le pouvoir - Relation sans violence
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le pouvoir - Relation sans violence
LES HABILETÉS POLITIQUES ET LE LEADERSHIP EN ÉDUCATION Un texte d’accompagnement au séminaire de la FORRES 2006 Guy Pelletier, Professeur Université de Sherbrooke Il n’y a pas d’ascension dans l’exercice du pouvoir sans pesanteur. Antoine de Saint-Exupéry LE POUVOIR Selon la définition classique énoncée par R. Dahl (1957), le pouvoir d'un individu A sur un individu B, c'est la capacité de A d'obtenir que B fasse une chose qu'il n'aurait pas faite sans l'intervention de A. Le pouvoir serait donc la capacité d'inférer un changement... Pouvoir et influence ne sont pas synonymes. En fait, le pouvoir personnel repose sur la « capacité d'influencer »... L'influence est le processus par lequel une personne affecte le comportement de secondes personnes. Le pouvoir est la capacité ou l'habileté qu'un individu a d'utiliser ce processus en fonction de ses objectifs. L'autorité est en quelque sorte un pouvoir « institué » ou, en d'autres termes, un pouvoir accepté, légitimé et reconnu de commander et de se faire obéir par ses collaborateurs et ses subordonnés. Il est à noter que le pouvoir s'exerce par « une » et « dans une » relation. En effet, sans relation, il n'existe pas de pouvoir. De plus, il faut que cette relation ne soit pas « équilibrée ». Il y a nécessité d'une certaine dépendance... Un individu ou un groupe peut en influencer un autre dans la mesure que ce dernier accorde une certaine importance aux ressources du premier. Ce constat a plusieurs conséquences. Notamment, en tant que dirigeant, et cela particulièrement dans le domaine de l’éducation et de la formation, l’on réalise rapidement que « pouvoir » et « dépendance » sont la réciproque l’un de l’autre. Il s’agit des deux faces de la même pièce de monnaie. En effet, pour reprendre la définition de Dahl, A a de l’influence sur B dans la mesure que ce dernier accepte celle-ci. En d’autres termes, A est aussi dépendant de la bonne coopération de B pour pouvoir réaliser les mandats qui lui sont confiés par ses supérieurs. Il en est aussi de même des supérieurs de A à l’égard des comportements de ce dernier... En somme, le supérieur dépend aussi de ses subordonnés… Si ce dernier est dans une situation où il n’a pas accès à des ressources ou des informations désirées par son personnel, ou pire, s’il ne démontre pas la maîtrise d’un savoir-faire reconnu et apprécié par ses collaborateurs, il peut fort bien se retrouver dans une situation difficile, voire impossible. Habiletés politiques et leadership en éducation -2 LES BASES DE POUVOIR Selon French et Raven (1979), il existe cinq (5) grandes sources de pouvoir qui peuvent être regroupées de la façon suivante. Les POUVOIRS DE POSITION qui comprennent : • Le pouvoir coercitif ; Il est fondé sur la capacité de pénaliser ou de menacer ; • Le pouvoir de renforcement ; Il est fondé sur la capacité d'offrir une faveur ou un avantage apprécié à une autre personne ou à un groupe d'autres personnes. • Le pouvoir légitime ; Il est basé sur l'autorité associée à une position hiérarchique et qui est donc délégué par des autorités supérieures. Les POUVOIRS PERSONNELS qui comprennent : • Le pouvoir de référence (charismatique) ; Il est fondé sur la capacité d'influencer les autres parce que l'on est un sujet de référence, d'admiration ou d'identification. • Le pouvoir de l'expert. Il est fondé sur la compétence professionnelle (connaissances et habiletés); plus précisément, sur la désidérabilité des informations ou connaissances détenues. À des niveaux variables, une personne en poste de direction aura recours à ces différentes bases de pouvoir. Toutefois, un dirigeant à qui l’on reconnaîtra des compétences en leadership manifestera une plus grande maîtrise des bases de pouvoirs personnels, c’est-à-dire le pouvoir de référence et le pouvoir d’expertise. Habiletés politiques et leadership en éducation -3 Les bases de pouvoir et l’agir de gestion Quelques suggestions de dirigeants d’expérience Bases de pouvoir – Le pouvoir coercitif – – – – – – – – – – Le pouvoir de renforcement – – – – – – Le pouvoir légitime – – – – – – – – – Le pouvoir de référence – – – Agir de gestion Informez clairement vos collaborateurs et vos subordonnés des règles et des punitions. Ne punissez jamais sans avertissement préalable. Les punitions doivent être administrées de façon uniforme et constante. Dans la mesure du possible, ne prenez pas de décisions punitives hâtives et expéditives. Tâtez le pouls de la situation AVANT... Prenez garde à votre crédibilité. Assurez-vous que la punition est en équilibre avec la faute Ne punissez pas en public. Vous risquez que de faire des “martyrs”. N’oubliez jamais que la crainte de la punition a souvent plus d’impact que la punition elle-même. Rappelez-vous toujours qu’une punition ne “convainc” pas les fautifs de leurs erreurs. Assurez-vous qu’il y a bien obéissance aux règles et que vous ne récompenserez pas sans motif valable. Jugez constamment si vos demandes sont raisonnables et réalistes. Vérifiez si vos demandes sont conformes aux normes et à l’éthique. Dans la mesure du possible, offrez à vos subordonnés des récompenses qui ont valeur à leurs yeux. Ne faites jamais miroiter des récompenses que vous ne serez pas en mesure d’offrir quand le temps sera venu. Ayez confiance en vous. Soyez sincère, cordial et poli. Soyez sensible aux préoccupations de vos collaborateurs et subordonnés. Assurez-vous que vos demandes sont appropriées et bien comprises. Toujours expliquer le pourquoi de vos demandes. Soyez clair et faites un suivi pour vérifier si vous avez bien été compris. Voyez à ce qu’il y ait obéissance aux règles. Respectez les canaux de communication prévus. Exercez le pouvoir avec régularité et constance. Ne négligez pas votre apparence et soyez soucieux de votre prestance. N’hésitez pas à projeter votre vision de l’action que vous valorisez et à utiliser un langage imagé et évocateur. Mettez en valeur la pertinence de votre originalité pour le développement de votre organisation et de ses membres. Valoriser constamment les capacités de vos collaborateurs et de vos subordonnées et conduisez-les aux défis. Défendez vos collaborateurs et vos subordonnés et traitez-les avec justice et équité. Dans la mesure du possible, choisissez des collaborateurs qui vous Habiletés politiques et leadership en éducation -4 ressemblent, mais aussi qui vous complètent. – Ne soyez pas dupe de votre propre charme, de votre force. – Mobilisez votre équipe à avoir une forte identité de groupe et à se distinguer des autres unités organisationnelles. – Sachez développer et composer avec votre force mais méfiez-vous de son côté obscur... Le pouvoir de l’expert – Assurez vous que votre expertise est non seulement pertinente mais qu’elle est connue et qu’elle est essentielle au fonctionnement et au développement de l’organisation. – Maintenez votre crédibilité et faites preuve de confiance et d’esprit de décision. – Soyez toujours bien informé et développez sans cesse vos sources d’information. – Soyez attentif aux derniers développements de vos champs de pratique professionnelle et n’hésitez pas à poursuivre des activités de formation (surtout celles à l’extérieur de votre organisation). – Soyez attentif aux préoccupations de vos collaborateurs et subordonnés. – Évitez de menacer l’estime de soi de vos collaborateurs et de vos subordonnés. – Encouragez votre équipe à s’inscrire dans une démarche de développement professionnel et de formation continue. Les bases de pouvoir et la légitimité des dirigeants La nature de la légitimité accordée par les collaborateurs et les subordonnés à leurs dirigeants interfère sur leur capacité à utiliser les différentes bases de pouvoir. Ainsi que le révèle le tableau suivant, les dirigeants considérés comme légitimes par leur équipe de travail ont potentiellement accès à un plus large éventail de bases de pouvoir donc de capacités d’agir. En conséquence, quelles que soient les modalités d’accès à la direction il est de l’avantage d’un dirigeant de « stabiliser » sa légitimité auprès du plus grand nombre possible de collaborateurs et de subordonnés. Il s’agit d’un exercice difficile qui nécessite des habiletés en leadership et du... temps. Habiletés politiques et leadership en éducation -5 Degré de légitimité Modes d'exercice du pouvoir Formel Informel Légitime c’est-à-dire un large consensus des collaborateurs à l’égard des dirigeants Peu légitime c’est-à-dire très peu de soutien volontaire accordé aux dirigeants Autorité (Influence acceptée) Bases de pouvoir : coercition, renforcement et légitime Dictature (Influence subie) Base de pouvoir : coercition Leadership (Influence choisie) Bases de pouvoir : de référence (charismatique) et expertise Domination (Influence tolérée) Bases de pouvoir : coercition et renforcement (récompenses, faveurs) GESTIONNAIRE, DIRIGEANT, LEADERSHIP ET AUTORITÉ Il ne faut pas confondre le « gestionnaire » et le « dirigeant » (leader). Il est en effet possible qu'un gestionnaire ne soit pas un dirigeant comme il est possible qu'un dirigeant ne maîtrise pas toutes les compétences d'un gestionnaire. Toutefois, lorsque que nous travaillons avec du personnel hautement qualifié, il est de plus en plus nécessaire qu’une personne qui exerce une fonction de direction puisse avoir un accès élargi aux cinq grandes bases de pouvoir, et plus particulièrement aux bases du pouvoir personnel. Quant au leadership, cette notion fait référence à la capacité de susciter une participation volontaire des membres d'un groupe à l'atteinte des objectifs. En ce sens, le leadership est une forme d'exercice du pouvoir, mais tous les pouvoirs ne sont pas du leadership. Pour qu'il ait du leadership, il faut qu'un supérieur puisse faire accomplir des tâches à ses subordonnés par le biais de son influence, de son expertise et de son pouvoir de persuasion. Habiletés politiques et leadership en éducation -6 Comparaison entre autorité et leadership L’AUTORITÉ LE LEADERSHIP est obtenue “simplement” et est associée au pouvoir formel est obtenu d’une façon complexe et est associé au pouvoir informel réfère à un processus rigide et réglementé réfère à un processus flou et fluide est confiée à une personne par la hiérarchie est attribué à une personne par le groupe se traduit par un organigramme et des règles officielles se traduit par un sociogramme et des normes sociales est clairement concentrée sur certaines personnes tend à être dispersé à l’intérieur d’un groupe est généralement contrôlée par l’institution est contrôlé par le groupe est généralement assez stable dans le temps et dans la forme est généralement conjoncturel et nécessite un apprentissage constant Par ailleurs, les types d’autorité ont évolué au cours des années. Par exemple au Québec, avant les années 1960, il y avait une prédominance de l’autorité traditionnelle, avec la « Révolution tranquille » apparaît une autorité « moderne » et, au cours des dernières années, c’est l’autorité « post-moderne » qui est progressivement apparue. Les trois types d’autorité cohabitent les unes avec les autres, mais peuvent prendre des formes différentes selon les situations décisionnelles et les contextes d’exercice du pouvoir. Toutefois, c’est dans le cadre de l’autorité post-moderne que les compétences en leadership deviennent de plus en plus importantes. Habiletés politiques et leadership en éducation -7 Types d’autorité L’autorité traditionnelle Sources principales Normatives et culturelles. Elle est d’origine charismatique, religieuse ou « guerrière » (imposée). Importante charge symbolique. Être enseignant, être dirigeant… L’autorité « moderne » L’état de droit, politique et réglementé. Organisation rationnelle, légale et « bureaucratique ». La connaissance et la maîtrise de la réglementation constituent une donne incontournable pour un dirigeant. L’autorité « post-moderne » Elle repose sur les connaissances et les compétences des dirigeants, notamment sur leurs habiletés à négocier, à composer avec l’incertitude et le changement permanent. Une « autorité négociée » Autorité et régulation Régulation contrainte Régulation conjointe Régulation autonome Habiletés politiques et leadership en éducation -8 Les habiletés politiques Le pouvoir est la capacité d’inférer ou de résister à un changement…Les habiletés politiques reposent sur l’art de mobiliser les sources de pouvoir dont on dispose. Elles sont politiques (dans le sens grec ancien) parce qu’elles réfèrent à l’art de gouverner… Elles sont un art parce qu’elles reposent sur : • Des connaissances ; • Des savoir-faire ; • Sur l’intuition… l’intelligence de l’action. Les habiletés politiques se traduisent par : • • • • • • • Savoir argumenter ; • Savoir convaincre ; • Savoir négocier ; • Savoir trouver des appuis ; • Savoir choisir ses alliés ; • Savoir tirer parti de ses marges de manœuvre ; • … Exercer des habiletés politiques, c’est : mettre de l’ordre dans ses valeurs personnelles ; reconnaître que le monde n’est pas parfait ; accepter de s’associer avec d’autres ; être en processus constant d’analyse stratégique ; être attentif à la réciprocité ; … Les habiletés stratégiques Selon Crozier et Friedberg (1977), les sources majeures de pouvoir au sein d’une organisation reposent sur le contrôle : • Des règles organisationnelles ; • Des relations entre l’organisation et son environnement ; • De la communication et des informations ; • D’une compétence pertinente (expertise). Maintenir et accroître son pouvoir, c’est… Habiletés politiques et leadership en éducation -9 Les habiletés politiques : quatre mythes à reconsidérer Quatre mythes à reconsidérer… • La méritocratie ; • Le désintéressement ; • L’indépendance ; • La neutralité. Les habiletés politiques en action… Avoir le sens politique, c’est… • S’engager dans l’action • Savoir exprimer des divergences • Équilibrer l’expression de ses émotions Mais aussi… • Choisir son groupe d’appartenance • Évaluer la force politique de son groupe • Élaborer des alliances pour accroître l’impact politique de son groupe L’approche politique de l’action Trois postulats de base 1 – L’individu, comme le groupe, est un acteur stratégique. 2 - En conséquence, il réalise sans cesse des analyses de situation pour bien comprendre les enjeux, les règles du jeu afin d’élaborer les tactiques les plus profitables pour lui. 3 – Dans un même sens, il cherche constamment à bien comprendre l’interprétation des règles du jeu et la mise en jeu de l’action des autres. 4 – Dans sa démarche, il recherche constamment à maximiser ses gains et à réduire ses pertes, au mieux à maintenir sa position actuelle. 5 – Dans un même sens, il cherche constamment à maximiser ses gains et à réduire ses pertes, au mieux à maintenir ses avantages 6 – Enfin, il est constamment aux prises avec le paradoxe de la compétition ⇔collaboration.