Cours 1.1 : Le bonheur, le désir
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Cours 1.1 : Le bonheur, le désir
Séquence 1 : Éthique et philosophie morale Cours 1.1 : Le bonheur, le désir La définition du bonheur comme état de plénitude à partir de la distinction bonheur-plaisir I – Le bonheur comme idéal impossible Nous désirons le bonheur, mais on ne peut pas déterminer rationnellement ce qu'est le bonheur et comment y arriver – L'exemple de l'utopie. – Kant, le bonheur comme idéal de l'imagination. Nous désirons le bonheur, mais nous sommes toujours insatisfaits – Platon, l'image du tonneau percé. – La distinction besoin-envie. – L'exemple de la publicité. Nous désirons le bonheur, mais la condition humaine est telle que nous ne faisons que masquer le malheur sous un voile fragile – Pascal, le divertissement. – L'exemple des vanités en peinture. II – Les sagesses antiques comme art du bonheur L'épicurisme Le stoïcisme Le bonheur ne consiste pas à accumuler tous les plaisirs, mais à retrouver le simple plaisir d'exister dans l'absence de troubles dans le corps (aponie) et dans l'âme (ataraxie). Il faut surtout parvenir à ne pas être affecté par les événements qui nous arrivent (être comme un roc imperturbable face aux vagues, comme une citadelle qui résiste aux attaques extérieures). Pour cela, il faut parvenir à distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Il faut accepter la réalité extérieure telle qu'elle est car elle ne dépend pas de nous ; et il faut prendre conscience de notre force d'âme intérieure : nous ne choisissons pas la situation dans laquelle nous sommes, mais ce qui dépend de nous c'est l'exercice de notre volonté. Une médecine de l'âme : pour parvenir au bonheur, il faut guérir les craintes que nous avons tendance à avoir. Cf. le quadruple remède contre la crainte des dieux, la crainte de la mort, la crainte de la souffrance, la crainte de ne pas pouvoir parvenir au bonheur. Un retour à l'essentiel : pour parvenir au bonheur, il faut se focaliser sur la satisfaction des désirs naturels et nécessaires (pour que notre corps ne souffre pas, nous devons satisfaire certains besoins ; pour que notre âme ne soit pas troublée, nous devons réfléchir afin de nous libérer de nos craintes ; nous avons enfin besoin d'amis afin de partager le simple plaisir d'exister). Épicure ne condamne pas les plaisirs que nous avons naturellement tendance à apprécier : nous pouvons satisfaire nos désirs naturels, mais non nécessaires, à condition de faire preuve de prudence et de ne pas en être dépendants. Il faut en revanche éviter absolument les désirs ni naturels ni nécessaires qui nous entraîne nécessairement dans l'insatisfaction et dans la servitude (les désirs de richesse, de luxe, de pouvoir, de gloire). Le bonheur ne provient alors pas d'événements extérieurs, mais de la conscience intérieure de la force de notre volonté et de la satisfaction d'agir comme on doit le faire (le bonheur réside dans la vertu). III - Perspectives critiques Deux conceptions du désir – Le désir comme manque (le tonneau percé, le mythe d'Aristophane). – Le désir comme force de vie (la figure de Don Juan). Il ne semble pas y avoir de science du bonheur (Kant), mais n'y at-il pas un art du bonheur (les sagesses antiques) ? Bergson : une conception du bonheur qui intègre la force de vie du désir – Le bonheur comme création de soi par soi. – La distinction joie-plaisir. – Les exemples de Bergson : la mère, le chef d'entreprise, le scientifique, l'artiste. Nous avons tendance à rester insatisfaits (le tonneau percé), mais ne pouvons-nous pas nous refocaliser sur l'essentiel et retrouver le simple plaisir d'exister (´Épicure) ? Quel bonheur voulons-nous ? – Le cas de l'homme qui compte des brins d'herbe. – “Il vaut mieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait” (John Stuart Mill) – La distinction vie pleine de satisfactions-vie pleine de sens. Ne pouvant supprimer le malheur, nous avons tendance à nous divertir (Pascal), mais ne pouvons-nous pas accepter le réel et le tragique de l'existence (stoïcisme) ? Bonheur et liberté – La fable du Loup et du Chien de La Fontaine. – Exemple de Huxley, Le Meilleur des Mondes : un bonheur sous contrôle (contrôle génétique et contrôle psychologique) La critique du despotisme doux par Tocqueville : la démocratie est un système politique à l'opposé du despotisme, mais la démocratie naît dans une forme de société caractérisée par un individualisme qui peut produire une nouvelle forme de despotisme : le repli sur les petits plaisirs de la vie privée peut étouffer toute tentation de révolte, endormir l'esprit critique. Le pouvoir peut alors s'étendre, sans opposition, en donnant aux individus les satisfactions qu'ils désirent. Mais faut-il désirer la sécurité de son bonheur privé au prix de la défense d'un certain idéal de la liberté ? Le désir est-il un manque (tonneau percé, mythe d'Aristophane) ou bien une force de vie (Don Juan, Bergson) ? Que désironsnous vraiment : une vie pleine de satisfactions ou bien une vie pleine de sens (J.S.Mill) ? Le bonheur implique-t-il la liberté (sagesses antiques) ou bien peut-il s'opposer à la liberté (despotisme doux) ? Séquence 1 : Éthique et philosophie morale Cours 1.2 : La morale, le devoir Définition de la morale à partir de la distinction jugements de valeur-jugements de fait. Définition du devoir à partir de la distinction nécessité-contrainte-obligation. I - La contrainte sociale des mœurs La genèse des mœurs selon Nietzsche Les valeurs morales ne sont pas naturelles, universelles et évidentes, elles sont le produit d'une histoire : il faut faire une généalogie de la morale. Les valeurs morales sont le produit d'une société. Les mœurs sont une morale du troupeau et l'expression d'une pulsion grégaire. L'individu trouve une forme de sécurité dans la fusion avec la masse et dans la conformité aux normes communes. – L'exemple du christianisme. – L'exemple de la tolérance. La genèse de la conscience morale selon Nietzsche Les mœurs sont une morale du dressage qui cherche à domestiquer les pulsions sauvages des individus. La conscience morale naît par intériorisation de ce contrôle extérieur des pulsions, qui va se transformer en un auto-contrôle intérieur sous la forme de la honte, de la culpabilité, de la mauvaise conscience. Le relativisme culturel La thèse du relativisme culturel semble fondée sur l'expérience de la diversité des valeurs et des normes selon les peuples et dans l'histoire (cf. l'exemple de l'homosexualité). La relativité de la notion de barbarie selon Montaigne : “chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage”. L'analyse de l'ethnocentrisme par Lévi-Strauss. II – La conscience morale : un sentiment naturel La pitié comme fondement de la conscience morale (Rousseau) La conscience morale n'est pas une réflexion rationnelle sur le bien et le mal, sur ce qu'on doit faire, c'est avant tout un sentiment, une sensibilité à la souffrance d'autrui. La conscience morale n'est pas le résultat d'un apprentissage social, le sens du bien et du mal n'est pas acquis par transmission sociale. La sensibilité à la souffrance d'autrui est naturelle, innée et repose sur la conscience du partage d'une même condition humaine. La question de l'origine du mal – La réflexion rationnelle peut être mise au service du mal (cf. la lettre de Willy Just). – La hiérarchisation sociale et la segmentation de la société peuvent conduire à un affaiblissement du sens de sa responsabilité morale (cf. l'expérience de Milgram). – Faut-il alors accepter l'idée d'Hannah Arendt d'une banalité du mal (cf. le cas Eichmann) ? III – Morale et raison Le conséquentialisme : une morale des conséquences Analyse critique des “bonnes intentions morales”. Max Weber : distinction éthique de la conviction-éthique de la responsabilité. – Le conséquentialisme : il faut faire un calcul rationnel des conséquences pour déterminer ce que nous devons faire moralement. Il faut (i) procéder à un examen des conséquences des différents choix possibles, et (ii) évaluer ces conséquences pour déterminer le meilleur choix possible (exemple de l'utilitarisme de Bentham). – Première précision : il faut faire un calcul global des conséquences. Nous devons examiner toutes les conséquences (cf. l'exemple de la critique morale de la consommation de viande par Peter Singer). – Deuxième précision : il faut faire un calcul impartial des conséquences. Nous devons évaluer les conséquences en faisant abstraction de nos préférences particulières (cf. l'exemple de la défense d'un devoir de donner de l'argent à des associations humanitaires par Peter Singer) Les limites du conséquentialisme : (i) Est-il vraiment possible de faire un tel calcul aussi complexe des conséquences ? (ii) Peut-on traiter l'individu comme un simple paramètre dans un calcul ? A-t-on le droit de sacrifier une personne pour avoir le meilleur bilan global possible ? La morale est-elle relative à une société particulière, une culture, une époque (Nietzsche, le relativisme culturel) ou bien y a-t-il des vérités universelles (Rousseau ; les morales de la raison) ? Le déontologisme : une morale des principes Kant défend une morale des principes, mais cela ne signifie pas qu'il faut suivre des principes imposés de l'extérieur. La morale kantienne est une morale de l'autonomie et non de l'autorité. Pour savoir ce que nous devons faire moralement, il suffit de faire usage de notre raison, car les impératifs moraux sont fondés sur la raison. Mais les impératifs moraux ne sont pas des impératifs hypothétiques. Les impératifs hypothétiques sont des impératifs pragmatiques (ils visent la réussite, l'efficacité dans le choix rationnel des moyens les plus adaptés pour obtenir son objectif). Or la morale n'est pas la recherche de son propre intérêt (si on agit conformément au devoir, mais par intérêt, et non par devoir, notre action n'est pas véritablement morale). Les impératifs moraux sont une forme d'impératif catégorique, qui s'applique à toute personne sans exception. (i) Pour savoir ce que nous avons à faire moralement, il suffit de procéder à un test d'universalisation de la maxime de notre action. Une action est morale seulement si nous pouvons rationnellement nous représenter un monde dans lequel tout le monde accomplit cette action (exemples du mensonge, de la tricherie). (ii) Le principe ultime de la morale est le respect de la dignité de chaque personne. On ne peut pas traiter un individu simplement comme un moyen : une personne est une “fin en soi”, capable d'autonomie. Respecter une personne, c'est respecter la raison en elle-même qui rend possible cette autonomie. Les limites de la morale kantienne : (i) Le rigorisme de cette morale : la morale doit-elle être déconnectée de la recherche du bonheur ? ; (ii) Le formalisme de cette morale : la morale repose-t-elle vraiment sur des principes généraux et abstraits ? ; (iii) L'ambiguïté de la notion de dignité (cf. l'exemple de la prostitution). La conscience morale est-elle de l'ordre du sentiment, de la sensibilité (Rousseau) ou bien de la raison, de la réflexion (les morales de la raison) ? Pour agir moralement, faut-il s'intéresser à l'action elle-même, à son résultat, ses conséquences (le conséquentialisme) ou bien à l'intention, aux grands principes que l'on cherche à respecter (la morale kantienne) ?