Un trio diversifié: Lovelock, Snell et Walker.
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Un trio diversifié: Lovelock, Snell et Walker.
Un trio diversifié: Lovelock, Snell et Walker par Scott A.G.M. Crawford, Maître de conférences à I’Université d’Otago (NZL) D. Ausubel notait, il y a une dizaine d’années, lors de commentaires qu’il fit sur la Nouvelle-Zélande: « La préoccupation intense que le Néo-Zélandais porte au sport est beaucoup plus qu’une simple manifestation de sa nature robuste et vigoureuse, de son amour du plein air et du plaisir qu’il tire de sa participation effective aux activités physiques ardues. Le sport est aussi le débouché principal de l’énergie, de l’enthousiasme et de l‘animation dirigés auparavant vers la vie professionnelle et la lutte pour les frontières. »¹ Jack Lovelock L’importance du sport en Nouvelle-Zélande L. Cleveland, licencié en sciences politiques, Néo-Zélandais, approuve la thèse de Ausubel et avance un point de vue sociologique selon lequel la participation sportive peut rehausser le statut social. « Le sport et les structures administratives qui en découlent offrent un large champ d’actions, grâce auquel les individus peuvent acquérir un prestige social. C’est aussi très important pour une culture démocratique telle que celle de la Nouvelle-Zélande dont la politique d’assistance sociale étatisée met I’accent sur l’égalité des classes, des revenus et des rangs sociaux. Une performance réalisée par un bon joueur ou un administrateur de toute confiance peut être un signe de succès social. »² II se peut que I’exemple le plus frappant soit I’adhésion passionnée pour le sport qui se manifesta en 1976 lorsque I’équipe des « All Blacks », appuyée par la majorité des Néo-Zélandais, partit jouer une série de matches en Afrique du Sud.³ Un observateur, analysant les récompenses accordées aux activités sportives (et dans ce cas le rugby, disait: « A une époque où le monde est préoccupé et sensibilisé par le problème racial, le Parti National au pouvoir en Nouvelle-Zélande donna sa 388 bénédiction aux « All Blacks » avant leur départ pour leur safari de rugby. Cette approbation du corps politique représente et reflète encore l’opinion de la majorité des Néo-Zélandais. L’on peut y opposer que Soweto, l’apartheid et le boycott olympique préoccupent beaucoup les Néo-Zélandais. Cependant le jeu lui-même a une importance suprême. » 4 Les Néo-Zélandais ne sont pas seulement intéressés par le sport, ils y participent activement et massivement. En décembre 1975, le Conseil des sports et loisirs néozélandais publia une liste complète des membres de 97 activités de sports et de loisirs. Le nombre total de membres s’élevait à plus de 1 250 000 dans un pays ayant une population de 3 090 000 habitants 5 . Ce chiffre est d’autant plus vrai qu’une enquête récente révéla que 3 Néo-Zélandais sur 5 de plus de 15 ans participent au sport en tant que joueurs, spectateurs, 6 officiels ou supporters de leurs enfants . L’ensemble des information sportives dars la presse montre aussi que la Nouvelle-zélande consacre beaucoup plus d’espace au sport que les autres pays àtendance sportive.une enquête révéla que les journaux néo-zélandais ont 25% d’informations sportives alors que les journaux anglais n’en ont que 13‚5%. 7 Dès 1888 le sport avait déjà une place de choix dans la presse néo-zélandaise. Une sélection faite au hasard du « Otago Witness » de cette année-là montre que ce journal de 40 pages (5 colonnes par page) avait 8 colonnes sur I’agriculture, 3 colonnes d’informations britanniques et étrangères, 35 colonnes de Iittérature et 25 colonnes sportives. 8 lande (1884) et un Néo-Zélandais gagna un championnat mondial professionnel de course à pied à Londres en 1888. 10 11 Des clubs de coureurs de cross devinrent populaires dans les premières années du 20e siècle et ce sont ces organisations qui engendrèrent un grand nombre de jeunes athlètes passionnés dans toute la NouvelleZélande. Lovelock Quelques aspects de I’histoire de I’athlétisme Un an après I’établissement des colons à Otago en 1848, les premiers pionniers angais célébrèrent leur arrivée, qui s’était faite sans encombre, par des « Sports Anniversaires ». II y eut un certain nombre d’épreuves d’athlétisme dont une course à pied de 250 yards 9 . Vers les années 1880, les sports y étaient si bien établis que des athlètes célèbres visitèrent la Nouvelle-Zé- Le chêne que Lovelock reçut à Berlin aux Jeux Olympiques de 1936 et qui pousse dans les jardins de l’école secondaire pour garçons à Timaru (NZL). En novembre 1928, J. E. Lovelock de I’école secondaire de garçons de Timaru gagna le prix d’excellence pour ses succès académiques ainsi que les coupes des championnats de boxe et de course. 12 L’année suivante, étudiant de première année à I’école de médecine de I’Université d’Otago, il participa au championnat de course du « mile ». L’histoire officielle d’un club de cross signale que le gagnant de la course fut J. G. Barnes (Lovelock se plaça second) 13. En 1930, Lovelock reçut une bourse de Rhodes pour continuer ses études médicales à I’Université d’Oxford. II était toujours maigre, anguleux et même gauche. Mais lorsqu’il courait, son mouvement était réellement gracieux. II avait appris cette technique coulée caractéristique et possédait de rares qualités académiques innées. II avait développé sa force d’athlète par un dur entraînement. « L’idéal était de raser le sol... et pour cela il obtint l’aide d’un autre coureur, étudiant en médecine lui aussi, Renton Grigor. De chaque côté d’une certaine rue il y avait un mur de briques, à peine plus haut qu’eux. Si son enjambée était trop haute, sa tête passait au-dessus du faîte du mur; il devait faire en sorte que sa tête reste audessous de cette ligne. Grigor et lui courraient chacun d’un côté de la route, Grigor veillait à ce qu’il ne dépasse pas la ligne. II fit cela pendant des semaines entières, jusqu’à ce que par la suite son enjambée lui soit vraiment particulière. On avait l’impression que les autres coureurs avaient des boulons et des écrous aux genoux et aux hanches, mais que dans son cas quelqu’un les avait dessérés; il courait comme s’il avait été assis dans une chaise roulante, ses jambes tournaient comme des14roues... ce qui lui permettait de raser le sol. » L’année qui suivit son arrivée à Oxford, le « Daily Mirror » et le Journal des Etudiants d’Oxford, « Isis », le présentèrent comme 389 l’image même du sportif éminent et cela grâce à ses succès sportifs. L’apogée de ses débuts, avant Los Angeles, fut Ie record mondial qu’il battit sur une distance de 3/4 de mile. Sa course Iors de la finale des 1500 m aux Jeux Olympiques de Los Angeles de 1932 fut un désastre. « Il termina du mieux qu’il put et pour la première fois de sa vie, il sut vraiment ce que c’était qu’être un concurrent non-classé. Il était septième. Septième! Ce n’est qu’alors qu’il réalisa combien il avait espéré gagner le titre et combien les autres eux aussi avaient pensé qu’il gagnerait. » 15 Sa pâleur, son air fragile, faisaient méjuger son physique pourtant capable de tout. Harris décrit comment, pendant Ies dernières semaines de 1932, Lovelock représenta Oxford aux compétitions de cross et de boxe. Pour améliorer ses réactions il fit de I’escrime, pour se relaxer de façon « active » il dansa et apprit à dominer la technique du crawl en 5 minutes. 16 En juillet 1934, Iors d’une rencontre dont on parla beaucoup, Lovelock battit Bronthon, un coureur de l’Université de Princeton et remporta Ie nouveau record mondial du mile en 4’08”7. Pendant Ies trois années suivantes, il Iutta pour terminer ses études médicales qui gênaient son entraînement. Il essaya désespérément de perfectionner sa technique de course par des analyses scientifiques; il subit I’éternelle pression des journalistes et d’un public qui voulaient Ie voir courir souvent, gagner de façon saisissante et abattre des records. Il fit cette remarque plutôt amère: « Je sais mieux maintenant comment ne pas Iaisser le public et la presse diriger mes courses... » 17 De retour à Princeton, Iors du « Mile du Siècle » en 1935, Lovelock battit Cunningham (USA) qui venait d’établir Ie record du mile. Harris mentionne une inscription que Lovelock fit clans son journal juste après la rencontre: « Il n’existe pas de maximum pour moi pour le moment, car je suis incapable de savoir, tant que notre connaissance de la physiologie et de la psychologie se développent, où sent les Iimites de la vitesse que I’homme peut atteindre. » 18 Pendant Ies années trente, certains commentateurs de I’athlétisme s’inquiétèrent beaucoup Iors de I’organisation de rencontres d’athlétisme entre vedettes Iancées par d’énormes campagnes publicitaires cher- 390 chant à ce que ces vedettes établissent et battent des records mondiaux. Un écrivain Ies décrivit comme des « épreuves entre gladiateurs » et des « athlètes sélectionnés de façon artificielle pour attaquer les records mondiaux. » 19 A I’approche des Jeux Olympiques, Lovelock continua de faire Ies beaux et Ies mauvais jours de la presse et des spectateurs. En 1935, Ies 40 000 personnes du stade de White City, à Londres, virent la défaite de Lovelock battu par Ie coureur anglais Wooderson Iors du mile AAA. Il perdit d’une Iongueur de 7 yards. « Il se mit à rire à gorge déployée au fur et à mesure qu’il approchait de l’arrivée. Quelque chose en Iui réveillait étrangement son sens de I’humour, son impuissance pitoyable à faire face à la situation, la volonté inflexible de son petit adversaire, le sursaut d’étonnement de la foule... et peut-être même la seule pensée de ce que serait par la suite la stupéfaction de la presse outragée. » 20 Les défaites, Ies critiques de la presse et la fatigue de I’entraînement ne firent que durcir sa résolution de triompher à Berlin. Il se prépara avec candeur pour la finale du 1500 m olympique. II explora la course sous toutes ses facettes. « Lovelock... rassembla des information dans le monde entier sur Ies possibilitiés qu’avaient tous ses adversaires éventuels de se trouver sur la Iigne d’arrivée aux championnats olympiques. »21 La finale de Berlin et I’accélération dramatique que Lovelock fit pour percer et gagner Iors du dernier tour, sont magnifiquement rendus par la séquence du film tourné par Leni Riefenstahl. Webster parle d’ « un visage maigre, aux cheveux filasses sur 22une vraie... dynamite noire néo-zélandaise ». Roxburg qualifie Ie 1500 m de Berlin du plus grand de tous Ies temps. « C’est alors que sur la dernière Iigne droite Jack Lovelock, tout habillé du noir des Néo-Zélandais, augmenta sa vitesse, dépassa le peloton, se précipita à la tête et plongea en travers de la Iigne d’arrivée. II gagna d’une Iongueur de six yards... J’aime me souvenir de cette course. » 23 Harris décrit de façon mémorable ces dernières secondes vivifiantes de la plus grande course de Lovelock. « L’intérieur de la piste défilait comme dans un brouillard gris, un tumulte imprécis résonnait à ses oreilles... il se retourna à nouveau et voyant clairement la Iigne d’arrivée qui s’approchait il vola vers elle. Sa vitesse toujours régulière, sans secousses, ressemblait à une grande rivière qui se déverse dans la mer... C’était réel et c’était parfait,24 aussi parfait qu’on aurait pu s’y attendre. » En décembre 1949, Lovelock tombe sous une rame de métro à New York et meurt. Le tout petit chêne en pot qu’il reçut e n récompense de sa victoire aux Jeux Olympiques de Berlin est un des post-scriptum les plus délicieux à la vie de Lovelock. II fut renvoyé par bateau en Nouvelle-Zélande et se tient maintenant fort et grand dans les jardins de son école secondaire pour garçons, Alma Mater Timaru. 25 Snell Snell fit ses études primaires à North Island. II fut un joueur de tennis très prometteur dès sa petite adolescence. II fut présenté à I’entraîneur Arthur Lydiard après une course de 880 yards qu’il fit en 1’54”1 et très vite ils s’unirent pour remporter des victoires. Snell disait: « J’ai abandonné le tennis et tout le reste après ce 1’54”1 et je suis devenu un athlète à part entière. » 26 pendant toute leur vie. » 29 Une semaine plus tard, Snell établit de nouveaux records aux 800 m et aux 880 yards. La force irrésistible de Snell ressort de ce rapport de la course: « Son attaque était préméditée et il ne Iâche pas. Rassemblant maintenant toutes ses forces, il s’approche de I’arrivée et débouche sur la ligne droite tout ruisselant de sueur. Comme un cuirassé fendant les hautes vagues avec difficulté. Tout près de nous, encore plus près, son allure est vigoureuse et sa bouche grande ouverte... vers la ligne. » 30 A Tokyo en 1964, I’ambition de Snell était de faire un doublé 800 m-1500 m. Au 800 m, il battit de façon évidente le record mondial avec 1’45”1. « Je sais de toutes façons que le contact de la ligne d’arrivée avec ma poitrine produisit en moi une sensation merveilleuse et un Peter Snell Au début de sa carrière, Snell s’inscrivit à I’école d’athlétisme de Lydiard qui terminait chaque semaine d’entraînement par une course de 22 miles à travers la végétation de buissons denses des montagnes escarpées de Waitekere. Snell décrit son agonie Iorsqu’il finit ce premier mini-marathon: « Je titubais, m’écroulais et fondis en larmes. » 2 7 A Rome en 1960, Snell fut ce profane inconnu de 21 ans de la finale du 800 m. Son entraîneur, Lydiard, avait déjà confiance en son protégé. “Ce sera un test de résistance et vous êtes peut-être le seul athlète qui ait une préparation suffisante pour participer à quatre courses en trois jours. » 28 Lydiard avait raison. Snell enleva une victoire au corps à corps à Moens et Kerr sur les 20 derniers mètres. Pendant les quatre années suivantes, Snell enleva des records mondiaux sur un demi mile, un mile et le relais quatre fois un mile. Le 27 janvier 1962 à Wanganui, Snell enleva le record du mile à Elliott avec un temps de 3’54”4. Harris rapporte à propos de I’ambiance tendue de cette soirée où un record fut battu: « II n’y a pas de poussée brutale vers les portes; les 16 000 personnes quittent doucement cette terre enchantée, comme si elles refusaient de laisser derrière elles la magie de la nuit. Mais elles ne laisseront pas tout derrière. Toutes, elles conserveront précieusement cette histoire 391 poids terrifiant sembla me quitter. Je ne pus résister à I’envie de lancer mes bras au ciel. Je n’avais pas tout gâché après tout. Je n’avais maintenant plus rien à perdre en participant au 1500 m. Jusqu’ à maintenant, le jeu en avait valu la chandelle.» 31 D’une certaine manière la finale du 1500 m fut plus ordinaire que le 800 m où il avait mis moins de deux minutes. A deux cents mètres de la ligne, Snell fit irruption à la tête. Snell se souvient que « de toutes façons, ma course sur la dernière ligne droite fut un peu plus facile q’elle ne I’avait été lors des 800 m. » 32 En 1965 Snell prit sa retraite. Sa dernière course se déroula à Berlin. « J’ai finalement décidé de terminer par ma course de Berlin, sur la même piste où Lovelock, aux Jeux Olympiques de 1936, remporta la finale du 1500 m pour la Nouvelle-Zélande. J’ai décidé que cet effort serait le plus grand car Lovelock y avait établi une tradition et que cette course devait être le signal de la fin de ma carrière. Je voulais qu’elle se termine par une victoire. » 33 Snell termina troisième. Il savait que quelque chose n’allait pas. « Pour beaucoup, j’ai dû faire figure d’un athlète vainqueur qui tout à coup n’arrive plus à gagner et ne sait pas pourquoi. En fait je découvrais qu’il ne m’était plus possible de m’entraîner pour un seul tour du monde afin de conserver un record. J’avais besoin de quelque chose comme des Jeux Olympiques ou d’un autre but encore inaccessible pour endurcir ma résolution. » 34 Walker Le troisième Olympien Néo-Zélandais du 1500 m s’éleva rapidement vers les hauteurs grâce à sa médaille d’argent qui le plaçait juste après Filbert Bayi lors des Jeux du Commonwealth en 1974 à Christchurch en Nouvelle-Zélande. Agnes remarque: « Comme Peter Snell avant lui, il avait tout pour être un grand joueur de tennis, un service foudroyant, un coup droit puissant, des réflexes rapides et la vitesse nécessaire pour couvrir le court. » 37 Quoiqu’il ait toujours été un jeune homme sportif, il fit peu d’athlétisme de façon sérieuse à l’école. « Le jeune Walker s’amusa à courir de 12 ans à 18 ans. Mais il ne s’y est certainement jamais vraiment entraîné... » 38 Après son retrait de I’athlétisme, Snell passa quelques années en Nouvelle-Zélande comme directeur d’une association sportive du conglomérat des cigarettes Rothmans. II termine actuellement des études de physiologie à I’Université de Californie et espère faire un doctorat à Chicago. II a déclaré lors d’un récent entretien: « Les médailles ont perdu leur éclat depuis longtemps. Je veux continuer à apprendre aussi longtemps que possible, jusqu’ à ce que je sois prêt à entrer dans le monde et à y appliquer mes connaissances. Je veux apporter dignement ma contribution à la société. » 35 Quelle comparaison peut-on faire entre Snell et les « grands » du 1500 m? En 1972, une course « imaginaire » fut simulée à I’aide d’un ordinateur entre Delaney (1956), Elliott (1960) et Snell (1964). be gagnant fut Elliott, Snell se plaça troisième. 36 Mais ce qui compte le plus, c’est qu’en 1964 Snell avait été le premier athlète à gagner le doublé du 800 m - 1500 m et qu’il avait donné I’impression que c’était facile. 392 John Walker Le 12 août 1975 à Göteborg en Suède, Walker battit le record du monde du mile avec un temps de 3’49”4. II n’avait d’yeux que pour Montréal et devint co-favori du titre olympique du 1500 m. En 1976 lors d’une tournée pré-olympique d’athlétisme en Europe, Walker écrasa le record mondial du 2000 m en 4’8”. « II se peut que la meilleure manière de souligner I’éclat de la course de Walker soit de se souvenir qu’avant que Filbert Bayi et Walker aient écrit leurs noms sur le livre d’or des records en 1975, I’Américain Jim Ryun détenait déjà le record du mile avec 3’51”1, ce qui signifie que Walker à Oslo a fait le même temps que Ryun pour le mile, mais qu’il fit un autre tour de piste en près d’une minute. » 39 Je doute que Lovelock et Snell aient jamais ressenti le même degré de tension mentale ou physique lors de leur préparation aux Jeux Olympiques. « Aucun autre champion, que ce soit Snell ou même l’invincible Elliott... n’a couru de façon aussi uniforme dans un temps aussi court. En trois mois, il fit quatre tours d’Europe successifs, courut de 17 à 25 fois. II vivait d’une valise, courait de I’aéroport à l’hôtel et de l’hôtel à la piste. II tomba quelquefois malade, il fut souvent très fatigué. Très peu furent ceux qui le battirent. C’était le lot de ses voyages et de ses courses continuels... » 40 A Montréal, Walker fut à deux doigts de perdre la seule victoire qu’il désirait pardessus tout. L’allure lente de la course dès le début encombrait la piste, et ce n’est que lors du dernier sprint désespéré que Walker, grâce à sa force et sa ténacité, put gagner avec une très petite marge. II était néanmoins champion olympique. « Enfant, il avait lu I’histoire des victoires olympiques de Lovelock et de Snell, il avait été impressionné par leurs exploits et les avait pris pour des sortes de dieux. Mais maintenant, fort de sa propre expérience, il savait que ce n’était pas des dieux mais des hommes. De grands hommes très certainement, des champions illustres, mais de toute façon de simples hommes qui avaient douté d’eux-mêmes comme lui et qui avaient vaincu. » 41 Aidé par sa rare habileté naturelle, Walker s’entraîna pour les Jeux Olympiques en suivant la même philosophie générale du conditionnement que Snell — un grand nombre de miles et une course de qualité. « Si vous voulez courir, rien ne sert de trotter. Ma vitesse minimale au mile ne sera jamais inférieure à 5 minutes et cela pendant six miles. Je me suis entraîné pendant 22 miles par monts et par vaux à moins de six minutes par mile. » 42 Au début de I’année 1976, Walker et Snell se sont rencontrés à I’Université de Californie à Davis. “Pendant plus de deux heures, Peter Snell fit subir à John Walker un examen physiologique complet. II testa la puissance des muscles de ses bras et de ses jambes, mesura le volume d’air contenu par ses poumons, le pesa à terre et complètement immergé, analysa son sang et enfin l’épuisa complètement en le faisant courir sur un manège à plan incliné pendant qu’un ordinateur lui donnait toutes les statistiques des scores de courses que la psychologie contemporaine connaisse... Pour la plus grande joie de Walker, ses résultats se montrèrent être presque les mêmes que ceux de Snell il 43 y a une dizaine d’années. » Conclusions Lovelock, Snell et Walker sont très différents les uns des autres. Leur coupe de cheveux (Lovelock a la raie au milieu, Snell est presque tondu et Walker a les cheveux longs, ils lui tombent sur les épaules) symbolise des contrastes entre générations. Quant à leur physique, Lovelock était un poids léger, alors que Snell et Walker sont des athlètes puissants et musclés. Lovelock était un « flotteur » glissant sans peine sur le sol. Snell et Walker sont des « conducteurs »... des athlètes qui courent puissamment avec des mouvements explosifs. Psychologiquement, Lovelock était introverti et sans prétention, Snell hésitant et timide, Walker extroverti et sûr de lui. II serait interminable d’essayer de dresser une liste de leurs différences. Pourtant, ils ont en commun ce qui a le plus de valeur pour des athlètes: la médaille d’or olympique. Existerait-il une théorie commune qui expliquerait les victoires si éclatantes d’un trio si différent? Snell a dit un jour: « Les Néo-Zélandais fournissent tant d’athlètes de haut niveau à I’heure actuelle que la cause ne peut être génétique. Notre société possède quelque chose qui fait qu’elle... veut vaincre. Quand les Néo-Zélandais ont repéré un domaine dans lequel ils peuvent vaincre, ils travaillent de toutes leurs forces pour réussir... » 44 II se peut que tout cela ne se ramène qu’à I’orgueil spécial de courir pour la NouvelleZélande. Harris explique ce que Lovelock ressentait lorsqu’il courait pour son pays: « II insistait et se réjouissait de porter I’uniforme noir avec la fougère d’or le plus souvent possible — même en s’assurant que, s’il portait un chapeau et une écharpe Néo-Zélandaise, les gens verraient cette écharpe 393 noire avec sa fougère d’argent. ll y avait quelque chose de plus aussi que la simple fidélité à la Nouvelle-Zélande: cet uniforme avait une connotation vraiment dramatique. II contrastait fortement avec le blanc et les couleurs douces de la Grande-Bretagne, de I’Allemagne et de la Hongrie. II attirait l‘attention sur Ie fait qu’il ne courait pas pour les nations très connues mais pour un petit pays à l’autre bout du monde. II avait l’impression d’être un individu, un loup solitaire...» 45 S.A.G.M.C. Références ¹ Ausubel, D.P. The Fern and The Tiki (La Fougère et le Tiki) (New York: Holt, Rinehart et Winston, 1965), p. 50. ² Cleveland, L. Pop, Art, Politics and Sport in New Zealand. (Les Concerts Populaires, I’Art, la Politique et le Sport en Nouvelle-Zélande) Politics, Vol. II, No 2, novembre 1967, p. 211. ³ Bureau Natinal de Recherches en accord avec le New Zealand Herald Survey of support for All Black rugby tour of South Africa (Enquête sur le soutien à I’équipe de rugby, les All Black, pour leur tournée en Afrique du Sud). Otago Daily Times, I2 octobre 1976. 4 Crawford, S.A.G.M. New Zealand Rugby: Vigorous, Violent and Vicious? (Le Rugby Néo-Zélandais: Vigoureux, Violent et Vicieux?) Review of Sport and Leisure (sous presse). 5 Leisurelines. Membership of sport, recreational and leisure bodies in New Zealand. (Nombre d’adhérents aux associations de sport et de loisirs en Nouvelle-Zélande) Feuille d’avis envoyée par le Conseil Néo-Zélandais aux Sports et aux Loisirs, 1er décembre 1975, p. 8. 6 Bureau National de Recherches en accord avec le New Zealand Herald. Survey of degree of involvement in sport by New Zealanders (Enquête sur la participation des Néo-Zélandais au sport) Publié par le B.R.N. le 31 juillet 1976. 7 Crawford, S.A.G.M. et Grace, K.W.C., article non publié, A Comparative Study of Olympic Newspaper Coverage: England/New Zealand. (Etude Comparative sur I’ensemble des informations journalistiques concernant les Jeux Olympiques: AngIeterre/Nouvelle-Zélande). Université d’Otago octobre 1976. 8 Otago Witness, 4 mai 1888. 9 Otago News, 4 avril 1849. 394 1 0 Crawford, S.A.G.M. Joe Scott: Otago World Champion Pedestrian. (Joe Scott: Un coureur à pied d’Otago, Champion du Monde). New Zealand Journal of Health, Physical Education and Recreation, Vol. 8, No 3, novembre 1975, pp. 111-113. 1 1 Crawford, S.A.G.M. Donald Dinnie in Dunedin. (Donald Dinnie à Dunedin). New Zealand Journal of Health, Physical Education and Recreation, Vol. 9, No. 1, avril 1976, pp. 12-15. 1 2 Harris, N. The Legend of Lovelock. (La Légende de Lovelock). (Wellington: A.H. et A.W. Reed 1964), p. 18. 1 3 Bradshaw, L.T. et Geddes A.R., History of the Dunedin Civil Service Harrier and Amateur Athletic Club: 1903-1953. (Histoire du Club d’AthIétisme Amateur et de Cross des Fonctionnaires de Dunedin: 1903-1953) Dunedin: Progress Print, 1953, p. 16. 1 4 Harris, op. cit., p. 24. 1 5 Ibid., p. 51. 1 6 Ibid., pp. 58-59. 1 7 Ibid., p. 99. 1 8 Ibid., p. 139. 1 9 Webster, F.A.M., Great Moments in Athletics (Les Grands Moments de l’Athlétisme) (Londres: Country Life, 1947), p. 58. 2 0 Harris, op. cit., p. 142. 2 1 Webster, op. cit., p. 59. 2 2 Ibid., p. 62. 2 3 Roxburg, H. Canada at the Olympics (Le Canada aux Jeux Olympiques) (Montréal: McGraw-HiIIRyerson, 1975), p. 99. 2 4 Harris, op. cit., p. 174. 2 5 Humberstone, B. Olympic Headlines (Les Titres de Journaux aux Jeux Olympiques) (Auckland: Wilson et Horton, 1976), pp. 41-42. 2 6 Snell, P.G. et Glimour G.H. No Bugles No Drums (Sans Tambours ni Trompettes) (Auckland: Minerva, 1965), p. 1O. 2 7 Ibid., p. 16. 2 8 Ibid., p. 33. 2 9 Harris, N. Lap of Honour (Un Tour d’Honneur) (Wellington: A. H. et A.W. Reed, 1963), p. 143. 3 0 Ibid., p. 149. 3 1 Snell et Glimour, op. cit., pp. 184-185. 3 2 Ibid., p. 190. 3 3 Ibid., p. 225. 3 4 Ibid., p. 229. 3 5 Chapple, G. Dr Peter Snell? (Dr Peter Snell?) Listener, Vol. 84, No. 1924, 23-29 octobre 1976, p. 65. 3 6 Illustrated London News Publication. Olympics 72 (Les Jeux Olympiques en 1972) (Londres: Illustrated London News, 1972), pp. 30-34. 3 7 Agnew, I. Kiwis Can Fly (Les Kiwis peuvent voler) (Auckland: Marketforce, 1975), p. 67. 3 8 Ibid. 3 9 Agnew, I. Aim High (Un Grand Projet) (Auckland: Agnew Entreprises, 1976) p. 37. 4 0 Ibid., p. 143. 4 1 Ibid., p. 153. 4 2 Sturak, T. Interview with John Walker. (Un Interview avec John Walker) Runner’s World, Vol. 10, No 4, avril 1975, p. 15. 4 3 Andrews, G. What do you do after you’ve run to the top? (Que faites-vous lorsque vous êtes arrivé au sommet?) Listener, Vol. 81, No. 1894, 27 mars2 avril 1976, p. 26. 4 4 Ibid. 4 5 Harris, 1964 op. cit., p. 107.