Statia et St Martin

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Statia et St Martin
LES AVENTURES MEDATLANTISTES DE PHILEAS ET DE SON EQUIPAGE
NEWSLETTER N° 15
PHILEAS A NEVIS – ST KITTS – STATIA et St MARTIN
Bonjour à tous,
Oh temps suspend ton vol ! L'horloge sourde à notre appel continue imperturbable à tourner.
L'évidence est là. Nous devons faire des impasses sur certaines des îles antillaises. Barbuda aux
magnifiques plages de sable rose sera sacrifiée. Notre curiosité nous pousse vers Nevis, peu
fréquentée par les plaisanciers, qui nous semble plus mystérieuse,
NEVIS
Antigua disparaît peu à peu. Le rocher de Redonda enveloppé d'un voile gris ressemble à une
aquarelle. Nevis reste longtemps cachée par une masse nuageuse. Le cône de Nevis Peak, ancien
volcan et seul massif de l'île reste coiffé d'un bonnet de coton qui donne l'illusion de sommets
enneigés. Pas de falaise abrupte, ni de redan se jetant dans la mer, le volcan Nevis descend en douce
circonférence et s’étale jusqu'aux bords de la mer.
Approche de Nevis
Nous doublons Fort Charles, construit au XVII° siècle, en restant à bonne distance de la pointe, la
côte étant réputée mal pavée. La grande plage de plus de 6 km de long de Pinney Beach attend les
plaisanciers. Cent bouées ont été installées entre Gallows bay et Oualie beach, au nord-est de Nevis.
Trois ou quatre voiliers tout au plus se partagent le sud de cet immense mouillage. Nous prenons un
corps mort devant le «Four seasons resort». Cet hôtel haut de gamme récemment rénové offre à sa
clientèle (très) aisée des prestations de grand standing. Un garde en contrôle l’accès côté mer.
Quatre brise-lames ont été construits par l'hôtel pour protéger sa plage.
Une ambiance de fin de saison règne sur Nevis sans doute due à l'éclairage. La couverture nuageuse
qui enveloppe l'île lui donne un aspect austère.
Pinney beach
Charlestown, la capitale partiellement détruite par un incendie en 1873, compte 12 000 habitants.
La partie la plus animée se situe autour du port et de la rue principale où nous effectuons les
formalités d'entrée. Entre douane, immigration et autorités portuaires nous nous baladons d'un
bureau à l'autre. Le même rituel à l'arrivée et au départ de chaque île visitée. Dans ce bourg
tranquille les maisons posées là sans ordre ni idée préconçue diffèrent peu de celles rencontrées
jusqu'ici. Implanté dans la maison natale d'Alexander Hamilton, belle demeure de style géorgien, le
musée de Nevis rassemblent objets et documents de l'ère de la canne à sucre et du commerce des
esclaves. Hamilton fondateur du parti démocrate des États Unis, fut le premier secrétaire d'Etat
d'Amérique. Une autre figure historique à Nevis est Horatio Nelson qui a épousé une veuve
nevisienne, Frances Lisbet. Pour autant la plupart des Nevisiens n’appréciait pas Nelson,
commandant de la flotte des îles sous le vent. Nelson s'employa à faire respecter strictement les lois
commerciales britanniques notamment celles interdisant le commerce avec les nouveaux Etats Unis
d'Amérique. Les cargaisons des bateaux nevisiens contrevenant à ces lois étaient impitoyablement
saisies.
Le temps maussade et l’atmosphère du mouillage ne nous incitent pas à un séjour prolongé.
Certaines îles attirent d'autres repoussent. En fin d'après midi nous larguons la bouée et faisons
route au nord vers Cades bay pour y passer la nuit. Au chant du coq le lendemain matin Philéas est
en route pour le cours trajet vers St Christophe, plus communément appelé St Kitts.
ST KITTS
Les îles de Nevis et de St Kitts ne sont séparées que par un chenal peu profond de deux miles (3,22
km) connu sous le nom "The Narrows". Au loin nous apercevons des vagues se presser. Nous nous
dirigeons vers Basseterre, la capitale avec l'intention de mouiller à l'entrée du port de plaisance, au
pied de la ville. Le mouillage très mouvementé, en plein vent et l'important clapot nous contraignent
à changer nos plans. Nous jetons l'ancre à l'est de la baie, près des garde-côtes. Le site est là aussi
fort inconfortable et pour couronner le tout la pluie s'acharne pratiquement toute la journée. Quel
accueil !
Nevis et St Kitts
Nous prenons contact avec la capitainerie de Porte Zante, tout petit port disposant de peu de places
avant de nous présenter. Les échanges VHF sont difficiles. Notre correspondant nous répond dans
un “charabia” supposé être de l'anglais. Finalement nous nous engageons dans la petite passe. Un
emplacement doit nous être indiqué. Personne en vue ! Nous scrutons les pontons. Notre marinier
n'est pas là. Tout à coup un rasta apparaît en gesticulant. Une place est disponible au bout de la
marina, entre deux piquets installés en quinconce. Peu de place pour manœuvrer ! Nous nous
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présentons en marche avant. L'employé du port, emprunté, ne nous est de toute évidence d'aucune
aide. A notre soulagement une équipe de quai internationale et bénévole -plaisanciers de passage
comme nous-, réceptionne les aussières. Philéas, étrave à quai, doit être amarré par l'arrière aux
deux piliers l’encadrant. Moment de pure acrobatie ! J'enlace l'un des piliers avant de le ceinturer.
Christian me retient par la taille, l'heure n'est pas à la baignade. Un plaisancier attrape la seconde
aussière et la fait voltiger tel un lasso autour du second poteau. Quelle dextérité ! Il devait être
cowboy dans une vie antérieure ! Notre rasta observe la scène les bras ballants, puis nous invite à
nous présenter à la capitainerie.
Très surprenant, le bureau, pièce vide n'est constitué que d'un comptoir et de deux chaises occupées
par les employés vêtus de façon très décontractée. La VHF est posée à même le sol, pas
d'ordinateur, peut-être un téléphone. La monnaie locale est le dollar caraïbe mais la facture est
systématiquement rédigée en dollars américains Aucune autre alternative n'est proposée. Le
raccordement électrique au quai nécessite non seulement une prise américaine mais également un
transformateur 110/220 V. Nous nous passerons donc d'électricité pendant notre séjour.
En revanche Philéas est bien gardé. Un factionnaire installé dans une guérite type “marine
nationale” contrôle les mouvements d'entrée et de sortie. Un badge nous est délivré à chaque sortie
et nous devons nous pointer sur un cahier.
Port Zanté abrite également une gare maritime qui accueille des paquebots constitués d'une clientèle
essentiellement américaine. Une grande zone hors taxes invite les touristes à se délester de quelques
centaines voire milliers de dollars en échange d'article de luxe : parfum, électronique, alcool, tabac,
bijoux.... J'y trouverai des cartes postales à prix d'or. Peu importe je ne peux déroger aux rituels de
l'envoi de mes chères cartes postales pour faire voyager par procuration famille et amis.
Basseterre, la capitale, du même nom que la ville guadeloupéenne, construite par les Français en
1620, ravagée par plusieurs séismes et ouragans puis par un incendie en 1867, a été reconstruite au
XIX° siècle. L'architecture des maisons est un patchwork hétérogène de styles français et anglais
avec une touche antillaise : maisons aux couleurs pastel encadrées de vérandas à balustrades.
Le centre ville est assez surprenant : une petite place octogonale, le circus, hébergeant le mémorial
Berkeley et une curieuse horloge victorienne donne à Basseterre un petit cachet britannique. Aux
heures de pointe, ce carrefour singulier aux Antilles est encerclé de véhicules indisciplinés. Plus loin
le square de l'Indépendance offre un cadre agréable pour flâner. En arrière plan l'église catholique
de l'Immaculée conception attend les fidèles.
The circus
St Kitts, île volcanique renommée autrefois pour son sol fertile dispose d'eau potable en abondance.
Un formidable potentiel pour l'agriculture. Les Kittitiens délaissent cependant les travaux de la terre
considérés comme avilissants et se tournent vers le tourisme plus valorisant et les secteurs de
l'immobilier de loin plus lucratifs. Un programme d'investissement offre la possibilité d'obtenir la
nationalité kittitienne aux étrangers investissant un minimum de 350 000 dollars américains dans un
projet immobilier approuvé par le gouvernement. Le développement à tout prix !
Frigate bay est le type même de l'expansion touristique de l'île. Les Kittitiens en retirent une grande
fierté. Lors de notre tour de St Kitts notre guide nous offrira en bonus un arrêt au point de vue
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surplombant cette baie envahie par les résidences et hôtels. Le projet d'une immense marina est en
gestation depuis un ou deux ans, probablement en attente de financement. Nous nous abstenons de
tout commentaire déplaisant mais préférons et de loin poser notre regard à l'opposé, au sud est, côté
péninsule où le paysage n'a pas encore été dénaturé.
The narrows, paysage encore vierge
Quelques rares Français ont élu domicile à St Kitts. Nous avons rencontré Bruno, originaire
d'Antibes qui, à 50 ans, a choisi d'y vivre une retraite paisible avec son épouse. Propriétaire d'une
maison en bord de mer à Frigate Bay depuis deux ans, il passe sept mois de l'année au soleil
kittitien. Il nous vante les mérites de St Christophe avec ferveur. D'après Bruno quatre Français
résident sur l'île dont le directeur de l'Alliance française. Il ne nous dira pas si l'apprentissage de la
langue de Molière attire beaucoup d'autochtones dans un pays sponsorisé par les Etats Unis.
A l'intérieur de l'île nous flânerons au jardin botanique de Romney Manor jouxtant la forêt tropicale,
caléidoscope de couleurs chatoyantes. Le site fut la propriété de Sam Jefferson, l'arrière arrière
grand-père de Thomas Jefferson, le 3ème président des Etats Unis avant d'appartenir à la fin du
XVII° siècle à Lord Romney. Nous restons en admiration devant un arbre majestueux. La taille du
tronc est impressionnante. Cet arbre à pluie(1) -Saman tree- a résisté aux cyclones successifs par
miracle et veille depuis plus de 350 ans sur la propriété. Ce jardin héberge en son centre depuis
1974 ”Batik caribelle”. Dans cet atelier les tissus sont peints à la main dans la tradition
indonésienne batik. Le processus est long. La technique consiste à enduire de cire les zones du
coton à ne pas colorer avant de le plonger dans un bain de couleur approprié. L'opération est
renouvelée méticuleusement pour chaque teinte à imprimer sur le tissu. Une pièce peut requérir
jusqu'à neuf bains de teintures différentes.
Romney Manor
Caribelle batik
Greg, notre guide prend plaisir à nous faire découvrir les points d'intérêts de son île : chaîne
volcanique, vestiges d'une coulée de lave cristallisée, anciens moulins à sucre, églises de toutes
confessions, la plus grande forteresse jamais construite dans les Caraïbes orientales forteresse qu’est
la forteresse de Brimstone hill construite sous l'autorité des anglais par des esclaves africains en
1690 avec des pierres volcaniques locales. Nous allons tout connaître ou presque de St Christophe...
Mercredi 2 mai – 06h00 du matin en route vers St Eustache
Philéas file au largue en direction de St Eustache, surnommée STATIA. Depuis notre départ
d'Antigua nous avons l'impression d'avoir changé de bassin de navigation. Le ciel gris et nuageux,
la visibilité médiocre créent une atmosphère nordique. Le mythe des Antilles ensoleillées s'effrite au
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rythme des averses jouant à la surenchère. Les cirés réapparaissent mais lot de consolation les shorts
sont toujours en service.
Saint-Eustache est une île d'origine volcanique relevée à ses deux extrémités par le Quill (le point
culminant de l'île avec 602 mètres couronné à son sommet par le cratère de Quill) et par trois
collines culminant entre 200 et 294 mètres qui encadrent une vallée centrale abritant la majorité de
la population et des infrastructures.
Cette île se trouve hors des sentiers battus, très peu de visiteurs foulent son sol. Le mouillage, le
seul fréquentable de l'île est à Oranje bay. Nous prenons l'une des douze bouées installées par le
parc national, non loin du bureau des autorités portuaires. Le site, rouleur, est loin d'être idyllique. A
deux kilomètres au nord, d'immenses réservoirs circulaires à carburant envahissent la côte telles des
verrues. Un long quai s'avance dans la mer, de nombreux remorqueurs et tankers en attente autour
du dock finissent d'enlaidir Oranje bay.
Nous nous rendons à terre pour effectuer les formalités habituelles. Pas question d'y échapper même
si nous avons l'intention de ne rester qu'une seule journée. Les rares voiliers de passage sont vite
repérés. Nous pensions arriver dans un port franc mais surprise St Eustache a changé de statut
depuis le 10 octobre 2010 et....de pavillon. Elle forme une entité publique néerlandaise à statut
particulier (Pays-Bas caribéens) suite à la dissolution de l’ancien État autonome de la fédération des
Antilles néerlandaises dont elle faisait partie. La panoplie des formulaires à remplir reste en
revanche toujours aussi conséquente. Etant donné la brièveté de notre séjour nous espérons pouvoir
effectuer les mouvements d'entrée et de sortie simultanément. La fonctionnaire de l'immigration est
embarrassée. Nous prévoyons un départ le lendemain à l'aube avant l'ouverture des bureaux. Que
faire ? Face à ce problème métaphysique, elle nous invite à nous représenter dans quelques heures
pour accomplir les formalités de sortie !
Oranjestad, seule ville de l'île, nommée ainsi en l'honneur de la couronne néerlandaise (la maison
d'Orange-Nassau), se divise en une ville haute et une ville basse. Centre névralgique du commerce
dans les Antilles elle fut l'un des ports les plus actifs entre le milieu et la fin du XVII° siècle. Plus
de trois cents voiliers y faisaient escales. Tout le long du rivage un mur protégeait les échoppes et
entrepôts. L'âge d'or prit fin au début du XIX° siècle avec le changement de climat politique et
économique aux Caraïbes. Un long déclin et une émigration massive s'en suivirent. Aujourd'hui
dans la ville basse, seules quelques ruines témoignent de ce passé florissant. En revanche, ville
haute les vieux bâtiments ont été rénovés avec des fonds néerlandais. Il y règne une atmosphère de
pays nordiques, la chaleur en plus. Le côté soigné des maisons bien rangées aux façades entretenues
donne à Oranjestad une allure de bourg hollandais. Seule la physionomie des autochtones rappelle
que nous sommes aux Caraïbes, point de cheveux clairs et de peaux laiteuses. Si le néerlandais est
la langue officielle nous constatons avec étonnement que l'anglais est le langage véhiculaire à
Statia. Nous n'avons entendu parler hollandais ni dans les échoppes, ni dans les bureaux
administratifs. Et pourtant dans les établissements scolaires, l'instruction est dispensée dans la
langue officielle. Statia est fière de son système d'éducation à l'européenne autant qu'elle l'est
d'accueillir une université de médecine américaine. Un moyen sans doute de stimuler son économie.
Rue d’ORANJSTAD
ORANJSTAD
Langouste au même prix que le steak
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ST MARTIN
Au lever du jour le cap est mis sur St Martin pour une escale de santé. Contrôle technique,
maintenance, avitaillement à compléter seront les maîtres mots de notre séjour. Quelques jours nous
séparent maintenant de la traversée retour. Nous jetons l'ancre à Marigot. Le réseau de bus est bien
développé et facilite nos déplacements entre St Martin la Française et Sin Maarten la Néerlandaise.
Saint-Martin est, depuis le 15 juillet 2007, une collectivité d'outre-mer française, située dans la
partie nord de l’île de Saint-Martin, dans les Antilles. Avant cette date, elle faisait partie intégrante
du département d'outre-mer de la Guadeloupe. La partie sud de l’île, appelée Sint Maarten (en
néerlandais), forme depuis le 10 octobre 2010 un État du royaume des Pays-Bas. La fédération des
Antilles néerlandaises, dont elle était l'une des cinq régions, a été dissoute à cette même date.
La partie nord de l'île (53 km²) est la plus grande des deux parties. Elle inclut de nombreux mornes
(petites montagnes) dont les points culminants sont : Pic Paradis (424 m), Mont Careta (401 m),
Flagstaff (390 m), Mont France (387 m), Mont des Accords (322 m), Marigot hill (307 m), Mont
O'Reilly.
A St Martin nous ne retrouvons pas les Antilles françaises rencontrées jusqu'ici. Les marchés de
fruits et légumes et de poissons fleurissent sur les quais mais nous les trouvons fades sans âme.
Côté hollandais, Sint Maarten est une métropole commerciale où les touristes s'empressent
d'acquérir électronique, bijoux, vêtements de marque à prix hors taxes défiants toute concurrence.
L'immobilier est en pleine expansion. Les promoteurs déploient une armée de commerciaux chargés
d'appâter les clients. A Marigot nous sommes interpelés par l'un de ces agents. Il nous fait miroiter
monts et merveilles. L'offre en question est classique : devenir propriétaire d'un appartement dans
une résidence hôtelière une semaine par an à Sint Maarten. Face à notre conception bien différente
des vacances, notre commercial est dépité. Nous ne sommes pas le couple idéal pour ce projet.
Le 14 mai nous quittons St Martin pour rejoindre St Barthélémy où nous avons rendez vous avec la
flottille MEDATLAN. La traversée retour n'a jamais été aussi proche.
Votre reporter embarqué
Brigitte
(1) arbre à pluie (Saman tree) : ou bois noir d'Haïti est une espèce d'arbre originaire d'Amérique du Sud. Sa forme est comparable à un parasol.
Lorsqu’il pleut ses folioles se replient sur elles-mêmes permettant ainsi à l'eau d'atteindre le sol. Une fois le soleil revenu, les folioles se déploient à
nouveau et profitent de la lumière, laissant un sol frais et humide.
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