L`IRLANDAIS John M. McDonagh, Irlande
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L`IRLANDAIS John M. McDonagh, Irlande
L’IRLANDAIS John M. McDonagh, Irlande (2011) À partir de 10 ans Conseillé pour les 12 ans et plus. John M. McDonagh est un scénariste et réalisateur anglais d’origine irlandaise né en 1967. En 2003 il signe le scénario du film Ned Kelly mais c’est avec son premier long-métrageÒ, L’Irlandais, qu’il obtient la reconnaissance de la critique et du public. Le film est le plus grand succès irlandais au box-office du pays. PRIX : Prix du public et Prix de la meilleure photographie au Festival du film britannique de Dinard en 2011 Peter Sellers Award for Comedy aux Evening Standard British Film Awards en 2012 Meilleur acteur pour Brendan Gleeson aux Golden Globe Awards en 2012 Meilleur scénario original aux BAFTA en 2012 Prix du public au Festival de cinéma de Sarajevo (Entre autres) Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. FILMOGRAPHIE : 2000 : The Second Death (CM) 2011 : L’Irlandais 2014 : Calvary TAGS : police, intrigue, thriller, mystère, comique, ridicule SYNOPSIS : Gerry Boyle est policier dans un petit village de la côte irlandaise. Il a un sens de l’humour particulier, un penchant pour les prostituées et une mère qui n’en finit pas de mourir. Bref, Gerry Boyle a tout simplement trop à faire pour se soucier du mystérieux cadavre que l’on a trouvé dans une location de vacances. Il en va autrement d’Aidan, son nouvel assistant, tout excité par la chance d’avoir un crime à élucider. Les journées paisibles touchent à leur fin quand débarque Wendell Everett, agent du FBI. Il parle d’un transport de drogue pour une valeur de 500 millions de dollars. La marchandise en question doit atteindre la côte dans les jours qui suivent. Tout le monde est en état d’alerte et c’en est fini de l’emploi du temps bien réglé de Gerry Boyle... (Cineuropa) EXTRAIT INTERVIEW AVEC LE RÉALISATEUR : Ce personnage de policier et à travers lui, le film, sont d’un politiquement incorrect rarement vu dans le cinéma européen. Le financement a-t-il souffert de cette irrévérence ? Même pas. Contrairement aux apparences, L'Irlandais est presque une prostituée qui fait tout ce qu’on lui demande. Il a des moments de comédie pure, de l’action, du thriller et même une composante sociale comme dans la plupart des films britanniques. C’est un film nostalgique aussi, une caractéristique qui plaît généralement au public, surtout à nous autres, irlandais. Le film était déjà bien avancé dans son financement avant même d’avoir Brendan Gleeson et Don Cheadle à bord. Bien entendu, lorsque Don Cheadle a associé Crescendo, sa boîte de production, Element Films a rapidement suivi et ils sont allés chercher 40% du budget à l’Irish Film Board. Je m’étais préparé à un long combat financier, mais comme tout a été très vite, il me restait de larges réserves de hargne et d’énergie pour le tournage. Les choses se sont corsées au montage... Sur le tournage, on m’a laissé dans une paix royale et financièrement, nous étions à l’aise pour faire le film que nous voulions, mais arrivés à la phase de montage, les notes, remarques et retouches sont arrivées de partout et c’est difficile à gérer quand vous êtes à la fois auteur et réalisateur d’un film, seul capitaine à bord de votre oeuvre jusque là. Je ne voulais rien changer parce que j’adorais tout. Il y avait des références que mes associés ne Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. comprenaient pas et ça me semblait sacrilège de les enlever. J’ai difficilement compris que mon film n’était pas une oeuvre pointue qui s’adresserait à un petit nombre d’initiés, mais bien une comédie noire, mais populaire. Ce film m’aura appris à faire confiance à ce type de remarques. C’est le premier moment où vous commencez à sentir une perte de contrôle et au début, c’est forcément une menace, mais il faut vous habituer parce que, tôt ou tard, le film doit de toute façon vous échapper, livré au public. L'Irlandais prend à contre-pied les attentes du public. Vous vouliez jouer avec votre audience ? Je voulais les faire rire, mais aussi dire à ceux qui s’attendent à L'arme fatale à l'irlandaise que, justement, je suis irlandais et que nous faisons les choses un peu différemment par ici. Un "buddy cop movie" où les deux flics se détestent tout le temps, où le personnage qui est censé appeler votre identification est raciste voire psychopathe et qu’il freine ou carrément refuse sans arrêt la collaboration, c’est peut-être quelque chose qui s’est déjà vu, mais rarement des caractéristiques qui accompagnent un personnage jusqu’à la fin du film. La frustration qui m’a poussé à faire L'Irlandais, je ne suis visiblement pas le seul à la ressentir puisque le film marche, les gens s’amusent et comprennent parfaitement où j’ai voulu en venir. (Source – Cineuropa http://cineuropa.org/it.aspx?t=interview&l=fr&did=210698) : THÉMATIQUES ET INTERPRÉTATIONS : La prestation décalée de Brendan Gleeson La prestation de Brendan Gleeson porte le film. Il joue le rôle d’un policier désinvolte, Gerry Boyle, qui exerce sa profession avec un laxisme déconcertant. Les apparences parlent d’elles même. Son autorité repose uniquement sur sa tenue d’officier, bien que des détails annoncent le ridicule Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. du personnage comme ses chaussettes rayées roses et sa tasse de café à pois. Aigri, blasé, routinier le personnage est difficilement pris au sérieux. Son physique grassouillet reflète le style de vie flemmard qu’il entretient. Il a un goût marqué pour la Guinness, qu’il sirote devant la télévision. Un très gros plan de l’écran souligne son besoin d’échappatoire faute d’épanouissement personnel. Les présences féminines dans son quotidien sont une mère internée qui ne meurt pas malgré les pronostiques et des prostituées qui viennent combler une carence affective. L’évolution dans l’importance de ses missions dérange son train de vie. Une progression se fait sentir dans le personnage. Par exemple, dans son rapport avec le petit garçon qui lui apporte des indices : Gerry Boyle se positionne d’abord avec indifférence et mépris avant que l’espoir ne s’empare de ses lèvres lorsque dans la dernière séquence un sourire se dessine enfin sur son visage. Une comédie grinçante La prestation décalée, le ridicule et le politiquement incorrect de Gerry Boyle nourrit le comique grinçant du film. Les premiers instants annoncent un registre ironique : l’officier se réjouit faussement de la météo irlandaise déprimante. Les gaffes cumulées du policier véhiculent un comique qui peut mettre mal à l’aise. Il accumule interventions racistes : « je croyais qu’il n’y avait que les noirs qui étaient trafiquants de drogue » ou encore « ça sait skier les noirs ? ». Il s’enfonce sans gène dans ses propos en se justifiant avec lourdeur : « On est irlandais, le racisme fait parti de notre culture. ». Dans cette réplique se confondent deux thématiques comiques traitées par le réalisateur soit les stéréotypes sur l’Irlande et la grossièreté du personnage principal. Le ridicule s’aggrave à travers ses remarques triviales : « les bébés se ressemblent tous sauf les moches, donc si tu as une photo de bébé à me montrer, il faut qu’il soit moche. ». L’enchaînement de gaffes se poursuit dans ses interactions. Lorsqu’une jeune femme frappe à sa porte, il la prend pour une prostituée alors qu’il s’agit de quelqu’un qui vient demander de l’aide à l’officier. Tous les éléments convergent vers la création d’un personnage au comique grinçant. Son manque de professionnalisme se ressent lorsqu’il décide de prendre un jour de congé alors que les affaires judiciaires se densifient dans son village. Les autres se moquent et rabaissent facilement le personnage en le taquinant sur les missions qu’il aurait l’habitude de gérer. L’une des répliques décalées sort également de la bouche d’un des trafiquant de drogue qui précise « Je ne suis pas un psychopathe mais un sociopathe » comme si la nuance se voulait particulièrement importante. Enfin, le tableau de l’Irlande qu’il nous brosse est couvert de clichés et de singularités propres à la culture gaélique. La couleur verte des murs de la chambre de l’officier peut être interprétée comme un régionalisme absurde. Les revendications régionales passent également par la volonté qu’on les villageois de garder leur langue. Aucun des interrogés ne parle anglais. Les landes sauvages irlandaises, faisant penser par moment à des paysages de Western, sont stéréotypées : lors de son interrogatoire, Wendell Everett croise un berger, un cheval, et un enfant, comme s’ils étaient représentatifs de la population irlandaise. Le panneau « Welcome to Connemara » peut faire Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. référence à la fameuse affiche « Welcome to Las Vegas » soulignant le retrait de la ville ou se déroule l’action. Un thriller léger orchestré par un duo antithétique La mise en scène est constamment en décalage avec la gravité de la situation, encore une fois au service du comique. La musique joviale, les couleurs criardes et une luminosité proche des néons enlèvent au réalisme et sérieux du film laissant place à une prise de recule. Dès la scène d’ouverture, la couleur rouge vif de la voiture et un morceau de rap annoncent au spectateur la légèreté du thriller qu’il entame. Le film reste dans cette lignée car les effets spéciaux de la scène finale ajoutent de la fantaisie à la situation. Le manque de sérieux se reflète dans la nature absurde voire sordide des crimes commis, comme le harcèlement d’un lama. Le duo anachronique que forment Wendell Everett et Gerry Boyle consolide le caractère burlesque de la situation. Gerry est laxiste, flemmard, et routinier, alors que Wendell Everett est ponctuel, méthodique et droit. Leur différence de personnalité se répercute jusqu’à leur physique. Ils cherchent à résoudre les crimes auxquels ils sont confrontés autour de bières, où grâce à des références cinématographiques (le chiffre 5 ½ leur fait penser à 8½ de Fellini, ou encore Se7en de David Fincher.), la mort de McCormick est expliquée par des hypothèses fondées sur des généralités, atténuant encore leur professionnalisme. Le grotesque est à son comble lorsque Gerry se permet de gratter son entre-jambe lors de l’entretien avec le criminel O’Leary. PISTES DE RÉFLEXION POUR LES ÉLÈVES : - Quel est l’effet recherché avec les interventions racistes de Gerry Boyle ? Selon vous, le réalisateur partage-t-il le même avis ? Comment peut on interpréter la couleur des murs de la chambre de Gerry Boyle? Comment pouvez vous caractériser le comique du film ? Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur. - Quels éléments construisent les stéréotypes sur l’Irlande ? Trouvez quatre éléments qui relèvent le manque de professionnalisme des officiers. Pourquoi Wendell Everett nomme son coéquipier comme « le roi des malins ou le roi des cons » ? Selon vous, quel intitulé le définirait le mieux ? POUR ALLER PLUS LOIN : Initiation à la carrière de Brendon Gleeson : https://www.youtube.com/watch?v=PIxNkvx1miQ Copyright © Festival de Cinéma Européen des Arcs – Révélations Culturelles. Toute reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur.