P.Labbé / Temporalités / 06-2013 /1 Autant en emporte le

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P.Labbé / Temporalités / 06-2013 /1 Autant en emporte le
P.Labbé / Temporalités / 06-2013 /1
Autant en emporte le temps. Ou l’oxymore
de l’insertion et l’urgence de l’essentiel.
1
Philippe LABBÉ
« Les hommes n’ayant pu guérir la
mort, la misère, l’ignorance, ils se sont
avisés, pour se rendre heureux,
de n’y point penser. »
PASCAL, Pensées, 123, {1670} 2004,
Paris, Gallimard, p. 117.
Allez, une anecdote de mise en bouche.
J’animais il y a quelques mois un séminaire et,
patatras, voilà mon lecteur de DVD qui me
lâche. Unilatéralement (mais sans doute pour
le plus grand bonheur des participants), je
décrète une pause et rejoins dare-dare un
hypermarché proche. « Espace culturel »,
l’expression est douce à l’oreille, subliminale
dans le cortex : on ne vient pas acheter –
quelle horreur, quelle vulgarité ! - mais on vient
déambuler dans un espace-temps cultivé. Bref,
je trouve un lecteur de DVD. Complet avec les
fils, les écouteurs, le transformateur et le mode
d’emploi en vingt langues dont l’avant-dernière
est le français, ce qui – soit dit en passant rend modeste, en tout cas moins gallinacentré.
Tout cela pour 20 €, évidemment made in
RDC (République Démocratique de Chine)…
démonstration in situ, in vivo d’un illusionnisme,
celui de la ré-industrialisation de la France…
sauf à ce que les ouvriers français acceptent,
pour être compétitifs, de diviser leur SMIC par
2
dix . Mais là n’est pas la question. A l’autre
bout du rayon, un trio : Madame et Monsieur,
manifestement heureux de profiter depuis de
longues années de leur retraite, et un jeune
conquérant modèle « force de vente ». Il fallait,
évidemment, s’approcher. Les trois sont face à
des ordinateurs, le couple de seniors
paraissant plutôt séduit par l’un d’entre eux,
ma foi assez joli, avec des couleurs ; telle n’est
pas l’opinion du vendeur qui, lui, n’est pas en
reste de « bits », « mégabits » et « octets ».
Un des deux ordinateurs, plus austère, quasi1
Ethnologue, docteur en sociologie, consultant du
cabinet SCOP Pennec Conseils Etudes, chargé
d’enseignement et chercheur associé à l’Université
de Rennes 2. Auteur de plusieurs ouvrages sur
l’insertion publiés dans la collection « Les panseurs
sociaux » qu’il dirige aux éditions Apogée (Rennes).
2
Selon Le Temps (9 janvier 2012), le salaire
er
mensuel minimum des ouvriers à Pékin était au 1
janvier 2012 de 1260 yuans (156 euros). Dans le
Sichuan, province de l’ouest de la Chine, qui
« bénéficie, grâce à ses coûts de main-d’œuvre plus
bas, des délocalisations des provinces côtières vers
l’intérieur », le salaire minimum varie de 800 à
1050 yuans (99 à 130 euros).
calviniste, a manifestement sa préférence
quoique ou parce que plus cher et, surtout,
plus rapide : quatre nanosecondes – c’est-àdire quatre milliardièmes de seconde gagnées par opération ! Avec quel ordinateur
ces paisibles retraités sont-ils partis ? Avec
celui qui, certes plus cher et moins attrayant,
leur fera gagner quatre nanosecondes par
opération. Des retraités… Tout compte fait, ce
3
n’est sans doute pas qu’une anecdote.
Et bien je crois que, parmi tous les
grands bouleversements de ces dernières
décennies, le rapport au temps est parmi les
plus importants pour comprendre ce qui ne va
pas, le champ du social dont, ici
spécifiquement, celui de l’insertion des jeunes
étant particulièrement éclairant. Pour, en effet,
en être issu (il y a, malheureusement, fort
longtemps – quarante ans – comme éducateur
spécialisé) et pour accompagner depuis ses
professionnels, force m’est de constater que
l’expression la plus commune y est
« lenédanleguidon ».
Moins
trivialement
formulé : « On n’a pas le temps de réfléchir, on
fait. » Ce qui, pour des métiers (travailleurs et
intervenants
sociaux)
de
prestations
intellectuelles – écouter, comprendre, motiver,
4
informer, orienter, réconforter… - pose a
minima deux (sérieux) problèmes. D’une part,
alors que l’individualisation est un leitmotiv,
comment prétendre bien travailler sans
réfléchir dès lors que la relation humaine – le
travail sur et avec autrui (DUBET, 2002) – se
limite à une exécution de tâches modélisées,
protocolisées, minutées ? D’autre part, faut-il
s’étonner de l’effet d’instrumentalisation dont
se plaignent et souffrent les professionnels ?
3
« La nanoseconde expulse notre sentiment
reposant de la durée. Elle l’anéantit. Chaque
battement de notre cœur devient une éternité, mais
une éternité dérisoire. » Philippe ENGELHARD,
L’homme mondial. Les sociétés humaines peuventelles survivre ? 1996, Paris, Arléa, p. 340.
4
Mieux payé, l’intervenant social pourrait être ce
« grand de la cité par projets », cet « homme
connexionniste » : « … il sait donner de sa
personne, être là quand il convient, où il convient,
mettre en valeur sa présence dans des relations
personnelles, en face à face : il est toujours
disponible, d’humeur égale, sûr de lui sans
arrogance, familier sans excès, serviable, ayant
plus à offrir qu’à attendre. {…} Il possède « une
stratégie de conduite des relations, une sorte de
monitorage de soi qui débouche sur une habileté à
produire des indices capables de faciliter les
contacts ». Il sait prêter attention aux autres pour
rechercher des indices qui vont permettre
d’intervenir à bon escient dans des situations
d’incertitudes… »
Luc
BOLTANSKI,
Eve
CHIAPELLO, Le nouvel esprit du capitalisme, 1999,
Paris, Gallimard, p. 171.
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On ne demande pas à un outil de réfléchir.
Simplement d’être agi. A partir de ce moment,
la porte est ouverte à toutes les dérives dont,
par exemple, une évaluation exclusivement
quantitativiste : combien faut-il de coups de
marteau - entretiens pour enfoncer - finaliser
ce (foutu) clou – projet d’insertion ? Ou,
s’agissant d’insertion, combien d’entretiens
sont-ils nécessaires pour un public profilé,
faute de quoi la subvention sera rabotée ? La
relation d’aide, nécessairement complexe, se
résume à faire entrer, vite et en respectant les
5
procédures , un individu nécessairement
patatoïde dans un moule parallélépipédique.
Elle est devenue un « travail sans qualités », le
lapin-intervenant social ne quittant pas des
yeux
les
pattes
du
renard-financeur
(SENNETT, 2000).
La politique de l’insertion des jeunes est
vaste, recouvrant les domaines de l’emploi, de
la formation, du logement, de la santé, de
l’accès aux droits, etc. Lorsqu’elle fût conçue
officiellement
en
1981,
le
« Rapport
SCHWARTZ » (SCHWARTZ, 1981) étant
considéré comme la date de naissance de
l’insertion, la question du temps n’était pas
posée sinon avec optimisme : François
MITTERRAND, élu avec le slogan « Changer
la vie », parviendrait sans doute possible et en
quelques mois à nous faire paître l’herbe bien
plus grasse et verte des Trente Glorieuses, à
peine finies depuis une demi-douzaine
d’années. Ce temps nécessaire de la « phase
de grâce » durerait un an, dix-huit mois tout au
6
plus . Las, trente ans après, les raisins trop
verts de l’insertion grincent sous les dents et
cette dernière n’en finit pas de durer –
jeunesse interminable… (ALLÉON, MORVAN,
LEBOVICI, 1985) – et de s’épandre : autrefois
réservée aux deux cent mille jeunes sortant
chaque année sans diplôme ni qualification,
elle gangrène désormais toute une génération,
rentiers exceptés, des « niveaux V et infra »
(déqualifiés) aux master 2 (déclassés). Cette
massification de l’insertion a changé la donne.
Désormais, ce ne sont plus soixante jeunes
5
« Or, l’accumulation des procédures a pour effet
pervers de construire les critères de dénomination
des populations concernées qu’au travers de ces
mesures administratives. » DARTIVENAGUE JeanYves, GARNIER Jean-François, L’homme oublié du
travail social, 2003, Paris, Erès, p. 96.
6
La lecture du Rapport SCHWARTZ est sans
ambigüité : le thème de la « relance économique » y
est récurrent et, lorsque les Missions locales – une
des préconisations – furent créées en 1982, ce fût
pour dix-huit mois – deux ans, sur la base de mises
à disposition puisque la gauche parviendrait
rapidement à résoudre le chômage des jeunes, ce
que la droite n’avait su faire.
qui sont accompagnés par un conseiller mais
7
deux cents voire beaucoup plus . Dans de
telles conditions, les professionnels sont
contraints de « faire vite » et d’espacer les
rencontres. Ils se réservent généralement
quelques « cas » de jeunes auxquels ils
accordent plus de temps : principe d’équité
mais également, sans doute, façon de
conserver a minima l’essence de la relation
d’aide, un peu comme l’aspiration goulue du
plongeur suffocant d’apnées trop longues.
La question du temps pour les
intervenants sociaux n’est d’ailleurs pas
réductible au traitement de masse du chômage
des jeunes corrélé au manque de moyens
mais elle est un des nombreux paradoxes, au
sens d’injonctions paradoxales et de doublelien, qui perturbent – euphémisme – la qualité
8
du travail d’insertion . Toutefois, comme
indiqué, le temps dans le processus de
socialisation est sans aucun doute très
problématique et critique car, s’il va de soi que
la
socialisation
se
construit
multifactoriellement
(anthropologiquement,
économiquement,
familialement,
affectivement…), force est de constater que
chacun se socialise de toute façon dans le
temps
et
dans
l’espace.
Laissons
(arbitrairement) de côté l’espace et son
écartèlement paradoxal de dilatation (le
monde-village, le général, l’homogénéisation)
et de rétractation (le localisme, l’idiome,
l’hétérogénéisation) pour relever quelques
contradictions majeures dans le rapport au
temps.
« - C’est de très bonne confiture, insista la
Reine.
- En tout cas, aujourd’hui, je n’en veux pas.
A aucun prix.
- Vous n’en auriez pas, même si vous en
vouliez à tout prix, répliqua la Reine. La règle est en
ceci formelle : confiture demain et confiture hier,
mais jamais confiture aujourd’hui.
- On doit bien quelquefois arriver à confiture
aujourd’hui, objecta Alice.
- Non, ça n’est pas possible, dit la Reine.
C’est confiture tous les autres jours, voyez-vous
bien.
- Je ne vous comprends pas, avoua Alice.
Tout cela m’embrouille tellement les idées… »
7
Ainsi, j’ai trouvé dans une mission locale
martiniquaise une conseillère en charge de… six
cents jeunes !
8
Dont l’ « emploi durable » alors que plus de huit
embauches sur dix correspondent à des emplois
précaires, dont l’injonction au partenariat dans un
système (appel d’offres) de mise en concurrence,
etc. Philippe LABBÉ, « Les sept fantasmes des
politiques de l’emploi », Le Monde, 10 mai 2006.
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Lewis CARROLL, De l’autre côté du miroir.
9
{1872}, 2004, ebooks, p. 66.
Tout d’abord, remarquons que la
question
du
temps
est
appréhendée
généralement et spontanément (par analogie
et par habitude)… chronologiquement : passé
- présent – futur, hier – aujourd’hui – demain.
Mais, comme on le dit, « on ne sait pas de
quoi demain sera fait »… sentence d’autant
plus juste dans une société dont l’alpha et
l’oméga reposent sur la mobilité, l’innovation,
le changement, vs une société dont l’idéal
(largement promu par le patronat soucieux de
sédentariser sa force de travail et de
condamner le vagabondage) était celui de la
stabilité et de la sécurité. Jadis, peu ou prou, le
futur devait ressembler au présent ou, plus
exactement, on organisait le présent pour qu’il
prépare et soit conforme à ce que devrait être
le futur, telle était l’assurance d’une société
10
stable : la prochaine vague s’échouerait à
l’identique de celle qui la précédait et ainsi de
suite au rythme de la reproduction. Vaguelette,
rouleau, ressac ou tsunami, la prochaine
vague est désormais inconnue, chassant la
11
contemplation rêveuse et mélancolique au
bénéfice d’une inquiétude qui force l’attention.
12
Il existe désormais une hypnose du futur ,
parfaitement exprimée par l’hyper-récurrence
du projet utilitariste (et non politique ou
philosophique comme ce fût le cas depuis les
Lumières et avec le thème du « progrès »),
dont une illustration, dans le champ de la
politique de l’emploi ou du développement
économique,
s’énonce
en
acronyme :
« GPEC » (gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences). A défaut d’augures
fouillant les entrailles de volatiles, on cherche,
avec moult raffinements méthodologiques
13
(projections, pondérations… ), à savoir ce
9
Dilemme : le lapin blanc, toujours montre en mains,
aurait pu tout aussi bien illustrer cette course du
temps…
10
Stabilité qui n’est pas synonyme d’immobilité
mais de linéarité : le futur comme « extension » du
présent pour reprendre les termes de Michel
MAFFESOLI (« Post-modernité : une nouvelle
donne sociale », Parcours. Les Cahiers du GREP
Midi-Pyrénées, n° 11/12, 1995, Toulouse, pp. 73115.
11
« L’eau est l’élément mélancolisant… » Gaston
BACHELARD, L’eau et les rêves. Essai sur
l’imagination de la matière, 1989, Paris, Librairie
José Corti, p. 123.
12
Le paradoxe est que ce futur hypnotise dans un
système de la néomodernité dont une des
caractéristiques est le présentéisme et la perte des
« grands récits » (Jean-François LYOTARD, 1979).
13
« Mais ce qui, par-dessus tout, leur donne beau
jeu, c’est le style obscur, ambigu et fantastique du
que nous « réserve » demain comme si
demain était déjà constitué et que, comédiens
sur la scène du présent, il nous fallait écarter
l’étoffe du rideau du présent pour y trouver ce
qui nous attend. Or seul « le passé est
observable parce qu’il est immodifiable » alors
que le futur {est} modifiable parce qu’il est
inobservable. {…} Observer le futur, ce serait
vouloir le rendre passé sans passer par le
14
présent ! »
Nous passons – on pourrait
utiliser le passé composé si ce processus était
maîtrisé – d’une société, nature et culture,
déterministe et, donc, prévisible, à une société
probabiliste où la flèche du temps ne poursuit
pas une trajectoire rectiligne : « Le temps
s’explique avec les bifurcations ; le passé
correspond à une trajectoire au travers de
points de bifurcation, et le futur comprend des
bifurcations dont nous ne savons pas quelle
15
sera la direction. » Le passé n’explique plus
le futur, il y a, comme Hannah ARENDT
l’exprime dans sa préface à La crise de la
culture, une « brèche entre le passé et le
futur » : « … sans cet achèvement de la
pensée après l’acte, sans l’articulation
accomplie par le souvenir, il ne restait tout
simplement aucune histoire qui pût être
16
racontée. »
S’agissant des temps de l’insertion,
passage d’une jeunesse interminable à une
adultéité courte, la séniorité intervenant tôt (la
cinquantaine), on ne peut que constater leur
désynchronisation : majorités pénale, civile,
sociale, domiciliaire, économique s’étirent, ne
suivent plus une logique linéaire (gagner sa vie
– quitter sa famille – se marier – emménager 17
procréer… ) … Bref, tout est dans un
désordre, pour ne pas dire en vrac, fait de
progressions et de régressions, d’involutions,
de recompositions, de heurts, de honte aussi :
revenir vivre à trente ans chez ses parents est
rarement glorieux même si la machine à laver
jargon prophétique auquel leurs auteurs ne donnent
aucun sens clair afin que la postérité puisse lui en
appliquer un, tel qu’il lui plaira. » MONTAIGNE, Les
Essais, chapitre XI « Sur les prévisions de l’avenir »,
{1572-1575}, 2009, Paris, Gallimard, p. 56.
14
Marc WETZEL, Le temps, 1995, Paris, Quintette,
p. 10.
15
Ilya PRIGOGINE, « La fin des certitudes.
Entretien avec Ilya Prigogine », in Réda
BENKIRANE, La Complexité, vertiges et promesses,
2002, Paris, Le Pommier, p. 49.
16
Hannah ARENDT, La crise de la culture {1954},
1972, Paris, Gallimard, p. 15.
17
Ainsi, en l’espace de cinquante ans (1950-2000),
l’âge du premier emploi stable en France est passé
de vingt ans à vingt-huit ans. (Yaëlle AMSELLEMMAINGUY, Joachim TIMOTEO, Atlas des jeunes en
France, 2012, INJEP, Editions Autrement, p. 11).
P.Labbé / Temporalités / 06-2013 /4
est un fort attracteur. Posons toutefois
l’hypothèse que, grosso modo et puisque les
enfants seraient plus plastiques que leurs
parents, les jeunes « en insertion » s’adaptent.
Toutefois, dès lors qu’ils entrent dans le
système de l’insertion, lui-même contraint par
des objectifs de résultat au plus court terme
possible, ils sont sommés (bien entendu
gentiment,
empathiquement,
contractuellement) de s’ « orienter » sans
tarder : le temps de l’insertion, quasisynonyme de socialisation secondaire et qui
devrait donc être celui des expérimentations
multiples qui, sédimentées, constituent une
expérience, est raccourci, diminué… avec une
forte probabilité que l’ « orientation » trop
hâtivement arrêtée se conclut par un constat
d’erreur, une impasse. Mais, volens nolens,
demain sera un autre jour et, pour peu que le
jeune ait franchi le cap des vingt-cinq ans
révolus, la patate chaude atterrira – plus
probablement s’aplatira - ailleurs, sur un
chantier ou dans une entreprise d’insertion, un
PLIE…
L’injonction institutionnelle la plus
remarquable est, ici, l’oxymore « accès rapide
à l’emploi durable » (chapeau, il fallait
l’inventer !)… parce que, tout simplement et
raisonnablement, la réalité des faits têtus
inviterait à la formulation exactement inverse
pour la grande majorité des jeunes en
insertion… qui accèdent lentement à l’emploi
précaire.
Moins caricaturale mais redoutable dans
ses effets est la mise en compétition des
missions locales au regard de leurs résultats.
18
Ainsi, lorsque Le Monde (30 mai 2013) publie
une carte de France avec les taux de contrats
d’emplois d’avenir signés, les départements
étant classés de « moins de 7% » à « 30% ou
plus » de leurs objectifs (en fait ceux de l’Etat),
la logique institutionnelle est bien celle de la
compétition entre structures, d’une part
exactement à l’opposé du principe coopératif
et d’entraide qui devrait être celui d’un réseau
(contribution – rétribution), d’autre part
culpabilisant pour les derniers de la classe qui
ont tout intérêt à appuyer sur le champignon
pour rattraper leur retard. Si ceux-ci ne
l’avaient pas compris, le ministère (traduire
également : le financement) n’évite pas la
désignation : « Les missions locales en Seine
Saint-Denis et les collectivités ne font pas
assez d’efforts. » En d’autres termes, elles
n’ont déjà perdu que trop de temps. Prendre le
temps ou, selon l’expression présidentielle, le
18
Jérémie BARUCH, Jean-Baptiste CHASTAND,
« Les emplois d’avenir peinent à démarrer, surtout
dans les zones urbaines sensibles », 30 mai 2013,
Le Monde.
laisser au temps devient un luxe, sinon un
19
sabotage de l’exigence de performance , elle
rapide. Il est vrai que réfléchir demande du
temps… mais demande-t-on aux missions
locales de réfléchir ? La récurrente appellation
d’« opérateurs » n’incite pas à le croire, il suffit
20
qu’elles (s’)exécutent…
Rapidement, il me faut aussi rappeler
que les trois temps, passé – présent – futur,
correspondent
désormais
à
des
représentations antithétiques. Le passé,
comme
indiqué,
autrefois
synonyme
d’expérience est traduit pour les adultes en
21
obsolescence et, pour les jeunes en insertion,
il est un reproche : n’en ayant pas, du moins
professionnellement, ils sont considérés
comme inexpérimentés… ce qui peut durer
longtemps : en insertion à perpétuité ? Nul
besoin d’être sociologue pour le présent… Il
22
suffit d’écouter ce que « les gens de peu »
disent à La Civette ou au Balto : « On ne voit
plus le temps passer. » Exit le carpe diem.
Nous l’avons dit, le futur, autrefois prévisible
dans la lancée du présent, est imprévisible et,
si « le hasard est une chance à saisir » selon
23
l’optimiste MORIN , force est de constater
que, pour le saisir, mieux vaut être en forme,
c’est-à-dire
disposer
des
capitaux
(économique, culturel, social, symbolique)…
qui, généralement, font défaut aux jeunes
24
cabossés .
19
Philippe LABBÉ, « Insertion : l’efficacité
gangrénée par la performance », 27 janvier 2012,
Actualités Sociales Hebdomadaires.
20
« La culture technique est inculture de tout ce qui
n’est
pas
technique. »
André
GORZ,
Métamorphoses du travail. Quête de sens. Critique
de la raison économique, 1988, Paris, Galilée, p.
113.
21
Mais, si le passé est obsolescent, comment régler
le problème de « la singulière impuissance de notre
jugement partout où le recul du temps ne nous a
pas fourni de critères assurés » ? (Hans-Georg
GADAMER, Vérité et méthode. Les grandes lignes
d’une herméneutique philosophique, {1960} 1996,
Paris, Seuil, p. 319.
22
Pierre SANSOT, Les gens de peu, 1991, Paris,
PUF.
23
Edgar MORIN, Introduction à la pensée complexe,
1990, Paris, ESF Editeur, p. 106.
24
Dans les premières pages des Bricoleurs de
l’indicible (2003, tome 1, Rennes, éditions Apogée),
je racontais cette histoire vécue d’un jeune de
quartier « DSQ » (développement social des
quartiers) qui, pour être intégré dans une bande, se
moquait avec celle-ci de son père lorsque celui-ci,
revenant d’une journée à siroter son AAH, rentrait
en zigzaguant sur son vélo : « Et chaque jour, avec
ses copains, le fils riait – jaune – de cet
« acrobate »… qui était son père. Comment a-t-il pu,
ce jeune, remonter socialement en selle ? A quelles
P.Labbé / Temporalités / 06-2013 /5
Enfin – la place est comptée – on ne
saurait négliger les discordances entre les
temps des programmes, des apprentissages,
des horloges électorales et des « besoins de
l’appareil productif ». Chacun, d’où il est, joue
sa partition et le tout produit un surprenant
concert dont l’harmonie n’est pas la
caractéristique. Comme l’écrivait Arnaud du
CREST, « Les entreprises rêvent de
25
génération spontanée »
: hormis d’aussi
remarquables que rares exceptions, les
entreprises recherchent la perle rare,
évidemment formée, mobile, disponible
immédiatement,
peu
gourmande
financièrement et révocable sans préavis une
fois satisfaite la commande à l’origine du
recrutement. Mais, en face, les organismes de
formation doivent s’équiper, disposer des
formateurs. Mais, en face, les intermédiaires
de la politique de l’emploi, doivent répondre
aux nouvelles priorités qui se superposent aux
anciennes priorités qui demeurent prioritaires.
Mais, en face, les jeunes progressent chacun
à leur rythme. Mais, en face… Tout cela dans
l’urgence. Il n’y a, finalement, qu’une seule
chose qui ne soit pas urgente : celle du
prochain rendez-vous pour recevoir le jeune,
l’écouter, le conseiller.
Mais il est temps, c’est le mot, de
conclure…
« A force de sacrifier l’essentiel à l’urgence,
on parvient à oublier l’urgence de l’essentiel. »
Hadj GARUM O’RIN
Plutôt que gagner du temps, il faudrait le
prendre ou, plus exactement, s’accorder et
accorder du temps.
acrobaties a-t-il été contraint pour digérer sa
participation lâche – et cependant obligée : ne pas
perdre la face devant le groupe de ses pairs – à la
dérision de son géniteur ? Or, ce sont de plus en
plus de ces jeunes, avec des histoires
inimaginables pour des parents « normaux » {…}
qui s’orientent vers les missions locales : six mois,
un an, dix-huit mois… pour remonter une pente
qu’ils ont dévalée, sur laquelle ils se sont cabossés
quinze-vingt ans. » (p. 26).
25
« S’il faut six mois pour former un chaudronniersoudeur en formation continue, celui-ci arrive
souvent après la commande qui avait fait naître le
besoin, la production est soit déjà livrée soit captée
par un concurrent. Et, une fois formé, un soudeur
peut avoir envie de quitter ce métier où l’on passe
de contrats précaires en contrats précaires, de
chantier en chantier. » Arnaud du CREST, Les
difficultés de recrutement en période de chômage,
2000, Paris, L’Harmattan, p. 35.
Allez, autorisons-nous l’audace de
26
paraphraser MARX
en suggérant que,
jusqu’à présent, les intervenants sociaux
« n’ont fait qu’interpréter » l’insertion, d’abord à
partir de la figure tutélaire du géniteurfondateur, SCHWARTZ, puis progressivement,
dérivant, à partir des commandes publiques ;
« ce qui importe » et qui leur reste à faire, sans
trop tarder, « est de » la « transformer ». Mais
qu’est-ce qui peut permettre ce passage de
l’interprétation à la transformation, c’est-à-dire
27
de l’hétéronomie (doctrine et programme ) à
28
l’autonomie (projet
) ? L’engagement. Et
quelles sont les conditions de celui-ci ?
L’expérience éthique, selon l’expression de
Simon CRITCHLEY qui en construit la
structure à partir de sa lecture d’Alain BADIOU
29
en quatre moments successifs : la grâce, la
foi, l’amour et l’espoir. La grâce (pour BADIOU,
« l’adresse ») correspond à la conscience de
« l’universalité de l’exigence du bien ». La foi
(« conviction ») recouvre « une certitude »
approuvant cette exigence. L’amour « donne
consistance à un sujet éthique, ce qui
l’autorise à persévérer dans un processus de
vérité ». Enfin « l’amour se lie à la justice sur la
base de l’espoir », il permet de maintenir et
renforcer la conviction.
Le point de départ, celui qui va
déclencher la grâce, est un « événement »
(d’aucuns parlèrent de « situation »), « ce qui
fait peser une exigence sur un sujet, une
exigence que le sujet approuve et à laquelle il
décide de se lier, d’être fidèle ». Cet
événement peut être un traumatisme, par
exemple l’expérience personnelle d’une
injustice. Il peut être également l’atteinte d’une
insupportabilité qui va laisser une empreinte à
l’intérieur du sujet. Ainsi, tous avons été
choqués lorsque, une première fois, nous
avons croisé sur un trottoir ou dans un couloir
26
« … les philosophes n’ont fait qu’interpréter le
monde de diverses manières ; ce qui importe, c’est
de la transformer. » Karl MARX, Thèses sur
Feuerbach, in Œuvres III. Philosophie, 1982, Paris,
Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 1033.
27
« J’appelle sphère de l’hétéronomie l’ensemble
des activités spécialisées que les individus ont à
accomplir comme des fonctions coordonnées de
l’extérieur par une organisation préétablie. » André
GORZ, op. cit., p. 49.
28
Il ne s’agit pas ici du « projet » comme injonction
épuisante à se dépasser et à dépasser les autres
sur la piste de « On achève bien les chevaux » mais
comme dynamique ascendante et non descendante,
territoriale et non territorialisée, mobilisant une
intelligence partagée et non distribuée. Une glaise à
triturer…
29
Simon CRITCHLEY, Une exigence infinie.
Ethique de l’engagement, politique de la résistance,
2012, Paris, François Bourin Editeur, pp. 88-91.
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du métro un surnuméraire à genoux. Et, tous,
le plus souvent, nous y sommes habitués
espérant silencieusement qu’il soit, d’une
manière ou d’une autre, invisible, tout en
30
grimaçant intérieurement devant notre dureté .
Mais, un jour, un peu à la façon de la goutte
d’eau qui fait déborder le vase, parce que le
sujet ne peut plus se vivre dissocié, cette
accoutumance devient insupportable : on
31
bifurque . On passe de ce à quoi on fait face
à ce à quoi on doit faire. On passe de la
distance
à
l’engagement,
celui-ci
se
démarquant « de l’évidence et de l’ordre des
choses par le recours à des principes
32
suffisamment généraux… »
Dès lors, la question aux intervenants
sociaux est celle de cet événement : que peutil être ? La réponse a été maintes fois donnée
par Bertrand SCHWARTZ : « Je ne m’habitue
pas… Je reste révolté par ces vies qui se
consument… » Autrement dit, c’est la capacité
d’étonnement et de révolte qui est à la base
de l’engagement. Maintenir active, éveillée,
cette capacité, naturelle mais enfouie sous le
33
système des objets et du divertissement, ne
va pas de soi, en particulier avec le risque
d’un « nihilisme actif » ou « passif » : « actif »,
ce nihilisme recouvre une destruction violente
du système… or l’insertion est fille de
l’éducation populaire qui, parce qu’elle se
donne pour objet d’éduquer, ne peut participer
d’une logique de table rase… sauf à
reconnaître une vertu pédagogique à la
guillotine ; « passif », il correspond au « retrait
contemplatif qui consiste à affronter les yeux
34
grands fermés le chaos absurde du monde » .
L’infra-rouge du Commissaire et l’ultra-violet
35
36
du Yogi . Le « Grand Bond en avant » ou la
toute aussi imbécile que présumée sagesse de
ces trois singes, positionnés sur une étagère
bien en vue, refusant de voir, de parler,
d’écouter. Misère d’un « troupeau » dont des
« pantins tragiques » croient se distinguer
37
dans un bouddhisme européen .
Bref, il faut s’accorder le temps de
recevoir… la grâce qui, somme toute, n’est
qu’une réconciliation entre ce que nous
ressentons et ce que nous devrions (aurionsnous dû) faire, ayant en tête que « toute
évolution est le fruit d’une déviance réussie,
dont le développement transforme le système
où elle a pris naissance : elle le désorganise et
38
le réorganise en le transformant. » Disons
qu’il est grand temps face au risque de gros
temps d’accorder du temps à la jeunesse. Et,
si time is money, d’attribuer des moyens à
celles et ceux, pioupious, qui aspirent à ce
temps mais qui y opposent… le manque de
temps dès lors qu’est posé le scénario d’une
sortie du système programmatique pour plus
de projet et plus d’écoute.
« … aussi longtemps que cette hypnose
collective dure, il y a, pour ceux parmi nous qui
ont le lourd privilège de pouvoir parler, une
éthique et une politique provisoires : dévoiler,
critiquer, dénoncer l’état de choses existant. Et
pour tous : tenter de se comporter et d’agir
exemplairement là où ils se trouvent.
Nous sommes responsables de ce qui
dépend de nous. » Cornélius CASTORIADIS
Bibliographie
30
Id., p. 103.
31
Toutefois « … l’anesthésie ne dure qu’un moment,
le seuil d’insupportabilité du mépris étant un
excellent stimulant. » Philippe LABBÉ, « Une
jeunesse humble, humiliée, face au marché du
travail. », 13 décembre 2012, L’Humanité.
32
François DUBET, Sociologie de l’expérience,
1994, Paris, Seuil, p. 147. Notons que ces
« principes suffisamment généraux » correspondent
à ce qu’écrit Simon CRITCHLEY sur la notion
d’événement : « … je dirais qu’un évènement est
justifié si et seulement s’il est universalisable, c’està-dire s’il s’adresse en principe à tous. » (p. 92).
33
Jean BAUDRILLARD, Le système des objets,
1968, Paris, Gallimard.
34
CRITCHLEY S., op. cit., p. 78.
35
« A l’une des extrémités du spectre, évidemment
du côté de l’infra-rouge, on verrait le Commissaire.
Le Commissaire croit à la Transformation par
l’Extérieur. Il croit que tous les fléaux de l’humanité,
y compris la constipation et le complexe d’Œdipe,
peuvent et doivent être guéris par la Révolution {…}
A l’autre extrémité du spectre {…}, le Yogi accroupi
s’y dissout dans l’ultra-violet. {…} Il croit que
l’organisation extérieure ne peut rien améliorer,
mais que l’effort spirituel de l’individu peut améliorer
tout, et que quiconque pense différemment est un
fuyard. » Arthur KOESTLER, Le yogi et le
commissaire, {1944} 1969, Paris, Calmann-Lévy, pp.
13-14.
36
Le « Grand Bond en avant » fût une politique
lancée par Mao ZEDOND en 1958-60 qui provoqua
une famine décimant entre 25 et 40 millions de
Chinois.
37
Friedrich NIETZSCHE, pour les « pantins
tragiques » La généalogie de la morale, {1887}
1971, Paris, Gallimard (p. 189) ; pour le
« troupeau » La volonté de puissance, {1903} 1991,
Paris, Librairie Générale Française, (pp. 219-225) et
Le gai savoir, {1881-82} 2011, Montréal, Les Echos
du Maquis (pp. 115-116).
38
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