolétariennes de 1871, nous
en concluons plus que jamais â la suppression des
armées permanentes.
Et cependant, bien que nous ne soyons animés
par aucun sentiment de chauvinisme ou de patriotisme, nous n'hésitons pas à déclarer que nous ne
voulons pas devenir la proie des Attila modernes,
que si nous avons un chauvinisme, c'est celui de la
liberté et de la justice, garanties par la République
sociale; c'est dire que nous avons le chauvinisme de
la République sociale et universelle et que nous ne
voyons d'autres moyens de la fonder que par la suppression des armées permanentes, l'instrument criminel et inconscient des oppresseurs.
Quelques arguments ne sont pas inutiles en
faveur de cette idée hardie que nous avons osé affiriner à la face du vieux monde, guidé encore par
les idées reçues et l'esprit de routine.
Au point de vue historique , xl ne nous est pas
difficile de prouver, l'histoire en main, que ça n'a
-* jamais été les armées permanentes qui ont sauvé
les patries en danger. pas plus que les patries
envahies.
Depuis l'existence des armées, permanentes, idée
conçue à une époque oii elles avaient leur raison
d'être, nous ne le contestons pas, bien des guerres
fratricides ont ensanglanté le soldes pays de l'Europe.
EL pour rester dans les limites de l'histoire contemporaine, eus voyons que, chaque fois que le
territoire dit national, a été envahi, les gouvernements.relevant de ce qu'ils appellent le droit divin,
.
-
.
de même que les gouvernements bourgeois, n'ont
trouvé d'autre moyen que l'appel au peuple, c'est-àdire aux forces vives de la nation.
C'est ainsi qu'ils ont enrôlé; organisé des légions
de volontaires et sauvé les uns leur trône héréditaire, les autres leurs monopoles et leurs privilèges.
C'est ainsi qu'en 1792, la bour e,r :oisie déclarant la
patrie en danger, enrégimenle les enfants du peuple,
les immortels volontaires et que , repoussant les
vieilles armées aguerries des tyrans de l'Europe,
elle sauve sa Révolution et proclame la République
sur les ruines d'une royauté enracinée, en France,
par quatorze siècles de tyrannie.
C'est par l'appel au peuple et la nation armée,
que l'Allemagne, en 1.806, vient à bout de l'invasion
française; c'estainsi que l'Espagne, en 18e, repousse
encore l'invasion des armées de Bonaparte ; c'est
ainsi qu'en f813 la Russie met en déroute les armées
indomptables de Napoléon Ier.
La bourgeoisie, en 1870, il'agitpas autrement. Les
armées permanentes en déroute, battues, repoussées, fuyant dans une retraite restée à jamais inoubliable, c'est encore à l'armement du peuple qu'elle
a recours, c'est-à-dire aux miséreux, à ceux qui n'ont
rien à eux dans cette patrie. Et si, cette fois, le succès
n'a pas couronné leur dévouement et leur courage,
c'est que les bourgeois, à qui l'on avait eu la fai-;
blesse de confier les destinées de la France républicaine n'avaient d'autre patriotisme que la conservation de leurs monopoles, de leurs intérêts de crasse,
et d'autre but que l'humiliation et la déconsidération
des,armées populaires et leur écrasement en vue de
la plus honteuse des capitulations.,
Voilà, au point de vue historiqiie, des faits d'Une
authenticité indéniable. A ces preuves, nous pourrions adjoindre, ici, des chiffres d'une sauvage éloquence en faveur de nos conclusions, mais il faudrait
donner, à. ce rapport, une étendue que ne comportent pas les travaux d'un Congrès ouvrier.
Nous nous bornerons donc à fournir quelques
chiffres de nature à donner une idée du côté barbare
.
de la guerre et des énormes dépenses qu'elle enVoici, d'après une statistique, offic Alle comme un
discours du trône, publiée par les soins de la Gazette
militaire de l'Angleterre. Il résulte, que de 1859 à 1877,
c'est-à-dire de la guerre d'Italie jusqu'à la guerre
russo-turque, que les guerres ont coûté à l'humanité
en hommes 1,795,000, en destruction de richesse
69 milliards !
C'est donc la ruine, la misère à profusion dans
tous les pays de l'Europe et, pour beaucoup, la banqueroute à courte échéance, mais nous l'avouons,
pour nous, ces considérations sont d'un ordre secondaire, et ce qui prime pour nous, c'est le côté socialiste et philosophique de la question.
-- Nous ne croyons pas nécessaire de vous faire
remarquer combien ces 1,800,000 hommes auraient
pu être employés plus utilement à la cause du progrès et de l'humanité, et aussi combien ces 69 milliards auraient pu servir aux utiles institutions que
nous réclamons, alors que ces monceaux de cadavres et d'or n'ont servi qu'à l'asservissement de
l'humanité, à son appauvrissement' moral et matériel, et cela au profit des despotes de la politique et
des potentats du capital.
Il n'est pas non plus sans intérêt, de rappeler ici,
les côtés inhumains et esclavagistes de la discipline,
militaire qui .ne tend, à rien moins , q usit. faire de l'être
pensant et affranchi une machine à consigne, qu'elle
soit de ronfler ou de tuer père et mère, .frères et
soeurs ou compagnons de travail et de misère , réclaniant leur droit erexistence.
Et quel tableau épouvantable nous aurions à
tracer si nous devions faire la 'récapitulation des
engins meurtriers inventés en ces temps derniers en
vile des guerres futures. Ces étonnants inventeurs
qui font la joie des conquérants et des détenteurs du
capital, n'hésitent pas à consigner dans leur rapport,
monument d'opprobres et de massacres légaux;que
tout homme blessé sera un. homme perdu, que les
villes et les villages flamberont comme des. alla-
.
— 3i —
mettes, et que c'est par centaines de mille que les
hommes tomberont sur les champs de bataille.
Qui donc ne serait pas avec nous, et surtout _les
mères, pour ne pas demander la fin de ces hécatombes humaines ?
Mais bien naïfs seraient ceux qui ne comprendraient pas pourquoi nos adversaires de classe tiennent tant au maintien des armées permanentes. Ils
sont de deux sortes : D'une part, les despotes couronnés, pour le maintien de leur trône ; de l'autre,
les potentats du capital pour le maintien de leurs
privilèges, et, parce qu'ils ont entre leurs mains le
moyen le plus expéditif de mâter lés serfs de leurs
bagnes capitalistes en les faisant mitrailler ; et ces
derniers ne sont pas les moins redoutables que nous
ayons à combattre.
Notre idée, nous le savons , rencontre encore
bien des incrédules dans les rangs méme de ceux
pour qui la patrie n'est que la plus cruelle des
marâtres.' Ils n'en croient pas à la. réalisation, imbus
qu'ils sont des idées reçues. A ceux-là nous répondrons par des" faits récents et de nature àleur prouver
que notre idée est en pleine voie de réalisation.
Lorsque nous avons commencé la campagne pour
la suppression des armées permanentes, nous avons
été conspués, zalomniés , traités de Prussiens de
l'intérieur. Cela nous importait peu, il est vrai, habitués que nous sommes aux injures intéressées dé
nos adversaires.
.Et c'est en ne cessant pas notre propagandeque*
nous sommes parvenus à triompher des. idées .encroûtées des vieillés culottes de ipeau, qui prétendaient qu'il n'est pas -trop de toute la vie d'un' homme
.pour en faire un soldat. C'est ainsi qu'ils en sont arrivés à voter la loi de cinq ans, puis de, trois ans.
N'est-ce pas le principe sacre-saint des armées per- • **".
manentes battu en brèche, et la réalisation
• dé nos
voeux dans un avenir prochain. '
.
Nul ne saurait le: nier. -
,
Mais pour arriver. à.. ce.. résultat final, il ne' suffit
-
pas des bonnes intentions d'un peuple, il faut l'anion
de tous et le même mépris du chauvinisme.
De là nos efforts pour l'organisation des travailleurs en Syndicats non seulement nationaux, mais
internationaux; de là, notre propagande incessante
contre l'exploitation politique et économipie des
potentats et des capitalistes internationaux.
En conséquence,
Considérant que les armées permanentes sont
une cause de ruine, de misère et de menace de
guerre à l'état permanent;
Qu'elles sont un instrument terrible entre les
Mains deS ennemis du peuple;
Qu'elles sont une école d'abrutissement, de servitude et de massacres ;
Que c'est à leur tète et dans leurs rangs que se recrutent les faiseurs de Coups d'Etat, les ambitieux
et les fusilleurs du peuple;
•
.
Qu'elles n'ont jamais sauvé les patries envahies
sans le secours des légions populaires,
Le Congrès conclût â la suppression des armées
permanentes et à..leur remplacement par l'armement
du peuple;
Et pour cet: l'instruction professionnelle, scientifique et militaire de tous les enfants, mis à la
charge de la nation, et aussi et surtout l'abrogation
de la loi contre l'Internationale des travailleurs;
Et pour s'opposer aux projeti fratricides des gouvernants de tous pays, vote. qu'à une déclaration de
guerre, d'où .qu'elle vienne, .les socialistes de tous
les pays devront répondre par une déclaration de
guerre sociale;
•
• Et termine en déclarant qu.è nous protestons contre
toute gnerre fratricide .entre peuples,- contre toute
haine entre eux; que nous-voulons arriver à la disparition des frontières, et que notre idéal philosophique est de voir tous les peuples de la terre vivre
• dans la paix du travail, de la -liberté et de la justice,
.
.
.
sous le soleil de la République sociale et universelle ! .
Le rapporteur, J.-B. Crimm•rr.
Délégué de la Fédération des Ardennes.
Les membres de la Commission:
MARTELEZ', NOGENT, BACHELET, LECONTE-
TROISIEME QUESTION.
PREMIÉBE PARTIE : CRÉATION DE SYNDICATS AGRICOLES
(Rapporteur : Lefebvre).
Depuis 1876, la question du prolétariat agricole a
été étudiée dans différents Congrès. A première vue
il semblerait que cette question, telle qu'elle fut résolue par les Congrès qui précédèreut celui-ci, étant
mise en pratique devait donner des résultats. La mise
à. l'ordre du jour de cette question au Xie Congrès
semble démontrer qu'une lacune, qui n'avait pas été
prévue, existait, laissant à ce Congrès le soin de la
combler.
Après avoir examiné et classé les rapports élaborés pa'r les Chambres syndicales et. Cercles d'Etudes sociales qui se sont occupés de la question, le
Congrès déclare, qu'il convient de ne se cantonner,
ainsi que l'on fait lés Congrès précédents, dans un
ordre d'idées ne donnant aucun résultat. Cette question, dont l'immense portée ne peut échapper à personne, d'où dépend l'alliance des travailleurs agricoles et industriels, n'a jusqu'ici été traitée - qu'au
point de vue des intérêts des propriétaires terriens,
fermiers et métayers, sans tenir compte des travailleurs agricoles salariés, n'ayant comme moyen d'ixistenee que lesdits propriétaires fermiers et métayers
qui, %ainsi que les propriétaires, commerçants et industriels des villes, prélèvent la plus large part sur
leurs maigres salaires. Rompantavec ces errements,
.
3
1
provenant d'une fausse interprétation des véritables
intérêts de la classe des travailleurs agricoles, le
Congrès a pensé qu'il y avait lieu d'envisager la question au point de vue particulier de l'organisation des
forces ouvrières agricoles, c'est-à-dire organiser les
travailleurs des campagnes dans l'ordre d'idée qui a
présidé à l'organisati-m des travailleurs des villes
industrielles.
11 y a lieu d'indiquer ici quelques considérations
d'ordre général.
La centralisation agricole, quoique n'étant pas
aussi avancée que la centralisation industrielle, n'en
est pas moins en voie de réalisation, ainsi que le
prouve la statistique suivante :
Les terres n'appartenant pas à ceux qui les mettent en culture sont au nombre de 44 millions d'hectares, savoir :
16 millions d'hectares en bois, landes, marais,
terres en friches, pâturages et pacages.
4 millions d'hectares culnvés par des métayers.
12 millions d'hectares cultivés par des fermiers
locataires.
12 millions d'hectares cultivés par des salariés.
D'autre part, les terres appartenant à ceux qui les
cultivent pour leur compte ne représentent que
4 millions d'hectares, soit-1/12 du territoire.
4,800,000 exploitations représentant la très petite
et la petite culture, c'est-à-dire 12,450,000 hectares,
moins du quart de la surface exploitée.
747,000 propriétaires, représentant la moyenne
culture, p ossèdent environ 13 millions d'hectares.
Enfin, 142,000 propriétaires représentant ia grande
culture, possédent plus de 22 millions d'hectares,
c'est-à-dire à peu près la moitie:lu territoire.
Il en résulte que la moyenne, pour chaque exploitation, s'établit comme suit :
cour la très petite et la petite culture : 2 hectares
GO ares;
Pour la moyenne culture 17 hectares 40 ares;
Pour la grande culture :155 hectares.
On peut se rendre compte par ces chiffres que la
-
— 35
centralisation terrienne s'opère, quoique plus lentement, mais d'une facon continue, comme la centralisation industrielle.
Pour nous résumer, les rapports parvenus à la
Commission sont d'avis, â l'unanimité, de poursuivre
sans délai la création de Syndicats agricoles.
Tous, sauf deux, réclament que lesdits Syndicats
agricoles soient exclusivement composés des travailleurs agricoles salariés.
Enfin, tous les rapports réclament des Conseils
de prud'hommes agricoles.
DEUXIk3IE PARTIE : DES RAPPORTS A ÉTABLIR ENTRE LE
PROLÉTARIAT AGRICOLE ET LE PROLÉTARIAT INDUSTRIEL
Les rapports sur la deuxième partie de la troisième question sont unanimes à constater que tant
que le salariat subsistera, il sera nécessaire de
porter les conflits économiques sur le terrain politique, seul moyen laissé actuellement aux travailleurs organisés pour défendre leurs intérêts de
classe.
De plus, tous les rapports concluent à la création
de Cercles d'études sociales et d'action politique
agricoles. qui auraient pour but l'organisation de la
propagande au- point de vue politique, par tous les
moyens dont ils pourront disposer.
Les Cercles d'études sociales et d'action politique
devront viser, conformément . au pro„frramme'du
Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, la conquête .
des municipalités agricoles, et de faire passer le
pouvoir communal entre les mains du prolétariat
agricole organisé.
Résolutions •
1° Le Congrès invite les Bourses du Travail à organiser une active propagande qui devra avoir pour
résultat la création dans chaque canton ou commune
assez importante, ce qui sera déterminé par le chiffre
de population agglomérée, • de Chambres syndicales
.
.
ouvrières agricoles, analogues aux Chambres syndicales ouvrières industrielles ;
2° Création de Conseils de prud'hommes dans
chaque canton, ces Conseils seront chargés de juger
les conflits s'élevant entre patrons et ouvriers agricoles ;
3° Défense aux communes d'aliéner les biens
communaux; obligations d'en poursuivre l'extension
par tous les moyens ;
4° Exploitation des biens communaux par les
Chambres syndicales ouvrières agricoles;
5° Pour donnerauxChambres syndicales ouvrières
agricoles les moyens de mettre en valeur les biens
communaux, les Conseils municipaux, conquis par
les travailleurs,- mettront à leur disposition, à prix
de revient, tout ce qui est nécessaire à la culture :
engrais, semences, instruments aratoires, etc., etc.;
6° Création de Cercles d'études sociales et d'action politique agricoles.
Le Congrès invite les Fédérations du Parti ouvrier
socialiste révolutionnaire à organiser ces Cercles
d'études agricoles partout où l'on pourra.
Pour la troisième Commission:
Le rapporteur, LEFEBVRE.
QUATRIÈME QUESTION DES bi.F.SURES IMMÉDIATES POUR EN
ASSURER LE SUCCÈS
DE LA RÉVOLUTION ET
(Rapporteur : Chausse)
La question de savoir ce que le Parti ouvrier
ferait au lendemain de la Révolution, ayant été
maintes fois posée, la Commission du Congrès de
Saint-Quentin a décidé de porter cette question à
son ordre du jour.
Tout d'abord; nous croyons devoir répondre aux
diverses objections qui ont été formulées.
Un certain nombre de révolutionnaires croient
ne pas devoir se préoccuper d'évènements dont la
date, n'étant pas connue, nous laisse ignorer les
circonstances qui les accompagneront et aussi la
disposition d'esprit des masses au moment où ils se
produiront. De bons esprits craignent de -faire un
travail en pure perte, en prévoyant à l'avance des
choses aussi peu définies.
Voici ce que nous leur répondrons. Les militants
font chaque jour de la propagande auprès de la
masse pour l'engager à se révolter contre l'état social qu'elle subit. mais ces militants ne seront jamais
trop éclairés sur ce qu'ils feraient au lendemain de
la victoire.
Comment espérer une propagande efficace alors
que la plupart des socialistes hésitent à aborder une
question de cette importance.
Certes, bien des études ont été faites par de profonds penseurs, mais tous, ou presque tous, embrassent des systèmes complets qui sont d'une application impossible dans la plupart de leurs détails.
Nous n'entendons pas créer de toutes pièces un système d'organisation sociale, mais nous voulons et
saurons être prêts, afin de parer à tous événements
et n'être pas pris au dépourvu, dans le cas où des
circonstances, dont nous ne sommes pas maîtres,
nous mettraient une fois de plus dans l'obligation
d'organiser la Révolution.
Si nous recherchons la cause de l'échec de.toutes
les Révolutions qui se sont faites depuis le commencement du siècle, nous reconnaîtrons que la raison
déterminante est le manque de préparation.
En 1830, erifévrier 1848, commeen septembre 1870
et en mars 1871, le peuple, alors maître du pouvoiri
s'est laissé jouer par la bourgeoisie, qui a profité de
l'imprévoyance et de rinorganisation ouvrières pour
rétablir son pouvoir sous une autre forme politique.
. La Révolution estinévitable,prochaine peut-être,
par suite de l'obstination aveugle de la bourgeoisie
de n'accorder aucune réformé eMcace. Il faut fermer
les yeux pour ne pas voir que nous marchons à un
.
-
3
— 38 -cataclysme, plus
terrible peut-être encore que celui du
siècle dernier, etprovoqué par des causes identiques:
oppression des travailleurs par la classe possédante,
situation financière irrémédiable.
Citoyens délégués, nous n'avons pas la prétention de régler d'avance, et dans tous ses détails,
l'organisation future de la société ; tel n'est
pas notre mandat; nous n'avons à nous occuper que
des mesures à prendre au lendemain du triomphe
populaire, laissant aux Corporations ouvrières du
moment la charge de régler les divers services.
Nous ne voulons pas verser dans l'utopie,et nous ne
vous proposons que des résolutions dont l'application est indispensable à la défense de la Révolution.
Nous savons que, quels que soient la science et
le talent d'un architecte ou d'un ingénieur, maints
détails, mêmes importants, sont laissés à l'appréciation du dernier moment.
Cette réserve est encore justifiée par l'ignorance
des événements qui détermineront l'action. Il est
certain que les moyens et les résolutions se ressentiront des circonstances, notamment de la résistance de la bourgeoisie, aussi de l'étendue géographique da mouvement.; on prévoit facilement que la
besogne sera plus aisée si la Révolution est internationale ; évidemment, notre conquête sera plus
facile à défendre si plusieurs nations y ont participé.
En résumé, nous n'avons l'intention que_ de prévoir
les mesures de défense indispensables, à jeter les
bases de la société future, en fixant les points principaux, principes essentiels dans le développement
et l'application; quant aux détails, ils sont subordonnés à l'état d'esprit de la génération intéressée
- et au degré de civilisation. D'ailleurs, notre tâche a
été bien simplifiée par l'histoire contemporaine :
nous n'avons guère qu'à copier la bourgeoisie' d'Il y
a un siècle.
Aussi pacifique que nous dans son attitude, aussi
modérée dans ses réclamations, elle né devient révolutionnaire que par suite de la résistance de la
'royauté défendant les ordres privilégiés. Si oa lui
— 39 —
eût accordé quelques réformes, elle fût restée u royaliste constitutionnelle ». L'irréductibilité de ses adcomme nous, rendue révolutionnaire.
versaires
Lorsque, après le 10 Août, elle fut obligée de déclarer le pouvoir vacant, elle prit les mesures pour
assurer la conservation de la République qu'elle
venait de proclamer. Rien ne l'arrêta, car elle voulait
vaincre !
Levées en masse contre les émigrés qui conduisent les monarchies étrangères à. l'invasion ; guillotinades, mitraillades, noyades; selon les villes, elle
emploie tout pour terrifier les conspirateurs. Pour
parer aux besoins financiers, elle crée l'assignat,
gagé sur les biens nationaux.
Nous attendant aux mêmes difficultés , nous
devons étudier ce qu'a fait la bourgeoisie, et, vraiment, elle a trop bien réussi pour quénousne soyons
pas tentés d'employer ses procédés.
Parmi nos conclusions, nous vous signalons une
mesure spéciale, destinée à assurer l'existence de
tous pendant la période révolutionnaire, c'est-à-dire
pendant l'intervalle entre la vicfoire populaire et
l'organisation de la ledpv,blique sociale.
Tous,_ nous le répétons, auraient droit à cette
garantie à l'existence, même ceux qui jusqu'alors
auraient bénéficié des abus de la société, sauf, bien
entendu, à prendre les mesures pour leur ôter toute
.velléité de nuire au nouvel ordre de choses.
.Le Congrès comprendra toute l'iMportance de
-cette mesure .qui,. en assurant la vie de cbacun,
.réduira le nombre des mécontents.:
.
Conclusions •
A. — Fermeture des portes de toutes les 'Yaks
encléses. —Interdktion momentanée de circulation
à. l'intérieur aussi bien qu'à la frontière, afin.d'empêcher l'émigration des suspects:, —• Envoi; partout où
besoin sera, de délégués révolutionnaires. •.
immédfate des arniées. • LiCençiement de toutes les troupes existantes.;
-
,
— 40
C. Armement immédiat du peuple, confié â. la
prudence des délégations révolutionnaires.
D. — Occupation de tous les services publics :
Postes, télégraphes, etc.; changement de leur direction, en attendant la remise de leur administration
aux corporations.
E. — Mesures énergiques pour protéger la Révolution, que les attaques viennent du dedans ou. du
dehors.
F. — Désaffectation des églises, couvents, séminaires, bourses financières et commerciales, etc.
G. Le travail personnel étant le seul moyen
légitime d'acquérir , tous les contrats antérieurs
seront abrogés, nuls et de nul effet. — Tout contrat
de louage de personne sera interdit. — La Sociale
étudiera le meilleur mode de représentation de la
valeur d'échange. — L'intérêt de l'argent sera supprimé.
H. — Tout être humain doit le travail selon ses
forces. — La société prendra à sa charge les enfants,
. les malades, les infirmes, les vieillards.
Momentanément, et jusqu'à l'organisation socialiste de la production et de l'échange, elle garantit à
tous les moyens d'existence, de telle sorte que. personne ne soit atteint dans la satisfaction de ses
besoins légitimes, alors qu'il reste des produits en
magasin.
Pour ce faire, toutes les choses nécessaires à la
vie seront réquisitionnées.
• 1. — Annulation de toutes concessions. ---;;Expropriation de toutes les exploitations financières,
commerciales, industrielles et•agricoles.
J. — Annulation de tous les titres de propriété :
grand-livre, titres de rentes, actions, obligations,
etc., etc.
K. —.Socialisation \du sol, sous-sol, immeubles et
.
instruments de travail.
Citoyens, voilà les mesures qui, à notre avis, devront être prises dés l'avènement de la Révolution
sociale, et qui lui permettront d'organiser -les serviceià sociaux.
.
— 4i —
La politique, anéantie par suite de la disparition
de tous les privilèges, sera remplacée par une série
d'actes administratifs en vue d'assurer la production,
l'échange des produits et leur répartition équitable.
Nous laissons aux Congrès futurs le soin de compléter notre oeuvre.
Nous nous contentons d'esquisser le plan, les prochaines consultations des Groupes ouvriers devront
apporter le complément de ce programme.
En conséquence, le Congrès de Saint-Quentin a
décidé que tous les Congrès régionaux, nationaux et
internationaux, sont invités à porter la suite de l'étude de cette question à leur ordre du jour.
Le rapporteur, CHAUSSE.
Amendement à la 4e question, présenté par le
citoyen Arcès-Sacré :
La Terre ne peut plus être propriété privée, susceptible de vente ou de louage ; elle est chose
appartenant â tous, comme l'air, l'eau et la lumière
elle n'est pas susceptible d'être augmentée ni diminuée par le travail de l'homme. En conséquence,
elle ne saurait plus être partagée en domaines privés, avec le droit d'user et d'abuser, et même d'affamer la masse des habitants qui attendent d'elle leur
subsistance.
La Révolution sociale proclamant l'abolition du
patronat et du salariat et celle de la spéculation sur
le travail d'autrui, nul ne pourra occuper des serfs
agricoleS.
. D'autre part, comme il n'est pas permis de laisser
la Terre inculte, tout possesseur szlu sol devra faire
le délaissement de toutes les terras qu'il ne justifiera
pas pouvoir cultiver par son travail personnel ou
celui des siens. Les terres domaniales, ainsi délaissées, pourront être concédées parla société, seule
propriétaire du sol, aux corpoi-atiOns agricoles, soumises à la loi du travail collectif.
• Cependant, par mesure transitoire, et pour ne pas
offenser les intérêts des petits agriculteurs,; culti.
-
vaut de leurs propres mains le modeste héritage de
leurs pères, intérêts qu'ils ont pu croire légitimes
sous l'ancienne constitution sociale, la société propriétaire du sol, pourra en continuer la jouissance
viagère et personnelle à ceux d'entre eux qui voudront continuer à l'exploiter par. leurs bras, en
dehors des corporations agricoles collectives.
Il n'est pas douteux que cette situation ne sera
que transitoire et qu'elle durera peu; car les travailleurs agricoles travaillant isolément ne subsisteron:
que dans des conditions pénibles et médiocres;
tandis que les travailleurs agricoles qui auront accepté le travail collectif, tireront de l'association
des forces et de l'extension du machinisme, une
puissanse productive beaucoup plus rémunératrice.
Les mesures qui précèdent auront l'avantage
d'amener à nous, dès demain, une population rurale.
' évalué à 4 millions 1j2 environ. En effet, on ne pourra
plus essayer de leur persuader que les socialistes,
par un partage des biens, qui n'a jamais existé dans
notre programme social, entendent les exproprier
violemment de leur modeste patrimoine.
Il ne sera plus possible aux défenseurs du capitalisme de les soulever contre nous comme une
nouvelle Vendée,' puisque nous aurons augmenté
leur bien-être,. au lieu de le diminuer.
Enfin, ces mesures ne seront que l'application
sage et rationnelle du principe qui a justifié, il y a
un siècle, l'expropriation des biens de la noblesse
et du clergé, Les biens de ces anciennes _castes
embrassaient les trois quarts du territoire; aujourd'hui, les grands domaines, reconstitués par la bons geoisie capitaliste, et dont il sera fait délaissement,
couvrent la même étendue.
Comme nos pères, nous proclamerons ainsi :«
« 'Guerre aux châteaux! Paix aux chaumières l'»
En conclusion, nous présentons la résolution,
suivante :
a Afin de préparer les voies â la Révolution so-.
« ciale, le Congrès décide, comme mesure temporaire
« et purement transitoire, que les -posseaseurfLaa*
— 43 —
« tuels d'un modeste héritage , qu'ils cultivent de
« leurs propres mains, sans spéculation sur le tra« vail d'autrui, POURRoyT être maintenus dans la
« jouissance da leurs terres, sous la condition de
cc continuer une culture utile. Cette concession, toute
« personnelle, ne pourra être ni cédée ni louée.
Après discussion, à la majorité des délégués an
Congrès, cet amendement ne lut pas adopté.
CL•QUIÈME QUESTION
DES CONGRÈS INTERNATIONAUX nNI 1893 (=nu= ET CHICAGO).
— DES MOYENS PRATIQUES POUR FAIRE ABOUTIR LES
RÉSOLUTIONS DES CONGRÈS
•
Après consultation des rapports de la Chambre
syndicale des tisseurs et tisseuses, du Syndicat des
brodeurs de Saint-Quentin, du Groupe d'études sociales et d'action politique du Ine arrondissement;
du Cercle de Plaisance, de la Chambre syndicale des
tonneliers,- du Groupe de la Porte-Saint-Martin, du
Secrétariat du Parti, des Révolutionnaires du Coinbat, Fargeau. Xe (ire section), Xie (In et 2e sections),
du Cercle les" travailleurs socialistes de Saint-Ouen,
-votre cinquième Commission vous soumet le eCiurt
rapport suivant, pensant qu'elle n'a pas besoin d'insister sur l'utilité des Congrès nationaux et internationaux, votre présence au Xi' .Congrès national du
Parti on.vrie>justifiant leur tenue.
D'ailleurs, l'idée n'est pas nouvelle, et lorsque le
Tiers-Etat rédigeait, il y a plus d'un siècle, les cahiers
contenant ses revendications, tenait des assemblées
qui, en se généralisant, aidaient à son émancipation,
il faisait ce que nous continuons aujourd'hui pour
notre compte.
• C'est donc la même préoccupation qui nous fait
agir.
— 44 —
A son tour la classe ouvrière rédige t ses cahiers
du travail » et, d'une façon précise, à propos du mal
social dont elle souffre, elle indique nettement le
remède.
Si les résultats obtenus par les divers Congrès
ne sont pas définitifs, presque tous sont appréciables, les réunions entre cuvriers étant toujours efficaces.
Clest, d'ailleurs, de l'entrevue des tmvailleurEparisiens, délégués à l'Exposition de Londres de 1862,
que plus tard est née l'Association internationale
des Travailleurs, noyée en partie à Paris, en 1871,
dans le sang des prolétaires français.
Ce sont les Congrès ouvriers de l'Internationale
qui ont précisé les formules de réforme.
Sl les premiers Congrès internationaux tâtonnent
timidement, les affirmations sont plus incisives dans
ceux qui suivent Lausanne en 1867, Bruxelles en
1868, et Bile en 1869.
Le Paiti ouvrier, lui aussi, a depuis près de vingt
ans subi la même progression, et les résolutions
prises au début (Congrès de Paris 1876; ne ressemblent en rien â celles votées au Congrès national de
1891.
C'est que l'esprit révolutionnaire pénètre peu à
pe;u et que beaucoup d'esprits timorés ont endit
- compris qu'ils n'avaient rien et attendre de leurs adversaires de classe pour leur émancipation. .Cette évolution
intellectuelle, d'une partie du prolétariat, est d'un
bon augure. Il reste aux militants à prendre à. coeur
de la faire se généraliser afin de compléter efficacement les. travaux des Congrès et , prépa.rer rapidement à la révolution sociale qui, seule, peet- nous éman-
ciper.
En effet, il. ne suffit pas de prendre des résolutions, et d'attendre patiemment sous l'orme leur germination. Il faut convaincre rensemble de la masse
ouvrière du but à atteindre et faire passer dans les
faits lesdites résolutions par toutes sorteide- moyens,
selon les Milieux ; y compris lés demandes instan•
-
-
e
— 45
tés atiprès dés assemblées délibérantes, qui par
leurs refus prévus, nous permettront de faire la
preuve de leur mauvais vouloir 'et feront grossir les
rangs des mécontents, c'est-à-dire des révoltés qui,
demain, seront plus conscients de la tactique qui
s'impose.
Assaillir d'une façon continuelle l'ennemi, ne désarmer jamais et persuader la classe ouvrière
(excusez-nous d'insister sur ce point), que son émancipation totale ne peut fatalement découler que de
l'action révolutionnaire.
Donc, pour que cette agitation aboutisse finalement à un résultat positif, il est nécessaire que les
travailleurs groupés sous différentis dénominations
étudient les mêmes questions générales, prennent
des résolutions pratiques, s'engagent à les faire
aboutir, quitte à se servir de moyens divers, particuliers à leur organisation, pour arriver au but final.
D'où la nécessité de Congrès nationaux et internationaux.
Reste à examiner la possibilité de l'adhésion aux
dOngrès et des résultats présumés de chacun.
Le Congrès international de Bruxelles, tenu en
1891, décida. qu'un Congrès international devait se
tenir en Suisse en 4383.
Beaucoup . de .délégués pressentis, désireraient
voir le Congrès se tenir dans une ville suisse de
langue française, et cela pour la simple raison que,mécontents de l'autoritarisme de certains membres
du Congrès, une ville de langieallemande pouvait
`voir se reproduire lesmêmes faiis et offrirait moins
de 'garanties pour la liberté dans les 'débats.
En effet, des incidents brutaui( ont' été à.relever
dans la façon d'opérer d'une partie -dela:délégation
allemande; qui, voulant' à tout prix faire prévaloir
sa .tactique, n'hésita pas à tranSgresseedes rappOrts
de Commission, 'et substituer un rapport à un autre,
notamment à propos de la Fédération internationale
de métiers, C'est à ,cette tactique, inçOrrecte:ceitile -
•
.
-
:
-
Congrès de BiltxtilieS ddit ses cônélusioniarneutreià
3
.
— 46 -et son manque de précision dans la plupart des résolutions (1).
De plus, quelques délégués ouvriers anglais
remarquèrent, avec j ustes se, le peu d'initiative laissée
par les « chefs » au reste des délégués allemands.
Ils firent part à plusieurs délégués français de
leur désir qu'if. l'avenir il ne serait accepté, dans les
Congrès internationaux, que des ouvriers manuels,
et que ces délégués aient à faire la preuve qu'ils
venaient réellement aux frais de leurs mandants.
Nous pensons que la première partie de la proposition doit rigoureusement s'appliquer à propos
du recrutement des délégués à des Congrès de Syn,
dicats, mais que pour des Congrès internationaux,
d'une autre nature, elle excluraitirop systématiquement des bonnes volontés, et porterait atteinte é. la
liberté des délégations:: Néanmoins, nous disons
que des garanties sont bonnes à prendre, Mt sujet
de l'origine des mandats; nous croyons dope que
tous ceux qui seront délégués au Congrès interna-.
tional de Zurich devront y venir aux frais des
Chambres syndicales, Groupes corporatifs et politi(1) Lars Allemands provoqu.:.rent, au Congres international de 1889 l'adhésion, à la manifestation •intér.nationale.
du isr
Nous constatâmes avec étonnement, à Bruxelles, que
les Allemands ne suivirent pas la tactique librement consentie, qu'ils firent une tète quelconque pour le ler Mai,,
mais le dimanche après le fer Mai.
. Le Çongres de Bruxelles a, dans une de ses résolutions,
nettement affirmé que tous les ans, le l er Mai, les travail
leurs seraient invités à . quitteri Ze travail pour mcineestéi•
en faveur de la réduction de la journée de.travail.. •
.
• Les Alleritcadt cotèrent cette résolu:gon,
et, dès.lenr arri-
vée en Allemagne, les députés, délégués a: Bruxelles, Bebel*
et Liebknecht, se sont soustraits a leur- eng,aement,,ear
sur leur avis et a la 'presque unanimité, le Congres de
Beilin,teim en novembre 1892, a décidé dela& la manifestation le soir du ler'Mai. r. • . • .
. Nouslaissons au prolétariat français le soin d'appr&
Gier bonne foi des marxiste allemands, et leur souci dés=
•
debérations Innées.
- '? • • ;
.
-
-
— 47 —
ques s'occupant de l'émancipation des travailleurs,
et que s'ils bénéficiaient de subventions pour pourvoir aux frais de leur délégati on, c'est à la condition expresse qu'elles auraient été demandées par
des Sociétés ouvrières.
Il y a aussi un Congrès à Chicago, sur lequel le
Congrès de Bruxelles a attiré l'attention, en invitant à. s'y faire également représenter. Si le Congrès
de Bruxelles n'a pas uniquement fixé le prochain
Congrès à Chicago, c'est parce qu'il est impraticable
d'y aller en grand nombre, vu les frais que néces-:
site une pareille distance.
Malgré cela, nous croyons qu'il est possible de
tenir également un Congrès à Chicago, en bénéfi.
ciant de l'Exposition universelle de Chicago, pour
la visite de laquelle on pourrait demander des subsides aux municipalités pour l'envoi de délégués,.et
faire coincider l'époque du Congrès avec la venue
de délégations, comme cela a eu lieu à Paris,.en
1889.
D'ailleurs, les Syndicats ont, avec le Conseil municipal de Paris, créé de nombreux précédents, tels que l'envoi de délégations aux Expositions universelles de Vienne, Boston, Amsterdam, Anvers, etc.
La Conférence internationale de 1886, à laquelle
plusieurs nations étaient représentées, entre autres
l'Australie, dont le délégué eut â faire .plusieurs
mois de voyage, ne dut sa réussite qu'à la tenue de
la modeste Exposition ouvrière de 1886, qui organisa
cette Conférence.
Nous en concluons que des subventions doivent être demandées, et seront sans doute obtenues :des
municipalités françaises, que. les organisateurs devront s'entendre avec les partis ouvriers ,ou
sations constitués, pour faire converger ces déléga-:
tions à une date fixe; ce qui permettra la tenue' et la :
réussite du Congrès international de Chicago.
D'autre part, le Groupe républicain socialiste
d'Auxerre nous transmet la note suivante :
AUXERRE.
--
Groupe républicain socialiste.
dernière assemblée générale, le Groupe a dééidé
÷ Dans 'sa
.
I
i
I
— 4S —
représenté aux Congrès de Saint-Quentin et de Besançon.
A l'unanimité, le Groupe a adopté une proposition
demandant que le Congrès de Saint-Quentin mette à
l'étude la possibilité d'un seul Congres socialiste, où toutes
les écoles seraielt représentées, et qui se tiendrait tous les
ans dans une ville désignée par acclamation.
Cette question mérite que l'on s'y arrête, et nous espérons que les délégués l'étudieront de maniere a la faire
aboutir. ri y a urgence à ce que toutes les forces du parti
socialiste soient organisées dans un solide faisceau.
Cette détermination étant tardive, nous ne pouvons la prendre plus particulièrement en considération, attendu que les autres Congrès ont pris date
dans l'opinion publique depuis longtemps.
Enfin, la Bourse du Travail d3 Paris a fixé le
terme d'un Congrès national ouvrier pour 1893. à
Paris. Seuls, les délégués des Chambres syndicales
et Groupes corporatifs ouvriers y seraient admis. •
Nous applaudissons à cette détermination, et félicitons la Bourse du Travail de son initiative.
Elle a de puissants moyens pour faire aboutir ce
Congrès; nous lui souhaitons sincèrement bonne
réussite, et afin de lui prouver toute notre sympathie,
nous proposons — quoique ce sacrifice coûte au
Parti ouvrier que le Congrès de Saint-Quentin
décide que le Parti ouvrier n'organisera pas de Congrès national ouvrier en 1893, et laissera au Secrétariat général du Parti, de concert avec les Fédérations du Parti, le soin de fixer la date et la ville où
devra se tenir le Congrès national ouvrier en 1894,
au cas où, ce qui est malheureusement probable,
nous attendrions qu'il soit donné satisfaction à nos
légitimes revendications.
Quant aux mesures à prendre pour faire aboutir
les résolutions des Congrès, le seul moyen qui, à première vue, semble offert, consiste à s'emparer des.
prJuvoirs publics.
En effet, des ouvriers, dûment mandatés, décideraient dans les Congrès, soumettraient aux élus les
décisions, et ceux-ci n'auraient plus qu'à les voter,
l'administration appliquerait les lois et décrets, une
transformation complète s'opérerait forcément.
•
-
Mais le contraire existe; les travailleurs, à-de
très rares exceptions, votent contre les travailleurs,
et pourtant, avec de faibles moyens on pourrait,
d'une façon persistante, s'adresser actuellement,
pour les questions de salaires, règlements d'ateliers,
apprentissage,etc.,aux Conseils de prud'hommes qui
bientôt, si on le veut, verraient s'étendre leurs pouvoirs.
Pour les questions de travail d'ordre générique :
bureaux de placement, subvention aux ouvriers en
lutte contre le capital, etc., opérer auprès des municipalités; puis, pour le changement radical des lois
oppressives, faire des pressions constantes sur le
Parlement par de continuelles mises en demeure.
Des difficultés considérables empêchent de s'arrêter rigoureusement à ces mesures pratiques.
D'abord,malheureusementia campagne électorale est
difficile dans certaines contrées.
Témoin Carmaux!
Ensuite, ladite propagande électorale visant sou
vent à un résultat numérique, sans affirmations énergiques, nous semble négative. Il y a certes une progression des voix obtenues, mais non l'accenttiation
des volontés socialistes.
Il est clair que le résultat sera moins sensible en
considérant seulement les périodes électorales
comme un moyen d'agitation, groupant les énergies
en vue d'un mouvement révolutionnaire.
Il y aura plus tard. moins d'élus mais, Partant
plus de révoltés, et de là naît égarement la difficulté
de faire entendre directement la voix dés travailleurs dans les assemblées délibérantes, puisque de
ce fait letir accès deviendra presque impossible.
D'ailleurs, procédons par étapes.
Le Congrès initial de la séparation, des classés,
celui de Marseille, tenu en 1879 dit :
Que s'il est nécessaire .que le prolétariat soit
représenté dans tous les corps élus, il n'est pas
moins nécessaire- qu'une u Presse ouvrière » puisse
préparer et soutenir les. élections ouvrières socialistes, tout en vulgarisant les. principes.eles-idées,
.
-
-
;
;
—50-que les Congrès ouvriers ont inscrits au programme
prolétarien.
Nous retenons ce point concernant la presse ouvrière, pour aider à la conquête des pouvoirs publics par la lutte des classes, et regrettons de constater qu'à l'exception de rares organes hebdomadaires du Parti, et en dehors de la presse purement
corporative, presque rien n'a été fait pour la création d'un organe central officiel. Les militants .se
sont désintéressés de cette grave question.
Depuis, et à propos de la conquête des pouvoirs
publics, le Congrès national du Parti, tenu à Paris
en juin 291, a nettement indiqué la marche à suivre
en décidant
1° Affirmation énergique de la lutte des classes
pour arriver à leur suppression par l'égalité sociale ;
« 2' La présentation de candidats dans les élections, ne peut être considérée que comme un moyen
d'agitation en vue d'une action qui doit être rigoureusement ré voltztionnaire, sans satisfaction d'aucune ambition personnelle. »
Et le Congrès, passant directement à la possibilité
d'une action révolutionnaire autre que celle procédant de la
protestation électorale, dit ensuite :
Considérant, en outre, que tous les travailletirs
français, tous les travailleurs du monde souffrent
du même mal : la rapacité bourgeoise, l'oppression
capitaliste;
.« Que dans ces conditions,, outre les faits isolés
de grève qui se produisent continuellement, il est
nécessaire d'envisager l'éventualité d'une immense
levée de travailleurs qui, par !a grève générale nationale et internationale, donneront une sanction
aux grèves partielles et affirmeront ainsi plus énergiquement leur droit à la vie;
a Que cette grève générale doit être subordonnée à un-mouvement syndical accentué, qui, donnant
le dénombrement de nos forces, nous permettra
d'escompter la victoire. -
nnn••••n...n.n -n•-•••---nnn••n...1
• « Pour' ces -motifs,
4 Le Congrès décide ;
« lu Les groupements, syndicaux et politiques,
doivent être favorisés par une active propagande;
2° Ces groupements une fois généralisés, dans
une entente commune, la grève générale nationale
et internationale doit être décrétée, et pourra peutêtre précisément précipiter le dénouement par la
Révolution sociale, but de nos efforts. »
D'une part, la conquête des pouvoirs publics va
devenir plus difficile, de par l'affirmation de nos
théories en période - électorale; en quittant le domaine trop parlementaire, nous brisons avec les
vieilles coutumes et, d'un Parti de tactique,' devenons un
Parti d'action révolutionnaire.
Reste' le groupement syndical à mener activement
en vue d'une grève générale, par la création de
Fédérations de métiers, et les combats d'avant-garde
de grèves partielles, qui fixeront le degré de chance
d'une grève générale, objectif futur.
Sans abandonner la conquête des pouvoirs, puflics, nous pourrons porter plus spécialement nos
efforts sur la conquête des pouvoirs municipaux,.
tout en nous intéressant à la .campagne électorale.
législative; cette agitation révolutionnaire ne
pourra qu'activer l'échéance de.la Révolution.
Et, au cas où la bourgeoisie s'entêterait stupidement et aveuglément à se mettre en travers de_
l'émancipation ouvrière, aux élections législatives
de 1893, nous sommes décidés è. donner.une..sanction à nos délibérations. Nous emploierons :des:
moyens plus expéditifs et, nous inspirant des résolutions du Congrès de Saint-Quentin sur l'utilité des
Fédérations de .métiers, nous provoquerons la grève
gériérale,.qui paralysera les bourgeôis dans l'organisation de • l'Exposition -universelle de 190D. ,
Entre temps, il. faut rendre les Congrès responsalles de l'application: de 'leurs résolutions, enzpree
sentant, avant toutes choses, chaque Congrès.st&.
vant, line. appréciation .générale surla; ta.ctique-:ob;
,
-
,
-
-
-
52 —
servée et les résultats obtenus, et cela jusqu'à 1900.
Il est utile d'inscrire dès à présent : de /a, grève générale, aux Congrès de Zurich, Chicago et à celui de
Paris, organisé par la Fédération des Bourses du
Travail.
Nous pensons que les résolutions du Congrès de
Saint-Quentin devront ètre transmises au Sécrétariat du Parti ouvrier qui sera, naturellement, obligé
d'y donner suite.
En ce qui concerne plus particulièrement les décisions ayant trait aux. questions corporatives, ces
résolutions seront en mèrne temps transmises au
Secrétariat national du Travail, qui comprend les
Partis politiques, les Botirses du Travail et les Fédérations de métiers.
Ces diverses organisations seront invitées, etle Secrétariat du Parti tenu de présenter aux Congrés ouvriers suivants, des rapports détaillés sur la
suite donnée à nos résolutions par les résultats obtenus, afin qu'en lie renouvelle pas continuellement
les mêmes réclamations, sans jamais tenter de leur
donner une sanction efficace.
Cela activera l'évolution de la classe ouvrière,
la rendra responsable en lui inculquant la compréhension de ses droits, et elle sera alors obligée de
constater l'opposition systématique des dirigeants.
tl ne lui • restera donc plus qu'à appliquer le seul
moyen direct, préconisé depuis longtemps par le
Parti ouvrier, c'est-à-dire la Révolution violente, puisque lés bourgeois au Pouvoir auront fait échouer
tous les moyens pacifiques emPloyàs si naivement
et si patiemment par les travailleurs dupés. •
.
Résolutions
•
Adhésion à la tenue du Congrès de Zurich,
- sous le bénéfice des mesures de garantie mentionnées
au. rapport, à savoir r que les délégués n'y
.
viennent qufa,vec les subsides des Sociétés ouvrières,
soitque les subsidas 'viennent d'elles .ou
tionemunicipales •allouées p. des corporations ou-
-
Maillea.»
53
vrières s'occupant de l'émancipatien des travailleurs.
« Adhérer au Congrès de Chicago. Les délégations .
rendues possibles par des subventions municipales
pour la visite à l'exposition universelle de Chicago.
Faire également tout le nécessaire pour la réussite du Congrès qu'organisera la Fédération des
Bourses du Travail, et, pour ne pas en entraver le
succès, supprimer le Congrès du Parti ouvrier
en 1893. »
;
1
La Cammisson :
F.akrtrA.ux, TROC Mie
délégués des Mou-'
leurs de Saint-Quentin; LEGRAND,
délégué de l'Union fédérative du'
Centre; LAVAUD, rapporteur, délégué des Groupes du X° et du XIXei du Secrétariat du. Parti et de la Bourse
du Travail de Saint-Etienne.
P. S. A cet égard, le Congrès de. Saint-Quentin a
tenu à témoigner comme suit : u Le Congrès, tout en •
faisant abandon du Congrès national du Parti ouvrier
en 1893, invite la Bourse du Travail de Paris et la
Fédération des Bourses, à mettre à l'ordre du.jour
du prochain Congrès
« La question de la grève générale,
4: Et l'invite également à'coinpléter son ordre .du
jour d'ici la fin de l'année, pour permettre aux orga r
nisations syndicales d'étudier cet ordrédu jour.
-
Pb.
1
PROGRAMME LÉGISLATIF
adopté au Congrès tenu à Saint-Quentin
du 2 au 9 octobre 1892
Considérant,
Que l'émancipation des travailleurs ne peut être
l'oeuvra que des travailleurs eux-mêmes;
Que les efforts des travailleurs pour conquérir
leur émancipation, ne doivent pas tendre à constituer
de nouveaux privilèges, mais à réaliser pour tous
l'Egalité et, par elle, la véritable Liberté;
Que l'assujettissement des travailleurs aux détenteurs du capital est la source de toute servitude politique, morale et matérielle;
Que, pour cette raison, l'émancipation économique des travailleurs est le grand but auquel doit être
subordonné tout mouvement politique ;
Que l'émancipation des travailleurs n'est pas un
problème simplement local ou national, qu'au contraire ce problème intéresse les travailleurs de tontes
les nations dites civilisées : sa solution étant nécessairement subordonnée à leur concours théorique et
pratique;
Par ces raisons,
_ Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire dé.
.
clare :
1° Que le but final qu'il pourstiit est l'émancipation complète de tous les êtres humains, sans distinction de sexes, de races et de nationalités;
2° Que cette émancipation ne sera en bonne voie
de réalisation que, lorsque .par la socialisation des
moyens de produire, on s'acheminera vers une société communiste dans laquelle « chacun donnant
selon ses forces, recevra selon ses besoins »;
—5—
Que pour marcher dans cette voie, ii est nécessaire de maintenir, par le fait historique de la distinction des classes, un parti politique distinct 'en.
face des diverses nuances des partis politiques bour. 30
geois;
40 Que
cette émancipation ne peut sortir que de'
l'action révolutionnaire, et qu'il y a lieu de poursuivre, comme moyen et à titre de propagande, la conquête
des pouvoirs publics dans la Commune, le Département et l'Ete.
Pour aider à la réalisation de ce but,. le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire présentées mesures
suivantes
PARTIE POLITIQUE
Ami= PREMIER.
Suppression du Sénat et de
la Présidence de la République. —Reconnaissance,
par la loi, du mandat impératif, et son assimilation
au mandat civil.
ART. 2. — Législation directe du Peuple, c'est-à•
dire sanction populaire en raatière législative.
Obligation pour les mandataires du Peuple de
résoudre • d'urgence, et dans la session où. elles auront été déposées, les propositions émanant d'organisations ouvrières.
ART. 3. Suppression du budget des cultes, et.
retour à la nation des « biens dits de mainmorte,
meubles et immeubles, appartenant aux corpora;ons religieuses » (décret de la Commune, dta avril' •
1811),. et de ceux des familles ayant régné ep. France,
y compris toutes les annexes industrielles et commerciales des corporations religieuses.ART.. 4. — Suppression de la magistrature, rem-. '
placée par des jurys élus dans chaque commune.
Justice gratuite; revision, dans-un sens• égalitaire,.
des articles du Code qui établissent l'infériorité poUtique ou.civiie des travailleurs, des femmeeet des
" .t
enfants naturels.:
-.
• •
5.-- Suppression des années permanentes ;
armement général .du peuple.: •
;•
-
.
-
:
.
ART. 6. —
Abrogation de toutes les lois sur la
presse, les réunions, les associations, notamment
de la loi contre l'Internationale.
ART 7. — Les communes maîtresses de leur administration, de leur budget, de leur police et de
leurs services publics.
ART. 8. — Liberté d'entente entre les communes.
.
PARTIE ÉCONOMIQUE
Instruction intégrale et professionnelle
de touc: ileâ enfants, mis pour leur entretien à la
ciezrge de la société, représentée par la commune et
par l'Etat.
ART. 10. - Repos d'un jour par semaine ou interdiction, pour les employeurs, de faire travailler plus
de six jours sur sept.
ART. IL — Réduction de la journée de travail à
huit heures au maximum. — Au-dessous de dix huit
ans, fixation de la durée de la journée à six heures.
Interdiction absolue du travail de nuit pour les
enfants. Pour les adultes, le maximum de la durée
de ce travail fixé à six heures.
Fixation du salaire par les corporations ouvrières.
Application du dééret de 1848, qui interdit le marchandage sous peine d'amende et de prison.
ART. 12. — Responsabilité des patrons dans tous
les cas d'accidents; paiement d'une indemnité proportionnelle au dommage causé.
ART. L. — A travail égal, salaire égal pour les
travailleurs des deux sexes.
ART. 14.— Interdiction du travail dans les prisons
an-dessous des tarifs élabores par les corporations
ouvrières.— Suppression absolue du travail dans
les couvents, ouvroirs et autres établissements
.
religieux.
ART. ï5. — Interdiction absolue, pour les employeurs, de s'immiscer dans l'adminiistration des
caisses ouvrières. — Restitution aux ouvriers de
l'actif des caisses ouvrières existantes.'
ART. 9.—
I
J
ART. 16. — Interdiction aux employeurs de tonte
réduction de salaire, par voie d'amendes oa autrement.
Aux. 17. —La surveillance des ateliers, fabriques,
usines, mines et services publics, concernant les
conditions de travail, d'hygiène et de sécurité, sera
exercée par des inspecteurs élus parles corporations
ouvrières.—Les infractions aux cahiers des charges,
aux lois et aux règlements seront jugées sans appel
par les tribunaux réorganisés des Conseils se prud'hommes.
ART. 18. — Annulation de tous les contrats ayant
aliéné la propriété publique. — Suppression de la
Dette publique.
ART. 19. — Mise à la charge de la société des
vieillards et des invalides du travail.
ART. 20. — Abolition de tous les impôts indirects.
Etablissement d'un impôt unique et fortement progressif sur l'avoir de chacun (capital et revenus). —
Seront exonérés d'impôt les revenus ne dépassant
pas trois mille francs.
Retour à la société des héritages en ligne éollatérale. Pour les héritages en ligne directe, retour à
la société de l'excédent an-dessus de vingt mille
francs. Abolition du droit de tester.
.11
QUESTIONS INTÉRIEURES DU PARTI
Après l'adoption des rapports qui précèdent, et la
modification du Programme législatif, le Congrès a
voté les mesures suivantes
Questions de Discipline
Le Congrès a adopté
10 En période électorale, l'on devra viser la propagande avant le succès.
Aucune alliance ne pourra être faite, même au
second tour. Si, pour la période de ballôttage, le Parti ouvrier
se retire, il devra le faire sans aucune indication de
préférence à l'égard des candidats restants.
2° Les membres élus devront surtout s'employer
à répandre les idées du Parti travers les départements;
Leur rôle, dans les Assemblées, consistera â faire
des mises en demeure, ainsi qu'à déposer et ô. défendre,-au nom du Parli, toutes propositions qui leur
seront remises par ce dernier.
3° Les Fédérations 'fixeront le chiffre de la retenue
qui `devra être faite sur l'indemnité ou la rétribution
perçue par les élus. Cette retenue devr•servir à la
propagande.
4°. Les tournées de propagande des élus seront
organisées par le,Seèrétariat général, d'accord avec
les Comités fédéraux ou régionaux.
•• 5° L'art. 4 du règlement du Secrétariat général est modifié en ce sens: que chaque Fédération existante devra nommer cinq délégués au lieu de trois..—
L'art.6 du dit règlement est également ainsi modifie
.
-
••n••1n11 M. MIR
• il. •
59 -les conseillers prud'hommes pourront faire partie
du Secrétariat général.
Questions de Tactique
10 Le Parti profitera des périodes électorales
pour faire de la propagande socialiste-révolution-.
naire. Il y aura des candidats partout où cela sera
possible.
20 A. l'ouverture de la période électorale, il sera
apposé une seule affiche, signée par les Groupes du
Parti. Elle contiendra une déclaration de principes
et la présentation du candidat.
Toute autre publication, faite par les Groupes ou
Comités électoraux, devra se renfermer dans les
principes da Parti ;
Le Parti ouvrier, dans sc:n ensemble, devra rechercher les moyens pratiques de fonder un Bulletin
officiel renfermant ses décisions..
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CLOTURE DU CONGRÈS
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3banirestation socialiste
Dés ses premières séances, dans le but de clôturer ses travaux par une imposante manifestation
socialiste, le Congrès avait décidé de tenir une
grande réunion publique et contradictoire.
D'une part, il voulait soutenir, vis-à-vis des élus
législatifs du département de l'Aisne et des conseillers municipaux de Saint-Quentin, une discussion
publique approfondie sur les principes du Parti
ouvrier. D'autre part, comtale conclusion pratique, il
désirait soumettre, à l'approbation des travailleurs
de Saint- Quentin et des environs, les diverses résolutions qu'il avait prises sur les questions figurant
à son ordre du jour.
C'est ainsi que fut organisée. dans la vaste salle
du Cirqué, pour le samedi. soir, 8 octobre, une-grande
réunion publique et contradictoire avec l'ordre du
jour suivant
1° La grève de Carmaux ; lois ouvrières ;
2° Suppression des armées permanentes et Fédération des peuples ;
3° De la Révolution et des mesures imméditites
pour en assurer le succès ;
4° Des Congrès internationaux de 93 : Zurich et
Chicago ;
5° De la grève générale.
-
Des affiches furent apposées dans la ville, des
convocations furent envoyées à la presse et, enfin,
tous les députés de l'Aisne et les conseillers municipaux de Saint-Quentin reçurent des lettres d'invitation, adressées 3 jours à l'avance.
Les travailleurs répondirent nombreux à. rappel
— 61 —
du Congrès ; dès huit heures du soir, plus de deux
mille citoyens se pressaient dans la salle du Cirque.
Aussitôt le bureau constitué, le président déclare
la séance ouverte. Il donne lecture de deux lettres
l'une du député Castelin, prévenant qu'il ne peut
venir, étant retenu à Chauny, et demandant au Congrès de lui fixer an autre rendez-vous ; l'autre, du
. député Dumonteil, ainsi libellée
Monsieur,
« J'ai reçu l'invitation que le Congrès de SaintQuentin a bien voulu me faire adresser pour sa réunion de samedi.
• « Je vous remercie de cette attention il ne me
sera, cependant, pas possible d'en profiter.
« Certaines parties de votre programme me semblent justes, je le déclare.
cc Mais il en est une sur laquelle nous ne pourrons jamais être d'accord : c'est celle qui a trait à la
suppression des armées permanentes.
Ces théories, soutenues avant 1870, par des hommes qui sont aujourd'hui au fane du pouvoir et des
honneurs, n'ont pas été étrangères à nos désastres.
« J'estime que c'est un crime de lèse-patrie d'oser
même en parler, tant que l'Alsace-Lohuine ne sera
pas redevenue française.
- « Ne pouvant accepter aucune solidarité avec les
-partisans de ces doctrines, ma préSence au Congrès
ne serait pas justifiée.
« Recevez, monsieur, etc., etc.
« L. Dumorrrn.. »
c
-
La lecture de cette seconde Mettre soulève dans
l'auditoire de vives protestationà et des interrupticns pacsionnées.
Le préSident annonce que le Congrès, par télé
gramme, a donné rendez-vous au député Castelin,
pour le lendemain, dimanche, à la sage Flamant, à
4'heures du soir. La parole est ensuite donnée au délégué des Arctennes Il 'constate l'absence'dé tous' les * élUS in.
-
4
.
_ 62
vités à la contradiction : « Ils n'ont pas osé affronter
le débat, tous ont eu la ci frousse », à l'exception du
député Castelin qui, nous le pensons, ne manquera
pas de venir demain à la salle Flamant ». t Quant au député boulangiste Dumonteil, qui
considère comme un crime de lèse-patrie la. suppression de= armées permanentes, nous répondrons,
nous, que leur maintien est plutôt un crime de lèsehumanité, et que son absence n'est ni plus ni moins
qu'une capitulation. »
Au milieu d'un calme absolu, le délégué des Ardennes donne lecture des résolutions prises au
Congrès ; elles sont accueillies par les applaudissements répétés de la salle entière. Puis il aborde
la questién de la suppression des bureaux de placement, cependant si faciles à supprimer d'uu trait
de plume par ceux qui détiennent le pouvoir.
Dans une énergique péroraison, il reconnaît que
les dirigeants ne sont pas les seuls coupables, qu'une
bonne partie de la classe ouvrière manque de virilité et de solidarité entre elle...
Et cependant, il serait si facile pour nous de
profiter des leçons qui nous ont été données par la
bourgeoisie ! Ne sommes-nous pas le nombre ? Ne
pourrions-nous pas nous donner la main et chanter
la Carmagnole, en dansant en rond. autour des bourgeois, mais en ayant le soin, à chaque couplet, de retrécir le cercle pour, qu'à la fin, il ne reste plus rien
de ces parasites. (Applaudissements prolongé.)
L'orateur parle ensuite des Ardennes, le pays
des c gueules noires », comme on l'appelle. Il dit
que par les efforts de la Fédération des Ardennes
les salaires ont été élevés de 20 â 25 0/0, et qu'on
peut compter que, au premier coup de clairon, il y
aura là 35,000 travailleurs qui arriveront au secours
de la Sociale.
Le délégué des Tonneliers parisiens commente
la réponSe du" député Dumonteil, en la qualifiant
d'échappatoire et de mauvais prétexte pour ne pas
venir discuter les théories socialistes. 11 est donc
'acquis désormais, dit-il, que les" défensehrs des
— 63 —
privilèges de la classe bourgeoise n'osent plus
affronter la discussion publique devant les défenseurs du Socialisme. En cela, ceux gui tiennent un
mandat du peuple sont surtout coupables, car ils ne
peuvent échapper à ce dilemme Ou nous avons
raison, et alors ils doivent venir le reconnaître publiquement; ou, si nous avons tort, leur devoir strict
et impérieux est de venir nous combattre face à
face. Mais non, ils espèrent, en désertant le débat,
pouvoir ménager la chèvre et le chou, sauver ainsi
leur situation personnelle. Heureusement, le peuple
voit plus clair chaque jour, et il rend maintenant
justice à la sincérité et à la franchise de ceux qui
défendent la cause sociale.
Reprenant la question des armées permanentes,
le délégué des Tonneliers, rappelle l'étection de
Gambetta, élu â Belleville avec un programme dont
le premier article réclamait leur suppression. Cela
était bon pour la bourgeoisie alors qu'elle voulait
renverser l'Empire, et que l'armée permanente pouvait être un obstacle à ce renversement. Aujourd'hui
cette classe a rechauss4, les souliers de l'Empire,
dont elle continue à maintenir le système politique
et économique, et, comme c'est elle qui est maîtresse
de l'armée permanente, elle la conserve afin de s'en
faire un instrument, au besoin meurtrier, contre les
revendications du Peuple. 11 n'y a donc pas d'autre
solution, dit-il, que d'arracher à cette classe les pouvoirs publics, et en même temps la force que ces
derniers lui donnent contre nous. Pour y arriver il
faut que tous les travailleurs s'unissent et forment
un grand parti distinct, leur parti et eux. Il termine en
disant que les travailleurs de Saint-Quentin doivent
marcher énergiquement vers ce but, en s'effore,ant
de rallier tous les salariés du Nord. de la France.
Le président offre la parole aux contradicteurs,
s'il s'en trouve dans la salle. Après un moment d'attente, et personne ne se présentant à la tribune, la
parole est donnée au délégué du Cercle typographique de Paris. L'orateur critique l'absence des représentants législatifs de l'Aisne, ces orgueilleux qua
— 64 —
l'ou prend pour des aigles et qui ne sont que des
« oies endimanchées. »
Parlant des traités de commerce, dont certains
ont été si ruineux pour les travailleurs, il constate
que ce sont justement les soi-disant savants, élus par
lès ouvriers inconscients, qui ont fait ces traités, et il
rappelle qu'à Saint-Quentin, en 1883, il y avait plus
d'union, plus de volonté et moins de misère... (Voix
nombreuses : C'est juste !)
Il y a une dizaine d'années on était déjà malheureux, mais aujourd'hui on l'est davantage, avec cette
circonstance aggravante que l'on a vieilli. L'orateur
serait heureux que les tenants de la bourgeoisie
vinssent lui démontrer le contraire. Mais non, ditil, ils ne peuvent venir contester cette misère, qui s'étend comme une lèpre hideuse, et dont nous voyons
à Saint-Quentin même tant d'exemples. Des enfants
souffrent la faim, sont à peine couverts, marchent
pieds nus. Cette situation ne peut s'éterniser; il faut
que toutes les citoyennes, les mères de famille, nous
apportent leur concours, et rappellent leurs maris au
devoir, s'il en était besoin. »
Le délégué du Cercle typographique demande si
l'Assemblée est décidée à admettre les résolutions
du. Congrès et si les travailleurs doivent s'unir,. dès
maintenant, en une vaste Fédération ?
De nombreuses mains se lèvent de tous les points
de la salle, et le président debout, déclaré que le
Parti ouvrier socialiste révolutionnaire prend acte
de cette adhésion pour ainsi dire unanime. (Longs
applaudissements.)
Un membre du Secrétariat national du Travail
Vient ensuite faire un appel énergique aux citoyens
et citoyennes • de 'Saint-Quentin et de la région, en
vue d'une organisation solide des forces ouvrières,
organisation qu'il est indispensable de réaliser au
plus tôt. A. ce sujet, il explique les débuts du Congrès de Saint-Quentin et les difficultés qu'il a fallu
surmonter.
Après un second appel,` la contradiction, resté
également sans réponse, le délégué du Cercle de
.
.
Plaisance analyse, dans un rapide examen, la situation du travailleur, et donne des renseignements
fort utiles sur les moyens à employer pour s'affranchir du joug du patronat.
Le dernier orateur inscrit, le délégué de la section des chemins de ler de Saint-Quentin, constate
que la misère vient aussi s'abattre sur les ouvriers
des champs, et qu'il ne faut pas les oublier ; il juge
leur concours nécessaire pour l'avènement du socialisme. Dans une argumentation, qui révèle une
grande connaissance de la situation semi-industrielle et semi-agricole des ouvriers de la région, il
fait comprendre les causes de leur appauvrissement, et il conclut que travailleurs des villes et des
campagnes doivent marcher avec ensemble, s'ils
veulent les uns et les autres conquérir leur émancipation économique.
Sur une proposition, l'Assemblée décide d'envoyer toutes ses sympathies aux courageux grévistes de Carmaux. Il est aussi décidé qu'une quête
sera faite à là sortie et partagée moitié pour Carmaux et moitié pour les grévistes de Saint.Quentin.
(Grève Hamel.)
La séance est levée au cri de : « Vive le Parti
ouvrier !
La quête a produit une somme de 68 fr.,
qui a été remise à la Commission d'organisation,
pour qu'elle en opère le partage conformément au vote de l'Assemblée.
A la réunion de la salle Flamant, qui eut lieu le
lendemain, dimanche 9 oétobi;e; quelques délégués
du Congrès ont vainement attendu le député. Castelin contrairement à sa promésse écrite, il ne s'y
Nota.
—
est point présenté.
-
4.
PROGRAMME MUNICIPAL
adopté par la Fédération du Centre (1893)
Considérant.
Que l'émancipation des travailleurs ne peut être
l'oeuvre que des travailleurs eux-mêmes;
Que les efforts des travailleurs, pour conquérir
leur émancipation, ne doivent pas tendre à constituer
de nouveaux privilèges, mais â réaliser pour tous
l'Egalité, et, par elle, la véritable Liberté
Que l'assujettissement des travailleurs aux détenteurs du capital est la source de toute servitude politique, morale et matérielle .;
Que, pour cette raison, l'émancipation économique des travailleurs est le grand but auquel doit être
subordonné tout mouvement politique;
Que l'émancipation des travailleurs n'est pas un
problème simplement local ou national, qu'au contraire ce problème intéresse les travailleurs de toutes
les nations dites civilisées : sa solution étant nécessairement subordonnée à leur concours théorique et
pratique ;
Par ces raisons,
Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire déclare
1° Que le but final qu'il pouriuit est l'émancipaition complète de tous les êtres humains, sans distinction de sexes, de races et de nationalités ;
2° Que cette émancipation ne sera en bonne voie
de réalisation que, Îorsque par la. socialisation des
moyens de produire, on s'acheminera vers une société communiste dans laquelle « chacun donnant
selon ses forces, recevra selon ses besoins »;
-
.
.
.
— 67 —
3° Que pour marcher dans cette voie, il est nécessaire de maintenir, par le fait historique de la distinction des classes, un parti politique distinct en
face des diverses nuances des partis politiques bourgeois ;
40 Que cette émancipation ne peut sortir que de
l'action révolutionnaire, et qu'il y a lieu de poursuivre, comme moyen et et titre de propagande, la conquête
des pouvoirs publics dans la Commune, le Départe ment et l'Etat.
Pour aider à la réalisation de ce but, le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire présente les mesures
suivantes
.
PARTIE POLITIQUE
Droit pour toutes les communes, sans exception, d'élire leurs maires, adjoints,
commissaires de l'Assistance publique et membres
des Commissions scolaires.
ART. 2. Rétribution des fonctions de conseiller
municipal et de toutes celles établies par la Commune.
ART. 3. — Ratification des délibérations prises en
Conseil, non plus par les agents du pouvoir, mais
dans les cas importants, comme celui du budget
ou d'emprun,t par exemple, par le vote populaire.
ART. 4. — Affichage des décisions prises au Conseil municipal. Mise à la disposition des élécteurs,
des Sociétés ouvrières et des Groupes socialistes,
des locaux appartenant à la Commune.
ART. 5. — Egalité civile et. politique de la femme.
ART. 6. — Introduction,.en matière judiciaire,
'.
principe de l'arbitrage; ce dernier déféré à des jurés
élus par les électeurs de la Commune.
AR.T. 7. — Licenciement . des troupes de. police. gouvernementales. Armement général du peuple.
ART: 8. — Démission en blanc de tout candidat,
remise au bureau régional du Parti ouvrier.1:.enARTICLE PREMIER.
-
,
,
— 68 —
seffible des Groupes pourra, seul, exercer le droit de
révocabilité.
Nul ne pourra faire acte de candidat s'il n'a déféré
à cette obligation.
ART. 9. — Les conseillers du Parti ne doivent
accepter aucune fonction au bureau des Conseils
municipaux et généraux dont la majorité ne serait
pas socialiste.
ART. 10. - Liberté d'entente et de coalition entre
les différentes communes.
ART. 11. Mandat donné à chaque conseiller municipal de voter contre toute candidature de délégué
sénatorial.
PARTIE ÉCONOMIQUE
ART. i2.
— Cessation des aliénations des biens
communaux; retour à la collectivité de ceux à provenir des expropriations futures.
ART. 13. — Transformation en services publics
communaux ou départementaux, des monopoles des
grandes Compagnies (omnibus, tramways, bateaux,
eaux, gaz, etc.), tous ces services devant fonctionner
désormais, sillon gratuitement, au moins à prix de
revient.
ART. 14. —Etablissement d'industries municipales;
création de greniers, minoteries, boulangeries, boucheries; pharmacies et services de santé, ouvertures de bazars, construction de maisons salubres,
le tout à titre municipal, pour combattre les spéculateurs au profit des travailleurs.
Interdiction de tout paiement pour 'loyers d'avance.
Impôt de 200/0 sur les locaux non logés' et sur les
terrains non bâtis.
ART. 15. — Education et- instruction intégrales de
tons les enfants mis, pour leur entretien à. la charge
de la société.
AR.T. 16. Généralisation du service de statistique
communale. .
— 69 —
i7. — Organisation, par la société, de son
assistance et des différents services de la sécurité
publique. Mise à la charge de la société, des vieillards et des invalides du travail.
ART. 18.— Suppression des bureaux de placement
et généralisation des Bourses du Travail.
ART. 19. — Suppression des octrois et de tonte
taxe de consommation, et leur remplacement par
un impôt fortement progressif sur tous les revenus
dépassant 3,000 fr., et sur/les héritages au-dessus de
20,000 fr.
Intervention obligatoire de la commune dans les questions de travail •
10 Par des mesures tendant à ce que le travail
des prisons ne fasse plus concurrence au travail
libre;
20 Par des subsides accordés en cas de grèves
aux Chambres syndicales onvrières;
3• Par des règlements visant la sécurité publique
et interdisant, dans la commune, l'exécution de tous
les travaux entrepris au-dessous des tarifs fixés par
les Chambres syndicales ouvrières.
ART.
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•
MANIFESTE AU PEUPLE
de la Fédération du Centre
TRAVAILLEURS,
Les événements se précipitent avec une telle rapidité, l'effondrement de l'édifice opportuniste a lieu
avec un tel fracas, les esprits sont à ce point tendus,
irrités, affolés, qu'il serait puéril de se dissimuler
la gravité de la situation.
La Réaction, qui n'a jamais été que le parti du
vol et de la concussion, exploite les crimes des
bourgeois républicains que, depuis vingt ans, et en
dépit de nos avertissements, vous avez maintenus
au pouvoir.
Ils oublient, ces partisans des régimes à jamais
déchus, que la monarchie bourbonnienne a fait le
pacte de famine, que les deux empires, après avoir
fait massacrer
millions d'hommes, sont tombés
dans la boue de• Waterloo et de Sedan, et que les
d'Orléans, au lendemain d'une invasion, n'hésitaient
pas à réclamer 40 millions à ce peuple que les Bonaparte n'avaient pu réussir à ruiner complètement.
Ils oublient, encore, ces défenseurs de la morale
et de la religion, que tout récemment ils contractaient la plus honteuse des alliances avec un parti
innommable et qui semble renaître lorsque l'on
remue tant de fange.
Citoyens, renvoyez â l'égout accusés et accusateurs; ils sont complices de la même iniquité :
l'exploitation du travailleur poui la satisfaction de
leurs appétits.
Votre heure est venue; un seul parti, entre tous,
est sorti indemne de toutes les turpitudes dont vous
— 71 —
êtes témoins : ie PARTI OUVRIER SOCIALISTE RÉVOLU- TIONNAIRE.
Ralliez donc les groupes de ce Parti, afin d'ar- réter les mesures qui prépareront l'oeuvre de ré- mancipation complète, par l'expropriation politique
et économique de la classe gouvernante et capitaliste, et la socialisation des moyens de production.
Ainsi, et seulement ainsi, disparaîtront la misère et les iniquités sociales. A bas la Bourgeoisie! Place au. Travail!
Pour l'Union fédérative du Centre
Le Bureau :
J. SCIIMNAGEL., E. TOUSSAINT, TAILLADE,
Pour..Ars, J.-B. PÉRD:.
Lez Commission z
V. RENOU,
A.vrz„ E. CORSZT, J. ALLEMANE,
VERNAUDON, MORLLY:
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IMPRIMERIE J. ALLEMANE, 5i, RUE SAINT-SAUVEUR
PARIS
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