Calendrier de l`Avent

Transcription

Calendrier de l`Avent
Calendrier de l’Avent
2011
De quoi riait-on au Moyen Âge?
L’humour, le rire ou la parodie ont indéniablement accompagné le Moyen Âge. Pourtant, l’église, condamne
le rire qu’elle considère comme dégradant, illustrant une action « basse ». Ainsi, chez une femme, le rire
est assimilé à de la vulgarité. Seul le sourire est acceptable car il est considéré comme le « rire des sages ».
Bien évidement la population va constamment passer outre. De nombreux sujets sont sources de rire et
personne n’est à l’abri… L ’on va riser les puissants: le roi et ses proches, le clergé, la noblesse, mais aussi les
autres catégories sociales comme les serfs.
Tous les arts sont mis à contribution. La littérature sera particulièrement féconde durant tout le Moyen Âge,
en particulier avec les fabliaux apparus au XIe siècle. La sculpture ne sera pas en reste et ce, même dans
les édifices religieux, où des exemples sont visibles de tous, comme ces stalles de miséricordes qui ridiculisent
moines et prêtres. Parfois de simples jeux de mots sont utilisés par les clercs et moines en associant, par
exemple, "militia" (la chevalerie) et "malitia" (l’œuvre du Malin)…
Enfin, le sexe tient également une part importante dans ces railleries. Souvent paillarde, son évocation, confine
parfois à l’obscénité.
Quelques formes d’humour...
Les drôleries :
Entre 1250 et 1350 apparaissent dans les marges des manuscrits du Nord de la France, de la Flandre et du
Sud de l’Angleterre de petites scènes illustrées que l’on appelle drôleries. Prolongeant les antennes des lettres
ornées comme sur une scène de théâtre, elles mettent en scène des animaux ou plus énigmatiques des êtres
hybrides mi homme- mi animal. Elles sont une manière de dire l’ordre ou le désordre de la société.
On les trouve plus particulièrement dans les marges de manuscrits religieux, comme les pontificaux ou les
livres d’heures. Elles mettent en scène les histoires les plus connues du bestiaire médiéval, comme la chasse
à la licorne, ou des fables, comme celle du renard et de la cigogne ; elles sont alors une manière d'enseigner
la foi chrétienne et les grands préceptes moraux. Souvent aussi, elles parodient les travers humains ; on voit
alors dans les marges de nombreux petits singes, à l'école, chez le médecin, ou au monastère ou encore des
scènes de combats ou de chasse plus ou moins burlesques.
Moine bien gras qui devise seul face monde.
Stalle de miséricorde. Sainte-Anne de Gassicourt,
Mantes-la-Jolie, fin du XVème siècle.
Porc jouant de l’orgue. Stalle de miséricorde. Beauvais ou est de
la France (?), Musée de Cluny, XVème siècle (Cl. 22583).
CE CALENDRIER VOUS EST OFFERT PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DES YVELINES
Calendrier de l’Avent
2011
Les fables ou fabliaux :
Les fables en latin qui circulent au Moyen Âge dérivent de textes d’inspiration romaine (ex. Phèdre au Ier
siècle après J.-C. ou Avianus à la fin du IVe siècle après J.-C.).
Vers 1180, c’est une poétesse, Marie de France, qui écrit le premier recueil de 103 fables en français. Elle est la
première à concevoir la fable en tant que genre littéraire à part entière, où la création est rendue possible. Elle
y met davantage en avant la morale que le récit lui-même. Par la suite, plusieurs recueils de fables en français
sont rédigés et diffusés sous le nom d’Isopets.
À côté de beaucoup d’autres, le loup, le renard, le rat et le lion tiennent la vedette dans les recueils en latin et
en français. Beaucoup seront repris dans les célèbres fables de La Fontaine : "Le loup et le chien", "Le renard et
la cigogne",… et bien sûr "Le corbeau et le renard", qui est également diffusée dans le Roman de Renart.
Brunain, la vache du prêtre
de Jean Bodel
Je veux conter l’histoire d’un paysan et de sa femme qui, un jour que l’on fêtait Notre-Dame, allèrent prier à
l’église. Le prêtre, avant de célébrer l’office, s’avança pour prêcher : il dit qu’il faisait bon donner pour l’amour de
Dieu, si l’on suivait la raison, car Dieu rendait le double à celui qui donnait de bon cœur.
« Ecoute, la chère sœur, dit le paysan, ce que promet notre prêtre : quand, pour l’amour de Dieu, on donne de
grand cœur, Dieu le rend en le multipliant. Nous ne pouvons pas mieux employer notre vache, s’il te semble
bon, qu’en la donnant au prêtre ; d’ailleurs, elle produit peu de lait.
Sire, dans ces conditions, répondit la dame, je veux bien qu’il l’ait. »
Ils s’en revinrent alors chez eux, sans faire de plus long discours. Le paysan entra dans l’étable, prit sa vache par
la corde et alla l’offrir au doyen qui était un prêtre avisé et habile.
« Cher seigneur, fit le paysan les mains jointes, pour l’amour de Dieu, je vous donne Blérain. »
Il lui mit la corde dans le poing en jurant qu’il n’avait rien d’autre.
« Mon ami, tu as agi avec sagesse, fit le prêtre dom Constant dont le seul souci était de prendre. Va-t’en, tu as
bien accompli ta mission. Plût au ciel que mes paroissiens fussent tous aussi sages que toi ! J’aurais quantité de
bêtes. »
Le paysan quitta le prêtre qui commanda aussitôt d’attacher Blérain pour l’apprivoiser avec Brunain, la grande
vache qui lui appartenait. Le sacristain l’emmena dans leur jardin où il trouva leur vache, me semble-t-il. Il les
attacha ensemble, puis s’en retourna et les laissa.
La vache du prêtre baissait la tête, car elle voulait paître, mais Blérain, s’y refusant, tira si fort sur la corde qu’elle
entraîna hors du jardin et qu’elle la mena tant à travers les fermes, les chenevières et les prés qu’elle revint chez
elle avec la vache du prêtre qu’elle traînait à grande peine.
CE CALENDRIER VOUS EST OFFERT PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DES YVELINES
Calendrier de l’Avent
2011
Le paysan regarda et la vit : il en éprouva une vive joie en son cœur.
« Ah ! fit-il, ma chère sœur, oui, c’est vrai que Dieu double la mise, car Blérain revient avec une autre : elle
amène une grande vache brune. Maintenant nous en avons deux au lieu d’une. Notre étable sera trop petite.
Ce fabliau nous montre par cet exemple qu’on est fou de ne pas avoir confiance. La richesse échoit à qui Dieu
la donne, et non pas à celui qui la cache et l’enfouit. Personne ne peut faire fructifier son avoir sans beaucoup
de chance, à tout le moins. C’est par une grande chance que le paysan eut deux vaches et le prêtre aucune. Tel
croit avancer qui recule.
Fin
Le prêtre et le loup
Un prêtre vivait au pays de Chartres et aimait la femme d’un vilain. Or ce dernier en eut vent, et il creusa une
fosse sur le chemin par lequel celui-là avait l’habitude de venir.
Un loup survint de nuit et tomba dedans, car il faisait très sombre.
Le prêtre, par malchance, vint à son tour comme à l’accoutumée : avant de s’en rendre compte, le voici tombé
dedans. La dame, qui s’inquiétait du retard du prêtre, dit à sa servante :
« Va donc voir si notre bon père doit venir. »
La servante alla de ce côté-là : dans la fosse elle tomba elle aussi.
Le vilain se leva de bon matin et se rendit tout droit où il trouva ce qu’il attendait : il jura que chacun aurait son
salaire. Il tua le loup, rançonna le prêtre et chassa la fille. Ces trois-là eurent bien de la malchance et le vilain
beaucoup de chance. Le prêtre le déshonorait et le loup étranglait ses bêtes : chacun d’eux paya fort cher, l’un
ses plaisirs amoureux, l’autre, sa nourriture.
Fin
CE CALENDRIER VOUS EST OFFERT PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DES YVELINES