Académie nationale de Pharmacie

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Académie nationale de Pharmacie
Académie nationale de Pharmacie
Fondée le 3 août 1803 sous le nom de Société de Pharmacie de Paris
Reconnue d’utilité publique le 5 octobre 1877
Compte rendu de la séance académique
du mercredi 1er avril 2009
1.
ELOGE DE PIERRE MALANGEAU PAR GEORGES MAHUZIER
L’éloge du Doyen Pierre Malangeau (1910-2008), membre de l’Académie nationale de Pharmacie est prononcé
par Georges Mahuzier, en présence de sa famille. [le texte de cet éloge sera publié in extenso dans la brochure
« Travaux Académiques 2009 ».]
2.
TRAVAUX SCIENTIFIQUES & PROFESSIONNELS
2.1.
EXPOSE
« La neurofibromatose de type 1 : 20 ans entre l’identification du gène NF1 et le développement des
thérapeutiques »
Pr. Michel VIDAUD, UMR 745 Inserm Génétique et biothérapies des maladies dégénératives et prolifératives
du système nerveux (Directeur Pr. AUBOURG) – UFR Pharmacie – Université Paris Descartes, Service de
Biochimie et Génétique moléculaire – Pôle BIPP – Hôpital Beaujon AP-HP
La neurofibromatose de type I (NF1, MIM 162200) est aussi appelée maladie de Recklinghausen du nom du
médecin allemand, Friedrich Daniel von Recklinghausen, qui le premier a décrit cette maladie en 1881. Elle est
une des plus fréquentes maladies génétiques à transmission autosomique dominante. Le gène NF1 est un des
gènes dont le taux de mutation spontanée est un des plus importants chez l'homme : environ la moitié des
personnes atteintes par cette maladie est le résultat d'une mutation de novo. Son incidence mondiale est de 1 pour
3 000 naissances et plus de 20 000 individus atteints en France.
Cette maladie a fait la une de l’actualité en 2007 lorsque l'équipe du professeur Laurent Lantieri de l'hôpital Henri
Mondor de Créteil (Val-de-Marne) a effectué une greffe de visage (nez, bouche, menton, joues) sur un malade
dont le visage était déformé par des neurofibromes plexiformes volumineux.
Il est à noter que Joseph Merrick qui se produisait à Londres sous le surnom de « l'Homme éléphant » a
longtemps été considéré comme atteint de la neurofibromatose de type I. En réalité, il a été récemment admis
qu’il était en fait porteur d’un syndrome de Proteus lié à des mutations du gène PTEN.
Critères diagnostiques
Une conférence de consensus du National Institute of Health de Bethesda (USA) a permis, en 1988, de préciser
sept critères cardinaux pour le diagnostic de la neurofibromatose de type 1. Le diagnostic de la NF1 est posé si
deux de ces signes sont réunis chez un même individu :
1
Un apparenté du premier degré atteint (parent, fratrie ou enfant)
2
Au moins 6 taches café au lait (TCL)
> à 1,5 cm après la puberté
> à 0,5 cm avant la puberté
3
4
Lentigines axillaires ou inguinales
Au moins deux neurofibromes quel que soit le type
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ou
Au moins un neurofibrome plexiforme
5
Gliome du nerf optique
6
Au moins 2 nodules de Lisch (hamartome irien)
7
Une lésion osseuse caractéristique
Pseudarthrose
Dysplasie du sphénoïde
Amincissement du cortex des os longs
Chez l'adulte, le diagnostic de NF1 est en règle facile sur les données de l'examen clinique. Mais, chez l'enfant,
les TCL peuvent demeurer longtemps le seul signe. En l'absence d'antécédents familiaux de NF1, le diagnostic
demeure parfois en suspend jusqu'à l'apparition du second critère diagnostique. La symptomatologie évolue avec
l'âge et le diagnostic sera, en général, affirmé avant le début de l'adolescence.
Les signes cutanés apparaissent progressivement. Les taches café au lait peuvent être présentes en nombre
suffisant dès la naissance ou apparaissent au cours des deux premières années. Les neurofibromes cutanés sont
rares dans la petite enfance et apparaissent généralement pendant la pré-adolescence. Ils peuvent représenter la
manifestation la plus visible de la maladie mais ne se transforment pas en tumeurs malignes. Lorsqu'ils sont peu
nombreux ou atypiques, un examen anatomo-pathologique peut aider au diagnostic. Les neurofibromes
plexiformes sont généralement présents à la naissance. Une transformation maligne de ces tumeurs est possible.
Les nodules de Lisch dont la présence est pathognomonique de la NF1 apparaissent avec l'âge et sont retrouvés
chez la majorité des adultes atteints de neurofibromatose de type 1. Ils sont détectés par un examen à la lampe à
fente.
En résumé, cette maladie est d’expression clinique très variable. Elle est dominée par la présence de tumeurs
bénignes des gaines nerveuses périphériques dénommées neurofibromes (NF) dont on distingue plusieurs types
de pronostic très différent : les NF cutanés, d’une part et les NF sous-cutanés et plexiformes, d'autre part, qui
seuls sont susceptibles de se transformer en tumeurs malignes (MPNSTs) de très mauvais pronostic.
Génétique
La neurofibromatose de type 1 est une maladie autosomique dominante : un malade atteint de NF1 peut la
transmettre à chacun de ses enfants avec un risque de 50 % quel que soit le sexe. La moitié des patients présentent
des néomutations : aucun des deux parents du patient n'est malade. La grande variabilité phénotypique de la NF1
peut faire méconnaître la présence d'antécédent familial et sa recherche se fait grâce à un interrogatoire rigoureux
et par la pratique d'un examen clinique (examen dermatologique et ophtalmologique en particulier) des parents
et/ou de la fratrie.
Gène NF1 : Identifié en 1990 chez l'homme, le gène NF1 est localisé au niveau de la région péri-centromérique
du bras long du chromosome 17 (17q11.2). Il s'étend sur 350 kilobases d'ADN génomique et s’exprime dans tous
les types cellulaires. Il s’agit d’un gène suppresseur de tumeur qui code une volumineuse protéine cytoplasmique
(2818 acides aminés) apparentée à la famille des protéines GAP (GTPase-activating protein) régulant
négativement la voie RAS/MAPK.
Les travaux menés
Ces dernières années, des progrès très significatifs ont été accomplis dans la compréhension de la maladie.
L’analyse des données phénotypiques de larges cohortes de patients et de familles NF1, grâce à la constitution
d’une base de données depuis 10 ans, laquelle rassemble à ce jour 577 familles soit plus de 1000 patients, a
permis de montrer que le locus NF1, dans sa version sauvage ou dans sa version délétère, n’était pas impliqué
dans la variabilité d’expression clinique de la maladie. En revanche, pour un certain nombre de traits cliniques, il
était possible d’impliquer d’autres gènes « dits modificateurs » susceptibles d’être maintenant identifiés par les
nouvelles approches de génomique explorant l’ensemble du génome humain. L’identification de ces gènes
modificateurs permettra non seulement de progresser dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie
mais également d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
L’analyse génotypique de ces patients a montré que, dans 88 % des cas, les mutations siègent dans le gène NF1
lui-même. Dans 4% des cas, il existe de très grands réarrangements du locus NF1 pouvant atteindre plusieurs
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millions de paires de bases. De façon surprenante, chez 8 % des patients on ne retrouve pas de mutation du gène
NF1 suggérant l’existence d’autres gènes à identifier, comme par exemple récemment le gène SPRED1 impliqué
également dans la régulation négative de la voie RAS/MAPK. Les nouvelles possibilités de séquençage à haut
débit du génome humain devraient permettre, dans un avenir proche, d’identifier l’ensemble des gènes impliqués
dans la neurofibromatose de type I et les syndromes apparentés.
Les modèles cellulaires et l’invalidation conditionnelle du gène NF1dans différents types cellulaires chez la
souris ont permis de progresser dans la connaissance des mécanismes moléculaires les plus intimes et de montrer
le rôle essentiel des cellules de Schwann et du microenvironnement cellulaire, en particulier les mastocytes, dans
la genèse des neurofibromes.
Les pistes thérapeutiques
Récemment, la possibilité de recourir à des thérapeutiques ciblées a été démontrée dans des modèles cellulaires et
des modèles souris de la maladie. Des preuves de concept ont été apportées en particulier pour les thérapeutiques
ciblant les voies RAS/MAPK [Sunitinib (SU11248), Sorafenib (BAY 43-9006), Imatinib (STI 571)] et
mTOR/AKT [Rapamycin (Sirolimus) and Rapalogues] et les premiers essais thérapeutiques sont en cours.
Notre unité de recherche, en collaboration avec d’autres équipes (Pr. Michel Vidal, INSERM UMR 648 ; Pr. Eric
Raymond, INSERM U728) a développé une plateforme de criblage thérapeutique et des molécules ciblant ERK,
VEGFR1, SHH, …, sont en cours d’évaluation.
Ces travaux bénéficient du soutien en particulier de l’Inserm (réseau NF1), de la Ligue Française contre les
Neurofibromatoses, de l’Association Neurofibromatoses Recklinghausen, de l’ARC et de la Ligue contre le
cancer.
2.2.
COMMUNICATIONS
2.2.1. Vers un nouveau traitement non mutagène du rétinoblastome?
Philippe MAILLARD, UMR 176 CNRS/Institut Curie, Institut Curie, Bâtiments 110-112, centre universitaire,
91405 Orsay
La Photothérapie dynamique ou PDT est une approche récente de traitement de tumeurs cancéreuses de petites
tailles, accessibles en surface ou par endoscopie. Elle associe l’action conjuguée d’un photosensibilisateur, non
toxique à l’obscurité, se concentrant dans la tumeur, et d’une lumière focalisée sur celle-ci, de longueur d’onde
appropriée.
Le rétinoblastome (Rb), second cancer chez l’enfant après la leucémie, est la tumeur maligne intraoculaire la plus
fréquente. Son incidence est de 1/15 000 naissances. 60% des cas sont unilatéraux (âge médian 2 ans), la plupart
étant des formes non héréditaires, et bilatéraux dans 40 % des cas (âge médian 1 an). Toutes les formes
multifocales sont héréditaires et constituent un syndrome de prédisposition génétique au cancer. Le
rétinoblastome est mortel à court terme en l’absence de traitement.
Les traitements actuels vont de l’énucléation, dans les cas les plus graves, à des traitements conservateurs tels
que la cryothérapie, l’irradiation externe, la thermochimiothérapie au carboplatine. Cependant, du fait d’une
mutation du gène Rb1, 40 % des malades sont sensibles au traitement radiologique ou chimiothérapeutique et
risquent de développer un cancer secondaire à long terme (20 ans). D’où l’intérêt de rechercher un traitement
utilisant un agent non mutagène tel qu’un photosensibilisateur. Activement poursuivi à l’Institut Curie, le
développement de traitements alternatifs du rétinoblastome par des composés non mutagènes photoactivables
représente un véritable espoir de guérison, sans effets à long terme, pour les enfants malades.
Dans cet exposé nous présentons une stratégie de ciblage cellulaire de photosensibilisateurs porphyrines vers Rb,
que nous comparerons aux résultats obtenus avec un photosensibilisateur non ciblé. Nous présenterons également
quelques résultats in vivo sur un modèle animal de Rb, obtenus avec un photosensibilisateur glycoconjugué
actuellement en développement préclinique. Ces résultats seront discutés d'un point de vue photoefficacité,
biodistribution, pharmacocinétique, histologique et du suivi longitudinal de l'effet de la PDT grâce à une nouvelle
méthode d'imagerie de résonance magnétique en temps réel.
Le traitement actuel
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Le traitement classique du rétinoblastome par le carboplatine comporte quatre étapes, avec (1) injection
intraveineuse de carboplatine, (2) phase de répartition de celui-ci notamment dans la tumeur, (3) illumination par
laser thermique à l’emplacement de la tumeur afin de potentialiser l’action de l'agent antitumoral et (4), dans le
meilleur des cas, nécrose progressive de la tumeur, voire sa disparition.
La piste de la photochimiothérapie dynamique.
Il s’agit d’un traitement non mutagène, peu agressif, localisé au faisceau laser et répétable. Dans ce traitement, un
colorant ou chromophore injecté par voie intraveineuse va se concentrer dans la zone tumorale. Celle-ci est
illuminée par un laser de lumière visible, induisant la production d'espèces toxiques telles que des espèces
réactives de l'oxygène (ROS), qui vont éliminer les cellules tumorales (nécrose progressive et disparition de la
tumeur).
La photochimiothérapie utilisant des photosensibilisateurs dits de première génération tels que le Photofrin®
présente l’inconvénient d’une rétention assez faible du colorant dans la zone tumorale. Ceci a pour effet d'induire
des effets secondaires sur quelques semaines (photosensibilisation généralisée).
Pour tenter de contourner cette difficulté, nous travaillons sur la photothérapie dynamique vectorisée, en utilisant
une propriété spécifique des cellules tumorales pour cibler le photosensibilisateur. Les cellules de rétinoblastome
surexpriment un récepteur à mannose. Parmi les photosensibilisateurs préparés à l’Institut Curie, plusieurs portent
trois mannoses. Un des composés préparés est très phototoxique in vitro sur plusieurs lignées de rétinoblastome.
Il a été sélectionné pour une étude préclinique sur souris. Il s’agit de la porphyrine glyco-conjuguée présentée cidessous.
HO
HO
OH OH
O
HO
HO
OH OH
O
O
O
O
O
N
N
H
O
O
H
N
TPP(p-Deg-O-α-ManOH)3
N
O
O
OHHO
OH
OH
O
O
Il fallait disposer d’un modèle animal du rétinoblastome. Nous avons travaillé sur des souris xénogreffées
(xénogreffes de rétinoblastome issues directement d’anatomopathologies). Comme témoins, nous avons utilisé le
Foscan®, utilisé en photothérapie oncologique et la Visudyne® utilisée en photothérapie ophtalmologique.
Dans les conditions de l’étude, le Foscan® induit une régression tumorale et la Visudyne®, un ralentissement de la
progression tumorale. En revanche, dans les mêmes conditions (24 heures entre l’injection et l’illumination), la
porphyrine glycoconjuguée est inactive sur la xénogreffe bien que la lignée utilisée pour la xénogreffe soit
sensible au composé in vitro. Le manque d’efficacité pouvait-il provenir d’un problème de pharmacocinétique ?
Nous avons étudié la pharmacocinétique des composés sur la souris (Coll. EA 4041/IFR 141 Chatenay-Malabry)
Nous avons observé qu’après environ 20 minutes, le photosensibilisateur glycoconjugué est principalement
concentré dans la circulation sanguine et après 4 heures, le photosensibilisateur est concentré dans la tumeur
alors que pour les 2 composés précédents (Foscan® et Visudyne®,), il faut attendre 24 h pour qu’ils soient
retrouvés dans la zone tumorale.
A ce stade, il fallait que nous puissions réaliser un suivi longitudinal de l’effet du traitement. Pour cela, nous
avons utilisé une méthode d’imagerie magnétique non invasive mis au point très récemment dans l’unité U 759
INSERM. Cette méthode est basée sur les propriétés électromagnétiques du sodium23 (spin 3/2). Il s’agit d’une
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imagerie de l’espace extracellulaire, liée à la concentration en Na. La concentration normale en (Na)
intracellulaire est ≈ 7 mmolaire, et la concentration en (Na) extracellulaire ≈ 150 mmolaire. Si on est en présence
d’une :
–
région de faible densité cellulaire [Na] ≈ 150 mmolaire → Hypersignal en IRM
–
région hémorragique [Na] ≈ 150 mmolaire → Hypersignal en IRM
–
région de forte densité cellulaire [Na] ≈ 7 mmolaire → Hyposignal en IRM
Cela permet de disposer d’une imagerie anatomique, certes de faible résolution, mais fonctionnelle et sans ajout
d’agent de contraste permettant un suivi sur animal vivant pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines (M.
Lupu, C.D. Thomas, J. Mispelter. C. R. Chimie, 2008, 11, 515-52).
Nous avons utilisé deux protocoles de traitement :
–
Protocole I : Illumination 20 min après une seule dose I.V. de PS (permet l’observation de
l’effet vasculaire seul) ;
–
Protocole II : Deux injections I.V. de PS à 4 h d’intervalle suivies de l’illumination 20 min après
la seconde injection (permet l’observation de l’effet vasculaire et de l’effet cellulaire).
Nous avons observé les résultats d’imagerie anatomique selon les deux techniques IRM : IRM 1H et IRM 23Na.
Nous avons montré que l’IRM [Na], non-invasive sans ajout d’agent de contraste, permet l’évaluation ou le suivi
longitudinal d’un traitement :
–
En IRM 23Na, 2 h après traitement selon le protocole II, on observe l’apparition de dommages
cellulaires sur le trajet de la lumière, ce qui objective le double effet vasculaire et cellulaire, que
l’on ne peut observer avec l’ IRM 1H ;
–
En IRM 23Na, 24 h après traitement, toute la tumeur est « endommagée » avec un point
extrêmement lumineux, c'est-à-dire riche en 23Na et donc peut-être hémorragique ;
–
Treize jours après le traitement, on observe en IRM 23Na que le volume tumoral a beaucoup
diminué. La corrélation histologique montre qu’il y a 85,5 % de nécrose dans la partie
endommagée par le composé ciblé PDT.
Cette méthode d’imagerie permet également d’avoir accès au volume tumoral. Avec le protocole I (illumination
20 min après 1 injection de PS), on assiste à une repousse de la tumeur après 3-4 jours. Dans le protocole II
(illumination en 2 demi-doses de PS espacées dans le temps), grâce au double effet, vasculaire et cellulaire, on
assiste à une stabilisation du volume tumoral, voire une diminution.
Ces travaux ont été menés à l'Institut Curie, en collaboration avec le service d'oncologie pédiatrique de l'hôpital
Claudius Regaud, dans l’UMR 176 CNRS/IC (B. Loock, Ph. Maillard, synthèse), et l’U 759 INSERM/IC (M.
Lupu, C. Thomas, J. Mispelter, A. Volk, imagerie IRM 23Na). La pharmacocinétique a été étudiée par l’équipe
du Pr. Rognon, EA 4041/IFR 141 Chatenay-Malabry (P. Prognon, B. Chauvin, A. Kasselouri). Ces travaux
bénéficient de l'aide financier du programme incitatif et collaboratif de l’Institut Curie spécifique au
rétinoblastome (PIC Rb) et du soutien de l’association Rétinostop.
2.2.2. Modification de l’homéostasie magnésique par
l’hypomagnésémie sur l’activation lymphocytaire
la
ciclosporine
et
effet
de
Anne HULIN - UMR CNRS 7054 et Laboratoire de Pharmacologie, Faculté de Médecine Paris12 et CHU
Henri Mondor, Créteil
Présentation de travaux d’Anne HULIN (1), Pierre BAC(2), Michèle GERMAN(3)
1 UMR CNRS 7054 et Laboratoire de Pharmacologie, Faculté de Médecine Paris12 et CHU Henri Mondor,
Créteil
2 Faculté de Pharmacie, Université Paris-Sud 11, 92290 Châtenay-Malabry France.
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3 UMR CNRS 8162, IFR 13, Centre Chirurgical Marie-Lannelongue, 92350 Le Plessis-Robinson, France
Il s’agit d’un travail sur la ciclosporine, immunosuppresseur largement utilisé en transplantation d’organe solide,
en greffe de tissu composite ou de greffe de cellules. En termes de toxicité, la ciclosporine présente une
néphrotoxicité aigue ou chronique, une neurotoxicité, une hypertension artérielle et des perturbations
métaboliques et électrolytiques notamment à type d’hypomagnésémie.
Savoir si l’hypomagnésémie est une cause ou une conséquence de la néphrotoxicité de la ciclosporine,
notamment par une altération éventuelle de la réabsorption tubulaire du magnésium, est un sujet encore en débat.
L’étude de la littérature scientifique montre des positions contradictoires à ce sujet. Il est certain cependant que
l’hypomagnésémie induit une prédisposition à l’hypertension artérielle, à une néphrotoxicité, à des troubles
neurologiques à type de crises convulsives, notamment chez l’animal.
Notre objectif était double, d’une part, une description du statut magnésémique chez l’homme traité par
ciclosporine, d’autre part, comprendre ce qui se passe chez l’animal dans la régulation de l’homéostasie
magnésique sous traitement par ciclosporine et étudier l’impact d’une hypomagnésémie par carence alimentaire
sur l’activation lymphocytaire.
La première étude fut une étude rétrospective chez l’homme, menée au centre chirurgicale Marie Lannelongue,
chez 30 patients transplantés pulmonaires, âgés de 17 à 57 ans, dont 10 avaient bénéficié d’une greffe cœurpoumon, et les autres, d’une greffe bi-poumon. Ces patients étaient traités par la ciclosporine dès le premier jour
de traitement, les autres immunosuppresseurs administrés étaient identiques également (corticoïdes et
azathioprine). Les doses de ciclosporine ont été ajustées classiquement en fonction de la concentration sanguine
résiduelle. Le statut magnésémique de ces patients, avant la greffe, était normal quoique majoritairement de
valeur faible (mais normal). Ces patients ont reçu un traitement systématique par des sels de magnésium par voie
orale.
Nous avons ainsi analysé 1228 échantillons sanguins avec dosage du Mg et de la créatinine.
Au cours des 30 premiers jours après transplantation : nous avons constaté une l’apparition d’une
hypomagnésémie modérée statistiquement significative alors qu’en parallèle la créatininémie restait stable. Ainsi,
la magnésémie diminuait progressivement chez près de 40 % des patients, sans aucune corrélation avec la
créatininémie. Au delà du premier mois de traitement, la magnésémie est restée relativement stable, alors que la
créatinémie augmentait de son côté de façon statistiquement significative.
Nous avons alors comparé l’homéostasie magnésique chez des souris traitées pendant 50 jours par la CsA (50
mg/kg/jour) et soumises à un régime alimentaire normal (1400 ppm de Mg) ou déficient en Mg (50 ppm). Dans
ce dernier cas, nous avons évalué l’effet d’un apport oral de sels de Mg. Le traitement par la CsA induit une
hypomagnésémie modérée mais précoce et persistante, qui n’est pas corrigée par l’apport oral de Mg et qui est
aggravée lorsque le régime alimentaire est appauvri en Mg. Après 1 mois, nous avons observé une augmentation
de la créatininémie sans modification de la créatininurie et sans signe histologique d’atteinte rénale, et un défaut
d’absorption intestinale de Mg couplé à une mobilisation du Mg osseux.
En effet, nous avons étudié l’évolution du Mg dans les os des animaux et observé une diminution statistiquement
significative, avec mobilisation des réserves osseuses (même après 40 jours de traitement). En revanche, nous
n’avons observé une diminution du Mg dans les selles qu’à partir du 40ème jour, la diminution de la réabsorption
intestinale étant plus tardive.
Au final, ces données infirment nos hypothèses de départ puisque nous pensions que cette hypomagnésémie
pouvait être due à une fuite urinaire (ce qui n’est pas le cas) ou à diminution de la réabsorption intestinale
(laquelle n’a lieu que très tardivement). Or, il y a effectivement des phénomènes de compension qui se mettent en
place au niveau de la réserve osseuse, lesquelles devraient pouvoir compenser cette hypomagnésémie. Or, ce
n’est pas le cas. Aussi nous orientons-nous vers une autre hypothèse selon laquelle le magnésium subirait un
transfert intracellulaire et plus particulièrement intra-érythrocytaire. Nous poursuivons nos travaux dans cette
direction (dosage du magnésium intracellulaire et intra-érythrocytaire).
Par ailleurs, nous avons montré que l’hypomagnésémie sévère induite par l’alimentation carencée en Mg ne
modifiait ni la prolifération lymphocytaire ni la production d’IL-2 en condition allogénique in vitro. Cependant,
l’activité de la calcineurine, mesurée dans les splénocytes après 1 mois de régime carencé, est diminuée
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partiellement mais significativement par rapport aux souris en régime normal. Ainsi, l’inhibition partielle de
l’activité calcineurine induite par l’hypomagnésémie sévère ne serait pas suffisante pour modifier l’activation du
gène de l’interleukine 2. Cependant, il semble probable également que l’hypomagnésémie stimule une autre voie
de signalisation permettant la production normale d’Il-2.
En conclusion
2.3.
–
Après transplantation pulmonaire, la ciclosporine induit rapidement une hypomagnésie modérée
qui va précéder la diminution de la filtration glomérulaire. Aussi, pensons-nous que
l’hypomagnésémie est une cause plutôt qu’une conséquence de la néphrotoxicité de la
ciclosporine.
–
La ciclosporine modifie l’homéostasie magnésique avec une hypomagnésémie précoce, certes,
mais une diminution assez retardée de la réabsorption intestinale, vraisemblablement par un effet
sur les protéines de transport du magnésium.
–
Par ailleurs, notre étude a montré que l’hypomagnésémie par carence alimentaire diminuait
l’activité de la calcineurine dans les splénocytes. Existe-t-il un impact sur le rejet de greffes ?
Nous ne nous orientons pas vers cette hypothèse. Cependant, on peut penser que cela peut avoir
un impact sur la prise en charge des inhibiteurs de la calcineurine post greffe et c’est une voie
d’étude.
–
Enfin, l’hypomagnésémie par carence alimentaire ne modifie pas l’effet immunosuppresseur de
la ciclosporine. A priori il ne devrait pas y avoir de conséquence clinique si ce n’est que la
démarche thérapeutique devra certainement prendre en compte le fait que les effets de
l’hypomagnésémie constituent un facteur de risque supplémentaire vis-à-vis des effets toxiques
de la ciclosporine.
–
Dans tous les cas, il n’y a pas d’amélioration de la magnésémie par administration quotidienne
de sels de magnésium actuellement donnés en compensation. L’intérêt de l’apport systématique
de ces sels de magnésium serait donc à revoir.
QUESTION D’ACTUALITE
« Présentation de la révision de la loi bioéthique »
Patrick PELLERIN, Membre titulaire de l’Académie nationale de Pharmacie
La première loi de « Bioéthique » est celle du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et
produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
Elle devait être révisée au bout de 5 ans. Compte tenu du calendrier parlementaire et du fait qu’il n’y avait aucune
date butoir, elle fut en fait révisée en 2004 (loi du 6 août 2004 relative à la Bioéthique). Celle-ci doit être révisée
en 2009-2010.
On peut penser que ce sera le cas, d’une part parce que c’est la volonté du Président de la République, d’autre
part, parce qu’il y a une date butoir (absence de possibilité de nouveaux travaux ou prolongation de recherches
sur les cellules souches embryonnaire au 5 février 2001).
Des réflexions largement avancées (depuis 2 ans)
Un Colloque parlementaire a eu lieu sur le sujet en février 2007.
Plusieurs rapports ont été publiés dont certains sur commande du gouvernement :
9
Rapport de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques
9
Commission du Sénat
9
Comité Consultatif National d’Ethique
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9
Conseil d’Etat
9
Agence de La Biomédecine (ABM)
Les Etats généraux de la bioéthique
Après quelques incertitudes dues aux changements de Ministre de la Santé, le gouvernement a décidé de lancer
les Etats Généraux de la Bioéthique.
A l’occasion du lancement, Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, a prononcé les phrases suivantes
« Il faut savoir s’affranchir de la logique sondagière qui procède par addition de points de vue séparés,
produisant ainsi l’illusion d’une demande factice ».
Les Etats généraux de la bioéthique ont d’abord vocation à promouvoir la réflexion instruite et éclairée du plus
grand nombre sur des questions qui engagent notre avenir commun.
[…]Faire prévaloir une conception du progrès au service de l’humain, des malades… »
Un comité de pilotage
Les Etats Généraux sont gérés par un comité de Pilotage de 6 personnalités qui dispose de moyens du ministère et
de l’Agence de La Biomédecine
9
Jean Léonetti, député, médecin, Président
9
Alain Claeys : député (PS), Président de l’OPECST
9
Sadek Beloucif : médecin réanimateur, Président du conseil d’orientation de l’ABM
9
Claudine Esper : professeur de droit médical, membre du conseil d’orientation de l’ABM
9
Marie-Thérèse Hermange : sénatrice membre du comité consultatif national d’éthique
9
Suzanne Rameix : professeur de philosophie, (éthique médicale de l’université Paris XII.)
9
Membre du CO de l’ABM
9
Le rapporteur Alain GRAF, chargé en particulier de faire une synthèse des contributions.
On notera qu’il n’y a aucun patient dans ce comité de pilotage.
Des forums citoyens
Trois forums citoyens seront organisés, après le 7 juin, dans trois grandes villes de France (Marseille, Strasbourg
et Rennes). Un panel de citoyens interviendra au cours de débat avec les chercheurs. Ce panel bénéficiera d’une
formation sur 15 jours.
L’accès devrait se faire sur invitation.
Enfin un colloque final aura lieu fin juin à la cité des Sciences avec le Président de la République.
Cinq sujets phares ont été retenus par le Comité de Pilotage.
9
Le prélèvement et la greffe
9
La médecine prédictive
9
La recherche sur les cellules souches et l’embryon
9
L’assistance médicale à la procréation
9
Le diagnostic prénatal et préimplantatoire
Un site internet (Etats Généraux de la bioéthique)
L’ABM gère pour le compte du comité de pilotage un site Internet où l’on trouvera :
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Tous les documents légaux
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Des Documents et Rapports
CR séance académique 1er avril 2009
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Rapports d’information, mission, auditions et études parlementaires
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Des espaces éthiques
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Des agences sanitaires et organismes nationaux (académies etc.)
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Des sociétés savantes et des experts
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Des associations et syndicats
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Des religions et courants de pensées
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Des contributions personnelles
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Le calendrier des manifestations
Quelques grands enjeux
Patrick Pellerin considère que les grands enjeux de la révision de cette Loi sont les suivants :
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La procréation
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La recherche sur les cellules souches embryonnaires (autorisation ou dérogation) : Pour ce sujet – il y a
une date butoir au 6 février 2011, au delà de laquelle si les lois ne sont pas révisées, la recherche sur
les cellules souches embryonnaires ne sera plus possible en France
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Les Diagnostics Génétiques (médecine prédictive),
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Faut-il une Loi très précise ou une loi Cadre,
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Faut-il intégrer les neurosciences dans l’ABM ?
La parole au Parlement
Dès la rentrée, la révision de la Loi de Bioéthique appartiendra, comme il se doit, au législateur.
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