ITW intégral

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ITW intégral
Cédric Girard à l’honneur
J’ai l’honneur de vous présenter Cédric Girard, photographe
animalier de renom, qui a gentiment accepté de répondre à mes
questions. Mais tout d’abord, pour ceux qui ne le connaîtraient
pas encore, voici son parcours que je vous décris en quelques
lignes. Cédric Girard est informaticien de profession. En parallèle,
il est aussi éleveur de chats de race avec son épouse, ce qui le
conduit d’ailleurs à se lancer dans le monde de la photo en 2002
quand
il
fait
l’acquisition
d’un
compact
numérique
pour
photographier entre autres ses chatons. Très vite il passera du
compact au bridge et du bridge au réflex début 2004.
La machine était lancée et une rencontre avec Rémy Courseaux va
encore amplifier le phénomène. Fin 2004 Cédric est primé au
festival international de la photo animalière à Montier-en-Der pour
sa toute première participation. En mars 2005 une agence
spécialisée dans la photographie d’animaux domestiques (COGIS) le contacte pour travailler avec lui suite à une parution dans un magazine
spécialisé. C’est à cette époque qu’il devient Photographe-Auteur et vends régulièrement par le biais de l’agence, ce qui lui permet de se
créer un nom et un portfolio complet.
Et en 2007 il intègre la célèbre agence photo BIOS qui le sélectionne pour son excellent travail photographique. En 2008 il sort son tout
premier livre photo sur sa région d’adoption la Champagne Ardenne. Il ne signe pas le texte mais l’intégralité des photos de ce livre à
vocation touristique. Et tout début 2010 Cédric sort de nouveau un livre photo sur la photo animalière mais cette fois il écrit aussi les textes
de ce livre très complet et instructif. Ce sera tout pour le moment concernant l’ascension fulgurante de Cédric qui fait désormais partie des
« noms » de la profession. En témoigne sa participation en 2007 dans le film « Les secrets des photographes animaliers » aux côté de l’élite
de la photographie animalière francophone.
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : Tout d’abord merci à toi de te prêter au jeu des questions-réponses. Est-ce que la description que je fais de toi te convient ?
Non parce que sinon on reprend tout depuis le début (Rires)…
Cedric Girard : Bonjour. C'est un bon résumé, même s'il est (comme souvent - ce n'est pas une critique) un peu trop flatteur. Je me
suis juste retrouvé au bon endroit, au bon moment, et c'est ce qui a surtout contribué à ma "reconnaissance" auprès des grands noms de la
photographie animalière... Car finalement mon "palmarès" est loin d'égaler celui d'autres photographes bien meilleurs que moi !
Scapulaire : Comment te catalogues-tu au niveau photographique ? Photographe-animalier, photographe-naturaliste, photographe-auteur
ou un peu tout ça à la fois ?
Cedric Girard : Je pense que l'on peut effectivement me cataloguer dans toutes ces catégories à la fois, car je suis photographe avant
tout, mais naturaliste convaincu et auteur défenseur de ses droits !
Scapulaire : Tu ne t’intéresses qu’à la photo de nature ? C’est parce que c’est le domaine que tu maîtrises le mieux ou les autres
domaines photographiques ne te « parlent » pas ?
Cedric Girard : Les autres domaines de la photographie me parlent effectivement beaucoup moins... Je m'y suis un peu essayé,
notamment lors de la réalisation de mon livre sur ma région d'adoption en 2007 (livre sorti en 2008), et force est de dire que je suis
infiniment plus à l'aise avec la nature, les animaux, et dans une moindre mesure la photographie aérienne que j'affectionne particulièrement.
Scapulaire : Tu comptes photographier principalement la faune sauvage de ta région ou envisages-tu des voyages à l’étranger pour
exporter ta passion ?
Cedric Girard : Effectivement, la faune sauvage locale m'importe bien plus que celle que l'on peut trouver par delà le monde... Mais ceci
ne m'empêche pas de voyager une fois ou deux par an pour aller photographier les mêmes animaux que nous rencontrons chez nous, mais
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dans des conditions différentes. Ceci s'inscrit dans une démarche commerciale (n'ayons pas peur des mots !) afin d'alimenter en premier
lieu ma photothèque (même si ce genre de séjour est d'abord choisi pour mon plaisir personnel !)
Scapulaire : Tu as connu une ascension fulgurante dans le monde de la photo et aujourd’hui tu fais partie des photographes de renoms,
à quel moment tu t’es rendu compte que tu faisais partie de cette
« élite » ? Et quel a été le facteur déclenchant qui t’a poussé à y
croire ?
Cedric Girard : Je ne me considère pas comme faisant parti
d'une quelconque élite. Bien que je sois conscient d'avoir l'image
d'un "bon photographe", je connais bien des pratiquants de la
photographie de nature qui me surpassent de part leur talent.
Comme je l'ai écrit précédemment, j'ai eu la chance de me trouver
au bon endroit et au bon moment. Et d'avoir les bons contacts et
la chance d'avoir quelques mises en avant bienvenues qui ont fait
ma "renommée" (que je n'aime pas ce mot !). En photo nature, le
maître mot est "modestie" et il suffit de voir comment se
comportent les grands que j'admire comme Fabrice Cahez,
Vincent Munier, Michel Denis-Huot et bien d'autres pour comprendre que la photographie de nature est tout sauf un milieu où "on se la pète".
Pour tout dire, je trouve parfois que l'on me considère à tord comme parmi les grands alors que d'autres le mériteraient bien plus que moi.
Scapulaire : Tu travailles entre autre pour l’agence photo Bios, peux-tu nous expliquer un peu comment cela fonctionne ? Tu leur
proposes des photos, tu as des commandes ou des sujets définis, etc. ?
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Cedric Girard : Les agences comme BIOS PHOTO sélectionnent les photographes de manière très pointue, mais une fois le contrat
signé (et bien que rien ne soit acquis éternellement !) le travail avec l'agence se décline de manière générale en trois actes : On envoie
régulièrement des photographies pour sélection. Après analyse, les photos sélectionnées doivent être renvoyées en HD, dûment annotées et
documentées (il est indispensable de maîtriser les champs IPTC !). L'agence vend nos photos de manière libre, l'auteur touche simplement
ses droits d'auteurs trimestriellement. Parallèlement à ce mode de fonctionnement très classique, il est effectivement possible d'avoir des
demandes - selon ses spécialités qui sont connues par l'agence - de photos de manière ponctuelle. Par exemple, je suis "connu" pour avoir
une photothèque assez fournie en matière d'animaux domestiques et plus particulièrement concernant les chats, chiens et chevaux.
Régulièrement, je reçois des mails des iconos qui me demandent des photos très précises. Il n'est pas rare que ces demandes soient
extrêmement pointues. Les photographes peuvent également apporter de manière ponctuelle des dossiers complets sur des sujets qu'ils ont
à cœur, parfois même accompagnés de textes rédigés prêts à l'emploi : l'agence se charge ensuite de les proposer à la diffusion.
Scapulaire : En ce début d’année tu as sortis ton propre livre sur la photo animalière, c’était un projet ou un souhait de ta part ou on te
l’a proposé et tu t’es dis pourquoi pas ?
Cedric Girard : C'est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis un certain temps déjà, et lorsqu'Ylan De Raspide, des éditions
Pearson, m'a contacté pour me proposer ce projet, j'ai littéralement sauté sur l'occasion car cela ne se présente pas deux fois dans une vie !
Scapulaire : Es-tu fier de ce livre ? Avec le recul changerais-tu quelques passages et si oui lesquels ?
Cedric Girard : J'en suis globalement assez satisfait, car j'y ai abordé l'essentiel de ce que j'avais espéré aborder. Si j'en avais eu
l'occasion (et l'autorisation de l'éditeur !) le livre aurait peut-être été de moitié plus épais... Je suis d'un naturel très bavard ! Quant à
changer des passages, disons qu'il y a toujours à redire. J'y ai partagé mon expérience personnelle, qui n'est peut-être pas (dans les détails)
strictement identique à celle d'autres photographes de nature. J'aurais par contre aimé pouvoir ajouter un chapitre sur les petits animaux et
la proxy photographie, comme c'était prévu à l'origine. Mais faute de temps et de place, j'ai dû y renoncer.
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Scapulaire : Qu’est ce qui te rend le plus heureux quand tu contemples ton parcours photographique ?
Cedric Girard : Contre toute attente, deux choses me rendent heureux après ces quelques années passées à me "faire une place" dans
ce milieu si particulier : Le fait d'avoir connu et de faire encore connaissance continuellement de nouvelles personnes extraordinaires avec
qui je partage ma passion. Le fait d'explorer et d'apprendre encore et encore à connaître cette nature qui me devient de plus en plus
précieuse, puisque la photographie n'est qu'une finalité dans une démarche avant tout et de plus en plus naturaliste.
Le reste n'est que futilités ! Les photos ? Oui, j'en ai qui me sont chères, mais rien ne vaut l'amitié et l'amour pour ce qui nous anime tous !
Scapulaire : Quelles sont les personnes qui t’ont aidé à
devenir « Cédric Girard le photographe animalier » ?
Cedric Girard : Je ne pourrais toutes les citer ici, mais si je
ne devais en citer qu'un, ce serait Rémy Courseaux, qui un jour
est venu à la maison avec son 500mm (je me souviens que nous
sommes allés photographier des lapins !) alors que nous ne nous
connaissions que par mail interposé... Le début d'une grande
amitié et pour ma part d'une immense admiration pour un
photographe dont le talent n'a d'égal que l'humilité. Et puis tous
les autres, tous mes amis du plus illustre inconnu jusqu'au très
renommé et mondialement connu (je ne donnerai pas de noms !),
car tous m'ont apporté à leur manière brique et ciment pour bâtir
ma "maison", celle qui abrite ma passion pour la photographie
nature. Ce qui m'épate toujours, c'est qu'à mes yeux tous sont
égaux, et tous se considèrent comme égaux les uns des autres.
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Scapulaire : Ta femme ne t’en veut pas de te lever encore plus tôt que ton fils le week-end pour « courir » après des bestioles ? (Rires)
Cedric Girard : Disons que ces derniers mois elle se lève plus souvent avant moi que l'inverse ! Mais je me souviens encore d'une
période où effectivement, il me devenait difficile d'aller faire des photos sans me faire gronder au retour... Je préférais les lumières de
soirée, ce qui n'aura pas facilité la compréhension de mes proches.
Dernièrement mon fils (qui a 10 ans) m'a demandé de l'emmener faire des photos... Nul doute que cet hiver sera le théâtre de ses premières
sorties naturalistes !
Scapulaire : A tes débuts, est-ce que les forums de discussion sur le net t’ont été d’une aide particulière ? Penses-tu qu’il soit important
ou nécessaire aujourd’hui de présenter ses photos par ce biais ?
Cedric Girard : Pour être honnête, il est fort possible que ce soit Internet qui ait joué un rôle dans ma prétendue "célébrité" ! La
pratique de la photographie m'a amené à travailler ma présence sur le web et à conforter ma visibilité (j'ai un égo surdimensionné à ce
niveau (Rires) ) et je suis arrivé à un niveau de connaissances qui m'a permis de devenir consultant SEO (spécialiste du référencement) !
Mais au-delà de cette aventure personnelle qui a même finalement fortement influencé ma vie professionnelle, je dirais que oui, l'Internet a
fortement aidé à ma progression. J'y ai d'abord trouvé les premières informations qui m'ont permis de me perfectionner d'un point de vue
théorique en photographie généraliste (règles de l'exposition, de la composition, etc.)
Puis s'en sont suivies un certain nombre d'incursions dans les milieux naturalistes virtuels (listes de diffusion Yahoo à l'époque) qui m'ont
ensuite mené au concret, avec la LPO Champagne-Ardenne, et diverses autres associations à vocation naturaliste. Indéniablement, et
aujourd'hui plus que jamais, Internet contribue à l'essor de la photographie et plus particulièrement de la photographie naturaliste. C'est un
vecteur majeur pour qui veut faire connaître ses photographies, même s'il est aujourd'hui bien plus difficile de sortir du lot qu'il y a 5 ou 6
ans, puisque le nombre de pratiquants a très certainement été décuplé.
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Scapulaire : On s’est vaguement croisé à l’époque sur le
forum de mégapixel où tu étais un des membres influents, as-tu
fréquenté d’autres forums photo et si oui lesquels ?
Cedric Girard : J'en suis toujours (même si le forum a
déménagé suite au rachat du site "officiel" il y a 3 ans maintenant
par une grosse société américaine), mais effectivement, d'autres
forums ont joué un rôle dans ma vie photographique virtuelle.
Le premier d'entre eux est indéniablement anciennement Photim,
aujourd'hui devenu Chassimages, le forum du magazine Chasseur
d'Images. Souvent décrié pour sa tendance très techno, j'avoue y
passer quotidiennement car il est toujours fréquenté par
quelques pointures dans leurs domaines respectifs, et l'on y
trouve nombre d'informations que nul autre site ne peut
proposer.
Le second est bien entendu Beneluxnaturephoto.net, qui fut le premier forum francophone à ne traiter que de la photographie animalière et
de nature. J'ai été parmi les premiers membres de ce forum, et en suis toujours même si j'ai réduit ma participation car je trouve que
maintenant les interventions sont un peu trop noyées dans la masse...
Le dernier serait sans nul doute Eos-numerique.com, "le" forum Canon non officiel par excellence (que j'ai connu en son temps comme le
forum "eos-300d.com" !) ; là aussi, les temps changent et je m'y retrouve moins qu'avant, la faute à une ligne éditoriale qui me convient
moins qu'à ses débuts, mais j'y retourne régulièrement malgré tout. Il y en a eu bien d'autres (aupetitforum, virusphoto, mais également
fredmiranda pour ne citer qu'un seul forum anglophone) mais j'y ai moins sévit je l'avoue...
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Scapulaire : Le forum bénéluxnaturephoto.net semble être le lieu incontournable pour la photographie de nature du net. Et de grands
noms fréquentent ce forum d’après ce que j’ai pu comprendre. Est-ce qu’on peut encore se rendre sur des forums quand on atteint une
certaine notoriété ? Est-ce que les avis sur les photos ne sont pas d’une certaine manière biaisés par la popularité acquise ?
Cedric Girard : C'est un phénomène qui se remarque effectivement, et c'est aussi ce qui m'a amené (outre le fait de moins montrer
mon travail pour d'autres raisons) à moins y poster de photographies, car souvent les avis n'y sont pas objectifs... J'ai parfois pensé à y aller
de manière anonyme, mais je n'ai jamais franchi le pas !
C'est une réaction très humaine que de féliciter ceux que l'on apprécie... Toutefois, il y a certains membres dont j'estime énormément le
travail, qui sont connus pour ne pas faire dans la dentelle comme on dit, et j'adore me "frotter" à eux car la langue de bois n'a jamais lieu en
leur présence !
Ceci dit, celles et ceux qui étaient de "simples photographes" et qui sont passés pro ne postent plus d'images, ou très rarement. Signe
d'emploi du temps surchargé ou besoin de préserver l'exclusivité des sujets abordés ? Je ne sais pas... Mais je ne suis pas vraiment
concerné par ces problématiques !
Scapulaire : Ton blog et ton site Aube-nature sont certainement très visités et font en tout cas partie des références sur le net. Il était
important pour toi d’avoir à la fois un site pour présenter tes photos et un blog pour parler photo ?
Cedric Girard : J'ai créé mon blog en 2006, et à l'époque ça a été (à ma connaissance) le premier blog exclusivement dédié à la
photographie de nature. Je pense que ça a été effectivement l'une des clés de son succès. Je voulais simplement séparer la partie "photo" de
la partie "technique", car mon site photo n'était pas adapté techniquement parlant pour diffuser facilement des tutoriaux, astuces et autres
tests : l'usage du blog m'avait alors semblé fort logique.
Aujourd'hui, mon blog "tourne" en moyenne entre 1 600 et 2 300 visiteurs par jour, ce qui est honorable. Cela fait un petit moment que je
compte le rafraîchir au niveau design (il n'a plus changé depuis 2008) mais également côté fonctionnalités, et cela ne devrait plus tarder
désormais !
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Scapulaire : Penses-tu que la photo de nature a aujourd’hui,
aux yeux du public, un sens artistique plus développé que la photo
artistique dite « traditionnelle » qui, souvent présentée en noir et
blanc, montre des personnes et des situations ?
Cedric Girard : C'est une tendance apportée par un nombre
grandissant
de
photographes
(un
peu)
naturalistes,
alors
qu'auparavant il y avait certainement plus de naturalistes (un peu)
photographes. L'esthétisme et le graphisme se croisent facilement
dans la nature, même si en retranscrire et donner une
interprétation "artistique" n'est pas donné à tous les photographes.
On rencontre de plus en plus cette tendance au flou, au subjectif et
à la symétrie, notamment dans les concours photo. Ceci étant dit,
ce n'est pas ce que les agences photo recherchent, et c'est aussi la
raison pour laquelle beaucoup de pros continuent à faire de la photo dite "documentaire" (notamment du comportement). Je pense pour ma
part qu'il faut habilement marier les deux, aller parfois dans l'excès (que ce soit graphiquement ou d'un point de vue documentaire) mais
préserver son oeil sans vouloir à tout prix copier les autres : en clair, rester soi-même.
Scapulaire : Comment travailles-tu niveau photo ? Peux-tu nous décrire brièvement ton travail, de la préparation de la sortie photo à
l’impression ou la mise en ligne des photos ?
Cedric Girard : S'il m'arrive de travailler sur un sujet donné sur de longues périodes, j'avoue que je suis plus un opportuniste qui prend
le sujet là où il se présente, qu'un photographe qui pratique la photo de manière obsessionnelle sur un sujet. Je n'ai donc pas de plans
préétablis mais plutôt des orientations saisonnières, et bien entendu tout de même quelques projets prévus à l'avance (notamment lorsque
je voyage, une ou deux fois par an).
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Concernant la mise en ligne et l'impression, c'est tout aussi aléatoire. De manière générale je "prépare" mes photos à mon retour (j'utilise
Lightroom 3.2) : elles sont donc triées, annotées, documentées et "pré développées" (en d'autres termes prêtes à l'emploi pour une
utilisation ultérieure) même si je ne les utilise pas immédiatement. Cela me permet d'avoir une photothèque à peu près à jour. Parallèlement
à cela, je présélectionne les images pour mon agence dans le même temps, et tous les semestres, je leur envoie pour sélection.
Scapulaire : Quel matériel utilises-tu principalement et pourquoi ?
Cedric Girard : J'utilise un boîtier Canon (bientôt deux), en l'occurrence un Cano EOS 5D mark II. Il est couplé à un certain nombre
d'optiques, allant du 16/2.8 Fish-Eye (un "vieux" Zenitar à diaphragme et mise au point manuelle) au 500/4.5 Sigma. Mais j'ai également des
optiques Canon (24-105/4 L IS USM, 70-200/2.8 L IS USM, 85/1.8 USM) ; pour la macro, j'utilise un 50/2.8 et un 150/2.8 de chez Sigma.
Ce sont des optiques qui conviennent à mon usage, je ne ressens pas le besoin par exemple d'investir dans un 500/4 L IS USM, quand je
vois que je suis très à l'aise avec mon vieux Sigma (qui n'est même pas une version "DG" !)
Depuis 4 ans j'utilise exclusivement des boîtiers "full frame" (à capteur 24x36) car c'est ce qui me convient le mieux en terme de rendu. Je
préfère la qualité à la "focale équivalente" et j'avoue avoir du mal à comprendre tous ces photographes animaliers qui privilégient les petits
capteurs pour de simples motifs de rapprochement avec les sujets (puisqu'un 500mm sur un APS-C "cadre" comme un 800mm, sur Canon,
par exemple). Pour moi c'est très secondaire ! Ceci étant dit, j'envisage de nouvelles acquisitions dans les semaines à venir (notamment un
second boîtier plus "sportif", mais pas pour la raison expliquée ci-dessus !)
Scapulaire : Tu es plutôt billebaude ou affût ? Quels sont les diverses sensations et résultats que te procures ces techniques ?
Cedric Girard : Si je préfère volontiers la billebaude (que j'ai beaucoup pratiqué pour des raisons de temps : vous pouvez faire une
billebaude de 45mn chaque jour, pour les affûts c'est un peu plus difficile !) pour les sensations qu'elle procure, les meilleurs résultats
s'obtiennent indéniablement à l'affût. Ces temps-ci je me remets donc plus aux affûts (d'autant que mon fils de 10 ans commence à
s'intéresser à la photo de nature, pour mon plus grand plaisir !)
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Scapulaire : Pour beaucoup de gens, malheureusement, le secret des photographes se résume principalement dans l’efficacité du
matériel. Y a-t-il quand même une part de vérité dans cette vision simpliste des choses ?
Cedric Girard : S'il est vrai que le matériel contribue (soyons honnêtes) à une grande part de réussite, il y a des limites à ne pas
franchir. Quand je parle de matériel, je parle de réflex (numérique). Je considère qu'un reflex bas de gamme suffit amplement à réaliser des
photos au top. À contrario, je ne vois pas comment pratiquer sereinement la photo de nature avec un compact ou un bridge numérique...
Pour autant, je n'ai jamais ressenti le besoin d'utiliser un 1D mark
IV et un 600/4 IS pour obtenir de bonnes photos. S'il est vrai
qu'une longue focale facilite quelque part le rapprochement de son
sujet, il ne faut pas oublier que l'expérience est indispensable et
que non, la focale ne fait pas tout. Un débutant avec un 500/4
dans les mains fera certes des photos, mais dans une proportion
beaucoup moins grande qu'un photographe expérimenté se
contentant d'un 300/4. Je garde toujours à l'esprit que mes
premières photos d'oiseau avec un reflex numérique, je les ai
faites avec... un 50mm macro !
D'ailleurs, les photographes expérimentés utilisent des longues
focales surtout pour leur rendu, et pas forcément pour le fait
qu'elles rapprochent plus les sujets. C'est en tout cas mon point
de vue !
Scapulaire : Tu as du matériel Canon depuis tes débuts, pourquoi avoir choisis cette marque plutôt que Nikon son grand concurrent par
exemple ? Te serait-il possible aujourd’hui de revenir dans le droit chemin et incorporer les jaunes ? (Rires) Pour être plus sérieux es-tu
fidèle à ton boîtier ou alors peu importe c’est juste un outil ?
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Cedric Girard : J'ai choisi Canon par un concours de circonstances : fin 2003 - début 2004, Canon était la seule marque à sortir un
réflex numérique à moins de 1 500 €, en l'occurrence l'EOS 300D... C'est d'abord cela qui a orienté mon choix : le budget !
Avec le temps on apprend à apprécier une marque, et je dois avouer que même si actuellement Nikon est devant la marque rouge à bien des
égards (AF, construction, performances en haute sensibilité...) je n'arrive pas à me faire à leur ergonomie ! Et pour moi c'est un élément
rédhibitoire.
Le photographe doit être à l'aise avec ses outils, et moi ce sont les outils Canon (même si aujourd'hui Canon me déçoit un peu, dans la
mesure où la marque ne répond pas aux attentes des photographes, mais succombe à chaque nouvelle annonce aux sirènes du marketing...)
Scapulaire : Il vaut mieux avoir une solide connaissance de la nature et des animaux ou avoir une technique photo irréprochable ?
Cedric Girard : Sans aucune hésitation, de solides connaissances de la nature et des animaux ! Je dirais que c'est ce qui est le plus long
à appréhender... Toutefois, la technique photo est indispensable si l'on veut être efficace. Quelque part, l'un ne va pas sans l'autre si l'on
veut aller au bout des choses.
J'y ajouterai la sensibilité au sujet, car on ne peut pas faire de belles photos de sujets que l'on n'apprécie pas. J'ai déjà vu des photographes
"faire de l'animalier" parce que c'était à la mode, puis passer à autre chose. Pour moi la photographie de nature est une passion, qui passe
avant la photographie "tout court".
Scapulaire : Comment choisis tu un sujet photo, c’est au grès de tes envies, une commande d’un client ou le hasard qui fait bien les
choses ?
Cedric Girard : Chez moi c'est souvent le hasard qui fait bien les choses (ou plutôt la saison (Rire) ) même s'il m'arrive d'avoir des
envies... Je réponds très, très rarement aux commandes, car en animalier il est toujours difficile de pouvoir garantir un résultat. Je préfère
donc m'appuyer sur mon stock photographique pour répondre aux demandes "professionnelles".
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Scapulaire : Tu es sûrement un des rares photographes animaliers à aussi prendre en photo des animaux domestiques, tu penses que
ce type de photo est sous-estimé ?
Cedric Girard : Sans aucune hésitation : oui. Mais comme je l'ai dit précédemment, on ne photographie bien que ce que l'on aime bien.
Et je suis un passionné d'animaux au sens large.
C'est aussi l'occasion de faire de bonnes actions pour les animaux, car malheureusement la faune sauvage n'est pas la seule qui soit
maltraitée par l'homme. Je milite donc à ma manière (par la photo) auprès de diverses association, et plus particulièrement celles qui
sauvent les lévriers espagnols, les galgos, du funeste sort qui leur est réservé en Espagne. Il ne faut pas croire qu'il faut aller en Chine pour
voir des horreurs !
Scapulaire : Qu’est-ce qu’une bonne sortie photo selon toi ?
Cedric Girard : Une bonne sortie photo, c'est une sortie où
l'on revient des images plein les yeux (pas forcément sur sa carte
mémoire d'ailleurs !) ; le pied total, c'est quand on arrive à
s'immiscer dans l'intimité de la nature, d'observer, éventuellement
de photographier, puis de repartir, repus d'images, sans avoir
provoqué le moindre dérangement : là, c'est vraiment le top !
Après, qu'importe le sujet finalement. Ce qui compte c'est le
plaisir et le fait de ne pas déranger !
Scapulaire : Quel est l’animal ou l’oiseau que tu rêves de
prendre en photo ? Et penses-tu y arriver un jour ?
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Cedric Girard : Le chat sauvage ! Je l'ai déjà photographié, mais toujours dans des conditions épouvantables. Il y en a "beaucoup" chez
moi, mais je n'ai jamais eu la chance de tomber dessus dans de bonnes conditions... C'est d'autant plus étrange que je suis un spécialiste
des chats, mais à ce jour, la chance ne s'en est jamais mêlée !
Pas besoin d'aller à l'autre bout du monde, j'ai tout ce qu'il faut ici, à quelques kilomètres de ma maison ; et je sais que mon heure viendra...
Quand, je ne sais pas, mais ça arrivera ...
Scapulaire : Comment prépares-tu un reportage photo, quels repérages, combien de temps et pour quel résultat final ?
Cedric Girard : Quand il s'agit de reportage, c'est rarement préparé dans le sens où il s'agit très souvent d'environnement ou de photos
certes en rapport avec la nature, mais sur de la faune captive. Je n'ai jamais accepté à ce jour de commandes sur des sujets "naturels" : je
préfère proposer mes photos en stock, qui ont été faites sans stress, sans précipitation et dans des conditions optimales. Quand il s'agit de
billebaude, j'ai "développé" une méthode consistant en 2 à 3 repérages, accompagnés d'un repérage virtuel via un logiciel de cartographie
(j'utilise désormais « Géoportail » : c'est gratuit et en ligne, accessible n'importe où !), cela me permet d'imprimer de petites cartes avec les
trajets idéaux, selon les heures de la journée (et donc les lumières potentielles). J'aime connaître à l'avance mon parcours, avec ses
cachettes, ses difficultés, de manière à optimiser mes chances de réussite... Accessoirement, je connais aussi les habitudes de mes sujets
sur ces parcours !
Scapulaire : Comment vivre de sa passion de la photo de nature ?
Cedric Girard : Je connais bien peu de gens qui en vivent... Pour ma part la photographie représente entre un quart et un tiers de mes
revenus (dont 20 à 30% en revenus d'agence environ, où l'on se contente de fournir les photos et d'encaisser les droits d'auteur).
Généralement il s'agit de ventes directes, souvent sur de la faune locale et/ou des sujets régionaux. Pour en vivre pleinement, il faudrait
démarcher sans cesse, ce que je n'ai pas le temps (ni l'envie !) de faire. Et j'ai pour ma part la chance d'avoir une excellente visibilité sur le
web, ce qui m'apporte plus de la moitié de mes ventes directes...
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Scapulaire : Tu as, j’imagine, participé à quelques expositions photo dans ta jeune carrière, que penses-tu de cet exercice ?
Cedric Girard : C'est toujours très enrichissant, on y fait de très belles rencontres, aussi bien auprès du public que des autres
exposants. Ce sont des endroits où se tissent de vraies amitiés ! L'inconvénient : le coût (il est rare de trouver des sponsors lorsque l'on
n'est pas connu !) au niveau du coût, compter environ 100 € pour un tirage de qualité en 50x75... On trouve parfois moins cher, parfois plus,
mais c'est une bonne base de calcul intégrant tous les frais !
Scapulaire : Le concours photo du festival international de la photo animalière de Montier-en-Der t’a en quelques sortes boosté dans ta
carrière. Ce concours est une étape obligatoire pour qui veut se mesurer aux plus grands photographes et se faire un nom dans la photo ?
Cedric Girard : Non, je ne pense pas. Disons que ça m'a
boosté moi, pour aller plus loin dans ma pratique ! Mais
connaissant divers photographes qui ont gagné de prestigieux
concours, je peux dire que la notoriété ne dure qu'un temps limité
et qu'au niveau des contrats, n'espérez rien si vous ne savez pas
vous
vendre
et
rebondir.
A
contrario,
c'est
un
moyen
effectivement, de se faire connaître des autres photographes
animaliers.
Scapulaire : Quels sont les photographes animaliers que tu
admires le plus ? En as-tu rencontré certains au cours de festivals
ou expositions ?
Cedric Girard : Je pense que j'ai rencontré à peu près tous
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les photographes que j'admire le plus. Parmi eux, des gens finalement très différents. Je citerai Art Wolfe, dont j'admire vraiment le travail
en général ; Vincent (Munier), pour sa capacité à toujours créer à partir de sujets parfois les plus banals ; Bence Maté, que j'ai la chance de
côtoyer chaque année désormais depuis 2007, et dont l'ingéniosité n'a d'égal que sa capacité à toujours tenter et réussir d'incroyables
clichés. Et bien d'autres !
Il y a en fait beaucoup de photographes que j'apprécie, dont certains très proches : Rémy Courseaux, Florent Cardinaux, Michel Loup, Jari
Peltomali, Serguey Gorshkov... Ils sont très nombreux, chacun dans leur style, mais tous différents ! Tous sont une source d'inspiration à
leur manière. J'aime énormément explorer le travail des autres, non pas pour "copier" (car je déteste par-dessus tout copier !) mais pour y
puiser des tendances, des idées. Certains sont capables de choses que je n'ai parfois jamais réussi à mettre en pratique, mais peu importe :
ce sont les idées qui m'intéressent ! Globalement j'apprécie pour les créatifs, ceux qui font passer des émotions, que les "documentalistes",
même s'il y a parmi eux des gens dont j'apprécie énormément le travail (et la personne !)
Scapulaire : Beaucoup disent que Vincent Munier est le photographe le plus doué de sa génération. Partages-tu cet avis ? Y a-t-il des
photographes très talentueux à tes yeux et pourtant peu connus du grand public ?
Cedric Girard : Vincent fait effectivement parti de l'élite mondiale, car il a su insuffler une vision nouvelle, terriblement esthétique et
pleine d'émotion. Ses derniers travaux sur sa région natale, les Vosges, en témoignent. Mais il existe nombre d'autres photographes qui
gagnent à être connus. Chaque année de nouveaux talents émergent dans les concours, mais également sur le web. D'autres pratiquent la
photo depuis un certain temps déjà, mais n'ont jamais cherché la gloire. Parmi les photographes qui ont récemment émergé, j'aime beaucoup
le travail de Jonathan Loir, de Jérôme Moutrille et du collectif "Bouts de planète" (entre autres)
Scapulaire : Est-ce que le salon de la photo annuel à Paris Porte de Versailles t’intéresse ? Comptes-tu y faire un tour ?
Cedric Girard : Je n'y suis jamais allé, et ce n'est pas prévu pour cette année... d'autant que je me suis gravement blessé à une cheville
et que je ne serai pas valide à ce moment, très certainement ! Mais j'irai... un jour !
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : Dans le monde de la photographie animalière il y a
quelques rares duos qui co-signent leurs photos comme les
célèbres Jean-François Hellio et Nicolas Van Ingen, ce qui est plutôt
atypique dans un monde qui parait plutôt solitaire par la force des
choses. Tu penses qu’à l’avenir ce pourrait devenir plus courant,
avec entre autre la difficulté que les professionnels rencontrent
pour vendre leur photo dont les prix baissent régulièrement ?
Cedric Girard : Effectivement, c'est une pratique qui devient
relativement commune. Si l'on observe cela depuis des années chez
des couples mariés (comme Michel et Christine Denis-Huot, mais
également de grands noms comme Klein et Hubert, ou plus
récemment les très sympathiques Fabien et Sophie Pekus), cela
devient monnaie courante également chez les photographes. On a
d'ailleurs vu naître un certain nombre de collectifs, des associations de photographes qui permettent de mettre en commun les ressources
pour commercialiser les photographies.
Scapulaire : La photographie animalière semble avoir le vent en poupe, de plus en plus de magazines s’y intéressent de près, c’est une
bonne chose ou une mauvaise ?
Cedric Girard : C'est une bonne chose, dans le sens où cela va permettre de communiquer sur les erreurs que peuvent faire les
néophytes en la matière. Mais d'un autre côté, il est vrai que l'essor de la photo animalière peut être vu comme un effet de mode qui va
démultiplier la présence humaine dans la nature et donc potentiellement occasionner de plus en plus de gênes. Ceci étant dit, je ne pense pas
que ce soit la première source de dérangement des animaux, juste un facteur parmi d'autres. Il suffit de voir comment aujourd'hui les
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Cédric Girard à l’honneur
journaux télévisés communiquent chaque année un peu plus sur le brame du cerf : le résultat, c'est que sur les places connues, on a parfois
des dizaines de voitures et des familles entières, avec femmes, enfants et parfois labrador, qui viennent voir les cerfs comme un spectacle
de rue ! Plus que les photographes animaliers même amateurs (qui eux se préoccupent un minimum des dérangements qu'ils peuvent
occasionner), ce sont bel et bien les "nouveaux touristes verts" qui représentent à mes yeux le plus grand danger. Parallèlement à cela, les
parcs naturels et les offices de tourisme font tout pour développer ce nouveau tourisme vert "familial", où il manque malheureusement une
grande part d'éducation et d'information naturaliste.
Scapulaire : As-tu peur parfois de susciter trop d’intérêt pour la photographie de nature par le biais de tes photos, en sachant que tout
le monde n’a pas la même approche ni la même éthique ?
Cedric Girard : Je ne pense pas. Beaucoup d'amateurs de photographie animalière ne pratiquent pas car ils ne se sentent pas capables
de le faire (ou n'en ont pas envie, ou n'en ont pas les moyens). Le danger vient plus, comme je le disais, d'une certaine forme de tourisme
vert familial qui prend un essor quelque peu alarmant en ce moment. Cela rejoint un peu ces touristes qui se font secourir en montagne avec
des tongues aux pieds en guise de chaussures de marche : c'est n'importe quoi !
Scapulaire : As-tu déjà croisé des photographes animaliers plus préoccupés par le résultat d’une photo que par les dégâts qu’ils peuvent
occasionnés pour l’obtenir ?
Cedric Girard : Ohhh oui... Mais fort heureusement ils sont une minorité, et devant les difficultés à obtenir certains clichés, ils finissent
généralement "photographes de parcs" (ce n'est pas péjoratif : je connais d'excellents photographes animaliers qui font beaucoup de photos
en parc !)
Scapulaire : Penses-tu que l’on peut être chasseur ou pêcheur et être un amoureux de la nature et la respecter?
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Cédric Girard à l’honneur
Cedric Girard : Oui. J'en connais mais attention, cela ne signifie pas que tous les pêcheurs et tous les chasseurs sont des amoureux de
la nature et la respectent !
Scapulaire : Au cours de tes sorties photo dans la nature t’es t-il arrivé de tomber sur des chasseurs ? Est-ce que tu continues de
photographier durant la période de chasse malgré un danger potentiel ?
Cedric Girard : La période de chasse est excellente pour
photographier les grands mammifères (j'adore personnellement le
mois de décembre, à mon avis la meilleure période pour le sanglier,
car le rut y débute, et la pression cynégétique n'a pas encore trop
imprégné les animaux : ils restent à peu près approchables). Il m'est
arrivé de croiser des chasseurs, mais j'ai toujours eu de la chance,
même s'il est arrivé une fois, alors que nous repartions d'une
séance d'approche (très fructueuse) avec un ami qui se reconnaîtra,
de nous faire alpaguer par le responsable d'une battue, qui nous a
affirmé "que nous dérangions la faune" (sic). Effectivement, nous
venions de suivre deux compagnies de sangliers pendant près de
deux heures, sans les déranger, et eux venaient à une quarantaine
avec leurs chiens et leurs trompettes, mais nous, nous avions
dérangé les sangliers ! Fort heureusement le ridicule ne tue pas !
Scapulaire : Le photographe animalier représente une gêne pour les animaux, même si elle est infime en rapport à toutes les nuisances
qu’ils ont le malheur de subir à l’année, néanmoins, est-ce que parfois cela te trotte dans la tête et te pose problème ?
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Cédric Girard à l’honneur
Cedric Girard : Effectivement, c'est un problème qui se pose de manière récurrente quand on pratique la photographie, et lorsque l'on
tient un sujet intéressant mais saisonnier, il faut se faire parfois violence pour ne pas revenir tous les jours. Je dirais que cela dépend donc
des sujets : c'est au photographe de savoir où sont les limites à ne pas dépasser. Souvent les oiseaux sont un peu moins sensibles, mais
cela tient aussi et surtout au fait qu'on les photographie quasi systématiquement depuis des affûts, et que donc nous sommes invisibles
d'eux.
Scapulaire : Penses-tu qu’à tes débuts tu étais moins conscient ou moins prudent dans ton approche des animaux sauvages ? Est-ce un
passage obligé ?
Cedric Girard : Inévitablement. Et il m'est arrivé de faire fuir des animaux. Mais je n'ai jamais mis en danger (je ne pense pas en tout
cas) des animaux à ce jour, il s'agissait pour la plupart de chevreuils ou de sangliers, et quelque fois de prédateurs (renards, chats
sauvages...) Ce sont des espèces méfiantes envers l'homme, qui reviennent malgré tout sur place une fois le danger passé. Pour les
oiseaux, j'ai toujours été extrêmement prudent, car là on peut très vite faire des dégâts... Encore aujourd'hui, quand je suis amené à
travailler sur des espèces ou avec des techniques que je ne maîtrise pas, je préfère me faire assister (c'est le cas de la repasse par
exemple, cette technique consistant à utiliser des bandes sonores pour attirer les oiseaux : je n'ai jamais pratiqué autrement qu'avec un
ornitho expérimenté qui savait ce qu'il faisait !)
Scapulaire : Est-ce que le fait d’être amoureux de la nature et la rendre encore plus belle par le biais de la photo pousse à quelque part
détester « l’homme » pour tout le mal qu’il peut faire autour de lui au quotidien ?
Cedric Girard : Je n'irai pas jusque là, même si certaines conduites me révulsent. Tous ne sont pas logés à même enseigne en matière
de connerie et de méchanceté... Mais il est vrai qu'après quelques années de pratique, j'ai franchement du mal à aller en ville ! Je deviens
peu à peu un sauvage
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : As-tu déjà été approché par les écoles de ton secteur géographique pour faire de la sensibilisation auprès des jeunes afin
de les éduquer sur ce sujet complexe ? Ca pourrait être quelque chose qui te motive ?
Cedric Girard : C'est arrivé il y a très peu de temps, et c'est quelque chose qui pourrait effectivement m'intéresser. Ceci étant dit, c'est
une activité qui est consommatrice de temps et qui ne rapporte rien en retour, si ce n'est le bonheur d'enseigner des choses aux enfants. Je
comprends donc que certains professionnels ne veuillent pas le faire. La seule chose qui me rebute actuellement, c'est le fait de devoir...
poser des congés pour faire les animations !!!
Scapulaire : Aujourd’hui, de nombreux débats éclatent suite à des concours photo où les concurrents auraient fait appel à des animaux
captifs ? Que penses-tu de ça, est-ce une évolution négative de la photo animalière ?
Cedric Girard : Effectivement, ce n'est plus une légende et le
grand prix du Wildlife Photographer of the Year 2009 était de ces
photographies "très exceptionnelles" : un peu trop exceptionnelle,
au
point
d'éveiller
des
soupçons
et
de
pousser
d'autres
photographes à lever le lièvre ! Il est d'ailleurs un peu étrange de
voir cela car l'auteur de la supercherie n'était pas vraiment un
amateur. Pour ma part, chacun vit avec ses secrets, mais je suis
trop fier pour m'adonner à ce genre de bêtise. Je fais des photos
d'animaux captifs, mais uniquement quand j'ai besoin de ces photos
pour de l'illustration par exemple : certainement pas pour un
concours !!! De plus, avec l'essor d'Internet, il est aujourd'hui
quasiment impossible de tricher sans être démasqué : à quoi bon ?
Pour la gloire ?... Quand je participe à un concours, c'est pour
gagner pour moi, pas pour les autres.
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : A contrario, j’ai l’impression que cette dérive amène aussi les photographes animaliers à changer leur approche. Ainsi de
plus en plus de photographes disent qu’il est important de faire apparaître l’environnement de l’animal sur le cliché. D’une part pour montrer
que ce n’est pas une photo de studio et aussi pour replacer l’animal dans son contexte. C’est la mort annoncée du portrait en gros plan ?
Penses-tu que le style et la touche Vincent Munier y sont pour quelque chose ?
Cedric Girard : Je pense plutôt que c'est une tendance qui se confirme. Peut-être Vincent est-il l'un des premiers photographes très
connu qui a marqué les esprits avec ce genre de photographies, mais je ne pense pas qu'il en est à l'origine.
Les photographes sont à la recherche d'originalité. Les premiers photographes étaient bien souvent des naturalistes convertis, et la pratique
du gros plan (notamment en ornithologie) permettait de faciliter l'identification des animaux. Je pense que c'est une pratique qui se perd,
sauf peut-être chez les débutants (qui préfèrent toujours un mauvais zoom 500mm à une excellente focale fixe en 300mm : ce n'est pas par
hasard !). C'est en tout cas quelque chose que je pratique depuis quelque temps déjà, mais qui n'est pas pour autant évident, car encore bien
souvent, faut-il que le milieu permette d'obtenir des photographies esthétiques sans élément humain ! Ma photographie de guêpier
sélectionnée cette année à Montier-en-Der dans le cadre du concours international en est une illustration comme j'aime.
Scapulaire : Sur le forum, qui est généraliste, il y a pas mal de personnes qui s’intéressent à la photo de nature et certainement
beaucoup qui aimeraient s’y mettre. As-tu quelques conseils à leur prodiguer pour qu’il pratique leur passion tout en étant conscient des
bêtises principales à éviter à tout prix ?
Cedric Girard : Il y a de quoi écrire un livre à ce sujet (si si ), mais si je devais ne donner que trois conseils, ce seraient les suivants :
- Toujours se placer à hauteur de son sujet (c'est LA règle de base en photographie animalière au sens très large ! Elle est faite pour être
enfreinte, mais dans 95% des cas elle s'applique)
- Privilégier la qualité à la quantité (valable pour la focale, pour le temps passé sur un sujet, pour le nombre de photographies faites d'un
sujet, pour le matériel, pour les informations prises sur un sujet...)
- Privilégier le choix de l'instant, préférer déclencher une fois mais au moment opportun, plutôt que de lâcher une rafale à 8 images par
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Cédric Girard à l’honneur
seconde sans savoir ce que l'on veut (ou) va photographier. Cela évitera dans
bien des cas la fuite du sujet.
Et le conseil en bonus : CONNAÎTRE SON SUJET ! En d'autres termes, ne pas
se lancer dans l'aventure avec des sujets complexes ou que l'on ne maîtrise
pas, mais se documenter, encore et encore.
Scapulaire : As-tu des livres photo, livres naturalistes, des magazines,
DVD à conseiller au débutant qui souhaite en savoir plus sur la photographie
de nature ? Enfin en plus de ton livre sur la photo animalière bien entendu
Cedric Girard : Concernant les livres naturalistes, pour les oiseaux les
incontournables (mais onéreux) livres de Paul Géroudet sont vraiment des
"must have". J'aime beaucoup aussi les collections "Un livre = un animal"
comme on en trouve de plus en plus : ils regorgent d'informations pratiques
(naturalistes avant tout) sur les espèces dont il est sujet, ce qui facilite la vie
du photographe. Pour les revues, Nat'Images et Image & Nature bien entendu
Scapulaire : Faut-il être « fou » pour se lancer dans la photographie de
nature qui demande énormément de temps et de qualité pour arriver à un bon
résultat ?
Cedric Girard : Un zest de folie, peut-être, mais beaucoup de motivation :
certainement ! Et un conjoint et des enfants assez patients également... Car
on tombe vite dans l'excès quand l'obsession gagne sur la raison !
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : Comment vois-tu ton avenir dans la profession ? Tu penses évoluer photographiquement parlant ?
Cedric Girard : J'aimerai bien à terme voir la photographie prendre un peu plus de place dans ma vie... Actuellement elle représente un
tiers de mes revenus, j'aimerais qu'elle occupe peu à peu un peu plus d'importance à ce niveau, mais aussi concernant le temps que j'y
passe... C'est la condition sine qua non pour évoluer photographiquement parlant, même si j'arrive toujours à trouver de nouvelles
inspirations.
Scapulaire : Le matériel va-t-il prendre une place encore plus importante selon toi ?
Cedric Girard : Indéniablement. Pas seulement parce qu'il devient pour une frange des photographes, l'objet de leurs désirs les plus
fous (les geeks se mettent à la photographie et les photographes à la technologie !), mais également parce que les progrès permettent
chaque année d'aller un peu plus loin dans la réalisation des clichés.
Il suffit de voir ce qu'il est possible aujourd'hui de faire avec le matériel : on a quadruplé la sensibilité et démultiplié en même temps la
qualité des images produites ! On peut réaliser des clichés qui n'étaient pas possibles il y a 10 ou 15 ans. C'est extraordinaire !
Ceci dit, je ne suis pas un technophile (pas complètement), et malheureusement le premier frein pour beaucoup d'entre nous est le budget !
Scapulaire : Est-ce que tu penses que la photo animalière et même la photo en général va revenir sur le devant et prendre une place
importante et être valorisée dans les différentes publications de magazines, journaux, sites web, etc… ?
Cedric Girard : Les microstocks et le "tout gratuit" en ont mis un bon coup à l'encontre de la photographie professionnelle telle qu'on la
connaissait jusqu'alors. Mais on assiste peu à peu à un retournement de situation, le marché semble se stabiliser, car les microstocks (qui
ont cassé les prix, mais qui étaient il est vrai autrefois délirants : soyons honnêtes) ne peuvent pas rivaliser sur les marchés de niche
comme l'est la photographie de nature. Non pas sur le qualitatif, mais sur l'aspect documentaliste. Leur modèle économique n'est pas fait
pour aller sur le long terme, et les meilleurs photographes dans "nos" domaines qui les alimentaient passent vite de l'autre côté de la
barrière.
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Cédric Girard à l’honneur
De plus en plus les magazines (ceux qui ont survécu et qui sont
des valeurs sûres) recherchent de nouveaux talents sur le web.
Bien que je sois relativement "connu" et ayant une certaine
visibilité sur le web, j'ai fait très récemment deux ventes via des
contacts pris sur... Facebook !!! Dont la dernière assez
conséquente (à faire pâlir bien des microstockeurs ).
Le marché évolue, les agences traditionnelles aussi en prenant le
virage de la vidéo HD, les acheteurs utilisent les nouveaux médias
: tout cela ne peut qu'aller dans le bon sens ! La seule inconnue
(qui ne le sera plus longtemps) tient à l'application de la loi pour
la protection des oeuvres photographiques. Et de ce côté aussi,
on tient le bon bout, en tout cas en France et en Europe !
Scapulaire : Concernant l’avenir de notre planète es-tu inquiet ou est-ce que tu penses qu’il peut toujours y avoir une grosse prise de
conscience qui va permettre de limiter les dégâts ?
Cedric Girard : La prise de conscience a déjà eu lieu à mon avis, pour une grande majorité des occidentaux. Ce qui m'inquiète n'est pas
l'absence de prise de conscience, mais le fait que l'on continue à faire des choses tout en ayant connaissance de leurs conséquences sur le
futur de notre planète.
Tant qu'il n'y aura pas des contre-mesures économiques très dures envers tous les acteurs de la destruction de nos milieux naturels, ils
continueront impunément leur petite besogne pour gagner encore et encore du fric sur le dos de nos petits-enfants.
Qu'on arrête d'acheter et de bouffer de la m... (l'exemple le plus parlant est l'huile de palme, qu'on nous sert à toutes les sauces encore
aujourd'hui, et qui contribue non seulement à nos futurs cancers mais aussi à l'éradication de nombreuses espèces à l'autre bout du monde)
et cela résoudra déjà une partie du problème !
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Cédric Girard à l’honneur
Scapulaire : Voici les sites de Cédric ; c elui qu’il avait
réalisé quand il a publié son livre sur la Champagne-Ardenne :
http://champagne
http://champagne://champagne-ardenneardenne- photo.com/,
photo.com/ Celui de son élevage
de chats, dans sa nouvelle version : http://www.chatterie
http://www.chatterie://www.chatteriekoolkat.com
koolkat.com et le site Aube Nature : http://www.aube
http://www.aube://www.aubenature.com/photo_nature.php
nature.com/photo_nature.php
Scapulaire
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