LA PRESSE ET L`ÉCOLE

Transcription

LA PRESSE ET L`ÉCOLE
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
La presse et l’école ont ceci de commun qu’elles sont l’une et l’autre de puissants
moyens de diffusion culturelle, capables d’atteindre l’ensemble d’un territoire et d’une
population. Toutes deux connaissent une expansion considérable au XIXe siècle et se
généralisent au siècle suivant.
Avec ce dossier, il s’agit d’étudier leurs relations réciproques. En premier lieu, la presse
vue de l’école à travers des exemples de projets pédagogiques originaux, et ensuite
l’école vue de la presse, comme un sujet d’actualité, avec ses marronniers, ses nouvelles exclusives...
Mais alors qu’internet vient les concurrencer sur le champ de la diffusion des savoirs,
nous envisagerons aussi comment celui-ci permet d’entretenir et de renouveler les correspondances entre l’univers journalistique et le monde scolaire.
Dossier coordonné par François Salaün
DR
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
DOSSIER
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
LA COMMUNICATION
LIBERTÉ D’EXPRESSION
ET SCOLARITÉ OBLIGATOIRE,
MÊME COMBAT !
6
ET L’ÉCHANGE À L’ÉCOLE
Depuis Célestin Freinet, l’utilisation de la presse
en classe suscite de nombreux projets originaux.
À l’heure du numérique, les pratiques se renouvellent.
À
l’origine du mot
presse, on trouve le
nom bien concret de
l’outil qu’utilisa Gutemberg,
pour sa machine à imprimer qui permettait de « presser » les feuilles de papier sur
les caractères encrés. Par un
déplacement métonymique,
figure de contigüité bien
connue des linguistes, le mot
en est venu à désigner les
textes mis sous presse pour
être imprimés et permettre
la diffusion de l’information.
Le rythme de leur parution
s’organisa pour donner naissance à nos quotidiens, hebdomadaires et autres mensuels et magazines. Au fil des
inventions technologiques :
radio, télévision, numérique,
les moyens d’information se
sont multipliés et le sens du
mot presse s’est élargi : on
parle de presse « écrite » et
de presse « audiovisuelle ».
LES ANCIENS
ET LES MODERNES
Face à ces nouveautés qui
bouleversent les schémas
établis, on retrouve le clivage
humain classique entre pionniers enthousiastes, conservateurs réticents et partisans
du juste milieu.
Qui dit presse pense évidemment à Célestin Freinet
et à sa pédagogie novatrice
fondée sur l’activité créatrice
des élèves. Il considérait
l’école comme un authentique lieu de production et
d’utilisation des textes et
institua pour ses élèves la
pratique du texte libre et le
Sgen-CFDT -- Profession
Sgen-CFDT
ProfessionÉducation
Éducationn°217,
n° 217,
janvier
janvier
2013
2013
© Association Amis de Freinet - www.amisdefreinet.org
Dans son premier discours
de président, François
Hollande a rendu hommage à Jules Ferry, ou plutôt aux lois sur l’obligation
scolaire qui portent son
nom. Or, par un effet de
coïncidence, la même année que les textes de Jules
Ferry, en 1881, est publiée
la loi sur la liberté de la
presse qui supprime les
freins aux pratiques journalistiques, et entraine un
formidable essor de « l’imprimé périodique ».
Si la III e République est
bien proclamée le 4 septembre 1870, sa première
décennie est dominée
par une majorité conservatrice à la Chambre qui
rêve d’une restauration
de la monarchie. Ce n’est
qu’en 1879 que les républicains s’imposent véritablement, et ils remporteront par la suite toutes
les élections jusqu’à la
fin du siècle. Avec les lois
sur l’école et la scolarité
obligatoire, il s’agit, pour
beaucoup d’entre eux, de
répandre l’idéologie des
Lumières, opposée au catholicisme ultramontain,
jugé obscur et principal
fondement intellectuel
des conservateurs.
Aujourd’hui, on peut
douter que la presse et
l’école constituent des
moyens d’influencer l’opinion, d’autant que les lois
Falloux donnant un poids
considérable à l’Église
sous Napoléon III n’ont
empêché ni la chute du
Second Empire, ni la création d’un État laïc. Les
lois de 1881 sont surtout
emblématiques des valeurs
de liberté et d’égalité qui
fondent le régime républicain : égalité d’accès à
l’école, au droit de publier,
liberté de ses opinions,
grâce à l’alphabétisation,
et de leur expression. Voilà
bien des transformations
sociales qui ont permis à
la démocratie de perdurer.
Comme le montre ce dossier, la presse et l’école
restent complémentaires
et entretiennent toujours
des relations fructueuses.
À l’école Freinet de Vence (1936-1940).
journal de classe rédigé et
imprimé par les élèves euxmêmes. Il introduisit dans sa
classe une presse à imprimer et créa « l’Imprimerie
à l’école ». La rédaction du
journal scolaire mobilise et
croise dans une tâche complexe de nombreux savoirs
et compétences. En 1927, il
publia la première revue de
textes d’enfants, La Gerbe.
Puis ce fut La Bibliothèque
de travail, première encyclopédie pour enfants. Moins
loin de nous et dans un
autre domaine, certains se
souviennent d’avoir vu en
direct dans leur école, assis
autour d’un poste de télévision, Youri Gagarine accomplir son exploit ou appris à
chanter la Complainte du petit cheval blanc de Paul Fort
aussi bien que « L’Amour de
moy » avec la radio scolaire.
Mais il est aussi beaucoup
d’écoles et d’établissements
où les appareils audiovisuels
ne quittaient pas l’armoire du
fond de la classe.
À l’heure d’internet, la question se pose à nouveau du
bon usage des technolo-
gies de l’information et de
la communication. Plutôt
que prohiber ces outils, il
est utile d’en apprendre le
maniement car s’informer,
échanger, communiquer,
sont à la base des relations
humaines. Si l’enfant est un
récepteur, il est aussi une
personne capable de penser et d’être « émetteur ».
En offrant des interactions
qui « socialisent » le savoir
scolaire, on favorise les apprentissages. L’élève doit
être accompagné sur les
chemins de la connaissance
et de la communication. En
ouvrant l’école à des partenariats, on instaure un va-etvient dynamique et fécond
entre l’école et le monde.
Lorsque l’école s’ouvre aux
pratiques sociales de référence, elle joue pleinement
son rôle éducatif en préparant la personne de l’élève
à sa vie future pour qu’il devienne un adulte lucide, éduqué et autonome, acteur de
sa vie, conscient et solidaire
du monde qui l’entoure.
Anne-Marie Martin
DOSSIER
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
JOURNALISME ET ÉDUCATION
MARIE-CAROLINE MISSIR
Quelle est la place de l’école
dans les rédactions de presse ?
La plupart des rédactions ont
des journalistes spécialisés
dans le domaine de l’éducation. L’éducation est malheureusement perçue comme un
sujet mineur par les rédacteurs
en chef, et qu’il suffirait d’être
mère de famille pour en assurer le suivi… Vous remarquerez d’ailleurs que la plupart des
journalistes éducation sont des
jeunes femmes. Or, c’est un
sujet très politique, très clivant
dans la société française et qui
fait régulièrement la une de
l’actualité. C’est une des raisons qui a motivé la création
de l’association des journalistes
éducation en juin 2011 : sensibiliser les rédactions et fédérer la profession. Nous faisons
actuellement le tour des écoles
de journalisme, pour sensibiliser les étudiants et leurs professeurs à la nécessaire spécialisation dans ce domaine.
Quand l’école fait-elle la une ?
Comme les syndicats et les observateurs le déplorent, le sujet
qui revient régulièrement est
celui des violences scolaires.
Cette forte présence tient bien
sûr au tropisme de la presse
pour les sujets sensationnels :
la violence scolaire est en passe
de devenir un marronnier, particulièrement au moment de
la rentrée, provoquant polémiques et débats, et bien souvent un sursaut de l’opinion.
Les ministres successifs s’en
emparent, élaborent des plans
contre la violence, sans inverser la tendance. Mais lorsque
l’on se penche sur les chiffres,
on s’aperçoit que la violence
scolaire n’augmente pas dans
les faits. C’est son traitement
qui grossit. À ce propos, il est
important pour les journalistes
que les données du ministère
sur ce thème, et sur d’autres,
soient publiées, car elles sont
un outil indispensable d’analyse
de l’actualité. Plusieurs rapports
de la Depp (direction de l’évaluation et de la prospective) et
autres rapports d’inspections
générales n’ont pas été rendus
publics par le précédent gouvernement. Il faut rester vigilants
pour qu’ils le soient désormais,
comme s’y est engagé le nouveau ministre Vincent Peillon.
Quelles sont les évolutions
récentes ?
Les choses ont beaucoup changé avec l’arrivée au pouvoir de
Nicolas Sarkozy, en 2007. On
a vu alors des « spin doctors »
(professionnels de la communication) prendre les commandes
pour imposer un agenda médiatique soutenu et provoquer
une accélération de l’actualité et des réformes : annonce
dès le week-end dans le JDD,
reprises sur les radios et dans
les matinales du lundi, conférences de presses calées le
mardi ou le jeudi, et un à deux
déplacements « d’illustration »
par semaine. Une stratégie de
communication offensive, qui
ne laissait guère de répit aux
rédacteurs. Xavier Darcos a été
un ministre particulièrement
actif dans ce domaine, à ses
risques et périls. L’effet de cette
accélération de la « com » éducative a été de remettre l’éducation au cœur de l’agenda médiatique. Les sujets éducatifs,
comme les rythmes scolaires
par exemple, sont devenus des
sujets brulants. Parallèlement,
avec la montée en puissance
des médias en ligne, des réseaux sociaux comme Twitter,
très utilisé par les journalistes,
le rythme de l’information s’est
considérablement accéléré.
Enfin, et ce n’est pas nouveau,
le vécu scolaire est partagé par
tous. Une large partie des citoyens se sentent concernés
par les sujets éducatifs. Nous
DR
Après avoir été journaliste à l’AEF, Marie-Caroline Missir
est aujourd’hui rédactrice en chef adjointe de L’Express.fr.
Elle préside aussi l’Association des journalistes éducation (Ajé).
avons tous une relation personnelle à l’école, au moins de
l’ordre du souvenir ou de l’expérience, et une « pensée » sur
ce sujet. Nous le voyons notamment sur le web, où tous les
sujets éducation sont largement
commentés par les internautes.
L’actualité est en effet de plus
en plus « partagée », commentée. Elle se construit aussi
avec l’expertise et les réactions
des lecteurs. C’est la nouvelle
donne du journalisme « participatif », un enjeu passionnant,
avec lequel nous devons désormais compter.
Propos recueillis
par François Salaün
Pour aller plus loin :
Marie-Caroline Missir nous demande d’indiquer que ses propos
n’engagent pas les membres de
l’Association des journalistes éducation. Retrouvez sur le site de
l’Ajé (journalistes-education.net /
archives/919) de nombreux témoignages sur les relations entre les
medias et l’école, notamment de
Nathalie Mons, Marie Duru-Bellat,
Antoine Prost, Yves Fournel, Philippe
Meirieu, Philippe Watrelot, ou encore de Nicolas Demorand.
LA PRESSE SPÉCIALISÉE DANS LE DOMAINE DE L’ÉDUCATION
Pour remplacer Le Monde de
l’éducation, revue de référence
disparue en 2008, le pôle éducation du Monde anime une
« chaine éducation » sur le site
du quotidien et publie trois supports hebdomadaires : La lettre
de l’éducation (4 pages destinées
aux professionnels), une newsletter électronique (La Toile de
l’éducation, sur l’actualité du
web enseignant) et un supplément Universités & grandes
écoles.
D’autres revues existent, plus
destinées aux professionnels de
l’éducation et dont les articles
sont souvent écrits par des enseignants investis, des cadres
éducatifs ou des chercheurs. On
peut citer le mensuel Cahiers de
l’éducation, attentif aux aspects
pratiques ou réglementaires.
Autre exemple, VEI-Diversité
(édité par le CNDP) réfléchit au
croisement des problèmes sociaux, urbains et éducatifs.
Les nouveaux médias ont également investi le champ éducatif. L’AEF, agence d’information
spécialisée, est aujourd’hui un
acteur essentiel (mais accessible uniquement sur abonnement). Le Café pédagogique
(cafepedagogique.net) s’est imposé comme un espace central
pour suivre l’actualité éducative, à l’instar du site vousnousils.fr qui se présente comme
l’e-mag de l’éducation.
Sgen-CFDT
Sgen-CFDT--Profession
ProfessionÉducation
Éducationn°
n°217,
217, janvier 2013
7
DOSSIER
PROJETS INTERDISCIPLINAIRES
AU LYCÉE LOUISE MICHEL
Enseignante à mi-temps
d’une classe de CM1CM2 en campagne et
d’une classe de CE2-CM1
en ÉCLAIR, dans le quartier Nord d’Amiens, j’ai
eu envie de participer à
la semaine de la presse
pour amener mes élèves
à découvrir les médias,
multiplier les lectures et
les inciter à la critique
constructive. Cette semaine a été source de multiples activités : réception
de journaux variés d’où
de multiples activités de
tri, découverte de la première de couverture, de la
une, des annonces... Dès
la première séance, nous
avons rencontré de nombreuses difficultés, tant à
la campagne qu’en Zep :
les élèves, néophytes, devaient rapporter des journaux, et la majeure partie
de la classe a apporté des
tracts publicitaires... Il a
donc fallu travailler les
différents supports écrits,
les sensibiliser à la périodicité, au public visé par
telle ou telle presse... Les
élèves ont tous été intéressés malgré la technicité du
vocabulaire ! Cependant,
de nombreux points négatifs ont été soulevés : cela
m’a semblé difficilement
évaluable, le réinvestissement étant inexistant
s’ils ne manipulent pas ce
support. C’est un travail
de longue haleine, il ne
peut se cantonner à une
semaine ! La presse est
8
étrangère aux élèves et
cela demande au moins un
abonnement de la classe
sur l’année scolaire afin
d’approfondir le travail
abordé lors de ce temps
fort qu’est la semaine de
la presse.
Stéphanie Watel
Aude Paul enseigne les lettres modernes en Seine-Saint-Denis.
Titulaire de zone de remplacement depuis cinq ans,
elle est engagée dans plusieurs projets qui reposent sur la presse.
A
ude a d’abord travaillé
avec et sur la presse
dans le cadre de l’Atelier sciences-po à Bondy, fruit
d’une convention éducation
prioritaire de sciences-po : les
élèves devaient réaliser un
dossier de presse pour entrer
dans une logique de sélection
élitiste. Mais localement, les
professeurs ont fait le choix
d’utiliser ce dispositif pour amener des élèves à se confronter
de manière interdisciplinaire à
des enjeux multiples.
Le lycée Louise Michel, où
elle exerce maintenant, utilise son autonomie pour faire
vivre des projets conçus par
les professeurs. En fonction
des projets et des équipes
construits par les collègues,
la direction de l’établissement regroupe des moyens
horaires (enseignement d’exploration, accompagnement
personnalisé, heures supplémentaires données via le
CLEMI ou au titre de l’expérimentation), et compose des
emplois du temps qui permettent le travail en équipe
et la coanimation. Ainsi, Aude
participe à deux projets interdisciplinaires qui utilisent tout
au long de l’année la presse.
REVUES DE PRESSE
Dans le cadre des « méthodes et pratiques scientifiques », des élèves de seconde réalisent des revues
de presse sur la biodiversité
et le changement climatique.
Ils repèrent l’information, la
structure de l’argumentation.
Ils produisent des synthèses,
doivent faire le lien avec leurs
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
connaissances scientifiques.
Ils réalisent des comptes
rendus écrits ou sous forme
d’exposés et de jeux de rôle
(rejouer la conférence de
Cancun par exemple).
Depuis deux ans, avec des
professeurs de sciences
économiques et sociales,
de documentation, d’espagnol, d’histoire-géographie
et de mathématiques, Aude
participe à un projet qui dispose d’une demi-journée
par semaine en regroupant
les heures de « littérature et
société », celles d’accompagnement personnalisé et la
dotation du CLEMI (Centre de
liaison de l’enseignement et
des médias d’information).
DR
SEMAINE DE LA PRESSE
DANS DEUX ÉCOLES
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
qu’ils peuvent situer le point
de vue, les ficelles de l’argumentation. Ils apprennent ainsi
à repérer les différences entre
la presse gratuite et d’autres
quotidiens comme Le Monde
ou Libération, mais ils repèrent
aussi les positionnements politiques des médias.
DIVERSITÉ DES SUJETS
INTÉRÊT DES ÉLÈVES
Sur un thème (l’immigration,
le Paris de la découverte,
par exemple), les élèves réalisent des revues de presse,
une émission de radio, des
articles, des unes... les professeurs dans ce cadre
organisent des visites (Cité
nationale de l’histoire de l’immigration, Bibliothèque Elsa
Triolet, exposition Dali...) des
rencontres avec des professionnels des médias, au lycée
ou sur leur lieu de travail.
À l’occasion de ce travail, les
élèves déconstruisent successivement plusieurs représentations : tout ce qui est écrit
n’est pas neutre, mais ce n’est
pas parce que l’auteur a des
opinions politiques marquées
qu’il manipule son lecteur, et
finalement ils comprennent
que c’est en confrontant les
sources et les connaissances
Si Aude ne perçoit pas d’évolution radicale des écrits scolaires de ses élèves, elle trouve
qu’au fil de l’année, ils sont
plus autonomes, se mettent
plus vite au travail écrit et s’organisent plus facilement en
groupe. Interrogés sur ce que
leur apporte cette expérience,
ils soulignent le plaisir à travailler dans la durée, sur un projet, avec la confiance de leurs
professeurs.
Catherine Nave-Bekhti,
Sgen-CFDT 9-3-4
Pour en savoir plus.
Fréquences school :
reporterdunjour.fr
L’émission de radio sur le site du
lycée Louise Michel :
llmb93.ac-creteil.fr/spip.
php?article118
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
DOSSIER
LA RADIO DES ÉLÈVES,
UNE EXPÉRIENCE PÉDAGOGIQUE
En 2012, le lycée Jean d’Alembert d’Issoudun a accueilli l’opération
« Radio lycée » financée par la région Centre. Valérie Mottu, professeuredocumentaliste témoigne de cette expérience et de son intérêt pour les élèves.
A
lors que l’oral est
toujours le moyen
d’enseignement le
plus prisé des professeurs,
la radio, le média oral par excellence, entre très rarement
dans les établissements scolaires, et encore moins dans
les Centres de documentation et d’information, qui ont
hérité de leurs ainées bibliothèques une certaine culture
du silence.
En 2012, le lycée professionnel Jean d’Alembert
d’Issoudun a accueilli l’opération « radio lycée » financée
depuis dix ans par le Conseil
régional du Centre. C’est une
opération lourde qui mobilise
un établissement dans son
ensemble, même si dans
notre cas peu de professeurs
ont saisi la chance de l’insérer
dans leurs cours. Il s’agit en
effet de produire trente-cinq
heures d’émissions en direct,
de mobiliser des élèves pour
devenir animateurs, journalistes, techniciens radios.
Nous avons choisi le volontariat, avec peu d’encadrement.
La parole était libre dans le
cadre des lois sur la presse
(avec une restriction sur la po-
litique, car nous avons diffusé
en période électorale, et les
règles du CSA sont alors trop
contraignantes). Les élèves
devaient travailler sur le projet
en dehors des cours et sans
compromettre leurs études.
40 sur 350 se sont lancés
dans l’aventure.
APPRENDRE SUR LE TAS
En matière d’éducation aux
médias, rien ne vaut l’apprentissage sur le tas. C’est
quand les élèves se sont
trouvés devant un micro
(un petit micro enregistreur
pour les essais) qu’ils ont
compris toute l’ampleur du
travail à fournir et surtout
l’impossibilité d’improviser.
Ils ont donc écrit. Un quart
d’heure d’émission revient
à écrire trois à quatre pages
de texte. Si l’orthographe
n’est pas primordiale, le
style doit être rigoureux et
simple afin d’obtenir un discours fluide. Et pour écrire, il
leur faut chercher la matière
de leur discours ou de leur
interview, donc faire des recherches documentaires, au
CDI, auprès de leur entou-
rage, chez eux. Et
ils ont appris à parler, ce qui signifie
moduler son débit,
poser sa voix, trouver le ton juste,
éviter le blanc,
raccrocher après
une réponse. Ils
ont aussi appris à
gérer le stress et
la poussée d’adrénaline quand il faut
prendre l’antenne,
ou de l’autre côté
de la table de
mixage, rattraper
une fin d’émission
un peu abrupte.
Il a aussi fallu travailler en équipe : se connaitre,
se reconnaitre, ne pas juger
mais jauger ses partenaires,
accepter les critiques mais
aussi savoir se rassurer les
uns les autres. Pendant la semaine de diffusion, une incomparable fraternité est née dans
cette équipe, et c’est peutêtre, avant toute chose, ce
qu’ont retenu les aventuriers
de la radio.
Certes, la radio n’a pas été
aussi aboutie que nous l’aurions voulu, certes, elle n’a
pas été accompagnée d’une
réflexion en profondeur sur
les médias. Mais elle a permis
à plus de quarante élèves de
toucher du doigt la réalité d’un
média. Elle leur a fait prendre
conscience de leurs possibilités en termes de communication, de discipline et d’investissement personnel.
Valérie Mottu,
professeure-documentaliste
Lycée Jean d’Alembert,
Issoudun (36)
CLASSES PRESSE ET CLASSES À PEM (PROJET ÉDUCATION MÉDIAS)
Les projets faisant intervenir
la presse et, plus largement,
l’ensemble des médias sont
susceptibles de s’inscrire
dans des dispositifs institutionnels qui apportent un
soutien dont on aurait tort
de se priver !
Les « classes presse » sont
reconduites chaque année
dans les départements du
grand ouest (académies de
Caen, Nantes, Poitiers et
Rennes). Centrées sur l’utilisation de la presse en classe,
elles donnent lieu le plus
souvent à des appels d’offre
lancés à l’automne qui permettent de sélectionner plusieurs établissements. Les
projets retenus bénéficient
de partenariat avec différents
journaux et des soutiens des
conseils généraux, inspections académiques et des
équipes locales du CLEMI.
Les académies de Bordeaux,
Créteil et Poitiers proposent par ailleurs des
« classes à PEM » destinées
aux équipes s’engageant
dans des projets qui associent les pratiques médiatiques et pédagogiques.
Sur la base de projet, les
classes retenues disposent
d’un appui du CLEMI et de
moyens supplémentaires.
Enfin, l’académie de Paris
a mis en place des « classes
médias » dans des collèges
et des lycées professionnels
qui se donnent des objectifs
similaires.
Pour tout connaitre des dispositifs mis en place dans
les académies, consultez
le site de votre rectorat
ou contactez l’antenne du
CLEMI dans votre académie
(coordonnées sur le site du
CLEMI : clemi.org).
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
9
DOSSIER
RESSOURCES ÉDUCATIVES
DANS LA PRESSE
UNE JOURNALISTE
La presse classique se décline
parfois dans des formats uti-
À L’ÉCOLE
Dossiers et documents du
Monde. On doit aussi saluer
l’initiative du site presseurop.
eu, financé par l’Union eurpéenne et qui traduit quotidiennement une sélection d’articles
de la presse internationale.
La presse jeunesse offre parallèlement des supports utiles
lorsqu’elle s’efforce de vulgariser depuis longtemps les
sciences (La Hulotte) ou l’histoire, et, plus récemment,
l’actualité (Mon quotidien des
éditions Play-bac, Le journal
des enfants, hebdomadaire)
et même l’éducation civique
(Citoyens junior, éditions Faton).
Les médias télévisuels deviennent aussi accessibles
grâce aux sites internet : lesite.
tv (piloté par le CNDP) ou le
nouveau Francetv éducation
(education.francetv.fr). On peut
y retrouver des extraits d’émissions ou même de journaux
télévisés, et l’accès n’est pas
limité aux enseignants.
La presse est une ressource
pour les enseignants aussi
grâce aux nombreux titres tournés vers la pédagogie sans s’y
limiter. Les plus connus sont
sans aucun doute les Cahiers
pédagogiques, inlassables promoteurs de la transformation
de l’école. On trouve aussi dans
cette presse militante Dialogue
(des GFEN) et Le Nouvel
Éducateur (de l’ICEM-Freinet).
Plus neutres, les éditions Nathan
ont regroupé leurs publications
sous un titre unique L’École aujourd’hui, avec des cahiers spécialisés (maternelle, élémentaire,
images & son). Le CNDP continue l’édition de plusieurs revues
dont les célèbres TDC (un numéro thématique par quinzaine)
ou le récent bimensuel L’École
numérique au titre explicite.
Vincent Soulage
Christelle Ploquin est journaliste à la télévision.
Elle est intervenue à plusieurs reprises dans des classes
pour l’éducation aux médias.
Quelles sont les relations
entre la presse et l’école
dans ton parcours professionnel ?
Ça a commencé grâce à mon
instit de CM1, qui nous faisait débattre de l’actu. C’était
passionnant... Puis, journaliste à Arrêt sur Images, j’ai
été sollicitée par le documentaliste d’un collège parisien. Première intervention,
première découverte de la
capacité critique des élèves...
C’est en parlant avec une
amie de cette expérience que
nous avons pensé une intervention dans sa classe, un
CM1 d’un quartier défavorisé
de Marseille. Elle m’a beaucoup aidée à élaborer un programme donnant les bases
de la presse, sur trois jours,
adapté au niveau des élèves.
J’ai réitéré dans un collège
de Rennes, puis à l’IUT de
Cachan, en réadaptant les
exercices et les exemples
d’actualité. Lorsque je travaillais à À toi l’@ctua (journal télévisé quotidien pour
les enfants) il m’est arrivé de
faire des tournages en classe.
J’aimais beaucoup : c’était
l’occasion de faire de la pédagogie sur les médias. Les
Mikaëlle Fresneau
lisables par les enseignants,
sur le modèle des célèbres
10
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
enfants avaient toujours des
questions sur notre métier,
son fonctionnement.
Peux-tu nous préciser le
déroulement de tes interventions en classe ?
Je commence par leur parler
des médias en général, en
partant de ce que savent les
élèves. J’aborde les différents
supports, la fréquence de parution, la presse d’information générale ou spécialisée... On fait
du vocabulaire ! Puis, je rentre
dans le contenu, les bases de
l’écriture, le QQOQCP (qui,
quoi, où, quand, comment,
pourquoi), réaliser une interview... La troisième phase est
l’analyse d’une une, puis je
leur propose de réaliser la leur
en distribuant une quinzaine
d’informations. Ensuite, on
LES MÉDIAS RÉGIONAUX SE MOBILISENT
Les éditeurs régionaux ont
fondé l’Association région
presse enseignement jeunesse (Arpej) en 1977. Trenteet-un journaux participent à
des actions au sein du système éducatif et confortent
le travail du CLEMI.
Des opérations nationales
(Les jeunes écrivent la
France) ou internationales
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
(Les jeunes écrivent l’Europe)
ont été mises en place aux
côtés d’opérations locales
(Journalistes d’un jour en
Alsace et Rhône-Alpes ou
Classes presse en Bretagne).
L’Arpej met également à disposition des écoles du matériel pédagogique et des lots
de journaux.
pressealecole.fr/larpej
regarde leurs unes, on critique,
on compare...
Quel bilan en tires-tu ?
Je retiens un grand intérêt de la part des élèves, et
à chaque fois, beaucoup de
créativité. Je suis surprise de
tout ce qu’ils savent, mais
qu’ils n’arrivent pas à trier. La
comparaison des unes qu’ils
ont réalisées créait toujours
de vrais débats sur la hiérarchisation de l’information dont
l’ambiance n’a rien à envier
aux conférences de rédaction
professionnelles. (« On ne va
quand même pas mettre les
résultats du foot sur la une ?
– Pourquoi pas ? C’est quand
même plus important que le
mariage de Kate et William !
– N’importe quoi ! Je vous
rappelle qu’il y a eu un tremblement de terre en Haïti ! »)
C’est vraiment passionnant.
J’ai la conviction que ce n’est
pas assez fait dans les écoles,
qu’il n’y a pas assez d’éducation aux médias, alors qu’on
sait que les enfants passent
plus de temps devant la télévision qu’en classe !
Propos recueillis
par Matthieu Ploquin
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
DOSSIER
VALORISER, INNOVER, CONCILIER...
PASCAL FAMERY ET CAROLE HOURT
Que représente en volume la
presse écrite par les élèves ?
Carole Hourt - Dans le cadre du
dépôt pédagogique dont il est
responsable, le CLEMI a reçu
en 2011-2012, 244 journaux lycéens, 391 journaux collégiens
et 240 journaux d’école, soit
près de 900 titres au total. Le
CLEMI publie chaque année, La
Revue de presse des journaux
scolaires et lycéens (clemi.org).
Pascal Famery - Mais cette
formalité est peu connue et on
peut estimer qu’il existe deux
à trois fois plus de journaux.
Quelles sont ses qualités ?
CH - La presse scolaire
est un support de valorisation de la parole des élèves.
Libre ou élaborée avec des
enseignants, elle rencontre
un public immédiat : enseignants, parents et, bien sûr,
les autres élèves.
PF - La réalisation d’un journal
favorise l’acquisition de plusieurs compétences du socle
commun (maitrise de la langue
française, techniques usuelles
de l’information et de la communication, compétences sociales et civiques) ainsi que l’au-
tonomie et l’initiative. C’est un
aspect essentiel de l’éducation
aux médias : produire implique
de décrypter les langages médiatiques. Cela permet aussi
d’instaurer des relations différentes avec les enseignants.
CH - Les élèves peuvent ainsi
s’exprimer sur des questions
de vie scolaire, sur l’état des
bâtiments, le règlement intérieur… Le journal est un facteur de régulation.
Quelles sont ses difficultés ?
CH - Les rédactions manquent
souvent de moyens de reproduction pour leurs tirages en
nombre. L’accès à la photocopieuse est difficile si le journal
ne figure pas dans le projet
d’établissement.
PF - La place que l’on accorde
à la parole des élèves ne va pas
de soi. Les pratiques de presse
au lycée sont réglementées
par la circulaire de 1991, mais
ce n’est pas le cas au collège,
ce qui pose parfois des problèmes. À partir du moment
où les élèves expriment des
opinions, un point de vue sur
le collège, il peut y avoir des
incompréhensions. Le principal,
François Salaün
Carole Hourt et Pascal Famery
animent le secteur des journaux
scolaires et lycéens et de
l’expression des jeunes au CLEMI.
directeur de publication par défaut, peut craindre les réactions
des parents, une détérioration
de l’image de son établissement
et souhaiter contrôler ce qui est
dit. Les élèves s’engagent parfois dans des projets, travaillent
pour élaborer une expression
publique et, au final, leur publication pose problème parce que la
place des uns et des autres n’a
pas été clairement définie. Pour
éviter ces difficultés, il faut instituer un véritable dialogue entre
les adultes concernés.
Quelle est la place du numérique ?
PF - Avec la révolution des médias, chacun aujourd’hui produit
des expressions publiques et
ne se contente plus d’en recevoir. Le besoin est réel de sensibiliser les enseignants pour
développer l’apprentissage
d’une expression maitrisée.
CH - Le journal imprimé que
l’on distribue dans la cour de
récréation permet un contact
direct avec son public. Une
des difficultés rencontrées
par les élèves tenant un blog
réside peut-être dans l’identification de leur lectorat,
surtout en l’absence de commentaires sur leurs billets. Qui
les lit ? Et donc pour qui écrivent-ils ? Le CLEMI propose
un magazine en ligne, Des
Nouvelles des élèves (scoop.
it/t/des-nouvelles-des-eleves),
où sont publiés des extraits
de blogs et de sites d’information scolaires, afin que les différentes équipes enrichissent
mutuellement leurs médias
de commentaires.
PF - La presse scolaire et lycéenne en ligne est aussi un
véritable casse-tête juridique.
La circulaire sur la presse
lycéenne délimite la diffusion
des journaux au sein des établissements, ce qui n’est pas
le cas des blogs. Un modèle de
fonctionnement pour la presse
numérique reste à inventer.
Propos recueillis
par François Salaün
L’ASSOCIATION JETS D’ENCRE ET LA PRESSE D’INITIATIVE JEUNE
Avec ou sans moyens, avec ou
sans aide, mais toujours avec la
rage et le plaisir de s’exprimer,
les jeunes prennent la parole
et créent des journaux dans les
lieux de vie qui sont les leurs.
Souvent porteurs d’un regard
différent ou décalé sur la société dans laquelle ils évoluent,
conscients de l’importance
de ce droit à l’expression, les
jeunes créent des journaux qui
leur ressemblent. Phénomène
unique et majeur, cette presse
originale reste néanmoins
confrontée à de nombreuses
barrières, de l’indifférence
à la censure, qui sont autant
d’atteintes au droit d’expression des jeunes. C’est pour cela
que Jets d’encre consacre son
activité à la reconnaissance et
à la défense des expériences
de presse écrite réalisées par
les jeunes de 12 à 25 ans,
qu’elles aient pour origine le
cadre scolaire et universitaire,
ou non (conseil d’enfants et
de jeunes, maison de quartier,
association). L’association fédère depuis 2004 les journalistes jeunes grâce à plusieurs
réseaux régionaux et organise
de nombreux évènements à
dimension nationale ou locale
pour encourager la création de
nouveaux journaux et valoriser
les publications déjà existantes.
Jets d’encre anime l’Observa-
toire des pratiques de presse
lycéennes, organisation composite, groupe de réflexion et
de médiation formé par dix-huit
acteurs de la presse lycéenne.
Anna Lentzner,
déléguée à la communication
de l’association Jets d’encre
En savoir plus : jetsdencre.asso.
fr ; creerunjournallyceen.fr ;
obs-presse-lycenne.org
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
11
11
DOSSIER
L A P R E S S E E T L’ É C O L E
John-Paul Lepers
reporter citoyen
DR
John-Paul Lepers participe au
projet TéléLibre dont le but est de
former des « reporters citoyens ».
J
ournaliste impertinent
pour Canal, John-Paul
Lepers a quitté les
grandes chaines pour l’aventure de la TéléLibre et la formation de reporters citoyens
ouverte aux jeunes des quartiers populaires.
Ils sont venus de BoulogneBillancourt, Créteil et Stains,
en banlieue parisienne, loin
des paillettes et du strass des
plateaux télé, en 2010, pour la
première promotion de l’École
des métiers de l’information.
Une action menée par des
journalistes professionnels regroupés au sein d’un mouvement coopératif et soutenue
par la Région Ile-de-France et
l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des
chances. Pendant trois ans,
ils se sont initiés aux subtilités de l’audiovisuel en vue de
devenir « reporters citoyens ».
GRAMMAIRE DE L’IMAGE
12
John-Paul Lepers, l’un des
initiateurs du projet, souhaite ainsi « ouvrir la porte de
la profession de journaliste à
ceux qui n’ont pas de réseau
professionnel ou qui ne sont
pas dans l’excellence scolaire.
Aujourd’hui, parmi les journalistes, on ne trouve presque
que des « bons élèves » et
je pense que la profession de
journaliste, plus qu’une autre,
a besoin de « mauvais élèves »
pour avoir un regard différent.
Nous ne prenons pas que
des « mauvais élèves » mais
je pense qu’il faut avoir des
gens d’origines sociales différentes, des gens qui sont en
décalage avec cette société,
qui sont critiques ». Selon lui,
« un caméraman, un monteur,
ne vont pas avoir à écrire avec
l’orthographe et la grammaire
française mais ils peuvent
comprendre la grammaire de
l’image et du son. En France,
la plupart des métiers sélectionnent sur la base de la grammaire et l’orthographe, sauf la
musique, le sport et l’humour.
Dans les banlieues, il n’y a pas
que des gens qui peuvent s’en
sortir par le sport, la musique
ou l’humour, ces métiers-là ont
aussi cette qualité ».
VIVRE ENSEMBLE
Au delà des acquis techniques,
ajoute John-Paul Lepers, « la
promesse de « reporters
citoyens », c’est d’abord de
favoriser l’éclosion de citoyens
actifs qui maitrisent les outils
modernes de communication
qu’on rencontre dans l’audiovisuel ». Plongés dans l’action, ces jeunes, souvent à la
recherche de repères, découvrent les règles du « vivre ensemble » que l’école a du mal
à leur faire partager car elles
y restent trop souvent abstraites. « Ces mêmes règles,
qui peuvent être abstraites
en théorie, deviennent très
concrètes pour le journalisme,
assure-t-il. Il y a des règles
de respect : on ne filme pas
quelqu’un à son insu, on ne
diffuse pas son image sans lui
demander son avis. Si on veut
qu’une personne vous parle, il
faut la respecter, lui dire bonjour, lui expliquer ce qu’on
fait, la convaincre de s’exprimer. Au plan technique, c’est
la même chose, il faut être
bien préparé : si vous appuyez
sur le bouton de la caméra
et qu’il n’y a pas de batterie,
ce n’est pas sérieux. Pour le
son, le montage, il faut être
précis... Toutes ces règles,
qui sont contraignantes, sont
des règles de vivre ensemble.
Elles sont ici appliquées parce
qu’elles sont nécessaires et on
les apprend parce qu’on en a
besoin ».
PARTAGE SUR INTERNET
L’équipe de la TéléLibre accueille aussi des groupes d’enseignants et intervient, dans
un collège de Gennevilliers, à
l’occasion de la semaine de la
presse à l’école. « C’est l’occasion de donner aux jeunes des
clés critiques pour se rendre
compte de la manière dont
on peut manipuler une image
et combien il faut être vigilant
pour ne pas se faire abuser »,
explique John-Paul Lepers.
« Eux-mêmes font des images
avec leurs téléphones portables. Il est important qu’ils
sachent que, si le partage sur
internet est une richesse, il y a
des règles, celles de la démocratie : respect de la personne,
droit à l’image, à la vie privée.
Tout le monde, aujourd’hui,
peut être médiateur mais il y a
des cadres à respecter ».
Pierre Frustier
SEMAINE DE LA PRESSE À L’ÉCOLE
Du 25 au 30 mars aura lieu
la 24e semaine de la presse à
l’école. Le CLEMI qui organise
l’évènement définit ainsi ses
ambitions : « aider les élèves,
de la maternelle aux classes
préparatoires à comprendre
le système des médias, à former leur jugement critique, à
développer leur gout pour l’actualité et à forger leur identité de citoyen. » Comme le
montre ce dossier, le travail
avec la presse est aussi l’occasion d’innovation pédagogique, d’un apprentissage par
l’action, pourrait-on dire, et de
projets interdisciplinaires.
Sgen-CFDT - Profession Éducation n° 217, janvier 2013
Le thème retenu cette année
est le suivant : « Des images
pour informer ». Il peut bien
entendu donner lieu à un travail
d’analyse sur le statut et le rôle
de l’image vis-à-vis du texte
qu’elle illustre, ou encore à des
exercices de création visuelle,
aujourd’hui facilités par les
nouveaux outils numériques.
En inscrivant sa participation
sur le site du CLEMI, il est
possible de bénéficier de journaux gratuits, de documents
d’accompagnement pédagogique, ou encore d’organiser
une rencontre avec des journalistes. Attention cependant,
les inscriptions seront closes
le 9 février 2013.
Mais le travail avec la presse
peut aller bien au-delà de la
seule semaine où elle est fêtée. Le CLEMI et ses antennes
régionales proposent quantité
de formations, de ressources
multiples, qui peuvent être très
utiles à celles et ceux qui souhaitent utiliser la presse comme
un levier de réussite éducative.