politiques publiques et migration climatique : cas du maroc
Transcription
politiques publiques et migration climatique : cas du maroc
POLITIQUES PUBLIQUES ET MIGRATION CLIMATIQUE : CAS DU MAROC Saïd MOUFTI Directeur de Recherche Institut Royal des Etudes Stratégique, Maroc Les conséquences directes et indirectes du changement du changement climatique sur les écosystèmes à l’échelle mondiale conduisent les populations qui en sont victimes à choisir l’immigration vers des pays ou des régions qui leur serviraient de refuge tant vis-à-vis des aléas de ces changements que d’un point de vue économique. Leur nombre est plus élevé qu’il ne l’a jamais été dans l’histoire de l’humanité. Ils sont plus nombreux que les réfugiés politiques et le problème est appelé à s’accentuer à l’horizon des prochaines décennies. Une telle réalité pose avec acuité la question de la capacité des politiques publiques à contenir les vulnérabilités environnementales et l’efficacité des dispositifs juridiques existants à réguler la question des migrations climatiques et à lui trouver des réponses adaptées qui s’inscrivent dans la durée. Il convient de préciser, toutefois, que la Communauté internationale dans son ensemble est démunie face à la disponibilité de données précises et de statistiques sur les migrations internes ou provenant de pays étrangers et par voie de conséquence d’indicateurs pour la qualifier, préciser les caractéristiques des populations qui migrent, leurs zones de destination et d’origine. On constate également l’absence de cartographies généralisées et consensuelles des lieux de vulnérabilité et des zones frappées par de nombreuses menaces pour mieux cerner les risques encourus. De plus, une législation internationale cohérente et des institutions appropriées font défaut en matière de gestion de la migration climatique. Si la conscience internationale évolue, elle n'a toujours pas réussi à offrir un statut aux déplacés climatiques ni un cadre international investi d'une compétence spéciale et générale en la matière. Les tentatives entreprises en direction d'un droit international de l’immigration climatique se caractérisent par une approche fragmentaire et parfois opposée et l'action des organismes internationaux est caractérisée par une multiplicité d'intervenants. Certes, le droit international ne se construit pas d'un seul tenant. Chaque convention, chaque conférence mondiale apporte sa pierre à l'édifice. Dans son état actuel, il est formé de règles disparates qui se révèlent aujourd'hui insuffisantes, distanciées par rapport aux faits et en attente de leur mise en cohérence. ***** Le Maroc, compte tenu de ses conditions naturelles et de sa situation en zone aride et semi-aride et de ses ressources en eau limitées et irrégulièrement réparties dans le temps et dans l'espace, n’est pas en reste de ces évolutions. De plus, si le Maroc a connu des déplacements de personnes au niveau national, il est aussi un pays d’accueil des migrants venant d’ailleurs. De par sa situation entre l’Europe et l’Afrique sub-saharienne, la Maroc se transforme d’un pays de transit à un pays d’accueil pour les migrants d’Afrique subsaharienne, région du monde qui en engendre le plus grand nombre. Les politiques restrictives à l’œuvre en Europe rendent cette situation davantage complexe. Les actions entreprises par le Maroc en matière d’adaptation au changement climatique ambitionnent de renforcer la durabilité environnementale du système productif du pays et d’accélérer son processus de développement économique et social. A cet égard, plusieurs programmes de développement ont été menés en milieu rural (accès à l’eau potable, électrification, infrastructures routières, infrastructures sociales de base…) pour favoriser son désenclavement et le connecter à la dynamique de développement que connait le pays. De plus, d’importantes transformations sont aujourd’hui à l’œuvre dans plusieurs domaines, ce qui reflète l’ambition du pays de sécuriser ses bases productives tant dans le domaine de l’agriculture que de l’industrie et d’amorcer son insertion précoce dans les nouveaux créneaux de l’économie verte à travers les grands projets d’énergies renouvelables (solaire notamment). Sur le plan législatif et réglementaire, si d’anciens textes existent déjà en matière de protection de l’environnement au Maroc, il importe de souligner que de nouvelles dispositions ont enrichi l’arsenal juridique marocain et traduisent dans leur essence l’amorce d’une prise de conscience en la matière par les pouvoirs publics. Toutefois, la multiplicité des acteurs dans un contexte de faible coordination limite l’efficacité de l’action publique, tandis que l’effectivité des lois et leur traduction en des termes opérationnels demeure un réel défi à relever pour favoriser une meilleure appropriation des enjeux liés, entre autres, à la migration climatique. Au demeurant, le caractère transversal et complexe des problèmes liés aux migrations climatiques impose de concevoir la gestion de ce phénomène dans une perspective large, qui va de la prévention voire de la prévision et de la mitigation des effets à l’adaptation. De plus, il faudrait que le cadre de cette approche soit à l’évidence situé au carrefour des grandes décisions politiques nationales et articulé avec le niveau régional et international.