71 LA VERIFICATION DE LA COMPTABILITE EN TUNISIE Oualid

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71 LA VERIFICATION DE LA COMPTABILITE EN TUNISIE Oualid
La vérification de la comptabilité en Tunisie
LA VERIFICATION DE LA COMPTABILITE
EN TUNISIE
Oualid GADHOUM∗
Maître-assistant à la Faculté
de Droit de Sfax
1-« …La comptabilité est pour le contribuable une justification
suffisante à l’appui des résultats déclarés, mais une preuve que
l’administration peut discuter dans le cadre de la procédure
contradictoire »1. Si elle reflète la gestion de l’entreprise, la
comptabilité reflète également les décisions que prend le chef
d’entreprise qu’il traduit par des écritures comptables.
2-La vérification de la comptabilité est l’un des aspects de la
vérification approfondie2. Cette dernière, qui consiste à s’assurer
d’une déclaration fiscale en la confrontant à des éléments extérieurs et
pouvant porter sur tout ou partie de la situation fiscale du
contribuable, est dite vérification de comptabilité lorsqu’elle s’exerce
à l’égard des contribuables astreints à la tenue d’une comptabilité3.
3-Le législateur tunisien s’est contenté dans l’article 38 du
CDPF d’évoquer la possibilité de vérifier la comptabilité du
contribuable astreint à la tenue d’une comptabilité. L’ancienne charte,
s’est limitée, elle aussi, à affirmer que la vérification approfondie de la
situation fiscale « concerne toute la situation fiscale du contribuable
ou une partie de celle-ci, elle nécessite l’information du contribuable
et se base sur la comptabilité et sur les informations, documents et
présomptions de fait et de droit dans tous les cas ».
∗
1
2
3
[email protected]
François Patrice DRUEL : « La preuve en matière fiscale », thèse, 1969, p.307.
Voir : N. BACCOUCHE : « Cours de droit fiscal », non publié.
Aux termes de l’article 62 du CIR : « sont assujetties à la tenue d’une
comptabilité conforme à la législation comptable des entreprises, les personnes
morales visées à l’article 4 et à l’article 45 du présent code, les personnes
physiques soumises à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et
commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ainsi que toute personne
physique qui opte pour l’imposition selon le régime réel ».
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
4-La doctrine a défini la vérification de la comptabilité
comme étant « l’ensemble des opérations ayant pour objet l’examen
de la comptabilité d’une entreprise et de la confronter aux éléments
d’exploitation et aux renseignements détenus par le fisc afin de
s’assurer de la sincérité et l’exhaustivité des déclarations
souscrites »4. Elle permet à l’administration fiscale de s’assurer de la
régularité et du caractère probant5 des écritures comptables ou de
confronter les déclarations du redevable avec les écritures comptables
en vue de contrôler la sincérité des déclarations. Il s’agit au demeurant
d’une vérification qui, de par les moyens de sa mise en œuvre et du
but recherché, diffère de la vérification préliminaire6.
5-En effet, la vérification de la comptabilité consiste à
s’assurer de la sincérité d’une déclaration fiscale « en la confrontant à
4
5
6
Voir à titre d’exemple la définition du professeur N. BACCOUCHE : « Cours
de droit fiscal », op.cit.
« La vérification de comptabilité se caractérise par le contrôle de la sincérité
des déclarations déposées, en les comparant avec les écritures comptables dont
l’administration a pris connaissance ». CE 13 mars 1967, requête n°62338, Rec.
CE, p.119.
La force probante d’une comptabilité signifie que cette comptabilité peut
s’opposer à ses utilisateurs et notamment à l’administration fiscale. Voir F.
CHOYAKH : « L’article 38 du CDPF et la possibilité de recours simultané aux
éléments extracomptables dans le cas d’une comptabilité régulière », RCF,
n°71, 2006.
Le code des droits et procédures fiscaux prévoit aux termes de l’article 36 deux
types de vérifications : une vérification préliminaire qui n’est pas subordonnée à
l’information préalable du contribuable et une vérification approfondie.
La comptabilité peut également faire l’objet d’un droit de communication,
technique de contrôle prévue par l’article 9. Aux termes de cet article, « les
personnes soumises à l’obligation de tenir une comptabilité, conformément aux
dispositions de l’article 62 du code de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques et de l’impôt sur les sociétés, doivent communiquer aux agents de
l’administration fiscale, tous registres, titres, documents, programmes, logiciels
et applications informatiques utilisés pour l’arrêté de leurs comptes et pour
l’établissement de leurs déclarations fiscales ainsi que les informations et
données nécessaires à l’exploitation de ces programmes, logiciels et
applications enregistrés sur supports informatiques. Les personnes qui tiennent
leur comptabilité ou établissent leurs déclarations fiscales par les moyens
informatiques doivent communiquer, aux agents de l’administration fiscale, les
informations et éclaircissements nécessaires que ces agents leur requièrent dans
le cadre de l’exercice de leurs fonctions ».
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
des éléments extérieurs »7. C’est pour cette raison qu’elle revête un
caractère inquisiteur beaucoup plus poussé qui explique d’ailleurs le
formalisme dont elle est entourée et ce, au bénéfice des contribuables
vérifiés8.
6-En réalité, vérifier la comptabilité revient à chercher la vérité
fiscale et instruire à charge et à décharge. En vérifiant la comptabilité,
l’agent vérificateur doit distinguer entre deux types d’irrégularités :
-Celles qui ne sont que de simples erreurs comptables et qui
peuvent être rectifiées par une correction symétrique.
-Celles qui constituent des décisions de gestion qui,
lorsqu’elles heurtent des règles fiscales, l’agent vérificateur les
réintègre dans le résultat fiscal9. C’est le cas par exemple de
l’imputation irrégulière d’un déficit, ou de la constitution d’une
provision, ou d’un amortissement pratiqué contrairement aux règles
fiscales …10.
7-« Pour être fiscalement fiable, la comptabilité doit satisfaire
aux normes d’enregistrement comptable et d’élaboration des états
financiers définies par le système comptable des entreprises »11. Les
normes d’enregistrement reposent sur quatre caractéristiques :
-La validité : les enregistrements comptables reflètent
correctement les transactions produites. Seules sont enregistrées les
opérations qui se sont réellement produites et susceptibles d’avoir un
impact sur l’entreprise. Des pièces justificatives remplissant les
conditions de validité fiscale doivent permettre de vérifier les
opérations. Chaque écriture comptable doit s’appuyer sur une pièce
7
8
9
10
11
J.P. CASIMIR : « Contrôle fiscal : droits, garanties et procédures : code
annoté »,6ième édition, 1998, p.2.
A. ESSOUSSI : « La nécessaire réforme de l’impôt sur le revenu tunisien »,
RTD, 1987, p.41 et s.
S. BORJI : « L’opposabilité de la comptabilité en droit tunisien », RTF n°7,
p.265.
Dans un jugement du Tribunal de 1ère instance de Sfax (chambre fiscale), il a été
admis que l’administration fiscale est en droit d’ajuster des éléments de la
comptabilité sur la base de la législation fiscale qui déroge aux règles de la
comptabilité. Requête n°129 du 20 novembre 2002, société industrielle des
produits pharmaceutiques / Centre régional du contrôle fiscal de Sfax.
R. YAICH : « L’impôt sur les sociétés 2007 », éditions R. YAICH, 4ième édition,
p.47.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
justificative satisfaisant aux conditions de validité. Les écritures
basées sur des pièces justificatives entachées d’insuffisance doivent
faire l’objet d’un relevé que le comptable doit soumettre à la direction
pour approbation ou en vue de prendre les mesures qu’elle juge
appropriées. Les écritures basées sur le jugement de la direction
(amortissement, provisions, certaines charges à payer…) doivent
donner lieu à un ordre d’écriture comptable signé par la direction
compétente.
-Exhaustivité : toutes les transactions et les effets des
événements associés qui se sont produits pendant la période concernée
sont enregistrés en comptabilité.
-Exactitude : les montants des opérations sont correctement
énoncés ou calculés. Les soldes sont correctement cumulés en termes
de valeur, d’exercice comptable et de classement. Les actifs et les
passifs sont correctement évalués et les montants imputés aux postes
de charges et de produits de l’exercice comptable sont exacts.
-Rattachement à la bonne période : les enregistrements sont
rattachés à la bonne période et sont correctement reflétés dans les
livres et documents comptables12.
8-La régularité de la comptabilité suppose également
l’existence d’un certain nombre de conditions de forme à savoir :
-
La tenue d’un journal général coté et paraphé.
La tenue d’un livre d’inventaire coté et paraphé.
La tenue d’un grand livre.
L’élaboration d’une balance.
Journaux et livres auxiliaires.
9-En plus de l’obligation de tenir un journal général et un livre
d’inventaire cotés et paraphés, de tenir un grand livre et d’établir la
balance, les entreprises qui tiennent leur comptabilité sur ordinateur
doivent :
-
12
Déposer, contre accusé de réception, au bureau de contrôle des
impôts dont elles relèvent, un exemplaire du programme initial
ou modifié sur support magnétique.
R.YAICH : « L’impôt sur les sociétés 2007 », op.cit., p.49.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
-
Informer ledit bureau de la nature du matériel utilisé, du lieu
de son implantation et de tout changement apporté à ces
données13.
10- Promulgué en 2000, le CPF distingue entre la vérification
préliminaire et la vérification approfondie dont l’un des aspects n’est
autre que la vérification de comptabilité. Comment se déclenche alors
la vérification de la comptabilité en Tunisie (I) et dans quelles
conditions se déroule-t-elle (II) et quelle est son issue (III) ?
I- LE DECLENCHEMENT DE LA VERIFICATION DE LA
COMPTABILITE
11-Avec la promulgation du CPF, le droit à l’information du
contribuable de la vérification approfondie (VASFP14 ou vérification
de la comptabilité) a été consolidé (A). Non seulement le contribuable
est obligatoirement avisé par un avis de vérification, mais aussi, cet
13
14
Aux termes de l’article 62 II du CIR : « les personnes qui tiennent leur
comptabilité sur ordinateur doivent :
- déposer, contre accusé de réception, au bureau de contrôle des impôts dont
elles relèvent un exemplaire du programme initial ou modifié sur support
magnétique.
- Informer ledit bureau de la nature du matériel utilisé, du lieu de son
implantation et de tout changement apporté à ces données ».
Selon la doctrine administrative, lorsque la comptabilité est tenue sur
ordinateur, par le moyen de logiciels informatiques destinés à l’usage collectif
et élaborés par les entreprises de services informatiques, ces dernières peuvent
déposer, aux lieu et place des entreprises clients, une copie du programme initial
ou modifié sur support magnétique, à condition de faire parvenir aux services
du contrôle fiscal la liste de la clientèle utilisant lesdits programmes.
Dans une prise de position, la direction générale des études et de la législation
fiscale (DGELF) a précisé que les entreprises utilisant un programme de
facturation doivent déposer au bureau de contrôle des impôts dont elles relèvent,
un exemplaire dudit programme sur support magnétique. La DGELF a, dans
une autre prise de position, précisé que les entreprises informatisées doivent
déposer une copie de leur programme et des mises à jour ainsi que la liste et
l’emplacement des ordinateurs. Le dépôt d’une copie du programme
informatique ne dispense pas de la tenue du journal général et du livre
d’inventaire cotés et paraphés. La tenue de comptabilité dispense de la tenue du
livre coté et paraphé prévu par le point c de l’alinéa 2 du parag. I de l’article 9
du code de la TVA. Voir : R. YAICH : « L’impôt sur les sociétés 2007», op.cit.,
p.51 et s.
VASFP : Vérification approfondie de la situation fiscale personnelle.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
avis doit contenir la mention qu’il peut se faire assister par un conseil
de son choix (B). Toutefois, le droit à l’information semble être
atténué puisque le CPF a maintenu le contrôle inopiné (C).
A- L’obligation d’informer par un avis de vérification
12-Aux termes de l’article 39 du CPF : « les opérations de
vérification approfondie de la situation fiscale font obligatoirement
l’objet d’une notification d’un avis préalable ». De telles dispositions
permettent de dire que le non respect de la garantie de l’avis de
vérification vicie la procédure de vérification de la comptabilité
entreprise et permet au juge fiscal de décider la décharge des
suppléments d’impôts établis à la suite du redressement de la situation
fiscale du contribuable.
13-L’article 39 du CPF susmentionné a légalisé l’avis de
vérification. Il a mis fin à la question du caractère obligatoire de son
envoi surtout que la formule employée par l’ancienne charte prêtait
équivoque puisqu’il a été dit qu’ « avant le commencement de
l’opération de contrôle, le contribuable sera informé par
l’administration par l’envoi d’un avis recommandé ». Désormais,
l’avis de vérification doit être envoyé au contribuable qui fera l’objet
d’une vérification de comptabilité. Précisément, il doit être envoyé
avant l’exercice de toutes recherches extérieures qui pourraient être
interprétées comme le prélude d’une vérification approfondie15.
14-Par ailleurs, le législateur a fixé un délai raisonnable de 15
jours au moins devant séparer la notification de l’avis de vérification
et le commencement de cette dernière. Il s’agit d’un délai obligatoire
minimum. Il a également reconnu à l’administration la faculté de
différer le commencement de la vérification à son initiative ou à la
demande du contribuable vérifié d’une durée ne dépassant pas 60
jours, le premier avis devient à cet effet caduc et l’administration
fiscale est tenue d’envoyer un nouvel avis de vérification16.
15
16
L’avis de vérification doit comporter une série d’informations dont les plus
essentielles sont le droit du contribuable de se faire assister par un conseil de
son choix, la détermination de la période des impôts concernés par la
vérification, la désignation des agents chargés de la vérification et du délai du
commencement de la vérification.
Voir l’article 39 du CPF.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
15-En outre, l’avis de vérification doit aux termes de l’article
39 du CPF comporter les indications suivantes :
- L’agent ou les agents qui sont chargés d’entamer la
vérification. L’avis doit mentionner le nom et le prénom desdits agents
qui doivent, d’ailleurs, être assermentés17. En pratique, lorsqu’il est
envoyé à un contribuable soumis à l’obligation de tenir une
comptabilité, l’avis de vérification de comptabilité invite le
responsable légal de l’entreprise à mettre à la disposition des agents
vérificateurs les documents comptables de l’entreprise ou de
l’exploitation relatifs à la période objet de la vérification envisagée.
-Les impôts et la période concernés par la vérification.
-La mention expresse du droit du contribuable de se faire
assister durant le déroulement de la vérification et la discussion de ses
résultats par une personne de son choix ou de se faire assister par un
mandataire conformément à la loi.
-La date du commencement effectif de la vérification. Sur ce
point précis, le TA a jugé que l’absence de la mention de la date du
commencement de la vérification constitue « une formalité
substantielle » dont le non respect perturbe « le déroulement normal
de la vérification » et entraîne, en conséquence, la nullité de la
procédure d’imposition et la décharge des rappels d’impôts qui en
découlent18.
B- Le droit de se faire assister par un conseil
16-Aux termes de l’article 42 du CPF, « le contribuable peut
se faire assister, durant le déroulement de la vérification fiscale…par
un conseil de son choix ou se faire représenter à cet effet, par un
mandataire conformément à la loi ». L’assistance d’un conseil est une
garantie inhérente à la vérification approfondie en général et, entre
autres, à la vérification de comptabilité. La complexité des
17
18
Tribunal de 1ère instance de Sfax, jugement n°14 du 24 avril 2002.
TA requête n°31519 du 28 juin 1999.Il est à noter que le Tribunal de 1ère
instance de Sfax a considéré que le dépassement du délai de quatre mois fixé
par la charte ne constitue pas une violation des formalités substantielles. Le
législateur n’a pas prévu expressément la nullité de l’arrêté de taxation d’office
en cas de dépassement du délai de vérification. Tribunal de Sfax, requête n°78
du 18 janvier 2003, Z. / Centre régional du contrôle fiscal de Sfax.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
investigations menées par les agents vérificateurs et la technicité des
justifications demandées à l’occasion de la vérification obligent le
contribuable à se faire assister d’un conseil.
17-Toutefois, le législateur n’a pas fait de la présence effective
du conseil fiscal une condition nécessaire de la validité de la
vérification. Les dispositions de l’article 42 du CPF rappellent celles
de l’ancienne charte du contribuable qui a prévu que : « le non recours
aux services d’un conseil fiscal n’influe pas sur le déroulement
normal de l’opération ». Dès l’instant que le contribuable a été averti
en temps utile de la faculté qu’il a de se faire assister au cours de la
vérification dont il est l’objet, il ne peut arguer de l’absence de son
conseil pour s’opposer au contrôle.
18-Le caractère optionnel du droit à l’assistance peut ainsi
limiter la possibilité du débat oral et contradictoire. Les agents
vérificateurs sont naturellement portés à orienter la vérification dans
l’intérêt de l’administration. Ils risquent aussi d’outrepasser leurs
fonctions sans que le contribuable ne puisse préparer convenablement
sa défense.
C- La possibilité d’exercer un contrôle inopiné
19-L’obligation de l’envoi d’un avis de vérification peut être
neutralisée par le contrôle inopiné prévu par l’article 8 du CPF. Aux
termes de cet article, il incombe au contribuable l’obligation de
communiquer, à toute réquisition des agents de l’administration
fiscale habilités, ses quittances, documents et factures relatifs au
paiement des impôts dont il est redevable ou justifiant
l’accomplissement de ses obligations fiscales. Pour s’assurer de
l’existence matérielle de ces documents, les agents de contrôle sont
habilités à visiter, sans avis préalable, les locaux professionnels,
magasins ainsi que les entrepôts qui en dépendent et d’une manière
générale, tous lieux utilisés pour des activités ou opérations soumises
à l’impôt et à procéder à des constatations matérielles des éléments
relatifs à l’exercice de l’activité commerciale, industrielle ou
professionnelle ou des registres et documents comptables.
20-En réalité, le contrôle inopiné consiste à vérifier sur place
l’existence matérielle des documents comptables. Le but étant
d’interdire au contribuable, par exemple, de « déménager une partie
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
de ses stocks, de compléter les lacunes de sa comptabilité ou de
dissimuler les factures non passées en écritures entre le moment où
l’avis de vérification lui est remis et celui ou l’examen contradictoire
de comptabilité peut commencer en présence éventuelle de son
conseil »19. Il s’agit d’un inventaire physique ayant pour but de
constater une correspondance matérielle entre les documents comptables et les moyens de production. Le contrôle inopiné permet, aux
agents du fisc, de prendre connaissance et de relever de manière
passive certains documents ou écritures comptables. C’est la raison
pour laquelle le législateur a précisé, dans le paragraphe II de l’article
8 du CPF, que « ces constatations ne constituent pas un
commencement effectif de la vérification approfondie de la situation
fiscale prévue par l’article 38 du code ». C’est dire que le contrôle des
documents comptables effectué dans le cadre de l’article 8 du CPF ne
doit pas aboutir à un examen quant au fond. Les constatations
matérielles effectuées lors d’un contrôle inopiné se distinguent de
l’examen critique des documents comptables ainsi que du
rapprochement de ces derniers avec les déclarations souscrites par le
contribuable vérifié. C’est dire aussi que « l’étude critique de
documents comptables ou leur rapprochement avec les déclarations
souscrites par le contribuable a pour effet, de transformer le droit de
visite en une vérification approfondie de la situation fiscale, elle doit
se dérouler dans le respect des conditions et obligations prévues dans
ce cadre, et surtout, l’obligation de notifier au contribuable un avis de
vérification »20.
II- LE DEROULEMENT DE LA VERIFICATION DE LA
COMPTABILITE
21-La vérification par l’administration fiscale de la déclaration
suppose un débat oral et contradictoire entre le contribuable vérifié et
l’agent vérificateur (A). Toutefois, et en dehors de ce débat,
l’administration fiscale se réserve toujours le droit de formuler des
demandes écrites qui prennent la forme de renseignements
d’éclaircissements ou de justifications (B).
19
20
O. FOUQUET : « La légalité des contrôles inopinés de l’administration fiscale
en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires », GP, 1984, 1er
semestre, p.121.
A. ABOUDA : « Le code des droits et procédures fiscaux », IORT, 2001, p.54.
79
La vérification de la comptabilité en Tunisie
Au cours de la vérification de la comptabilité, l’administration
peut soit accepter cette dernière, soit la rejeter et recourir à des
méthodes extracomptables21. Les documents et supports comptables
sont alors écartés par les vérificateurs qui procèdent à une
reconstitution des bases d’imposition (C).
A- Le débat oral et contradictoire
22-Le débat oral et contradictoire est une discussion engagée
par le vérificateur d’une part, et le contribuable vérifié d’autre part,
pendant le déroulement de la vérification et avant l’envoi de la
notification de redressement. Si l’ancienne charte a érigé le débat oral
en principe en prévoyant que « tout au long de la vérification, la
procédure orale constitue la règle », le CPF n’a pas repris
explicitement cette règle. Il a maintenu implicitement le débat oral à
travers un certain nombre de garanties reconnues au contribuable
vérifié. C’est ainsi que le l’article 40 du CPF a prévu que : « la
vérification approfondie de la situation fiscale se déroule dans les
locaux de l’entreprise ». Une telle disposition instaure le principe du
contrôle sur place, c'est-à-dire au siège de la direction, ou plus
généralement dans les lieux où se trouvent les documents comptables
soumis à la vérification. Dans un arrêt du TA, il a été considéré que
l’administration devait accorder la priorité au contrôle sur place par
rapport à l’emport des documents22.
23-Toutefois, l’article 40 du CPF permet la vérification de la
comptabilité dans les bureaux de l’administration fiscale sur demande
de l’entreprise ou à l’initiative de cette dernière, en cas de nécessité.
Une telle disposition ne peut que porter atteinte au débat
contradictoire étroitement lié au contrôle sur place. En effet, en
emportant les documents, le vérificateur évitera de discuter avec le
contribuable vérifié d’une part, et limitera ses visites à l’entreprise
d’autre part. Le CPF n’oblige pas le vérificateur à restituer les
documents emportés après un délai précis. Ce dernier peut à cet effet
garder les documents comptables sans être obligé de les restituer dans
21
22
Les méthodes extracomptables auxquelles l’administration peut avoir recours
en vue de reconstituer les bases d’imposition sont pour l’essentiel les
présomptions de fait ou de droit.
TA, requête n°747 du 15 juillet 1985.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
un délai ferme. Mieux encore, le contribuable vérifié ne dispose pas
d’une preuve matérielle qui permet de prouver que le vérificateur a
outrepassé ses fonctions, ou a présenté un chef de redressement qu’il
n’a pas discuté avec lui. Un hiatus peut naître entre le débat qui se
déroule entre le contribuable et le vérificateur et la notification de
redressement.
B- Les demandes écrites
24-Le CPF a diversifié les types de demandes écrites qui
peuvent être adressées par l’administration fiscale au contribuable
dans le cadre de la vérification de comptabilité. En effet,
l’administration fiscale peut demander des renseignements (a), des
éclaircissements (b) ou des justifications(c).
a- Les renseignements
25-La demande de renseignements ne doit normalement porter
que sur de « simples » informations relatives à certains points qui
demeurent obscurs dans la déclaration du contribuable et qui sont
nécessaires à la mise au point de son dossier23. Ainsi, à une simple
demande de renseignements, le contribuable ne doit a priori fournir
qu’une simple réponse. C’est le cas par exemple lorsque
l’administration fiscale lui demande de lui fournir le montant des
achats qu’il a effectués auprès du fournisseur. Dans ce cas, le
contribuable n’est tenu de fournir que des données brutes relatives au
montant desdits achats, autrement dites, il n’est pas obligé de faire
valoir à l’administration fiscale la preuve ou l’argumentation de leur
comptabilisation24.
b-Les éclaircissements
26-Le but de cette demande est plus précis : rendre plus claire
une information en possession de l’administration25. En effet, dans
une demande d’éclaircissements, l’administration fiscale demande au
23
24
25
Constituent aussi des demandes de renseignements, celles portant sur le point de
savoir si le contribuable avait une résidence principale ou secondaire, s’il
possède une voiture, s’il dispose dans sa résidence d’une piscine…
Voir H. AYADI : « Le cadre légal des demandes adressées par l’administration
fiscale au contribuable », Mélanges S. BEN HALIMA, p. 1117.
Voir H. AYADI, article précité, p.1117.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
contribuable des explications sur certaines anomalies ou discordances.
C’est pourquoi ces demandes sont
étroitement liées aux
déclarations26. La demande est adressée au contribuable lorsque sa
déclaration parait obscure quant à la forme et quant au fond. La
réponse de ce dernier doit être suffisamment claire et argumentée afin
qu’elle rende plus compréhensible pour l’administration un fait bien
déterminé.
c-Les justifications
27-Elles permettent à l’administration d’obtenir la preuve de la
réalité des éléments et énonciations portés à la déclaration du
contribuable ou détenus par le service. En demandant des
justifications, l’administration demande des informations précises et
directement utilisables. Mieux encore, les justifications exigent du
contribuable un commencement de preuve. Elles impliquent la
communication de certains documents afin d’apporter la preuve aux
justifications exigées par l’administration fiscale. Tel est le cas du
vérificateur qui demande au contribuable vérifié de justifier
l’acquisition des biens ou services ouvrant droit à la déduction.
28-En disposant que l’administration peut demander des
renseignements, éclaircissements ou justifications en rapport avec la
vérification, l’article 41 du CPF reconnaît à l’administration fiscale le
droit d’adresser des demandes écrites lors d’une vérification
approfondie, notamment une vérification de comptabilité.
29-Le recours à une demande écrite lors d’une vérification de
comptabilité est envisageable même si l’administration fiscale a déjà
fait recours au procédé d’une demande dans le cadre d’une
vérification préliminaire27.En plus, le CPF n’a pas obligé
l’administration fiscale à respecter des conditions préalables de forme
ou de fond spécifiques avant qu’elle adresse au contribuable une
demande de renseignements, d’éclaircissements ou justifications28.Le
26
27
28
J.P. CASIMIR : « Contrôle fiscal, droits, garanties et procédures », op.cit.,
p. 227.
Les demandes se situent dans deux cadres distincts et elles sont prévues par des
dispositions séparées qui sont respectivement les articles 41 et 6 du CPF.
Voir T. DRIRA : « La vérification fiscale », Mémoire, Fac. de Droit de Sfax,
2002-2003, p.93 et s.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
CPF a plutôt fixé un délai relativement court au contribuable tenu de
répondre à une demande de renseignements, éclaircissements ou
justifications. Ce délai est, d’après l’article 41 du CPF :
-10 jours à partir de la notification de la demande par le service fiscal.
-15 jours, dans le cas où la réponse nécessite l’obtention d’information
auprès d’une entreprise établie à l’étranger et ayant un lien avec
l’entreprise à qui la demande a été adressée.
C- Le rejet de la comptabilité
30-Quels sont les cas de rejet (a) et quels sont les effets du
rejet (b) ? Le CPF ne les a pas prévu. Il a par contre permis le recours
aux méthodes extracomptables (c) même si le contribuable a présenté
une comptabilité régulière.
a- Les cas de rejet
31-Malgré les conséquences graves qui peuvent découler d’une
décision de rejet de la comptabilité, le législateur a gardé le silence
quant aux cas pouvant amener l’administration à décider ledit rejet. La
gravité de la décision de rejet a laissé une doctrine administrative
ancienne préciser qu’ « il importe de signaler tout d’abord que la
direction ne se contentera plus dorénavant de rejets de comptabilité
non motivés, appuyés simplement par des affirmations la plupart du
temps gratuites et laconiques telles que :
- caisse créditrice,
- coefficient du bénéfice faible,
- recettes globales,
D’une façon générale, une comptabilité n’est rejetable que dans la
mesure où les irrégularités comptables et les écritures sont telles qu’il
est impossible au vérificateur de procéder à des redressements et des
réintégrations de nature à aboutir aux bénéfices réels susceptibles
d’avoir été réalisés par les intéressés. En tout état de cause, tout rejet
de comptabilité doit être justifié »29.
32-Quelle soit manuelle ou informatisée30, la comptabilité doit
satisfaire aux exigences de sincérité et de fiabilité sinon elle sera
29
30
Il s’agit de la note commune n°16 du 02 mai 1967.
Sur : « Le contrôle des comptabilités informatisées en droit fiscal tunisien »,
voir : N. CHAABANE, Mélanges H. AYADI, p.331 et s.
83
La vérification de la comptabilité en Tunisie
rejetée. Or, « si sur le plan comptable, le législateur a défini les
conditions et caractères qu’une comptabilité doit remplir, sur le plan
fiscal, le législateur a gardé le silence à cet égard, il n’a pas énoncé
d’une manière spécifique les motifs de rejet de comptabilité »31.
33-En réalité, les motifs de rejet de comptabilité sont
extrêmement divers. Selon la jurisprudence et la doctrine
administrative, la comptabilité doit être écartée lorsque, après son
examen quant à la forme et quant au fond le vérificateur constate
qu’elle est irrégulière, non probante, incomplète ou non sincère32.
34-Les cas les plus fréquents retenus par les contrôles fiscaux
pour le rejet de la comptabilité sont les suivants33 :
- Défaut de constations dans la comptabilité de trois comptes
bancaires et absence de pièces justificatives concernant plusieurs
opérations réalisées par l’entreprise34.
- Application de la compensation entre les recettes et les
dépenses, chevauchement des écritures et manque de pièces
justificatives35.
31
32
33
34
35
A. ABOUDA : « Le code des droits et procédures fiscaux », op.cit., p.108.
L’examen en la forme de la comptabilité vise à vérifier ses caractères régulier
et complet. A cet égard, le vérificateur doit s’assurer de l’existence matérielle
des différents livres et documents, de leur conformité à la législation comptable
et fiscale, de la forme des écritures et de l’absence de ratures et de blanc…
Selon la CSTO, la comptabilité est considérée incomplète lorsqu’elle ne
contient pas le livre d’inventaire (CSTO, décisions n°159 et 554, BODI, n° 5,
p.20, R. YAICH : « Droit fiscal : la doctrine administrative dans le cadre des
nouvelles réformes », 1993, p.357).
De même, la comptabilité est considérée irrégulière et peut être écartée en cas
d’absence de pièces justificatives. Si la vérification prouve que les pièces
justificatives sont irrégulières et ne concordent pas avec les comptes de
fournisseurs et qu’il existe des achats minorés, fictifs ou sans factures, la
comptabilité est rejetée pour irrégularité.
S. BORJI : « l’opposabilité de la comptabilité en droit tunisien », op.cit
Voir aussi : T. DRIRA : « La vérification fiscale », op.cit., p.108 et s.
R. YAICH « L’impôt sur les sociétés 2007 », op.cit., p.22.
F. DERBEL : « Comptabilité et vérification fiscale », RCF, n°49, 3ième trimestre
2000.
Tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°314 du 7/12/2005, (inédit).
Tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°354, du 13/7/2005 (inédit).
84
La vérification de la comptabilité en Tunisie
-
-
-
Absence de livre d’inventaire, défaut de dépôt au bureau de
contrôle des impôts d’un exemplaire du programme
informatique initial ou modifié sur support magnétique36.
Absence de livre d’inventaire, absence de pièces justificatives,
anomalies et erreurs graves dans la tenue des livres, documents
ou comptes, caisse créditrice et coefficients anormaux, recettes
non déclarées37.
Disproportion entre le chiffre d’affaires déclaré et les achats
consommés38.
Factures d’achats et de vente irrégulières et non
comptabilisées.
35-La jurisprudence française retient également certaines
irrégularités justifiant le rejet de la comptabilité. Il s’agit à titre
d’exemple de la confusion des dépenses professionnelles et
personnelles sous une même rubrique et omission de certaines recettes
telles que les ventes au comptant et les ventes des mois d’été39, de la
reconstitution de la comptabilité à partir d’éléments comptables non
probants et en partie fictifs40, de nombreuses interventions de dates du
livre journal et de défaut de pièces justificatives41…
b- Les effets du rejet
36-Le rejet de la comptabilité a pour effet essentiel de détruire
la présomption d’exactitude qui s’attache à ses données. Il équivaut à
une absence de comptabilité, précieuse arme de défense, pour le
contribuable. L’administration, dans ce cas, déterminera le bénéfice
imposable au moyen de toutes présomptions de fait ou de droit42. En
36
37
38
39
40
41
42
Tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°46 du 30/6/2004, RTF, n°5,2006,
p.197.
Tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°76 du 12/5/2004, RTF n°5, 2006,
p. 198 et 199.
Tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°146, du 16/6/2004, RTF, n°5, 2006,
p.203.
CE, 3ième s.s, 17/6/1932, JCP, p.776.
CE, requête n°25349 du 27/21984, DF, 1984, n°42, com1774, Conclusions
BISSARA.
CE, requête n°54659 du 7/12/1936, Juris-classeur, procédures fiscales, fasc.382.
Voir à titre d’exemple :
- TA, Cass, requête n° 33664 du 30 septembre 2002, société Louis Macoudil /
Direction générale du contrôle fiscal.
85
La vérification de la comptabilité en Tunisie
rejetant la comptabilité, le vérificateur procède à la reconstitution des
éléments d’imposition sur une base extracomptable qui retient des
données forfaitaires, des indices théoriques et des présomptions.
L’administration fiscale, peut, selon les dispositions des articles 6 et
38 du CPF , établir l’impôt et rectifier les déclarations sur la base de
présomptions de fait ou de droit formées de comparaisons avec des
données relatives à des exploitations, des sources de revenu ou des
opérations similaires.
37-En effet, l’administration fiscale peut recourir à des
présomptions de droit et des présomptions de fait. Les premières sont
prévues par les textes. On en trouve dans le CIR par exemple qui
énumère deux types de présomptions de droit : l’évaluation basée sur
les éléments de train de vie et l’évaluation selon l’accroissement du
patrimoine et les dépenses ostensibles et notoires43. « En d’autres
termes, lorsque le contribuable soumis à l’obligation de tenir une
comptabilité, déclare un revenu qui s’avère inférieur à celui
reconstitué à partir de l’une des présomptions précédentes, sa
comptabilité est écartée (rejetée) et les bases d’imposition seront
reconstituées à partir desdites présomptions »44.
38-Quant aux secondes, elles émanent d’une appréciation, d’un
constat, d’une estimation… qui revêtent, dans la plupart du temps, un
caractère subjectif. Elles peuvent résulter :
-Des indicateurs de gestion (marge brut, taux de déchets,..)
dégagés par des entreprises similaires.
- Des informations recueillies par l’administration fiscale dans le
cadre de l’exercice de son droit de communication (article 16
du CPF)45.
43
44
45
- TA, Cass., requête, n°33361 et 33422 du 14 octobre 2002, Direction générale
du contrôle fiscal / Ridha Chaabane.
- TA, Cass, requête, 33900 du 23 décembre 2002, Direction générale du
contrôle fiscal / Abderazek Ben Fraj.
- TA, Cass, requête n°32797 du 17 mars 2003, Société D. / Direction générale
du contrôle fiscal.
Voir les articles 42 et 43 du CIR.
F. DERBEL : « Rejet de comptabilité et recours aux éléments
extracomptables », RCF n°72, p.62.
Ibid.
86
La vérification de la comptabilité en Tunisie
39-Parmi les effets du rejet de la comptabilité, le renversement
de la preuve. Aux termes de l’article 65 du CPF : « le contribuable
taxé d’office ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l’impôt
porté à sa charge qu’en apportant la preuve de la sincérité de ses
déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son
imposition ». Au demeurant, le contribuable, qui voit sa comptabilité
rejetée, perd systématiquement la présomption d’exactitude de ses
déclarations et se trouve dans l’obligation de prouver la sincérité
desdites déclarations ou l’exagération de l’imposition. « Autant ce
renversement de la preuve parait logique et raisonnable, lorsque le
contribuable se trouve en situation de défaut total pour ses
déclarations, autant il parait pénalisant lorsque le contribuable
présente une comptabilité qu’il considère régulière et sincère »46.
40-Le rejet de la comptabilité entraîne également la
prorogation de la durée de vérification fixée selon les dispositions de
l’article 40 du CPF à six mois. En effet, elle sera d’une année en cas
de défaut de tenue de comptabilité, ou de la tenue d’une comptabilité
non conforme à la législation fiscale, c’est-à-dire irrégulière, non
appuyée par des justificatifs ou comportant d’importantes violations
aux principes et normes comptables.
41-Quelle que soit la procédure de redressement suivie, le rejet
de la comptabilité est très lourd de conséquences pour les
contribuables redressés et peut être préjudiciable en les mettant dans
des situations irrémédiablement compromises. « Par ailleurs, et audelà des indices pécuniaires résultant du redressement opéré, le rejet
de la comptabilité pourrait mettre les dirigeants sociaux et parfois
même les commissaires aux comptes de la société dans des situations
réellement embarrassantes et inextricables »47. Etant une décision à
conséquences dangereuses, l’opportunité de rejeter une comptabilité
relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale sous le
contrôle du juge fiscal48. En outre, le rejet , qui en vaut l’absence, ne
46
47
48
F. DERBEL : « Rejet de la comptabilité et recours aux éléments
extracomptables », op.cit., p.63.
F DERBEL : « Comptabilité et vérification fiscale », op.cit., p.39.
Voir : S. KAMMOUN : « Le juge fiscal et la vérification de la comptabilité »,
RJL, octobre 2006, n°8.
87
La vérification de la comptabilité en Tunisie
doit être décidé que si la comptabilité présentée est entachée de graves
irrégularités tant de forme que de fond.
c- Le recours aux méthodes extracomptables
42-Le recours à la méthode extracomptable est initialement
utilisé par l’administration afin de vérifier et redresser les
contribuables non soumis à l’obligation de tenue d’une comptabilité49.
Cependant, une telle méthode peut concerner les contribuables
astreints à la tenue d’une comptabilité.
43-En effet, ces derniers peuvent en être concernés lorsqu’ils
présentent une comptabilité irrégulière ou non conforme à la
législation comptable des entreprises en vigueur. En d’autres termes,
la reconstitution des bases d’imposition d’un contribuable astreint à la
tenue de la comptabilité suppose que l’administration soit en mesure
d’écarter ladite comptabilité. En cas d’insuffisances ou inexactitudes
ou de défaut de déclarations, ainsi qu’en cas de rejet de comptabilité,
l’administration peut fixer une nouvelle base d’imposition en partant
de présomptions de fait ou de droit qu’elle a recueillies.
44-Cependant, le CPF semble, à travers les dispositions de
l’article 38, retenir une autre logique puisqu’il a été précisé que la
vérification approfondie s’effectue sur la base de la comptabilité au
cas où le contribuable est soumis à l’obligation de tenue de
comptabilité et au moment où on s’attend à ce que le législateur
précise la technique de vérification à utiliser « dans les autres cas »
(c'est-à-dire lorsque le contribuable n’est pas obligé de tenir une
comptabilité ou lorsque cette dernière s’avère irrégulière), il ajoute
que la vérification approfondie s’effectue « dans tous les cas sur la
base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait ou
de droit »50. Une telle disposition donne à penser que le recours aux
49
50
Parmi les méthodes extracomptables on peut citer : la consommation de
l’électricité par un menuisier (tribunal de 1ère instance de Sfax, affaire n°174 du
5/5/2004 (inédit), la consommation de l’eau pour une usine de fabrication de
carrelages, (TA, requête n °194 du 24/3/1983 inédit), la quantité de boites de
thon pour un restaurant populaire, le nombre de lits pour un hôtel non classé…
Voir T. DRIRA : « La vérification fiscale », op.cit., p.120.
Voir aussi :
- F.DERBEL : « Rejet de comptabilité et recours aux éléments
extracomptables », op.cit., p.61.
88
La vérification de la comptabilité en Tunisie
méthodes extracomptables est possible à tous les contribuables que ces
derniers soient astreints à la tenue d’une comptabilité ou non. Le CPF
ne semble pas reconnaître cette relation de cause à effet entre le rejet
de la comptabilité et le recours aux éléments extracomptables. Pour
justifier cette interprétation, la doctrine administrative a précisé que
« la vérification effectuée sur la base de comptabilité n’exclut pas le
recours aux présomptions de droit ou de fait et à tout autre moyen de
preuve pouvant être admis à cet effet »51.
45- Pratiquement, le recours aux méthodes extracomptables est
possible lorsque :
-Le contribuable ne tiendrait pas de comptabilité.
-Le contribuable refuserait de présenter sa comptabilité aux
vérificateurs.
-Et même dans le cas où le contribuable tiendrait une
comptabilité régulière et qu’il a présentée aux vérificateurs.
46-Pourtant, en présence d’une comptabilité reconnue
régulière, le recours à la méthode extracomptable n’est pas permis.
Cette solution s’avère fondée juridiquement et historiquement. Elle est
même adoptée par la doctrine administrative et consacrée par la
jurisprudence52. D’ailleurs, l’exclusion de la possibilité du recours aux
51
52
- S. KAMMOUN : « Le juge fiscal et la vérification de la comptabilité », op.cit
L’article 38 du CPF dispose que : « la vérification approfondie de la
situation fiscale porte sur tout ou partie de la situation fiscale du contribuable ;
elle s’effectue sur la base de la comptabilité pour le contribuable soumis à
l’obligation de tenue de comptabilité et dans tous les cas sur la base de
renseignements, de documents ou de présomptions de fait ou de droit ».
Note commune n°33/2002.
-La charte du contribuable considérait que l’administration etait tenue de
prendre en considération les données de la comptabilité au cas où cette dernière
remplissait les conditions légales de fond et de forme.
- Voir : la note commune n°23/2005 : l’administration semble changer de cap et
ne plus adopter la même logique de recours parallèle aux éléments comptables
et extracomptables. Désormais, une différenciation entre deux situations est
adoptée :d’une part, la vérification basée sur la comptabilité et, d’autre part,
celle effectuée en dehors de la comptabilité. Voir F. CHOYAKH : « L’article38
du CPDF et la possibilité de recours simultané aux éléments extracomptables
dans la cas d’une comptabilité régulière », RCF, n°71, p.39.
- les prises de positions : n° 188 du 29/02/2001 ; n °399 du 15/03/2002.
89
La vérification de la comptabilité en Tunisie
moyens extracomptables en présence d’une comptabilité régulière
avait largement caractérisé la jurisprudence tunisienne antérieure au
CPF53. Les efforts de la jurisprudence tunisienne sont louables
puisque, pour démêler cet imbroglio, elle a permis à l’administration
fiscale de recourir aux méthodes extracomptables à condition de
motiver la méthode suivie dans l’arrêté de taxation d’office et prouver
les présomptions utilisées afin d’éviter tout arbitraire et abus54. A titre
d’exemple, le Tribunal de 1ère instance de Sfax distingue entre deux
situations :
-Pour les contribuables astreints à la tenue de la comptabilité,
l’administration doit baser sa vérification sur cette comptabilité et le
recours aux méthodes extracomptables n’est possible que lorsque
l’administration prouve l’irrégularité de la comptabilité.
-Pour les contribuables non astreints à la tenue d’une
comptabilité.
Le Tribunal de 1ère instance de l’Ariana a estimé que
préalablement à la mise en œuvre de redressements extracomptables,
l’administration doit prouver l’insincérité de la comptabilité55.
53
54
55
- TA requête n°32434 du 13/11/2000 et n°32797 du 17/3/2003. Tribunal de 1ère
instance de Sfax, affaire n°317 du 23/2/2005 et n°318 du 15/6/2005 ; Tribunal
de 1ère instance de l’Ariana, affaire n°59 du 19/4/2003 (inédit). Voir : S.
BORJI : « L’opposabilité de la comptabilité en droit tunisien », op.cit.
TA 21 juin 1984, requête n°235, Rec., p.443.
TA 23 octobre 1995, requête n°1186.
TA 20 avril 1992, requête n°1028.
« Le rejet de la comptabilité équivaut à une absence de comptabilité et
l’administration se trouve fondée à déterminer le bénéfice imposable au moyen
de toutes présomptions de fait ou de droit conformément à l’article58 précité ».
CSTO 28 février 1963.
Seul le Tribunal de 1ère instance de Tunis, en interprétant l’article 38 du CPF a
confirmé la possibilité de recourir aux éléments extracomptables même en
présence d’une comptabilité régulière (affaire n°674, 10 juin 2004).
Même si les juges du fond n’étaient pas unanimes sur la question, le Tribunal
administratif a consacré des solutions adéquates :
-TA requête n° 33445 du 17/02/2003.
-TA requête n°33225 du 17/02/2003.
Affaire n°55 du 19 avril 2003.
Le Tribunal de 1ère instance de Tunis, en interprétant l’article38 du CPF, a
confirmé la possibilité de recourir aux éléments extracomptables même en
présence d’une comptabilité régulière (affaire n°674, 10 juin 2004).
90
La vérification de la comptabilité en Tunisie
III- L’ISSUE DE LA VERIFICATION DE LA COMPTABILITE
47-A l’issue de la vérification,une notification des résultats de
la vérification est élaborée et envoyée par l’administration fiscale au
contribuable vérifié et des délais de réponse lui sont accordés ouvrant
ainsi un débat quant aux procédures de recouvrement (A). Tout laisse
à penser que la vérification touche à sa fin mais le législateur a permis
la reprise de la vérification lorsque l’administration dispose de
renseignements touchant à l’assiette et à la liquidation de l’impôt et
dont elle n’a pas eu connaissance précédemment (B).
A- Le débat dans les procédures de redressement
48-La notification des redressements constitue le premier acte
dans le processus contradictoire de redressement (a). Ensuite, le
contribuable doit parvenir sa réponse à l’administration. Avec la loi de
Finances 2007, l’administration est devenue obligée de répondre aux
observations du contribuable. Un échange de réponses est alors
instauré entre l’administration fiscale d’une part, et le contribuable
vérifié d’autre part (b). Un tel échange n’empêche pas pourtant
l’administration, par une procédure unilatérale, de taxer d’office ledit
contribuable vérifié (c).
a- La notification des redressements
49-« Le support matériel du redressement est une
notification »56. Celle-ci est l’acte par lequel l’administration après
avoir achevé la vérification, détermine les conditions dans lesquelles
elle envisage rectifier les bases d’imposition résultant des déclarations
du contribuable vérifié.
50-Actuellement, la jurisprudence tunisienne semble être
constante sur l’événement qui entraîne l’achèvement de la vérification
et qui correspond à la date de notification des résultats de
vérification57. La tendance législative et jurisprudentielle semble
56
57
Th. LAMBERT : « Contrôle fiscal : droit et pratiques», PUF, 1991, p.97,
n°157.
Voir à titre d’exemple :
- Tribunal de Sfax, requête n°21 du 2 octobre 2002.
- Tribunal de Sfax, requête n°6 du 16 avril 2003.
- TA, cassation, requête, n°34689 du 28 juin 2004.
91
La vérification de la comptabilité en Tunisie
retenir la notification des résultats de vérification comme point
d’achèvement formel de la vérification58.
51-Aux termes de l’article 43 paragraphe 1er du
CPF: « l’administration fiscale notifie au contribuable, par écrit, les
redressements relatifs à sa situation fiscale. La notification s’effectue
conformément aux procédures prévues par l’article 10 du présent
code ».
52-Par la notification de redressement, l’administration ouvre
avec le contribuable un débat formalisé. D’ailleurs, la notification doit
être suffisamment motivée. Elle permet au contribuable vérifié de
prendre connaissance du fondement des impositions supplémentaires
que l’administration manifeste l’intention de mettre à sa charge et des
bases retenues pour leur calcul. Il s’agit d’une garantie fondamentale
du contribuable vérifié qui permet à ce dernier de connaître très
précisément ce qui lui est reproché, d’apprécier le fondement légal des
griefs et de discuter la pertinence des arguments qui lui sont
opposés59. Le TA, dans un arrêt du 30 décembre 1996, a donné gain
de cause à un contribuable vérifié qui s’est trouvé dans l’impossibilité
de préparer convenablement sa défense faute par l’administration de
ne lui avoir communiquer un état détaillé des nombres et nature des
documents qu’elle a pu consulter en usant de son droit de
communication auprès de l’autorité judiciaire et sur la base desquels
elle a effectivement décidé la taxation d’office. Selon le TA,
l’administration fiscale aurait dû communiquer au contribuable les
renseignements qui l’ont amené à redresser sa situation fiscale et ce,
afin de lui permettre d’apporter, éventuellement, la preuve de la
58
59
Voir sur ce point : S. JAMMOUSSI AZAIEZ : « La clôture de la vérification
fiscale », RTF, N°7, n°16.
Aux termes de l’article 43 du CPF : « La notification comporte notamment :
- La nature de la vérification fiscale dont a fait l’objet le contribuable.
- Les chefs de redressements et la méthode retenue pour l’établissement des
nouvelles bases d’imposition.
- Le montant de l’impôt exigible ou les rectifications du crédit d’impôt, du
report déficitaire et des amortissements régulièrement différés.
- Les pénalités exigibles.
- L’invitation du contribuable à formuler ses observations, oppositions et
réserves relatives aux résultats de la vérification, dans un délai de trente
jours à compter de la date de la notification ».
92
La vérification de la comptabilité en Tunisie
sincérité de ses déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère
exagéré de son imposition60.
b- L’échange des réponses
53-Aux termes de l’article 44 du CPF : « le contribuable doit
répondre par écrit aux résultats de la vérification fiscale, dans un
délai de 30 jours à compter de la date de la notification ». Cette
réponse a un caractère formel puisqu’elle doit parvenir par écrit à
l’administration fiscale.
54-L’acquiescement du contribuable aux résultats de la
vérification ne peut qu’être formel. L’article 45 du CPF dispose
que « l’acquiescement du contribuable à tout ou partie des résultats
de la vérification fiscale s’effectue par la souscription d’une
déclaration rectificative et d’une reconnaissance de dette ». Une
réponse tacite est assimilée à un refus de réponse.
55-Avant la loi de Finances pour la gestion 2007, le CPF n’a
pas obligé l’administration de répondre aux observations formulées
par le contribuable. Il s’agit d’une lacune du code dans la mesure où
elle pourrait nuire à l’exigence de mener un dialogue serein et
constructif. Les rédacteurs du code n’ont pas réellement cherché à
équilibrer les obligations des deux parties à la fin du processus de
vérification. En effet, alors que l’absence de réponse du contribuable à
la notification des redressements l’expose à une taxation d’office, le
défaut par l’administration de faire suite à ladite réponse ne constitue
pas un vice de procédure.
56-La loi de Finances pour la gestion 2007 est venue renforcer
davantage les droits du contribuable à travers l’obligation faite à
l’administration de répondre par écrit, à toute constatation des
conclusions du redressement fiscal conformément aux dispositions de
l’article 44 du CPF. En effet, l’administration est tenue aux termes de
l’article 44 bis de répondre par écrit et de justifier sa position en cas
de refus partiel ou total des arguments présentés par le contribuable.
De plus, le contribuable dispose d’un délai de quinze jours à compter
de la date de la notification de la réponse de l’administration pour
formuler ses observations, oppositions et réserves relatives aux
60
TA 30 décembre 1996, requête n°32423.
93
La vérification de la comptabilité en Tunisie
résultats de la vérification61. Le législateur aurait dû, pour rendre cette
nouvelle mesure plus efficace, lier l’administration fiscale par un délai
de réponse surtout qu’il a obligé le contribuable de répondre dans un
délai de quinze jours aux allégations de l’administration fiscale.
c- La procédure unilatérale de redressement
57-La procédure unilatérale prévue par le CPF est la taxation
d’office. Régie par les articles 47 à 52, « elle constitue un mode de
détermination de la base d’imposition utilisé par l’administration,
sans procédure contradictoire, généralement lorsque la déclaration
de cette base n’a pas été produite par le contribuable ou dans certains
cas particuliers, précisés par la loi »62.
En Tunisie, la taxation d’office est établie dans les cas
suivants :
- Désaccord entre l’administration fiscale et le contribuable sur
les résultats de la vérification fiscale préliminaire ou
approfondie.
- Lorsque le contribuable ne répond pas par écrit à la
notification des résultats de la vérification fiscale
conformément aux dispositions des articles 44 et 44 bis du
CPF.
- Lorsque le contribuable ne donne aucune suite à la réponse de
l’administration à son opposition aux résultats de la
vérification fiscale.
- Défaut de la présentation de la comptabilité aux services de
l’administration fiscale dans un délai de trente jours de la date
de la notification adressée au contribuable.
61
62
L’article 44 bis dispose que « lorsque le contribuable formule son opposition
aux résultats de la vérification fiscale dans les délais prévus par l’article 44 du
présent code, l’administration fiscale doit répondre par écrit à l’opposition du
contribuable. Le rejet partiel ou total par l’administration fiscale de l’opposition
du contribuable doit être motivé. Cette réponse est notifiée conformément aux
procédures prévues par l’article 10 du présent code.
Est accordé au contribuable un délai de quinze jours à compter de la date de la
notification de la réponse de l’administration fiscale, pour formuler par écrit ses
observations, oppositions et réserves relatives à cette réponse ».
Th. LAMBERT « Vérification fiscale personnelle », Economica, 1984, p.168.
94
La vérification de la comptabilité en Tunisie
58-Ce dernier cas, ajouté par la loi de Finances pour la gestion
2005, a laissé le Professeur Néji BACCOUCHE conclure que
« l’irrecevabilité de la comptabilité est étonnante car elle confère à
l’administration un pouvoir de taxation supplémentaire même si la
comptabilité, non présentée dans les délais, s’avérera probante. Ainsi,
la vérité, corollaire du principe de sincérité et de transparence, peut
être bafouée »63.
B- L’interminable vérification de comptabilité
59-Les opérations de vérification de comptabilité ne doivent
pas dépasser les délais de 6 mois64. La régularité de la procédure de
vérification impose le strict respect de ce délai par l’administration
fiscale65.Conformément au parag.2 de l’article 38 du CPF, lorsque
l’administration procède à une vérification de comptabilité, il lui est
interdit de la renouveler eu égard au même impôt et au titre de la
même période vérifiée. Il s’agit d’une disposition qui pose le principe
d’interdiction des vérifications approfondies successives66. Toutefois,
ce principe, n’est pas absolu et la vérification de la comptabilité peut
être exceptionnellement reprise. En effet, le CPF offre à l’administration la possibilité de réviser les résultats auxquels donne lieu la
vérification (a). Mieux encore, il offre la possibilité de reprendre,
quoique exceptionnellement, la vérification proprement dite (b).
a- La reprise de la vérification de comptabilité
60-L’article 38 du CPF a posé un principe simple en vertu
duquel : pour la même période et au même titre du même impôt, le
contribuable ne subit qu’une seule vérification de comptabilité. Cette
règle trouve son fondement dans la nécessité d’assurer au contribuable
63
64
65
66
N. BACCOUCHE : « Cours de droit fiscal », op.cit., p.223.
L’article 40 al.2 du CPF dispose que « la durée effective maximale de la
vérification approfondie de la situation fiscale est fixée à six mois lorsque la
vérification s’effectue sur la base d’une comptabilité tenue conformément à la
législation en vigueur et à une année dans les autres cas ».
TA 02 juillet 2001, requête n°32500.
TA 12 mars 2001, requête n°32084.
TA 12 mars 2001, requête n°32311.
Tribunal de 1ère instance de Sfax, jugement n°3, du 27 mars 2002 (inédit).
Sur l’interdiction des vérifications successives, voir à titre d’exemple : Tribunal
de Sfax, requête n°177, 22 octobre 2003.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
la stabilité juridique et financière, principe essentiel du droit fiscal
consacré par la jurisprudence fiscale tunisienne67. Toutefois, la loi
admet que, lorsque l’administration dispose de renseignements
touchant à l’assiette et à la liquidation de l’impôt et dont elle n’a pas
eu connaissance précédemment, elle peut procéder à une nouvelle
vérification de la comptabilité. Même si elle peut paraître
exceptionnelle, la nouvelle vérification de la comptabilité n’est pas
circonscrite dans les limites rigoureuses protectrices du contribuable,
contre les usages éventuellement abusifs du contrôle68. D’ailleurs, il a
été jugé que les vérifications successives peuvent générer une pression
psychologique chez le contribuable qui peut avoir l’impression d’être
un condamné69. Elle est donc, conclu un expert comptable, « de nature
à perpétrer l’insécurité du contribuable et sa crainte d’être exposé à
un nouveau dérangement voir à l’arbitraire »70.
61-En réalité, l’article 38 du CPF suscite plusieurs remarques :
-La première concerne les procédures à suivre lors de la
deuxième vérification. L’administration est–elle tenue, comme elle l’a
fait lors de la première vérification, d’envoyer un deuxième avis de
vérification ou non ? Est-elle obligée de respecter la même durée que
celle dont elle dispose lors de la première vérification?
-La deuxième consiste à savoir si l’administration, disposant
d’un pouvoir discrétionnaire, est tenue de prouver le caractère
nouveau des renseignements utilisés comme base de reprise d’une
nouvelle vérification ? La jurisprudence a comblé cette insuffisance et
instituer une obligation à la charge de l’administration de prouver
l’existence de nouveaux renseignements touchant l’assiette et les
modes de liquidation pour entamer une seconde vérification71.
67
68
69
70
71
Le tribunal de 1ère instance de Sfax a posé le principe de la sécurité juridique en
tant que fondement de l’interdiction du recours à des vérifications successives.
Voir Trib. de 1ère instance de Sfax (chambre fiscale), rep. .n°126 du 15 juillet
2002.
N. BACCOUCHE, op.cit., p.222. En fait, le Professeur Néji BACCOUCHE
parle de la vérification approfondie en général, c'est-à-dire la VASFP et la
vérification de la comptabilité.
Jugement du Tribunal de 1ère instance de Sfax du 15 juillet 2002.
R. YAICH : « Intervention lors du congrès de l’ordre des experts comptables de
Tunisie », RCF, n°18, octobre 1992, p.99.
Trib. de 1ère instance de Sfax,, rep.n64 du 16 avril 2003.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
-La troisième consiste à savoir combien de fois
l’administration peut renouveler la vérification à l’occasion de
l’obtention de nouveaux renseignements ? A part la prescription, il ne
semble y avoir aucune limite qui empêche l’administration à entamer
de nouveau la vérification. Les dispositions de l’article 38 ne
contiennent d’ailleurs aucune limite72. Cette pratique peut aboutir à
l’interminable vérification fiscale de comptabilité.
b- La révision des résultats de la vérification de comptabilité
par la réduction ou le rehaussement
62-En cas de redressement de la situation fiscale du
contribuable, ce dernier n’est pas toujours certain que les suppléments
d’impôts dont il a discuté avec le vérificateur seront définitifs. En
effet, l’article 46 I- du CPF dispose que : « l’administration fiscale
peut procéder à une réduction ou à un rehaussement des résultats de
la vérification fiscale, et ce, pour réparer les erreurs matérielles
relatives à l’imposition ou lorsqu’elle dispose de renseignements
touchant à l’assiette ou à la liquidation de l’impôt et dont elle n’a pas
eu connaissance précédemment ».
63-Les dispositions de l’article 46 du CPF suscitent les
remarques suivantes :
-D’abord, le droit de demander le rehaussement ou le la
réduction des résultats de la vérification est exclusivement reconnu à
l’administration.
-Ensuite, le droit de demander le rehaussement ou la réduction
des résultats de la vérification est un droit exceptionnel dans la mesure
où il concerne deux cas limitativement prévus par l’article 46 du CPF
à savoir : le rehaussement ou la réduction des résultats de la
vérification de comptabilité est mis en œuvre pour réparer les erreurs
matérielles relatives à l’imposition. L’administration procède au
rehaussement ou encore à la réduction des résultats de la vérification
de comptabilité lorsqu’elle dispose de renseignements touchant à
l’assiette ou à la liquidation de l’impôt et dont elle n’a pas eu
connaissance précédemment.
72
S. JAMMOUSSI-AZAEIZ : « La clôture de la vérification », op.cit., n°34.
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La vérification de la comptabilité en Tunisie
-Enfin, l’article 46 du CPF ne traite que l’hypothèse où la
demande de rehaussement ou de réduction est présentée par
l’administration au stade du contentieux.
64-Les rehaussements ou les réductions décidés avant le
déclenchement du contentieux feront l’objet d’un consentement
mutuel entre le contribuable et l’administration fiscale dans le cadre
de la procédure contradictoire de redressement. Dans la pratique, les
dispositions de l’article 46 du CPF font que la période contrôlée peut
tomber sous le coup de deux arrêtés de taxation d’office ce qui ne
sécurise pas le contribuable. C’est ainsi qu’un premier arrêté de
taxation d’office annulé par le Tribunal de première instance peut être
dédoublé par un second arrêté de taxation d’office aggravant de la
sorte la dette du contribuable. Jugé dangereux, et portant atteinte à la
sécurité du contribuable et à l’Etat de droit, l’article 46 du CPF doit
être abrogé. Un auteur a pu écrire que lorsque « la loi donne à
l’administration le pouvoir de prendre unilatéralement la décision de
rehausser le montant d’une taxation annulée ou modifiée par le juge
du fond, le législateur est allé plus loin puisque cette prérogative, sans
égal au droit comparé à notre connaissance, peut conduire à remettre
en cause des décisions de justice et à instaurer un contrôle fiscal
continu et pratiquement interminable »73.
73
Néji BACCOUCHE : « De la nécessité du contrôle fiscal », RTF, n°1, 2004,
p.25.
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