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Rebonds – Libération du 31 janvier 2014 Les sondages actuels sont-ils représentatifs des électeurs ?
Les sondages publiés dans la presse sur les prochaines élections municipales sont-ils
fondés sur des échantillons représentatifs ? Le sont-ils des individus inscrits sur les listes
électorales, et a fortiori des électeurs qui se rendent effectivement aux urnes les jours de
scrutins ?
La réponse à ces questions n’a pas seulement un intérêt scientifique, mais aussi une
implication politique directe. En effet, si, comme lors des élections municipales de 1983 et
de 2001, les sondages surestimaient le niveau d’intentions de vote en faveur de la gauche,
ils seraient ensuite mis en cause pour avoir suscité une confiance excessive parmi les
candidats de celle-ci, et un déficit de mobilisation parmi ses électeurs. Or, deux points de
méthodes font craindre qu’il y ait un défaut de représentativité majeur dans la production
courante des sondages pré-électoraux.
Le premier problème tient à la manière dont les sociétés de sondage construisent leurs
échantillons. Pour établir les quotas censés garantir la représentativité de leurs études,
elles partent des données du recensement de la population résidant dans la commune
telles que les fournit l'INSEE. Or il existe un écart parfois considérable entre la structure
sociodémographique de cette population et la structure du corps électoral. Sans même
parler de l’inclusion abusive dans ces quotas des étrangers n’ayant pas le droit de vote
aux élections locales, il y a une évidente déformation de la structure par âge de l’électorat.
Par exemple, dans de nombreuses grandes villes universitaires (Toulouse, Bordeaux,
Montpellier etc.), les 18-24 ans constituent plus de 20 % de la population, mais ils ne
représentent que moins de 7 % des inscrits sur les listes électorales. En d’autres termes,
les sociétés de sondages incluent trois fois trop de 18-24 ans dans leurs échantillons. A
l'inverse, les séniors y sont sous-représentés par rapport à leur poids réel sur les listes
électorales.
Rebonds – Libération du 31 janvier 2014 Cette erreur méthodologique n'est sans doute pas sans conséquence sur le plan des
résultats. On sait que les 18-24 ans votent sensiblement plus pour la gauche et le FN que
la moyenne des électeurs. En travaillant à partir d'échantillons non-représentatifs de la
population électorale au sein desquels les plus jeunes sont largement sur-représentés, les
sociétés de sondage prennent inévitablement le risque de surestimer le vote de gauche et,
peut-être plus encore, le vote Front National. C’est pourquoi les études pré-électorales que
nous avons récemment réalisées pour Libération à Marseille, Bordeaux et Montpellier
reposaient sur des échantillons établis directement à partir de la liste des inscrits.
Le second noeud méthodologique tient à la mesure de la participation. Les sondages
souffrent ici d'une réelle difficulté : la grande majorité des sondés déclarent qu'ils vont aller
voter. En général, ce sont autour de 80 % des interviewés qui se déclarent "certains d'aller
voter", alors qu'ils ne seront au final que 55 ou 60 % de votants effectifs. Cet écart soulève
un problème majeur : les futurs abstentionnistes, qui le plus souvent s'ignorent ou parfois
le dissimulent, se répartissent-ils également dans l'espace politique ou sont-ils
surreprésentés à l'intérieur de certains courants politiques ? S'ils se répartissent
également entre les forces politiques, cela n'affecte pas le caractère prédictif des
sondages. A l’inverse s'ils sont surreprésentés au sein de certains segments de l'électorat
- parmi les anciens électeurs de François Hollande, par exemple - , alors les sondages
sous-estimeront les effets politiques de l'abstention. Ils pourraient ainsi passer à côté
d'une "abstention sanction" qui pénaliserait les listes socialistes lors des scrutins à venir.
Face à ces défis méthodologiques, deux solutions paraissent s’imposer. La première,
évidente, concerne la construction de quotas réellement "représentatifs". C’est la plus
simple à mettre en oeuvre : il suffit de calculer ces quotas à partir des listes électorales.
L’expérience de PollingVox et de l’Observatoire du Changement Politique montre que cela
est aisément réalisable.
2 Rebonds – Libération du 31 janvier 2014 La seconde, plus ardue, tient à la prise en compte, parmi ces inscrits, de la future
abstention. Pour améliorer les résultats, il nous semble indispensable que les sondages
portant sur les intentions de votes intègrent un modèle probabiliste d'abstention. Un
premier modèle ("intentions de votes selon probabilités de participation") a été mis au
point par l'Observatoire du Changement Politique. Les "études participation" de l'INSEE
nous permettent de connaître avec une grande précision la propension relative de chaque
catégorie sociodémographique à se rendre aux urnes. Il serait donc utile d’intégrer cette
variable dans l’élaboration des sondages d’intentions de vote. Cela permettrait d'éviter que
les 18-24 ans ne représentent 20 % des échantillons alors qu'ils ne sont que 7 % sur les
listes électorales et guère plus de 3 % parmi les votants dans les grandes villes.
Les défauts de représentativité évoqués, auxquels nous proposons des solutions simples,
ne sont pas sans conséquence sur le climat de la campagne pour les prochaines élections
municipales. Ces questions se posaient dès l’origine des sondages d’intentions de vote,
mais il y a, à l’heure où la progression régulière de l’abstention affole les boussoles
électorales, urgence à y répondre.
Jean-Yves Dormagen
Professeur de science politique à l'Université Montpellier 1 - fondateur de l'Observatoire du
Changement Politique (www.odcp.fr)
Jérôme Sainte-Marie
Président de l'Institut
(www.pollingvox.com)
PollingVox -
enseignant
3 à
l’université
Paris-Dauphine
Rebonds – Libération du 31 janvier 2014 P RESENTATION DES PARTENAIRES PollingVox PollingVox est une société d’études et de conseil. Spécialisée dans les enjeux d’opinion, elle offre une approche renouvelée des clivages sociologiques et des confrontations culturelles structurant le débat public. Opératrice d’enquêtes, quantitatives et qualitatives, elle porte une attention particulière à de nouveaux critères améliorant la représentativité des résultats et la pertinence de leur analyse. Fondée en septembre 2013, PollingVox est dirigée par Jérôme Sainte-­‐Marie, précédemment DGA de l’institut CSA, directeur associé de la société iSAMA et directeur de BVA Opinion. ⊳ Contact : [email protected] Observatoire du Changement Politique -­‐ ODCP L'Observatoire du Changement Politique a pour but de mieux valoriser les acquis de la science politique européenne et nord-­‐américaine, tout particulièrement dans le domaine de l'étude de l'opinion et dans celui des campagnes électorales. L'Observatoire du Changement Politique réalise des sondages, des études qualitatives, de l'analyse électorale et propose du conseil et des formations pour les collectivités locales, les élus, les candidats aux élections et les media. L'Observatoire du Changement Politique a été fondé en mai 2013 par Jean-­‐Yves Dormagen, directeur du Département de science politique de l'Université Montpellier 1 et co-­‐fondateur de l'Institut Paul Lazarsfeld et de l'Institut Netscope. ⊳ Contact : [email protected] 4