LE NOUVEAU MODE DE SCRUTIN DES ELECTIONS
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LE NOUVEAU MODE DE SCRUTIN DES ELECTIONS
LE NOUVEAU MODE DE SCRUTIN DES ELECTIONS REGIONALES L’expérimentation d’un nouveau mode de scrutin pour les élections régionales ajoute une acuité particulière à ces élections, les premières après la deuxième phase de la décentralisation. Les élections régionales de mars 2004 inaugureront l’application d’un nouveau mode de scrutin que l’on peut caractériser par une « municipalisation » inachevée (prime de 25 % à la liste arrivée en tête au 2ème tour dans une circonscription régionale). Pour mémoire, les élections régionales de 1986, 1992 et 1998 eurent lieu selon la règle de représentation proportionnelle dans un scrutin départemental à un tour avec un seuil de représentativité à 5%. Dans le nouveau mode de scrutin, les listes sont régionales avec une tête de liste régionale et des sections départementales. Le scrutin comprend deux tours. Seules les listes ayant rassemblé plus de 10 % des s.e. peuvent participer au second tour et seules les listes ayant rassemblé plus de 5 % des s.e. peuvent fusionner. La répartition des sièges à l’issue du second tour a d’abord lieu au niveau régional. La liste en tête au second tour s’adjuge 25 % des sièges. Les 75% des sièges restant sont répartis selon la règle de la proportionnelle à la plus forte moyenne entre les listes régionales présentes au second tour. Ensuite seulement, la répartition a lieu à l’intérieur de chaque liste régionale au prorata de l’apport en nombre de voix de chaque section départementale à la liste régionale. Il en résulte qu’il n’y a plus de quota d’élus par département. Le nombre d’élus dépend de la participation relative de chaque département mais aussi de l’appartenance des différents départements au camp gagnant. Il n’y aucun mécanisme de péréquation garantissant que chaque département conservera un nombre d’élus donné. Le fait que l’addition du nombre de candidats présents dans chaque section départementale soit supérieure au nombre d’élus au Conseil régional est significatif de la relativité du nombre de conseillers régionaux par département. Toute chose étant égale par ailleurs, moins le taux de participation d’un département sera élevé, plus sa représentation régionale sera réduite (voir exemple 2 ci-dessous). Mais, de plus, toute chose étant égale par ailleurs, un département soutenant fortement une liste perdante verra sa représentation diminuée (voir exemple 1 ci-dessous). Pour les prochaines élections régionales, la représentation proportionnelle est corrigée de telle sorte que toute liste arrivant en tête au second tour avec plus de 35 % des suffrages exprimés est assurée de contrôler 50% des sièges + 1. Le moment décisif est donc la constitution de la liste gagnante pour le second tour. L’objectif évident de cette loi est de bipolariser les scrutins régionaux et d’éliminer les partis ayant plus ou moins perturbé, à des degrés divers, les jeux politiques régionaux depuis 1986 (Chasseurs, écologistes, extrême gauche, régionalistes, Front National). Il est à noter que, dès 1997, a été votée une procédure de rationalisation du fonctionnement des conseils régionaux qui s’applique à partir des élections régionales de 1998 et qui implique que tout refus d’un © CEVIPOF - 2004 budget régional est conditionné à l’existence d’une alternative budgétaire majoritaire. Le motif initial de rendre les conseils régionaux gouvernables est relativement incantatoire puisque la réforme de 1997 solutionnait déjà le problème, qui n’en était déjà pas vraiment un. En 1997, la législation adoptée visait aussi à rendre gouvernable les conseils régionaux. Encore eut-il fallu qu’ils ne le soient pas ! Or, entre 1986 et 1997, moins de 5 % des budgets régionaux n’ont pas été adoptés et ont été déférés aux préfets ce qui n’est pas le signe d’une instabilité structurelle. Il est fort probable que l’application du nouveau mode de scrutin diffère singulièrement des attentes de ses promoteurs, en particulier du fait de l’adoption de seuils en % des votes exprimés et non des inscrits, suite à la censure par le Conseil Constitutionnel pour des raisons de forme de la première mouture du projet. En appliquant les scores de 1998 avec les nouvelles règles électorales, on aboutit à 5 régions où l’extrême droite ne serait pas présente au second tour ; avec les scores de l’élection présidentielle, à une présence uniforme de l’extrême droite et de l’extrême gauche dans 16 régions; avec les scores des législatives, à une absence du FN dans 6 régions. Chaque élection est spécifique mais il est peu probable que les régionales de 2004 voient les duels droite-gauche comme étant la règle dominante. Exemple 1 : Région composée de deux départements avec le même nombre d’électeurs inscrits et participants devant élire 80 conseillers régionaux. Liste 1 Liste 2 Département A 220 000 180 000 Département B 179 000 221 000 Total des voix dans la région 399 000 401 000 La répartition régionale procède, après l’attribution de 25% des sièges à la liste en tête, d’un quotient électoral de 13333,33 et d’une répartition des sièges restants à la plus forte moyenne. Elle est la suivante : La liste 2 recueille 50 sièges, la liste 1 30 sièges. La répartition par section départementale au sein de chaque liste procède d’un quotient électoral de 8020 pour la liste 2 et 13300 pour la liste 1 puis d’une répartition des sièges restants à la plus forte moyenne. Elle est pour chaque liste la suivante : pour la liste 1, le département A récolte 17 sièges le département B 13 ; pour la liste 2, le département A récolte 22 sièges le département B 28. Au final, pour un même nombre d’électeurs et une différence faible de voix entre les listes, le département A compte 39 élus et le département B 41 élus. Pour un département, appartenir au camp gagnant augmente le © CEVIPOF - 2004 nombre d’élus régionaux, et à l’inverse, pour un département, appartenir au camp perdant diminue le nombre d’élus régionaux. Exemple 2 : Région composée de deux départements avec le même nombre d’électeurs inscrits mais une abstention différenciée de 25 % (département B) et 50 % (département A) devant élire 80 conseillers régionaux. Liste 1 Liste 2 Département A 99 000 101 000 Département B 149 000 151 000 Total de voix 248 000 252 000 La répartition régionale procède, après l’attribution de 25% des sièges à la liste en tête, d’un quotient électoral de 8333,33 et d’une répartition des sièges restants à la plus forte moyenne. Elle est la suivante : La liste 2 recueille 50 sièges, la liste 1 30 sièges. La répartition par section départementale au sein de chaque liste procède d’un quotient électoral de 5040 pour la liste 2 et 8266,66 pour la liste 1 puis d’une répartition des sièges restants à la plus forte moyenne. Elle est pour chaque liste la suivante : pour la liste 1, le département A récolte 12 sièges le département B 18 ; pour la liste 2, le département A récolte 20 sièges le département B 30. Au final, pour un même nombre d’électeurs inscrits, une abstention différenciée, une différence faible de voix entre les listes et l’appartenance de chaque département au camp gagnant, le département A compte 32 élus et le département B 48 élus. Le niveau différencié d’abstention induit une différence substantielle de la représentation régionale de chaque département. SYLVAIN BROUARD, Chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) © CEVIPOF - 2004