Untitled - Librairie Numérique Monaco
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Herman Philippe Sanon La soirée de contes d’ici et d’ailleurs (Contes pour enfants) Éditions Bénévent Éditions Bénévent, 2011 Envois de manuscrits : Éditions Bénévent – B.P. 4049 – 06301 Nice Cedex 4 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Dans le cercle des enfants, avant les contes Cette nuit, la Lune était vraiment contente. La lumière de ses grands yeux éclairait bien toute la surface de la terre. Et ce clair de lune faisait la joie de tous les habitants des villages et de la brousse. Plus que tous les autres, ce sont les adolescents qui étaient les plus contents cette nuit-là. En effet, Grand-Père les avait tous réunis pour leur raconter des histoires. Ils étaient déjà impatients et criaient : — Grand-Père, racontez-nous des contes ! Grand-Père, raconteznous des contes ! — Mes petits enfants, répondit Grand-Père. J’ai justement à ce sujet une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Boubou Le Singe a volé mon sac à contes. — Non, Grand-Père ! Vous voulez nous tromper. Votre sac à contes est bien plein et aucun singe ne l’a volé, dit une petite fille bien courageuse. — Grand-Père, racontez-nous des contes ! Grand-Père, raconteznous des contes ! continuaient de crier les autres enfants. — C’est bon ! C’est bon ! Vous avez gagné. Je veux bien vous raconter des contes mais il me faut d’abord du silence. — Chut ! Chut ! firent les plus grands aux plus petits qui faisaient du bruit. Un grand silence s’établit aussitôt. — Aujourd’hui, je vous raconterai dix contes. Dix contes, pas un de plus, pas un de moins. Êtes-vous d’accord ? 5 — Oui, nous sommes tous d’accord ; répondirent en chœur les enfants. — Alors, ouvrez bien vos oreilles et écoutez la Voix de la Sagesse qui vous parle à travers ces contes. 1 UN ÉTONNANT PETIT GARÇON Il était une fois, dans un village, un étonnant garçonnet qui s’appelait Soukon. Orphelin de mère et unique enfant de son père, Soukon avait environ huit pluies d’âge1. Et le jour où il eut précisément huit ans, il surprit Souroukou, son très vieux père en lui disant : — Papa, le jour où tu mourras, j’attacherai la queue du Grand Buffle à ta main gauche avant de t’enterrer. Ô, Ciel ! Pour une surprise, c’en était une et une très agréable pour Souroukou ce grand chasseur devenu vieux. Pendant sa jeunesse en effet, Souroukou s’était toujours montré très habile à la chasse. Comme il était également très adroit, il avait tué avec son redoutable fusil toutes sortes d’animaux. Toutes sortes d’animaux sauf ! Sauf !… le Buffle, le redoutable Buffle. Pourquoi ? Parce que le Buffle était rare et très dangereux ! Alors depuis, Souroukou avait renoncé au rêve de tuer le Buffle. Il n’espérait donc plus être enterré avec sa queue comme trophée de chasse 2. Mais voilà ! Avec cette promesse, Soukon le surprenait et lui donnait soudain une immense joie. Et comme si Souroukou n’attendait que cette promesse, ce même jour, il mourut. Soukon pleura très fort la mort de son père. Ses pleurs attirèrent tout le village autour de la dépouillle de Souroukou. Quand ses pleurs cessèrent enfin, les vieux du village décidèrent d’enterrer leur ami et compagnon d’âge. 7 Soukon se leva et leur dit : — Non ! Non ! Les choses ne vont pas se passer ainsi car je dois aller chercher en brousse la queue du Grand Buffle avant d’enterrer mon père. C’est la promesse que je lui ai faite aujourd’hui même. Et ce fut la surprise pour tout le village. Mais déjà le brave petit Soukon en route pour la brousse. Le voilà s’enfonçant au cœur de la savane. — Qui va là ? interrogea une voix menaçante sortie d’on ne sait où. — C’est moi Soukon, répondit-il respectueusement mais sans aucune frayeur. — Imprudent petit Soukon ! Que vas-tu faire en pleine brousse sous ce brûlant soleil ? poursuivit toujours l’effrayante voix. — Non, je ne suis pas imprudent. Je sais ce que je fais. Je pars à la chasse aux Buffles. Il me faut la queue du Grand Buffle pour enterrer le grand chasseur Souroukou, mon cher papa ; dit Soukon d’une voix ferme. — Bon ! Bon ! Je comprends… Là… je comprends, fit calmement la voix avec étonnement et admiration. Mais, avant de poursuivre ta route, accorde-moi un petit moment de ton précieux temps. Je t’en supplie, rase-moi la tête. Soukon avait cherché partout du regard qui lui parlait. C’est seulement à ce moment qu’il vit une femme très très âgée, assise sur un vieux tronc d’arbre. Les cheveux de cette vieille femme étaient blancs mais très sales, habités par une importante quantité de poux. Pouah ! C’était vraiment dégoûtant. Or, rendre service à une personne âgée, quoi de plus normal pour un enfant bien éduqué ! En enfant bien élevé, Soukon accepta de rendre le service demandé. Avec grand soin, il rasa la tête de la vieille femme. Fait curieux ! Il trouva dans les cheveux de cette personne âgée : un caillou et un œuf. 8 — Comme c’est étrange ! se dit-il. Puis, il les montra à la vieille femme. Celle-ci lui dit alors : — Soukon mon enfant, je t’offre ce caillou et cet œuf. Garde-les car je vois que tu as bon cœur. Tu es aussi très honnête. Dans la vie, un enfant généreux et honnête réussit toujours. J’ajoute ma bénédiction à celle de tes parents. Merci d’avoir rendu service au Grand Génie de la brousse. Eh oui ! Je suis le Grand Génie de la brousse. Je sais que le corps de ton père t’attend au village. Je vais te permettre de l’enterrer avec la queue du Grand Buffle à une et une seule condition. — Ô, Grand Génie ! Et quelle est cette unique condition ? demanda Soukon. — C’est de suivre fidèlement ce que je vais te conseiller concernant l’utilisation des deux objets découverts dans mes cheveux. — Parlez, ô Grand Génie ! Je vous écoute. Je vous obéirai fidèlement, promit Soukon en mettant un genou à terre en signe de respect. — Tu es obéissant et très respectueux, Soukon mon enfant. Un enfant obéissant et respectueux qui écoute et fait ce que lui conseillent ses parents et ses maîtres va toujours de succès en succès. Contre le Grand Buffle, tu connaîtras le succès si tu prends ce chemin que tu vois à ta droite. Il te conduira à une rivière. Dans cette rivière, tu trouveras tous les buffles en train de se baigner ; mais sans leur queue. Jamais, les buffles ne se baignent avec leur queue. Jamais ! Ils les enlèvent toujours et les cachent dans les touffes d’herbes qui bordent la rivière. Dès que tu auras pu atteindre ces touffes d’herbes, fouille et choisis la plus grosse queue. C’est celle du Grand buffle. Soukon, m’écoutes-tu très attentivement ? — Ô Grand Génie ! Je vous écoute très attentivement, fit Soukon en s’inclinant légèrement. 9 — Soukon mon enfant, c’est bien de m’écouter très attentivement. Parce qu’un enfant qui écoute très attentivement les personnes âgées s’instruit toujours. Il devient ainsi par sa conduite adulte et sage assez rapidement. La plus grosse queue, te dis-je, est celle du Grand Buffle. Dès que tu l’auras trouvée, prends immédiatement la fuite en direction de ton village. Car tôt ou tard, le Grand Buffle constatera la disparition de sa queue. Et quand il la constatera… Kéimba ! Kéimba ! Ce sera la colère. La grande colère chez lui et chez tous les autres buffles. Ils vont rechercher cette queue. Mais en vain. Pour la retrouver, il chantera. Et sa queue qui sera avec toi va répondre. Ils sauront par cette réponse que la queue du Grand Buffle a été volée. Ce sera alors la poursuite pour punir le courageux voleur et récupérer la queue. Kéimba ! Soukon, tous les redoutables buffles seront à ta poursuite. Kéimba ! Cours de ton mieux, Soukon ! Cours de ton mieux malgré la fatigue du corps et les épines de la route. Soukon, pourras-tu courir rapidement et longtemps ? — Ô Grand Génie ! Bien sûr que je pourrai courir rapidement et longtemps. — Très bien, Soukon mon enfant. Apprends qu’un enfant qui court rapidement et longtemps, malgré la fatigue du corps et les épines de la vie, ira de victoire en victoire. L’enfant volontaire et persévérant est le grand vainqueur de demain. Cours donc Soukon ! Cours avec volonté et persévérance vers la victoire. Et chaque fois que les Buffles seront sur le point de te rattraper, jette derrière toi d’abord le caillou et ensuite l’œuf. Pour le reste, kra Kéimba ! Pour le reste, kra Kéimba ! Je ne t’en dis pas plus. Tu es assez courageux. Bonne chance, mon enfant. Sur ces mots… frrr ! frrr !… La vieille femme disparut. Soukon fit exactement ce que le Génie lui avait conseillé. Il choisit la plus grosse queue. C’était celle du Grand Buffle. Et hop ! Le voici courant à toutes jambes(3) vers son village. 10