Lettre 79-80 (hiver 2011-printemps 2012)

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Lettre 79-80 (hiver 2011-printemps 2012)
La lettre de
frase
l’A
association française pour la recherche sur l’Asie du Sud-Est
N° 79-80 – Hiver 2011- Printemps 2012
L'Asie du Sud-Est
en images
Sommaire
Editorial
EntrEtiEn
Francis Richard ....................................................................................... 3
DossiEr : L'AsiE Du suD-Est En imAgEs
Les rencontres de l’Afrase le 21 octobre 2011 ..................... 7
L’Asie du Sud-Est dans les collections
audiovisuelles de l’Ina ...................................................................... 10
L’Asie du Sud-Est dans les fonds audiovisuels
de l’ECPAD ............................................................................................. 15
« L’image filmique est un trésor de mémoire » .................. 17
L’Indochine à l’écran ......................................................................... 21
Une étude de cas : Norodom Sihanouk, roi du
Cambodge, Un parcours politique en images .................... 23
ActuALités
Eko Nugroho et l’art contemporain en Indonésie ............. 27
Retour de terrain Ethnographie à Bu Sra, commune
bunong en sur les hautes terres du Cambodge ................ 29
Regard de chercheur Trinh Van Thao ..................................... 32
In Memoriam, Georges Condominas (1921-2011)........... 33
Ag 2011 ....................................................................................................35
Annonces ................................................................................................37
Publications...........................................................................................38
revues ......................................................................................................46
thèses .......................................................................................................52
Euroseas 2013 .....................................................................................54
Bureau de l’Afrase
Claire Trân Thi Liên, présidente.................................. [email protected]
Jérôme Samuel, vice-président ........................ [email protected]
Pascal Bourdeaux, secrétaire.................... [email protected]
Elsa Clavé-Celik, trésorière .............................. [email protected]
RédaCTioN :
Pascal Bourdeaux, Christine Cabasset, Nicolas Césard, Caroline
Herbelin, Vatthana Pholsena, Céline Pierdet, Catherine Scornet, Paul
Sorentino, Deth Thach, Isabelle Tracol-Huynh
Site web : [email protected] et [email protected]
Facebook : [email protected]
Publications : [email protected]
Revues : [email protected] et [email protected]
Thèses : [email protected]
Maquette : Bruno Barbagallo
Photo de couverture : Captures d’écran extraites du documentaire de
Serge Viallet, 1978 : les images retrouvées des Khmers rouges, Mystères
d’archives, Arte Editions-Ina, 2009
Les laboratoires et institutions suivantes
soutiennent la Lettre de l’Afrase
• Institut d’Asie orientale (IAO), Lyon
• Institut de recherche sur l’Asie du Sud Est
contemporaine (Irasec), Bangkok
Votre institution ou laboratoire peut également aider
la Lettre de l’Afrase en souscrivant un abonnement
de soutien (100 euros par an).
2 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Comme nous vous l’annoncions dans notre courrier de décembre, la Lettre de l’Afrase revient ce printemps sous la
forme d’un numéro double. En effet, la Lettre d’hiver a été
reportée, le bureau étant accaparé cet hiver par l’organisation de manifestations et la rénovation du site web. Les deux
« Rencontres de l’Afrase » organisées cet hiver ont rassemblé un public nombreux. L’une en partenariat avec l’Ina
en octobre sur « L'Asie du Sud-Est en images», l’autre en
partenariat avec le Musée d’Art Moderne de Paris et SAM
Art Projects sur « Eko Nugruho et l’art contemporain en Indonésie » en janvier. En revanche, nous avons du renoncer à la rencontre « Leçons indonésiennes pour un printemps
arabe ? Islam politique et transition démocratique » en partenariat avec le Ceri et l’Issmm prévue pour ce printemps,
faute de financement pour la venue des chercheurs indonésiens.
Le prochain rendez-vous important de l’année 2013 sera le
7eme congrès de l’Euroseas à Lisbonne: vous avez jusque
fin mai pour faire vos propositions de panel! Voici donc la
nouvelle Lettre désormais publiée sous format électronique.
Discuté depuis plusieurs années, le passage à la lettre électronique a finalement été décidé au regard des finances. Les
économies réalisées sur la publication et l’envoi de la lettre
permettent de payer un professionnel pour la mise en page
de la Lettre, qui a bénéficié ces dernières années du travail
précieux et bénévole d’Agnès de Féo. A ceux qui ne l’ont
pas encore fait, merci d’envoyer vos coordonnées (nom,
prénom, courriel, adresse, profession et institution) à
[email protected] afin d’actualiser notre mailing list. Ce double numéro s’ouvre avec l’interview de Francis Richard
conservateur général de la Bulac qui vient d’ouvrir ses portes
cet hiver. La lettre propose un dossier consacré à « L'Asie
du Sud-Est en images» basé en grande partie sur les interventions de la rencontre organisée avec l’Ina. Il ne prétend
pas faire le tour de la question mais entend présenter certains fonds audiovisuels et quelques exemples d’utilisation
de ces fonds encore largement méconnus. Marie Lesourd
revient sur la rencontre avec l’artiste indonésien Eko Nugroho
au MAM de Paris. Le sociologue Trinh Van Thao nous offre
son regard de chercheur. Richard Pottier évoque la personnalité de Georges Condominas. Tandis que Catherine Scheer
revient pour nous sur son terrain à Bu Sra, sur les hautesterres du Cambodge. Vous retrouvez enfin les traditionnelles
et précieuses rubriques de recensions des Publications, Revues et Thèses sur toute l’année écoulée.
Enfin, avec cette lettre de printemps, vient également l’annonce de notre rendez-vous annuel. Notre assemblée générale se tiendra dans les salons de la Maison de l’Asie, le
15 juin à partir de 18h. Moment important pour la vie de notre
association car il est avant tout une occasion d’échanges et
de convivialité pour nos membres et futurs membres. Il
s’agira néanmoins de tirer la sonnette d’alarme concernant
les adhésions. Nous avons besoin de vos contributions pour
continuer ce travail de liaison: le renouvellement de votre
adhésion, la mobilisation de vos réseaux afin d’obtenir un
abonnement de soutien auprès de vos institutions et votre
bonne volonté à faire connaître l’Afrase et susciter de nouvelles adhésions, d’autant qu’il existe désormais des modalités de paiement simplifié avec Paypal. Sans votre contribution minimum, l’Afrase ne pourra continuer, quelque soit
l’investissement maximal des membres du bureau. L’avenir
de l’Afrase est entre vos mains.
Entretien
Entretien avec Francis Richard, conservateur général
et directeur scientifique de Bulac
La Bulac vous ouvre
ses portes!
© S. Stankovic-Bulac
A l’occasion de la récente ouverture de la Bibliothèque
universitaire des Langues et civilisations, l’Afrase est
allée à la rencontre de son conservateur général et directeur scientifique, Francis richard. A grands traits, il
nous présente l’histoire de la Bulac, ses spécificités et
ses fonds exceptionnels. Pour se faire une idée de l’ampleur de la tâche accomplie, le lecteur peut se reporter à
une précédente Lettre (n°74, été 2009, pp. 8-10) qui évoquait le chantier de cette bibliothèque alors en cours.
Pourriez-vous nous en faire une brève
présentation de la Bulac ?
La Bulac vient en effet d'ouvrir à la mi-décembre 2011, quelques semaines après
l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco), dans un nouveau
bâtiment construit au n°65 de la rue des
Grands-Moulins, à proximité de la Bibliothèque nationale de France et de l’Université Paris Diderot- - Paris 7. Le bâtiment
abrite sous un même toit deux entités administrativement distinctes, la Bibliothèque
universitaire des Langues et civilisations,
qui a le statut de Groupement d'Intérêt Public (GIP) et l'Inalco. La Bulac occupe cinq
étages d'une des ailes du bâtiment, trois
étages de salles de lecture et deux étages
inférieurs de magasins.
Pour créer une telle structure, le temps
de la concertation a peut-être été aussi
long que celui de la concrétisation ?
La Bulac a été créée à la suite du rapport
présenté en 2001 par Maurice Garden à la
demande du ministre de l'enseignement
supérieur. Sa création découle d’un double
constat : celui de l'extrême dispersion des
bibliothèques orientalistes en France et
celui de leur fragilité. Cette situation était
le résultat des échecs successifs des diverses tentatives de regroupement des enseignements des Langues orientales et des
collections de la bibliothèque qui en dépendaient et qui, faute de place, se trouvaient dissociées depuis les années 1970.
Il y avait par ailleurs une véritable attente
de la part des enseignants et des chercheurs rattachés aux équipes étudiant spécifiquement les aires concernées. Suite au
rapport Garden, un GIP a donc été créé.
C’est Marie-Lise Tsagouria qui a été chargée de la conduite du projet de bibliothèque.
Dès sa conception, il a été décidé que cet
établissement bénéficierait des nouvelles
technologies, d'un catalogue informatisé
coopératif multilingue et multi-écriture, bref
qu'il fournirait aux lecteurs, étudiants et
chercheurs, un maximum de services innovants.
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Entretien
Survol des collections sur l’Asie du Sud-Est
De faible importance et récent
(1974), le fonds laotien de la
Biulo comporte une centaine de
titres en langue originale pour
780 environ en langues occidentales.
Le fonds cambodgien de la Biulo
compte 338 titres en langue
khmère et 2 072 en langues occidentales. Il concerne avant tout
la linguistique et l’histoire.
Le fonds khmer de la Bulac s’est
enrichi dans différentes disciplines, grâce au dépôt par l’Efeo
de 400 volumes de monographies récentes pour la plupart.
Certains sont fort rares car ils ne
sont pas conservés ailleurs. C’est
aussi le cas de la collection de
périodiques constitué au Cambodge par l’équipe d’Olivier de
Bernon depuis 1990 (et complété
par le don Michael Vickery pour
la période 1979-1990). La Bulac
détient ainsi, du fait de l’histoire
récente du pays, une collection
unique au monde, qui constitue
un corpus dans lequel les chercheurs pourront puiser pendant
longtemps.
Avec 80 titres en tagalog et
2 650 en langues occidentales,
le fonds philippin de la Biulo a
répondu à la création en 1965
d’un enseignement de pilipino à
l’Inalco.
Le fonds océanien est constitué à
la Biulo de 270 titres en langues
originales contre 3 100 en
langues occidentales et de deux
titres de périodiques, la chaire
concernant ces langues n’ayant
été créée qu’en 1977.
Enseigné depuis 1869, le vietnamien est servi à la Biulo par un
fonds de 6 000 titres en langue
originale, 2 000 en langues
orientales et 45 titres de périodiques. Le fonds comporte un
certain nombre de documents anciens, notamment en vietnamien,
en caractères chinois (nôm) ou
des pièces liées aux débuts de
l’influence française. Le fonds
comporte 40% d’ouvrages de littérature, 20% de linguistique et
30% d’histoire et de géographie.
Il est complémentaire des fonds
d’autres établissements parisiens
(BnF et LCAO de Paris 7)et Paris
Diderot a déposé quelques collections vietnamiennes à la
Bulac.
Le fonds birman de la Biulo est
estimé à 1 961 titres en birman
et 518 en langues occidentales. Il
est d’une grande qualité puisqu’il
compte des manuscrits et de
nombreuses éditions rares ou anciennes. Il est essentiellement
constitué de textes littéraires.
Le fonds thaï de la Biulo contient
5 812 titres en thaï (siamois) et
777 en langues occidentales ; 13
titres de périodiques, dont 8 vivants. Le thaï est enseigné depuis
1876, le fonds a surtout un intérêt pour la littérature, l’histoire,
la religion et compte quelques
ouvrages en linguistique.
Pourriez-vous préciser les diverses composantes formant ce Groupe d’Intérêt
Public ?
Le GIP est constitué de plusieurs partenaires, l'Inalco, l'EPHE, l'EHESS, l'Efeo, les
Universités de Paris 1, 3, IV et Paris 7. Le
CNRS y est associé par convention. Le
noyau des collections de la Bulac est, bien
évidemment, constitué des collections venant de la Bibliothèque de l’école des
langues orientales. De 1978 à 2009, celleci a été connue sous le nom de Bibliothèque
interuniversitaire des langues orientales
(Biulo) et rattachée administrativement à
l’université Paris 3 avant son intégration
4 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Edouard Dulaurier (1807-1881)
qui enseigna le malais à l’école
jusqu’en 1861 a laissé un certain
nombre de manuscrits copiés de
sa main qui témoignent de son
travail de pionnier et a réuni des
documents susceptibles d’identifier et de décrire les langues indonésiennes. Les documents
conservés, dont le fonds ancien
(publication des Indes néerlandaises, Batavia, etc.), sont cotés
de différentes manières selon les
langues (malais, malaisien,
langues d’Indonésie). Au total,
les collections comptent 2 400 titres en langues locales, 1 600 en
langues occidentales, 5 titres de
périodiques vivants (et une vingtaine d’autres ayant cessé de paraître). La littérature représente
plus du tiers de ce fonds.
Les collections du laboratoire Archipel (environ 12 000 ouvrages
en malais et en indonésien) n’ont
pas été intégrées à la Bulac, du
fait de la politique de l’EHESS.
En prévoyant de les déménager
sur le campus Condorcet, sans
en préciser les futures conditions
d'accès, cette politique a pour
conséquence de placer ce fond à
bonne distance de 90% des usagers potentiels.
Une collection de monographies,
déposées par l’Efeo et concernant l’Indonésie et l’Asie du SudEst est venue rejoindre la Bulac
et compléter un fonds encore relativement réduit.
dans la Bulac. Elle est la doyenne et la plus
importante des bibliothèques rejoignant la
Bulac. Son histoire se confond avec celle
de l’enseignement des langues orientales
et avec le développement de l’École des
langues orientales. Tout au long de l'élaboration du projet, lequel doit s'achever dans
quelques années par la construction d'une
"Maison de la Recherche » à proximité de
la Bulac, le périmètre en a un peu varié, notamment du fait de l'émergence du projet
de Campus Condorcet Paris-Aubervilliers.
Cependant, la construction de la Bulac s'est
achevée en 2011; et à l'automne 2011, l'ensemble des transferts de collections vers les
© Maisonneuve-Bulac
Entrée de la Bulac.
salles et les magasins de la rue des Moulins était achevé. Au total, c’est un million
et demi de volumes qui ont été réunis dont
200 000 sont placés en libre accès.
Quelles autres institutions gravitent autour du GIP ?
Pour collaborer avec des bibliothèques non
membres du GIP, la Bulac a signé, dès
avant son ouverture au public, des conventions de coopération et de partage documentaire avec plusieurs établissements de
la région parisienne. C'est le cas avec la
BnF, le Collège de France, l'INHA (Institut
national d’histoire de l’art), la BDIC (bibliothèque de documentation internationale
contemporaine à Nanterre) et la bibliothèque de l'Ima (Institut du monde arabe).
D'autres conventions sont à l'étude. Par
exemple, nous n'avons pas encore de
convention avec le Musée du quai Branly,
mais nous envisageons une collaboration
étroite avec le Musée national des arts
asiatiques Guimet. Le but est de mener
une politique documentaire cohérente au
service des lecteurs.
Le projet intègre-t-il une dimension internationale ?
Dès l'origine, la Bulac s'est dotée d'un
conseil scientifique où étaient présents des
chercheurs et bibliothécaires étrangers.
Leur expérience nous a été utile et nous
avons pu nouer des liens étroits avec nos
collègues allemands, hollandais ou britanniques notamment qui ont suivi de très près
l'avancement du projet. Nous avons aussi
formé des consortiums avec les grandes bibliothèques anglaises pour souscrire des
abonnements électroniques à des bouquets
japonais et chinois. Ce type de coopération
a été initié par la Bulac. Nous avons l’ambition de développer cette ouverture à l’international qui est vitale pour nous.
Vous venez d’évoquer les services fournis aux chercheurs…
La Bulac est ouverte à la fois aux étudiants
de l'Inalco qui bénéficient d’un accès réservé à l’étage "niveau étude" ainsi qu’à
la mezzanine avec ses vastes espaces de
travail et, plus largement, à tout les publics, universitaires ou non, qui peuvent y
trouver manuels de langue et ouvrages de
référence. C'est aussi une bibliothèque
destinée aux chercheurs pour qui a été
conçue une salle "rez-de-jardin" où les
places peuvent être réservées et où l’on
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 5
Entretien
Dossier
trouve une "réserve" pour les manuscrits
et les ouvrages anciens et précieux. Une
des principales innovations est la présence
de 27 carrels et de 20 salles de groupes
réservables à l'intention des chercheurs.
Ces services entreront bientôt en service,
ainsi que la "bibliothèque de nuit", autrement dit quelques salles qui sont réservables 24h sur 24. Ceci étant dit, il n'y a pas
de séparation entre ces différents espaces
de manière à rendre à tout lecteur la bibliothèque la plus accueillante possible.
A propos des lecteurs, les pré-inscriptions
peuvent être réalisées en ligne, le retrait
de la carte se faisant sur place. L'inscription est ouverte à tous à partir de 18 ans.
Certains lecteurs (étudiants et chercheurs
membres du GIP) ont droit au prêt (ouvrages postérieurs à 1960) et aux réservations d'espaces et carrels (chercheurs et
doctorants). La salle d'étude est ouverte de
10h à 22h, celle de recherche ferme à
20h ; quant à la salle de réserve, elle ouvre
de 14 à 19 heures. Tous ces services fonctionnent du lundi au samedi. Les ouvrages
conservés en magasins doivent être commandés via les postes informatiques et
sont disponibles après 45 minutes. Ils peuvent être également préparés et conservés
pour le lendemain. Chaque lecteur dispose d'un « compte lecteur » pour faire
des réservations, suggestions d’achat,
commentaires, etc.
Un service de numérisation à la demande
est proposé à nos lecteurs proches ou lointains. Notre catalogue multilingue et multiécriture est l'objet de tous nos soins. Un
vaste chantier de rétro-conversion de plus
d'un million de fiches sur papier a été mené
depuis la création du GIP et il s'achèvera
lorsque les dernières fiches arabes, chinoises ou japonaises seront saisies. Le
catalogue peut être consulté à distance et
les livres commandés à l'avance. L’offre de
services à distance fait partie de nos objectifs prioritaires.
Quelle offre existe-t-il pour ceux qui se
tournent plus précisément vers les
études sud-est asiatiques ?
Les lecteurs, étudiants et chercheurs qui
se consacrent à l'Asie du Sud-Est ont
accès à un fonds composé des riches collections en provenance de la Biulo de la
rue de Lille et du fonds qui se trouvait à
l’Université Paris-Dauphine. S'y ajoutent
les dépôts faits à la Bulac par l'Efeo. La
bibliothèque de l’équipe de recherche "Archipel" (EHESS-CNRS) n'a pas rejoint la
Bulac, mais elle est présente sur notre catalogue. L'Asie du Sud-Est forme le sec6 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
teur "42" dans notre libre-accès, avec :
- une offre d'ouvrages récents regroupés
d’abord par aire régionale (généralité), puis
par pays (selon le code ISO des pays).
Subdivisée selon une classification Dewey
adaptée à nos besoins, cette offre a comme
points forts la linguistique et les sciences
sociales.
- au niveau "études", on trouve, pour l’essentiel, des manuels de langue, des dictionnaires et des ouvrages généraux, le
plus souvent en langue anglaise et française.
- au niveau "recherche", l’offre est plus importante et représente plusieurs milliers
de volumes dont 60% au moins en langues
originales.
- la Bulac est également abonnée à une
cinquantaine de titres de périodiques vivants sur dont les numéros des 10 dernières années sont en accès libre.
Ce libre-accès est remis à jour et complété régulièrement. Les autres collections
sont conservées en magasins.
Pourriez-vous nous dire enfin quelques
mots sur les fonds patrimoniaux sud-est
asiatiques de la Bulac?
On y trouve peu de documents photographiques, mais il existe un fonds cartographique concernant le Vietnam et l'Asie du
Sud-Est. La collection de manuscrits de
la Biulo, avec plus de 4000 manuscrits,
surtout en caractères arabes n’est pas encore visible totalement sur le catalogue de
la Bulac. Elle le sera dans le catalogue
collectif des bibliothèques françaises « Calames ». Notre fonds patrimonial est riche
de plusieurs ensembles de volumes en
pali, en sanskrit, en cham, en cambodgien, en birman et dans diverses langues
indochinoises. On y trouve également d’autres fonds en langues vernaculaires ainsi
que des fonds d’archives et des recueils
de correspondances. Ces documents sont
accessibles dans la salle "Réserve", de
même que les imprimés occidentaux antérieurs à 1850 et les ouvrages édités en
Asie avant 1920 qui, de fait, sont devenus très rares. Dans les collections venant d’autres bibliothèques, celle de l’Efeo
notamment, on trouve aussi des documents, des manuscrits ou des imprimés
ayant une valeur patrimoniale. Tout en
conservant leur identité propre, ils rejoindront pour certains la Réserve de la Bulac.
Propos recueillis
par Pascal Bourdeaux
Dossier
L'Asie du Sud-Est
en images
Cameraman
khmer rouge
filmant un défilé
à Phnom Penh
Une seconde « Rencontre de l’afrase » s’est tenue
le 21 octobre 2011 sur le thème « L'asie du Sud-Est
en images - Sources audiovisuelles et leurs
usages à des fins de recherche ».
Le dossier qui suit, reprend en grande partie les
contributions présentées lors de cette conférence.
L’afrase a voulu se pencher sur des sources
encore peu exploitées par les chercheurs travaillant sur l’asie du Sud-Est : les matériaux audiovisuels. Parallèlement à la presse écrite, les média
audiovisuels n’ont cessé de se développer depuis
près de 70 ans. En occident, ils ont contribué à la
diffusion de la connaissance du monde, et de
l’asie du Sud-Est en particulier, à un public toujours plus large. En asie du Sud-Est, ces nouveaux
médias se sont également largement développés.
dans un monde où le pouvoir de l’image est croissant, le chercheur ne peut ignorer ces sources et
doit s’interroger sur la vision que nous nous faisons des autres, et de celle que les autres entendent donner d’eux-mêmes.
après un rapide compte rendu de cette conférence, un aperçu de la richesse des leurs fonds
audiovisuels sur l’asie du Sud-Est, ainsi que certains éléments de méthodologie pour le traitement
de ces données, est exposé par les représentants
des deux institutions de conservation et de production de sons et images que sont l’ina (anne
Pavis) et l’ECPad (Marina Berthier). Pour la présentation des fonds du Centre Bophana à Phnom
Penh, nous vous renvoyons à l’interview de Rithy
Panh, parue dans un numéro précédent consacré
aux « Ressources documentaires en asie du SudEst » (N° 74 – Eté 2009). (1) Le dossier propose
ensuite quelques exemples de travaux de
recherche réalisés à partir de ces fonds audiovisuels. Tout d’abord, ceux de professionnels de
l’image comme Serge Viallet, réalisateur de la série
Mystère d’archives, ou de delphine Robic-diaz,
maître de conférences en études cinématographiques. Est ensuite évoqué le travail expérimental
réalisé pour l’occasion par deux historiens, alain
Forest et Claire Trân Thi Liên, découvrant les fonds
de l’ina sur le Cambodge contemporain. Ce dossier
n’est qu’un début de réflexion sur l’usage de ces
sources, et surtout sur la méthodologie pour les
appréhender.
(1) Voir également l’article sur le fonds du centre audiovisuel de Timor-Leste
présenté dans ce même numéro par le journaliste Max Stahl.
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 7
© Serge Viallet - Mystère d'archives - Arte/ Ina
Dossier coordonné par Claire Trân Thi Liên
Dossier
Les rencontres de l’Afrase le 21 octobre 2011
L'Asie du Sud-Est en images
Les documents audiovisuels sont le fruit du regard particulier de journalistes, souvent marqués
par l’actualité et l’urgence, et ne disposant pas toujours de ce fait du recul nécessaire qu’ont les
chercheurs pour appréhender une réalité complexe. ces archives audiovisuelles sont cependant
autant des traces des sociétés que nous étudions que des traces de la perception que nos sociétés se sont fait et se font encore de cet Extrême orient qu’elles ont dans le passé colonisées.
mieux, ces images et sons du passé peuvent dire beaucoup plus que ce que ceux qui les ont réalisés entendaient dire sur le moment, comme le démontre serge Viallet dans ses documentaires,
mystères d’Archives. L’objectif de cette conférence était de faire découvrir aux membres de
l’Afrase la richesse de ces fonds, de présenter quelques exemples de traitement et d’analyse de
ceux-ci et, au final, de susciter de nouvelles recherches et réflexions.
© Trân Thi Liên
La conférence qui s’est tenue dans les locaux de l’Ina - Patay, salle Cognacq-Jay
dans le 13e à Paris, a réuni sur la journée
près de soixante-dix personnes, et ce, malgré le froid glacial et le temps mis pour réchauffer la salle. Elle est le résultat d’une
collaboration étroite entre l’Afrase et l’Ina
qui s’est étalée sur presqu’un an. Quatre
personnes de l’Ina ont contribué tout particulièrement au succès de cette conférence. Anne Pavis, responsable documentaire et Denis Maréchal, chargé de mission
pour la diffusion scientifique, se sont montrés très ouverts et enthousiastes pour ce
projet de conférence, et ont participé activement à sa conception et à son organisation. Côté technique, Véronique Bacqua et
Jean-Michel Briard ont assuré la régie pendant toute la journée. Ce dernier a également rendu possible le montage d’un document audiovisuel sur le prince Sihanouk,
spécialement réalisé pour la conférence. La
conférence a bénéficié du précieux sou8 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
tien financier du laboratoire Sedet de l’Université Paris Diderot et du Case
(EHESS/CNRS).
La rencontre a commencé en début de matinée par une introduction de la présidente
de l’Afrase, Claire Trân Thi Liên et de JeanMichel Rodes, directeur délégué à la direction des collections de l’Ina. La matinée a
été consacrée à la présentation des fonds
audio-visuels sur l’Asie du Sud-Est : historique des institutions, description des fonds,
des méthodologies, des lois régissant l’utilisation de ces fonds. Chaque intervention
était suivie d’une discussion avec le public.
Marina Berthier, documentaliste du Fonds
Indochine a commencé par présenter les
fonds de l’ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle
de la Défense). C’est ensuite Denis Maréchal, chargé de mission pour la diffusion
scientifique qui a présenté les missions de
l’Ina tout en insistant sur la volonté de l’Ina
de développer les collaborations avec les
chercheurs. Anne Pavis, responsable documentaire, en charge de la communication
des fonds et de l'accueil du public, a décrit
de manière générale les fonds de l’Ina, les
instruments à la disposition des chercheurs
pour traiter ces fonds, et fait un tour d’horizon des fonds de l’Ina sur l’Asie du SudEst. Enfin, James Burnet, membre de l'Aadac (Association d'aide au développement
de l'audiovisuel au Cambodge) a présenté
les fonds d’’un centre de ressources audiovisuelles important en Asie du Sud-Est, Bophana. Créé en 2006 à Phnom Penh grâce
à la personnalité du réalisateur Rithy Panh
et la collaboration de l’Ina, ce centre a permis de sauvegarder le patrimoine audiovisuel en péril du Cambodge. Centre de
conservation, Bophana est également devenu un centre de création, soutenant la
production audiovisuelle locale. Après une
© Trân Thi Liên
matinée consacrée à la présentation des
fonds, l’Afrase a offert aux participants un
copieux buffet indonésien grâce à l'association Solidarité Indonésie. Cette pause déjeuner a été un moment très convivial où intervenants, membres de l’Afrase et public
plus large ont pu échanger de manière plus
informelle. L’après-midi a été consacrée à
des études de cas. La première étude de cas
« Norodom Sihanouk, roi du Cambodge : un
parcours politique en images » a été réalisée spécialement à l’occasion de la conférence par deux historiens de la péninsule indochinoises Claire Trân Thi Liên, Maître de
conférences, et Alain Forest, Professeur
(Université Paris Diderot). Ce dernier, spécialiste du Cambodge, a commenté les
images d’un montage réalisé par sa collègue à partir des archives de l’Ina en insistant sur la nécessité d’une connaissance
approfondie de l’histoire du Cambodge pour
interpréter les images, les événements et les
propos rapportés par les journalistes français, et souligner l’absence d’images et de
propos sur des faits majeurs. La deuxième
étude de cas a été présentée par Delphine
Robic-Diaz, Maître de conférence en études
cinématographiques à l’Université Paul Valéry – Montpellier III. Spécialiste du cinéma
colonial et post-colonial français ainsi que
du cinéma de guerre, cette dernière a présenté le processus de construction du mythe
contemporain de l’Indochine à partir du film
Indochine de Régis Warnier. Après une
pause café, la conférence s’est poursuivie
par l’intervention du réalisateur Serge Viallet et de son collaborateur Pierre Catalan.
Après une longue introduction sur sa pratique des archives filmiques depuis une
vingtaine d’années, il a présenté sa méthodologie de travail pour la réalisation de ses
documentaires Mystères d'archives, coproduits par Arte France et Ina. Une discussion très riche avec le public a suivi chacune des projections de deux documentaires
« 1978 : les images retrouvées des Khmers
rouges » et « 1975. La chute de Saigon »,
d’une durée de 26 minutes chacun. La
conférence s’est terminée à 18 h passés et
a été clôturée par la présidente de l’Afrase
et par Denis Maréchal. Tous deux ont remercié les intervenants et souhaité que
cette rencontre contribue à ce que des chercheurs et étudiants travaillant sur l’Asie du
Sud-Est s’intéressent aux fonds audiovisuels présentés dans la matinée. Ils ont
également évoqué l’intérêt pour l’Afrase
d’organiser dans les années à venir, et en
partenariat avec l’Ina, une conférence scientifique rassemblant des chercheurs de différentes disciplines travaillant sur les
sources audiovisuelles touchant à l’Asie du
Sud-Est.
CTTL
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 9
Dossier
L’Asie du Sud-Est dans les collections
audiovisuelles de l’Ina
Les fonds de l’institut national de l'audiovisuel (ina)
regroupent la mémoire sonore et visuelle de plus de 70
ans de notre histoire. Avec cinq millions d’heures de
radio et de télévision, les fonds d’archives de l’ina sont
uniques au monde par leur volume, par leur amplitude
historique, la diversité des thèmes qui y sont abordés et
par leur mode de collecte. comment fonctionne l’ina et
quelles sources peuvent y trouver les chercheurs travaillant sur l’Asie du sud-Est?
Les missions de l’ina : collecter, conserver, diffuser
L’Ina, créé en 1974, est un établissement
public chargé de conserver le patrimoine de
toutes les productions radiophoniques et télévisuelles françaises, de les exploiter et diffuser. L’Ina gère deux types de fonds : au
titre de l’archivage professionnel, les chaînes
publiques hertziennes de radio et de télévision depuis 1945 et au titre du Dépôt légal
de la radio et de la télévision françaises, les
programmes des diffuseurs nationaux hertziens de radio et de télévision depuis 1995
et des chaînes du câble et du satellite depuis 2002. L’Ina a également pour mission
de sauvegarder et numériser le patrimoine
audiovisuel français. En 1999, un plan de
sauvegarde et de numérisation a été lancé,
faisant de l’Ina la première banque d'archives
numérisées en Europe. D’ici 2015, l’ensemble des fonds sera traité. La France sera
alors le seul pays au monde à avoir sauvé
sa mémoire audiovisuelle.
L’autre mission essentielle est de diffuser ce
patrimoine audiovisuel. Chercheurs, enseignants et étudiants ont accès aux fonds d’archives au centre de consultation de l’Ina
THEQUE, installé en bibliothèque de recherche au rez-de-jardin de la BnF(1). Plus
largement, ce centre accueille sur accréditation, toute personne justifiant d’un projet de
recherche professionnel, personnel ou lié à
ses études. En région, l’Ina est présent à
Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes et
Strasbourg. L’Ina propose à ses différents publics (grand public, scolaires, étudiants, professionnels) des accès adaptés et thématisés à ses fonds (fresques hypermédias, 300
corpus thématiques, VOD) et organise des
colloques et des rencontres (Les lundis de
l'Ina). En outre, l’Ina mène une politique active d’édition avec la publication d’ouvrages
sur les médias et leurs enjeux et de revues
comme Les Médias en acte (actes des col10 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
loques organisés par l’Ina). L’Ina offre également des publications, classiques ou électroniques, dont l’objectif est de poursuivre la
réflexion sur le secteur de la communication et de devenir un espace d’accueil de
toutes les formes d’activités intellectuelles
et de transmission des savoirs (les e-dossiers
de l’audiovisuel, Médias recherche, Comprendre les médias). Par ailleurs, dans le
cadre de sa mission de promotion de la recherche scientifique à partir de ses fonds, l'Ina
a créé les Prix de l'Ina THEQUE. Chaque
année, le prix d'encouragement distingue un
mémoire produit dans le cadre d’un master;
et le prix de la recherche récompense un
travail de recherche niveau doctorat ou la recherche d'un chercheur confirmé ou d'un
collectif.
L’Ina a ouvert en 2004 un site pour les professionnels inamediapro.com, devenant la
première banque professionnelle d’archives
audiovisuelles numérisées et accessibles en
ligne (plus de 800.000 heures d’archives)
dans le monde. Enfin, l’Ina a ouvert l’accès
de ses fonds au grand public par le biais de
son site internet ina.fr (sélection de 32.000
h de programmes). Le site contribue à l’éducation à l’image en proposant des outils
éducatifs audiovisuels en ligne (comme Jalons pour l'histoire du temps présent, offre
pédagogique permettant de retracer en
images et en sons près d'un siècle d'histoire
contemporaine). L’Ina participe à un grand
nombre d’événements culturels, expositions,
rétrospectives.
Les fonds de l’ina
L’Ina gère et met en consultation trois fonds
principaux. Le premier est celui des archives
de la radio télévision publique (70 ans de
radio et 60 ans de télévision) pour lesquelles
l’Ina détient les droits d’exploitation. Les documents les plus anciens datent de 1933
pour la radio, 1947 pour la télévision. Ces
fonds comportent également des archives
de presse filmées de 1940 à 1969. Le
deuxième fonds est celui du Dépôt légal de
la radio télévision française (chaînes publiques et privées depuis 1995), soit un total
de 100 chaînes de télévision et 20 chaînes
de radio. Le troisième est celui des documents écrits (grilles de programmes, dossiers de presse, documents diffuseurs). Il
faut également compter un fonds de 15000
ouvrages consacrés aux médias, de pério-
diques, de rapports, mémoires et thèses rédigés à partir des sources de la radio et de
la télévision. (2) A ces trois fonds principaux,
il faut ajouter les fonds privés. Ainsi, le prince
Norodom Sihanouk a-t-il donné la totalité de
ses fonds audiovisuels à la France, et donc
à l’Ina. Les fonds les plus intéressants pour
les historiens se trouvent côté archives avec
un fonds important de presse filmée. Le
fonds des Actualités françaises conservé à
l’Ina rassemble les reportages d’actualité
projetés chaque semaine dans les salles de
cinéma avant la diffusion des films et couvre la période 1940-1969 avec plus de 45000
documents. Ce fonds est divisé en quatre ensembles chronologiques : Les Actualités
Mondiales (1940-1942), France Actualités
(1942-1944), France Libre Actualités (1944),
Les Actualités françaises (1945-1969). Aux
images effectivement diffusées, il faut ajouter des images de rush, ainsi que certains
documents censurés, qui n’ont jamais été
diffusés. Dans ces actualités audiovisuelles
et sonores, le fonds le plus riche sur l’Asie
du Sud-Est concerne les pays de l’ancienne
Indochine française, mais l’on trouve également un certain nombre de documents filmés
provenant d’autres pays. (principalement des
Etats-Unis, de l’URSS, du Royaume Uni, du
Japon…). Par ailleurs, les fonds télévisés
archives et Dépôt légal sont est également
très riches : journaux télévisés, magazines
d'information, reportages diffusés par la
Radio Télévision Française (RTF), l'ORTF,
puis les chaînes de télévision traitent largement de l’ensemble de la région Asie du
Sud-Est, le plus souvent en fonction d’événements majeurs (événements politiques
conflits, guerres civiles, catastrophes naturelles) mais aussi sur des thématiques sociales, culturelles et religieuses ou de documentaire de découverte d’un pays, de
régions, de villes. Aussi, les autres disciplines des sciences humaines et sociales
comme l’ethnologie/anthropologie, la sociologie, la géographie ou la science politique
peuvent y trouver des sources intéressantes.
outils et méthodes de travail
A l’Ina-THEQUE, des Stations de Lecture
Audiovisuelle (SLAV) sont mises à la disposition des usagers, sous conditions de réservation préalable. Des outils spécialisés
permettant la recherche, l'écoute, le visionnage, la constitution de corpus, l'annotation
de programmes, et l'analyse des documents
audiovisuels, leur sont proposés. Une équipe
de documentalistes et de techniciens les initient à l'utilisation de ces outils de recherche
lors de leurs premières visites, et par la
suite reste à tout moment disponible pour les
aider. Il faut dire que l’apprentissage de ces
outils demande un peu de temps.
Avant même de venir consulter les fonds à
l’Ina THEQUE, il est possible d’en avoir une
première idée en allant sur son catalogue internet. Les bases de données en ligne proposent en réalité une description simplifiée
des programmes, avec un accès aux notices
documentaires des programmes de radio et
de télévision collectés par l'Ina depuis 1995
dans le cadre du Dépôt légal. Mais l’accès à
l’intégralité de la base de données ainsi que
le visionnage ou l'écoute ne sont possibles
qu’au centre de consultation à l’Ina THEQUE
ou dans une des 6 délégations régionales
de l'Ina. C’est l'application Hyperbase qui
donne accès aux bases aux données documentaires de l'Ina recensant l'ensemble des
fonds disponibles. Cet outil permet des recherches multicritères (grâce notamment à un
thésaurus), le tri de ces recherches, l'impression et l'exportation de ces données documentaires ainsi que des historiques de recherche.
LIEnS UtILES
•Informations pratiques : http://www.ina-sup.com/informations-pratiques/site-de-paris-0
•Consultation en région : http://www.ina-sup.com/informations-pratiques/consultation-en-region
•Site institutionnel de l’Ina : www.institut-national-audiovisuel.fr
•Site grand public de l’Ina : www.ina.fr
•Site de l’Ina tHEQUE : http://inatheque.ina.fr
•Recherche sur les fonds du dépôt légal de la radio télévision française depuis 1995 :
http://www.ina-sup.com/collections/catalogue-des-fonds-audiovisuels/
•Guides des sources thématiques : http://www.ina-sup.com/collections/les-sources-thematiques-0
•Outil médiascope : http://inatheque.ina.fr/mediaScope/index.htm
•Actualité des colloques : http://www.ina-sup.com/ressources/colloques-et-manifestations
•Publications de l’Ina : http://www.ina-sup.com/ressources/publications
•Les prix de l’Inathèque : http://www.ina-sup.com/recherche/les-prix-de-linatheque
•Site Ina pro : http://www.inamediapro.com
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 11
Dossier
sons. MediaScope est utilisé pour l'écoute,
le visionnage, la segmentation et l'annotation
des programmes. La capture d'imagettes
peut être exportée vers une clef USB.
répartition par pays pour le fonds AsE
répartition
des occurrences
par années et pays
(1953-2010)
Ces données apparaissent sous forme de
listes de documents classées par date ou
par titres et par fiches détaillées pour chaque
document. À la consultation suivante, l’usager peut reprendre ses historiques de recherche et combiner une étape de l’historique avec une nouvelle. L’usager peut
exporter les résultats de ses recherches sur
un CD-R et est autorisé à imprimer 20 pages
par journée de consultation.
A partir des bases de données documentaires de l'Ina, le chercheur peut constituer
grâce à l’outil MediaCorpus, un corpus et
créer ainsi sa base de données personnelle,
qu’il conserve en permanence dans un dossier auquel il accède à l’aide d’un mot de
passe. Il peut garder ainsi à l’Ina THEQUE,
la mémoire de tout son travail : le processus
de recherches, les descripteurs personnels
créés en fonction de son sujet de recherche,
les fiches par document détaillées et annotées par lui-même. Mediacorpus permet aussi
de réaliser de manière quasi instantanée
des statistiques avec leur représentation
sous forme de graphes. Enfin l’outil MediaScope permet l’analyse des images et les
12 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
L’asie du Sud Est dans les fonds de l’ina :
éléments méthodologiques
Les bases de données du Dépôt légal identifient donc l’intégralité des programmes diffusés sous forme d’un catalogage, complété
par une description documentaire pour
chaque document. La recherche se fait par
la combinaison de descripteurs. L’interrogation peut porter sur le titre, des dates, des
auteurs ou des personnalités présentes au
générique ou dans le document lui-même,
les chaînes où le document a été diffusé,
les genres télévisuels ou radiophoniques.
Elle se fait également grâce à des champs
textuels descriptifs créés et alimentés par
l’Ina et les producteurs des émissions. Elle
peut combiner plusieurs de ces critères par
addition ou exclusion. Selon la méthodologie choisie, il est possible de travailler sur de
grands nombres de documents avec des
descripteurs très large ou au contraire travailler sur un nombre plus restreint de documents en croisant des descripteurs très précis et exclusifs.
Prenons l’exemple d’un sujet « Les femmes
en Asie du Sud-Est ». Il s’agira d’abord d’évaluer de manière très large les fonds sur
l’Asie du Sud-Est. On choisira dans le thesaurus des descripteurs géographiques que
l’on reliera par le terme « OU » afin de produire une liste exhaustive : au descripteur régional « Asie du Sud-Est » seront joints les
descripteurs des pays de la région. (3) Ainsi,
pour ce qui de l’espace géographique Asie
du Sud Est et des pays qui le composent,
on compte 20586 occurrences, sachant qu’un
document peut être mentionné plusieurs fois
si celui-ci parle de plusieurs pays à la fois.
De manière simple, il est possible de réaliser des graphiques représentant le nombre
d’occurrences dans le temps, par pays ou les
deux à la fois. Ainsi, les pays les plus représentés sont le Vietnam, suivi du Cambodge,
à quasi égalité avec l’Indonésie, les Philippines et la Thaïlande. En utilisant le descripteur genre, on constate que le genre dominant traitant de l’Asie du Sud-Est est celui
des journaux télévisés qui représentent plus
des 2/3 des documents. Les pics d’occurrence selon les pays correspondent bien évidemment à l’actualité : par exemple, l’actualité des guerres au Vietnam, Laos,
Cambodge dans les années 60-70, la chute
du régime du général Marcos aux Philippines dans les années 1985-86 ou le tsunami
en Indonésie et dans la région en 2004-
2005…
Dans un deuxième temps, on travaillera sur
les descripteurs spécifiques au thème des
femmes en Asie du Sud-Est. En croisant les
descripteurs de l’aire géographique précédemment définie, et la thématique des
femmes, on obtient 143 occurrences. Mais
pour une étude plus fine, il importe d’enrichir
le descripteur simple « femme » en établissant un champ sémantique autour de la
femme. D’abord en repérant les termes utilisés en descripteurs à l’Ina : femme, condition féminine, mère, droits de la femme, maternité, fillette, jeune fille. Ensuite en y ajoutant
d’autres descripteurs qui nous semblent pertinents pour l’Asie du Sud-Est comme des
descripteurs de professions (paysannes, ouvrières, travailleuses, religieuses, soldats,
femmes politiques), d’âges (fille, jeune fille,
mère, grand-mère), d’états de la condition féminine (maternité, femme enceinte, femme
au foyer, féminisme, prostitution) ou de noms
de personnalités (Aung San Su Ki, Imelda
Marcos, Corazon Aquino). En affinant les
descripteurs, on obtient alors 1134 occurrences. Une représentation graphique permet de mettre en évidence la part de la thématique femmes sur l’ensemble des
documents traitant de l’Asie du Sud-Est et
la répartition des thématiques sur le corpus
femmes en Asie du Sud Est.
C’est après ce premier travail d’approche et
de sélection des fonds, que tout le travail
de visionnage et d’analyse des documents
audio-visuels commence véritablement…
Une chose est sûre : les fonds audiovisuels
de l’Ina sur l’Asie du Sud-Est sont aussi
riches qu’encore peu explorés. Et les cher-
cheurs/ses de toutes les disciplines de
sciences humaines et sociales y trouveront
de nouvelles sources et de nouveaux champs
de recherche.
Anne Pavis et Claire Trân Thi Liên
(1) L’accès à l’Ina est gratuit mais les
usagers doivent acheter une carte de
lecteur Bnf donnant accès à toute la
bibliothèque
(2) L’Ina THEQUE a édité des brochures
thématiques pour aider les usagers dans
leurs recherches comme les brochures
Anthropologie et ethnologie, Histoire,
Politique
(3) On peut affiner la recherche en
mentionnant les variations d’appelations
dans le temps. Ainsi par exemple pour le
Vietnam, il faudra ajouter les termes
Indochine, Viet Nam, Vietnam République,
Vietnam République Démocratique,
Vietnam République socialiste.
Part de
la thématique
femmes sur
les documents
Asie du sud-Est
répartition
des thématiques
sur les femmes
en Asie du sud-Est
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 13
Dossier
Dossier
Asie du sud-Est : Parcours à travers les fonds de l’ina - tableau réalisé par Anne Pavis
14 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
L’Asie du Sud-Est dans les fonds
audiovisuels de l’ECPAD
© ECPAD
Agence d’images et centre d’archives audiovisuelles de la Défense, l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (EcPAD) conserve et met à disposition des
fonds d’archives audiovisuelles relatifs à l’Asie du sud-Este, offrant des perspectives de
recherche pour cinéastes, étudiants et chercheurs.
Le fonds indochine
Dès le retour du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient en Indochine en 1945,
des cameramen militaires du Service cinématographique des armées (SCA sont dépêchés sur le territoire indochinois pour couvrir les opérations militaires. Cette production,
qui couvre l’intégralité de la guerre d’Indochine (1945-1955), a pour but d’informer la
métropole, d’alimenter les firmes d’actualités
(telles que Pathé, Gaumont, Eclair) et de
maintenir le moral des troupes stationnées
en Indochine.
Ce corpus cinématographique conservé à
l’ECPAD dans le fonds Indochine compte
environ 700 titres de films, soit 63h de programmes (43h de rushes, 8h de films produits par le SCA, 12h de films autres) et représente une source majeure d’archives
audiovisuelles sur la guerre d’Indochine. Il
est constitué de magazines d’actualité, de
documentaires, de « rushes » (éléments
bruts non montés), de films d’instruction
produits par l’armée pendant la guerre. Il
comporte également des documentaires
produits plus récemment sur la guerre d’Indochine. Les magazines d’actualité permettent d’analyser l’évolution du discours militaire de l’époque. Les films produits dans
les premières années de la guerre mettent
en avant l’action bienfaitrice et civilisatrice
de la France, afin de justifier le retour des
Français sur le sol indochinois. Avec l’internationalisation du conflit et le début de
grandes batailles dès 1951, la production
cinématographique évolue : c’est le combat
contre l’expansion du communisme et pour
la liberté du peuple vietnamien qui prime.
Sur le plan formel, les images évoluent
aussi, avec l’émergence de reporters de
guerre tels que Georges Kowal ou Pierre
Schoendoerffer qui subliment l’action des
soldats. Les « rushes » représentent près
de 80% du fonds et constituent un matériau
de recherche précieux, puisqu’il s’agit de
l’intégralité de ce qui a été filmé par les
opérateurs en Indochine. Ceci ouvre des
perspectives de recherche intéressantes,
car il est alors possible de comparer et
d’analyser ce que l’armée a décidé de montrer ou non d’un événement en parallèle
avec les films et magazines d’actualité. Sur
le plan thématique, ces films rendent compte
des aspects militaires (opérations, batailles,
activités protocolaires et officielles, vie quotidienne des troupes), mais aussi des aspects culturels, traditionnels, géographiques,
ethnographiques, et économiques des territoires de l’Annam, de la Cochinchine, du
Tonkin, du Cambodge et du Laos. En effet,
des documentaires de grande qualité
comme la série Regards sur l’Indochine proposent des sujets sur les traditions cambodgiennes (la danse, le site d’Angkor),
l’exploitation salinière en Annam, la fête du
Têt à Saïgon ou encore les us et coutumes
du peuple Méo.
Autre source précieuse conservée à l’ECPAD : une dizaine de films de propagande
vietnamiens datant de la guerre ou rétrospectifs qui offrent des images en contrepoint. Ces films plus ou moins aboutis rendent hommage au courage et à l’abnégation
du peuple vietnamien dans sa lutte pour l’indépendance. Ils montrent des images des
dirigeants de l’Armée populaire du Vietnam,
de la chute de Diên Biên Phu et de la reddition des soldats français (reconstitution),
ou encore, de la vie quotidienne de prisonniers français dans les camps Viêt-minh.
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 15
Dossier
Dossier
Référence : FA 20
Enfin, des films de sources diverses
(séries 14-18, FT) comportent de très
belles séquences sur la vie coloniale
des années 1920 et 1930. Les sujets
abordés sont variés : la vie quotidienne, la médecine coloniale (les Instituts Pasteur), l’exploitation minière,
ou encore les aspects géographiques
et architecturaux.
Outre la cession d’archives à des professionnels et des particuliers, l’ECPAD
met ses documents à disposition des
chercheurs et des enseignants dans le
cadre d’actions pédagogiques et scientifiques. Une convention avec l’établissement peut être établie et faciliter l’accès
et l’utilisation des documents par les
enseignants, les étudiants et les chercheurs.
© ECPAD
ACtIVItéS PéDAGOGIQUES
Et SCIEntIFIQUES
COMMEnt COnSULtER :
RESSOURCES En LIGnE :
Le site internet de l’ECPAD HYPERLINK "http://www.ecpad.fr"
www.ecpad.fr offre une multiplicité de
ressources parmi lesquelles une sélection de photographies et de vidéos
classées par fonds historiques, un espace culturel et pédagogique, des dossiers thématiques rédigés mensuellement par les documentalistes,
l’actualité de l’établissement et une
boutique proposant les productions livres et DVD de l’ECPAD.
© ECPAD
Tous ces documents sont librement accessibles sur poste informatique à la
médiathèque de l’ECPAD ouverte au
public du lundi au mercredi de 9h à
17h, le mercredi de 9h à 21h, le vendredi de 9h à 16h.
Accès : ECPAD – 2 à 8 route du Fort –
94205 Ivry-sur-Seine (Ligne 7, M° Ivrysur-Seine)
captures d’écran de documents de l’EcPAD
Les fonds privés
Depuis 1999, l’ECPAD a mis en place une politique de collecte et d’acquisition de fonds privés qui lui permet de compléter ses collections.
Ces films amateurs (FA) entrés par voie extraordinaire dans les fonds
de l’ECPAD représentent une source précieuse puisqu’ils apportent
une vision inédite et un regard moins institutionnel que la production
officielle des services cinématographiques de l’armée. L’ECPAD dispose ainsi de 15 films amateurs relatifs à l’Indochine. Tournés principalement pendant la guerre d’Indochine par des militaires cinéastes
amateurs dans des formats substandards (8 mm, 9,5 mm, 16 mm,
super 8), ces films s’intéressent aux événements militaires mais laissent aussi transparaître une certaine fascination pour l’exotisme de
la vie locale. Le film Visages du Tonkin (FA 20 – don du colonel Lesourd) propose une ballade en couleurs dans le Hanoï de 1953, s’arrêtant sur les aspects religieux avec un enterrement traditionnel chinois et rendant compte des activités foisonnantes de la rue et des
petits métiers. Certains de ces films ont été doublés du commentaire
de l’auteur a posteriori.
Marina Berthier
Documentaliste Fonds Indochine à l’ECPAD
16 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
«J’en suis convaincu… L’image filmique est un trésor
de mémoire »
Après des études de cinéma à l'Ecole nationale Louis Lumière, serge Viallet a réalisé de nombreux courts-métrages de fiction, des films documentaires et des reportages (1). il est le réalisateur d’une série coproduite par Arte et l’ina, "mystères d'archives" qui a obtenu le Prix FocAL
2009 « meilleur usage des archives » (Londres) et le Prix FiAt 2009 « meilleur usage des archives
» (Beijing). cette série de films de 26 minutes a pour but de redécouvrir des images connues ou
inédites d’événements historiques. il nous raconte ici « ses débuts » avec les archives filmées et
décrit la méthodologie qu’il a développée avec l’expérience. Démonstration à partir des images de
deux de ses films 1978 : les images retrouvées des Khmers rouges et 1975. La chute de saigon.
Comment je suis tombé dans la marmite des archives filmiques
Je suis tombé dans la potion « archives
filmiques » avec un bonheur énorme il y a
un peu plus de 20 ans dans des circonstances que je voudrais vous exposer. Le
sujet était l’histoire de la construction, en
1942-43, du pont de la rivière Kwai et de
la ligne de chemin de fer allant de la Thaïlande à la Birmanie (soit 400 km de chantier) par 300 000 personnes quasi esclaves
employées par les Japonais et dont 100 à
120 000 sont morts sur le chantier. Ce film
que j’ai réalisé avec l’aide de Pierre Catalan il y a un peu plus de vingt ans, m’a
amené à rechercher des archives filmiques
tournées pendant la construction de cette
ligne de chemin de fer. J’ai retrouvé 2 mn
52 d’images en Australie dans un news japonais. J’avais appris qu’un cameraman
japonais de Nippon news avait filmé le
chantier de construction pendant près de
40 heures. Malheureusement selon lui, tout
avait été perdu parce qu’entreposé dans
des laboratoires de Tokyo détruits lors du
grand bombardement de mars 1945.
Comment ai-je retrouvé en Australie ces
2mn 52 d’images tournées tout près du
Pont de rivière Kwai ? Quand il tournait,
il envoyait ses images au Japon où elles
servaient à faire des news de propagande,
diffusées dans les pays d’occupation dont
la Malaisie. A la fin de la guerre, les forces
australiennes libérant la Malaisie, ont retrouvé des bobines dans les salles de cinéma, bobines qui ont été ramenées en
Australie. J’ai pu rapporter deux ans plus
tard à ce cameraman déjà âgé, ces images
enregistrées sur une cassette VHS, que j’ai
déposée sur un coussin rouge. Il a commencé alors à me les éclairer, à me les
faire comprendre. Enfin, ces images devenaient intéressantes, visibles.
Par la suite, tout comme beaucoup de réalisateurs de documentaires, j’ai utilisé les
images d’archives dans nombre de mes
films en tant qu’illustration. Mais au fur et
à mesure que j’utilisais ces images à l’intérieur de films, en illustration de propos
tenus par des témoins sur tel ou tel événement, j’ai pris conscience que ces images,
si on les regardait de plus près, pouvait
être sources d’information. Ainsi, les bobines d’actualité tournées par les journalistes
ou les armées américaines, commençaient
toujours par un petit carton indiquant la
date, le lieu du tournage, les noms des opérateurs et/ou du corps d’armée... Lorsque
nous avons fait un film sur l’après bombe
atomique à Nagasaki, j’ai rencontré des témoins américains qui m’avaient dit à quel
point ils étaient prêts à en découdre quand
ils ont débarqué à Nagasaki. Curieusement,
les images que j’avais visionnées ne racontaient pas du tout cela; elles racontaient
l’inverse. J’ai donc pris conscience de l’intérêt des archives filmiques comme source
d’information, à condition de les regarder
avec attention et d’être capable de les lire,
de les comprendre.
Comment fonctionne « Mystères d’Archives »
Il a résulté de cette expérience, cette collection Mystère d’archives que je réalise
avec Pierre Catalan depuis près de 5 ans
à l’Ina. L’idée est la suivante: il s’agit de
revisiter notre mémoire filmique, celle qui
a construit la perception de certains événements, celle qui a forgé notre compréhension, notre vision du monde : les actualités qui passaient dans les salles, puis
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 17
Dossier
Dossier
à la télévision, et maintenant celles que
nous retrouvons même sur les téléphones
portables. Ainsi, depuis plus de 110 ans,
des hommes et des femmes courent le
monde et nous rapportent des images qui
participent à fabriquer notre vision du
monde.Ces images méritent d’être interrogées calmement, paisiblement. Elles demandent que l’on quitte le spectacle et,
au lieu de les regarder à 24/25 images par
seconde, de les regarder à d’autres vitesses, x fois en se focalisant sur les détails. Et peu à peu, on s’aperçoit que ces
images fourmillent d’informations très utiles
pour l’historien. Parce que le cameraman
qui filme l’événement ne sait pas ce qu’il
se passe. Avec 50 ou 60 ans de recul, on
s’aperçoit que l’arrière plan, les personnalités qui entourent la personne au centre du document filmé sont autrement plus
importants pour telle ou telle raison.
1978 : les images retrouvées des Khmers
rouges
C’est à l’occasion d’une conférence sur la
mémoire du temps des Khmers rouges à
l’Ina, que j’ai appris que l’Ina détenait un
fond de près de 40 heures d’images tournées par les Khmers rouges et ce, grâce
au formidable Rithy Panh. Je me suis dit
qu’il serait bien de consacrer un épisode
de notre collection à ce sujet. J’ai donc
demandé à Rithy s’il était possible de rencontrer à Paris des personnes qui avaient
vécu les événements au Cambodge afin
qu’ils m’aident à comprendre ces images.
Sa réaction a été forte, brutale, nette ….
et formidable. Rithy Panh m’a dit : « Pas
question ici. Tu viens à Phnom Penh au
centre Bophana. » Ces 40 heures sont
également archivées et accessibles au public dans ce lieu formidable qu’est le centre Bophana, géré magnifiquement par
Rithy Panh (2).
Ensemble, nous avons fait une sélection
de manière un peu arbitraire, intuitive de
4 heures sur ces 40 heures et j’ai demandé
à rencontrer d’anciens responsables, combattants, cameramen khmers rouges, et
bien sûr aussi des victimes du régime qui
avaient travaillé sur des chantiers de terrassement, d’irrigation… Au total, Rithy
m’a fait rencontrer, au centre Bophana, 11
personnes qui m’ont permis de lire ces
images tournées entre 1975 et fin 1978.
Et là, il s’est passé quelque chose d’extraordinaire auquel nous ne nous attendions
pas. Alors que nous étions presque infirmes, aveugles en regardant ces images,
celles-ci sont peu à peu devenues lisibles,
visibles, à force de les regarder avec les
18 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
témoins x fois, à des vitesses autres que
celle de défilement normal de 24/25 images
seconde. Par exemple, il m’avait semblé
voir des fils électriques sur certaines images
d’un très grand chantier où des dizaines de
milliers de personnes travaillaient à déplacer de la terre. A l’image, ils étaient peu
visibles, « dévorés par le ciel ». L’un des
témoins a confirmé qu’il s’agissait bien de
fil électrique. Pourquoi des fils électriques
sur ce chantier? « Parce que nous travaillions de nuit. L’électricité permettait aussi
de faire passer des enregistrements sonores : il y avait des hauts parleurs… »
Ces fils électriques étaient donc des
preuves tangibles du travail de nuit et de
la propagande constante à laquelle étaient
soumis les travailleurs sur ces chantiers.
Autre exemple bouleversant, touchant.
Nous tentions de dater ces archives avec
l’aide d’un certain nombre de spécialistes
internationaux. A un moment donné, on
voyait dans le film les pieds des ouvriers :
certains étaient pieds nus, d’autres en
tongs, d’autres avaient des sandales en
caoutchouc. J’ai demandé aux témoins s’ils
pensaient que ces images avaient été tournées en 1977-78. Quelqu’un m’a dit :
« Non, c’est impossible ! Parce qu’au bout
d’un an de chantier, on ne pouvait plus
marcher avec des tongs. Les tongs étaient
trop usées. » Nous en avons déduit que
ce film avait probablement été tourné dans
les premières années du régime.
Enfin, grâce à d’anciens responsables,
nous avons pu reconnaître certains dignitaires du régime et ainsi mettre des noms
sur des visages alors que peut être
quelques années plus tard, plus personne
n’aurait su les reconnaître.
Bref, l’image d’archives filmiques peut de-
venir un trésor d’informations. Surtout
quand la mémoire s’est tellement effacée,
comme au Cambodge entre 1975 et 1979.
Notre travail est une démarche, une quête
et il reste forcément des imprécisions.
Cette quête a un sens, puisqu’au centre
Bophana, la démarche a été reprise en allant plus loin dans l’interrogation de la mémoire, en y associant les témoins qui sont
encore en mesure de la comprendre, pour
la documenter le plus précisément possible. Même si beaucoup de secrets, de
mystères persisteront…
En observant ce matériau de 40 heures,
nous pouvons aisément prouver par la
connaissance des outils (les pellicules, les
caméras) que tout ce qui était tourné en
petit format (16 mm) était tourné par des
opérateurs cambodgiens, avec du matériel
le plus souvent cambodgien, et développé
en noir et blanc à Phnom Penh. En revanche, tout ce qui était couleur, 35 mm
ne pouvait pas être traité dans le pays
mais à l’extérieur, à l’évidence en Chine.
La meilleure preuve étant que dans certaines bobines, on voit des prises de vue
en couleur réalisées en Chine. Ces bobines sont revenues et ont été montrées
au Cambodge, comme le montre les
images de ce très jeune garçon qui apprend à charger un projecteur avec une pellicule 35 mm. Certains de ces films ont
également été projetés à l’extérieur, en
France notamment. Comme cette projection incroyable en 1978 à la Mutualité d’un
film de propagande khmère rouge en couleur 35 mm!
1975. La chute de Saigon
Le second film a pour sujet les derniers
jours de Saigon, avant sa chute en 1975.
Il est principalement basé sur du matériau
filmique tourné par les équipes françaises,
ainsi que sur des images venant des archives de Hanoi. Nous avons fait appel à
deux témoins pour scruter ces images.
D’une part, l’un des monteurs des reportages de Jean Pierre Moscardo qui passaient sur TF1, et le journaliste Christian
Hoche blessé pendant ces quelques jours,
tandis que son collègue photographe Michel Laurent mourra et sera le dernier journaliste mort de la guerre du Vietnam.
Une des images les plus connues de la
chute de Saigon, est celle des hélicoptères venant du centre de Saigon se posant sur les porte-avions américains et
que les Américains repoussent à la mer.
La plupart des journalistes présentaient
ces images comme celles d’Américains
n’hésitant pas à jeter à la mer leurs propres hélicoptères, valant des centaines de
milliers de dollars… Or, en regardant ces
images de près, on constate qu’il ne s’agit
pas d’hélicoptères américains, mais tous
d’hélicoptères sud vietnamiens que certains officiers ont utilisés pour fuir. Comme
il s’agissait de vieux hélicoptères en mauvais état, les Américains ont préféré s’en
débarrasser pour laisser la place pour atterrir à d’autres hélicoptères. Ainsi, l’interprétation de ces images changeait complètement.
Autre exemple. L’image présentée d’un
char à canon entrant par les grilles du palais présidentiel. En fait ces images tournées par des journalistes français et anglosaxons n’ont pas été tournées le 29 avril
1975, mais seulement le lendemain. En
effet, les jours qui ont précédé l’entrée de
troupes nord vietnamiennes à Saigon, la
plupart des journalistes étaient terrés dans
l’hôtel Continental. Le 29 avril les seules
images tournées l’ont été dans les alentours
de l’hôtel : la plupart des journalistes ont
filmé les mêmes images d’un petit groupe
de partisans Viêt Công passant dans la
rue de l’hôtel, sur un char arborant le drapeau du Viêt Công. Pendant ce temps et
à quelques pas de là, les troupes nord vietnamiennes prenaient possession du palais
présidentiel forçant la porte du palais fermée, sans aucune caméra pour les filmer.
Les images occidentales de l’entrée de
chars à canon nord vietnamiens portes ouvertes, ont en réalité été tournées le lendemain, le 30 avril lors de la capitulation
de l’armée de la République du Viet Nam
par le général Dương Văn Minh. A ce moment là avec l’autorisation des autorités
communistes, les journalistes occidentaux
ont été largement invités à filmer (3).
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 19
Dossier
Dossier
de Saigon avec des caméras 16 mm, ils les
portent sur l’épaule droite. Comme le viseur
impose de viser avec l’œil droit, le champ de
vision est essentiellement tourné de la droite
vers la gauche. Et donc le cameraman filme
plutôt ce qui se passe sur sa gauche. Il faudra donc s’intéresser à ce qui se passe dans
l’autre espace à droite qui n’apparait pas à
l’image, et trouver d’autres images.
J’en suis convaincu, en regardant attentivement image par image, en grossissant certains
plans, l’image filmique est un trésor de mémoire dont nos sociétés font et vont de plus
en plus faire usage. Il est grand temps de
donner de l’importance à l’image filmique en
tant que telle, et plus de se contenter de traiter l’image comme une illustration. Elles ont
une valeur autrement plus importante. Il faut
prendre en compte cette mémoire accumulée depuis plus de 110 ans qui a joué un rôle
crucial dans notre perception des événements
et regarder les images filmées d’une autre
façon.
Serge Viallet, Réalisateur
Merci à Serge Viallet pour son autorisation à publier
des captures d’écran de ses deux documentaires.
Transcription et synthèse CTTL
Quelle méthode pour lire les images ?
Notre méthode de lecture est avant tout le fruit
de l’expérience. Le premier point est de se détacher de l’émotion par rapport à une image.
En fait, nous brisons les montages, nous les
remettons en question, nous déconstruisons.
Ensuite, nous explorons, nous regardons ces
images à une autre vitesse. Ce n’est plus un
spectacle devant lequel nous nous émouvons, mais des images que nous pouvons
enfin regarder tranquillement. 24 à 25 images
par seconde, cela fait beaucoup d’images à
regarder. Et c’est là que cela devient palpitant
et intéressant. Enfin, nous faisons appel à
des historiens et à des témoins qui inscrivent
ces images dans leur contexte, nous permettent de les comprendre.
Mais la pratique des caméras est un élément
essentiel de notre méthode de lecture des
images. En effet, nous connaissons avec
quels instruments ces archives ont été filmées et quelles sont les limites de ces instruments. Une connaissance élémentaire du
matériel qui a permis de tourner ces images
est indispensable pour les historiens qui travaillent sur les archives filmées. Sinon, on ne
comprend pas. Quand on sait que le film est
tourné avec des petites cameras Eyemo (4),
on sait aussi qu’on ne trouvera pas de longs
plans parce qu’avec les ressorts, on ne peut
tourner que 5 à 6 secondes d’affilée. Autre
exemple, quand les opérateurs filment la chute
20 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
1) Son film sur le sac de Nankin (2006) a
reçu en 2008 le History & Biography
Documentary Golden Award du Festival
TV de Shanghai.
2) Serge Viallet et Rithy Panh ont reçu le
prix du meilleur projet de préservation
pour ce documentaire, lors de la
conférence mondiale de la FIAT
(Fédération internationale des archives de
télévision) à Turin en septembre 2011.
3) En effet, les chars à canon qui
apparaissent sur les images des
journalistes occidentaux ne pouvaient
forcer les portes du palais. Le journaliste
indien Nayan Chanda (auteur du livre
Brother Enemy: The War After The War),
qui se trouvait alors dans les bureaux de
Reuter en face du palais présidentiel, a lui
assisté à la fenêtre, à l’entrée des troupes
nord vietnamiennes le 29 avril. Selon lui,
ces dernières ont forcé la porte du palais
fermée grâce à un véhicule blindé bélier.
Le journaliste aurait alors fait 5 ou 6
photos de l’événement par la fenêtre …
4) Caméra à ressorts, utilisée pendant la
deuxième guerre mondiale.
Serge Viallet, Mystères d’archives,
Arte éditions-INA, 2 DVD, 300 min, 2009
En vente sur ARTE Boutique ou sur le site
www.ina.fr
L’Indochine à l’écran
Depuis 1945, une cinquantaine de films de fiction post-coloniaux français ont abordé l’indochine
coloniale et/ou la guerre d’indochine au cinéma. ce corpus compte quelques grands succès largement connus et reconnus (La 317e section de Pierre choendoerffer (1), ou indochine de régis
Wargnier (2), mais également un certain nombre de films dans lesquels le traitement du sujet
reste bien plus accessoire (Ascenseur pour l’échafaud de Louis malle ou Les tontons flingueurs
de georges Lautner par exemple).
FILMOGRAPHIE InDICAtIVE :
- Le Rendez-vous des quais, Paul Carpita (1955)
- Ascenseur pour l’échafaud, Louis Malle (1957)
- Patrouille de choc, Claude Bernard-Aubert (1957)
- Mort en fraude, Marcel Camus (1957)
- La 317e Section, Pierre Schoendoerffer (1965)
- Le Facteur s’en va-t-en guerre, Claude Bernard-Aubert
(1966)
- Le Boucher, Claude Chabrol (1969)
- La Horse, Pierre Granier-Deferre (1970)
- Le Juge et l’assassin, Bertrand tavernier (1976)
- Charlie Bravo, Claude Bernard-Aubert (1980)
- Poussière d’empire, Lâm Lê (1982)
- Indochine, Régis Wargnier (1992)
- L’Amant, Jean-Jacques Annaud (1992)
- Diên Biên Phu, Pierre Schoendoerffer (1992)
- Deux Frères, Jean-Jacques Annaud (2003)
- Là-Haut, Pierre Schoendoerffer (2004)
- Un Barrage contre le Pacifique, Rithy Panh (2009)
La construction du mythe contemporain de l’Indochine
par l’imaginaire filmique post-colonial français repose
sur un corpus de films de fiction se décomposant schématiquement de la manière suivante :
- Les fictions françaises sur l’Indochine coloniale
(L’Amant de Jean-Jacques Annaud en 1992 par
exemple)
- Les fictions françaises sur l’imaginaire colonial indochinois (comme Le Juge et l’assassin de Bertrand
Tavernier en 1976)
- Les fictions françaises sur la guerre d’Indochine
(dont le premier opus est Patrouille de choc de
Claude Bernard-Aubert en 1957)
- Les fictions françaises sur l’imaginaire de la guerre
d’Indochine (notamment La Horse de Pierre GranierDefferre en 1970).
Cette dernière catégorie est de loin la plus nombreuse
(avec une trentaine d’occurrences) car elle regroupe
l’ensemble des allusions au sujet, aussi ténues et sibyllines puissent-elles être, puisque ce sera justement leur
caractère anecdotique, superficielle voire caricatural qui
se révèlera la plus exacte représentation de la place accordée à l’Indochine dans la mémoire collective depuis
plus d’un demi-siècle. On note en particulier la constance
parmi ces films de la représentation de l’ancien combattant d’Indochine comme un indésirable social et parfois
même un criminel en puissance (le tueur en série du Boucher de Claude Chabrol en 1969 en est une illustration). Les fictions françaises sur la guerre d’Indochine
sont sans doute les titres les plus connus. On dénombre à ce jour 7 films de guerre français portant sur la
guerre d’Indochine, dont 5 sont l’œuvre de cinéastes anciens combattants ayant servi en Indochine dans le Service Cinématographique des Armées (Patrouille de choc
en 1957, Le Facteur s’en va-t-en guerre en 1966 et
Charlie Bravo en 1980 sont signés Claude Bernard-Aubert ; quant à Pierre Schoendoerffer, nous ne retenons
dans ce classement que La 317e Section en 1965 et Diên
Biên Phu en 1992, les autres titres de ce réalisateur
n’étant pas consacrés exclusivement à la guerre d’Indochine et trouvent alors plutôt leur place dans la rubrique
précédente puisqu’ils évoquent les souvenirs de guerre
de personnages rendus à la vie civile). Les fictions françaises sur l’imaginaire colonial indochinois sont les moins
nombreuses. Il s’agit de fictions dressant le portrait (toujours torturé) d’anciens colons français rentrés en Métropole et portant en eux un malaise qui pourrait s’apparenter au mal jaune décrit par Lartéguy, à cette
différence près que s’ajoute à la nostalgie, une cruauté
qui confine au sadisme (le Procureur de Villedieu dans
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 21
Dossier
Dossier
Le Juge et l’assassin de Bertrand Tavernier en est le parfait exemple). Enfin, les fictions françaises sur l’Indochine
coloniale ont constitué un épiphénomène propre à 1992,
année de sortie des remarqués Indochine de Régis Wargnier ainsi que L’Amant de Jean-Jacques Annaud. Cette
résurrection de l’Indochine coloniale à l’écran a engendré deux séquelles dans les années 2000 : Deux frères
(2003) du même Jean-Jacques Annaud dont l’idée avait
germé dans l’esprit du réalisateur à l’occasion du tournage de l’adaptation de Duras et Un barrage contre le
Pacifique (2009) du cinéaste cambodgien Rithy Panh.
D’un point de vue socio-historique, les films de fiction
peuvent se révéler des sources de connaissance non
négligeables. Leur accueil en salle renseigne forcément
sur l’intérêt potentiel porté au sujet et les éventuelles libertés prises avec l’Histoire démontrent l’état d’une
conscience collective des événements. On peut également corréler précision du propos et accueil en salle, voire
l’inverse, certains sujets ayant d’autant plus de succès
qu’ils prendront leurs distances avec la stricte réalité
factuelle. C’est indéniablement le cas de l’Indochine à
l’écran puisque les plus grands succès publics (en nombre de spectateurs en salle) sont les films qui reposent
sur une vision romantique et fantasmée de la période
coloniale (Indochine et L’Amant) ou bien les films que
le public n’associent pas au thème de l’Indochine car son
traitement est des plus furtifs (la scène du vitriol dans
Les Tontons flingueurs par exemple repose sur les souvenirs d’anciens combattants d’Indochine des personnages principaux, mais cet aspect échappe au spectateur qui ne serait pas déjà sensibilisé au sujet et qui
n’entend ni ne retient la mention de « Bien Hoa »). L’ana-
lyse des représentations consiste dès lors à distinguer
dans l’ensemble du traitement (qu’il s’agisse de la mise
en récit, des choix des cadrages, des sons, du montage,
des orientations du jeu de l’acteur, de l’impact de la censure pouvant occasionner des remaniements artificiels
du propos originel, etc.), des influences, des permanences et des évolutions afin de dresser le panorama
synchronique et diachronique de l’état de la mémoire collective et de l’emprise de l’imaginaire projetés sur l’écran.
En ce qui concerne l’Indochine, depuis 1945, le constat
est simple : constamment reflué aux marges de la production française (une cinquantaine de films en incluant
toutes les allusions furtives, quand la guerre d’Algérie
compte à elle seule, depuis 1960, une cinquantaine de
films de guerre qui lui sont pleinement consacrés) et marginalisé au sein des fictions (par la focalisation autour
de personnages secondaires et malsains), le sujet de
l’Indochine s’est peu à peu « déréalisé », laissant la part
belle aux récits légendaires mettant en scène des archétypes qu’il s’agisse des héros de Pierre Schoendoerffer ou de la Princesse rouge de Régis Wargnier.
Delphine Robic-Diaz
Maître de conférences, Université Paul Valéry-Montpellier 3
Delphine Robic-Diaz est Maître de conférences en
Études cinématographiques. Elle est l’auteur de La
Guerre d’Indochine dans le cinéma français (1945-2010).
Image(s) d’un trou de mémoire (à paraître en 2012 aux
éditions des Indes savantes).
(1) Prix du scénario à Cannes en 1965.
(2) Oscar du meilleur film étranger en 1992
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Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Code postal ,Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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22 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Les rencontres de l’Afrase le 21 octobre 2011
Un parcours politique
en images
Les sources audiovisuelles de l’ina apportent-elles
quelque chose de plus que les sources écrites à la
connaissance de l’histoire contemporaine de l’Asie du
sud-Est ? A partir d’un corpus d’archives de l’ina, nous
avons cherché à décrire en images le parcours politique
du roi norodom sihanouk entre 1945 et 1970. retour sur
un travail exploratoire de deux historiens spécialisés sur
la péninsule indochinoise. ces archives filmées contribuent-elles à éclairer l’histoire du personnage et du
pays ou ne sont-elles que le reflet du regard français sur
son ancienne colonie ?
captures d’écran du documentaire ina
(voyage du général de gaulle au cambodge en 1966)
L’idée de la conférence est venue du constat
de méconnaissance de la part des chercheurs travaillant sur l’Asie du Sud-Est des
sources audiovisuelles pourtant très riches.
L’idée d’une étude de cas spécialement
menée à l’occasion de la conférence s’est
alors dessinée. L’objectif était de décrire le
processus de recherches d’une part, et de
confronter les images au récit et à l’analyse
historique d’autre part. Le choix du sujet a fait
l’objet d’une discussion avec nos partenaires
de l’Ina, et notamment avec Denis Maréchal,
chargé de mission pour la diffusion scientifique à l’Ina et docteur en histoire des médias. Il s’agissait de trouver un sujet facilement abordable dans un exposé d’une
demi-heure : la thématique biographique sur
une personnalité politique dont on pourrait suivre le parcours avant, pendant et après l’indépendance s’est très vite imposée. Il fallait
trouver une personnalité dont le corpus de
sources n’était ni trop limité ni trop important. Une étude de cas sur l’itinéraire politique
de Norodom Sihanouk a finalement été retenue, face à des personnalités comme le
révolutionnaire vietnamien Ho Chi Minh pour
lequel la masse des images était très importante, ou celle de Soekarno pour lequel les
sources étaient beaucoup troplimitées.
Le sujet choisi, l’angle d’approche restait à définir : il s’agissait de réaliser le travail de recherche et de visionnage des archives de
l’Ina avec l’aide d’Anne Pavis, responsable documentaire, de faire un choix d’extraits d’une
durée d’une quinzaine de minutes, puis de réaliser avec Jean-Michel Briard, un montage
d’images qui seraient diffusées et commentées lors de la conférence. L’idée était de décrire le processus de choix des images, commenter ces dernières en les resituant dans
leur contexte historique, et réfléchir sur l’intérêt (ou pas) de ces images pour l’écriture
de l’histoire contemporaine du Cambodge et
pour la connaissance historique du personnage. Une problématique générale sous-tendait la méthodologie et l’objectif de ce projet
: que disent ces images, filmées pour la plupart par des journalistes français, de l’histoire
du Cambodge ? Ces images ne parlent-elles
pas plutôt des visions de la France à l’égard
de son protectorat devenu indépendant ?
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 23
Dossier
Chercher, visionner, classer
Une première phase du travail a consisté en
la recherche dans les inventaires des ordinateurs de l’Ina. Il nous a fallu un certain
temps pour maîtriser les outils techniques, de
la simple consultation des inventaires, à la
procédure de demande des images, de leur
visionnage à leur analyse notamment à l’aide
d’outils statistiques, et enfin de la sélection
à l’exportation des données audiovisuelles retenues. En effet, le travail de recherche exige
une initiation progressive aux instruments
de classement et de recherche créés par
l’Ina : d’une part, Hyperbase, qui constitue à
la fois l’inventaire et la méthode pour sélectionner les archives par des mots clés bien
choisis et des fiches détaillées correspondant à chacun des documents. D’autre part
Mediacorpus qui permet de constituer des
corpus personnels propres au sujet, avec la
création de mots clés qui permettent de classer, analyser et commenter ces archives au
fur et à mesure de leur sélection, par des thématiques définies par nous-mêmes.
Une fois initiés aux secrets d’hyperbase et
de médiacorpus, grâce à l’aide précieuse
des documentalistes de l’Ina et à une pratique régulière de ces outils, nous avons pu
partir à la découverte de ces fonds d’archives
avec nos propres critères de recherche. Par
la magie de l’ordinateur, une liste de documents est apparue quasi-instantanément,
tout comme la fiche très détaillée qui accompagne chacun des documents. L’accès pratiquement immédiat, à l’écran (1), sans intermédiaire, à une masse d’archives filmées
procure au chercheur un sentiment de grande
autonomie et de liberté. Quel contraste avec
le long processus de demande de consultation des archives écrites ! Dans la première
phase de consultation des inventaires, l’utilisation combinée des deux mots-clés Sihanouk et Cambodge ont donné comme résultat 366 documents pour les archives avant
1994, 39 documents pour le dépôt légal après
24 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
1994, 105 documents pour les autres fonds
sonores. Enfin, une référence aux fonds privés du roi Sihanouk confiés à l’Efeo et actuellement conservés aux Archives nationales de France faisait état d’un million de
documents. Dans le seul fonds des Archives
filmées avant 1994, nous avons choisi de
nous limiter à la période bornée du
25/01/1946, date du premier document disponible, au 12/03/1970, date du coup d’Etat
contre le prince Sihanouk par le général Lon
Nol. Pour cette période, 64 documents étaient
référencés, tirés pour la plupart des Actualités filmées, des JT et d’émissions spéciales
(7 jours du monde, 5 colonnes à la une, Panorama, Objectifs). Une analyse plus détaillée des fiches a montré que la majorité des
documents concernant Sihanouk étaient très
courts (1 à 3 mn), qu’une vingtaine faisait
entre 5 et 10 minutes, et que seuls cinq documents atteignaient les 15 mn. Le visionnage de ces 64 documents, ainsi que la sélection des extraits, a nécessité un temps
non négligeable. La sélection des images a
été en soit un travail difficile : quelles étaient
les images les plus significatives à retenir
pour un montage de 15 minutes ? En définitive, nous en avons retenu le double !
Chronologie politique cambodgienne/perception française
Une fois l’ensemble des documents visionnés et annotés, nous avons pu distinguer
quatre grandes périodes. La période de 1945
à 1954 présente l’image d’un roi sous protectorat. Dans des images sans son et d’une
durée très brève, deux visions dominent.
Celle d’un jeune prince toujours encadré par
des responsables militaires français. En réalité, il s’agit davantage de documents sur les
représentants français au Cambodge. Ainsi,
dans un document relatant la visite de l’amiral d’Argenlieu en 1946, 6 secondes sur 60
sont dédiées à Sihanouk auquel l’amiral rend
visite. L’autre vision dominante est celle présentant l’image folklorique et statique d’un
roi, incarnant la tradition et portant habits traditionnels et accessoires royaux. C’est le cas
lors des cérémonies traditionnelles de la fête
des eaux ou de la remise d’un éléphant sacré
au Cambodge, ou lors de l’anniversaire de
la victoire le 8 mai 1946 où le jeune prince
Sihanouk apparait dans l’ombre du président du conseil à Paris. La période 1954 à
1960 est caractérisée par des images toujours sans son, commentées par le journaliste, et d’un format très court. Sihanouk apparaît désormais seul, représentant du
Cambodge indépendant, s’affirmant sur la
scène internationale. A travers les images
de cette période, apparaît bien la volonté du
chef d’Etat khmère d’incarner une voix autonome et une voie neutraliste entre les deux
blocs, que ce soit à la conférence de Bandoeng et à l’admission du Cambodge à l’Onu
en 1955, lors de sa visite officielle à Moscou
en 1956, lors de la visite de Chou En lai au
Cambodge la même année, ou encore lors
de la conférence de Belgrade en 1961. Mais
le registre de ces images reste celui des
images diplomatiques protocolaires.
Les extraits allant de 1961 à 1965 marquent
une rupture dans l’image que renvoie le monarque khmer. Les extraits se font plus longs
et surtout Sihanouk s’exprime à travers une
série d’entretiens. En réalité, la plupart des
ceux-ci sont intégrés dans des reportages
traitant de la guerre du Vietnam, dans lesquels Sihanouk évoque la position difficile de
son pays, sans cesse menacé par une extension de la guerre. Ces images illustrent bien
la période difficile où le représentant du Cambodge se trouve toujours plus pris en étau
dans la guerre du Vietnam. En 1961, évoquant la conférence de Genève pour la neutralisation du Laos, il se propose comme médiateur. En 1962, il se plaint de l’extension de
la guerre et de ses conséquences dramatiques pour le Cambodge. En 1963, il explique
son revirement de politique à l’égard de l’aide
américaine au profit de celle du bloc communiste, tout en déplorant la faiblesse de l’aide
française. Mais ce sont les rencontres de Sihanouk et de Gaulle, en France en 1964 et
au Cambodge en 1966, qui produisent le plus
d’images. Il est vrai que c’est la personnalité
de de Gaulle qui suscite ce flot d’images et
c’est bien le rôle retrouvé de la France qui est
mis en valeur. A la vue de ces images, on
réalise alors qu’il a fallu plus de 10 ans pour
qu’ait lieu la visite d’un chef d’Etat français au
Cambodge, et pour que les relations francocambodgiennes soient ainsi réactivées. Ces
images témoignent également du rééquilibrage de la diplomatie de Sihanouk, après
une phase très tournée vers le bloc socialiste. Une dernière période qui s’étend de 1965
à 1970 témoigne de l’extension inexorable de
la guerre du Vietnam au Cambodge. Les interviews de Sihanouk se succèdent et témoignent de son impuissance à préserver la
neutralité du Cambodge, forcé de s’entendre
avec le Viêt Công au Sud Vietnam (« le seul
interlocuteur valable, c’est le FNL » déclaret-il). Mais celui-ci empiète toujours plus sur le
territoire du pays, entraînant le Cambodge
dans l’escalade de la guerre. La période se
clôt par les images des JT de Sihanouk en visite en France, et commentant pratiquement
en direct son renversement à Phnom Penh
par son général pro-américain, Lon Nol. Au
total, des images qui nous transmettent une
certaine vision du Cambodge, vue à travers
le prisme des journalistes français. Mais des
images animées arrivées jusqu’à nous qui disent quelque chose du passé et de l’histoire
du Cambodge. A condition de la connaître.
Seul moyen pour décrypter ces images.
Claire Trân Thi Liên
Maître de conférences, Université Paris Diderot
(1) Certains documents demandent un
petit délai de téléchargement, tandis que
les plus récents, faisant partie du dépôt
légal d’après 1994, sont remis sous format
CD dans un délai de 15 mn.
statistiques
des occurrences
sihanouk dans
le fond de l’ina
(1946-2005)
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 25
Dossier
Regard d’un historien du Cambodge
sur les images d’actualités
© Ina
il faut être historien pour comprendre les images. Les images peuvent accompagner un exposé
d’historien, mais en elles-mêmes, elles ne nous apprennent pas grand-chose sur l’histoire du
cambodge.
interview de
norodom sihanouk
à "7 jours dans
le monde", le 22/11/63
Les images filmées disponibles pour la période qui nous intéressent ici (1945-1970)
apparaissent très décevantes pour l’historien. A cette époque, les images télévisées
sur le Cambodge sont encore très rares.
Outre les archives, la presse de l’époque
et la photographie restent les archives principales. En fait, il faut être historien pour
comprendre les images. Les images peuvent accompagner un exposé d’historien,
mais en elles-mêmes, elles ne nous apprennent pas grand-chose sur l’histoire du
Cambodge. Signalons qu’à cette époque,
il n’y avait pas une très grande variété de
sources. Il n’y avait que l’unique chaîne de
l’ORTF qui, avec ses journalistes attitrés,
couvrait le conflit dans la région. Ainsi, François Chalais, journaliste et grand admirateur
de Sihanouk, répète-t-il toujours les mêmes
commentaires. Il faudrait comparer cette
période avec l’après-1970 et l’arrivée d’autres chaînes. L’image du Cambodge véhiculée à travers les archives de l’Ina est
assez linéaire tout au long de la période 1945-70. Sur quelques images d’actualité, domine un discours où l’emphase occidentale prévaut, qui ne correspond pas du
tout à la réalité. Il s’agit ici essentiellement
26 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
du langage du reporter français qui porte un
regarde spécifique sur l’Orient. Ici, l’image
du royaume khmer est celle d’un royaume
des mille et une nuits, un royaume de rêve
aux mille et une magnificences. Un
royaume avec à sa tête un « prince rose ».
Un prince qui joue au football et qui est
proche de son peuple. Le prince Sihanouk
apparait comme le grand ordonnateur de cet
enchantement autour de sa personne et
autour de son pays qu’il fait flamboyer.
Certes, l’on évoque tout de même que le
pays reste pauvre, mais les gens y sont
heureux.
Les Actualités françaises voient le Cambodge au prisme de son histoire coloniale.
Elles insistent sur des événements qu’elles
jugent importants comme la visite de de
Gaulle à Phnom Penh. Mais elles ignorent
toute une série d’événements importants
de la vie politique intérieure cambodgienne.
En réalité, les informations restent très lacunaires sur la situation du pays, rendant
extrêmement difficile pour les Français regardant ces images de comprendre ce qui
se passait réellement au Cambodge. L’information ne traite pas de la situation difficile à laquelle est confronté le pays, pas plus
que de la politique de répression de Sihanouk à l’égard de son opposition intérieure,
mais elle se concentre sur la personnalité
de Sihanouk en reprenant sans cesse le
mythe du prince charmant. Ainsi, les images
d’un prince sportif et aimé de son peuple
et d’enfants jouant dans l’eau, pauvres mais
souriants et heureux prédominent.
Aussi, je dirais qu’il faut d’abord et avant
tout connaître les événements et l’histoire du
Cambodge dans les détails pour pouvoir lire
les archives, les resituer dans leur contexte
et signaler les manques, les non-dits, et les
silences de ces images. Ne voir l’histoire du
Cambodge de ces années-là que par ce
prisme filmé serait même dangereux. Les
images ne prouvent pas grand-chose. Il faut
complètement les décrypter pour comprendre la situation d’avant 1970. Mais ces remarques ne s’appliquent-elles pas aussi à la
vision de la société française à la même période à travers la télévision française ?
Alain Forest
Professeur, Université Paris Diderot
Vie de l’Afrase
Eko Nugroho et l’art contemporain
en Indonésie
© MAM Paris
A l’occasion de l’exposition «témoin Hybride» consacrée à l’artiste indonésien Eko
nugroho au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, une « rencontre de l’Afrase » a été
organisée le 19 janvier dernier, en partenariat avec le musée et sam Art Projects, sur le
thème : « Eko nugroho et l’art contemporain en indonésie ». rencontre avec l’artiste et
des spécialistes passionnés d’Art.
La salle réalisée par Eko nugroho spécialement pour le musée
Première exposition d’un artiste indonésien dans un musée national français L’exposition « Témoin hybride »
au Musée d’Art Moderne (MAM) de
la ville de Paris (13 janvier-10 juin
2012) constitue le troisième temps
de création de l’artiste Eko Nugroho
en France. En 2009, sélectionné par
le commissaire d’exposition Hou
Hanru, il participe à la Biennale de
Lyon « The spectacle of the everyday ». En parallèle d’une fresque monumentale sur les murs de La Sucrière, il s’investit pleinement dans le
projet « L’arc-en-ciel sous la terre »
de la metteure en scène Claire
Truche : ses marionnettes inspirées
de la tradition javanaise et porteuses
de thématiques contemporaines universelles – sur les questions d’identité et de compréhension de l’Autre
– initient un projet avec des jeunes
danseurs de hip hop de Vaulx-enVelin. Deux ans plus tard, Eko rejoint
Paris ; son œuvre, qui oscille entre
mural et broderies, artisanat et graffiti, atteint le sixième étage de l’Espace Culturel Louis Vuitton sur le
boulevard des Champs-Elysées.
Cette ascension groupée (avec dix
autres artistes indonésiens originaires
eux aussi pour la plupart de la ville
de Yogyakarta) marque le début d’une
longue expérience en France, grâce
au commissaire d’exposition Hervé
Mikaeloff qui le recommande pour
une résidence soutenue par le SAM
Art Projects. Ce programme d’une
durée de cinq mois, qui s’achève par
une exposition au MAM, la première
exposition solo d’un artiste indonésien
dans un musée national français,
n’empêche pas Eko de sortir de son
impensable de parler d’art contemporain sans souligner l’importance des
traditions et des arts classiques en Indonésie. Aussi, comme l’explique l’artiste et critique Asmudjo Jono Irianto,
il existe depuis les années 1990 une
nouvelle façon pour les artistes de
découvrir leurs traditions, non pas
« Là où nous attendions de l’exotisme, nous sommes
confrontés à notre propre pluri-identité. Ce qui meut Eko,
c’est non pas la dynamique moderniste ou postmoderniste
de l’art contemporain, mais la nécessité de créer un lien
enchanté dans un monde fragmenté ».
Sébastien Gokalp, commissaire de l’exposition « Témoin hybride » (1)
magnifique studio de la Villa Raffet
pour participer à d’autres projets, notamment le Mur de la rue Oberkampf.
Une introduction à l’art contemporain indonésien…
Il n’est pas chose aisée d’organiser
une discussion publique au MAM autour d’Eko Nugroho sur le vaste
thème de l’art contemporain indonésien. On ne peut parler d’art contemporain sans évoquer le rôle incontournable des collectionneurs d’art
en Indonésie, a fortiori depuis le milieu des années 1990. Il serait aussi
tant pour renforcer une identité nationale, que pour réadapter/ré-adopter
leurs traditions, afin de se présenter
sur la scène internationale en tant
qu’artistes indonésiens porteurs d’une
identité nationale. (2)
Dans ce contexte, la table ronde, organisée peu après l’ouverture de l’exposition, a permis à un large public
de découvrir un artiste et d’avoir une
mise en contexte de l’art contemporain en Indonésie, encore peu connu
en France. Après une introduction
par le directeur du MAM, Fabrice
Hergott, le commissaire de l’exposi-
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 27
Vie de l’Afrase
tion Sébastien Gokalp, la fondatrice
de SAM Art Projects Sandra Mulliez
et la présidente de l’Afrase, Claire
Trân, trois intervenants se sont succédés. Hélène Njoto, auteure d’une
étude sur le marché de l’art indonésien pour la revue Archipel a d’abord
exposé une chronologie des mouvements artistiques et du marché de
l’art indonésiens en démontrant la
spécificité de ce marché et de ses
acteurs parmi les plus dynamiques
d’Asie du Sud-Est. Marc Bollansee,
écrivain et collectionneur passionné
d’art asiatique (3) a commenté une
riche sélection d’œuvres d’artistes
contemporains prometteurs, et d’autres déjà bien établis, soulignant à
chaque fois le processus créatif de
l’artiste et la signification de l’œuvre
achevée. Marc Bollansee et Hélène
Njoto ont suivi de près le développement des pratiques artistiques
contemporaines en Indonésie et surtout à Yogyakarta. Ils ont ainsi pu inscrire l’œuvre d’Eko Nugroho dans
une histoire de l’art contemporain en
Indonésie et dans le marché international de l’art contemporain. Eko
Nugroho lui-même, a évoqué sa démarche d’artiste et présenté les œuvres réalisées spécialement pour
cette exposition. S’en est suivie une
riche discussion entre intervenants
et public, animée par Sébastien Gokalp.
Eko Nugroho artiste … et entrepreneur social
Eko Nugroho, né en 1977, est ainsi
autant inspiré des spectacles de marionnettes traditionnelles, qu’il voit
depuis enfant à Yogyakarta, que de
la culture pop, urbaine et occidentale qui inonde le pays depuis 1998.
Cet état d’esprit correspond aussi à
Java et à Yogyakarta dont les influences extérieures, qu’elles soient
religieuses, sociales, culturelles ou
commerciales, se retrouvent dans un
incroyable mélange et esprit unique
d’adaptation. Eko Nugroho est également, au milieu de ce concert d’influences, un entrepreneur social. Généreux et ouvert, empreint de la
culture locale du gotong royong (l’entraide mutuelle), il est constamment
à la recherche de stratégies de développement socio-économique, non
seulement pour lui-même mais surtout pour les plus jeunes artistes qu’il
Eko nugroho en plein travail
côtoie. À ses côtés, ce sont près de
trente personnes qui travaillent tant
sur le plan administratif (en 2012, il
est encore difficile d’être un artiste
international lorsque l’on est issu d’un
pays émergent) que créatif (avec un
atelier de broderie qui travaille sur la
création de certaines œuvres ; ou
encore Fight for Rice, un magasin/lieu
alternatif de rencontres artistiques et
musicales).
Des projets comme ceux du
SAM/MAM invitent à découvrir de
formes d’art contemporain encore
peu présentées en France et en Europe, mais également d’initiatives en
termes de fonctionnement local, de
créativité et de partage de compétences. Initiatives venues d’ailleurs
d’autant plus essentielles dans un
contexte de crise, de recherche de
nouvelles formes de liens et de dynamiques socio-culturelles.
Marie Le Sourd (4) 1) Catalogue de l’exposition
« Témoin Hybride, Eko
Nugroho », publié par Sam Arts
Projects, 2012, p. 19.
2) « OUTLET, Yogyakarta within
the contemporary Art Scene »,
publié par la Cemeti Art
Foundation, 2001 (maintenant
Indonesia Visual Art Archives).
3) Il est l’auteur de livres sur l’art
contemporain asiatique parmi
lesquels « Indonesian
Contemporary Art Now » en 2006
(SNP Singapore, 2006).
(4) À l’initiative du projet, Marie
Le Sourd a conçu et facilité cette
manifestation. Elle a travaillé sept
ans à la Fondation Europe-Asie à
Singapour avant de diriger le
Centre Culturel Français de
Yogyakarta de 2006 à 2011. Elle
est maintenant responsable du
réseau de mobilité pour artistes
et professionnels de la culture on
the move : http://on-the-move.org.
QUELQUES LIEnS
Sur l’exposition :
- http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/eko-nugroho
- http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/eko-nugroho
- http://www.samartprojects.org/" http://www.samartprojects.org
Sur d’autres projets d’Eko nugroho en France :
- http://universes-in-universe.org/eng/bien/biennale_de_lyon/2009
- http://www.dailymotion.com/video/xnk7wj_eko-nugroho-peint-le-mur-n-112-janvier-2012_creation" -Sur l’art contemporain en Asie du Sud-est et en Indonésie :
- www.ivaa-online.org
- http://www.universes-in-universe.org
- http://www.search-art.asia/Index.html
28 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Retour de terrain Les Bunong protestants de Bu Sra,
commune pluri-religieuse des
hautes terres du Cambodge
Début 2009, en première année de thèse d'anthropologie, je suis partie pour un an de
recherches de terrain chez les Bunong, une « minorité ethnique autochtone » du
cambodge (1), qui habite dans la province de mondolkiri, près de la frontière vietnamienne. J’y suis retournée pour deux plus courts séjours en 2010 et en 2012. Que signifie
pour un Bunong d´être protestant est une des questions qui a orienté ma recherche.
Dans quelle mesure l´adhésion à un courant évangélique prônant l’ouverture à une vie
nouvelle (born again), est-elle synonyme d´une volonté dadopter des modes de vie perçus également comme nouveaux ?
L´observation participante étant l´outil de base de
l´enquête anthropologique, j´ai choisi d´ancrer la
majeure partie de mes recherches dans la commune de Bu Sra (2), pour suivre le quotidien des
villageois protestants. Ceux-ci y cohabitent avec
des Bunong -catholiques et animistes- ainsi qu'avec
une minorité croissante de Khmers bouddhistes. Il
s´agit d'une des deux localités qui compte le plus
d'habitants chrétiens, présence qui se matérialise
par trois églises protestantes et une catholique.
C’est aussi un endroit fortement investi par des projets de développement mis en œuvre par une panoplie d'ONG (3) et marqué par l'arrivée récente de
deux plantations de caoutchouc (4).
Un paysage religieux marqué par les guerres :
déplacements de population et essor des églises
chrétiennes
Dans leurs récits de conversion, la plupart des
chrétiens bunong remontent à leur fuite versdes
camps de relocalisation au Vietnam au début des
années 1970, lors des bombardements américains
intensifs sur la région stratégique des Hauts-plateaux annamitiques. Ce fut dans ces camps que la
première génération de Bunong du Cambodge est
entrée en contact avec les religions chrétiennes, surtout protestante mais également catholique. Leur
forte présence actuelle à Bu Sra et à Dak Dam remonte à 1986, suite à la politique de réinstallation
des habitants bunong rapatriés du Vietnam mais
aussi ceux revenant des camps de travail forcé
khmers rouges par le gouvernement de la République populaire du Kampuchéa (1979-1989). Les
chrétiens autochtones n'ont pas attendu l'arrivée,
fin des années 1990, de missionnaires étrangers
pour construire les premières églises et diffuser la
« bonne nouvelle » autour d'eux.
Bu Sra, une « arène du développement » (5) De nombreuses ONG (tels Caritas, Health Unlimited, ICC, New Humanity, Oxfam, Adhoc ou encore
ICSO) mettent en œuvre des projets de développe-
ment dans la commune de Bu Sra, dans les domaines de la santé, de l'éducation, du développement rural, de la défense des droits de l'homme et
des peuples autochtones. A côté des organisations
pour la plupart non-confessionnelles figurent deux
ONG protestantes (6), les Compassion and Mercy
Associates (Cama) (7) et I´International Cooperation
Cambodia (ICC) (8). Je m´étais intéressée en master, aux façons dont ces acteurs à l´intersection
entre le « développement » et la « religion », présentaient leur travail, visant à instaurer parmi les
habitants des hautes terres, un bien-être corporel et
spirituel. Ces deux organisations attribuent au christianisme un effet stimulant qui libérerait les Bunong
opprimés par leurs croyances « arriérées » en de
« mauvais esprits », pour en faire des individus responsables et engagés au service de leur communauté. Leur exégèse du message chrétien prenne
des formes différentes allant du plus fondamentaliste
au plus libéral. Ainsi, la Cama s'occupe de l'encadrement des églises, par la formation biblique des
responsables locaux, ceux-ci diffusant ensuite les enseignements dans leur groupe. Des interdictions
strictes et des règles de vie calquées sur le modèle
occidental sont imposées dans le but de structurer
la vie de la « paroisse » protestante. L'organisation
propose aussi des cours d'alphabétisation en khmer,
langue nationale, employant un matériel didactique
largement constitué d’extraits bibliques. En outre, la
missionnaire étrangère responsable de la Cama
ayant une formation d’infirmière, propose des cours
d'éducation sanitaire. De son côté, l’ICC met en
œuvre un projet d'alphabétisation en langue maternelle sans message religieux, s'adressant à tous
les Bunong, indépendamment de leur appartenance
religieuse. Il s’accompagne d’une tentative d’intégration des Bunong dans la sphère de l’économie de
marché, censée être régulée par les « valeurs chrétiennes » de partage et d’humilité, et propager au
sein des communautés un fonctionnement « démocratique » idéal. L'organisation insiste sur l'importance
d'un développement respectueux de la culture « traHiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 29
© Catherine Scheer
Retour de terrain un cours sur l hygiène
chez la volontaire
de WWF
ditionnelle » bunong, en rédigeant par
exemple des livres à partir de contes et
de légendes traditionnels. Ces deux ONG
chrétiennes ont donc des visions divergentes de la « mission », l’une s’investissant prioritairement dans l’évangélisation, l’autre privilégiant les actions de
développement. Mais en pratique, les activités de ces organisations se rejoignent
souvent à travers les mêmes acteurs bunong protestants qui, du reste, sont très
investis dans les projets d'ONG non
confessionnelles. La question est de savoir ce que signifie pour ces acteurs bunong protestants le terme de développement, et de quelle façon ils le lient à leur
identité chrétienne. Je me limiterai ici a
présenter quelques pistes de réflexion
qui ont découlé de ma place sur le terrain, position qui, loin d’être neutre, constitue une source d’informations en soi.
Être identifié et s'identifier en relation
aux missionnaires du développement
Dans ma prise de contact avec les responsables des deux organisations protestantes, mon identité d'étudiante en anthropologie s'est avérée délicate. Ainsi,
lors d'une des premières rencontres, la
30 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
missionnaire américaine de Cama m'a demandé si j’étais chrétienne. Je lui ai répondu que bien que mes parents soient
catholiques, je me considérais comme agnostique. Elle s’est alors lancée dans un
long discours sur l’importance de retrouver le droit chemin avant l'instant de la
mort, plus proche que l'on ne pense. Cette
question est revenue de façon systématique lors de rencontres avec d'autres missionnaires étrangers de cette même obédience, l'un considérant que les
anthropologues étaient en général hostiles à la religion chrétienne. Alors que
ces questions me mettaient mal à l’aise,
j'en suis venue à me dire qu'elles contribuaient probablement à ce que ces missionnaires continuent de discuter avec
moi. Les discussions avec un ancien responsable d'ICC, lui aussi d'origine américaine, s’avérèrent d’une autre nature. Il m'a
demandé ce que je pensais de divers articles traitant de l'évangélisation des habitants des hautes terres et a évoqué des
détails de tel rituel bunong. Ayant acquis
des connaissances ethnographiques au fil
du temps passé à Mondolkiri, il estimait
important de comprendre les valeurs et les
interdits bunong afin de ne pas enfreindre
Quelques apports du terrain
Ces terrains m’ont permis, à partir des récits de vie,
de récolter de nouveaux éléments sur l'histoire récente des habitants de cette région et de comprendre que l'identité chrétienne des premiers Bunong
de Bu Sra était doublée d'une expérience commune
des années de guerre. Celle-ci les distingue de leurs
voisins restés sous contrôle khmers rouges, qui
après une assez longue période de prohibition, sont
pour la plupart revenus à leurs pratiques rituelles.
De plus, il s’est avéré que beaucoup des nouveaux
convertis entretiennent des liens de parenté étroits
avec les chrétiens de la première génération revenus du Vietnam.
Pour de nombreux Bunong protestants, l'entrée dans
une nouvelle vie avec Jésus est largement synonyme d'une adhésion à des façons de faire identifiées comme étant d'origine occidentale, aujourd'hui
diffusées par des ONG dont certaines mènent une
action croisée de développement et d'évangélisation.
Ces modes de vie nouveaux ne sont cependant pas
toujours évidents à concilier avec l'appel à la sauvegarde de la culture "autochtone" qui gagne en
force dans le discours des ONG défendant les droits
des minorités autochtones face aux spoliations de
leurs terres et dans les projets d'une organisation protestante comme l’ICC. Il ne revient pas à l'anthropologue de juger l'effet destructeur d'activités missionnaires ou l'authenticité de revendications d'une
"culture traditionnelle" exprimées par des autochtones s’appuyant sur un vocabulaire ONGiste afin
de défendre leurs droits à la terre. En revanche, il
lui revient de décrire comment les Bunong protestants et activistes discutent et expriment leur identité sous l’influence de cette variété de messages.
Catherine Scheer
Doctorante en anthropologie sous la direction d’Yves Goudineau
[email protected]
© Catherine Scheer
les règles de leur société. Ces discussions m'ont fait
prendre conscience qu'il existe aussi bien un imaginaire sur les anthropologues chez les missionnaires
qu’en sens inverse. Elles m'ont aussi aidé à mieux
comprendre la vision que ceux-ci avaient de leur
mission.
Par ailleurs, mes relations avec les protestants bunong m’ont permis de réfléchir sur la vision qu’ils
pouvaient avoir des occidentaux. Lorsque j'ai assisté
pour la première fois à une leçon d'enseignement biblique, les participants bunong m'ont spontanément
appelée "neak krou", terme khmer signifiant « enseignante », et qu’ils emploient entre autre pour parler
des missionnaires. J'ai essayé alors d'expliquer, avec
l'aide du traducteur bunong qui m'a assistée dans mes
recherches et dans l'apprentissage de la langue, que
je n'étais pas chrétienne moi-même, et j'ai insisté
sur le fait que je venais non pas pour instruire mais
pour apprendre. Il a néanmoins fallu du temps avant
qu’ils ne m'appellent plus que par mon nom et m'exposent plus volontiers leurs visions du christianisme.
L église protestante du village 7
(1) L'ensemble de ces minorités constituerait environ 2 % de la population
nationale, selon le Recensement National 2008, ce qui est une très faible
proportion comparée à d autres pays sud-est asiatiques
(2) Bu Sra se compose de sept villages alignés le long d’une route, entre 400 et
800 habitants chacun. Selon le Recensement National 2008, la commune de Bu
Sra aurait 3515 habitants Bunong auxquels il faut ajouter 228 Khmers.
(3) Le Cambodge est un des pays où l’aide internationale a le plus investi. Sabine
Trannin parle d’« un des plus grands raz-de-marée humanitaires jamais connu ».
Trannin, Sabine: Les ONG occidentales au Cambodge. La réalité derrière le
mythe (Paris, l’Harmattan, 2005), p.13.
(4) Socfin/KCD, joint-venture khméro-luxembourgeoise, et DAKRUCO, entreprise
vietnamienne.
(5) Expression forgée par Jean-Pierre Olivier de Sardan : Anthropologie et
développement. Essai en socio-anthropologie du changement social (Paris,
Karthala, 1995), p.174.
(6) En 2003, sur 130 ONG étrangères, près de la moitié étaient classées
d’obédience religieuse, en très grande partie protestante.
(7) Cama est liée à l’organisation missionnaire Christian and Missionary Alliance
(C&MA) qui a introduit le protestantisme au Cambodge au début du vingtième
siècle.
(8) Cette ONG locale représente plusieurs organisations, toutes confessionnelles.
A côté d´organisations missionnaires scandinaves, on peut citer le Summer
Institute of Linguistics/Wycliffe Bible Translators.
(9) Terme générique khmer pour parler des Français et des Occidentaux de façon
générale.
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 31
Regard de Chercheur
Amiens, parvis de la tolérance...
© Trinh Van Thao
par Trinh Van Thao, sociologue (IrAsia - Institut de recherches Asiatiques)
Prise à Amiens quelques temps après la guerre du Viet
Nam, cette photo porte en elle un fort sens symbolique. Sur les marches de la Cathédrale d'Amiens, deux
silhouettes vietnamiennes, le poète Cu Huy Can, alors
ministre de la Culture de la République Socialiste du
Vietnam et l'intellectuel Cao Huy Thuan, professeur
de Droit à l'université de Picardie, promettent et
annoncent un déclic dans l'âme vietnamienne, une
sorte de pardon après ces terribles années de braises.
Avant la guerre, Cu Huy Can et son ami Xuan Dieu
représentèrent pour les jeunes collégiens vietnamiens "les deux poètes ivres d'alcool", nos Rimbaud et
Verlaine à nous. Tandis que Cao Huy Thuan s'est illustré durant la révolte des étudiants de Hué contre le
32 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
régime de Ngô Dinh Diem avant de prendre le chemin
de l'exil (le mien).
Je me rappelle ce jour, un dimanche ensoleillé avec la
lumière douce et si particulière de la région du Nord.
Devant le parvis, des bouquinistes du dimanche exposaient de vieux livres. J'ai demandé au poète ce qu'il
souhaitait recevoir de moi pour marquer cette rencontre. Il me montra une Bible reliée de cuir qu'il commençait à feuilletter avec un plaisir évident. Je pensais
tout à coup à ses vieux poèmes pleins de résonances
chrétiennes de l'avant-guerre. Pour moi, c'était un bon
signe. Peut-être la paix des coeurs et la tolérance entre
les hommes sont enfin là, cette insoutenable légèreté
des êtres !
In memoriam
GEORGES CONDOMINAS (1921-2011)
© Pierre Chappat
sur le terrain...
« Je ne suis rien d’autre qu’un ethnographe » (1). Ainsi s’exprimait Condo, comme
il aimait qu’on l’appelât, avec la modestie et
l’assurance de ceux qui n’ont plus rien à
prouver. Cette assurance, il la tirait de la
constatation que les grands ethnographes
sont infiniment plus rares que les bons théoriciens. Ce n’est pas qu’il tenait pour vain tout
effort de théorisation. Bien au contraire, « il
ne peut y avoir de progrès », reconnaissaitil, «sans dialectique serrée entre acquisition des données et recherches théoriques »(2). Du reste, comme on le sait, il
consacra toute la seconde moitié de sa carrière à l’approfondissement d’un concept
d’espace social qui, bien qu’il y soit encore
informulé, oriente déjà sa réflexion dans
Nous avons mangé la forêt, tant il s’y montre conscient que les Mnong Gar de Sar
Luk sont « des hommes du vingtième siècle absorbés par un système économique
qui couvre la planète » (3).
Si, malgré tout, Condo persista toute sa vie
à donner la priorité à l’ethnographie, c’est
pour des raisons qui sont à la fois d’ordre
éthique et d’ordre scientifique. D’une part, estimait-il, l’urgence était d’apporter un témoignage sur « une forme de vie collective donnée par un groupe humain original » (4), et
le devoir des ethnologues était de se faire
les interprètes de groupes ethniques « bientôt condamnés » (5) et victimes de ce qu’il
fut le premier à appeler un ethnocide. D’autre part, insistait-il, si la théorie est respectable, encore faut-il qu’elle prenne « appui
sur des données réelles » (6), de sorte que
« l’épreuve du terrain », qui est « le grand
moment de notre vie professionnelle », et
« qui fait de chacun de nous un véritable
ethnologue » (7), restera toujours au point de
départ de toute entreprise ethnologique. C’est
donc par conviction que Condo fut d’abord
(sans l’être exclusivement) un ethnographe,
mais s’il n’avait été qu’un ethnographe parmi
les autres, cet hommage n’aurait pas lieu
d’être. Ce qui explique sa notoriété, en France
comme à l’étranger (faut-il rappeler qu’il y a
sept traductions de Nous avons mangé la
forêt ?), c’est que, dans l’histoire de l’ethnologie française, il fut d’emblée reconnu
comme le plus grand de tous les ethnographes. Il n’est pas sûr, toutefois, qu’à
l’époque où parut Nous avons mangé la
forêt, les lecteurs eurent pleinement
conscience de ce qui faisait de ce texte un
chef-d’œuvre. On mit souvent en avant les
qualités littéraires de l’auteur (que LéviStrauss qualifia de « Proust de l’ethnologie »), ou un plaisir de la lecture qu’on attribuait à la dimension narrative de l’ouvrage.
Tout cela est vrai, mais deux générations
plus tard, il devient évident que le génie véritable de Condo tient au caractère novateur
pour l’époque des méthodes de travail qu’il
sut mettre en œuvre sur le terrain.
En bref, je dirais volontiers que Condo a réalisé l’idéal ethnographique qu’avait en tête M.
Mauss (idéal d’autant plus ambitieux que,
justement, celui-ci ne s’aventura jamais sur
aucun terrain !). Ce qu’en effet, tout au long
de sa carrière, Condo s’est attaché à décrire, ce sont des faits sociaux totaux, et,
dans l’esprit de Mauss, l’approche en termes
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 33
In memoriam
de fait social total n’est rien d’autre que
« l’étude du concret, qui est du complet » (8).
L’important, concluait Mauss, c’est donc
d’ « observer ce qui est donné. Or le donné,
c’est Rome, c’est Athènes, c’est le Français
moyen, c’est le Mélanésien de telle ou telle
île, et non pas la prière ou le droit en soi ».
C’est précisément ce que nous montre Condo
dans Nous avons mangé la forêt. Comme il
l’écrit lui-même, « au lieu de bâtir le patron
d’une institution (…) à partir de plusieurs
exemples », il tente de « restituer ces mêmes
institutions in vivo » (9) En d’autres termes,
il nous montre la réalité sociale mnong gar
telle qu’elle a été vécue en un lieu donné, à
une époque donnée, par des hommes et
des femmes qui avaient un nom et une histoire personnelle, la nécessité d’une telle
contextualisation des données se déduisant
non seulement de l’historicité et de la variabilité des faits culturels, mais aussi de l’inévitable écart entre les pratiques et les normes.
Dans Nous avons mangé la forêt, Condo
nous décrit aussi des hommes et des femmes
dont l’ethnologue ne pouvait deviner les motivations et comprendre les interrelations
qu’à travers une analyse de ses propres motivations et des relations qu’il avait lui-même
nouées avec eux. D’où la nécessité de prendre en compte la dimension réflexive de l’enquête ethnographique, dont, sans en déga-
ger explicitement le concept, Condo fut sans
aucun doute l’un des premiers à saisir toute
l’importance.
Aujourd’hui, nous avons tellement intériorisé l’enseignement de Condo que nous
avons tendance à oublier tout ce que nous
lui devons. L’équité exige que cette injustice
soit réparée. Condo ne fut pas seulement
un ethnologue engagé et un spécialiste de
l’Asie du Sud-Est. Il fut aussi, et surtout, un
précurseur dont les méthodes de travail sur
le terrain restent un modèle pour tout ethnologue, quelle que soit l’aire culturelle dans
laquelle il s’est spécialisé.
Richard Pottier
Professeur émérite Université Paris Descartes
1) L'espace social à propos de l'Asie du Sud-Est, 1980 :
121, Paris, Flammarion
2) Op.cit. : 99
3) Nous avons mangé la forêt de la Pierre Gôo, 1957 :
11, Paris, Le Mercure de France
4) L'espace social à propos de l'Asie du Sud-Est, 1980 :
100, Paris, Flammarion
5) Ibid.
6) Op. cit. : 98
7) Ibid.
8) Mauss, M., Essai sur le don, 1980 : 276, Paris, PUF
9) L'espace social à propos de l'Asie du Sud-Est, 1980 :
100, Paris, Flammarion
Le but de cette réunion à la Maison de
l’Asie a été de remettre à Claire, ainsi
qu’aux enfants, aux petits-enfants et arrières petits-enfants de Condo un recueil de témoignages dont les auteurs
sont les parents, les amis, les collègues, les disciples et parfois les
élèves des élèves de Condo. Avant de
passer à la remise du livre Le fils des
quatre vents-Georges Condominas, il
a été procédé à la lecture des contributions très courtes, mais extrêmement émouvantes et traduites en vietnamien ainsi qu’en français, des
villageois Mnong Gar de Sar Luk. Le
choix d’un Français pour lire le texte
vietnamien, et d’une personne qui est
française et née en France, mais dont
les parents sont originaires de Tunisie,
pour lire le texte français, est en accord avec les valeurs que défendait
Condo, qui comme chacun le sait, valorisait par-dessus tout le métissage
culturel (ce que, d’ailleurs, il avait encore publiquement rappelé à Broca le
© Richard Pottier
Quelques mots sur la réunion d’hommage du 15 octobre 2011
jour se son dernier anniversaire). Après
la lecture, toute l’assistance s’est réunie autour d’un buffet pour partager
les cochons laqués offerts à Condo au
nom de madame H’Srang et des autres amis Mnong Gar de Sar Luk et
boire un verre de champagne en l’honneur du maître disparu. La réunion a
eu lieu dans une ambiance amicale et
chaleureuse.
34 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Vie de l’Afrase
Compte rendu moral et financier 2010-11
L’assemblée générale de l’afrase s’est tenue à la Maison de l’asie le 9 juin 2011.
Constat
En dépit de l’arrivée de nouveaux adhérents, les recettes
ne suivent pas, et les finances de l’association restent un
problème chronique qui rend difficile la poursuite de la
publication de la lettre papier, ainsi que le financement d’un/e
représentant/e de l’Afrase aux réunions régulières de l’Euroseas. Un certain nombre de membres ne pensent pas
à renouveler leur adhésion, en dépit des relances. Or, le
budget de l’association repose essentiellement sur les cotisations de ses membres. Quelque soit l’investissement
bénévole du bureau, sans la contribution annuelle de chacun, l’association ne pourra perdurer. A chacun de faire
connaître l’Afrase auprès de ses collègues français et
francophones, de la bibliothèque de son université et de
ses étudiants, ainsi qu’auprès de son laboratoire pour un
financement de soutien. Ces difficultés n’ont pourtant pas
empêché le bureau de s’investir dans les deux priorités
qu’il s’était données: l’ouverture des activités de l’association à un public plus large et la recherche systématique
de financements extérieurs pour l’organisation conjointe
d’événements.
La lettre de l’afrase parait deux fois par an. Ces deux
années passées, la mise en page de la lettre s’est nettement améliorée grâce au professionalisme d’Agnès de
Feo. Cette dernière souhaitant se retirer du bureau pour
se consacrer à ses recherches, le bureau la remercie pour
sa contribution active à la publication de la Lettre. Jugeant
important de préserver la qualité de la mise en page, le
bureau décide dès la prochaine lettre de passer au format électronique. La moitié des économies faites sur l’impression et l’envoi postal de la Lettre permettra le financement de la mise en page par un professionnel. Il est
demandé à chaque membre d’envoyer leurs coordonnées
afin de la recevoir.
« Les rencontres de l’afrase » organisées en collaboration avec des partenaires se poursuivent. Le projet de
conférence en province à Lyon en partenariat avec l’IAO
sur le thème des villes en Asie du Sud Est a été abandonné du fait du départ de Guy Faure, et de l’impossibilité pour la nouvelle direction d’assurer le financement de
cette rencontre, à cause d’une baisse de leur budget. En
revanche, une journée sur les « Fonds audiovisuels et
connaissance de l’Asie du Sud-Est» en partenariat avec
l’Ina est en cours de préparation et aura lieu le 21 octobre 2011 à l’Ina. L’idée d’une rencontre autour du thème :
« Leçons indonésiennes pour un printemps arabe ? Islam
politique et transition démocratique »a été lancée. Il s’agirait d’inviter des spécialistes indonésiens en France, et de
les faire discuter avec des spécialistes français de l’Indonésie, du monde arabe et turc. Le Ceri serait d’accord pour
accueillir la table ronde. Des négociations sont en cours
avec l’ambassade pour le financement de la venue des
chercheurs indonésiens.
Le site de l’afrase et le compte facebook ouvert cette
année sont présentés par les deux webmasters, Annabel
Vallard et Nicolas Césard. (voir l’encadré actualisé)
Les activités de l’Euroseas sont évoquées par la représentante de l’Afrase aux réunions de l’Euroseas, Anne
Guillou. Après avoir fait état de l’annulation de l’université
d’été anoncée pour l’été 2011 à Procida (Italie) faute de
financement, elle évoque l’organisation du 7e congrès de
l’Euroseas qui se tiendra en juillet 2013 à Lisbonne.
Après le vote du rapport moral et financier, l’élection des
représentants de l’Afrase à l’Euroseas (Anne Guillou et Nicolas Césard), et celui du nouveau bureau avec 3 départs (Agnès de Feo, Laurence Husson, Hélène Feillard)
et 4 entrées (Caroline Herbelin, Isabelle Tracol-Huynh, Joseph Thach et Paul Sorentino), l’AG se conclut par un buffet apéritif convivial.
Claire Trân Thi Liên
(Présidente)
Les membres et futurs membres de l’Afrase
sont cordialement invités
à l’Assemblée Générale de l’association qui se tiendra
LE VEnDREDI 15 jUIn
à partir de 18h
à la Maison de l’Asie, 22, rue du Président-Wilson, Paris 16ème
L’AG sera suivie d’un apéritif convivial.
Nous vous y attendons nombreux
Vie
Dossier
de l’Afrase
Rapport financier
7 juin 2010 - 7 juin 2011
état des finances au 7 juin 2011.
Lors de la précédente AG, en juin 2010, l’association
était créditrice de 2 059,34 euros. Elle enregistre aujourd’hui un crédit de 2 048,56 euros. Au cours de l’exercice, qui s’étend sur 12 mois, nous avons enregistré :
En recette : 2 274,90 euros (1 568 euros sur l’exercice précédent) + 706,9 euros
En dépense : 2 285,68 euros (2753,25 euros sur l’exercice précédent) – 467,57 euros
Entrées Nos entrées viennent exclusivement des cotisations.
Elles sont en légères augmentation grâce aux cotisations institutionnelles, en particulier des universités
américains et australiennes (ANU, Berkeley…) qui ont
cette année réglé plusieurs années d’abonnement
d’une traite.
Sur 152 membres, seuls 49 se sont acquittés de leurs
cotisations contre 54 en 2009-2010 et 90 en 2008-2009.
Sorties
Comme chaque année, les principales dépenses
concernent l’édition et l’envoi de la Lettre. Il y en a eu
deux cette année, celle d’hiver 2010 (77) et de printemps 2011 (78). Seule l’impression de la première
Lettre (77) entre dans l’exercice, avec les frais d’envois des deux parutions. L’impression de la Lettre nous
revient désormais à un peu plus de 400 euros, contre
500 l’année précédente. La baisse du coût est due à
un changement de format, ce qui a aussi eu une in-
fluence, tout à fait bienvenue sur le prix des envois. Ces
derniers ont été presque réduits de moitié sur la dernière Lettre. Nous sommes donc passés d’une dépense d’environ 400 euros pour le numéro 77 à 225
euros pour le numéro 78.
Le second poste est celui de l’aG, et seule celle de l’an
passé (juin 2010) entre dans l’exercice actuel. Pour ce
poste les dépenses sont également en baisse un 513,29
euros contre 800 euros les années précédentes.
Le troisième poste est celui des missions. Cette année,
une mission a été effectuée par les représentants de
la France à une réunion du bureau de l’Euroseas en février. Pour ce poste les dépenses sont d’environ 420
euros. La mission précédente qui avait eu lieu pendant
l’Euroseas de Göteborg avait été prise en charge par
le Case, ce qui a grandement allégé les dépenses de
l’association qui aurait sinon dû s’acquitter de deux missions cette année.
Comme l’an passé le quatrième et dernier poste, celui
de l’hébergement du site internet, n’enregistre pas de
dépense puisque l’Odris, qui soutient l’action de l’Afrase,
s’occupe de l’hébergement à titre gracieux.
Bilan
Les dépenses sont à la baisse, et ce depuis au moins
deux ans. Malgré cela nos finances sont en chute libre.
Nous avons enregistré un léger mieux au niveau des
cotisations, avec 706 euros de plus que l’année précédente. Ce léger mieux est cependant à relativiser puisque
les recettes de l’exercice 2009-2010 avaient enregistré
une chute de 50% comparé à 2008-2009.
Elsa Clavé-Célik (Trésorière)
Le site internet de l’Afrase fait à nouveau
peau neuve !
La rénovation du site internet de l’Afrase
réalisée en 2006, avec les outils de
l’époque (gestion sur site propre avec le
logiciel Dreamweaver), commençait à
dater. Afin de dynamiser le partage des
informations, de permettre au plus grand
nombre de participer à sa mise à jour et
d’anticiper la publication numérique de
la Lettre de l’Afrase, nous avons lancé
au cours de l’année 2011 sa refonte technique et sa migration vers une nouvelle
plateforme plus collaborative (Wordpress) avec l’aide d’un webdesigner, N.
Vollerin, qui participe à l’aventure du
web afrasien depuis plusieurs années.
Désormais, la gestion du site se fait à distance et toute personne préalablement
inscrite peut participer à son alimenta-
tion sans aucun logiciel particulier (à
l’exception du navigateur web) après
une sensibilisation minime à l’architecture de la plateforme. La vie du site ne
repose ainsi plus seulement sur N. Césard et A. Vallard, ses deux webmasters
depuis sa première refonte en 2006,
mais sur l’ensemble des membres du
bureau et des adhérents de notre association.
Dans cette nouvelle mouture, nous avons
procédé à peu de changement dans l’architecture générale du site : vous retrouverez toutes les informations sur l’Afrase
et l’actualité de la recherche sur l’Asie du
Sud-Est dans la rubrique « Guide » (enseignements/séminaires, thèses, liens
vers d’autres sites internet) ainsi que les
36 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
anciennes lettres à télécharger (avec un
temps de latence). Evolutive, cette architecture devrait à terme accueillir la publication numérique de la Lettre de
l’Afrase téléchargeable sous format PDF
par les adhérents.
Pour que vive le site internet de l’Afrase,
investissez-vous et pensez, soit à contribuer à la mise en ligne de l’actualité culturelle et/ou de la recherche (en nous
contactant préalablement), soit à nous
signaler directement vos publications,
séminaires, colloques, soutenance de
thèse/HDR, offres de bourse, etc. Par
ailleurs, vous pouvez nous rejoindre sur
Facebook!
nicolas Césard
et Annabel Vallard
Annonces
22
E
COLLOqUE InTERnATIOnAL AnnUEL DE LA
SOUTHEAST ASIAn LInGUISTICS SOCIETY AGAY, FRAnCE
30 mai-2 juin 2012
La Société de Linguistique d’Asie du Sud-Est – SEALS – a pour vocation de permettre aux chercheurs travaillant dans la discipline de partager les résultats de leurs recherches et leurs conceptions de la linguistique. Cela
couvre divers domaines tels que : famille de langues (austro-asiatique, austronésienne, hmong-mien, tai-kadai
ou tibéto-birmane…), sociolinguistique, syntaxe, sémantique, phonétique, phonologie, morphologie etc…
Chaque année la SEALS organise un colloque international, alternativement dans un pays asiatique et un
pays non-asiatique. En 2012, la 22e édition du colloque SEALS est organisée à Agay (83-France) par le
SeDyL avec le soutien actif de : Inalco, Lacito, Case, INSHS, IRD, Irsea, Maison Asie Pacifique, Université
de Provence, Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
ORGAnISAtIOn :
Joseph thach (Inalco, SeDyl) / Alice Vittrant (Université de Provence, Lacito)
http://sealsXXII.vjf.cnrs.fr
E-mail : [email protected]
CONFERENCE INTERNATIONALE
SUR LES ETUDES CHAMS
nEW RESEARCH In HISTORICAL CAMPĀ STUDIES
18 ET 19 JUIN 2012
A l’école française d'Extrême-Orient, 22, avenue du Président Wilson 75116 Paris
Le Centre Nalanda-Sriwijaya de l’Iseas (Institute of Southeast Asian Studies), Singapour et
l’École française d'Extrême-Orient, Paris, organisent une conférence internationale qui
entend présenter les plus récentes recherches sur les Chams et sur le Champa dans le
domaine de l’histoire, de la religion, de l’architecture, de l’épigraphie et de la linguistique.
COMIté SCIEntIFIQUE:
Arlo Griffiths, Andrew Hardy, Pierre-Yves Manguin, tansen Sen, Geoff Wade
PROGRAMME DE LA COnFéREnCE :
http://nsc.iseas.edu.sg/documents/conferences/champa_studies_programme_30_04_2012.pdf
Publications
Asie du Sud-Est
John gunther Dean, Au coeur de la guerre froide, le combat d'un ambassadeur américain pour la paix, collection Histoire Essentielle, Ed. François-Xavier de guibert,
2011, 255 p.
Connu pour avoir fermé les portes de
l'ambassade des Etats-Unis à Phnom
Penh et replié le drapeau étoilé cinq
jours avant l'arrivée des Khmers rouges,
l'ambassadeur John Dean incarne une
forme de courage physique et intellectuel injustement négligé dans l'histoire
des nations et des relations internationales. De la guerre du Vietnam à celle
d'Afghanistan, du Laos à l'Inde en passant par le Liban et la Thaïlande, John
Dean s'est souvent exposé personnellement vis-à-vis des autorités qu'il représentait, sans hésiter à contester leur position
ni à bousculer certains lobbies auxquels celles-ci pouvaient
être liées... Franc-tireur mais rassembleur, dissident mais loyal,
séduit par le message universaliste des Etats-Unis mais soucieux des particularismes nationaux, il ne pouvait qu'irriter les
radicaux de tout bord. Il relate, avec beaucoup d'honnêteté,
une expérience dont la valeur ne réside pas seulement dans
les compléments qu'elle est susceptible d'apporter aux historiens de métier et que ceux-ci peuvent croiser avec d'autres
sources. De la confiance qu'il manifeste dans les vertus d'une
diplomatie de combat, alimentée par des visites de terrain, des
échanges inlassables avec tous et d'un apprentissage continu
des cultures étrangères et des coutumes locales, on pourra
tenter de dégager les grandes lignes d'une méthode de négociation. Qu'un ancien diplomate puisse interpeller la mauvaise conscience des Etats-Unis dans un ouvrage dont la version originale a été officiellement soutenue par le département
d'Etat, voilà qui rassurera tous ceux qui doutent encore de la
capacité de cette grande démocratie à regarder en face ses
propres erreurs.
Jérémy Jammes, Benoît de tréglodé (sous la direction de),
L’Asie du sud-Est-2012, collection Documents, irasec, Les
indes savantes, 2012.
Chaque année l'Institut de recherche
sur l'Asie du Sud-Est contemporaine
(Irasec), basé à Bangkok, analyse
les principaux événements politiques,
économiques, sociaux, environnementaux ou religieux survenus dans
l'ensemble du sous-continent asiatique. Établissant une rétrospective
des principaux événements de l'année 2011, ce livre aide à mieux comprendre les grands enjeux de l'année 2012 dans une région de près de 600 millions d'habitants
qui, plus que jamais, joue un rôle d'interface entre les grands
pôles asiatiques. Grâce au travail de terrain tout au long de
l'année d'une vingtaine de chercheurs et d'experts européens
et asiatiques, Asie du Sud-Est 2012 offre un décryptage d'une
actualité asiatique complexe, dense et dynamique. Avec les
contributions de :Pascal Bourdeaux, Christine Cabasset-Semedo,Jean-Raphaël Chaponnière, Pierre-Arnaud Chouvy, Ar-
38 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
naud Dubus, Renaud Egreteau, Sébastien Fath, Nathalie Fau,
Laurent Gédéon, François Guillemot, Jacques Ivanoff, Jérémy
Jammes, Solomon Kane, Rémy Madinier, Grégory Mikaelian,
Charles M. Paret, Vatthana Pholsena, Martin Rathie, Abel
Tournier, Benoît de Tréglodé, Marie-Sybille de Vienne, et JeanPaul Willaime. Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien de
l'Agence française de développement.
Birmanie
guy Lubeigt, nay Pyi taw. une résidence royale pour l’armée birmane, Paris-Bangkok, Les indes savantes-irasec,
2011, 185 pages.
En 2005, la junte birmane a entamé la
construction de Nay Pyi Taw, sa nouvelle capitale. Pourquoi les militaires
birmans ont-ils choisi une zone désertique et à l’écologie fragile pour cette
délocalisation ? Quel est le message international qu’entend faire partager l’armée en édifiant une nouvelle « cité
royale » ? Quels sont les soubassements géopolitique, stratégique, religieux, administratif et économique d’une
telle entreprise ? Guy Lubeigt s’attache à décrire les lieux et
leurs enjeux, levant le voile sur le mystère qui entoure la nouvelle capitale de l’Union et ses retombées sur un peuple, quasiment muselé depuis bientôt cinquante ans. Son ouvrage
met en évidence les raisons de tout ordre qui ont poussé les
dirigeants birmans à délocaliser leur pouvoir dans cette zone
à la croisée des voies de circulation et d’échanges millénaires
entre la Chine et les pays du Sud-Est asiatique.
Cambodge
David chandler, une histoire du
cambodge, collection Le temps colonial, Les indes savantes, 2011, 242
p.
Ce sont deux mille ans d’histoire
khmère qui sont ici abordés. Cet ouvrage comble un vide dans l’historiographie de l’Asie du Sud-Est, car aucune histoire du Cambodge digne de
ce nom n’avait été publiée depuis
1914. Les recherches archéologiques
et les nouveaux documents disponibles nécessitaient cette
synthèse dans le cadre d’une histoire générale destinée à un
public de non-spécialistes et d’étudiants. Plusieurs thèmes
sont explorés dans cet ouvrage. Par exemple, les répercussions sur la vie sociale et politique cambodgienne de la localisation même du pays, entre Thaïlande et Vietnam ; la relation qu’entretiennent les Cambodgiens avec leur passé ; la
permanence de terminologies liées au clientélisme et aux
structures hiérarchiques dans la pensée, la vie politique et les
relations sociales cambodgiennes. Les dommages causés
par les bombardements américains en 1973 et le reniement
de l’histoire par les Khmers rouges communistes ont durablement affecté la mémoire et le comportement des gens. Le
Cambodge du XXIe siècle est un pays marqué par les cicatrices d’un passé récent, mais qui s’identifie étroitement aux
périodes plus anciennes de son histoire. Il est le seul au monde
à arborer fièrement sur son drapeau un monument en ruine...
La relation des Cambodgiens à leur passé ancien est importante pour comprendre les événements récents. La traduction
en français de cet ouvrage majeur était donc une nécessité.
nadine Dalsheimer-Van Der tol, Le corps des dieux, contribution à l'étude de la formation de l'art khmer, L’Harmattan, 2011, 252 p.
Cet ouvrage est une importante contribution à l'étude de la formation de l'art
khmer. Il présente une méthode d'analyse
des statues du Cambodge ancien appliquée à un large éventail d'œuvres, en
particulier aux sculptures des Dépôts de
la Conservation d'Angkor. Ce regard neuf
permet de mieux comprendre cette si
riche période de la formation de l'art
khmer tout en précisant plus nettement
les affinités plastiques négligées jusqu'alors avec les œuvres
de pays voisins.
salomon Kane (sous la direction de), Dictionnaire des
Khmers rouges, collection Etudes sur l’Asie, Les indes savantes-irasec, 2011, 544 p.
Entre 1975 et 1979, au Cambodge, périssent près de deux millions de personnes, soit un quart de la population, victimes directes et indirectes des autorités
du Kampuchea démocratique, plus connu
sous le nom de régime des Khmers
rouges. L’histoire du mouvement ne s’arrête pas en 1979 : après la chute du régime, la communauté internationale persiste pendant plus de dix ans à le
reconnaître comme seule autorité légitime du Cambodge, et les derniers Khmers rouges ne déposent
les armes qu’en 1998, année de la mort de Pol Pot. Ce n’est
qu’aujourd’hui, plus de trente ans après les faits, que la communauté internationale juge certains responsables. Ce dictionnaire, avec près de 700 entrées et une abondante iconographie,
offre les clefs nécessaires au décryptage objectif de cette page
noire de l’histoire de l’Humanité. Solomon Kane procède ici à
une véritable anatomie du totalitarisme khmer rouge. Ce travail,
dans une version révisée, actualisée et plus richement documentée, dissèque les rouages du mouvement, élucide le parcours des protagonistes, cartographie un territoire soumis à la
terreur et met au jour les ressorts et les séquelles de cette
aventure funeste.
saveros Pou, nouvelles inscriptions du cambodge, collection introuvables, L’Harmattan, 2011, 176 p.
Née en 1929 à Phnom Penh, capitale cambodgienne, l'auteur a une formation d'historienne, d'indianiste et de linguiste. Elle a enseigné le khmer moderne, puis le vieux khmer
et le khmer moyen. Elle a à son actif plus de
150 publications qui s'appuient sur une longue
expérience d'enseignement de la lecture de
textes khmers.
Indonésie
Yetty Aritonang, Parlons batak, L’Harmattan,
2012, 162 p.
Les Bataks constituent une ethnie de plus de
6 millions de personnes au nord de l'île indonésienne de Sumatra. Parmi les six groupes
de Bataks, qui descendent tous du même ancêtre, les plus nombreux sont les Bataks Toba.
Ils sont près de 2 millions. Leur alphabet, appelé surat batak, se distingue de l'indonésien
et trouve son origine dans l'écriture brahmi de
l'Inde antique, issue des écritures pallava et kawi. Voici une approche de cette ethnie, sa langue, son écriture, ses traditions,
et sa place dans le monde moderne.
rémy madinier, L’indonésie, entre démocratie musulmane
et islam radical. Histoire du parti masjumi (1945-1960), collection terres et gens d’islam, Khartala, 2011, 468 p.
Premier pays musulman du monde, l'Indonésie donna naissance, dans la décennie
ayant suivi son indépendance, à l'une des
tentatives les plus abouties pour concilier
principes islamiques et démocratie. Fondé
en 1945 autour du projet d'un Etat islamique, interdit en 1960 pour avoir défendu
la démocratie indonésienne face à la dérive autoritaire du président Soekarno, le
parti Masjumi incarna les hésitations d'un
Islam indonésien tiraillé entre démocratie
musulmane et Islam intégral. Ses dirigeants se firent les farouches défenseurs d'une vision universelle des droits de l'homme et les apôtres d'une Indonésie multiconfessionnelle. Les mêmes pourtant devinrent, à partir de la
fin des années 1960, les promoteurs d'un mouvement de radicalisation qui, aujourd'hui encore, menace le fragile équilibre religieux de l'Archipel. Aux marges d'un paradigme arabo-musulman qui occulte trop souvent la diversité de l'Islam, l'histoire
méconnue de ce qui fut sans doute le plus grand parti musulman du monde est porteuse d'enseignements majeurs relatifs
à l'alchimie complexe et fragile du lien entre la religion musulmane et la démocratie.
Jérôme samuel, saraswati Wardhany, manuel d'indonésien
Volume 1 - L’indonésie au quotidien. méthode de langue (livre
cD), L’Asiathèque, 2012.
Avec environ 200 millions de locuteurs, l’indonésien, langue officielle de
la République d’Indonésie, constitue de
très loin la plus parlée des langues
austronésiennes. Le présent ouvrage
est d’abord consacré à l’apprentissage
de l’indonésien standard, celui de la
presse, de l’administration, de l’enseignement et des relations professionnelles. Cependant une place
significative est accordée à l’indonésien familier, celui de l’oral
et des relations informelles. Le Manuel vise à l’acquisition des
principales compétences de communication nécessaires au
quotidien, pour toute personne (étudiant, expatrié) amenée à
séjourner en contexte indonésien. Il comporte 24 leçons et 5
unités « Révisions et bilan » qui rythment et mesurent la pro-
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 39
Publications
gression. Chaque leçon comprend: un dialogue; une liste de vocabulaire; un cours de grammaire; une importante série d’exercices; du matériel écrit, iconographique (plus de 150 illustrations
en couleur), ou audio. Des compléments culturels viennent enrichir une leçon sur trois environ. Une bibliographie et un lexique
indonésien-français figurent en fin de volume. Un CD mp3 accompagne l’ouvrage.
sindhunata, La quête de semar, conte philosophique javanais, version bilingue. traduction de l'indonésien et présentation nathalie Belin ridwan. Avant-propos michel cazenave,
collection du Banian, Paris, 2011.
C’est, au travers de la quête du personnage du théâtre d’ombres javanais,
Semar, la quête de soi, de son être profond, et celle aussi de l’authenticité, de la
pureté et de l’humilité dans une société
en proie au mal-être et aux affres de l’argent, du sexe et du pouvoir. Ce conte
philosophique plonge d’abord le lecteur
dans le monde mythologique du Mahâbhârata, épopée sanskrite à la base du
théâtre javanais, pour ensuite évoluer
vers la réalité de la société indonésienne moderne, victime
d’une urbanisation sauvage, puis replonger dans la mystique
ancrée dans tout spectacle de wayang kulit. L’auteur nous entraîne ainsi dans un cercle étourdissant qui nous fascine et
nous interpelle. Il s’agit de la première traduction française d’un
ouvrage de Sindhunata.
Pak Priyana Winduwinata, intrigues de jungle et lois de
basse-cour au royaume des animaux de Java, titre original Dongèng sato-kéwan. contes satiriques javanais, version bilingue. traduction du javanais et présentation marcel Bonneff, 1ère et 4e de couverture, dessins par Willem
pour Pasar malam/collection du Banian, Association Pasar
malam, Paris, février, 2012.
Ces cinq contes animaliers, qui font penser
entre autres à Orwell
(Animal Farm), sont un
exemple rare de satire,
à l'époque où la République d'Indonésie se met en place sous la houlette de Sukarno
(1945-1967). Et ils sont d'autant plus insolites qu'ils ont été
écrits en langue javanaise et non en indonésien, la langue nationale. Les divers épisodes évoquent avec verve certains des
écueils de la construction nationale et des travers sociaux eux
aussi universels : les faux-semblants de la démocratie et les turpitudes de dirigeants sans scrupules, l'hypocrisie religieuse, la
domination des mâles (celle des coqs sur les poules !), l'impossible consensus dans la quête d'une identité culturelle commune. Si le ton se veut toujours ironique et léger, la morale, elle,
ne manquera pas d'apparaître quelque peu désabusée.
Laos
richard Pottier, Anthropologie du mythe 2. Ancêtres et fondateurs de dynastie dans la mythologie lao, collection Anthropologie, Editions Kimé, Paris, 2012, 215p.
40 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
La bouddhisation des récits lao qui portent sur l’origine de la riziculture, ou qui
racontent la fondation des dynasties,
s’accompagne simultanément de l’introduction d’une dimension éthique, qui est
absente dans les versions non bouddhisées, et du rôle accru qui s’y trouve accordé aux ancêtres ethniques. Ceux-ci
ont pour fonction d’introduire les hommes
dans l’ordre symbolique à travers un sacrifice qui fait de ces derniers leurs débiteurs, et qui les fait eux-mêmes accéder au statut de modèles identificatoires.
L'éthique représentant pour le bouddhisme l'un des moyens
principaux de la réalisation du salut, il n'y a rien d'étonnant à
ce que l'adoption de la religion de l'Eveillé ait entraîné une moralisation des récits dont les ancêtres des Lao étaient porteurs
lorsqu'ils ont quitté la Chine. Toutefois, le bouddhisme (venu de
l'Inde) et le culte des ancêtres (commun à tous les peuples de
l'Asie orientale) constituent deux institutions religieuses absolument distinctes, de sorte que la place éminente attribuée aux
ancêtres dans les récits (comme aussi bien dans les rituels) ne
va pas de soi.
Florence strigler, L’alimentation des Laotiens. cuisine, recettes et traditions au Laos et en France, collection Hommes
et sociétés, Khartala, 2011, 360 p.
L’alimentation est une porte d’entrée
qui se situe dans le concret des aliments et des techniques culinaires,
mais qui s’ouvre aussi sur un monde
de symboles, de croyances, de conceptions de la vie. Elle entretient des liens
étroits avec la médecine, la religion,
les grandes étapes de la vie et de la
mort. Acte banal et quotidien, il n’en
est pas moins d’une grande complexité.
Ses modalités obéissent à des déterminismes multiples, aussi bien d’ordre
biologique que d’ordres culturel, économique, technique, etc. Une
approche multifactorielle est donc indispensable si l’on veut
comprendre comment se construit l’identité alimentaire. Des
jeux complexes d’influences entrent en ligne de compte : effets
historiques, générationnels, géographiques, migratoires et sociétaux. Jusqu’à une période récente, la cuisine lao a traversé
les siècles relativement inchangée. L’intégration progressive du
Laos dans les échanges internationaux est en train de bouleverser les modes d’approvisionnement alimentaire des familles.
Les villes et les villages situés près des axes routiers (ce qui
est le cas de la plupart des villages lao) entrent de plain-pied
dans une société de consommation, avec des conséquences
notables en termes de mode de vie et de santé.
En France, la diaspora lao s’attache à conserver « la tradition
», et l’alimentation en est l’un des supports privilégiés. Parmi
les croyances et les pratiques alimentaires traditionnelles, certaines persistent alors que d’autres sont rapidement abandonnées et que d’autres encore se modifient. Les enfants nés en
France ont des besoins et des désirs qui induisent de nouvelles
habitudes alimentaires au sein des familles, sans occulter cependant des marqueurs identitaires forts.
Singapour
Eric guerassimoff, Emigration et éducation. Les écoles
chinoises à singapour, collection Etudes sur l’Asie, Les
indes savantes, 2011, 316 p.
Partout où les Chinois ont émigré en grand
nombre, ils ont fondé des écoles pour instruire leurs enfants. À Singapour, la présence d’écoles chinoises est attestée dans
les années qui suivent l’installation des
Anglais. Ces écoles s’organisent librement. Elles gèrent leurs ressources financières, fixent les programmes, recrutent les
enseignants. Mais en 1920, le gouvernement colonial anglais met fin à plus d’un
siècle d’autonomie. L’immatriculation obligatoire des écoles et
des enseignants participe d’un ensemble de mesures renforçant
le contrôle politique et idéologique des Anglais sur la population chinoise, dont la loyauté est convoitée depuis la Chine par
Sun Yat-Sen et le Komintern. Le développement des établissements scolaires fondés par les Chinois répond à des besoins
spécifiques, notamment liés au processus migratoire, à la formation de sociétés d’immigrants, à des stratégies individuelles
et collectives. La singularité de l’histoire des immigrés chinois
durant la période coloniale est ici mise en rapport avec l’intérêt
pour l’éducation manifesté par les Chinois. Cet ouvrage ne se
présente donc pas comme une étude des écoles chinoises
considérées seulement comme établissements d’enseignement.
Il s’agit surtout de cerner la place de ces établissements au sein
de la colonie chinoise de Singapour pendant le premier siècle
de son existence.
Thaïlande
stéphane Dovert, Jacques ivanoff (sous la direction de), thaïlande contemporaine, collection Etudes sur l’Asie, Les
indes savantes, 2011, 672 p.
La Thaïlande est en pleine effervescence,
mais son avenir incertain. La crise politique
et le blocage des institutions durant l’opposition des Chemises jaunes et des Chemises rouges ont montré les limites du développement social et économique tant
vanté : le « modèle thaïlandais ». Celui-ci
a-t-il d’ailleurs jamais existé ? Comment la
Thaïlande doit-elle aujourd’hui se moderniser ? Au-delà d’une certaine façon d’être
Thaïlandais, le vrai visage du pays commence à apparaître. En
analysant les fondamentaux historiques et économiques du
pays mais aussi en observant son système éducatif et ses
forces culturelles latentes, Thaïlande contemporaine offre un regard critique, moderne et original pour comprendre ce qui fait
de la Thaïlande un pays unique et contrasté.Cette monographie
nationale réunit 21 auteurs qui abordent sans tabous la structuration d’une idéologie nationale, permettant une réévaluation
de la question complexe de l’identité thaïlandaise en prise avec
la mondialisation.
Jean-michel Krivine (sous la direction de), carnets de missions dans les maquis thaïlandais (1978), collection Etudes
sur l’Asie, Les indes savantes, 2011, 130 p.
En 1978, le Dr Jean-Michel Krivine se
rend secrètement dans un maquis communiste de Thaïlande, pour une mission
à la fois humanitaire (aide médicale) et
politique (selon ses convictions trotskistes). L’insurrection communiste qui
touche la Thaïlande dans les années
1970 est moins bien connue que d’autres. Très rares sont les Occidentaux qui
l’ont approchée, particulièrement dans
les maquis maoïstes. Cette « mission »
du Dr Krivine présente donc un intérêt certain, car c’est un témoignage rare : elle donne des indications sur les forces et les
faiblesses d’un mouvement communiste d’abord classiquement
développé dans les centres urbains, qui, dans les années
soixante-dix, se « maoïse » et entend alors toucher les campagnes. Pierre Rousset a écrit une introduction retraçant l’histoire du Parti communiste thaïlandais, et le contexte politique
et historique des années qui encadrent le voyage du Dr Krivine.
Viêt Nam
Hiên Do Benoit, Le Viêt nam, Paris, Le cavalier bleu, coll.
idées reçues, 2011, 128 p.
"Au Viêt Nam, le Nord n’a rien à voir
avec le Sud" ; "Le Viêt Nam est communiste" ; "La société vietnamienne est
rurale et arriérée" ; "Le Viêt Nam vit un
miracle économique" ; "Le Viêt Nam est
un pays francophone" ; "Le Viêt Nam est
un paradis touristique"... Issues de la tradition ou de l’air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont
dans toutes les têtes. L’auteur les prend
pour point de départ et apporte ici un
éclairage distancié et approfondi sur ce
que l’on sait ou croit savoir.
Pierre Bézard, L’or, le fer et le droit. indochine-Vietnam1940-2009, collection Etudes sur l’Asie, Les indes savantes,
2011, 382 p.
L’auteur a commencé sa vie au Vietnam, où il est né, et a vécu notamment
avec sa famille les heures sombres de
la Seconde Guerre mondiale, le joug
japonais et les bombardements alliés,
les heures parfois tragiques du retour
des Français en Indochine, l’engrenage qui conduisit inexorablement à
la guerre entre Français et Viet Minh.
Magistrat, Pierre Bezard aura l’occasion de revenir souvent au Vietnam,
comme conseiller du gouvernement vietnamien pour la mise sur
pied d’un Droit vietnamien adapté aux changements en cours
pendant la période d’ouverture du pays, ou Doi Moi. À ce titre
il sera l’un des fondateurs de la Maison du droit, à Hanoi, lien
durable et outil de travail efficace entre la France et le Vietnam.
Ses souvenirs sont prolongés par une étude historique importante de la période qu’il a vécue au Vietnam, depuis le début
de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’au déclenchement de
la guerre en 1946.
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 41
Publications
Pierre Brocheux, Histoire du Vietnam contemporain, la nation résiliente, Fayard, 2011, 294 p.
L’histoire contemporaine du Vietnam
est dominée par l’occupation du pays
par les Français, par trente années de
guerre et par la résilience d’un État national séculaire. Grâce à sa connaissance des sources vietnamiennes,
américaines et françaises, Pierre Brocheux propose un récit original - en
même temps que l’analyse - de la gestation douloureuse d’un Vietnam moderne. Il souligne combien le moment
colonial, pour avoir été un intermède
court à vue historique, a transformé la société et la culture nationales. Pour autant, le Vietnam n’est nullement « sorti d’Asie
pour entrer dans l’Occident » : qu’il s’agisse de religion, de
mode de vie et de pensée, de vision de l’avenir, le Vietnam
contemporain offre le spectacle étonnant de sédimentations
nettement repérables depuis le lointain héritage Viêt jusqu’à
l’apport chinois ou américain. Cette synthèse pionnière permet
de comprendre la place particulière du Vietnam dans l’ExtrêmeOrient d’aujourd’hui comme dans la mémoire française.
Yvonne capdeville et Dominique Levesque, La Faculté des
sciences d'orsay et le Vietnam. De la solidarité militante à
la coopération universitaire (1967 – 2010), L'Harmattan,
2011, 296 p.
La guerre américaine au Vietnam et le
bombardement de la République Démocratique du Vietnam suscitent à partir de 1965 une opposition mondiale. En
France, des scientifiques à travers le
Collectif Intersyndical Universitaire Vietnam - Laos - Cambodge, créé en 1965,
apportent soutien politique et scientifique à leurs collègues du Vietnam. Le
récit de cet engagement est illustré par
les activités militantes et la coopération
depuis plus de quarante ans des scientifiques de la Faculté des Sciences
d'Orsay.
Bùi Huy trang, Vietnamese we, người Việt nam chúng tôi,
nous autres vietnamiens, Zixbook Publishing, 2011, musique
de niels Lan Doky, Préface de Lady Borton, Postface de
Jean-claude guillebaud
Comment brosser le portrait des 90 millions d’habitants d’un
fascinant pays que caractérisent une diversité culturelle de 54
ethnies et un passé historique de 4.000 ans ? Comment capter l’esprit même d’une nation sans s’empêtrer dans les clichés de son empreinte culturelle multiforme? De plus, les problèmes politiques, religieux et sociaux qu’amplifient l’ignorance,
l’étroitesse d’esprit et l’intolérance, compliquent toujours le
traitement d’un sujet aussi ambitieux que controversé. Bùi
Huy Trang présente une vision humaniste et subjective du
peuple vietnamien. Sensible et empathique, son regard se
décline d’abord en 50 photographies noir & blanc et 50 photographies couleur. Toutes ces images proviennent essentiellement de cinq reportages effectués au Leica M dans tout le
Vietnam entre 1997 et 2010. Sous forme réelle, virtuelle ou
42 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
mentale, elles fusionnent ensuite dans le DVD avec la musique
envoûtante du compositeur et pianiste de jazz Niels Lan Doky,
ainsi qu’avec la lecture amateur à voix haute en anglais, français et vietnamien par l’auteur, de deux de ses poèmes en prose
qui accompagnent toutes ces photographies empreintes de vie
et de justesse.
claude collin, De la résistance à la guerre d’indochine,
collection Etudes sur l’Asie, Les indes savantes, 2011,
216 p.
Ils ont participé à la Résistance où
ils ont eu une conduite héroïque.
Dans l’enthousiasme de la Libération, certains se sont engagés pour
la durée de la guerre qui se poursuivait en Extrême-Orient contre le
Japon. D’autres ont même intégré
l’armée de métier. Dans la lutte clandestine, ils avaient rêvé de reconstruire une France fraternelle et généreuse. Ils découvrent en Indochine
un système colonial injuste et oppressif où l’indigène n’est pas considéré comme un être humain à part entière. Ils se sont battus pour libérer leur territoire de l’occupation étrangère et ils se retrouvent face à des
combattants qui luttent pour leur indépendance nationale. Ils
étaient du côté des victimes, de ceux qui avaient été pourchassés, arrêtés, torturés, déportés, fusillés. Ils sont dans
une armée qui utilise parfois les mêmes méthodes que ceux
qu’ils combattaient quelques mois ou quelques années auparavant. Si leurs constats sont souvent très proches, leurs
réactions vont être différentes. Certains vont démissionner,
d’autres essayer de « remplir leur mission au moindre mal ».
Certains, fort peu, feront le saut et passeront au Viêt-minh…
Agnès courbet, Les larmes de thi, collection graveurs de
mémoire, L’Harmattan, 2012, 144 p.
1901. Etienne Courbet quitte sa FranceComté natale pour partir en Indochine rejoindre les Forces Françaises de l'Armée
Coloniale. Il va s'éprendre de ce pays lointain et connaître là-bas un amour unique
avec une toute jeune Annamite: Thï Thiêt,
qui lui donnera trois enfants. Mais leur
existence va basculer dans la tragédie...
claude gendre, La franc-maçonnerie, mère du colonialisme. Le cas du Vietnam, L’Harmattan, 2011, 166 p.
Comment la franc-maçonnerie a-t-elle, en
Indochine, réagi au phénomène colonial
? Comment l'a-t-elle même parfois suscité ? Puis, une fois abordé le comment,
l'auteur interroge également : pourquoi
cette franc-maçonnerie, qui a associé son
nom à bien des causes d'émancipation
politique, humaine et intellectuelle, a-t-elle
continûment lié son sort à un système, le
colonialisme, dont le fondement même
était l'inégalité ?
sylvie Quintilla, Les bambous du tonkin, L’Harmattan, 2012,
292 p.
Le destin de Châ, une belle Indochinoise,
bascule le jour où elle apprend que sa famille l'a promise à un inconnu, au lieu de Mî,
sa soeur. C'est au pied de son arbre fétiche
qu'elle se réfugie, désespérée. Commence
alors, en pleine guerre d'Indochine, l'inoubliable récit de de Mî et de Châ, deux jeunes
filles attachantes, qui vont nous transporter
dans leur vie de femme...
Kim Loan Vu-Hill, coolies into rebels. impact of World War
i on French indochina, Les indes savantes, Paris, 2011,
192 p.
This is a study of the experiences of Vietnamese soldiers and workers who rallied
behind the French flag during World War
I and of the impact of the war on the French
colonial enterprise in Indochina. In telling
their stories, the author wants to present
a balanced view of the relationship between the French and the Vietnamese subjects of this study. Without World War I, the
path to revolution and to national independence would have taken a different direction. During the war tens
of thousands of Vietnamese joined millions of French people,
members of other colonies in the French Empire, and the soldiers of the Allied Forces in a “sacred union” against the Germans. Their experiences in Europe, however, changed their
lives and their attitudes toward France and its people, altered
the course of the colonial enterprise, and gave rise to a new Vietnamese social class in France and in Indochina, which ultimately challenged French authority and brought changes to the established order in Indochina.
christopher goscha, Vietnam. un état né de la guerre 19451954, Paris, Armand colin, 2011, 557 p.
Presque soixante ans après la chute de la
garnison française à Dien Bien Phu, nous
connaissons encore mal l’autre côté combattant. Le « phénomène Viet Minh » est toujours expliqué soit comme la manifestation
d’un patriotisme vietnamien « éternel » soit
comme l’incarnation du « totalitarisme » communiste. Se basant sur des sources vietnamiennes inédites, l’auteur rompt avec ces
interprétations pour analyser la manière dont
les nationalistes vietnamiens conduits par le Parti communiste
forgèrent un véritable État dans la perspective de mener l’effort
de guerre, de préserver son assise territoriale et de projeter dans
l’avenir la souveraineté nationale. L’auteur remet également en
cause le mythe d’une simple « guerre de guérilla » asymétrique
opposant le colonisé au colonisateur. Grâce à l’assistance sinosoviétique, les communistes vietnamiens entamèrent une conversion vers une forme moderne de guerre conventionnelle et à cet
effet, mirent sur pied une armée professionnelle. Pour réussir cette
transition, le Parti accentua sa mainmise sur l’État, la société et
l’armée. Il instaura simultanément une révolution sociale radicale,
non seulement pour mobiliser toujours plus de forces mais aussi
pour remodeler l’État et la société selon le moule communiste. L’his-
toire du Vietnam contemporain ne se réduit pas à « la » guerre,
mais assurément elle fut sa matrice. En somme, l’État vietnamien
a fait la guerre autant que la guerre a fait l’État.
François guillemot, Dai Viêt, indépendance et révolution au
Viêt-nam, collection Etudes sur l’Asie, Les indes savantes,
Paris, 2012, 744 p.
En étudiant l’évolution du Parti National du
Grand Viêt-Nam (Đại Việt Quốc Dân Đảng)
au sein du mouvement nationaliste vietnamien, ce livre permet de poser un regard neuf
sur le processus de la révolution nationale et
de la lutte pour l’indépendance dans le ViêtNam de la première moitié du XXe siècle.
Par le biais d’événements méconnus, d’acteurs négligés par l’historiographie d’État, le rôle politique, la logique et la dynamique du mouvement Đại Việt sont restitués
dans le contexte de la période 1945-1954 (guerre néo-coloniale, lutte contre le communisme et front chaud de la guerre
froide). Concurrent du Việt Minh pendant la période révolutionnaire, le Đại Việt manqua sa révolution et fut l’une des cibles
principales de la répression organisée par le Việt Minh de Hồ
Chí Minh contre l’opposition nationaliste révolutionnaire en 1946.
De son exil en Chine, il parvint à se reconstituer pour porter l’Empereur Bảo Đại à la tête d’un État national en 1949. Cependant,
sa conquête du pouvoir pour asseoir une « solution Đại Việt »
contre une « solution Bảo Đại », jugée pro-française, fut brisée
à la fois par le Chef de l’État vietnamien, par les autorités françaises et par le terrorisme communiste. À travers l’histoire de
ce mouvement, la logique de la guerre civile dans laquelle se
débattit le Viêt-Nam pendant plus de trente ans apparaît plus
clairement. Cette contribution majeure à l’histoire du nationalisme vietnamien au XXe siècle offre ainsi une nouvelle grille
de lecture de la fameuse « Révolution d’août » de 1945 et du
conflit franco-vietnamien.
chu thi Huyên Linh, Jean-claude renoux, Le roi et la
poule. contes occidentaux adaptés au Vietnam, L’Harmattan, 2011, 84 p.
Les hommes du voisinage se réunirent et décidèrent, en hommage à ce roi qui s'était battu
pour eux, de lui donner une poule rouge.
Chaque jour, la poule pondait un oeuf, et le
roi mangeait l'oeuf. Peut-être est-ce l'oeuf de
la poule rouge, peut-être est-ce l'air du pays
: le roi guérit ! Il se prit d'une grande amitié
pour cette poule rouge dont les oeufs, disaitil, lui avaient sauvé la vie...
Pierre Journoud, de gaulle et le Vietnam (1945-1969). La réconciliation, tallandier, Paris, 2011, 542 p.
À travers les deux conflits qui se sont succédé dans la péninsule indochinoise de 1945
à 1975, la guerre française puis américaine,
Pierre Journoud entreprend de pourfendre
quelques idées reçues. Non, les États-Unis
n’ont pas tout fait pour évincer les Français
d’Indochine après 1954. Non, le Général
n’était pas un antiaméricaniste primaire et
ne s’est pas contenté de condamner verbalement l’engagement militaire des États-Unis,
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 43
Publications
comme dans son discours de Phnom Penh le 1er septembre
1966. Sa diplomatie publique et secrète ; l’action discrète de certains Français en faveur de la paix sont quelques-unes des révélations de ce livre novateur. Et c’est par le prisme du dialogue
entre Français et Américains, acteurs majeurs et omniprésents,
que l’auteur donne à comprendre les relations franco-vietnamiennes, du malentendu initial à la réconciliation. Fruit d’un important travail de recherche, cet essai propose une réflexion originale sur le processus de " décolonisation mentale " du général
de Gaulle, et au-delà, sur l’ensemble de sa politique extérieure.
Pierre Journoud, cécile menétrey monchau (dir), Vietnam
1968-1976 : La sortie de guerre/Exiting a War, Enjeux internationaux. Vol. 1, Editions Peter Lang, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am main, new York, oxford, Wien, 2011. 376
p., 1 DVD.
Avec ses quelque trois millions de morts civils
et militaires, et ses innombrables destructions
matérielles, la guerre dite du Vietnam reste à
ce jour une des plus grandes tragédies humaines depuis 1945. Une réflexion sur les
conditions politiques, diplomatiques et militaires dans lesquelles s'est effectuée la sortie
de la guerre, entre 1968, année de l'ouverture
des négociations américano-vietnamiennes à
Paris, et 1976, date de la réunification administrative du Vietnam,
semble d'autant plus opportune que grandit actuellement l'inquiétude sur les perspectives de l'après-guerre en Afghanistan. Inspirés d'un colloque international réuni à Paris, en 2008, les textes
rassemblés ici par Pierre Journoud et Cécile Menétrey-Monchau
abordent cette étape de la sortie de guerre principalement sous
l'angle diplomatique, mais débordant largement le spectre diplomatique traditionnel. Quelques-uns des meilleurs spécialistes croisent ici leur analyse de cette phase finale de la guerre, revenant
sur les négociations qui ont mis fin à la dimension américanovietnamienne du conflit, avec l'Accord de Paris du 27 janvier 1973,
avant que les armes ne tranchent l'autre guerre, celle entre Vietnamiens, le 30 avril 1975. Ce livre est accompagné d'un DVD avec
des témoignages inédits sur les coulisses des négociations de Paris
qui ont mis fin à la guerre du Vietnam (1968-1973).
Le Huu Khoa, Anthropologie du Vietnam. L’espace réflexif
de l’homme, tome 3, collection Etudes sur l’Asie, Les indes
savantes, Paris, 2011.
Dans ce tome III, l’anthropologie littéraire sera
le nœud des rendez-vous où se croisent l’histoire, la philosophie, la sociologie. Au carrefour de ces disciplines, les œuvres littéraires
participent activement à la construction d’une
(possible) pensée vietnamienne. Il s’agit ici de
constituer des possibilités d’analyse sur les
conceptions considérées comme constantes,
des voies d’interprétations sur les visions vécues comme distinctives, pour qu’enfin l’obscur s’éclaircisse, en montrant la
place de la pensée vietnamienne dans ses œuvres littéraires.
Le Vietnam est un pays jugé souvent sans philosophie, d’où la
difficulté de cette entreprise de chercher puis de laisser apparaître les arguments des grands auteurs vietnamiens, contextualisés dans la réalité historique du Vietnam, sans oublier de
s’approcher progressivement des conditions du dialogue entre
les auteurs et le peuple : la culture et le destin de ce pays. L’au-
44 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
teur reconnaît qu’à force d’avoir lu leurs œuvres, il lui est apparu que certains auteurs se singularisaient. Ce ne sont pourtant pas les seuls qu’il admire, mais un réseau de correspondance se tisse dans son esprit, et il en vient à rechercher ce
que ces auteurs peuvent avoir en commun : il estime que leurs
œuvres peuvent ouvrir des perspectives qui se croisent et se
recroisent, et dont les thèses anticipent les questionnements anthropologiques, malgré leurs écarts d’histoire et de contexte. La
présentation de ces auteurs et de leurs œuvres littéraires se fixe
bien sûr sur l’unité de la culture vietnamienne, mais cette foisci considérée comme un lieu de rencontre d’œuvres d’époques
différentes et cependant convergentes grâces aux éclairages
ou aux efforts méthodologiques. Ce tout en espérant que la racine du jugement esthétique de la connaissance de l’esprit ne
dissocie pas des principes anthropologiques de l’homme.
nguyen tan Hung, Le Viêt nam du XViie siècle, un tableau
socioculturel, collection Le temps colonial, Les indes savantes, 2011, 250 p.
Au XVIIe siècle, le Père Alexandre de Rhodes
est un des premiers missionnaires catholiques à résider au Viêt Nam : en Cochinchine, puis au Tonkin, et de nouveau en Cochinchine. L’obstacle de la langue est important
pour les missionnaires. Aussi, expulsé de la
Cochinchine en 1645, le Père Alexandre de
Rhodes revint en Europe en 1649, et publia
de nombreux livres relatant son séjour en Asie. Parmi ces ouvrages, le Dictionarium Annamiticum, Lusitanum, et Latinum
(trilingue vietnamien, portugais et latin), en 1651. Le premier bénéfice indiscutable pour les Viêtnamiens, d’une portée incommensurable, et qui perdure aujourd’hui et certainement pour
longtemps encore, est la transcription de leur langue en écriture latine. Mais le Dictionarium est aussi un témoignage remarquable du Viêt Nam du XVIIe siècle : les explications parfois
minutieuses d’Alexandre de Rhodes, fin observateur immergé
dans la vie du pays, nous montrent le Viêt Nam autrement que
vu par des historiens officiels des bureaux des annales des
cours vietnamiennes qui depuis des siècles, ne faisaient que
rapporter des événements se rattachant aux affaires des souverains et de leurs serviteurs. Le Dictionarium nous permet au
contraire d’entendre les Viêtnamiens de l’époque, directement
avec des mots et des expressions de leur propre langue. D’où
ce tableau socioculturel remarquable de la société vietnamienne
du XVIIe dressé par l’auteur.
John Prados, La guerre du Viêt nam, traduit de l’américain
par J.-F. Hel guedj, Librairie académique Perrin, 2011, 833 p.
De la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à
la chute de Saigon en 1975, John Prados livre
le seul récit complet et la première analyse
globale de la guerre du Viêt Nam. S'appuyant
sur des documents récemment déclassifiés et
un large éventail de sources vietnamiennes et
internationales, l'auteur peint une fresque magistrale où idéologies et armées s'entrechoquent. Il explique comment et pourquoi les différentes présidences américaines, de Truman à Nixon, en passant
par Kennedy et Johnson, ont à la fois mal interprété les réalités
nord-vietnamiennes, mal compris leurs alliés sud-vietnamiens, méprisé le mouvement antiguerre et négligé l'impact croissant des
médias sur l'opinion. Engagés dans un conflit qu'ils ne pouvaient
gagner, les républicains comme les démocrates n'ont pas su puis
pu sortir du scénario tragique dans lequel sombrait l'Amérique.
Tour à tour récit enlevé, essai novateur et témoignage personnel
émouvant, cette oeuvre monumentale dresse le bilan définitif
d'une guerre novatrice qui bouleversa les Etats-Unis et modifia
l'équilibre planétaire.
tran Quoc Hung (photographe), Jean maïs, nguyen Huy Lai,
Phan Ke Binh (auteurs), Etre Vietnamien, Paris, Les Editions
de La Frémillerie, 232 p.
Comme la plupart des ouvrages
sur le Viêt-Nam, ce livre est une
invitation au voyage. Cependant «
Être vietnamien » annonce une
couleur particulière. Nous ne risquons pas d y trouver des images
de tourisme. Trân Quôc Hùng
Français d’adoption passionné de photographie, et de vie, tente
de retrouver, après un nombre incalculable d’années d absence,
des images de son pays natal qu’il croyait définitivement perdues.
La première fois, Hùng ne prenait que des photos de paysages.
Puis, très progressivement, il allait vers les visages, et lors de sa
dernière visite, été 2011, il a su capturer définitivement la respiration saïgonnaise. Des mots vont se rajouter aux photographies,
non pour les commenter mais pour apporter leurs propres images.
Jean Maïs, Nguyen Huy Lai, Phan Kê Bính : le texte du premier
de ces auteurs donne son titre, bref et incisif, au présent ouvrage.
L’« être vietnamien » se perçoit à certaines permanences mentales, à quelques postures et rigidités partagées, particulièrement
identifiables au moment des fêtes populaires (les Têt). Les trois
textes fourmillent de redites, de citations communes, partagent des
références. Leur réunion pourtant, loin de toute redondance, avec
sa palette de variations sur un thème unique, vise à plonger le lecteur dans une compréhension participative de la culture vietnamienne, d’une âme en action. Au-delà du témoignage et de l’enquête, de l’érudition même, l’écriture de chaque auteur laisse
entendre une musique sensible, personnelle, et familière « à tous
ceux qui ont vécu un certain temps auprès des Vietnamiens ».
Benoît de tréglodé, Heroes and revolution in Vietnam, translated by claire Duiker, national university of singapore
Press (nus Press)/ irasec, 2012, 244 p.
On the eve of the war against the South
Vietnamese regime in 1964, the communist party strove to carve out a new productivist and political elite from the towns and
villages of the country. According to a categorization of patriotic exemplarity devised
by Ho Chi Minh, "avant-garde workers,"
"exemplary soldiers" and "new heroes" would
fill the ranks of a "new model society," one
in which political virtue would serve as the
principle to mobilize the masses. This study presents and analyzes the process by which "new heroes" were invented. It first
develops a picture of what constituted heroes in Vietnamese tradition and history, and then shows how the new model, effectively a Sino-Soviet import, was imposed, only to be slowly distorted by its own cultural rationale and by specific objectives. Far
from being a transitory phenomenon, this model has contributed
for more than half a century to the reconstruction of the national
imagination and the development of a new collective, patriotic and
communist memory in Vietnam.
Xuân Xuân, ouvrage collectif, Le fils des quatre vents,
georges condominas, L’Harmattan, 2011, 264 p.
"Le fils des quatre vents", ainsi se qualifiait
lui-même Georges Condominas. Maître de
tous les ethnologues de l'Asie du Sud-Est, il
a produit un des chefs-d'oeuvre de l'ethnographie française : Nous avons mangé la forêt
(1957). Homme de savoir et de sagesse, il reçoit l'hommage d'un collectif de ses amis et fidèles de par le monde.
Les dernières publications en ligne de l’irasec –
http://www.irasec.com
occasional Paper (oP)
- Arnaud Dubus, Sor Rattanamanee Polkla, Policies of the Thai
State towards the Malay Muslim South, OP n°16, Carnets de
l’Irasec, 2011.
- Louis Desaine, The Politics of Silence, Myanmar NGOs’ Ethnic, Religious and Political Agenda, OP n°17, Carnets de l’Irasec, 2011.
- François-Xavier Bonnet, Mindanao. Separatism, Autonomy
and vendetta, OP n°18, Carnets de l’Irasec, 2011.
- Christophe Vigne, Mobiliser les Vietnamiens de l’étranger Enjeux, strategies et effets d’un nationalisme transnational, OP
n°19, Carnet de l’Irasec, 2012
- Occasional Paper Observatory Series (OPO)
- Winston Set Aung, Informal Trade and Underground Economy
in Myanmar. Costs and Benefits., OPO 04, Carnets de l’Irasec,
2011.
- Odile Minor, L’Asie du Sud-Est, un foyer pandémique ?, OPO
05, Carnets de l’Irasec, 2011.
- Les Notes de l’Irasec
- Syafiq Hasyim, The Council of Indonesian Ulama and Political Freedom, Les Notes de l’Irasec n°12, 2011.
autres
Asies
Trimestriel d'investigation et de grand reportage,
premier numéro sorti l’été 2011. Enquête, raconte et explique l'Asie, toute l'Asie, sans préjugés ni auto-censure : enquêtes, récits, perspectives. L'Asie en profondeur, dans sa pluralité:
de Rangoon à Djakarta, de Tokyo à Delhi et
Hanoi en passant par Kaboul, Islamabad,
Pékin, Séoul, Bangkok, Phnom Penh et Séoul.
Asies a été créé et est réalisé par une équipe
de journalistes, écrivains, photographes et dessinateurs, asiatiques
et européens. Au sommaire du numéro quatre d’Asies, actuellement en kiosques : l’enjeu mondial des terres rares produites par
la Chine ; au Japon, les robots franchissent les murs des laboratoires de recherche pour entrer dans les hôpitaux, les maisons de
retraite et les écoles ; le serial killer français Charles Sobhraj dans
la prison de Katmandou, le site archéologique d’Angkor loin des
images de cartes postales ; et bien d’autres sujets au Tibet, au Bangladesh, en Thaïlande ou en Corée du Nord.
http://www.webasies.com
[email protected]
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 45
Revues
Archipel
N°81, 2011
• Michel Picard, “Le christianisme à
Bali : visées missionnaires, objections
orientalistes et appropriation balinaise”
• Rémy Madinier, “Les ursulines à
Java : un siècle d’éducation catholique
(1856-1956)”
• Étienne Naveau, “Le dialogue islamochrétien selon Bambang Noorsena
(Fondateur de l’Institut de Recherches
sur le Christianisme Syriaque)”
• Arlo Griffiths, “Inscriptions of
Sumatra: Further data on the epigraphy of the Musi and Batang Hari
Rivers Basins”
• Oman Fathurahman, “Ith f al-dhak
by Ibr h m al-K r n : A Commentary
of Wahdat al-Wuj d for J w
Audiences”
• François Raillon, “Indonésie 2010 :
les infortunes de la vertu”
N°82, 2011
• Marie-Sybille de Vienne, “The
Chinese in Brunei: From Ceramics to
Oil Rent”
• Yerry Wirawan, “Pers Tionghoa
Makassar Sebelum Perang Dunia
Kedua”
• Elizabeth Chandra, “Fantasizing
Chinese/Indonesian Hero: Njoo
Cheong Seng and the Gagaklodra
Series”
• Daniel Perret, “Graha Maria Annai
Velangkanni : une église d’inspiration
indienne à Medan, Sumatra Nord
Communautés d’Asie du sud en
Insulinde”
• Sanjay Subrahmanyam,” What the
Tamils Said: A Letter from the Kelings
of Melaka (1527)”
• Daniel Perret, “From Slave to King:
The Role of South Asians in Maritime
Southeast Asia (from the late 13th to
the late 17th century)”
Arts of Asia, vol. 42 n°1, 2012. N°
spécial sur la Malaisie
• Raimy Che-Ross, “Malay Sliverware”
• Annabel Teh Gallop, “The Art of the
Malay Qur’an”
• Lucien de Guise, “A World Between
the Trade Winds”
• Heidi Munan, “Hornbill Wood
Carvings”
• Lucien de Guise, “Ikat the Moribund
Dyer’s Art of Peninsular Malaysia”
• Fong Peng Khuan, “Malay Brassware”
• Fangfang Xu, “Xu Beihong: Pioneer
of Modern Chinese Painting”
• Paul Bromber, “A Brief Guide To the
Bangkok Antiques Market”
• John Cunnington, “China and The
Bordeaux Wine Trade”
• Masako Watanabe, “Storytelling in
Japanese Art at the Metropolitan
Museum of Art”
ASEAN Economic Bulletin
Vol. 28, n° 1, avril 2011
• Khorshed Chowdhury, Girijasankar
Mallik, “Pairwise Output Convergence
in Selected Countries of East Asia and
the Pacific: An Application of
Stochastic Unit Root Test”
• Lee Yoong Hon, Cheah Eng
Tuck, Koay Lin Yu, “Efficiency in the
Malaysian Banking Industry”
• Hasan A. Faruq, Peter J. Telaroli,
“Factors Affecting Manufacturing and
Agricultural Productivity Trends
among Asian Countries”
• Edo Andriesse, “Introducing the
Regional Varieties of Asian Capitalism
Approach to Lao PDR”
• Wade Donald Pfau, Giang Thanh
Long, “Groups Excluded from
‘Representative’ Household Surveys:
An Analysis Based on Remittances
Sent and Received in Vietnam”
• Thanh Nga Nguyen, “Foreign Direct
Investment in Real Estate Projects and
Macroeconomic Instability”
Vol. 28, n° 2, août 2011
• Jayant Menon, Aekapol
Chongvilaivan, “Southeast Asia
Beyond the Global Financial Crisis:
Managing Capital Flows”
• Prema-chandra Athukorala, Swarnim
Wagl, “Foreign Direct Investment in
Southeast Asia: Is Malaysia Falling
Behind?”
• Hal Hill, Jayant Menon, “Reducing
Vulnerability in Transition Economies:
Crises and Adjustment in Cambodia”
• Molly Lesher, Michael G. Plummer,
“Back to Basics: Post-crisis
Macroeconomic Rebalancing in
ASEAN”
• Polpat Kotrajaras, Bangorn
Tubtimtong, Paitoon
Wiboonchutikula, “Does FDI Enhance
Economic Growth?: New Evidence
from East Asia”
• Thiam Hee Ng, “Is Capital being
Pushed or Pulled into Southeast Asia?”
• Sabyasachi Mitra, Roselle
Dime, Anthony Baluga, “Foreign
Investor Participation in Emerging East
Asian Local Currency Bond Markets”
46 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
• Tony Cavoli, Ron McIver, John
Nowland, “Cross-listings and Financial
Integration in Asia”
Aséanie, n° 17, juin 2011
• Armand Desbat, “Pour une révision
de la chronologie des grès khmers”
• Eileen Lustig, “Using Inscription
Data to Investigate Power in Angkor’s
Empire”
• Olivier Évrard, Chanthaphilith
Chiemsisouraj, “Les ruines, Les ‘sauvages’ et la princesse. Patrimoine et
oralité à Viang Phu Kha, Laos”
• Chris Eade, “Vatt Samrong Ek: the
Inscription, the Buddha Pedestal, and
the Numbers”
• Amandine Lepoutre, “L’organisation
foncière d’une province vietnamienne
nouvellement annexée. Le cas de l’ancien État cam du P ura ga au
XVIIIe siècle”
Asian Affairs, vol. 42, n° 2, 2011
• Michael Burton, “The Malayan
Emergency: A Subaltern’s View”
• Paul Cheeseright, “Involvement
Without Engagement: The British
Advisory Mission in South Vietnam”
Asian Anthropology, vol. 10, 2011
• Harald Beyer Broch, “Comments on
the World in Which They Live: A
Narrative-Theory Approach to
Meaning-Making Among Young Girls
on Timpaus Island, Indonesia “
• Carlos P. Tatel Jr., “Non-Western
Peoples as Filipinos: Mediating
Notions of ‘Otherness’ in Photographs
from the National Geographic
Magazine in the Early 20th Century”
• Zhou Lei & Duong Bich Hanh, “Sex
Work in the Sino-Vietnamese
Borderlands”
Arts Asiatiques 66, 2011. N° spécial :
“l’Imagerie en Asie orientale”
• Philippe Papin, “La diversité de l’imagerie vietnamienne et les figures de la
vie ordinaire”
• Olivier Tessier, “Du geste au dessin la vie à Hà-N i au début du XXe siècle
saisie par Henri Oger”
• Nora Annesley Taylor, “De la parodie
à la propagande. La résistance anticoloniale vue par les graphistes vietnamiens
à partir des années 1950”
Le Banian (publication de
l’Association franco-indonésienne
Pasar Malam)
N° 11, juin 2011 : “Indonésie : pionniers des temps modernes. Les
explorateurs de leur époque... ”
• Étienne Naveau , “Encore une fois
Kartini. Kartini ... sekali lagi”
• Apsanti Djokosujatno, “Le Monde
des hommes fait une lectrice comblée”
• Odile Loiret, “La vie n’est pas une
foire nocturne. Une lecture de
Pramoedya au présent”
• Robert Aarsse, “Tan Malaka 18941949. Un Révolutionnaire indonésien,
ou un Indonésien révolutionnaire”
• Gita Loka Murti, “Cut Nyak Dhien :
icône de la combattante musulmane
du XIXe siècle à Aceh”
• Chrisvivany Lasut, “Maria Maramis,
pionnière de la cause des femmes
indonésiennes”
N°12 : “110e anniversaire de la naissance de Soekarno, premier président de l’Indonésie. De Sabang à
Merauke ! ”
• Sita Satoeti Phulpin, “Qui est Bung
Karno ?”
• Dominique Maison, “Entre ombre et
lumière : une courte biographie de
Soekarno”
• Étienne Naveau, “Soekarno pluriel”
• Dwi Noverini Djenar, “Soekarno sur
Soekarno”
• Kunang Helmi, “Ma première coupe
de cheveux à Yogyakarta”
• Enrico Soekarno, “Encres”
• Stéphane Dovert, “Soekarno et
l’Indonésie : un ‘grand homme’ pour
un ‘grand empire’ ?”
• Anda Djoehana Wiradikarta,
“Soekarno et Aceh”
• John Roosa, “Le dernier combat de
Soekarno”
• Bakri Arbie, “La politique énergétique du président Soekarno”
• Arnaud Leroux, “Un héritage de
béton et d’asphalte”
• Ana Larderet, “L’indonésien, langue
exotique ?”
Bijdragen tot de Taal-, Land- en
Volkenkunde, vol. 167, n°4, 2011
• Henk Schulte Nordholt, “Indonesia
in the 1950s: Nation, modernity, and
the post-colonial state”
• Marieke Bloembergen, Martijn
Eickhoff, “Conserving the past, mobilizing the Indonesian future:
Archaeological sites, regime change
and heritage politics in Indonesia in
the 1950s”
• Freek Colombijn, “Public housing in
post-colonial Indonesia: The revolution of rising expectations”
• Adrian Vickers, “Bali rebuilds its
tourist industry”
• Michel Picard, “Balinese religion in
search of recognition: From Agama
Hindu Bali to Agama Hindu (19451965)”
Contemporary Southeast Asia
Vol. 33, n°1, avril 2011
• Sam Bateman, “Solving the ‘Wicked
Problems’ of Maritime Security: Are
Regional Forums up to the Task?”
• Christopher M. Dent, Peter Richter,
“Sub-Regional Cooperation and
Developmental Regionalism: The Case
of BIMP-EAGA”
• Benjamin K. Sovacool, L.C. Bulan,
“Meeting Targets, Missing People: The
Energy Security Implications of the
Sarawak Corridor of Renewable
Energy”
• Jorgen Roland, “Southeast Asian
Regionalism and Global Governance:
‘Multilateral Utility’ or ‘Hedging
Utility’?”
• Edwin Van De Haar, “Philippine
Trade Policy and the Japan-Philippines
Economic Partnership Agreement
(JPEPA)”
Vol. 33, n° 2, août 2011
• Evan A. Laksmana, “Indonesia’s
Rising Regional and Global Profile:
Does Size Really Matter?”
• John F. Bradford, “The Maritime
Strategy of the United States:
Implications for Indo-Pacific Sea
Lanes”
• Charmaine G. Misalucha, “Southeast
Asia-US Relations: Hegemony or
Hierarchy?”
• Danny Marks, “Climate Change and
Thailand: Impact and Response”
Vol. 33, n° 3, décembre 2011
• Alice D. Ba, “Staking Claims and
Making Waves in the South China
Sea: How Troubled Are the Waters?”
• Taylor Fravel, “China’s Strategy in
the South China Sea”
• Lyle Goldstein, “Chinese Naval
Strategy in the South China Sea: An
Abundance of Noise and Smoke, but
Little Fire”
• Carlyle A. Thayer, “The Tyranny of
Geography: Vietnamese Strategies to
Constrain China in the South China Sea”
• Brantly Womack, “The Spratlys:
From Dangerous Ground to Apple of
Discord”
Critical Asian Studies
Vol. 44, n° 1, mars 2012
• Susan Leong, “Sacred Cows and
Crashing Boars: Ethno-religious
Minorities and the Politics of Online
Representation in Malaysia”
• Keith Barney, “Land, Livelihoods,
and Remittances: A Political Ecology
of Youth Out-migration across the
Lao-Thai Mekong Border”
• Mary Beth Mills, “Thai Mobilities
and Cultural Citizenship”
• Tubtim Tubtim, “Migration to the
Countryside: Class Encounters in Periurban Chiang Mai, Thailand”
• Rebecca Elmhirst, “Displacement,
Resettlement, and Multi-local
Livelihoods: Positioning Migrant
Legitimacy in Lampung, Indonesia”
Vol. 43, n°4, décembre 2011
• Philip F. Kelly, “Migration, Agrarian
Transition, and Rural Change in
Southeast Asia: Introduction”
• Derek Hall, “Where the Streets Are
Paved with Prawns: Crop Booms and
Migration in Southeast Asia”
• Sai S.W. Latt, “More than Culture,
Gender, and Class: Erasing Shan Labor
in the ‘Success’ of Thailand’s Royal
Development Project”
• Jonathan Rigg et Albert Salamanca,
“Connecting Lives, Living, and
Location: Mobility and Spatial
Signatures in Northeast Thailand,
1982–2009”
• Adam Lukasiewicz, “Migration and
Gender Identity in the Rural
Philippines: Households with Farming
Wives and Migrant Husbands”
• Hew Cheng Sim, “Coping with
Change: Rural Transformation and
Women in Contemporary Sarawak,
Malaysia”
Hmong Studies Journal, vol. 12, 2011
• Aline Lo, “Writing Citizenship:
Flexible Forms of Belonging in Kao
Kalia Yang’s The Late Homecomer”
• Nengher N. Vang, “Political
Transmigrants: Rethinking Hmong
Political Activism in America”
• Soua Xiong & Song E. Lee, “Hmong
Students in Higher Education and
Academic Support Programs”
• Yang Sao Xiong & Nao Xiong “The
Prevalence of English Monolingualism
and Its Association with Generational
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 47
Revues
Status among Hmong Americans,
2005-2009”
• Zha Blong Xiong & Ju-Ping Huang,
“Predicting Hmong Male and Female
Youth’s Delinquent Behavior: An
Exploratory Study
• Jacques Lemoine, “Commentary:
The (H)mong Shamans’ Power of
Healing: Sharing the Esoteric
Knowledge of a Great Mong Shaman”
Hukay, Journal for archeological research
of Asia and the Pacific, vol. 16, 2011
• Leee M. Neri, “A Report on the
Archaeological Survey Along the
Coastal Area of Misamis Oriental,
Philippines”
• Katherine K. Esteves, “Spacing
Archaeological Sites: An Application
of the Geographical Information
System to Philippine Archaeology”
• Jack G. L. Medrana, “Incorporating a
Tourism Agenda in Public
Archaeology Work”
Indonesia, n°92, octobre 2011
• Akiko Sugiyama, “Remembering and
Forgetting Indonesia’s Madiun Affair:
Personal Narratives, Political Transitions,
and Historiography, 1948–2008”
• Tessel Pollmann, “Either One is a
Fascist or One is Not”: The Indies’
National–Socialist Movement, The
Imperial Dream, and Mussert’s Colonial
Milch Cow”
• Ann Kumar, “ “The Single Most
Astonishing Fact of Human
Geography”: Indonesia’s Far West
Colony”
• Timothy P. Barnard, “Protecting the
Dragon: Dutch Attempts at Limiting
Access to Komodo Lizards in the 1920s
and 1930s”
• Tsai Yen-ling, “Spaces of Exclusion,
Walls of Intimacy: Rethinking “Chinese
Exclusivity” in Indonesia”
• Elizabeth Chandra, “Women and
Modernity: Reading the Femme Fatale
in Early Twentieth-Century Indies
Novels”
• David Jenkins, “In Memoriam: Jamie
Mackie (1924–2011)”
• Christina Sunardi, Review essay of
Women, the Recited Qur’an, and Islamic
Music in Indonesia
Indonesia and the Malay World, volume 40, n°116, 2012
• Mohamed Nawab Mohamed
Osman, “The Religio-political
Activisme of Ulama in Singapore”
• Roy Ellen & D. Kyle Latinis,
“Ceramic Sago Ovens and the History
of Regional Trading Pattern in Eastern
Indonesia and the Papuan Coast”
• Jae Bong Park, “Managing Socio-economic Crisis in Indonesia. The role of
interfaith civic organisations in
Yogyakarta during the 1998 economic
crisis
• Mohd. Zariat Abdul Rani, “Islam,
Romance and Popular Taste in
Indonesia. A textual analysis of Ayat
ayat cinta by Habiburrahman ElShirazy and Syahadat cinta by
Taufiqurrahman Al-Azizy”
• Sivachandralingam Sundara Raja,
“The London Dawn Raid and its Effect
on Malaysian Plantation Workers
• Nurdin AR, “The Manuscript
Collection of the Aceh Museum”
Journal of Asian and African Studies,
vol. 46, n°4, août 2011
• Robert Dayley, “Thailand’s Agrarian
Myth and Its Proponents”
• Rene V Langran, “Decentralization,
Democratization, and Health: The
Philippine Experiment”
• ARM Imtiyaz & MCM Iqbal, “The
Displaced Northern Muslims of Sri
Lanka: Special Problems and the
Future”
The Journal of Asian Studies, vol. 70,
n°4, 2011
• Geoffrey Robinson, “East Timor Ten
Years On: Legacies of Violence”
• Yoko Hayami, “Pagodas and
Prophets: Contesting Sacred Space
and Power among Buddhist Karen in
Karen State”
Journal of Burma Studies
Volume 15.1, 2011. N° spécial en
mémoire de F. K. Lehman
• Juliane Schober, “Where to Begin? A
Brief Intellectual Biography of F.K.
Lehman (F. K. L. U Chit Hlaing)”
• Ann Maxwell Hill, “No Country for
Middlemen: Three Sketches of
Conflict on the Xiao Liangshan
Frontier”
• Penny Van Esterik, “Geneaologies of
Nurture: Of Pots and Professors
Juliane Schober, The Legacy of F. K.
Lehman (F.K. L. U Chit Hlaing) for
the Study of Religion and the Secular
in Burma”
• Guillaume Rozenberg, “The Saint
Who Did Not Want to Die: The
Multiple Deaths of an Immortal
48 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
Burmese Holy Man”
• John Hillman, “Capitalism and the
Development of Tin Industry in
Burma”
Volume 15.2, 2011
• Jacques Leider, “Kingship by Merit
and Cosmic Investiture: An
Investigation into King
Alaungmintaya’s Self-Representation”
• Alexey Kirichenko, “The Making of
the Culprit: Atula Hsayadaw Shin
Yasa and the Politics of Monastic
Reform in Eighteenth-Century Burma”
• Aurore Candier, “Conjuncture and
Reform in the Late Konbaung Period:
How Prophecies, Omens and Rumors
Motivated Political Action During the
Years 1866-1869”
• Alicia Turner, “Narratives of Nation,
Questions of Community: Examining
Burmese Sources Without the Lens of
Nation”
• Patrick McCormick, “The Position of
the Rajavasa Katha in Mon HistoryTelling”
• Alexandra Green, “From Gold Leaf
to Buddhist Hagiographies: Contact
with Regions to the East Seen in Late
Burmese Murals”
Journal of Social Issues in Southeast
Asia, vol. 26, n° 1, avril 2011
• Damres Uker, “Rebecca Fanany, The
Traditional Decision-making Process
of Berkaul in Tanjung Emas, West
Sumatra: Its Nature and Significance”
• Philippe M.F. Peycam, “Sketching an
Institutional History of Academic
Knowledge Production in Cambodia
(1863–2009) — Part 2”
• Mark Woodward, “Only Now Can
We Speak: Remembering Politicide in
Yogyakarta”
• Katia Balassiano, “Civic Space
Production and Local Government
Capacity: Lessons from Muang Klang,
Thailand”
• Jeffrey Dale Hobbs, “Piengpen Na
Pattalung, Robert C. Chandler,
Advertising Phuket’s Nightlife on the
Internet: A Case Study of Double
Binds and Hegemonic Masculinity in
Sex Tourism”
• Kazuo Fukuura, “A Ritual
Community: The Religious Practices
of Spirit Mediums Who Worship the
Spirit of the Chiang Mai City Pillar”
• Long S. Le, “‘Colonial’ and
‘Postcolonial’ Views of Vietnam’s Prehistory”
Journal of Southeast Asian Studies
Vol. 42, n°3, octobre 2011
• Patrick Meehan, “Drugs, insurgency
and state-building in Burma: Why the
drugs trade is central to Burma’s
changing political order”
• Asuka Mizuno, “Identifying the
‘agriculturists’ in the Burma Delta in
the colonial period: A new perspective
on agriculturists based on a village
tract’s registers of holdings from the
1890s to the 1920s”
• Henk Schulte Nordholt, “Modernity
and cultural citizenship in the
Netherlands Indies: An illustrated
hypothesis”
• R.E. Elson and Chiara Formichi,
“Why did Kartosuwiryo start shooting? An account of
Dutch–Republican–Islamic forces
interaction in West Java, 1945–49”
• Andrew Johnson, “Re-centreing the
city: Spirits, local wisdom, and urban
design at the Three Kings Monument
of Chiang Mai”
Vol. 43, n°1, 2012
• Federico Ferrara, “The legend of
King Prajadhipok: Tall tales and stubborn facts on the seventh reign in
Siam”
• Michelle Tan, “Passing over in
silences: Ideology, ideals and ideas in
Thai translation”
• Tomomi Ito,” Questions of ordination legitimacy for newly ordained
Therav da bhikkhun in Thailand”
• John C. Schafer, “The curious memoirs of the Vietnamese composer
Ph m Duy”
• Patrick McAllister, “Connecting
places, constructing T t: Home, city
and the making of the lunar New Year
in urban Vietnam”
• Gerard Sasges, “State, enterprise and
the alcohol monopoly in colonial
Vietnam”
• Nicolas Weber, “The destruction and
assimilation of Camp (1832–35) as
seen from Cam sources”
Journal of the Malaysian Branch of the
Royal Asiatic Society
Vol 84, part 1, n°300, juin 2010
• Abdullah Rahman Tang, “Sultan
Abu Bakar’s Foreign Guests and
Travels Abroad, 1860s–1895: Fact and
Fiction in Early Malay Historical
Accounts
• W. G. Miller, “English Country
Traders and Their Relations with
Malay Rulers in the Late Eighteenth
Century”
• P. J. Rivers, “Whither Berhala?: The
Search for an Idol”
Vol. 84 part 2, n°301, décembre 2011
• Abu Talib Ahmad, “The Tun Abdul
Razak Memorial and the Promotion
of a National Memory in Malaysia”
• Mohamad Rashidi Pakri, “An
Imperial or a Personal Legacy? The
Rivalry of W.E. Maxwell and F.A.
Swettenham in British Malaya”
• Nathan Porath, “The Hikayat Patani:
The Kingdom of Patani in the Malay
and Thai Political World”
• Holger Warnk, “From Romanticism
to Colonial Pragmatics: Malay
Language and Literature Studies in
Germany 1800-1945”
• Mark Emmanuel, “The Malaysia
Cup: Soccer and the National
Imagining in Singapore, 1965-1996”
Journal of Vietnamese Studies
Vol. 6, n° 1, hiver 2011
• Frédéric Roustan, “From Oriental
Studies to South Pacific Studies: The
Multiple Origins of Vietnamese
Studies in Japan, 1881–1951”
• Janet Hoskins, “Diaspora as
Religious Doctrine: An ‘Apostle of
Vietnamese Nationalism’ Comes to
California”
• Michael J. Montesano, “War Comes to
Long An, the Classic We Hardly
Know?”
Vol 6 n°2, été 2011. N° spécial :
“Hidden Histories and Submerged
Stories from northwest Vietnam”
• Erik Harms, “The Critical
Difference: Making Peripheral Vision
Central in Vietnamese Studies”
• Bradley C. Davis, “Black Flag
Rumors and the Black River Basin:
Powerbrokers and the State in the
Tonkin-China Borderlands”
• Philippe Le Failler, “The èo Family
of Lai Châu: Traditional Power and
Unconventional Practices”
• Christian C. Lentz, “Making the
Northwest Vietnamese”
• Nga Dao, “Damming Rivers in
Vietnam: A Lesson Learned in the Tây
B c Region”
Vol 6, n°3, automne 2011
• Francis Nyan, “Half-Brothers: The
Frères des Écoles Chrétiennes in
Vietnam,1900–1945”
• Geoffrey C. Stewart, “Hearts, Minds
and Công Dân V : The Special
Commissariat for Civic Action and
Nation-Building in Ngô ình Di m’s
Vietnam,1955–1957”
• Kosal Path, “Hà N i’s Responses
toBeijing’s Renewed Enthusiasm to
Aid North Vietnam,1970–1972”
Vol 7, N°1, hiver 2012. N° spécial:
“Commodified Women’s Bodies In
Vietnam And Beyond”
• Isabelle Tracol-Huynh, “The Shadow
Theater of Prostitution in French
Colonial Tonkin: Faceless Prostitutes
under the Colonial Gaze”
• Frédéric Roustan, “Mousmés and
French Colonial Culture: Making
Japanese Women’s Bodies Available in
Indochina”
• Caroline Grillot, “Between Bitterness
and Sweetness, When Bodies Say it
All: Chinese Perspectives on
Vietnamese Women in a Border
Space”
• Nicolas Lainez, “Commodified
Sexuality and Mother-Daughter Power
Dynamics in the Mekong Delta”
Moussons. Recherches en science
humaines sur l’Asie du Sud-Est/Social
Science Research on Southeast Asia
N° 17, 2011. N° thématique : “Les
frontières mouvantes de Birmanie”
• Maxime Boutry, “Les frontières
‘mouvantes’ de Birmanie The
‘moving’ frontiers of Burma”
• Jacques Ivanoff, “Des périphéries
‘utiles’”
• François Robinne, “Paysages de l’hybridité en Birmanie”
• Ma Jianxiong, “Shaping of the
Yunnan-Burma frontier by secret societies since the end of the 17th century”
• Alexander Horstmann, “Sacred networks and struggles among the Karen
Baptists across the Thailand-Burma
border”
• Maxime Boutry, “Les frontiers de
Leach au prisme des migrations birmanes ou penser la société en movement”
• Su Lin Lewis, “Print culture and the
new maritime frontier in Rangoon
and Penang”
• Noriyuki Osada, “An embryonic
border: racial discourses and compulsory vaccination for Indian immigrants at ports in colonial Burma,
1870-1937”
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 49
Revues
N°16. N° thématique : “Recherche
en sciences humaines sur l’Asie du
Sud-Est”
• Trinh Van Thao, “In memoriam
Charles Fourniau”
• Alice Vittrant, “Aire linguistique Asie
du Sud-Est continentale : le birman
en fait-il partie ? ”
• Robert H. Barnes, “Raja Servus of
Larantuka, Flores, Eastern Indonesia”
• Ramses Amer, “French policies
towards the Chinese in Vietnam : A
study of migration and colonial
responses”
• Aurore Candier, “Convergences
conceptuelles en Birmanie : la transition du XIXe siècle”
• Cristophe Munier-Gaillard, “Édifier,
surprendre et faire rire : la société
bouddhique birmane dans les sermons
visuels de la Chindwin”
• Shuichi Nagata, “Comam or sexual
prohibition among the Kensiw of
Kedah, Malaysia”
• Cheera Thongkrajai, “Kathoey, un
genre multiple : processus d’adaptation et de négociation identitaire des
transsexuels MTF de Thaïlande”
The Pacific Review
Vol. 24, n°2, mai 2011
• Jae Jeok Park, “The US-led alliances
in the Asia-Pacific: hedge against
potential threats or an undesirable
multilateral security order?”
• Alex Bellamy, Catherine
Drummond, “The responsibility to
protect in Southeast Asia: between
non-interference and sovereignty as
responsibility”
• Kikue Hamayotsu, “Beyond faith
and identity: mobilizing Islamic youth
in a democratic Indonesia”
• Felix Heiduk, “From guardians to
democrats? Attempts to explain
change and continuity in the civil-military relations of post-authoritarian
Indonesia, Thailand and the
Philippines”
Vol 24, n°5, décembre 2011
• Juanita Elias, “The gender politics
of economic competitiveness in
Malaysia’s transition to a knowledge
economy”
• Morgan Brigg, “Old cultures and
new possibilities: Marege’-Makassar
diplomacy in Southeast Asia”
• Henry Wai-chung Yeung, “From
national development to economic
diplomacy? Governing Singapore’s
sovereign wealth funds”
Vol 25, n°1, mars 2012:
• Keokam Kraisoraphong, “Thailand
and the Responsibility to Protect”
• Herman Kraft, “RtoP by increments:
the AICHR and localizing the
Responsibility to Protect in Southeast
Asia”
• Lina Alexandra, “Indonesia and the
Responsibility to Protect”
• David Capie, “The Responsibility to
Protect Norm in Southeast Asia:
Framing, Resistance and the
Localization Myth”
• Mely Caballero-Anthony, “The
Responsibility to Protect in Southeast
Asia: opening up spaces for advancing
human security”
• Rizal Sukma, “The ASEAN political
and security community (APSC):
opportunities and constraints for the
R2P in Southeast Asia”
Péninsule
N° 61, 2011 : “Royaumes, sociétés,
villes : de l’écriture des sources à la
fabrique de l’histoire”
• M. Antelme, “Quelques nouvelles
pistes de recherche sur l’étymologie du
nom Tchen-La. En hommage à
Jacques Népote”
• L. Mogenet, “‘Ponthiamas’ : Eden
tropical et utopie libérale dans le
Cambodge du XVIIIe siècle : présentation de textes oubliés”
• J. Smith, “L’union de Myanmar
racontée aux enfants : étude thématique du discours sur la Nation à travers les manuels scolaires”
• G. Mikaelian, “Adhémard Leclère
(1853-1917). Une foi républicaine au
coeur du pays Khmer”
• G. Candar, “J.N. Ducange, La correspondance entre Adhémard Leclère et
Georg von Vollmar (1882-1909)”
• M.M. Torchet, “Les mémoires
d’Outre Mer d’Adhémard Leclère
(1886-1910) : un aperçu relatif à la
ville de Phnom Penh”
• J. Blot, “Politique de lutte contre la
pauvreté ou nettoyage urbain ? Les
opérations de relogement dans la périphérie Phnom-Penhoise”
N°62, 2011 : “Parenté, alliance, filiation”
• Jacques Nepote, “Liens de parenté et
contrastes des rôles sexuels au
Cambodge, une approche à partir des
ambiguïtés de la situation du Gendre”
50 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
• Steven Prigent, “Un fœtus humain
pour amulette, la règle de filiation
khmère à l’aune d’une rumeur cambodgienne”
• Marie-Sybille de Vienne, “Hasan di
Tiro (Aceh), de la légitimité lignagère à
la guerre révolutionnaire, esquisse de
parcours biographique”
• Jacques Nepote, “L’enfant au
Cambodge, les trois étapes de l’aliénation des enfants cambodgiens”
• Marie Aberdam, “Les réfugiés
khmers et hmongs dans la littérature
de jeunesse française des années quatre-vingt à quatre-vingt-dix”
• Nguyên Xuân Hien & Nguyên
Mông Hung, “ La chique de bétel et le
mariage traditionnel au Vietnam - un
regard historique (note documentaire)”
South East Asia Research
Vol. 19, n° 2, juin 2011
• Jonathan Corpus Ong, “Jason
Cabañes, Engaged, but not immersed:
tracking the mediated public connection of Filipino elite migrants in
London”
• Claudia Liebelt, “On global happenings in the name of Jesus, rubbing
shoulders with ‘VIPs’ and domestic
work in the ‘Holy Land’: Notes on
celebrity and blessing in the Filipino
diaspora”
• Mirca Madianou “Daniel Miller,
Crafting love: letters and cassette tapes
in transnational Filipino family communication”
• Olivia Swift, “Seafaring citizenship:
what being Filipino means at sea and
what seafaring means for the
Philippines”
• Analyn Salvador-Amores, “Batok
(traditional tattoos) in diaspora: the
reinvention of a globally mediated
Kalinga identity”
• Liezel C. Longboan, “E-gorots:
exploring indigenous identity in
translocal spaces”
Vol. 19, n°3, septembre 2011
• Victor T. King, “Michael J.G.
Parnwell, World Heritage Sites and
domestic tourism in Thailand Social
change and management implications”
• Samchaiy Sresunt, “The myth of
poverty in Thai society: the archaeology of meaning”
• James Mitchell, “Red and yellow
songs: a historical analysis of the use
of music by the United Front for
Democracy against Dictatorship
(UDD) and the People’s Alliance for
Democracy (PAD) in Thailand”
• Tharaphi Than, “Understanding
prostitutes and prostitution in democratic Burma, 1942-62 State jewels or
victims of modernity?”
• Claudio O. Delang, “Matthew Toro,
Hydropower-induced displacement
and resettlement in the Lao PDR”
• Shintaro Hamanaka, “Quality of the
trade statistics of the Lao PDR incompatibility with international standards
and inaccuracies due to smuggling”
Vol. 19, n°4, décembre 2011. N° spécial : “Revisiting and Reconstructing
the Nghê Tinh Soviets, 1930-2011”
• Sophie Quinn-Judge, “Ideological
influences on the Revolutionary High
Tide: the Comintern, class war and
peasants”
• Bruce M. Lockhart, “The Nghê T nh
movement in Communist Party historiography”
• Jason Gibbs, “‘Together We Go Red
Soldiers’: the revolution’s first song”
• Pham Hông Tung, “Different perspectives on the mobilization of the
masses in the revolutionary high tide
of 1930-31”
• David Del Testa, “Vietnamese railway workers during the revolutionary
high tide”
Vol 20, n°1, mars 2012
• Gerard Sasges, Scott Cheshier,
Competing legacies: rupture and continuity in Vietnamese political economy
• Dwi Noverini Djenar, Almost unbridled: Indonesian youth language and
its critics
• Cleonicki Saroca, FilipinoAustralian intimacies online: love,
romance and ‘naughty emoticons’
• Samson Lim, Detective fiction, the
police and secrecy in early twentieth
century Siam
• Tiffany Tsao, The evolution of Javamen and revolutionaries A fresh look
at Pramoedya Ananta Toer’s Buru
Quartet
Vol. 12, n°5, 2011. N° spécial :
“Research with Children in AsiaPacific Societies”
• Roxana Waterson & Deepak Kumar
Behera, “Introduction: Extending
Ethnographic Research with Children
in the Asia-Pacific Region”
• Rachel Webster, “The Street Belongs
to Us! — The Autonomous Worlds of
Street Children in the Suburb of
Colaba, Mumbai, India”
• Karen Malone, “My Island Home:
Theorising Childhood in the Cook
Islands”
ARTICLES ISOLÉS
Vol. 13, n°1, 2012. N° spécial :
“Growing up in Indonesia:
Experience and Diversity in Youth
Transitions”
• Patricia Spyer & Ben White,
“Growing up in Indonesia: Experience
and Diversity in Youth Transitions”
• Suzanne Naafs & Ben White,
“Intermediate Generations:
Reflections on Indonesian Youth
Studies”
• Atsushi Sano, “Agency and
Resilience in the Sex Trade:
Adolescent Girls in Rural Indramayu”
• Basri Amin, “Youth, Ojeg and Urban
Space in Ternate”
• Suzanne Naafs, “Navigating School
to Work Transitions in an Indonesian
Industrial Town: Young Women in
Cilegon”
• Wenty Marina Minza, “Young
Migrants and Education-to-Work
Transitions in Pontianak, West
Kalimantan”
• Maria Platt, “‘It’s Already Gone Too
Far’: Women and the Transition into
Marriage in Lombok, Indonesia”
The Asia Pacific Journal of
Anthropology, vol. 12, n°3, 2011
Irving Chan Johnson, “Strange
Buddhas and the King of the Monks:
Locating History and Community in
a Muslim State”
Sojourn, volume 26, n°2, octobre
2011
• Oliver Trappe, “Memory, Tourism,
and Development: Changing
Sociocultural Configurations and
Upland-Lowland Relations in
Houaphan Province, Lao PDR”
• Patrice Ladwig, “The Genesis and
Demarcation of the Religious Field:
Monasteries, State Schools, and the
Secular Sphere in Lao Buddhism
(1893-1975)”
• Guido Sprenger, “Differentiated
Origins: Trajectories of Transcultural
Knowledge in Laos and Beyond”
• Andrea Schopohl, “Processes of
Social Differentiation and (Re)Integration in Northern Laos”
• Boike Rehbein, “Differentiation of
Sociocultures, Classification, and the
Good Life in Laos”
• Patricia Sloane-White, “Working in
the Islamic Economy: Sharia-ization
and the Malaysian Workplace”
Annales de géographie, n°681, sept.-oct
2011
Céline Pierdet, 2011, “Les investisseurs
privés et la recomposition du rapport
centre-périphérie à Phnom Penh
(Cambodge) depuis les années 1990”
L’Histoire, n°371, décembre 2011:
Rémy Madinier, “Kartini, la mère de
l’Indonésie”
Ann Stoler, “La colonisation de l’intime”
Journal Asiatique, vol. 299, n° 1, 2011
Michel Antelme, “Quelques considérations sur deux mesures de capacité
en vieux khmer et leurs possibles équivalents en khmer moderne. Les cas
de tlon, Thllon, Thlvan ou Tanlonn (etc.)
et dnal”
Journal of Asian Pacific
Communication, vol. 22, n° 1, 2012
Adcharawan Buripakdi, “The marginalized positions of Thai professional
writers on the global hegemony of
English”
Modern Asian Studies, vol. 46, n°1,
2012
Michitake Aso, “Profits or People?
Rubber plantations and everyday technology in rural Indochina”
New Left Review, n°73, jan/feb 2012
Pierre Brocheux, “Reflections on
Vietnam”
Revue Diasporas, n°14, janvier 2010
Emmanuelle Peyvel et Christophe
Vigne, “Entre tourisme et construction
nationale : l’exemple des Vietnamiens
de l’étranger”
Revue d’Histoire des Sciences Humaines,
n°24, 2011
Pascal Bourdeaux, “L’École Pratique
des Hautes Études, les sciences religieuses et le Vietnam. À la croisée des
situations coloniale et postcoloniales”
[email protected]
[email protected]
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 51
Thèses
Dernières soutenances
Thèses
Nous vous rappelons que les inventaires des sujets de
thèse déposés et des thèses soutenues relatives à l’Asie du
Sud-Est sont téléchargeables sur le site internet de
l’AFRASE (www.afrase.org / rubrique «thèses»). Ces inventaires ont été réalisés par Guillaume Rozenberg pour la
période 1990/2000 et sont annuellement mis à jour par
Annabel Vallard depuis. Si vous constatez que des sujets
ou des thèses soutenues n’y figurent pas, n’hésitez pas à
contacter cette dernière ([email protected]).
Aliénor ANISENSEL, Le sens d’une tradition élitiste dans le
Viêt-Nam contemporain : pratiques, apprentissages et esthétiques
du chant Ca trù, Université Paris Ouest Nanterre La
Défense, thèse de doctorat d’ethnomusicologie, dir. Gilles
Tarabout, soutenue le 5 janvier 2012 ([email protected])
La thèse porte sur la tradition poético-musicale du Ca trù pratiquée au Viêt-Nam par une centaine de musiciens spécialistes. L’enjeu est de décrire et interpréter cette tradition par le
biais de ses pratiques (Ière partie), de ses apprentissages
(IIème partie) et de ses esthétiques (IIIème partie) afin de
comprendre le sens de son élitisme, d’origine lettrée, dans le
Viêt-Nam contemporain gouverné depuis 1954 par le Parti
Communiste. L’étude s’élabore à partir de deux hypothèses.
La première est que l’observation des pratiques sociales du Ca
trù offre une porte d’entrée pour comprendre la signification
élitiste de cette tradition. La deuxième est que si le Ca trù est
aujourd’hui encore porteur d’un capital symbolique élitiste,
c’est que son élitisme doit imprégner la matière poético-musicale même et qu’il doit pouvoir être analysé au cœur des processus de transmission et de performance musicales. Les
réflexions de la thèse s’appuient principalement sur une
enquête de terrain de dix-sept mois, menée entre 2003 et
2008 dans trois clubs de Ca trù : le club de Ca trù du village
de Lô Khê, non loin de Hanoï, qui se réunit lors des cérémonies votives célébrées dans les lieux de culte aux divinités
tutélaires et patrons de métier en faveur des villageois et plus
particulièrement des notables ; un réseau hanoïen de clubs de
Ca trù qui ont dû se positionner par rapport à la politique
étatique de patrimonialisation visant, depuis 2005, à façonner une culture de prestige du Ca trù ; enfin, le club de Ca
trù de Ho Chi Minh ville, où le revivalisme du Ca trù donne
lieu à des controverses entre factions de l’élite cultivée originaire du Nord. L’analyse des données de l’enquête aboutit à
trois résultats principaux : 1) L’élitisme social caractéristique
de la pratique du Ca trù s’est adapté en partie à la nouvelle
société née de la Révolution d’Août 1945. 2) L’élitisme du Ca
trù se situe non seulement dans la pratique mais aussi dans la
matière poético-musicale même considérée comme la mise
en œuvre d’une connaissance à la fois linguistique (celle du
sino-vietnamien), formelle (celle de la forme poétique et
d’une grammaire musicale élaborée) et expressive (celle de
techniques d’ornementation et de variation sophistiquées). 3)
Enfin, l’élitisme du Ca trù peut s’analyser au cœur de la per52 Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80
formance, dans un cadre à la fois identitaire, expressif et critique (selon la « bonne écoute » incarnée par le joueur de
tambour lettré qui crée une distanciation intellectualisée avec
l’émotion au travers d’un « commentaire » du poème chanté).
Adèle ESPOSITO, Siem Reap – Invention et fabrication
d’un lieu de tourisme aux portes d’Angkor, École Nationale
Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, thèse de doctorat d’architecture, dir. C. Goldblum et P. Clément, soutenue le 9 décembre 2011 ([email protected])
Les façons de concevoir et fabriquer la ville de Siem Reap,
située aux portes du site d’Angkor classé au patrimoine mondial (1992), induites ou suscitées par le tourisme, sont l’objet
de la recherche. La thèse interroge le rapport conflictuel entre
planification et fabrication urbaine : si les plans de la coopération internationale produisent un domaine d’action ainsi
qu’un cadre conceptuel à travers lequel le territoire est appréhendé, d’autres logiques et procédures détournent le cadre
réglementaire. Dans les discours programmatiques et normatifs élaborés à partir de notions d’origine occidentale, maintenant diffusées à l’échelle internationale, ainsi que dans l’organisation institutionnelle, nous recherchons les failles qui
mènent les plans à l’échec.
Sans nier les effets de tabula rasa, nous argumentons l’entrée
en jeu de différentes formes d’héritage dans les aménagements de l’espace : les représentations des lieux, produites à
partir du XIXe siècle, qui influencent les projets d’hôtels et
équipements ; les formes et les pratiques mobilisées par les
habitants, dont la négociation avec des modèles exogènes
aboutit à des compositions originales.
Hedwige MULTZER O’NAGHTEN, Les fondations de
Jayavarman VII : l’aménagement d’un territoire et son interprétation historique et religieuse, Sorbonne Nouvelle - Paris 3
(ED 268, Langage et langues : description, théorisation,
transmission), thèse de doctorat d’histoire, dir. Michel
Jacq-Hergoualc’h, soutenue le 7 décembre 2011 ([email protected]).
Depuis plus d’un siècle, le règne de Jayavarman VII ne cesse
de fasciner les chercheurs par son indéniable originalité.
Premier roi ouvertement bouddhiste, sa puissance politique
et militaire s’accompagne aussi d’une profonde mutation des
idées et d’une créativité artistique bouillonnante qui confère
une dimension hors du commun à son époque. Au rythme
des découvertes qui s’accumulent et constituent un matériau
archéologique d’une ampleur inégalée, les publications se
multiplient, mais elles demeurent souvent spéculatives, échafaudées sur des hypothèses d’écoles qui, faute d’être contestées, se transforment en dogmes, adoptés et répétés au fil du
temps, pour finalement donner l’impression inexacte que ce
règne est parfaitement connu. C’est ce constat qui nous a
amené à aborder l’étude du règne de Jayavarman VII sous des
approches différentes, à partir d’une analyse de son historiographie axée sur une exégèse critique des publications.
Cette thèse se fonde sur l’étude des matériaux archéologiques, attribués, en quantités considérables, au règne de
Jayavarman VII, et appréhendés comme les éléments d’un
système relevant d’un même déterminisme, celui de l’organisation de l’espace par l’autorité royale. Cette approche permet de mettre en lumière les principes directeurs de l’aménagement du territoire qui reflètent des impératifs dictés par la
gestion administrative et sociale d’un pays, mais peuvent également satisfaire à d’autres exigences telles que le respect d’un
modèle cosmico-religieux, les orientations personnelles du
souverain ou encore le facteur économique.
Derrière le souverain khmer et bouddhiste, Jayavarman VII,
deus ex machinade son royaume, instigateur et catalyseur de
toute politique, c’est le bouddhisme qui se révèle être le véritable inspirateur de ses actes, permettant de mieux comprendre certains des aspects atypiques de son règne, qu’il s’agisse
de l’exercice du pouvoir ou de la composition architecturale
des grands monuments.
Amélie ROBERT, Dynamiques paysagères et guerre dans la
province de Thua Thiên Huê (Vietnam central), 1954-2007.
Entre défoliation, déforestation et reconquêtes végétales,
Université de Paris IV - Sorbonne (UMR 8185 Espaces,
Nature et Culture), thèse de doctorat en géographie, dir.
Jean-Paul Amat, soutenue le 3 décembre 2011 ([email protected])
La guerre du Viêt Nam mit la forêt au cœur des enjeux militaires. Nées des controverses sur les conséquences environnementales des épandages d’herbicides, des hypothèses ont
émergé sur les impacts de cette pratique : différentiels selon les
unités paysagères, aggravés par les perturbations anthropiques
antérieures et postérieures à la guerre. Relevant de la biogéographie, l’analyse géohistorique confronte des sources souvent
divergentes et privilégie les princeps pour reconstituer, à des
dates clés, les paysages d’une province au cœur du conflit.
L’état actuel de partition en trois unités – plaine, collines et
montagnes – révèle le lien entre perturbation et accessibilité.
Circa 1954, les pratiques précoloniales et coloniales avaient
déjà perturbé les écosystèmes, de manière croissante des montagnes vers la plaine. Les impacts d’une guerre dirigée contre
le milieu furent directs et indirects. Après-guerre, ils furent
aggravés par les pratiques civiles, qui bloquèrent la reconquête
spontanée et provoquèrent déboisements et déforestations ; la
pression s’accrut dans les collines et les montagnes, plus affectées par la guerre. Depuis circa 1990, les décisions politiques
ont placé officiellement la forêt entre protection et développement mais elles se heurtent aux nécessités du développement
économique. La reconquête, dirigée, accélérée par la plantation d’espèces à croissance rapide, est engagée dans des sylvosystèmes perturbés et épargnés par la guerre. Aujourd’hui,
dans les trois unités paysagères, les zones défoliées ne sont pas
identifiables : cicatrisation, poursuite du recul des forêts surtout ont fait leur œuvre. Restent visibles les géofaciès de cratères et les anciennes bases militaires américaines. La conjugaison des perturbations empêche l’identification du strict
impact actuel de la guerre et relativise celui-ci ; plus affaiblis
sont les sylvosystèmes de la plaine qui, moins touchés, subissent une forte pression séculaire.
Danielle TAN, Du communisme au néolibéralisme : Le rôle des
réseaux chinois dans la transformation de l’État au Laos,
Institut de Sciences Politiques de Paris, thèse de doctorat
en science politique, dir. F. Mengin, soutenue le 2 décembre 2011 ([email protected]).
Alors que les analyses politiques sur le Laos sont rares, cette
thèse apporte un éclairage sur la manière dont la globalisation néolibérale a transformé les pratiques et les modes
d’exercice du pouvoir dans l’un des derniers régimes commu-
nistes au monde. Bien que ce pays soit généralement considéré comme un « État faible » par excellence, l’argument
principal de la thèse est de dépasser le discours récurrent le
présentant comme une victime de la globalisation, de ses
puissants voisins, et de la Chine en particulier.
Pour défendre cette hypothèse, la recherche s’est concentrée
sur le Nord-Laos qui cristallise l’ensemble des enjeux auxquels le pays doit faire face actuellement, depuis la construction du corridor nord-sud reliant Kunming à Bangkok en traversant les provinces septentrionales du Laos. Cette autoroute qui traverse des zones montagneuses, pauvres et multiethniques, est devenue une voie de pénétration privilégiée
pour les compagnies et les migrants chinois, venus saisir les
opportunités économiques qu’offre ce pays sous-peuplé et
riche en ressources naturelles.
À contre-courant de la rhétorique contemporaine sur la globalisation qui a décrété le retrait de l’État, l’analyse de la
région-frontière du Nord-Laos illustre le redéploiement de
l’État post-socialiste grâce à la réappropriation des techniques, savoirs et procédures de la rationalité néolibérale.
Dans ce cadre, les réseaux transnationaux chinois jouent un
rôle déterminant dans la production d’une « gouvernementalité néolibérale par les marges » qui permet à l’État central lao
de réaffirmer son hégémonie sur la société.
La thèse est en ligne :
Volume
I : http://dl.dropbox.com/u/14787881/Th%C3%A8se%20D
anielle%20TAN_Vol%20I.pdf
Volume
II : http://dl.dropbox.com/u/14787881/Th%C3%A8se_Dan
ielle%20TAN_Vol%20II.pdf
Truong Hoang TRUONG, Etude sociologique des quartiers
périphériques de Ho Chi Minh ville. Approche monographique
de Ba Diem (Hoc Mon) et Vinh Loc A (Binh Chanh),
Université de Provence (ED 355 Espaces, Cultures et
Sociétés), thèse de doctorat de sociologie, dir. Trinh Van
Thao, soutenue le 8 juillet 2010 ([email protected]).
Il s’agit d’une étude sociologique du procès d’urbanisation
d’une mégapole en Asie du Sud-Est à partir de sa périphérie.
Les sites sélectionnés pour les besoins de comparaison sont la
commune de Bà Diêm (district de Hóc Môn) et la commune
de Vinh Lôc A (district de Bình Chánh). Et dans le même
esprit, la période choisie entre 1997 et 2007 permet d’évaluer
les changements intervenus entre ces deux repères. Au moyen
d’un questionnaire portant sur trois cents foyers répartis à
égalité entre les deux communes et des entretiens semi directifs, l’auteur tente de montrer les effets de l’urbanisation sur
le mode de production et les conditions de vie d’une population de périurbains de Ho Chi Minh ville. A côté des points
positifs apportés par l’urbanisme, on constate aussi de nouveaux problèmes auxquels s’est confrontée la population
comme la reconversion professionnelle, le passage de condition paysanne au mode de production industriel et à la culture urbaine. Il en est de même en ce qui concerne le mode
de vie, les relations de voisinage, la parenté et les nouvelles
formes de sociabilité. A travers l’étude de terrain sur Bà Diêm
et Vinh Lôc A, on espère dégager les principales caractéristiques de la ville et ses prolongements dans l’avenir.
[email protected]
Hiver 2011-printemps 2012 Lettre Afrase n° 79-80 53
7ème congrès
de l’eUroseAs
LISBoNNE, 2-5 JUILLET 2013
aPPEL à CoNSTiTUTioN dE PaNELS
ET aPPEL à CoNTRiBUTioNS
L’organisateur et l’hôte du prochain congrès de l’Euroseas sera l’institut Supérieur des Sciences
Sociales et Politiques de l’Université Technique de Lisbonne (iSCSP/UTL).
•
CoNSTiTUTioNS dE PaNEL (CaLL FoR PaNELS)
La date limite d’envoi des propositions de panels est repoussée au 31 mai 2012.
Les soumissions doivent être adressées à :
http://www.euroseas.org/platform/en/content/[email protected]
[email protected]
en utilisant le formulaire de demande disponible à l’URL :
http://www.euroseas.org/platform/files/euroseas_panel_proposal_form_1.pdf
Comme lors des précédents congrès, le Bureau de l’Euroseas et l’organisateur du congrès encouragent
vivement les responsables de panels à inviter des collègues de différentes institutions afin de garantir la
coopération internationale - véritable « marque de fabrique » de notre association. Les jeunes
chercheurs sont encouragés à proposer des ateliers. Les soumissions se font exclusivement en
anglais. Le comité de sélection, en coopération avec les coordinateurs de panels, s’efforcera d’assurer
la pluridisciplinarité et la cohérence thématique des ateliers.
Le Bureau de l’Euroseas se réunira à Porto du 22 au 24 juin 2012 et sélectionnera à cette occasion les
ateliers. La liste des ateliers retenus sera rendue publique au plus tard le 31 juillet 2012.
(CaLL FoR PaPERS)
•LesCoNTRiBUTioNS
coordinateurs de panels sont devront faire circuler leur propre appel à participation d’août à octobre
2012. Chaque panel doit accueillir entre 6 et 8 papiers. Les coordinateurs de panels devront adresser
aux organisateurs du congrès la liste des participants à leur atelier et les résumés de leurs
communications au plus tard le 15 décembre 2012.
PoSSiBiLiTéS
•LeaUTRES
Bureau de l’Euroseas envisage d’offrir d’autres possibilités en dehors des ateliers formels, comme :
1. Mise à disposition de salles pour les réunions, les discussions ou les projections suivies de débats
débats (“Speakers corner”)
2. Espace de présentation de posters
3. Enfin, la projection de films ou l’organisation de concert ou autres spectacles peuvent être envisagés
si un nombre suffisant de participants se montrent intéressés. Les propositions doivent être
adressées au Bureau de l’Euroseas avant le 31 juillet 2012.
PoUR dE PLUS aMPLES iNFoRMaTioNS
allez sur le site de l’Euroseas :
http://www.euroseas.org/platform/en/content/7th-euroseas-conference-call-for-panels
ou écrivez à
http://www.euroseas.org/platform/en/content/[email protected]
[email protected]