Le « trou de la Sécu » expliqué en quatre points
Transcription
Le « trou de la Sécu » expliqué en quatre points
Le « trou de la Sécu » expliqué en quatre points Le Monde.fr | 01.10.2014 à 18h51 • Mis à jour le 02.10.2014 à 10h23 | Par Clément Martel (avec Caroline Félix) La ministre de la santé, Marisol Touraine, a dévoilé lundi 29 septembre le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. L'un des principaux enjeux du texte est de rendre compte des mesures qui permettront de réduire le « trou de la Sécu », une nouvelle fois beaucoup plus important que prévu. >> Lire : Coup de rabot généralisé sur les allocations familiales (/politique/article/2014/09/29/coup-de-rabot-generalise-sur-les-allocationsfamiliales_4496535_823448.html) 1. Trop de dépenses pour pas assez de recettes La Sécurité sociale est complexe, car elle mélange deux principes : celui d'une assurance (je cotise pour bénéficier de prestations) et celui de la solidarité (je cotise pour offrir à tous des prestations). Lorsqu'un salarié part à la retraite par exemple, il profite d'une pension générée par la cotisation des salariés actifs et de ce qu'il a lui-même cotisé durant sa vie active. Mais on peut bénéficier du revenu de solidarité active (RSA) sans avoir cotisé à cet effet. Or, depuis une vingtaine d'années, le rapport masse salariale/bénéficiaires des prestations est en déséquilibre. En cause principalement : le départ en retraite de la génération de « baby-boomers » et le chômage. Ce déséquilibre a progressivement conduit à une dépense plus importante que les recettes générées par les cotisations, et donc à la formation du « trou de la Sécu ». Aujourd'hui, avec un montant qui s'élève à 236,6 milliards d'euros en 2014, la dette sociale (déficit accumulé) représente 11,7 % de la dette publique française (qui atteint 2 000 milliards d'euros). Le déficit de la Sécurité sociale est principalement causé par le versement des prestations et les insuffisances des recettes, non pas par le coût de gestion (seulement 3 % du déficit). SOURCE: SÉCURITÉ SOCIALE 2. Un déficit en baisse, mais moins que prévu 15,3 MILLIARDS D'EUROS C'est le chiffre du déficit de la sécurité sociale pour 2014, au lieu des 9,8 milliards annoncés dans la loi de financement de la Sécurité sociale, en décembre 2013. Le « trou de la Sécu » diminue chaque année depuis 2010 – un an après avoir plongé – ce dont s'est félicitée la ministre de la santé, Marisol Touraine, « malgré une conjoncture économique très difficile ». Mais depuis l'accession au pouvoir de François Hollande , les objectifs fixés n'ont jamais été respectés. Le déficit de la sécurité en baisse depuis 2010 Evolution du déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale depuis 2009 (en milliards d'euros). Le déficit réel de 2014 est l'estimation du ministère de la santé. Déficit prévu (LFSS) 2009 Déficit Réel 2010 2011 2012 2013 2014 -10 -20 -30 SOURCE: LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Le déficit baisse, en effet, mais selon la Cour des comptes, dans un rapport publié le 17 septembre (https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/La-securite-sociale) , « le retour à l'équilibre prévu pour 2017 est très incertain ». Expliquant que la réduction du déficit a été assurée « par des prélèvements supplémentaires plus que par des économies sur la dépense », l'institution de la rue Cambon insiste sur « l'enjeu crucial » que représente le redressement des comptes sociaux. 3. La branche « maladie », principal poste de dépense Afin de régulariser les dépenses de l'Assurance-maladie, un outil de pilotage a été créé en 1996 : l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). Il s'agit du montant prévisionnel des dépenses de l'Assurancemaladie en France , qui est voté chaque année par le Parlement. Une sorte de « règle d'or » pour la sécurité sociale, qui ne doit pas en principe dépasser cette frontière. Et depuis 2010, l'Ondam n'est plus dépassé, la dépense de la Sécurité sociale étant en deçà de l'objectif voté par le Parlement. Cela ne signifie pas pour autant que les finances de la Sécu s'améliorent, les objectifs de l'Ondam n'étant pas forcément très ambitieux. Réparti en quatre branches, le régime général de la Sécurité sociale (auquel s'ajoute le Fonds de solidarité vieillesse) voit son déficit grevé par la branche « maladie », principal poste de dépenses, selon les chiffres de la Commission des comptes de la Sécurité sociale. La branche maladie pèse sur le budget de la Sécurité sociale Déficits en milliards d'euros, des 4 branches du régime général et du Fond de solidarité vieillesse depuis 2008. Les données pour 2014 et 2015 sont des prévisions du ministère de la santé. Maladie Retraite 2008 2009 Famille 2010 Accidents du travail 2011 2012 FSV 2013 2014 2015 -5 -10 SOURCE: COMMISSION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Le maintien du déficit augmente évidemment la dette sociale, en partie remboursée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Celle-ci est spécialement dédiée au remboursement de la dette : Le montant de la dette sociale peine à se résorber depuis 2011 Evolution du montant de la dette depuis 2011, en milliards d'euros. Les données pour 2014 et 2015 sont des prévisions. Dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) Dette restant à payer 200 100 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 SOURCE: COMMISSION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 4. Une série de mesures pour tenter d'inverser la tendance A propos de la Sécurité sociale, la droite et la gauche ont traditionnellement deux méthodes différentes (http://abonnes.lemonde.fr/sante/article/2013/09/27/secu-la-droite-et-lagauche-font-elles-les-memes-economies_3485661_1651302.html) : la première préfère rogner sur les dépenses, tandis que l'autre active le levier des prélèvements. Résorber « par le haut », ou pour tout le monde ? Sous la présidence de Nicolas Sarkozy , le gouvernement a tenté de résorber ce « trou de la Sécu » en rognant sur les avantages des assurés : franchises sur les boîtes de médicaments et les actes médicaux, création d'une vignette orange de remboursement à 15 % pour les médicaments à service rendu médical faible ou insuffisant. Une réduction des dépenses que Marisol Touraine, alors dans l'opposition, n'avait pas manqué de pointer du doigt (http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2011/10/25/cinq-ans-de-secu-sarkozy-efforts-crise-etdeficits_1593421_3234.html) : « On ne peut pas pérenniser l'Assurance-maladie avec des ajustements à la marge. Il faut lancer des mesures qui modifient réellement les comportements et pérenniser les ressources. » Un diagnostic pas simple à mettre en pratique, une fois au ministère, surtout dans un contexte de crise où la croissance atone et de chômage en hausse. La progression de la masse salariale devrait être nettement inférieure à la prévision (1,6 % pour 2014 contre 2,2 % prévu initialement), « entraînant un affaissement significatif des recettes de cotisations sociales et de CSG par rapport aux prévisions, mais également des recettes fiscales affectées à la Sécurité sociale », explique le ministère. Taxes farfelues Résultat : le gouvernement compte sur les hauts revenus. Un milliard devait être récupéré grâce à l'abaissement du quotient familial (http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2013/10/17/l-assemblee-nationale-vote-la-baisse-du-plafond-duquotient-familial_3497758_3234.html) , passant de 2 336 à 2 000 euros l'année dernière, puis à 1 500 cette année. En revanche, la tentative de l'instauration d'une taxe comportementale, avec l'« amendement Nutella » (qui prévoyait l'augmentation de 300 % de la taxe sur l'huile de palme) a échoué fin 2012, à cause d'une trop grande pression du groupe Ferrero et des pays producteurs. Plusieurs « coups de rabot » ont été effectués par le ministère de la santé : deux milliards d'euros par le gel de la quasi totalité des retraites et des allocations (http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2014/04/16/valls-donne-un-coup-de-rabotgeneralise-sur-les-prestations-sociales_4402571_823448.html) en avril dernier. Dimanche, la ministre de la santé a finalement renoncé à cette mesure – uniquement en ce qui concerne les allocations familiales – pour 2015. Elle a toutefois annoncé de nombreuses coupes, à hauteur de 700 millions d'euros, dans la branche famille : baisse des aides de garde à l'enfant pour les familles les plus riches, la baisse de la prime à l'enfant à partir du deuxième et le partage du congé parental, entre autres. En revanche, comme promis lors de la campagne de François Hollande, aucune réduction des dépenses n'a été opérée sur les remboursements des soins et des médicaments des patients. Clément Martel (avec Caroline Félix) Journaliste au Monde