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NomoSocial – février 2016 [REPRESENTANTS DU PERSONNEL] Quelles sont les informations que l’employeur doit fournir aux syndicats qui participent à la négociation du protocole pré-électoral ? (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 15-10975) Dans cette affaire un syndicat demandait, pour vérifier l’effectif de l’entreprise qui organisait les élections professionnelles, et pour vérifier la régularité des listes électorales, la communication de documents que doit obligatoirement établir l’employeur, à savoir le registre unique du personnel, et les DADS des trois dernières années. L’employeur avait refusé, arguant que le Code du travail ne prévoit pas d’accès des délégués syndicaux au registre du personnel (l’article L1221-15 du Code du travail prévoit qu’il est tenu à la disposition des délégués du personnel et des agents de contrôle c’est-à-dire l’inspection du travail), et que la DADS comporte des informations confidentielles, notamment la rémunération perçue par chaque salarié. Il avait remis aux syndicats une attestation de son expert-comptable, commissaire aux comptes, certifiant que l’effectif de 50 salariés sur 12 mois au cours des trois dernières années n’avait pas été atteint. Le Tribunal d’instance avait considéré que cela était suffisant et avait débouté les syndicats de leur demande de communication du registre du personnel et de la DADS. La décision a été cassée par la Cour de cassation qui a posé en principe que : « L'employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, et sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l'effectif de l'entreprise et de la régularité des listes électorales ; que pour satisfaire à cette obligation l'employeur peut, soit mettre à disposition des syndicats qui demandent à en prendre connaissance le registre unique du personnel et des déclarations annuelles des données sociales des années concernées dans des conditions permettant l'exercice effectif de leur consultation, soit communiquer à ces mêmes syndicats des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels, notamment relatifs à la rémunération des salariés ». Les syndicats avaient en effet argué, entre autres, que l’attestation de l’expert-comptable ne suffisait pas, puisque l’attestation portait sur l’effectif global, aussi la remise des documents demandés était nécessaire afin de contrôler les effectifs catégoriels et identifier et organiser les votes par collèges. La solution apportée par la Cour de cassation est pragmatique. Elle oblige l’employeur à fournir des données brutes et suffisamment complètes pour que les négociateurs du protocole préélectoral aient tous les éléments nécessaires pour négocier. Il faut cependant garder à l’esprit que le protocole pré-électoral n’est pas nécessairement négocié avec des salariés de l’entreprise. Il peut être négocié par des représentants d’organisations syndicales extérieures, qui n’appartiennent pas au personnel de l’entreprise. C’était d’ailleurs vraisemblablement le cas dans l’affaire que nous commentons, puisque la société affirmait, par son expert-comptable, qu’elle n’avait pas un effectif de 50 personnes. Elle n’avait donc sans doute pas de délégués syndicaux internes. On observera également que, pour répondre aux arguments de l’employeur sur la confidentialité d’un certain nombre de données comme la rémunération, la Cour de cassation a pris soin de préciser que l’employeur pouvait remettre des copies de ces éléments (registre du personnel et DADS) expurgées des éléments confidentiels. Cependant la Cour de cassation suggère soit de « mettre à disposition » soit communiquer une copie ou un extrait. Or c’est seulement lorsqu’il communique une copie ou un extrait que l’employeur est invité à expurger les éléments confidentiels. A lire l’arrêt à la lettre, quand il s’agit d’une mise à disposition (donc une consultation sans copie), il n’y a pas d’expurgation possible. Les employeurs préfèreront sans doute préparer un extrait ou une copie expurgée. Anne CIRET NomoSocial – février 2016 [TERMINATION OF EMPLOYMENT CONTRACT] Personal emails at work: admissibility as evidence of misconduct is strictly limited (Cass. Soc. January 26th 2016, 14-15360) The French Supreme Court held that, although sent and received from a professional computer, the emails issued from a personal email, distinct from the professional one, are inadmissible evidence as their use would infringe upon the principle of the secrecy of correspondence. Under a now well established case law trend, the employer only has a restricted access to emails sent or received by an employee on the professional computer if they are labelled as “private” (Cass. Soc. 2 October 2nd 2001, 99-42942). Of course an employer can always access to professional electronic files, folders or emails, even in the absence of the employee (Cass. Soc. Oct. 18th 2006, 04-48025). However, electronic files and folders that are explicitly identified as “personal” may only be opened by the employer if the employee is present – or at least has been summoned (Cass. Soc. June 17th 2009, 08-40274) and if the search is justified and proportionate with the goal (L.1121-2 Labour Code). If a file is not identified as “personal”, it is presumed professional – and thus accessible to the employer at any time. Furthermore, the employer will be able to use the information it contains even if the file turns out to be personal (Cass. Soc. October 18th 2011, 10-26782: use of unlabeled personal of emails to evidence misconduct by the employee). The same presumption applies to files and folders contained to a USB key not identified as “personal” (Cass. Soc. February 13th 2013, 11-28649) or to text messages on a professional cellphone (Cass. Soc. February 10 th 2015, 13-14779). Regarding emails issued from the personal email address of the employee, but sent or received on the professional computer, the employer may access them if they are “integrated on the hard drive of the professional computer supplied to the employee” (Cass. Soc. June 19th 2013, 12-12138). Indeed, in this case the Court considered that the “personal” character was “not shown by the mere fact the emails initially originated from the personal email address of the employee”. In this January 2016 decision, the Court rejected such emails as evidence on the ground that the “emails were issued from the personal email address of the employee, distinct from the professional email address”. Thus, they “had to be rejected as their use infringes on the principle of secrecy of the correspondence”. To evidence a cause of dismissal, an employer had produced personal emails that were sent and received on the employee’s personal address. The employer argued that the emails, which were not labelled as personal, were presumed to be professional as any other file on “integrated” on the hard drive. Neither the Court of appeal, nor the Supreme Court agreed. It is not exactly clear why, in the present case, the Court departed from the application of its 2013 ruling. It be due to a difference in the way the employer accessed the emails. Indeed, in the present case, the Court lays the stress on the distinction between the professional and personal email addresses and does not mention any “integration” of the emails on the hard drive – as it did in its 2013 ruling. Augustin GAUJAL NomoSocial – février 2016 [RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL] Licenciement après la période de protection du salarié protégé pour des motifs sur lesquels l’administration s’est déjà prononcée alors qu’elle n’était plus compétente (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717) Un employeur peut rompre le contrat d’un salarié anciennement protégé pour des faits ayant préalablement donné lieu à un refus d’autorisation de l’autorité administrative dès lors que cette décision de refus a été rendue alors que le salarié n’était plus protégé. Chaque procédure de licenciement concernant un salarié protégé est l’occasion de se confronter aux complexes dispositions légales en la matière et à leur subtile interprétation jurisprudentielle. Un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 6 janvier dernier en est une nouvelle illustration (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717). Dans cette affaire, un salarié était représentant du personnel au CHSCT ; il était donc un salarié protégé durant son mandat et les six mois suivants (art. L2411-13 c. trav.). En l’occurrence, son mandat ayant expiré le 13 février 2009, il était protégé jusqu’au 13 août 2009. C’est la raison pour laquelle, après l’avoir mis à pied et convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 1er juillet 2009, son employeur avait sollicité l’autorisation de le licencier auprès de l’inspection du travail. Mais, par décision du 10 septembre 2009, cette dernière refusa d’autoriser le licenciement. A la suite de ce refus, l’employeur, constatant que le salarié n’était plus protégé, diligenta à nouveau une procédure de licenciement pour les mêmes faits à son encontre et le licencia pour faute grave le 24 septembre 2009. Dès lors que l’inspection du travail avait refusé d’autoriser le licenciement pour ces mêmes faits, se posait la question de l’application du principe selon lequel : « le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection ne peut être motivé par des faits invoqués devant l'autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d'autorisation du licenciement » (Cass. Soc. 23 septembre 2015, 1410648 ; cf. notre commentaire dans la NomoSocial d’octobre 2015). Une application à la lettre dudit principe aurait eu pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 23 septembre 2015, 14-10648 ; Cass. Soc. 15 janvier 2013, 11-18800 ; Cass. Soc. 27 octobre 1998, 96-40880 ; Cass. Soc. 19 décembre 1990, 88-43526). Toutefois, au cas d’espèce, la chronologie des évènements est essentielle. Lorsque l’inspection du travail rendit sa décision, le 10 septembre 2009, le salarié n’était plus protégé (sa protection ayant eu pour terme le 13 août 2009). Or, l’inspection du travail n’est plus compétente pour statuer sur une demande d’autorisation de licenciement si le salarié n’est plus protégé lorsqu’elle rend sa décision. Dans ce cas, elle doit se dire incompétente (Cass. Soc. 28 novembre 2007, 06-40489 ; CE, 28 février 1997, 153547 ; CE, 13 mai 1992, 110184). Ainsi, en date du 10 septembre 2009, l’inspection du travail ne pouvait plus se prononcer sur le licenciement du salarié concerné et devait constater son incompétence. La décision de refus d’autorisation du licenciement rendue à cette date était donc illégale. Subséquemment, les motifs invoqués dans le cadre de la deuxième procédure de licenciement ne pouvaient pas être considérés comme ayant déjà fait l’objet d’un refus de l’autorité administrative et le licenciement prononcé le 24 septembre 2009 n’était pas sans cause réelle et sérieuse de ce fait. C’est pourquoi la Cour de cassation a rejeté l’argumentaire du salarié selon lequel (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717) : « si à l'expiration de la période de protection, l'employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l'autorisation de l'inspecteur du travail, c'est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l'objet d'un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et que cette condition n'étant pas respectée en l'espèce, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » en jugeant que (Cass. Soc. 6 janvier 2016, 14-12717) : « la période de protection légale avait pris fin le 13 août 2009, avant que l'inspecteur du travail ne rende sa décision, de sorte que l'employeur avait retrouvé le droit de licencier le salarié sans autorisation de l'autorité administrative, qui n'était plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure » En l’occurrence, l’employeur a donc su parfaitement s’adapter à la complexité de la procédure de licenciement des salariés protégés en analysant les conséquences juridiques de la chronologie des événements. Romain PIETRI NomoSocial - février 2016 [RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL] L’absence de mention de l’un des mandats du salarié protégé n’est pas constitutive d’une violation du statut protecteur (Cass. Soc. 3 février 2016, 14-17886) Lorsque le contrat de travail d’un salarié protégé a été rompu, sans autorisation préalable de l’Inspection du travail, le salarié est en droit de réclamer une indemnité spécifique dite de « violation du statut protecteur ». Cette indemnité est forfaitaire et son montant est équivalent à la durée de protection qui restait entre le licenciement et la fin de la période de protection. En conséquence et lorsque la rupture intervient, par exemple, au début d’un mandat électif, l’indemnité peut s’élever à 30 mois de salaires (plafond maximal fixé par la Cour de cassation). La question s’est posée de savoir si l’omission par l’employeur dans sa demande d’autorisation à l’Inspection du travail d’un mandat dont était titulaire le salarié constituait une violation du statut protecteur propre à ce mandat. En effet, lorsque la demande d’autorisation ne cite pas l’ensemble des mandats protecteurs exercés par le salarié, le Conseil d’Etat considère selon une jurisprudence constante que « l’inspecteur du travail n’a pas été mis à même de procéder aux contrôles qu’il était tenu d’exercer au regard des exigences de ce mandat » (CE, 4 juillet 1984, n°23863). Une autorisation de licenciement qui ne prend pas en compte l’ensemble des mandats exercés par le salarié est illégale et encourt la nullité. Tel a été le cas, dans l’espèce objet de l’arrêt rendu le 3 février 2016. Dans cette affaire, un employé détient plusieurs mandats électifs et syndicaux. Sa société est placée en liquidation judiciaire et le liquidateur sollicite l’autorisation de licencier le représentant du personnel pour motif économique. Dans sa demande, il omet d’indiquer que le salarié était titulaire d’un mandat dit extérieur, celui de Conseiller du salarié. L’autorisation est annulée par la justice administrative et le salarié saisit les juridictions prud’homales afin d’obtenir le paiement des indemnités afférentes à la nullité du licenciement et à la violation du statut protecteur. La Cour d’appel, tout en tirant toutes les conséquences de la nullité, va refuser de considérer que cette situation est constitutive d’une violation du statut protecteur. Elle estime que le salarié a bénéficié effectivement des garanties spécifiques de protection prévues par les textes. La Cour de cassation saisie sur pourvoi du salarié va intégralement confirmer le raisonnement des juges du fond et poser une règle simple : le simple défaut de mention d’un mandat ne constitue pas une violation du statut protecteur ouvrant droit à l’indemnisation spécifique. Khalil MIHOUBI NomoSocial – février 2016 [PROCEDURE - CONTENTIEUX] Assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable au licenciement (Cass. Soc. 20 janvier 2016, 14-21346) La Cour de cassation rappelle que l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable au licenciement par plusieurs salariés de l’entreprise constitue une irrégularité de la procédure. L’objectif de l’entretien préalable à un licenciement est que l’employeur indique au salarié les motifs de la décision envisagée et recueille les explications de ce dernier. Le salarié peut se faire assister lors de l’entretien par une personne de son choix appartenant en principe au personnel de l’entreprise. Cependant, s’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel, il peut se faire assister par un « conseiller du salarié » choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative (article L1232-4 du Code du travail). En revanche, le Code du travail ne prévoit rien en ce qui concerne l’assistance de l’employeur lors de l’entretien, mais la jurisprudence a retenu les principes suivants : - l’employeur lui-même doit être en principe présent à l’entretien : il ne peut donner mandat à une personne extérieure à l’entreprise (étant précisé que le DRH « groupe » d’une société mère n’est pas considéré comme une personne extérieure à l’entreprise), - l’employeur peut faire appel à toute personne de l’entreprise susceptible d’apporter des éléments de faits dans la discussion, à condition que sa présence ne porte pas préjudice au salarié. Le plus souvent, le dirigeant (ou la personne de ressources humaines qui le représente) se fait assister par le supérieur direct du salarié. La jurisprudence écarte la possibilité de faire appel à une personne extérieure, telle qu’un avocat ou un expert-comptable. - l’entretien préalable ne doit pas virer en une enquête disciplinaire ou un « procès», ce qui le détournerait de son objet. Ce fut jugé notamment dans une affaire où l’entretien préalable visant un chef de secteur s’était déroulé en présence du directeur opérationnel régional, du chef d’agence et du DRH (Cass. soc. 9 juillet 2003, 01-43634). Dans la présente affaire, la salariée engagée comme assistante administrative au sein de PSA avait considéré que la procédure de licenciement était irrégulière au motif qu’elle s’était retrouvée lors de l’entretien préalable au licenciement devant un « jury », l’empêchant de se défendre, puisqu’étaient présents, la responsable d'établissement, le responsable de la boutique et le chef du personnel. La Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure en considérant que l’employeur a la faculté de se faire assister par toute personne appartenant à l’entreprise, dès lors que l’entretien ne se transforme pas en véritable enquête ou procès et qu’il ne ressortait pas du témoignage du représentant du personnel qui assistait la salariée lors de l’entretien préalable, que la salarié s’était retrouvée face à un jury et avait été incapable de se défendre. La Cour d’appel laissait donc entendre que peu importe le nombre de personnes entourant l’employeur lors de l’entretien, l’essentiel est que cet entretien ne soit pas détourné de son objet. La Cour de cassation casse cette décision au motif que « la présence aux côtés de la responsable d’établissement, du responsable de la boutique et du chef du personnel avait transformé l’entretien préalable au licenciement en enquête et ainsi détourné la procédure de son objet ». Ainsi, selon la Cour de cassation, le seul fait que l’employeur soit accompagné par plus d’une personne, suffit à considérer que la procédure a été détournée de son objet et rend donc irrégulière la procédure de licenciement. Il est donc recommandé, lorsqu’un entretien préalable à un licenciement est organisé, que l’employeur ou son représentant, soit assisté uniquement si cela est nécessaire, et en tout état de cause par un seul salarié faisant obligatoirement partie du personnel de l’entreprise A noter que l’irrégularité de la procédure donne uniquement droit à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (article L1235-2 du Code du travail) et n’a aucune incidence sur le motif et la cause réelle et sérieuse du licenciement. Muriel de LAMBERTERIE