Au Pays du Cheval de Fer

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Au Pays du Cheval de Fer
Testé pour vous
Au pays du chev al de fer
Québec
Galoper sur la glace vive, avancer en silence dans les forêts
d’érables, avoir de la neige jusqu’au poitrail, l’écouter
craquer sous les sabots et observer la nature que le froid
ne fige pas. Chaussez vos Sorel et suivez nos traces
au Québec à l’auberge Andromède pour une chevauchée
neigeuse au Canada.
Québec
Texte et photos : Éric Malherbe
P
ourquoi l’auberge s’appelle-t-elle
Andromède ? Avec un sourire délicieusement québécois, un regard qui
pétille de malice, nos hôtes Gilles et
Gina nous expliquent que la région est connue
par les astronomes pour avoir l’un des ciels les
plus clairs de cette région du globe. En toute
logique, ils ont baptisé leur logis du nom de
cette constellation (la seule observable à l’œil
nu depuis l’hémisphère nord). Nous sommes au
Canada, à 1 h 30 de route au sud de la ville de
Québec, dans la région de la Beauce, près du
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Parc naturel du lac Mégantic. Cinquante kilomètres plus au sud, c’est l’État du Maine, qui
marque la frontière avec les USA. Les montagnes Appalaches, qui naissent ici pour descendre le long de la côte est des États-Unis sur
3 500 kilomètres, offrent les reliefs doux des
cartes postales nord-américaines que l’on
découvre maquillées de feuilles d’érables
rouges, jaunes et or lors de l’extraordinaire
période de l’été indien. Trois mois plus tard,
nous sommes ici, plongés au cœur de l’hiver
canadien. « Mon pays, c’est l’hiver » chantait
Gilles Vigneault pour la première fois en 1965.
C’est resté ! Tout est blanc, tout est glace, tout
est cristal, l’air pénètre dans les poumons avec
la force d’un chasse-neige dès que l’on met le
nez dehors, la lumière est éclatante de pureté,
cet hiver-là nous réveille.
C’est en combinaison « grand froid » que l’on
rejoint Gina aux écuries. Un barn nord américain qui sent bon le foin et la paille fraîche,
avec des boxes en gros bois. À peine ai-je ôté
mon bonnet et mes gants que déjà je harnache
Mika, un superbe hongre canadien à la crinière
souple et épaisse. Il est si beau qu’il pourrait
jouer dans une pub pour un shampooing…
Mika, mais aussi Montana, Johnny dit Jaunit,
Tornade et les autres, Gina possède une belle
cavalerie de chevaux canadiens. Un animal de
caractère surnommé « le petit cheval de fer »
parce qu’il est costaud, résistant, acharné au
travail, polyvalent. Ses signes distinctifs ? Une
tête courte au profil rectiligne, des oreilles fines
et une encolure longue et musclée. Il est également doté d’un garrot légèrement saillant,
d’une croupe musclée, et de membres solides.
Ainsi équipé, il peut affronter la rigueur de l’hiver québécois où la température flirte régulièrement avec les - 30 °C. « À part quand il y a
tempête ou que les températures sont exceptionnellement basses, mes chevaux sont
dehors » explique Gina, tout sourire. Et à voir
les copains de Mika et Montana restés au pré
se rouler dans la neige fraîche tombée la nuit
précédente, on se dit que ces chevaux-là sont
loin d’être malheureux. « Ma vie, ce sont mes
chevaux, continue Gina. Été comme hiver, je ne
peux m’empêcher de me lever aux aurores
pour aller travailler à l’écurie, et soigner tout
ce petit monde. » Ce n’est d’ailleurs pas un
hasard si les chevaux de la ferme Andromède
sont aussi sereins, indépendants quand ils sont
montés en extérieur, rassurants pour les cavaliers de passage.
Bonnet, gants, gros manteau, bottes fourrées
et étanches, surpantalon de ski bien épais, nous
voilà parés pour une journée de randonnée
comme on les aime sur les belles selles western
de l’écurie Andromède. Et ce n’est pas parce
qu’il fait froid qu’il faut oublier de prendre à
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boire. Une gourde thermos dans les sacoches et
c’est parti. Le chemin qui s’enfonce dans les
bois en contrebas de la ferme, le long de la
rivière qui bouillonne, est verglacé. Les chevaux
y évoluent avec l’assurance de mouflons sur un
versant abrupt. Ils sont ferrés avec des crampons, eux-mêmes renforcés avec une pointe en
carbure de tungstène pour un grip total sur la
glace. On testera un peu plus tard quelques
séances mémorables de galop. La sensation est
surprenante, extraordinaire, grisante, impérissable. Quelle que soit l’allure, sur la neige, le
verglas, sur le dur ou dans la profonde, les chevaux canadiens s’amusent des difficultés du
terrain. La poudreuse semble avoir le même
effet sur eux que sur une troupe de bambins
qui se précipitent pour faire une bataille de
boules de neige dès les premiers flocons venus.
Ils se jouent du froid et, lorsqu’ils partent au
galop, ne restez pas derrière, ça éclabousse !
Dans le silence blanc
 Tout est blanc, tout est glace, tout est cristal, l’air pénètre dans
les poumons avec la force d’un chasse-neige dès que l’on met le nez dehors,
la lumière est éclatante de pureté 
Période de redoux de quelques jours
après Noël, la neige disparaît et il fait
presque chaud sous nos manteaux.
La cabane à sucre
Ce n’est pas un hasard si la feuille d’érable orne le drapeau du Canada. Cet arbre offre
son or blond à travers tout le pays pour en faire, entre autres, ce sirop si connu aujourd’hui.
Les acériculteurs récoltent l’eau d’érable à la fin de l’hiver. Cette « eau », c’est la première
sève qui remonte des racines de l’arbre au moment du dégel. Au Québec, on appelle
cette période le « temps des sucres ». Cette sève contient 2 à 3 % de sucre. La sève
ainsi récoltée va être traitée dans une sorte d’alambic dans la fameuse « cabane
à sucre ». Tout le travail consiste à faire évaporer la bonne quantité d’eau pour
obtenir le meilleur sirop possible (35 à 40 litres d’eau d’érable sont nécessaires
pour fabriquer un litre de sirop d’érable). Il est important d’atteindre le juste
niveau d’évaporation car, si le sirop est trop dense, il cristallisera. Au contraire,
s’il est trop liquide, il risque de fermenter. Le sirop d’érable est ensuite classé
par teinte : d’extra clair à foncé. Plus le sirop est clair, meilleure est la classe,
mais moins le goût est prononcé.
Ensuite, il n’y a plus qu’à se régaler.
On retiendra, parmi les spécialités locales,
la tire d’érable, constituée de sirop chauffé que l’on va déposer chaud sur la neige et que l’on
enroule autour d’un bâtonnet de bois. Une friandise pour gourmand. N’hésitez pas à tester également
le beurre d’érable, qui s’utilise comme une pâte à tartiner et ne contient aucune matière grasse,
ou encore le sucre mou ou le sucre dur. Gilles, de la ferme Andromède, saura vous guider vers
les excellents produits des érablières locales que vous traverserez à cheval.
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Renards polaires ou futurs chiens
de traîneau, tous les animaux sont
acclimatés aux rigueurs du froid
et de la neige au Québec.
Le puma est l’un des plus gros et les
plus dangereux mammifères d’Amérique
du Nord. On en trouve encore à l’état
sauvage dans les forêts québécoises.
Pour l’heure, on évolue tranquillement à couvert. Il manque quelque chose : le bruit des
sabots. On avance en silence, dans un calme à
peine troublé par les chuchotements du froid,
les craquements cotonneux sous les pieds de
nos compagnons, les bruits de la forêt qui se
tord sous les morsures de l’hiver, et l’on scrute.
L’air est piquant, les yeux sont mouillés, le nez
emmitouflé. Gina, en tête sur son beau Jaunit,
est suivie à la trace par sa chienne jack russel
Gypsy qui saute des heures durant sans fatiguer dans les empreintes que laissent les chevaux dans la neige profonde. On est ici en
famille. Avec son accent québécois et ses
expressions fleuries, Gina nous conte les anecdotes de ces lieux. Il n’y a pas si longtemps,
Gilles, son mari, a vu un ours par ici. Je me
demande bien pourquoi on enfonce soudain
nos yeux au plus profond de la forêt, les ours
hibernent l’hiver. Il y a donc peu de risques
d’en apercevoir. En revanche, les lynx n’hibernent pas, eux, ni les loups… Un peu plus
loin, on trotte sur le tracé d’une ancienne voie
ferrée. Les rails installés au début du siècle dernier ont disparu, mais le chemin entretenu est
resté impeccable et longe la belle rivière
Chaudière. Et à chaque sortie de sous-bois, le
soleil nous accompagne, ce soleil éclatant et
froid des hivers de l’hémisphère nord.
Le midi, on s’arrête près d’une cabane. Jamais
la même. On évolue pendant une semaine en
trèfle autour de la ferme Andromède dans des
paysages changeants. Gilles amène éventuellement du foin aux chevaux avec sa motoneige
le midi, et met en route le poêle à bois de la
cabane avant l’arrivée des cavaliers. Un service
quatre étoiles grand luxe au milieu des érablières, en pleine nature. On couvre les chevaux qui ont transpiré malgré les basses
températures afin qu’ils ne prennent pas froid
et on vient goûter à la chaleur de ces « cabanes
au Canada ». Gilles s’occupe de l’intendance.
D’un naturel discret et calme, il est un authentique amoureux de la nature et des produits de
son potager. Offrez-lui un couteau aiguisé,
donnez-lui un fruit ou un légume, et il vous
rendra une sculpture à déguster. C’est un
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artiste intarissable sur les bienfaits de la nourriture qu’il propose à la carte de son auberge.
Cavaliers ou non, les clients se pressent ici pour
goûter la table de Gilles. Rentrés de notre journée de cavale, les chevaux soignés aux écuries,
les bottes sèchent dans l’entrée. On a troqué
nos lourds vêtements pour une tenue de bain.
On se glisse dans le jacuzzi fumant et l’on se
laisse bercer par les remous de l’eau bouillonnante. Je suis dans un chaudron, mes yeux se
ferment, mes muscles s’assoupissent. Une sensation délicieuse avant de passer à table et de
se régaler d’un médaillon de wapiti ou d’un
émincé de bison maison, pour finir sur un délicat fondant au chocolat à la crème d’érable.
Derrière les vitres des chambres douillettes, le
froid paralyse la nuit. Calés sous les lourds
édredons, on contemple l’hiver bien au chaud
en attendant les premiers rayons du lendemain
qui vont caresser les prés enneigés sur lesquels
se détachent les chevaux. Une nouvelle journée de randonnée s’annonce, le long d’une
rivière, sous les branches des érablières, à
moins que Gilles ne décide d’atteler son traîneau pour vous conduire au « saloon » du coin
où l’on danse, parfaitement synchronisé, de la
country jusqu’à plus soif. L’hiver possède tous
les attraits au Québec et l’hospitalité de la
ferme Andromède n’en est pas l’un des
moindres.
Alternative à la promenade à cheval, la balade en traîneau
emmené par un authentique trappeur et ses chiens.
Au cœur de la forêt, la neige et le pas des chevaux qui
craquent doucement. Tout est silence, on se ressource.
Contacts page 128
Carnet pratique
 Quelle que soit l’allure, sur la neige, le verglas, sur le dur ou dans
la profonde, les chevaux canadiens s’amusent des difficultés du terrain 
Départs entre décembre et avril, les samedis
ou dimanches. Tarifs à partir de 1 950 € par
personne, avec vols inclus au départ de Paris.
Renseignement et réservations : cf. contacts
page 128
• Santé
Aucune disposition particulière n’est à prévoir
même si l’on recommande d’être à jour avec
ses vaccins antitétanique et antihépatique.
• Argent
La monnaie est le dollar canadien et vaut environ
1,438 €.
Il est d’usage de donner un tip (pourboire) après
une prestation (serveurs, hôtels, etc.), compris
entre 15 % et 18 % du montant de la prestation.
• Climat
De décembre à fin février en particulier, le climat
peut être extrême et atteindre les -40 °C avec
de superbes journées ensoleillées ; prévoir des
vêtements identiques à un séjour au ski (attention
aux coutures de certains pantalons de ski qui
s’adaptent mal à la position en selle), vêtements
grand froid ainsi que des chaufferettes et bottes
type Sorel (Norton et Mountain Horse ont
également des bottes hiver bien chaudes).
Le redoux arrive en général sur mars/avril
et correspond également à la réouverture
des cabanes à sucre (cf. encadré p 46).
• Langue
Québec est dans la partie francophone,
le français est donc la langue usitée, même
si des rudiments d’anglais sont toujours pratiqués.
Et pour les Français de souche, le Québec offre
un langage fleuri d’expressions dont on ne se lasse
pas.
• Visa, conditions d’entrée sur le territoire
canadien
Les citoyens français n’ont pas besoin de visa
pour visiter le Canada (séjour inférieur à 3 mois).
Le passeport à lecture optique et/ou biométrique
n’est pas obligatoire pour entrer.
Les anciens passeports sont valables jusqu’à
leur date d’expiration. En tant que touriste
(visiteur), vous devez avoir un billet aller/retour.
La validité de votre passeport doit dépasser
d’au moins un jour la durée du séjour prévu
au Canada.
De plus amples informations sont disponibles sur
http://www.cic.gc.ca/francais/visiter/touriste.asp
Il faut vraiment que la tempête
souffle et que les températures
soient très basses pour que
les chevaux canadiens
de Gina ne sortent pas.
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