PROJET DE THESE POETIQUE N`ZASSA ET BUTINAGE. POUR
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PROJET DE THESE POETIQUE N`ZASSA ET BUTINAGE. POUR
PROJET DE THESE POETIQUE N'ZASSA ET BUTINAGE. POUR UNE ESTHETIQUE PLURIELLE DES TEXTES AFRICAINS. Le roman est un genre qui, compte tenu de son élasticité, incorpore en son sein d’autres genres. Il permet d’introduire dans son entité toutes espèces d’écritures, tant littéraires (nouvelles, poésies, poèmes, saynètes) qu’extra-littéraires (études de mœurs, textes rhétoriques, scientifiques, religieux, etc.). En principe, n’importe quel genre peut s’introduire dans la structure d’un roman, et il n’est guère facile de découvrir un seul genre qui n’ait été, un jour ou l’autre, incorporé par un auteur ou un autre. Ces genres conservent habituellement leur élasticité, leur indépendance, leur originalité linguistique et stylistique. Grâce au pouvoir du roman à dévorer toutes les formes, Adiaffi a créé son style qu’il a appelé « N’zassa ». C'est donc à la lumière de la poétique n'zassa que prône Adiaffi, dans Les naufragés de l’intelligence1, que nous allons étudier l'esthétique plurielle des textes africains qui s'adonnent à un véritable butinage. Avant toute analyse, une définition du terme « poétique » en général et celle de « poétique n’zassa » en particulier s’impose. Il est presque impossible de parler de poétique sans penser à Aristote. Ce célèbre philosophe a donné le premier des préceptes qui, jusqu’à nos jours devaient être considérés presque universellement comme des lois littéraires. « Comme Platon, Aristote place l’art non pas dans une copie servile, dans un réalisme grossier, mais dans une imitation originale et idéalisée, et regarde comme la source de la poésie le besoin d’imiter naturel à l’esprit, joint au plaisir d’avoir réussi dans l’imitation »2. De même, la poétique, telle qu’elle est développée par Edouard Glissant, nous sera d’une grande utilité. Ecrivain contemporain et ressortissant 1 ADIAFFI, Jean-Marie Adé. (2000) : Les naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA. 2 LAROUSSE, Grand dictionnaire universel du XIXème siècle. des Antilles francophones, il a publié de 1950 à nos jours, de nombreux recueils de poésie, d’essais, de pièces de théâtre et de romans. « La poétique -le mot entendu dans son sens ancien ou étymologique (poiesis)- c’est simplement toute « invention » faite dans et par le langage. Loin de viser seulement la composition d’un poème, elle fonde l’invention de toutes les œuvres humaines : l’histoire, la culture, la société, même l’économie » 3 . Et selon l’encyclopédie, « la poétique est l’étude des formes littéraires et plus particulièrement de la stylistique, de la narratologie, des figures de styles. Elle est l’étude de l’art littéraire en tant que création verbale »4. Toutes ces définitions de la poétique mises à côté du terme n’zassa nous permettent de mieux comprendre la poétique n’zassa et forment une conception de l’écriture qui nous permettra d’éclairer notre corpus (Les naufragés de l’intelligence5, Silence, on développe6, La vie et demie7, L’étrange destin de Wangrin ou les roueries d’un interprète africain8) tout au long de notre étude. Dans la langue d’Adiaffi, le terme n’zassa appartient au vocabulaire de la couture. Il désigne « un pagne africain, une sorte de tapisserie qui rassemble, qui récupère des petits morceaux perdus chez les tailleurs pour en faire un pagne multi pagne, un pagne caméléon qui a toutes les couleurs, qui a plusieurs motifs »9. Dans le contexte de la création littéraire, le n’zassa apparaît comme la métaphore indiquée pour se référer à un texte qui, à l’instar du conte oral africain, rassemble harmonieusement des genres littéraires aux formes, poétiques et fonctions différentes. A l’image du tailleur qui compose son pagne n’zassa au hasard des morceaux de tissus récupérés, le créateur de l’œuvre littéraire n’zassa recourt, au gré de son inspiration et de ses intentions esthétique et idéologique, aux genres constitutifs de sa compétence artistique. Il aboutit, selon l’expression d’Adiaffi, à un « genre sans genre » 3 4 GLISSANT, Edouard. (1981) : « Poétique naturelle, poétique forcée » in Le discours antillais, Paris : Gallimard, pp 401-419. Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, article « Poétique », p.193, Paris, 1995. 5 ADIAFFI, Jean Marie Adé. (2000) : Les naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA. 6 ADIAFFI, Jean Marie Adé. (1992) : Silence, on développe, Paris, Nouvelles du Sud. 7 LABOU-TANSI, Sony. (1979) : La vie et demie, Paris, Seuil. 8 BA, Amadou Hampâté. (1973) : L’étrange destin de Wangrin ou les roueries d’un interprète africain ? Paris, Union Générale d’Editions. 9 ADIAFFI, Jean Marie Adé. (2000) : Les naufragés de l’intelligence, Abidjan, CEDA, p.5. qui s’affranchit de la triade générique classique : roman, poésie, théâtre. L’écriture N’zassa est au confluent de plusieurs genres et cultures et se caractérise par l’ouverture sur l’Autre. Au fait, le mélange des genres a toujours été une constante chez Jean-Marie Adiaffi. Cette manière qu’il a de faire des emprunts dans tous les domaines, on l’appelle butinage. Et ces emprunts, il les modifie à sa guise pour produire une esthétique romanesque originale. Qu'est-ce qui favorise ce butinage? La mobilité des objets culturels et le flux globaux ont pour effet collatéral de favoriser la naissance de sociétés hétéroclites et de sociétés cosmopolites ou impures. Dans les ouvrages que nous allons étudier, les sociétés représentées sont tournées vers l’extérieur. Elles ne vivent pas en autarcie, en vase clos mais sont plutôt ouvertes aux autres cultures. Car, les emprunts extérieurs font partie intégrante de toute culture vivante et dynamique. Ces romans sont un brassage de cultures. En effet, Adiaffi utilise des éléments de différentes cultures qu’il retravaille pour produire son œuvre n’zassa. Il puise dans telle ou telle culture des aspects qu’il assemble harmonieusement pour faire jaillir une culture universelle, multiculturelle. Il fait éclater les limites et brise les résistances pour aller se nourrir chez les autres, pour jouir du patrimoine des autres. C’est une culture qui bouge dans tous les sens, qui se meut de l’Asie à l’Amérique en passant par l’Afrique et l’Europe. Avec le ‘style’ n’zassa, Adiaffi recycle des éléments empruntés à diverses cultures pour produire une œuvre transculturelle où la culture est en perpétuel transit. Pluriethnique et multiculturel, son roman brise les résistances pour jouir du patrimoine de l’autre. Elles célèbrent une culture de « l’ici et de l’ailleurs », sans frontière, transcontinentale et inscrite dans la logique de la mobilité et de l’affaissement des frontières culturelles. C’est ainsi qu’elles s’affirment aussi en créant une nouvelle façon de véhiculer leur message. Ces auteurs recherchent et acquièrent une grande autonomie dans l’écriture. Parmi eux, l’écriture de Sony Labou Tansi apparait dans toute sa spécificité. Anatole Mbanga, dans son interprétation de l’œuvre de ce dernier, déclare : « L’écrivain tente de casser la rigueur lexicale et syntaxique qui caractérise habituellement le texte (ou le récit) littéraire »10. Sony Labou Tansi fait usage de la langue française tout en la pliant à ses caprices pour décrire le monde et exprimer son imagination. Mbanga constate aussi que « c’est dans la quête du renouveau et de la spécificité 10 MBANGA, Anatole. (1996) : Les procédés de création dans l’œuvre de Sony Labou Tansi, Paris, l’Harmattan, p. 67. qu’il faudra chercher à comprendre le principe d’un style parodique et du jeu verbal dans les récits contestataires de Labou Tansi » 11 . Par la distorsion des règles syntagmatiques et paradigmatiques, Labou Tansi se crée une poétique qui, tout à la fois, s’articule sur les codes sociaux, secoue leur pouvoir sémiotique et vise une autonomie discursive. Dans ses romans, sont jetées les bases d’un nouveau roman africain qui cherche à se donner forme. Ces romans fondent en puissance une nouvelle liberté qui, paradoxalement, frise quelquefois l’excès de mécanisation : le roman s’assouplit, mais se crispe, devient plus malléable, mais se montre plus enclin à une schématisation de ses formes et de ses thèmes. Avec les romans de Sony Labou Tansi, les modalités de l’écriture romanesque subissent des déplacements qui conduisent à un renouvellement en profondeur du genre. Dès lors, on note que le roman africain de langue française se démarque néanmoins du modèle occidental sur certains points. En étudiant de près les techniques de narration de la littérature africaine, on constate que l'une des fibres qui sous-tendent et nourrissent à la fois le roman africain moderne est l'oralité. Pour beaucoup de spécialistes, l'adaptation de la tradition orale, les formes prosodiques, esthétiques et stylistiques empruntées à cette tradition précoloniale et millénaires constituent la spécificité du roman africain de langue française. L'accent est mis sur les entres-jeux, les interférences, les intertextualités et la relation réciproque entre l'oralité et l'écriture. L'écrivain africain a donc un soubassement et une fondation sur lesquels s'appuyer, en plus d'un riche vivier de genres littéraires où s'inspirer: contes, épopées, généalogies royales et familiales, poèmes, énigmes, proverbes, adages, chroniques historiques et littéraires, mythes, et ainsi de suite. Henri Lopez ou Sony Labou Tansi, par exemple, et parmi d'autres, illustrent bien cette thèse dans leurs écrits. La poétique n’zassa est une nouvelle poétique qui s’élabore. Nous montrerons qu’elle est l’œuvre par l’innovation au niveau de l’esthétique, par la transgression des formes classiques de l’écriture et par le caractère hybride des textes africains au niveau thématique qui favorisent le butinage. Toute culture, qu’elle soit africaine, occidentale, asiatique, ou américaine, se doit, de compter avec les transformations socio-économiques et culturelles que le progrès technique a provoquées à travers le monde. Car, si chaque culture est à la fois riche par sa philosophie respective, elle est aussi handicapée par ce qui lui manque, mais qui est apporté par l'autre. Toute culture devrait donc s’engager résolument dans les voies de la modernité et de la 11 Op.cit, p. 87. créativité. Il s’agit donc d’assumer le passé dans ce qu’il a de dynamique et de créateur et de se tourner vers l’avenir que nous deviendrons les producteurs d’une culture nouvelle capable de répondre aux grands problèmes de notre temps. On est maintenant dans un monde caractérisé par la mondialisation, la globalisation, bref dans un village planétaire. La transculturalité est un thème d’une grande importance et que nous aborderons dans notre travail. Dans le contexte de notre étude, la transculturalité peut être définie comme étant une ouverture aux autres, un contact perpétuel. C’est ce que suggère le préfixe « trans » qui la situe au-delà des cultures. Le postulat de base de la transculture est que la culture ne doit pas être renfermée, repliée sur elle-même. Elle ne doit pas être considérée comme un bien exclusif appartenant à un seul peuple ou provenant d’un seul territoire. La culture d’un peuple doit s’ouvrir aux autres, elle est une affaire de contact perpétuel, elle est transformation, changement éternel. La culture n’est ni déterminée, ni fixe, ni rigide, ni donnée une bonne fois pour toutes. En plus, étant une notion au carrefour de plusieurs domaines, disciplines et genres, la transculturalité aiguise notre sens de l’ouverture et du contact dans la mesure où elle nous présente l’autre à travers sa culture, sa religion et réduit les différences d’avec autrui ; car au niveau thématique, elle postule une véritable circulation des valeurs, un univers hétérogène, voire impur. De même, le postmodernisme nous permet entre autre de comprendre ce thème. Il n’y a pas à proprement parler une esthétique postmoderne. L’auteur postmoderne recycle ce qui existe déjà : il remet au goût du jour d’anciennes modes, mélange les styles, les cultures, les registres. Notre objectif sera de démontrer l’innovation du roman africain francophone au niveau de l’esthétique et son caractère hybride qui se manifeste à travers le butinage. Ce qui, on l'espère, nous permettra d'aboutir à un résultat satisfaisant.
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