Dossier 3 - Art Metal Conservation

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Dossier 3 - Art Metal Conservation
Art Metal Conservation GmbH
Rapport d’étude artistique et technologique de la reproduction
métallique à grande échelle de l’œuvre de P. Picasso.
« L’homme aux bras écartés » 1961
« Picasso aura travaillé avec succès ce matériau modeste, le tordant au gré de ses caprices,
l’élevant parfois à la dimension d’un totem. »
Photo N° 1 : Prototype de 52 cm de "l’Homme aux bras écartés".
Art Métal Conservation GmbH _ Olivier Berger _ Byfangweg 1 A _ 4051 Basel
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I Historique des œuvres agrandies.
I 1 Sculptures en tôle de Picasso
« Après 1960 , Picasso reprit des techniques correspondant aux anciens reliefs de carton et
aux sculptures en métal soudé, découpant ou déchirant simplement du papier ou découpant,
pliant, peignant de la tôle pour des personnages cocasses. » (Ruiz-Picasso, Paris, 1985.)
Photos N° 2, 3 : " femme et enfant", Cannes, 1961, "femme avec enfant", Cannes, 1961.
Entre 1928 et 1934, Julio Gonzalez enseigne à Picasso les rudiments de la soudure. Les
oeuvres créées durant cette période étaient des sculptures linéaires constituées de tiges
métalliques, d'objets recyclés. Refusant la perfection technique, ses sculptures en fer sont
volontairement mal finies, avec des découpages de tôles et des soudures grossières.
« Je dessine avec des ciseaux »
Matisse à la fin de sa vie créait de petites sculptures en carton de couleur découpé, plié et
peint. Picasso venait le visiter régulièrement et ce n'est qu'après la mort de Matisse en 1954
que Picasso se mit lui aussi à créer de telles sculptures.
« J’ai réalisé un rêve que j’ai longtemps eu, celui de transformer les petits papiers qui se
trouvaient tout autour dans une forme permanente ».
Ce fut, par hasard, en visitant l’usine de Lionel Prejger à Vallauris, où étaient fabriqués des
tubes par pliage, que Picasso eut l’idée de nouvelles recherches sur la tôle métallique.
Entre 1959 et 1963, il se consacre principalement à cette technique. Ainsi plus d’une centaine
de ses sculptures ont été crées durant cette période, parfois en faisait produire jusqu’à sept
variantes de la même sculpture.
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Photos N° 4, 5 : " singe assis ; chien", 1961,Cannes, "la chaise", Cannes, 1961 tête de femme.
Les thèmes abordés par les sculptures sont du mobilier (la chaise, 1961), animalier (le singe
assis, 1961) et des personnages (la femme et l’enfant, 1961), puis une grande série de tête
(tête de femme 1962).
A cette époque, P. Pablo Picasso travaillait à partir de maquettes ou de patrons, en papier ou
carton pour réaliser les sculptures en tôle de fer peintes, pliées, découpées, soudées dans le but
de les voir un jour agrandies.
Picasso apportait ses modèles en papier ou carton à la société Tritub de Lionel Prejger à
Vallauris qui les traduisait en tôles métalliques à l’échelle 1.
Quand la sculpture en tôle pliée était trop brillante, Picasso la peignait, généralement en blanc.
Dans certains cas, la tôle était suffisamment fine pour qu’il puisse retravailler lui-même les
sculptures mais généralement il ordonnait les opérations de copie à distance et ne rentrait pas
dans l’atelier.
Ne pouvant travailler lui-même sur les pièces de métal et ainsi les corriger, tous les travaux
exécutés d’après les dessins sur papier ou carton n’étaient pas acceptés par l’artiste. Il arrivait
que certaines pièces rejetées par Picasso étaient éliminées et recommencées une nouvelle fois.
Fondamentalement tous les projets de Picasso ont été conçus pour être réalisables en métal et
aucun ne posait d’insurmontables difficultés techniques.
Le même procédé est toujours appliqué: à partir de la feuille de papier pliée pour aboutir à une
transposition dans le métal et éventuellement pousser au monumental.
Photo N° 6 : "femme aux bras levés", 1961, Cannes.
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I 2 Les agrandissements
« En travaillant sur les tôles pliées, Picasso va voir sa sculpture se développer dans un format
monumental… »
Photos N° 7, 8 : "tête de femme", 1962, Mougins, 1971, Princeton.
Le procédé du béton gravé (concrete engraving) développée à Oslo, permet la gravure d’un
dessin par un jet de gravier sur une surface en béton.
En 1957, le norvégien Carl Nesjar reprend la nouvelle technique de béton gravé et la présente
à Picasso.
Picasso satisfait des résultats après essais, lui donne son approbation pour exécuter en 1958
une sculpture de 3 mètres de haut d’après une maquette en métal de la « tête de femme ».
Les nombreuses variations de teintes de petits cailloux déplaisant à Picasso, il demande à
Nesjar de travailler dans la direction des teintes de graviers noir et blanc.
Photos N° 9, 10 : "figure", 1961, Cannes, 1967, Jerusalem.
Picasso était intrigué par la possibilité de produire des sculptures monumentales, un de ses
rêves de toujours. Dès 1927 il avait produit des dessins en vue de les agrandir de façon
monumentale. Ce n'est qu'en 1962 que les oeuvres de Picasso prendront des dimensions plus
importantes.
Depuis que Nesjar a prouvé ses capacités à transférer à grande échelle la sculpture de Picasso,
celui-ci produisit une série de dessins.
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Ainsi, dans les années 1960, on a vu une grande production de pièces monumentales incluant
« la femme aux bras écartés » en 1962, « oiseau » en 1964, « Figure » en 1965, « tête de
femme » en 1965, « Le déjeuner sur l’herbe » en 1965-66, « Figure » en 1967, « tête » en
1967, « Sylvette » en 1968, « Sylvette » en 1970, « tête de femme » en 1970-71, « tête de
femme » en 1971.
Il faut noter que la « Tête de femme » 1965 est un travail qui atteint 15 mètres de haut et la
« Figure » 1967, sa dernière grande oeuvre haute de 20 m. en acier corten a été réalisée pour
le Civic Center de Chicago.
Cette dernière sculpture en métal est considérée comme l’héritage le plus monumental de
Picasso exposée en extérieur.
Pendant très longtemps, Picasso est peu reconnu comme sculpteur car la sculpture noble
demeurait en bronze ce qui n’était pas le cas de l’oeuvre sculptée de Picasso en papier, fer ou
béton.
Ainsi les sculptures monumentales exécutées dans les dernières années de sa vie ont retenu
peu d’attention et n’ont pas été acclamées.
Elles n’étaient pas une reproduction exacte mais plus une transposition à grande échelle
d’autant plus que les exécutions de Nesjar n’étaient pas toutes suivies par Picasso et il est à
noter qu’elles ne sont pas signées par Picasso.
On ne peut pas parler de transfert objectif de maquette comme ce qui a été fait par Gonzalez
ou dans les ateliers de Vallauris dans les années 1950-60 mais plus une traduction et
interprétation des maquettes et essais sur papier.
Exemples d’agrandissement
Les sculptures mâts
Ce sont des profils de femmes, le plus souvent Jacqueline, découpés et disposés
perpendiculairement les uns par rapport aux autres autour d’un axe vertical en bois ou en
métal peints, ou en carton.
Tête de femme
Photos N° 11, 12 : "tête de femme", 1957, Vallauris et 1991, Flaine.
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Maquettes
Cannes 1957
en carton découpé,
pastel gras et mine de
plomb, 4 pièces
assemblées
72,5x31,5x27 cm avec
plusieurs inscriptions
répétées d’indications de
couleurs blanc, noir et
d’instructions de
montage.
Sculptures originales
Vallauris 1957
en morceaux de tôle
découpés, assemblés et
peints 77x35x25,7 cm
Reproductions monumentales
Vallauris 1957
en bois, découpé à la scie
et peint 78,5x34x36 cm,
projet pour un
monument :
1958 sculpture en plein air exécutée
en béton gravée par Carl Nesjar, H :
3,05 m
Haute-Savoie (Flaine) 1991
(reproduction de la sculpture en tôle
de 1957), sculpture en plein air,
acrylique sur composite polymérisé,
sur structure métallique 120x52x40
cm, fondeur : Half, Wrobel, Hanaire,
Don de la Scaler Foundation.
Les tôles pliées
La réalisation qui illustre le mieux l’étude pour un projet monumental est représenté par les
figures en carton découpé et plié sur le thème du Déjeuner sur l’herbe exécutées en 1962.
Quatre d’entre elles ont été finalement réalisées en ciment de 3 à 4 mètres de haut et placées
dans le jardin du Moderna Museet de Stockholm entre 1965-1966.
La femme aux bras écartés
Photos N° 13, 14 : "Petite femme aux bras écartés", 1961, Cannes et 1962, Saint-Hilaire.
Elle fut d’abord découpée dans le papier d’une feuille de carnet et Picasso prit soin de
sauvegarder les barbes du bord du papier arraché à la spirale pour indiquer les doigts de la
main.
La petite figure de papier devient ensuite une sculpture en tôle découpée, pliée et peinte
sommairement puis une œuvre monumentale de six mètres de haut en bétograve qui fut
érigée, à l’époque, dans le jardin de la propriété de Kahnweiler à Saint-Hilaire (Essonne).
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Maquettes (Petite
femme aux bras
écartés)
Cannes 1961
Papier découpé et plié,
36,5x37 cm
Cannes 1961
Dessin sur papier,
découpé 26,5x21 cm
Sculptures originales
Cannes 1961, 3 sculptures :
Tôle découpée, pliée, peinte
recto verso, 2 de
36,2x34,5x13 cm et 1 de
35,5x36x14,3 cm
Cannes 1961, 2 sculptures
Tôle découpée, pliée et
grillage peints,
183x177x72,5 cm et
178x170 cm, projets pour
monument :
Cannes 1961
Tôle et grillage découpés,
peinte recto verso, 29x22 cm
Reproductions monumentales
Saint-Hilaire, Chalo-Saint-Mars
(Essonne) 1962
Béton avec inclusion de galets, 5,40
x 5 m, sculpture en plein air réalisée
par Carl Nesjar, Donation Leiris
(Musée d’Art moderne de Lille)
II L’Homme aux bras écartés et sa première reproduction
Sur la place Pablo Picasso à Bâle, derrière le Musée d'art, se dresse depuis 1992 la sculpture
« l’Homme en blanc ». Cette oeuvre est un agrandissement de 62 fois de l'original de Pablo
Picasso, "l’Homme aux bras écartés".
Photo N° 15 : Original de 13 cm "l’Homme aux bras écartés".
II 1 L’original
L’original peint et réalisé en 1961 à Cannes, est un don que l’oncle de Picasso fit au Musée
d'art de Bâle en 1980.
Picasso réalisa trois exemplaires de ce modèle par pliage sur matrice et découpes de la tôle,
mais seulement un modèle fut peint.
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Les dimensions de cet exemplaire original peint sont les suivantes (N° Inv. : G 1985-4) :
Hauteur : 13 cm ; Envergure: 8,5, Epaisseur : 0,12 cm ; Socle : 0,5 x 4 x 3,1 cm ;
« Pour Picasso il était très important que même les plus petites irrégularités dans ses
découpages soient préservées dans la transposition des maquettes au métal. »
Spies, Werner : Picasso The sculpture, 2000, p.290.
La petite sculpture en tôle de fer reproduit parfaitement l’idée de découpage et de pliage du
modèle en papier.
La tôle découpée à la scie fil, a ses bords irréguliers permettant, de retranscrire l’idée des
coups de ciseaux sur une tête qui n’est pas ronde.
Les soudures de la fixation de l’homme à sa base sont grossières, elles ont été volontairement
laissées visibles.
Photo N° 16 : L’épaule gauche coupée puis soudée.
Ce n’est pas le cas de l’épaule gauche qui a été coupée puis fixée par une soudure soignée et
peu visible.
Les empâtements de peinture contribuent aussi à masquer cette soudure donnant l’illusion
d’un pliage de la tôle.
L’épaisseur de métal tronquée par la scie a été corrigée par un léger décalage volontaire des
deux éléments entre eux lors de la soudure. Ainsi, on obtient l’effet parfait de la découpe aux
ciseaux entre le bras et le cou.
Certaines imperfections ou détails sont à noter ; comme un décentrage de la sculpture par
rapport à son socle, une légère inclinaison vers l’arrière du personnage, les jambes ne sont pas
parallèles et présentent un renflement, la base n’est pas quadrangulaire.
Le métal utilisé est corrodé et la peinture comporte de nombreuses poussières.
La peinture a été appliquée très sommairement et l’on peut observer les traces de pinceau, des
lacunes et des empâtements de peinture.
La base n’est pas peinte et a reçu de nombreuses taches, la couche de peinture n’est pas
couvrante et l’on peu voir par transparence le métal rouillé sous-jacent. On observe ainsi un
jeu entre la peinture blanc sale et la couleur foncée du métal.
Photos N° 17, 18 : Imperfections comme les taches de peinture sur la base, les irrégularités de la
découpe, le renflement des jambes, les taches de rouille au travers de la peinture non couvrante.
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Photo N° 19 : Réplique de 8 m, "l’Homme en blanc".
II 2 Le premier agrandissement
Installée le 15 juin 1992, la réplique monumentale de l’original à l’échelle 1/62, mesure plus
de huit mètres de haut et pèse près de deux tonnes.
La structure creuse est composée de tôles d’acier assemblées par soudure, habillées d’un
revêtement de stratigraphie complexe. Sur le métal très lisse a été appliquée une couche
d’accroche jaune, puis un revêtement épais de résine vraisemblablement époxyde dans
laquelle du sable de différente granulométrie a été incorporé. Cette couche reproduit
volontairement des reliefs afin d’imiter les traces de pinceau et les impuretés de la peinture
utilisée par P. Picasso sur l’original. Une peinture blanche a ensuite été appliquée, recouverte
d’une couche fine de protection.
Conception et détails technologiques.
La hauteur de la réplique fait plus de huit mètres, la largeur est d’environ cinq mètres et
l’épaisseur de 15,5 centimètres.
Suivant ces dimensions, la structure ne peut être pleine pour des raisons de réalisation, de
poids et aussi de coût.
La structure creuse, en tôles d’acier assemblées, a respecté les proportions, hormis l’épaisseur
qui aurait dû non pas faire 15,5 mais 7,5 centimètres si l‘échelle d’agrandissement avait été
respectée.
La réplique monumentale de l’original à l’échelle 1/62 induit des contraintes technologiques
de fabrication et de structure.
Avec une épaisseur de plus du double de ce qu’elle aurait dû être, le rendu de tôle pliée est
effacé au profit d’un effet dit de sculpture en ronde bosse.
Photo N° 20 : Etat de conservation en 2005.
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Constat d’état et diagnostic de la conception
D’un blanc immaculé lors de sa pose, la sculpture s’est très rapidement dégradée. Après
quatre années, le revêtement de surface commença à se soulever et à présenter des cloques
importantes.
Au plan technologique, il était nécessaire de constituer une structure creuse, ce qui a produit
deux phénomènes ; l’un de condensation interne et l’autre de dilatation différentielle.
Inéluctablement une condensation d’eau à l’intérieur d’une structure en tôle de fer non traitée
induit une amplification des phénomènes de corrosion.
Une surface de tôle de fer aussi grande, exposée directement en extérieur, est soumise à des
dilatations qui peuvent être importantes d’autant plus que la structure est creuse.
La couche de revêtement, épaisse (deux à trois millimètres) et peu souple (chargée de
minéraux), ne se dilate pas de la même façon que le métal. Une désolidarisation du
revêtement par rapport à son support était à craindre, le risque étant amplifié par le fait que la
surface du métal très lisse n’avait pas été préparée. La couche d’accroche jaune (dite primer)
appliquée sur le métal n’a pas joué son rôle entre une surface métallique lisse et l’enduit épais
et peu souple, Ajoutons à cela que le primer d’accroche et l’enduit de résine chargée, ne
semblent pas judicieusement choisis et présentent peut être une incompatibilité chimique . Le
revêtement était voué à se détacher en plaques et la structure métallique à se corroder. En
treize années d’exposition les phénomènes attendus sont probants.
II 3 Conclusion et analyse des défauts
L’application d’un revêtement adapté doit être prioritaire pour la stabilité et l’esthétisme de
l’œuvre à long terme.
L’effet donné par Pablo Picasso à son œuvre sur tôle métallique est similaire à celui d’un
carton découpé et plié.
Hormis l’épaisseur qui apporte une certaine lourdeur à la réplique, il y a eu un respect
scrupuleux de l’agrandissement sans toutefois prendre en compte l’aspect artistique de
l’œuvre.
Nous pourrions avancer que le sens artistique de la reproduction a été occulté par la rigueur
technique de l’agrandissement.
Le message premier de l’œuvre n’a pas été transmis par cet agrandissement ; il semble plus
judicieux d’occulter certains détails comme les grains dans la peinture de revêtement et
essayer de reproduire un aspect de papier découpé et plié.
Une étude approfondie et compréhensive du mode de fabrication de l'œuvre et du désir de
l'artiste aurait été nécessaire pour reproduire à grande échelle cette œuvre de métal.
Photo N° 21 : L’épaisseur qui apporte une certaine lourdeur à la réplique.
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Photo N° 22 : Les deux prototypes de 52 cm.
III Conception pour un nouvel agrandissement
III 1. Réalisation d'une copie 4/1 (52 cm.)
Afin de discuter de certains détails techniques et d’être confrontés aux imprévus d’une telle
réalisation, nous avons dans un premier temps effectué la réalisation d'une copie 4/1 (de 52
cm). Ce prototype est aussi destiné à une meilleure étude et compréhension du mode de
fabrication de l'œuvre et de la volonté de l'artiste.
Pour respecter scrupuleusement les détails de l’œuvre originale, nous avons procédé à une
prise de mesures en trois dimensions. Toute manipulation de la sculpture originale même avec
les précautions les plus adaptées comporte un risque et est dommageable pour la conservation
de l’œuvre. Par souci de conservation de l’original, nous ne sommes pas intervenus
directement sur la sculpture, ce qui aurait été plus aisé, mais nous avons procédé à des séries
de mesures indirectes, saisies par la suite sur ordinateur pour obtenir une vision en trois
dimensions de l’objet.
La sculpture originale a été placée sur un système rotatif gradué afin de prendre tous les
angles en photographie. Le fond en papier millimétré permet d’effectuer des agrandissements
calibrés des photographies et de pouvoir calculer toutes les dimensions.
Les angles des bras et jambes ont été mesurés à l’aide de calibres en carton.
Une fois toutes les mesures prises, une découpe laser a été effectuée, suivie de pliages,
soudure et mise en teinte.
Ce prototype fut la base de discutions destinées à anticiper les problèmes techniques et
artistiques dus à l’agrandissement.
La confection de plaques d’essais pour la peinture et d’une reproduction à l’échelle 15/1 de la
partie délicate de l’épaule gauche ont été réalisées en complément au prototype à l’échelle
4/1.
Photo N° 23 : Détail de la réplique de 52 cm.
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III 2. Choix et orientations
Matière de la copie
L’agrandissement de Bâle réalisée en 1992 est en tôle d'acier respectant ainsi la nature de
l’original. Mais cette œuvre présenta rapidement des problèmes de corrosion au travers de son
revêtement. Riche de ces observations nous avons essayé d’avoir un objet pérenne et stable
vis-à-vis de la corrosion.
Les agrandissements d’après des œuvres de pliage de Picasso (Cf. chapitre I .2) ont été
réalisés en béton. Sa dernière grande oeuvre « Figure », réalisée pour le Civic Center de
Chicago en 1967, haute de 20 m est en acier Corten (matériau stable après avoir atteint son
équilibre).
La retranscription à grande échelle se voulait dans des matériaux dits stables, nous
travaillerons donc avec une structure métallique en acier inoxydable évitant ainsi tout
problème futur de corrosion.
Photo N° 24 : Essais en atelier sur des tôles en acier inoxydable de 1 cm.
Revêtement
L’agrandissement de Bâle a tenté de respecter un aspect sale et irrégulier en incorporant du
sable dans la couche de revêtement. Cette couche défectueuse s’est rapidement désolidarisée
de l’œuvre métallique.
Nos préoccupations sont autres et l’application d’un revêtement adapté doit être prioritaire
pour la stabilité et l’esthétisme de l’œuvre à long terme.
La nouvelle sculpture se trouvera sous les arbres nécessitant des nettoyages fréquents. De plus
une surface blanche suscitera inévitablement des attaques de sprayeurs qu’il faudra
rapidement et efficacement éliminer.
Créer des rugosités sur la surface ou incorporer des poussières serait à l’encontre d’une
stabilité de la couche de revêtement. Nous procéderons donc à l'application de revêtement
sans additif et appliquée de façon régulière.
« La coloration des pièces de papier avec de la gouache les traces de pinceau faisait en sorte
que ces couleurs étaient vivantes et accentuaient les irrégularités. » description de l’œuvre de
Matisse.
La peinture sur l’originale a été appliquée très sommairement la couche de peinture n’est pas
couvrante et l’on peu voir par transparence le métal rouillé sous-jacent. On observe ainsi un
jeu entre la peinture blanc sale et la couleur foncée du métal, les traces de pinceau, des
lacunes et des empâtements de peinture sont visibles.
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Nous n’utiliserons pas d’acier rouillé comme Picasso mais pour retrouver cet aspect nous
pouvons travailler avec une première sous couche de peinture foncée puis une seconde moins
couvrante blanche ce qui apportera différentes tonalités.
Nous travaillerons sans empâtement ni rugosité, les deux couches de peinture seront des
bicomposants stables et résistantes, un revêtement anti graffitis est envisageable.
Afin d’avoir le maximum d’accroche de la peinture sur le métal celui-ci sera sablé ou brossé
et les angles de découpe seront chanfreinés.
Afin de juger du type d’application du revêtement et de la couleur, 8 essais sur plaque de
métal ont été présentés.
Choix du non respect volontaire de certains détails
Ne pas respecter certaines imperfections ou détails qui ne sont à l'origine pas dus aux volontés
de l'artiste nous semble judicieux.
Le respect initial et scrupuleux de ces défauts et imperfections amplifiés à grande échelle
pourrait se transformer en des maladresses, erreurs ou non maîtrise de la technique de
reproduction.
L’interprétation du public peut être erronée face à ces défauts devenus flagrants et beaucoup
moins subtils que sur l’original.
Par exemple le personnage original n’est pas centré sur son socle et présente une légère
inclinaison en arrière, l’amplification de ces détails n’apporterait rien à la copie et en plus
engendrerait un problème d’aplomb et de statique.
Techniquement il n’est pas possible d’avoir les mêmes rendus sur une tôle d’épaisseur plus
conséquente, nous devons alors varier les méthodes de fabrication et les adapter pour
s’approcher de l’oeuvre originale et de son message artistique.
Sans réinterpréter le sens artistique de l’oeuvre nous devons trouver un compromis pour ne
pas répéter les erreurs du passé (celui de 8 mètres) et ne pas avoir un résultat aseptisé ou trop
industriel.
L’épaisseur
Les dimensions de l’original sont : Hauteur : 13 cm ; Epaisseur : 0,12 cm ; Socle : 0,5 x 4 x
3,1 cm.
Si le personnage de 13 cm est à l’échelle 15/1 nous obtiendrons 195 cm de haut et pour
l’épaisseur de 0,12 cm x 15 soit 1,8 cm.
L’acier inoxydable est un matériel qui nous permet par sa résistance de travailler avec de
faible section, de plus la pliure des jambes renforce cette résistance. Après calculs nous
pouvons réduire l’épaisseur de la copie à 1 cm.
Ainsi nous ne respecterons pas l’échelle d’agrandissement concernant l’épaisseur pour nous
rapprocher de cet aspect de découpe et pliure.
Nous cherchons donc à réduire et non pas augmenter l’épaisseur, contrairement à ce qui a été
fait pour l’agrandissement de Bâle à l’échelle 1/62. Pour des contraintes technologiques de
fabrication et de statique de la structure, l’épaisseur qui aurait dû être 7,5 cm fut le double soit
15,5 cm
Le résultat s’en retrouve éloigné de l’idée première de papiers découpés et pliés.
Les traces de soudure.
Les plus évidentes sont celles de fixation de la sculpture à son socle.
Celles-ci ne seront pas reproduites pour des raisons de corrosion car nous devons isoler la
sculpture en acier inoxydable de son socle en acier Corten.
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Photo N° 25 : Réplique à l’échelle 15/1 de l’épaule gauche.
L’épaule gauche
L’épaule gauche demeure délicate pour son agrandissement. Nous avons l’impression d’un
pliage mais elle est fixée par soudure.
Les pâtés de soudure sont masqués par des empâtements de peinture. Ne pouvant pas
travailler en surépaisseur de peinture, nous allons laisser apparentes les soudures mais sans
respecter l’échelle d’agrandissement. Ainsi l’aspect du pliage sera maintenu mais la technique
de soudure sera discrètement visible.
Le bras gauche est la contre découpe de la tête.
Picasso a coupé à hauteur de l’épaule ce bras pour le plier en avant.
Pour rattraper le manque de matière dû à l’épaisseur de la scie, il a décalé le bras vers la tête
avant de le fixer à nouveau.
Nous ne pouvons pas respecter toutes les proportions d’agrandissement et sommes obligés de
faire des compromis sur cet élément.
Nous reproduirons un décalage de coupe pour éviter un aspect trop normalisé.
L’épaisseur de l’épaule ne correspondra pas à l’addition des deux plaques mais par un jeu de
chanfreins sera amoindrie à la moitié pour des résultats esthétiques.
La ligne d’assemblage des deux plaques visible sur l’original sera masquée sur la copie par le
bourrelet de la soudure et un biais en arrière de la sculpture.
Les traces de pliage et de découpe.
Le pliage sur matrice effectué par Picasso a laissé des traces à l’arrière des jambes et du bras
droit. Pour la découpe il en est de même sur les bords de la tôle, nous observons les traces
laissées par la scie.
Les traces de pliure derrière les jambes ne seront pas respectées pour des raisons esthétiques
et techniques. Ces traces agrandies seraient peu harmonieuses et les matrices utilisées pour les
grosses épaisseurs de tôle ne sont pas les mêmes que celles utilisées pour le pliage des fines
tôles de Picasso.
Pour être le plus discret et le plus respectueux du rendu de pliage nous devons jouer sur les
angles des tranches (les tôles faisant 1 cm d’épaisseur). Ce travail des angles ne nous permet
pas d’avoir des irrégularités de la scie.
Les bords seront chanfreinés de façon régulière pour éviter d’être coupants et permettre un
maintien durable de la peinture.
Lors de la pliure des jambes, la sculpture a subi une déformation donnant l’aspect de
déhanchement, cette déformation après discussions sur le prototype ne sera pas respectée.
Les lignes des jambes seront droites.
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La base
La base respectera l’aspect rouillé par l’utilisation d’acier Corten mais les taches de peinture
et les rayures ne seront pas reproduites.
La base ne respectera pas les proportions de l’agrandissement, ainsi le socle sera haut de 4 cm
au lieu de 7,5 cm.
Le type de fixation de la sculpture à sa base sera amovible.
L’aplomb sera donné à la sculpture qui sera centrée sur son socle.
Autres détails
L’aspect rouillé de l’acier ne sera pas obtenu avec l’utilisation de l’acier inoxydable mais une
superposition de couche de peinture simulera cet aspect.
Après discussions autour du prototype, le volume entre les jambes sera réduit et la pointe du
pied gauche affiné.
III 3. Réalisation de la copie finale à grande échelle15/1 (195 cm.)
La réalisation de la copie à grande échelle 15/1 (de 195 cm) sera exécutée dans un acier
inoxydable de 1,0 cm.
Le socle amovible de 4 cm de haut sera en acier Corten lui-même fixé sur une base de béton.
Le métal résistant à la corrosion sera recouvert d’une peinture bi composant appliquée en
deux couches dont l’effet de surface, la couleur, restent à définir.
Pour garantir une bonne accroche de la peinture au support, le métal sera sablé ou brossé et
les angles chanfreinés.
La tôle sera découpée au laser puis mise en forme sur matrice par pression hydraulique et le
bras gauche soudé.
Tout en adaptant certains détails techniques, ce travail en atelier produira une copie fidèle du
modèle que Picasso avait réalisé respectant l’idée de découpe et de pliage d’un carton.
Photo N° 26 : Différents angles de prises de vues calibrées pour l’interprétation en atelier.