La libération des 1500 - Mémorial de l`Alsace
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La libération des 1500 - Mémorial de l`Alsace
fic h e p é dag o gi q ue I La libération des 1500 INTRODUCTION 1) Questions méthodologiques Si l’utilisation du témoignage comme document d’histoire soulève des questions méthodologiques propres à la matière historique, ainsi que celles liées à la mémoire, elle pose surtout la question fondamentale du lien entre destin individuel et histoire scientifique, ainsi que celle de leur utilisation pédagogique. C’est pourquoi ce dossier, inscrit dans ce double rapport, propose un sujet thématique sur «les 1500 » s’appuyant sur des documents de référence ou complémentaires. 2) Rappel du contexte - Défaite de la France (mai-juin 1940) - Armistice : (22 juin 1940) - Annexion de fait de l’Alsace-Moselle (juin 1940) - Campagne de Russie (à partir de juin 1941) - Promulgation de l’ordonnance concernant l’incorporation de force (25 août 1942 en Alsace, 29 août en Moselle) -C amp dit des prisonniers français de Tambov : entre 1944 et 1945, la plupart des Malgré-nous faits prisonniers par les soviétiques furent regroupés au camp de Tambov - Libération des 1500 (7 juillet 1944) - Fin de la guerre (8 mai 1945) Pour plus d’informations, voir le site du CRDP de Strasbourg : www.crdp-strasbourg.fr/alsaguerre Distribution de la soupe a Tambov Dessin de Thiam 3) Description du camp de Tambov « Le camp se trouve à 15 Km au nord-est de la ville de Tambov entre Moscou et Stalingrad dans une région insalubre, où les cas de malaria sont fréquents. Il se trouve être sous la dépendance du camp militaire de Tambov.(…) Le camp occupe une surface d’environ 400x800 mètres, entourée de quatre rangs de fil de fer barbelé et il est gardé par des postes russes munis de chiens de garde. Il est composé d’un camp principal avec « commendature » et de trois camps de quarantaine. Le camp principal est composé de 22 baraquements d’habitation et de 25 autres baraquements. Les camps de quarantaine avaient au total 42 baraquements pour le logement et pour l’hospitalisation. Les baraquements sont construits de façon très primitive, n’ayant qu’une seule pièce, creusée de 1,50 m dans la terre. Seul le toit est construit au-dessus du niveau du sol. Il est couvert de sable et ne protège pas du tout de la pluie, la ventilation est très mauvaise, l’air ne peut rentrer que par la porte et, dans les grands baraquements, par quelques ouvertures dans le toit faites pour les poêles. La lumière pénètre seulement par quelques petites lucarnes, d’une dimension de 40X80cm avec des vitres ou des planches. Ces lucarnes ne s’ouvrent pas… » Document 1692 daté du 12 oct. 1945 ayant été transmis par courrier diplomatique. Coordonné par C. Klein Goussef : Retours d’U.R.S.S. les prisonniers de guerre et les internés français .dans les archives soviétiques CNRS éditions, p.165. 4) La question des 1500 « Les Français peuvent enfin prendre contact avec les « malgrénous » le 4 juillet 1944. Trois officiers de la mission militaire française sont autorisés à se rendre au camp de Tambov en compagnie du général Pétrov, directeur général des camps de prisonniers de guerre. Ils vont établir pendant près de 2 jours la liste des prisonniers à rapatrier, car il y a environ 1900 Alsaciens et Mosellans à Tambov et seuls 1500 sont autorisés à partir. Environ 400 autres vont devoir rester sur place, soi-disant parce qu’ils venaient d’arriver au camp et que le commissaire politique ne les considérait pas encore « assez sûrs et dignes d’être rapatriés ». En fait ce n’est qu’un prétexte, comme le note le rapport « on avait fait les arrangements pour 1500, donc 1500 repartiraient absolument ».(…) Tout se passe comme si les Alsaciens dont on réclamait la libération avec beaucoup d’insistance, étaient devenus gênants pour l’avenir des relations franco-soviétiques. En effet, dans le jeu complexe qui oppose de Gaulle à ses alliés Anglais et Américains pour se faire reconnaître comme l’unique représentant de la résistance française, celui-ci s’appuie sur l’U.R.S.S. qui ne lui ménage pas son soutien. De Gaulle compte également sur l’Union soviétique pour aider la France à retrouver « son rang » en Europe et dans le monde. E.Riedweg. Les malgré-nous, Editions du Rhin 1995, p.190-191 et 193 II fic h e p é dag o gi q ue L E S PA G E S I I et I I I s o nt destin é es aux é l è v es ( P h o t o co pies aut o ris é es ) Etude de documents et paragraphe argumenté : La libération des 1500 Paul LOTZ, né en 1922, habitant d’Obernai, a pendant la 2ème Guerre mondiale été incorporé dans la Wehrmacht après être passé par le Reichsarbeitstdienst. Incorporé en octobre 1942 près d’Innsbruck dans les chasseurs alpins, il est ensuite envoyé, comme beaucoup d’autres Alsaciens sur le front russe. En 1944, au cours d’une attaque, il est fait prisonnier comme de nombreux Alsaciens-Lorrains sous uniforme allemand par les Soviétiques puis envoyé au camp de Tambov début avril 1944. (ces prisonniers étaient d’ailleurs souvent considérés comme Allemands par les Soviétiques) Il fait partie des 1500 libérés en juillet 1944. Document 1 : schéma d’une baraque du camp de Tambov D’après des descriptions des « malgré-nous ». In E. Riedweg Les Malgré-nous, Editions du Rhin 1995 Document 2 : le camp de Tambov « Notre première impression en arrivant à Tambov, le 4 avril 1944, a été le son du clairon. Mais on s’est vite rendu compte que le camp était totalement protégé par des fils de fer barbelés. C’était moins drôle. Nous avons d’abord été mis en quarantaine pour des raisons sanitaires (…) On demandait des volontaires pour travailler dans les kolkhozes : j’y suis allé. Le 18 juin, nous avons marché 40 Km pour nous y rendre. Il fallait nettoyer les champs de patates, désherber. Mais au rapport, le soir, une Russe est arrivée pour nous dire que notre travail était très soigné, mais que le rendement ne dépassait pas celui d’un jeune Russe de 10 ans. « Demain, il faudra faire le double ». On l’a fait, mais le lendemain on n’avait rien à manger. Résultat, le jour suivant, on a sorti des tubercules de pommes de terre et le soir on les a fait griller sur un feu de bois. » Témoignage de Paul Lotz, 1939-1945, p. 47. Q uestions 1) Quels éléments indiquent qu’il s’agit d’un camp de prisonniers ? 2) Quelles sont les tâches des prisonniers ? 3) Qu’est-ce qui montre que les conditions de vie des prisonniers sont pénibles ? fic h e p é dag o gi q ue L E S PA G E S I I et I I I s o nt destin é es aux é l è v es ( P h o t o co pies aut o ris é es ) Document 3 : itineraire des 1500 Carte dessinée par G. Bernard-Benoît, Extraite de Kochersbari, Octobre 2001 Document 4 : le départ des 1500 « Un soir, dans le baraquement du kolkhoze, on nous demande de préparer nos affaires pour retourner au camp principal. On s’est rendu en plein champ à proximité de la ligne de chemin de fer. Il n’y avait rien, pas de gare. Au bout d’un moment, on a vu arriver une locomotive brillante, ornée à l’avant d’une étoile rouge et sur les côtés de deux drapeaux, rouges aussi. Pour le décorum, les Russes étaient formidables. Il y avait des gens partout même sur le toit. On s’est embarqué et on est arrivé au camp de Tambov, persuadés de rentrer chez nous. Mais, ce n’était pas encore ça. Un militaire est arrivé et a demandé l’effectif de chaque baraque. En suite de quoi, nous avons reçu des habits russes tout neufs en échange d’uniformes allemands. Bien habillés, le 6 juin 1944, nous avons été passés en revue par une délégation d’officiers français et russes dont les généraux Petit et Petrov. Comment 1500 prisonniers ont-ils été sélectionnés pour rentrer en France ? Mystère. Il était prévu que progressivement, tout le monde devait rentrer. Malheureusement, après notre départ, les portes se sont refermées, et Staline n’a plus laissé repartir personne avant longtemps. » Témoignage de Paul Lotz, 1939-1945 à Obernai, 2005, P.47-48 Document 5 : récit du retour « Le 7 juillet, nous avons donc quitté Tambov pour Téhéran. Nous sommes arrivés à Téhéran le 18 juillet 1944 à 14 h. Accueil cordial des Français et des Anglais (…) nous avons reçu des uniformes anglais pour changer ! J’avais déjà porté un uniforme allemand, puis le russe, maintenant c’était le troisième et ce n’était pas fini. Plus tard, en août 1944, je porterai l’uniforme canadien, avec un casque plat. Nous étions à Alger et toutes les troupes devaient défiler. Mais il n’y avait aucun Canadien. Ils nous ont demandé de nous déguiser en Canadiens, et c’est ainsi que j’ai porté un uniforme de plus (…)Le 29 juillet 1944, nous sommes partis par groupes de trois, quatre convois(…) Le sirocco a soufflé toute la nuit, et nous sommes repartis à 4 heures du matin, parce qu’il faisait encore frais, direction la France. Direction la France. On ne savait pas exactement où on allait, on voulait rejoindre les troupes françaises avant de rentrer directement au pays ». …p.48 Q uestions 4) Cite 2 éléments montrant que cette libération a été mise en scène ? 5) Qui est chargé de passer en revue les prisonniers qui vont être libérés ? 6) Pourquoi les 1500 effectuent-ils ce long trajet ? Par quel chemin sont-ils rentrés ? 7) A partir de leur libération, pourquoi portent-ils différents uniformes ? A l’aide de tes connaissances personnelles et d’arguments tirés des documents, rédige un texte argumenté montrant en quoi la situation des 1500 incorporés de force est exceptionnelle. III fic h e IV p é dag o gi q ue Q uestions pour les l y c é ens La double page précédente vise un public de collège (classe de 3e). Avec les mêmes documents on peut imaginer des exercices pour les lycéens (classe de 1e). Exemples : 1) Quelle est la nature des différents documents de cette double page ? 2) Expliquer les mots suivants : « Malgré-nous », Wehrmacht, Reichsarbeitsdienst, kolkhoze, sirocco. 3) Ces différents documents nous renseignent à la fois sur le camp de Tambov et sur le retour des 1500. Présenter sous forme de deux colonnes ce qu’on apprend sur l’un et l’autre de ces deux thèmes, en précisant entre parenthèses le document qui donne le renseignement. 4) D’après vos connaissances, comparer le camp de Tambov à un camp de concentration allemand de la même époque. 5) Pourquoi les soviétiques considéraient-ils souvent les Alsaciens incorporés de force comme des Allemands ? 6) L’historien qui veut étudier le retour des 1500 peut-il se contenter du seul témoignage de P. Lotz ? Comment doit-il procéder ? 7) D’après quels documents et témoignages G. Bernard-Benoît a-t-elle pu élaborer cette carte ? 8) A l’aide des renseignements fournis dans ce dossier, porter sur la carte les dates des étapes de l’itinéraire de P. Lotz T ra v ail au M é morial Il serait judicieux de prolonger cette fiche pédagogique par une recherche au Mémorial de L’Alsace-Moselle. Piste de recherche : Où trouver au mémorial des renseignements sur les « Malgrénous » ? Un film raconte, avec des documents d’époque, l’enrôlement des incorporés de force. Quels sont les moments forts de ce film ? Un autre film, d’origine soviétique, raconte la libération des 1500. Montrer en quoi il s’agit d’un film de propagande. Parfois des incorporés, au péril de leur vie et de celle de leur famille, réussissaient à se soustraire à cette obligation. Ce fut le cas de Joseph Kuhn, « l’insoumis.». Qu’apprenons-nous sur lui au Mémorial ? Ceux qui restent « C’est donc vers midi, le 7 juillet 1944, que les 1500 heureux s’alignent dans la grande allée, groupés en compagnies, précédés d’un drapeau tricolore qu’ils ont confectionné avec des étoffes et des couleurs de fortune ; Les deux battants du grand portail s’ouvrent, le détachement des 1500 privilégiés s’ébranle, sort du camp, d’abord au son du clairon par mon ami colmarien de la Krutenau, René Muller, puis aux accents martiaux du chant de départ. A droite et à gauche se sont rassemblés les quelques 150 à 200 restés su place, les yeux remplis de larmes, déçus, mais tout de même confiants en l’avenir, sûrs de partir à leur tour d’ici quelques semaines. Nos mains s’agitent pour un dernier adieu et le groupe disparaît derrière les arbres de la forêt. » Charles Mitschi : Tambov, chronique de captivité Jérôme Do Bentzinger editeur 2002, P.139 Dessin de Camille Claus à son retour de Tambov