Ces tissus humains sortis de l`imprimante
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Ces tissus humains sortis de l`imprimante
No 39 I Fr. 2.20 JA 1630 Bulle www.lagruyere.ch I 133e année Jeudi 3 avril 2014 Ces tissus humains sortis de l’imprimante CHLOÉ LAMBERT MÉDECINE. A Villaz-St-Pierre, les imprimantes 3D de la société regenHU produisent peau, os ou cartilage. Un jeune médecin hollandais, Ernst Jan Bos (photo), utilise une machine glânoise afin de fabriquer des oreilles pour les grands brûlés. page 3 3 La page trois La Gruyère / Jeudi 3 avril 2014 / www.lagruyere.ch L’imprimante 3D façonne des oreilles pour grands brûlés VILLAZ-SAINT-PIERRE. Les imprimantes 3D de regenHU SA produisent peau, os ou cartilage. PRIX. A la pointe dans le domaine de la médecine régénérative, la société lance un prix pour jeunes scientifiques. RECHERCHE. Premier lauréat, un médecin hollandais utilise une machine glânoise pour fabriquer des oreilles. THIBAUD GUISAN Jeudi éco Ernst Jan Bos est un médecin hollandais. Dans ses laboratoires d’Amsterdam, il utilise une imprimante 3D de VillazSaint-Pierre. Agé de 29 ans, le chercheur est le premier lauréat du regenHU young scientist award. Un prix lancé par l’entreprise glânoise regenHU. «Nous voulons inciter un jeune scientifique à pousser sa réflexion plus loin», explique le directeur Marc Thurner. La récompense: pouvoir utiliser une imprimante 3D pour sa recherche. Ernst Jan Bos vient de toucher la précieuse machine. En mars, il est venu quelques jours en Glâne pour se former à son utilisation. «Elle ne repousse pas» Chercheur à l’Université libre d’Amsterdam et au Centre des grands brûlés de Beverwijk, Ernst Jan Bos entend apporter une solution novatrice pour reconstituer les oreilles de grands brûlés. «Lors de brûlures, le nez et les oreilles sont facilement endommagés, nous expliquait-il lors de son passage à VillazSaint-Pierre. Mais cette matière, du cartilage, ne se régénère pas d’elle-même. Elle ne repousse pas. Elle est difficile à reconstruire.» Une greffe, à partir de cartilage prélevé au niveau des côtes du patient, est possible. «Mais ce n’est pas une solution idéale, soutient Ernst Jan Bos. Le mieux est d’apporter du nouveau matériel à partir de cellules du patient.» L’idée du chercheur: produire un moule en forme d’oreille grâce à l’imprimante 3D de regenHU. «Nous disposons d’une base de données d’une vingtaine de formes différentes», explique Ernst Jan Bos. Le moule biodégradable est composé de bioplastique, mais aussi de cellules souches du patient et d’hydrogel, une combinaison d’eau et de composants actifs stimulants. «L’impression d’une oreille prend environ cinq minutes», précise Marc Thurner. Une oreille dans le ventre Etape suivante: l’oreille ainsi imprimée est implantée sous la peau du patient. Par exemple au niveau du ventre. «Nous utilisons le corps humain comme bioréacteur, explique Ernst Jan Bos. Sous la peau, le cartilage se développe jusqu’à remplir le moule en trois dimensions.» Durée du stockage? «Au moins une demi-année.» Une fois constituée, l’oreille est prélevée, puis A Amsterdam, Ernst Jan Bos utilise une imprimante 3D de Villaz-Saint-Pierre pour produire des oreilles destinées aux grands brûlés. Le médecin hollandais est venu en Glâne pour se former à son utilisation. CHLOÉ LAMBERT greffée au niveau du conduit auditif du patient. La méthode sera d’abord testée sur des rats. «Notre planning prévoit au moins cinq ans de tests avant d’essayer le processus sur l’humain», relève le chercheur, qui travaille depuis deux ans sur la problématique. Le Hollandais, qui bénéficie aussi du soutien de la Dutch Burns Foundation, la fondation nationale pour les grands brûlés, compte sur la technologie glânoise pour accélérer sa recher- De la peau à la mâchoire Installée à Villaz-Saint-Pierre depuis 2012, regenHU poursuit son développement. La société d’origine biennoise, membre de la holding industrielle CPA Group depuis 2011, se place à la pointe dans le domaine de la médecine régénérative grâce à ses imprimantes 3D. «A ce jour, nous avons livré plus de 40 machines à travers le monde, explique Marc Thurner, directeur général. Nous avons équipé des laboratoires de tous les continents, excepté l’Afrique. L’Asie est un marché en forte expansion. Le potentiel de notre technologie est énorme. De petite start-up, nous sommes devenus une société internationale, considérée comme un des leaders dans l’impression 3D de tissus vivants.» Les imprimantes 3D glânoises permettent la production de peau, d’os, de cartilage ou de muscles. Des tissus dont l’utilisation est en phase test – dans les laboratoires d’universités principalement – et qui ne sont pas encore sur le marché. «C’est une nouvelle approche de la médecine», souligne Marc Thurner, régulièrement invité à des colloques dans le monde entier. Une première en médecine dentaire A Villaz-Saint-Pierre, regenHU a également mis au point l’impression de petits cubes synthétiques: des éléments destinés à augmenter le volume osseux dans une mâchoire, avant la pose d’un implant dentaire (La Gruyère du 28 février 2013). «Environ 25% des gens qui ont besoin d’un implant dentaire n’ont pas assez d’os», rappelle Marc Thurner. Une spin-off, Vivos Dental SA, a été créée en novembre 2012 pour développer ce secteur d’activité. Une collaboration est engagée avec la Faculté de médecine dentaire de Genève. La mise sur le marché de ces petits cubes – en phosphate de calcium – est espérée pour cette année. «Ce serait alors le premier tissu synthétique mis sur le marché fabriqué par impression 3D au monde», relève Marc Thurner. Prochaine étape envisagée: étendre cette technologie au domaine de l’orthopédie. En comptant Vivos Dental, regenHU emploie actuellement onze collaborateurs à Villaz-St-Pierre. Contre cinq en 2012. TG che. «J’ai rencontré M. Thurner il y a deux ans lors d’un congrès à Vienne. J’ai tout de suite été impressionné par les outils de sa société.» De son côté, regenHU est enthousiaste. «L’objectif est d’amener de l’innovation dans le domaine de la médecine régénérative, explique Marc Thurner. Même si ça sonne un peu futuriste, monsieur et madame Tout-le-monde pourront bénéficier de telles recherches. Quant à nos imprimantes 3D, elles ont l’occasion de prouver leurs performances.» Un prix annuel La société regenHU entend remettre son prix chaque année. Le coût d’une imprimante 3D est d’environ 150000 francs. «Je voyage beaucoup à travers le monde et je rencontre de nombreux chercheurs. Il y a beaucoup de candidats potentiels.» ■ Vers un concept de mobilité autour du lac SENTIER DU LAC. Un concept de mobilité est dans l’air pour résoudre les problèmes d’accès aux rives du lac de la Gruyère. C’est que le sentier du lac rencontre un vif succès avant même d’être achevé – pour l’heure, seule sa boucle sud est officiellement ouverte. «Mais il connaît déjà des points chauds lors de week-ends ensoleillés», reconnaît le préfet de la Gruyère Patrice Borcard, également président de l’Association régionale la Gruyère (ARG). Touchées les premières, car recelant des lieux très prisés, deux communes ont pris les devants. Morlon a ainsi publié dans la Feuille officielle du 21 mars l’interdiction de se parquer sur les deux côtés de la route du Lac qui mène aux Laviaux. Elle en avait fait la demande dès 2013 au Service des ponts et chaussées, lequel a délivré son autorisation le mois dernier. «Certains jours, les pompiers ou les ambulanciers n’arrivent plus à accéder aux plages», se défend le syndic Pascal Lauber. Qui rappelle la présence de deux parkings publics au centre du village, à dix minutes de marche. Il espère pouvoir poser la signalisation à Pâques. Autre commune touchée, Pont-enOgoz va carrément interdire, durant la haute saison, la circulation sur la route de Thusy, seul accès à la presqu’île du Vieux Châtel. En cause: une cohabitation difficile entre usagers du sentier du lac, qui empruntent une partie de cette route étroite, agriculteurs et automobilistes. «La barrière est posée, mais nous attendons l’autorisation de la fermer du Service de la mobilité, si possible avant l’été», explique le syndic Christophe Tornare. Qui révèle qu’en 2013 la police est intervenue à plusieurs reprises sur plainte de riverains pour faire l’ordre parmi des dizaines de voitures mal garées. C’est que, zone de protection de la nature fédérale et cantonale, le secteur est dépourvu de vrai parking. Tentation de tout fermer Face à ces initiatives communales, Patrice Borcard a proposé à l’Association du sentier du lac de la Gruyère (ASLG) l’étude de ce plan de mobilité. Lequel devrait logiquement intégrer les mesures prises à Morlon et Pont-enOgoz. «La première tentation des com- munes, explique Patrice Borcard, est de fermer tous leurs accès en ordre dispersé. Ce n’est pas la solution. Ce plan de mobilité est une priorité de l’ARG.» L’ASLG est montée dans le train pour autant que l’ARG la soutienne. Ce qui sera fait à hauteur de 15000 francs. Il en faudra plus pour couvrir les 38000 fr. que coûtera l’étude confiée au bureau ARCHAM à Fribourg. Une demande d’aide est envisagée auprès de la Nouvelle politique régionale, le solde devant être réparti entre les 12 communes de l’ASLG. Celle-ci assumera la réalisation des mesures, normalement dès 2015. Son assemblée du 8 mai devrait avaliser ce programme. L’étude ne se limitera pas à la seule mobilité: elle devra aussi proposer un concept pour l’accueil des visiteurs, encore insatisfaisant – poubelles, toilettes, aires de pique-nique. Il s’agira aussi de prendre en compte l’offre touristique aux abords du sentier, les aspects liés à la nature et au paysage, enfin prévoir l’information des usagers. «Il faut intégrer la totalité des problématiques liées au sentier», résume Pascal Lauber. Lequel ne voit pas d’alternative à une vision globale autour du lac. «Les communes n’auront jamais toutes les mêmes soucis, mais toutes auront des soucis!» Sans compter que les mesures déjà prises ici ou là ne font que reporter les problèmes sur d’autres communes. Ce qui fait dire à Patrice Borcard que «ces 38000 francs sont parfaitement justifiés». JnG