Une mission humanitaire à Madagascar

Transcription

Une mission humanitaire à Madagascar
Une mission humanitaire à Madagascar
Interview d’un jeune étudiant parti en mission à Madagascar
A l’occasion de la course contre la faim, nous avons correspondu avec un jeune
homme de 23 ans qui a accepté de témoigner de son expérience dans une mission
humanitaire, au cours de l’été 2013, à Madagascar.
Voilà ses réponses à nos questions
1. En priorité, de quoi les habitants ont-ils besoin dans la vie de tous les jours ?
Cette question n’est pas simple ! Je pense qu’il faut d’abord distinguer les malgaches vivant en ville
(environ un tiers de la population totale) des malgaches vivant à la campagne. Pour ces derniers,
étant donné que les terres sont assez riches (plantations de riz, banane, manioc par exemple), les
deux besoins principaux sont l’éducation et les soins médicaux. En revanche les malgaches vivant
en ville connaissent beaucoup plus de difficultés pour se nourrir, surtout s’ils sont pauvres, car la
nourriture acheminée depuis la campagne est plus chère. Leur besoin principal est donc une bonne
alimentation, même si bien sûr l’éducation et les soins médicaux manquent également.
La campagne et ses rizières, Madagascar
2. A part la mission, où les habitants trouvent-ils les soins médicaux adaptés ?
Il y a souvent dans les villes d’importance des hôpitaux publics dépassés par l’affluence et
manquant de médicaments pour soigner tout le monde, mais aussi des établissements religieux
(comme des couvents ou des monastères) dans l’ensemble du pays qui sont capables de fournir le
strict minimum, ainsi que des médecins privés qui eux sont très chers. Par conséquent, ce sont en
majorité les gens les plus aisés ou bien ceux qui ont la chance d’être aidés par une association qui
peuvent bénéficier de soins médicaux. Concernant les enfants, ils seront pour la plupart au moins
vaccinés s’ils vont à l’école.
3. Dans quelles conditions les aliments sont-ils conservés ?
La conservation des aliments n’est pas facile dans un pays pauvre et c’est l’une des choses qui m’a
le plus étonné. A part les restaurants, quelques magasins et la partie la plus riche de la
population, personne ne dispose d’un réfrigérateur. La viande et le poisson ne peuvent pas être
conservés frais ce qui les rend soit très chers, soit avariés. La principale solution, pour la viande,
c’est de garder les animaux vivants jusqu’à la vente (beaucoup de malgaches parcourent ainsi les
villes avec des paniers remplis de poules à vendre par exemple !). Le poisson quant à lui est
éventuellement séché et ne se trouve que très rarement frais dans les villes éloignées des côtes. Pour
les fruits, céréales et légumes, le problème de la conservation se pose moins car les villes sont en
général situées dans des zones où l’agriculture est possible.
Une boucherie et une épicerie à Antananarivo, Madagascar
4. Où les habitants de Madagascar trouvent-ils leur nourriture ?
Les malgaches utilisent la nourriture qui est à leur disposition dans les environs du lieu où ils
habitent. Il est peu probable qu’un stock de légumes ou que des animaux par exemple soient
déplacés de plus de 100km de leur lieu d’origine, car le transport de marchandises est cher et reste
donc assez local. Bien sûr, il y a quelques grandes entreprises (grands agriculteurs, brasseries ou
multinationales de l’agro-alimentaire) qui disposent de camions pour parcourir de longues distances
afin de fournir les épiceries ou rares supermarchés des grandes villes, mais ce n’est pas là le flux de
nourriture qui concerne la majorité de la population
5. Dans quelles conditions vivent les personnes à Madagascar ?
J’ai surtout résidé dans des villes lors de mon séjour donc je préfère ne parler que de la population
urbaine. La description pourrait être longue mais je crois que les éléments essentiels à retenir sont :
- l’absence d’eau potable ; toute eau doit donc être bouillie avant d’être bue, à moins
d’acheter des bouteilles d’eau minérale hors de prix pour la plupart.
- les conditions d’habitation : la plupart des malgaches ne vivent pas dans des immeubles
ou maisons en dur, mais dans des constructions réalisées par eux-mêmes en bois et en tôle. Ils
disposent également de beaucoup moins d’espace que nous et il n’y a pas de chauffage à moins
qu’ils ne puissent faire du feu.
Le type de construction majoritaire pour les habitations, Madagascar
6. Quel est le moyen de transport sur l’île le plus utilisé ?
Beaucoup de malgaches ne se déplacent qu’à pied. Ils sont si peu habitués aux moyens de
locomotion motorisés comme la voiture, le train ou le minibus (qui ne sont utilisés fréquemment que
par les chauffeurs, la partie aisée de la population, et occasionnellement par la classe moyenne) que
lorsqu’ils ont la rare occasion d’en utiliser c’est pour eux une aventure, mais ils risquent aussi de
vite se sentir mal.
7. Quelle est l’ambiance de vie à Madagascar malgré la pauvreté ?
J’ai été agréablement surpris par l’ambiance de vie à Madagascar car je n’ai pas été beaucoup
exposé à la misère qui est surtout présente dans la capitale Antananarivo. Les gens que j’ai
rencontrés sont pauvres bien sûr, mais réussissent en général à travailler et à survivre avec peu.
Cela n'empêche d’ailleurs pas les malgaches d'être heureux et c'est une chose qui m'a marqué, de
voir ces sourires et cette détermination dans leurs visages. Les plus riches sont les principaux exclus
de la société malgache, tandis que le reste des habitants de l’île, plus pauvre, forme un ensemble
assez heureux. Cela fait réfléchir de voir qu’en Europe les exclus sont les plus pauvres.
8. Seriez-vous prêt à tout faire pour aider les habitants de Madagascar ?
Cela dépend de ce que vous entendez par « tout faire ». Si vous entendez tout donner et consacrer
ma vie pour eux, non, je ne pense pas. Il n’est pas facile d’oublier sa propre culture et ses racines
pour se dédier à un monde si différent, surtout lorsqu’on peut déjà effectuer tant d’actions de
solidarité pour les habitants de son propre pays. Par ailleurs, la situation de Madagascar est
différente par rapport à d’autres pays pauvres d’Afrique. Un pays peut être pauvre car il l’est
physiquement (pas de ressources, pas d’agriculture), mais ce n’est pas le cas de Madagascar (terres
riches, belle situation géographique entre l’Afrique et l’Océan Indien). Je dirais que Madagascar
est plus sous-développé que pauvre, car depuis la décolonisation française son gouvernement est
faible et corrompu. Par conséquent, bien que l’action locale soit nécessaire et très utile pour les
malgaches, c’est surtout à partir du haut que les choses peuvent changer, grâce à un véritable
gouvernement qui agisse pour le bien de la population. Et ça n’est pas facile…
9. En quoi consistait votre mission ?
J’ai travaillé pour une ONG (Les Enfants du Soleil) dont le but est d’héberger et d’éduquer les
enfants abandonnés vivant dans les rues. Pour y parvenir, cette ONG possède des villages
d’enfants à Madagascar, mais ces villages manquent de moyens financiers pour offrir un cadre
parfait pour ces enfants déjà marqués par une vie difficile. Mon rôle a été pendant 6 semaines avec
d’autres étudiants d’apporter des fonds financiers, notre force de travail et notre savoir pour
soutenir ces villages. Nous avons amélioré les conditions de vie et de sécurité des villages
(installation de panneaux solaires, réparation des murs, achat de fournitures et de couvertures par
exemple) en travaillant chaque jour et participé à l’éducation et à l’ouverture culturelle des enfants
en donnant des cours chaque soir.
Les garçons du foyer Follereau du village d’enfants de Fianarantsao,
avec ses deux éducatrices et les quatre étudiants en mission, Madagascar
10. Qu’est-ce qui vous a motivé pour partir en mission humanitaire ?
En vivant en France, je me suis rendu compte que je ne connaissais qu’une seule société et qu’une
seule culture : celle des pays occidentaux. J’ai voulu vivre l’occasion de connaître autre chose pour
mieux pouvoir juger et connaître la partie du monde dans laquelle j’ai toujours vécu. De plus je me
suis toujours dit que je me devais d’être solidaire avec ceux qui n’ont pas eu la chance de naître où
je suis né et cette mission a été un moyen pour y parvenir.
11. Voudriez-vous vivre à Madagascar et pourquoi ?
Je pense que je serais prêt à vivre à Madagascar pour une durée déterminée si dans le cadre de mon
travail ou de mon engagement dans la solidarité internationale je pouvais être utile dans
l’amélioration des conditions de vie des malgaches.
12. Si cela était possible, referiez-vous une mission humanitaire ?
Bien sûr, oui. Mais j’aimerais faire plus. Il y a beaucoup à faire dans des pays comme
Madagascar, et les aides procurées par les ONG sont très peu coordonnées entre elles et avec les
acteurs locaux. Cette aide pourrait être beaucoup plus efficace, et j’aimerais désormais participer à
l’amélioration de cette coordination.
13. Sur une échelle de 10, pouvez-vous nous dire combien d’habitants sont
touchés par la malnutrition ?
Je sais qu’un enfant de moins de 5 ans sur deux souffre de malnutrition chronique, donc je pense
que 4 à 5 malgaches sur 10 sont touchés par la malnutrition.
Trois enfants laissés pour compte, Madagascar
Ps. Pour plus d’informations sur mon association ou sur l’ONG qui nous a
encadrés,
vous
pouvez
consulter
ces
deux
sites
internet :
http://mada.campus.ecp.fr/ & http://les-enfants-du-soleil-madagascar.org/