Les grands classiques du droit de la vente et la pollution des sols

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Les grands classiques du droit de la vente et la pollution des sols
Lettre de l’Office Notarial 14 PYRAMIDES
Immobilier Institutionnel – Construction Promotion – Environnement – Développement Durable – Aménagement Urbanisme
ImmoThème Février 2011
Les grands classiques du droit de la vente et la pollution des sols
La problématique de la pollution des sols “contamine” tous les domaines du droit et plus particulièrement celui de la vente. A côté des législations
spéciales et notamment des articles L514-20 et L125-7 du code de l’environnement qui font de la vente le moment privilégié d’une information
environnementale de plus en plus riche, les grands classiques du droit de la vente ne sont pas en reste. La garantie des vices cachés a, à maintes
reprises, été consacrée comme l’un des recours les plus efficaces dont dispose l’acquéreur pour faire supporter au vendeur les coûts liés à la
découverte d’une pollution après la vente. C’est maintenant au tour de l’obligation de délivrance d’entrer en scène, comme en témoigne l’arrêt de
la cour d’appel de Rouen du 18 novembre 2010 que nous vous invitons à découvrir.
Pollution, vice caché et information environnementale
Consécration
Consécration de la garantie des vices cachés en matière de pollution
La pollution non connue au moment de la vente constitue à l’évidence un vice caché. Mais le vice caché existe aussi lorsque la pollution est
connue, mais pas son ampleur et que, par conséquent, l’acquéreur n’a pas été en mesure d’apprécier la faisabilité de son projet en toute
connaissance de cause.
Ainsi, dans l’arrêt du 8 juin 2006, Société Total fluides C/ SEM Plaine Commune, la Cour de cassation a considéré que « l’ampleur de la pollution,
non connue de la société SEM, constituait un vice caché rendant l’immeuble impropre à sa destination dès lors que toute construction restait
risquée pour la santé ou la sécurité tant des participants au chantier que des futurs utilisateurs. »
Porter à la connaissance de l’acquéreur l’existence d’une pollution ne suffit donc pas. L’information donnée sur l’état de pollution du terrain doit
lui permettre d’évaluer les risques que cette dernière pourrait présenter et surtout le niveau de réhabilitation nécessaire pour rendre le terrain
compatible avec son projet. Alors seulement, l’acquéreur ne saurait être fondé à se prévaloir de la garantie des vices cachés.
Exclusion de la garantie des vices cachés et information au titre de l’article
l’article L.514L.514-20
Quid alors, en matière de pollution des sols, de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés habituellement stipulée dans les ventes ?
Cette dernière reste efficace à la condition toutefois que le vendeur ne soit pas considéré comme ayant été de mauvaise foi pour ne pas avoir
ou avoir mal délivré l’information environnementale à laquelle l’article L. 514-20 l’oblige. Ainsi en a décidé la cour d’appel de Montpellier dans
un arrêt du 8 août 2007.
l’immobilier
Obligation de se renseigner de l’acquéreur professionnel de l’immobi
lier
Aussi sévère que soit la jurisprudence à l’encontre du vendeur, l’obligation de ce dernier est cependant tempérée par l’obligation de se renseigner
de l’acquéreur, professionnel de l’immobilier, qui a été mis en mesure d’évaluer le risque pollution du terrain vendu. C’est la position adoptée par
la jurisprudence récente et notamment par la troisième chambre civile de la Cour de cassation qui a considéré dans un arrêt du 18 novembre 2009
que « la qualité de professionnelle des opérations de constructions et de promotion immobilière » permettait à l’acquéreur de tirer les
conséquences de l’information environnementale qui lui avait été fournie.
Conseil de votre notaire : L’information sur l’état de pollution d’un site doit être la plus complète possible, qu’elle soit délivrée au titre des
articles L.514-20 et L.125-7 ou simplement de l’état de la chose vendue. Ce n’est qu’à cette condition qu’un recours sur le fondement de
la garantie des vices cachés ne pourra être envisagé. Entre professionnels de l’immobilier, même si les rôles sont partagés, la qualité de
l’information environnementale ne devra jamais être négligée.
Pollution et obligation de délivrance spécifique
Des engagements contractuels du vendeur
Dans un arrêt du 18 novembre 2010, la cour d’appel de Rouen a retenu la responsabilité contractuelle du vendeur d’un terrain pollué pour
manquement à une obligation de délivrance spécifique.
Le cas d’espèce était classique. Un terrain, en partie anciennement occupé par un ferrailleur, est acquis par le Département dans le cadre de la
création d’une ZAC, puis cédé à une société d’aménagement, qui elle-même doit le revendre pour la construction d’un centre de tri postal. Dès la
promesse de vente, engagement a été pris par le Département de faire éliminer « tout amoncellement résultant de l’activité » et de délivrer un
terrain qui « puisse être directement exploité à sa destination de construction, dès la prise de possession par l’acquéreur ». A cette fin, il s’était
également engagé à faire réaliser une étude de sols, sur la base de laquelle la remise en état du terrain serait effectuée. En contrepartie,
l’acquéreur prenait le terrain en l’état « sans garantie de l’état du sol ou du sous-sol » et donc « sans pouvoir prétendre à indemnité en raison [de
leur] mauvais état (…) ni d’un vice caché ».
L’étude de sols est réalisée, des terres polluées sont excavées et les déchets sont éliminés dans les délais convenus. Mais, lors des premiers
travaux, une importante pollution résiduelle est découverte sur trois zones correspondant à une partie des futurs bâtiments, aux parkings et aux
quais. Le maintien et le confinement sur place des terres polluées n’auraient certainement pas été problématiques si, comme l’avait conclu le
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ImmoThème février 2011
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bureau d’études, il s’était simplement agi de réaliser un parking au droit des terres impactées. Seulement une contrainte particulière avait été
imposée au projet de construction de l’acquéreur du fait de la situation du terrain dans la ZAC : il devait en effet respecter une altimétrie
spécifique et construire plus bas que le sol naturel. L’excavation de terres était en tout état de cause nécessaire, pollution ou pas. Dès lors, nous dit
la cour, du fait de la pollution constatée, l’état du terrain au moment de la vente était incompatible avec « une évacuation normale des terres
excavées » et générait un surcoût lié à l’envoi des terres polluées en centre de classe 1 ou 2.
Dans de telles circonstances, elle a considéré que le vendeur avait manqué à l’obligation de délivrance spécifique à laquelle il s’était obligée en
s’engageant à remettre un terrain directement exploitable à sa destination de construction, et ce d’autant plus qu’il connaissait dès avant la
promesse, pour avoir donné son accord au projet de permis de construire, l’altimétrie spécifique du projet et par conséquent la nécessité
d’excaver des terres.
Le Département et la société d’aménagement seront non seulement condamnés à indemniser l’acquéreur du préjudice financier que représente le
coût des travaux de dépollution, mais également à l’indemniser au titre des surcoûts liés à l’arrêt et la reprise du chantier. Sur ce dernier point, le
bureau d’études qui, en l’espèce, avait bien commis une faute, sera condamné in solidum.
Conseil de votre notaire : Parce qu’il n’y a jamais de certitude quant à l’état de pollution d’un terrain, il ne peut y avoir d’engagement
trop largement défini du vendeur, peu importe la connaissance de l’historique ou encore la réalisation d’une étude de sols. Il ne saurait
être question pour ce dernier de prendre en charge tous travaux de dépollution nécessaires au projet de construction de l’acquéreur. Un
montant forfaitaire, un usage précis ou, comme cela aurait été nécessaire en l’espèce, un volume ou une profondeur de terres à excaver
devront être définis par la convention des parties.
De la rresponsabilité
esponsabilité du bureau d’études chargé de réaliser les études de sol
La faute du bureau d’études avait consisté à ne pas avoir pris en compte le respect de l’altimétrie du projet. Pourtant, il en avait eu connaissance.
En effet, le cahier des charges de la consultation, le plan d’implantation du projet sur le site et les coupes des bâtiments et parkings avaient été
annexés à sa lettre de mission. Il avait donc délivré des préconisations inadaptées au projet de construction envisagée.
Dans ses rapports avec le vendeur, cette faute, engageant sa responsabilité contractuelle, justifiait sa condamnation in solidum. En l’absence de
tout lien contractuel, elle justifiait également que soit retenue sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de l’acquéreur.
Toutefois, à défaut de lien de causalité entre cette faute et la présence de la pollution rendant nécessaire la réalisation des travaux de dépollution,
l’indemnisation due par le bureau d’études ne pouvait porter que sur les coûts liés aux retards du chantier, lesquels étaient imputables à une
dépollution effectuée après la vente alors qu’elle aurait pu l’être avant si les préconisations avaient été adaptées.
Conseil de votre notaire : Une attention particulière devra être portée à la mission confiée aux bureaux d’études chargés de réaliser les
diagnostics environnementaux. Elle devra être définie avec suffisamment de précision et être accompagnée, dans la mesure du possible,
des descriptifs, autorisations de construire et plans du futur projet. Il faudra aussi s’assurer que la mission a été correctement remplie et
que les préconisations de réhabilitation du site correspondent au futur projet. Quant à celle des parties qui n’a pas missionné le bureau
d’études, elle ne doit pas oublier qu’aucun lien contractuel ne l’unit à ce dernier et qu’elle ne peut donc agir directement à son encontre
sur le terrain de la responsabilité contractuelle, n’ayant plus que celui de la responsabilité délictuelle. Son intervention dans le choix dudit
bureau d’études est donc a minima souhaitable.