Forward Campus : Perspectives Euro/Dollar pour
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Forward Campus : Perspectives Euro/Dollar pour
Forward Campus : Perspectives Euro/Dollar pour 2017 Alexandre Taieb Stratégiste taux & immobilier Actuellement, toute la place financière s’accorde à penser que le dollar devrait monter face à la majorité des devises mondiales dans les mois à venir. Cependant, le marché forex (foreign exchange) peut être très volatile, voire imprévisible. Nous dégagerons ici les arguments qui nous font penser que l’opinion générale sur la hausse du dollar nous semble cohérente, mais aussi les contre arguments qui pourraient enrayer ce mouvement au fil de l’année à venir. 1- La montée du dollar L’hypothèse unique de la hausse du dollar repose sur une politique monétaire plus restrictive de la FED l’année prochaine. Les investisseurs anticipent plusieurs hausses de taux (2 au minimum) en 2017. Réaction logique : hausse du dollar, hausse des taux longs. Pourquoi je parle « d’hypothèse unique » ? Prenons l’exemple de l’élection de Donald Trump. On peut lire parfois que l’élection du républicain a entrainé une hausse du dollar. C’est inexact. L’élection du candidat avec un programme de relance fort (et donc de dépenses publiques massives) pourrait déboucher sur davantage d’émissions obligataires et avoir pour effet, si son programme réussit, une augmentation des embauches, puis des salaires qui se répercuterait sur l’inflation… et donc entrainerait plusieurs hausses de taux de la FED. Un chemin somme toute sinueux pour arriver à cette hypothèse unique : hausse de taux de la FED = montée du dollar. Il est donc légitime de se poser la question : est-ce que l’hypothèse hausse de taux de la FED = montée de l’USD s’est vérifié par le passé ? 1 1er décembre 2016 Le seul mandat comparable qui comprend l’existence de l’euro et un cycle de remontée de taux est la période Greenspan de juin 2004 à janvier 2006. Les taux directeurs de la Fed étaient passés de 1% à 5,25% en un an et demi. Le dollar est passé de 0,823 euro à 0,826 euro sur la période… soit une parfaite stabilité. Allons au bout du raisonnement : la BCE avait des taux plus élevés cependant, mais les laissait inchangés. Elle a commencé un cycle de hausse de taux fin 2005, alors que les taux US avaient rattrapés les taux euro dès début 2005. Regardons la variation USDEUR en 2005 : de janvier 2005 à décembre 2005 le dollar est passé de 0,762 euro à 0,843 soit une augmentation de 10,6% sur l’année. Si l’hypothèse de remontée de taux se vérifie en 2017 et que la BCE laisse ses taux inchangés (ce qui devrait être le cas) on peut s’attendre à une augmentation du dollar face à l’euro de 10% (le mouvement ayant déjà commencé). Le Dollar a pris environ 5% depuis l’élection de Trump, le faisant passer positif de 2% face à l’euro depuis le début d’année 2016. Seconde question : la FED va-t-elle finalement faire ce qu’elle dit ? Le marché semble penser que oui. La probabilité d’une hausse de taux de la FED en décembre est à 98%. Le marché semble prêt. Elle devrait le faire. En outre, après avoir abaissé ses dots (prévisions de taux directeurs à venir), la FED parait plus crédible en passant de 4 hausses en 2017 à seulement 2 prévues. Mais n’oublions pas que Janet Yellen est une « traumatisée » du tapering et semble avoir peur de la moindre conséquence de ses mesures sur le marché. Il sera très facile de faire qu’une seule hausse de taux en fin 2017 par exemple (comme en 2015 et probablement en 2016), ce qui pourrait faire baisser le dollar (anticipation erronée du marché qui corrige). Autre cas de figure : si la politique de Trump ne fonctionne pas ? Le marché semble très positif à l’idée de voir Trump prendre le pouvoir avec un programme « pro-business ». Mais il est possible qu’il n’inspire pas confiance. Que ses émissions obligataires trouvent de moins en moins d’acheteurs, et que le dollar finisse par baisser. Le risque de déception sur la politique de Trump et la frilosité générale de Yellen restent, à mon sens, les deux principaux obstacles à une remontée franche du dollar. La politique de Trump : effet de hausse ou de baisse du dollar ? Il est difficile de lire et de comprendre clairement le programme de Trump. Attardons nous sur la mesure qu’il compte prendre concernant la fiscalité des entreprises. M. Trump propose de réduire l’impôt sur les sociétés de 35% à 15% voire 10% pour inciter les grandes entreprises à rapatrier leurs bénéfices sur le territoire américain. Cela aurait un impact de hausse important sur le dollar et de baisse sur l’euro. Cependant, ce programme semble irréaliste sur certains aspects : le rapatriement rapporterait 200 milliards de dollars, la baisse de l’impôt sur les sociétés ferait perdre 6200 milliards de dollars au budget fédéral sur la prochaine décennie… Même constat sur la dette. Trump se proclamait « roi de la dette » au cours de sa campagne. Faire tourner la planche à billets ferait nécessairement baisser la valeur du dollar. Mais cette baisse serait compensée par la hausse résultant de la croissance. Selon Donald Trump, la croissance économique aurait suffi à réduire la dette sur 8 ans. Puis ce n’était plus le cas… et le président élu a émis l’idée de restructurer la dette américaine. Ce dernier point serait précisément une catastrophe pour le dollar, mais aussi pour les taux, les actions et tout ce qui n’est pas l’or ou le cash (non libellé en dollars). Nous choisissons dans un premier temps de ne pas s’attacher aux promesses floues du président élu sur notre perspective sur le dollar. 2 1er décembre 2016 Dernier point : tous les points précédents ne sont-ils pas déjà intégrés dans la valeur actuelle du dollar ? Le point économique structurel qui empêche une montée franche du dollar face à l’euro est que la zone euro a une balance des paiements excédentaire quand les Etats-Unis ont une balance des paiements structurellement déficitaire. Si Trump augmente le déficit de cette balance des paiements (ce qui est possible au vu des quelques lignes de son programme) cela pourrait empêcher une hausse sensible du dollar. En outre, les deux hausses de taux de la FED en 2017 ne sont-elles pas déjà intégrées dans le cours actuel du dollar ? Nous ne le pensons pas. Depuis plusieurs années, la FED fait moins que ce qu’elle dit. Exécuter strictement ce qu’elle a annoncé semble plus optimiste que réaliste. Les deux hausses de taux, si elles ont lieu, pourraient donc faire monter un peu plus le dollar. Enfin, le prolongement du QE de la BCE s’il a lieu (et Draghi sait faire plus qu’annoncé) devrait faire baisser l’euro. 2- La baisse de l’euro La FED n’a pas le monopole de l’impact sur le dollar face à l’euro. Ici nous prenons désormais l’euro en référence. Exemple : de mi-2014 (fin des achats de la FED) à fin 2014 le dollar monte sur la fin de QE de la FED. En revanche, de janvier à mars 2015 c’est l’euro qui baisse face au dollar suite à l’annonce de QE de la BCE (baisse de 7% environ de l’euro). Les perspectives de politique monétaire, mais aussi de politique en zone euro semblent tendre vers un effet de baisse sur l’euro face au dollar. La Grèce n’est pas sortie d’affaire, le Portugal est également surendetté, l’Italie devrait faire face à des difficultés politiques tout comme l’Autriche. Un contexte anxiogène qui, mit à part les taux allemands, devrait faire remonter les taux européens. En effet si l’on regarde la crise de la dette de 2011, les taux avaient explosé à la hausse et l’euro avait perdu environ 13% face au dollar. On peut donc s’attendre à ce que la BCE fasse tout pour ne pas voir la zone se disloquer et, au moins, prolonger son programme d’achats d’actifs, ce à quoi le marché semble se préparer. Cela devrait maintenir l’euro bas face au dollar. Néanmoins, si jamais la BCE prolongeait son programme, cela se ferait à court terme (prolongement de 6 mois attendu). Puis viendrait l’annonce d’un tapering européen, probablement à l’automne 2017 (dans le meilleur des cas). L’annonce du tapering américain avait eu un effet fort sur les taux, mais pas sur le dollar. En revanche, Bernanke avait annoncé que les achats allaient se réduire pour se terminer mi-2014, période à partir de laquelle le dollar a commencé à monter. Cela devrait se passer de la même façon pour la zone euro. L’annonce aura peu d’effet sur l’euro dès fin 2017, mais on peut s’attendre à une remontée de l’euro plus sensible en 2018 (dans l’hypothèse où Draghi annonce un tapering fin 2017). Si jamais Draghi n’annonce pas de prolongement de son QE (peu probable mais possible) d’ici mars 2017, l’euro risque de remonter sensiblement face au dollar. C’est le seul cas de figure où l’euro pourrait atténuer la hausse du dollar, voire la surpasser. Enfin, il est à noter que dans une période d’incertitude politique, chaque bonne nouvelle (ex : oui au referendum italien qui l’emporte) devrait faire monter la devise européenne à très court terme. Mais le mouvement structurel à prévoir est bien une hausse du dollar et une baisse de l’euro sur l’année à venir. 3 1er décembre 2016 Conclusion : Nous nous attendons à une légère remontée du dollar relativement limitée (entre 5 et 10%) avec pas mal de volatilité sur l’année. Cela ferait terminer l’année 2017 autour de 1 dollar pour 1 euro. 4 1er décembre 2016