La gestion du changement organisationnel – Quatrième partie – L
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La gestion du changement organisationnel – Quatrième partie – L
© ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL La gestion du changement organisationnel – Quatrième partie – L’adaptation au changement Cet article est le quatrième d’une série portant sur les problèmes de gestion du changement dans les organisations. Chaque article traite d’un problème particulier, et propose des mesures pour y faire face. Dans celui-ci, nous examinons comment l’adaptation au changement se produit en général chez les membres d’une organisation, et nous nous intéressons plus spécialement au stade de l’éveil. PAR 56 P IERRE COLLERETTE , R OBERT S CHNEIDER , ET PAUL L EGRIS Adaptation ou résistance au changement ? pas à éliminer les résistances, auquel cas on pourrait se retrouver avec une masse de gens passifs, mais bien de susciter la mobilisation et l’appropriation a vie quotidienne recèle d’exemples des objectifs de changement. L’enjeu démontrant la très grande caparéel en est donc un d’adaptation au cité d’adaptation des êtres humains. changement. Pourtant, l’expérience En fait, s’il faut conorganisationnelle tensacrer ses énergies à comdrait à démontrer le conLes exemples de battre et éliminer les résistraire, tellement les changements tances, c’est sans doute exemples de changeque des dommages ont ments non réussis sont non réussis déjà été faits, et on se nombreux. Ainsi, une trouve désormais dans une étude toute récente de sont nombreux position réactive ; il est Mourier et Smith (2001), peut-être même trop tard auprès de 210 entrepripour agir efficacement. Il aurait mieux ses nord-américaines, rapporte que valu adopter plus tôt des approches qui seulement 25 % des gestionnaires interauraient limité l’apparition des résisviewés décrivent leur expérience de tances. changement comme un succès. Notre proposition se résume à cet Devant des résultats si décevants, on énoncé simple, mais dont les implicavoit souvent les dirigeants se rabattre tions sont nombreuses : il appartient au sur l’argument des résistances au management d’une organisation de changement en guise d’explication. mettre en place des moyens qui permetBien que séduisante, la piste des résistront au personnel comme aux cadres tances au changement nous paraît peu de s’adapter aux changements qu’il fructueuse. En effet, le véritable enjeu veut introduire. d’un effort de changement ne consiste L ISO Management Systems – janvier-février 2003 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL L’expérience de Marianne de service, outils de communication entre les succursales, contrôles de qualité, outils informatiques, grilles tarifaires, superviseurs des services, formulaires, etc. Il faut dire que ce ne fut pas facile car la nouvelle organisation a entraîné la réaffection de plusieurs personnes dans des postes différents.» De fait, bien qu’avec un mois de retard sur l’échéancier initial, l’essentiel des mesures est en opération. Mais voilà que la grogne se répand. Non seulement entend-on des critiques un peu partout, mais le personnel ne se gêne pas pour blâmer la direction Bien que l’identité des acteurs ait été modifiée, la situation qui suit est très réelle. Marianne, avec l’appui de son directeur général, vient d’embaucher une firme de consultants dont le mandat sera de faire un audit de la situation dans sa direction en vue de cerner les raisons expliquant les problèmes d’intégration du changement qui s’y manifestent de plus en plus sérieusement. La tension y est devenue telle qu’elle a fait l’objet de représentations du personnel auprès de la direction générale. Le syndicat s’est mis de la partie ; ses représentants ont transmis une lettre à la direction demandant que des mesures soient rapidement prises pour restaurer un climat de travail plus sain. Ils font référence à de nombreux malaises qui se seraient installés au sein de la direction, sans toutefois pointer de problèmes précis. Marianne compte 25 ans d’expérience en gestion, et elle a su relever une grande diversité de défis. Reconnue pour sa détermination et son sens de l’organisation, elle a accepté six mois auparavant la direction des services commerciaux dans cette nouvelle auprès de la clientèle chaque fois qu’un société de courtage en assurance, Les problème ou une anomalie survient. En Assurances ASROP. Cette société est outre, le personnel se montre peu issue de la fusion de six entreprises empressé à adopter les régionales, et Marianne nouvelles façons de traoccupait déjà une foncvailler. tion analogue dans l’une Seulement 25 % Interrogés par le cond’elles. des gestionnaires sultant, les responsables Voici comment elle succursales font part décrit les choses lors de interviewés décrivent des de leurs observations : son premier entretien « Le personnel travaille avec le consultant. « Dès leur expérience de plutôt lentement, feima nomination, je me suis changement comme gnant ne plus comprenfait un devoir de définir dre comment accomplir la nouvelle organisation un succès son travail ; le taux d’erdu travail afin que reurs dans les dossiers est les services commerciaux élevé et c’est toujours la deviennent rapidement faute à quelqu’un d’autre ou en raison opérationnels et totalement intégrés. Je des lacunes du nouveau fonctionsouhaitais éviter tout problème pour la nement ; l’information saisie dans le clientèle et même lui faire bénéficier système d’information est souvent rapidement des bienfaits de cette erronée et incomplète, de sorte qu’il fusion. faut beaucoup de temps pour faire les « Après avoir fait approuver les corrections, ce qui nuit à la productivité orientations, le plan d’action et les des unités ; il faut constamment rébudgets par la direction générale, nous expliquer les procédures à suivre au avons mis les nouvelles mesures en personnel qui se montre impatient et place en quelques semaines : horaires ISO Management Systems – janvier-février 2003 57 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL avec la réorganisation du travail ne sont irritable ; plusieurs affichent une attipas en voie d’être atteints, et le positude négative, ou purement mécaniste, tionnement de l’entreprise pourrait se conformant passivement à ce qui leur même régresser. Concédons-lui qu’elle est demandé, sans plus. On dirait des disposait de peu de temps pour prépaenfants ! » Pourtant la compétence ne rer cette opération car les dirigeants de faisait pas défaut dans les entreprises la nouvelle entreprise souhaitaient des fusionnées, bien au contraire. résultats rapides. Mais ce fut là un Marianne ajoute : « il ne faut quand piège, car cette course même pas dramatiser. contre la montre s’est C’est vrai que le personavérée plutôt contrenel a dû intégrer beauOn voit souvent productive : les objectifs coup de nouveautés en n’ont pas été atteints et peu de temps et il s’en est les dirigeants se le service semble être d’ailleurs bien acquitté, en dépit des difficultés rabattre sur l’argument dans une impasse dont Marianne pourrait bien qui subsistent. Avec le des résistances au faire les frais. temps et un peu de bonne Pour comprendre volonté de la part de chachangement comment, en dépit de cun, les choses devraient bonnes intentions, ce gess’arranger.» tionnaire a pu se retrouver dans une Malgré cet optimisme, la situation telle situation, examinons le processus n’en est pas moins critique. Pour l’insque les personnes vivent habituelletant les gains d’efficacité recherchés ment lorsqu’elles sont exposées à un changement significatif. Dimension organisationnelle Le changement organisationnel en trois dimensions Dimension individuelle Dimension collective Figure 1 – Le changement organisationnel en trois dimensions 58 ISO Management Systems – janvier-février 2003 L’adoption du changement est souvent vue comme un processus essentiellement individuel, ce qui est erroné. Le changement s’opère en fait sous trois dimensions : individuelle, collective et organisationnelle (voir Figure 1). La dimension individuelle : exposé à un changement, l’individu fait face à plusieurs défis à concilier. D’une part, il doit se faire une opinion personnelle sur la pertinence et la qualité du changement qui lui est proposé ; s’il l’accepte, il devra alors fournir des efforts importants pour apprivoiser et maîtriser les nouvelles compétences qui lui sont demandées, tout en subissant l’insécurité associée à la perte de ses repères. D’autre part, il doit en même temps surveiller et même sonder les réactions de son entourage pour voir si celui-ci se montre favorable ou non à ce changement, et ainsi évaluer s’il s’expose à la réprobation de ses pairs en acceptant ou en refusant le changement. En fait, il s’engage alors dans une sorte de négociation ou de jeu d’influence d’où émergera la position « collectivement acceptable ». © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL Enfin, il lui faudra composer avec les nouvelles méthodes proposées par les promoteurs du changement, et qui souvent ne sont pas au point. D’une certaine façon, la dimension individuelle se présente comme un parcours que l’on n’a pas choisi, et comportant bon nombre d’obstacles à surmonter ! Nouvelle structure, concept qualité, orientation client, rattachement administratif différent, ré-organisation du travail, technologie nouvelle, procédé de fabrication amélioré, relations transversales révisées, procédures modifiées, voilà autant d’exemples d’aspects organisationnels qui demanderont à être conçus, expérimentés, ajustés, assimilés, évalués, corrigés, documentés. Plutôt technique et bureaucratique, cette dimension est plus facile d’accès, et c’est souvent sur elle que se concentre le management dans les entreprises, négligeant les deux autres dimensions. La dimension collective : les dirigeants ont tendance à sous-estimer l’influence déterminante de la pression des pairs dans l’acceptation ou le refus d’un changement. Par exemple, récemment, le directeur d’une petite organisation exprimait son désarroi, après qu’en réunion syndicale le personnel Ces trois dimensions vont évoluer de son organisation eut manifesté son de pair, et si l’une bloque, les autres en opposition à un projet de changement seront directement affectées. Le caracqui faisait quelques perdants, alors tère interdépendant de ces trois dimenqu’en privé plusieurs l’encourageaient sions ajoute donc à la complexité de à aller de l’avant. Il venait d’être conl’opération, ce qui fronté à ce phénomène explique sans doute en déroutant de la pression Si l’on recherche partie le taux de réussite des pairs. si faible en gestion du En effet, en dépit de de l’initiative et changement. C’est là un nos impressions pretype de défi que seuls des mières, il a largement été de l’enthousiasme, gestionnaires particudémontré qu’un grand lièrement versatiles et nombre de personnes il faudra une autre rigoureux peuvent revont opter pour des approche lever. comportements qu’elles pensent être acceptables aux yeux des pairs, et vont difficilement s’en désolidariser, Le processus de changement par crainte notamment du rejet social. en trois stades Nos recherches suggèrent que l’accepLe modèle le plus populaire pour tation d’un changement passe par une expliquer le processus de changement sorte de convention sociale explicite chez l’être humain est celui de Kurt qui discrédite les pratiques existantes, Lewin (1951), qui propose un schéma et qui supporte des alternatives, le plus en trois stades connus sous les expressouvent sous l’impulsion des leaders sions de décristallisation, mouvement, naturels, ou tout au moins avec leur recristallisation (voir Figure 2). Nos soutien tacite. Les travaux de Everett travaux de recherche nous ont amenés à Rogers (1995) sur l’adoption des innoréviser quelque peu cette conception : vations sont très éloquents sur le sujet. La dimension organisationnelle : en plus de ses dispositions à l’endroit du changement et des pressions subies de ses pairs, l’individu doit aussi composer avec le cadre organisationnel dans lequel il vit, c’est-à-dire les actions du management pour promouvoir et introduire le changement, tout comme les dispositifs techniques qui doivent être mis en place pour actualiser et permettre les changements demandés. Les individus, les groupes et les organisations qui réussissent à s’adapter à un changement doivent habituellement franchir trois stades : l’éveil, la transition, la ritualisation. Leurs frontières sont floues et leur durée varie d’une situation à l’autre. ISO Management Systems – janvier-février 2003 59 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL Dans cet article, nous allons nous attarder au stade de l’éveil, qui est crucial pour réussir la mise en route d’une opération de changement. La transition et la ritualisation seront examinés dans le prochain article de cette série. Ritualisation Pour eux, avantages et désavantages se valent, de sorte qu’ils hésitent à rompre avec le statu quo, vu comme moins risqué. Si la pression au changement s’avère néanmoins assez forte, ils le verront comme un mal nécessaire. Ils ne résisteront pas activement, mais ne se mobiliseront pas non plus. En fait, ils attendent d’être dirigés (parfois remorqués) dans cet exercice auquel ils se résignent, mais dont ils se passeraient. Les opposants Éveil Désintégration 60 Les ambivalents Leur bilan est négatif, et ils se mobilisent pour faire obstacle. Ils vont se montrer réfractaires, parfois rebelles, Figure 2 – Le et en cas d’échec peuvent se transprocessus de former en victimes, à l’affût des moinchangement dres erreurs pour les souligner. Ils ne cherchent pas à s’adapter au changement ; au mieux, ils finiront par s’y soumettre avec rancœur. Dans le cas des ambivalents comme L’éveil des opposants, mais avec plus d’ardeur chez ces derniers, les gens feront tout Ce stade débute lorsque les indien leur possible pour se soustraire vidus portent attention à une sollicitaau changement ; par exemple, le contion au changement. C’est le cas du tremaître invoquera moult arguments contremaître qui s’interroge sur l’orpour discréditer la proposition de réorganisation du travail proposée par le ganisation ; et si néanmoins on l’oblige à département de la qualité ; c’est le cas aller de l’avant, il agira probablement du vendeur qui se demande s’il doit de façon mécaniste et conformiste, se vraiment compléter les nouvelles fiches limitant au minimum sur le profil des clients comme demandé par le demandé. Bref, une réacLa période de l’éveil tion de soumission, et il service du marketing. Ces personnes sont incitées à sera illusoire d’espérer de changer, et se question- peut susciter beaucoup la motivation de sa part. nent sur la pertinence de Et pourquoi pas ? d’anxiété le faire ou non. Il s’agit Si l’on cherche à modonc d’une période de difier des comportements réflexion où l’on soupèse les avantages mécaniques, cette façon de faire peut et désavantages du changement promu donner des résultats satisfaisants, pour par les dirigeants en vue de prendre autant que l’on accepte la grogne qui position. suivra. Cependant, si l’on recherche de Selon que le bilan sera positif, mitigé l’initiative et de l’enthousiasme, il fauou négatif, les réactions iront de l’endra une autre approche. thousiasme au refus, en passant par la L’enjeu de la période d’éveil consiste donc pour le management à résignation. On verra alors apparaître mobiliser une masse critique aussi trois profils-type. importante que possible pour supporter le changement. En général, Les supporteurs cette précaution est négligée par les Ils voient des avantages évidents au gestionnaires, qui se limitent à changement et s’enthousiasment. Ils quelques présentations sur le changevont s’impliquer et faire des efforts ment proposé. Cela fait, ils pensent pour s’approprier le changement. avoir fait leur travail, et s’attendent à ISO Management Systems – janvier-février 2003 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL Table 1 – Les déclencheurs du changement 1) ce que les gens se laissent naturelledéclencheurs suffisants, dont les trois ment séduire par leur discours. Hélas, suivants sont habituellement les princila plupart du temps c’est une illusion, paux 2) (voir Tableau 1) : pour ne pas dire de la candeur. ! Les défaillances de la situation exisEn effet, comment le personnel tante sont perçues par le personnel peut-il accepter les changements provisé, et suscitent son mécontenteposés, voire même les comprendre, ment (ou il entrevoit ce risque à s’il n’a pas au préalable souscrit à la l’horizon), définition du problème ? Les gestion! la pression des leaders du milieu, naires eux-mêmes, dans les mêmes circonstances, exigent que l’on ! la possibilité pour les personnes de s’adresse à leur intelligence et qu’on faire des gains. les associe à la définition des problèL’expérience suggère que les gesmes et à la recherche des solutions. tionnaires ont tendance à Ainsi, la première confaire miroiter les gains dition pour que les gens s’intéressent à nos propoAccepter de remettre associés aux changements dont ils font la promotion, sitions de changement, en question alors que ce déclencheur c’est d’en arriver avec eux souvent le moins effià une lecture partagée du son fonctionnement est cace et le moins durable problème, et le managedes trois. La combinaison ment devrait s’atteler à signifie des deux autres est cette tâche en tout premier lieu. Par exemple, d’abandonner en partie habituellement le plus efficace, et plus encore si pour le contremaître, une ses repères on y ajoute la possibilité nouvelle organisation du de gains personnels. travail est insensée s’il ne Comment alors « stimuler » ces croit pas que celle en place est lacudéclencheurs du changement ? Nous naire; pour le vendeur, une fiche clienreprenons dans le Tableau 2 quelques tèle est non seulement une contrainte suggestions tirées de nos expériences. inutile, mais un caprice de la direction, La période de l’éveil peut susciter s’il ne visualise pas les problèmes beaucoup d’anxiété. En effet, accepter qu’elle doit corriger. de remettre en question son fonctionLe succès ou l’échec de la période nement signifie d’abandonner en partie d’éveil repose aussi sur la présence de 1) Adapté du volume : Le pilotage du changement. Voir Bibliographie. 2) Le pilotage du changement, p. 92. ISO Management Systems – janvier-février 2003 61 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL ses repères et ses automatismes, c’està-dire ses sources usuelles de stabilité. Il y a donc là un élément de risque important, sans parler des intérêts personnels qui sont peut-être aussi menacés. Table 2 – Quelques moyens pour accroître la réceptivité au changement 3) 3) Adapté du volume : Le pilotage du changement. 62 ISO Management Systems – janvier-février 2003 C’est pourquoi il est si important de consacrer à cette période toute l’énergie et tout le temps nécessaires pour permettre aux gens d’apprivoiser les références nouvelles. Les gestionnaires ont parfois l’impression qu’il s’agit là d’une perte de temps. Et pourtant c’est © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL Bibliographie Bridges, W. (1991). Managing Transitions; Making the Most of Change. Paperback, Perseus Pr. BPR Online Learning Center (2000). Engaging top management – the role of executive leadership in business process reengineering. ProSci, Web : www.prosci.com. Les problèmes de Marianne revus Les efforts de Mariannes étaient bien intentionnés et elle s’est investie à plein dans son mandat. Il faut toutefois reconnaître que les résultats n’ont pas été positifs, du moins jusque-là. Les principes qui viennent d’être décrits permettent de mieux voir ce qu’elle aurait pu faire autrement. ! Marianne s’est concentrée principalement sur la dimension institutionnelle. Elle a conçu les choses sur le plan technique, en a discuté avec ses collaborateurs immédiats, a pris les décisions et est passée à l’action. Rien n’indique que ce travail ait été de mauvaise qualité. Cependant les dimensions individuelle et collective ont été négligées. ! Mourier, Pierre; Smith, Martin (2001). Conquering Organizational Change. CEP Press, Atlanta. Le personnel et les cadres n’ont pas été associés à la réflexion sur les objectifs poursuivis et sur les contraintes à considérer. Ainsi, sans lecture partagée des problèmes à corriger, pas d’éveil. ! Rogers, E. V. (1995). Diffusion of Innovations (quatrième édition). The Free Press, New York. Ils n’ont pas été associés à la conception du nouveau mode de fonctionnement, d’où pas d’appropriation des idées nouvelles. ! Ils n’ont pas eu l’occasion d’échanger ouvertement avec les collègues et avec la direction sur les enjeux, la démarche, les orientations du changement, d’où une absence de complicité collective. ! En l’absence de lecture partagée des défis et des solutions, le personnel a l’impression d’être à la remorque des caprices d’une personne, et devient rebelle ou apathique. Marianne a consacré peu de temps à l’éveil, présumant que les gens adopteraient naturellement ses idées. La réalité s’est avérée différente, et il lui faut maintenant investir beaucoup de temps pour corriger les effets pervers et retrouver la voie de l’efficacité. ! Marianne aurait besoin de mieux que de la soumission ; elle aurait besoin d’un appui actif des membres du personnel, mais elle a négligé de bâtir cette alliance. ! Le déploiement du nouveau fonctionnement a été conduit comme n’importe quelle opération courante, Collerette, Pierre; Schneider, Robert (1996). Le pilotage du changement (Steering change), Québec, Presses de l’Université du Québec. Lewin, Kurt (1951). Field Theory in Social Science. New York, Harper. Strebel, Paul (1996). “Why Do Employees Resist Change ? ” Harvard Business Review, mai-juin, p.86-92. l’inverse. Il en découle certes une dépense de temps importante, mais il s’agit en fait d’un investissement dont les fruits seront visibles lors de la transition, car on n’aura pas alors (ou moins) à traiter avec les résistances au changement, et la probabilité de réussite en sera accrue d’autant. Qu’est-ce qui est le plus efficace : escamoter l’éveil et voir le projet bloqué dans 80 % à 90 % des cas, ou consacrer du temps et de l’énergie à l’éveil et voir la transition progresser rapidement vers les objectifs poursuivis, avec peu de résistances ? ISO Management Systems – janvier-février 2003 63 © ISO Management Systems, www.iso.org/ims I N TE RN ATI O NAL négligeant ainsi que de tels changements peuvent ébranler la stabilité des personnes et des groupes concernés. Conduire un changement exige un encadrement méthodique, intense et soutenu jusqu’à la ritualisation. Nous y reviendrons en détail dans le prochain article. ! ou tout au moins supportées de façon très visible, par un niveau de gestion supérieur, tout en s’associant les niveaux de gestion inférieurs. Conclusion La communication Avec l’exemple de des changements de Marianne, il ne s’agit même que leur mise Le stade de l’éveil évidemment pas de disen œuvre a été créditer les gestionnaires demande déléguée aux cadres qui comme elle, se condes succursales. Si une gestion méthodique centrent sur les aspects dans la gestion techniques du changecourante c’est une ment et cherchent à et rigoureuse pratique à favoriser, escamoter les stades en contexte de naturels de son adoption. changement c’est souvent une Il s’agit plutôt de montrer que l’adaptaerreur. Nous y reviendrons aussi tion au changement met en cause des dans un prochain article ; pour processus complexes, et que le stade l’instant limitons-nous à dire que de l’éveil demande une gestion durant tout le cycle, la promotion et méthodique et rigoureuse. la gestion du changement devraient être prises en charge activement, Les auteurs Robert Schneider Pierre Collerette est professeur et chercheur en gestion à l’Université du Québec à Outaouais (Canada). Il a publié plusieurs ouvrages dans les domaines du changement organisationnel et des structures de gestion. En plus de ses activités académiques, il a occupé des fonctions de direction, et est intervenu comme consultant dans de nombreux projets au Canada et en Europe. Department of Administration Sciences, Université du Québec à Outaouais, Gatineau (Québec), Canada J8X 3X7. E-mail 64 [email protected] ISO Management Systems – janvier-février 2003 dirige sa propre firme de conseil, le Centre de recherche et d’intervention en gestion (CRIG). Il intervient depuis plus de 25 ans comme conseiller en gestion sur des enjeux de planification, de changement et d’organisation stratégiques. Il a également enseigné à titre de chargé de cours dans plusieurs programmes universitaires, et a publié plusieurs ouvrages et articles sur les organisations. Paul Legris est spécialisé en informatique et en administration publique. Il a accumulé plus de 20 ans d’expérience dans des fonctions de gestion dans le secteur des technologies de l’information et l’administration en général. Il s’intéresse plus spécialement à l’intégration des technologies dans les processus d’affaires des entreprises, et poursuit des recherches dans le domaine. Centre de recherche et d’intervention en gestion (CRIG). Université du Québec à Outaouais, Bureau du recteur, Gatineau (Québec), Canada J8X 3X7. E-mail E-mail [email protected] [email protected]