Les vies en soi

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Les vies en soi
Les vies en soi
Voyages extraordinaires dans le monde des objets
Ecrits, fabriqués et racontés
par Patrick Corillon
La quadrilogie sera créée au Monodrama Festival de Luxembourg, du 13 au 21 juin 2014 :
Patrick Corillon, 4 performances, 4 expositions, 4 livres.
Contact :
Pascale Mahieu
Diffusion / Accompagnement des projets
Tél : +32 475 20 40 63
[email protected]
Quatre spectacles
Le projet de Patrick Corillon — Les Vies en soi — est produit et réalisé par la maison de production et
de créations contemporaines pour les arts vivants, le CORRIDOR
Patrick Corillon, artiste plasticien est artiste associé au
CORRIDOR
et représenté par la galerie In Situ-
Fabienne Leclerc à Paris.
Dans ses récits-performances, Patrick Corillon invite le spectateur à un voyage riche en découvertes
plastiques et en questions philosophiques. Il nous entraîne dans des histoires imaginaires aux
rebondissements multiples et nous fait redécouvrir la magie d’un simple récit et le plaisir de la
manipulation d’objets, renouant ainsi d’une manière résolument contemporaine avec des formes
empruntées à diverses traditions de narration orale (benshi, kamishibai, cantastories).
Ces quatre spectacles interrogent de façon métaphorique la quête l’identité :
• dans l’inconscient collectif :
La rivière bien nommée – 60 minutes pour être de son temps
• dans les histoires de famille :
Le benshi d’Angers – 60 minutes et des poussières
• dans l’art et la culture :
L’ermite ornemental – 60 minutes pour ne rien dire
• dans l’adversité :
L’appartement à trous – 60 minutes pour parler toutes les langues
Les modalités de présentation de chacun des spectacles
Ces spectacles de petite forme, légers et autonomes techniquement, ont la spécificité d’être conçus
pour des jauges de 50 à 150 personnes. Chacun d’eux fonctionne de manière indépendante, si bien
qu’il est possible de les présenter séparément ou dans leur ensemble, en plusieurs étapes (sur une
saison) ou en décentralisation dans différents lieux, qu’il s’agisse d’une petite salle de théâtre, d’un
festival, ou de tout autre lieu intime comme une bibliothèque, un musée, un salon, un appartement.
Ces représentations s’adressent à tous les publics (y compris les enfants accompagnés à partir de 10
ans).
Ces spectacles ont été présentés dans des endroits aussi différents que le Musée d’art moderne du
Luxembourg (Mudam), le Théâtre de la Bastille, la Fondation Cartier, le Fresnoy, le Château d’Angers,
le Centre culturel de Marchin, le festival Monodrama à Luxembourg, les laboratoires d’Aubervilliers,
ou les centres de vacances de la CCAS.
La rivière bien nommée – 60 minutes pour être de son temps
La rivière bien nommée est un récit-performance durant lequel Patrick Corillon manipule des livresobjets pour incarner un récit de voyage. Réunis autour d’une boîte aux trésors, les spectateurs peuvent
écouter le narrateur raconter sa quête à la recherche des origines de la légende de la rivière bien
nommée. Le mécanisme des objets, les illustrations, la typographie, la musique et la voix sont réunis
au service du récit, à la façon des cantastories ou des kamishibai, ces petits théâtres de papier
ambulants où les images servaient aux chanteurs et musiciens de points de départ pour raconter leurs
histoires. Cet art traditionnel, dont on trouve les premières traces dans l’Inde du VIe siècle de notre ère,
a traversé les époques et les frontières jusqu’à la nôtre. La rivière bien nommée est l’occasion pour
Patrick Corillon de revisiter cette forme de narration. Il nous parle de la difficulté d’être vraiment de
son époque quand on est imprégné de tant d’histoires qui ont traversé le temps.
© Raoul Lhermitte
Laisse les choses se transformer d’elles-mêmes  ; ne les force pas. Tu es tourné vers le passé,
c’est comme ça. Tu ne peux rien y faire. C’est comme une tartine de confiture : soit elle tombe vers le
sol, soit vers la lumière. Toi, t’es tombé tourné vers le passé, vers tes racines. Mais si tu laisses faire
ta tartine, sans y toucher, tu verras qu’avec le temps, la confiture va traverser la mie. Sans que tu
fasses quoi que ce soit, elle va remonter à la surface. Ta tartine restera toujours collée au passé, mais
elle pourra tourner les yeux vers le futur.
CREATION 2010
:
le CORRIDOR (Liège) / avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne
TOURNEE
:
Galerie in Situ/Fabienne Leclerc, Paris (janvier 2011) – Le Carré, Scène nationale de Chateau Gontier (mai
2011) – Theater aan het Vrijthof, Maastricht (mai 2011) – Chateau du Pont d'Oye, Habay la Neuve, dans le
cadre du Festival des arts du Pont d'Oye (juin 2011) – Théâtre de la Bastille, Paris, dans le cadre du Festival
Hors-série (février 2012) – Musée de la tapisserie, Tournai (avril 2012) – Kulturhaus Niederanven,
Luxembourg, dans le cadre du Fundamental Monodrama Festival (juin 2012) – tournée CCAS, territoire des
Deux Savoies (août 2012) – Festival Bonus du Théâtre de Poche, Hédé (août 2012) – Institut français de
Timisoara, Roumanie (mai 2013) – Centre culturel de Manage (mai 2013) – tournée CCAS, régions AudePyrénées orientales et Midi-Pyrénées (août 2013) – Marché du livre de Mariemont (octobre 2013) –
Journée du livre dans les arts vivants, Liège (mars 2014) – Fundamental Monodrama Festival,
Luxembourg (juin 2014) - Festival Grand Parc, MC2a Bordeaux (juillet 2014)
Le benshi d’Angers – 60 minutes et des poussières
À la manière des benshi* — conteurs japonais qui commentaient les films à l’époque du cinéma muet—
Patrick Corillon projette et commente les pages d’un livre qu’il a lui-même dessiné. Il conte ainsi une
histoire intime ponctuée de souvenirs de famille et de légendes lointaines invitant le spectateur à un
voyage poétique et graphique. Le passage du livre à l'écran se fait grâce aux techniques informatiques
les plus contemporaines (images animées interactives), et cherche à donner à son récit le même esprit
d'inquiétante étrangeté qui hantait les premières séances de lanternes magiques ou de cinéma muet.
*Au temps du cinéma muet au Japon, les benshi commentaient les films et jouaient les dialogues des acteurs pour
un public largement analphabète (et donc incapable de lire les intertitres). Sans trop se soucier de suivre le
scénario original, les textes étaient souvent improvisés par les benshi. À partir d'un même film, le benshi pouvait,
au gré des séances et selon son humeur, raconter une histoire très différente. Certains d'entre eux étaient très
populaires et souvent plus connus que les réalisateurs ou acteurs des films qu'ils commentaient. Il existe encore
quelques rares benshi en activité de nos jours.
© Yves Gabriel
C’est un fil bien résistant que vous avez là. Un fil qui serait bien capable de vous retenir audessus du vide. Mais je ne crois pas qu’il contienne la moindre histoire. Regardez comme il tremble. Il
n’y a pas un gramme de vent et il tremble. Il est tout entier dans son tremblement.
— Mais qu’est-ce que cela veut dire?
— Que vous vous êtes retrouvé dans son tremblement. Rien de plus.
CREATION 2011
:
le CORRIDOR (Liège) / coproduction le Fresnoy – Studio national des arts contemporains (Tourcoing)
TOURNEE
:
Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, Tourcoing (juin 2011) – Fondation Cartier, Paris, dans
le cadre des Soirées Nomades (novembre 2011) – Printemps de Septembre, Toulouse (septembre 2012) –
Château d'Angers, devant la tenture de l'apocalypse (novembre 2012) – Centre culturel de Marchin (février
2013) – Centre Wallonie-Bruxelles, Paris (mars 2013) – Musée d'Art moderne et contemporain,
Strasbourg (mai 2013) – Théâtre de Liège (octobre 2013) - Fundamental Monodrama Festival,
Luxembourg (juin 2014) – Midis du théâtre BOZAR Bruxelles (décembre 2014) - Théâtre Agora, SN d’Evry
et de l’Essonne (janvier 2015)
L’ermite ornemental – 60 minutes pour ne rien dire
Après avoir découvert une exposition de sculptures de Richard Serra, le narrateur est tellement touché
par la pureté de ce qu’il vient de voir que, pour rester sous le charme, il décide de ne plus parler jusqu’à
ce que le souvenir des œuvres s’estompe en lui. Mais l’envoûtement dure beaucoup plus longtemps que
prévu et, pour pouvoir mener une vie économiquement et socialement acceptable tout en ne
prononçant plus le moindre mot, il se voit contraint de proposer ses services comme ermite
ornemental dans un parc. Commence alors pour le narrateur une série d’aventures qui ne pourront
que l’amener à tourner en rond, mais en produisant à chaque fois des cercles un peu plus larges,
jusqu’à l’entraîner autour du monde…
Même si je pouvais toujours m’habiller comme
bon me semble durant mon séjour, il n’était plus
question de me couper les cheveux, ni la barbe, ni
les ongles des pieds et des mains. Aucun contact
avec quiconque ne m’était autorisé. Pour que mes
réflexions ne sortent pas de moi, il m’était interdit
d’écrire, sauf des demandes précises qui ne
seraient adressées qu’au château; je ne pouvais
pas lire non plus, excepté les consignes qui me
seraient déposées dans ma remise. La seule
distraction tolérée était de dessiner les fleurs et
les arbres du jardin.
© Yves Gabriel
CREATION 2012
:
le CORRIDOR (Liège) / avec l'aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Service pluridisciplinaire et
intersectoriel de la Culture et de la Région Wallonne
TOURNEE
:
MUDAM, Luxembourg (décembre 2012) – Halles de Schaerbeek, dans le cadre du Festival TROUBLE (avril
2013) – Théâtre de Liège (octobre 2013) - Fundamental Monodrama Festival, Luxembourg (juin 2014)
L’appartement à trous – 60 minutes pour parler toutes les langues
Sur une table aux multiples tiroirs, Patrick Corillon redonne vie à des cahiers de dessins comme le
faisait Ossip Mandelstam quand il racontait des histoires aux compagnons qui partageaient sa cellule
de prison. Les dessins de personnages et de paysages accompagnaient les histoires qu'ils se racontaient
pour garder espoir. S'il est bien connu que les histoires peuvent nous sauver, y parviennent-elles parce
qu'elles ont le pouvoir de nous emmener hors du monde, ou au contraire parce qu'elles nous donnent
la force de nous confronter aux réalités les plus dures ?
©Bohumil Kostohryz
Je suis soumis à tout ce qui m’arrive, soumis à tout ce qu’on me raconte, soumis aux
événements historiques. Je ne le suis pas devenu. Je l’ai toujours été. J’ai toujours cru en la parole
d’autrui. C’est ma grand’mère qui me l’a enseigné. Toujours croire ce que les autres nous disent. «Tu
dois faire comme les chats, répétait-elle. Un chat ça écoute ce qu’on lui dit, ça ne juge pas, ça
ronronne et ça mène sa vie intérieure. Et puis, d’un autre côté, quand toi tu auras quelque chose à
dire, quelque chose qui te tiendra particulièrement à cœur, tu le diras à ton chat. Il t’écoutera sans
ciller puis il emportera tous tes mots dans sa vie intérieure. C’est comme si tu plaçais tes mots à la
banque. À la différence près qu’une fois déposés, tu ne pourras plus les reprendre; ils fructifieront
dans la vie du chat à un taux que tu ne connais pas. Et quand ton chat mourra, tu l’enterreras, et des
fleurs ou des mauvaises herbes lui pousseront dessus. »
CREATION 2013
:
le CORRIDOR (Liège)/ coproduction Fundamental Monodrama Festival (Luxembourg)
TOURNEE
:
Fundamental Monodrama Festival, Luxembourg (juin 2013) – Laboratoires d'Aubervilliers, Paris
(juillet 2013) – Festival d’Avignon off, en appartement (juillet 2013) - au CORRIDOR, Liège (octobre 2013) –
Marché du livre de Mariemont (octobre 2013) – Festival international Géo Condé de la marionnette,
Frouard (avril 2014) – Fundamental Monodrama Festival, Luxembourg (juin 2014) - Festival Grand
Parc, MC2a Bordeaux (juillet 2014) - Festival de l’Arpenteur, Grenoble (juillet 2014) – Théâtre Agora, SN
d’Evry et de l’Essonne (décembre 2014)
La quadrilogie :
quatre spectacles, quatre expositions, quatre livres
Patrick Corillon propose ces quatre spectacles de petites formes accompagnés de quatre expositions et
quatre livres d’artistes qui complètent les interventions d’art vivant. Ces prolongements peuvent faire
l’objet de nombreuses rencontres avec le public dans des lieux aussi divers que des musées, des
bibliothèques, des écoles, des théâtres, des appartements.
Expositions, performances et livres se croisent, dialoguent entre eux sans pour autant perdre leur
spécificité propre. Les histoires, les objets et les objets varient. Chaque chose peut se voir, se lire de
façon indépendante.
Si le livre est pour le spectateur, une façon, de garder trace du spectacle ou de prolonger le récit
lorsqu’il rentre chez lui, l’exposition est un moyen d’entrer de façon plus profonde dans l’univers de
Patrick Corillon, elle peut précéder ou prolonger le temps de la représentation puisque qu’elle s’inscrit
dans la durée.
Les quatre expositions
Les objets exposés sont présentés comme autant de vestiges, traces, outils, ayant appartenu, étant
utilisés et/ou fabriqués par les protagonistes des histoires inventées par Patrick Corillon. Ils sont
exposés, présentés comme des objets d’art et de tradition populaire : nous entrons dans une
archéologie de l’imaginaire. Ils peuvent prendre la forme de livres, masques, marionnettes,
photographies, tableaux, maquettes, cartes de géographie, chansons, etc. Dans l’exposition de ce
folklore, l’imaginaire et la réalité se confondent. Il y a toujours un doute : peut-être ces histoires ou ces
objets ont-ils réellement existé; peut-être pas. C'est dans la complicité de cette incertitude et des
questions amusantes qui en découlent que se crée le lien avec le visiteur/spectateur/lecteur.
Les quatre livres
Les livres créés par Patrick Corillon, comme les spectacles, adoptent des formes narratives insolites. Le
récit se développe à la façon d’une spirale, partant de faits intimes pour déboucher progressivement
sur le monde. Les séquences s’emboîtent les unes dans les autres. Peu à peu se révèlent les secrets qui
permettent de décrypter l’architecture symbolique du propos. La mise en page, les différents papiers,
pliages et principes de couture artisanale sont emblématiques des circonvolutions des récits. Plusieurs
histoires se font écho, comme dans une mise en abyme.
La biographie
Patrick Corillon vit et travaille à Paris et à Liège; il est représenté par la Galerie In Situ (Paris). Il a
exposé à la Documenta IX en 1992, à la Biennale de Sao-Paulo en 1994, de Lyon en 1995, de Sydney en
2002 et de Bruxelles en 2008.
Son travail a été montré dans les musées comme la Tate Gallery, le Royal College of Art à Londres, le
Centre Georges Pompidou à Paris, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles et de Charleroi en Belgique, la
Fondation De Appel et Witte de Witt au Pays-Bas, la Fondation Gulbenkian à Lisbonne, etc ainsi que
dans les galeries suivantes : la galerie des Archives (Paris), Marconi (Milan), Massimo Minini
(Brescia), Albert Baronian (Bruxelles), Modulo (Lisbonne), Produtzenten (Hambourg), Yvon Lambert
(Paris), Tania Rumpff (Haarlem).
Il a réalisé des commandes publiques pour : la Manufacture des Gobelins, le Palais Royal de Belgique,
le Tramway de Paris et celui de Nantes, la place Goldoni à Paris, le Parlement Bruxellois, le Ministère
de l’Éducation de la Communauté Flamande, le Métro de Toulouse, la Collégiale Sainte-Waudru à
Mons, les Villes de Sittard, Maastricht et Amstelveen au Pays-Bas, l’Université de Metz, le Théâtre des
Abesses à Paris, le Théâtre de Liège, etc. Des projets spécifiques pour la Fondation Cartier, Nina Ricci,
Kenzo, Novotel, Coca-Cola, Fondation Miro, etc.
Ses œuvres sont dans les collections publiques du Centre Pompidou, du FNAC, de la Caisse des Dépôts
et Consignations, des FRAC Pays de Loire, PACA, Bourgogne, Languedoc-Roussillon, Limousin,
Alsace, Picardie... en France; des Musées d’Art Contemporain d’Anvers, de Gand, d’Ixelles, de la
Communauté Française... en Belgique.
Depuis 2006, Patrick Corillon est artiste associé de la maison de production le
CORRIDOR
et y
développe des spectacles d’art vivant où le livre, la manipulation d’objets et la musique ont toujours
une place importante : son projet le Diable abandonné a pris la forme de trois livres, publiés aux
Éditions MeMo (Nantes), et de trois spectacles. Une création musicale et plastique Oskar Serti va au
Concert a été créée au Klangforum à la Konzerthaus de Vienne. Les aveugles, un opéra hybride autour
du texte de Maeterlinck a été créé par Patrick Corillon et le jeune compositeur Daan Janssens à la
demande de LOD à Gand. En 2010-2011, il a été artiste invité au Fresnoy. Ces trois dernières années, il
crée les vies en soi un projet de quatre performances en solitaire destinées tant au théâtre qu’aux
musées et aux bibliothèques: la rivière bien nommée (60 minutes pour être de son temps), le benshi
d’Angers (60 minutes et des poussières), l’ermite ornemental (60 minutes pour ne rien dire) et
l’appartement à trous (60 minutes pour parler toutes les langues).
A propos de l’œuvre de Patrick Corillon
Conteur et troubadour des temps modernes, Patrick Corillon a des affinités avec Borges et le poète
portugais Fernando Pessoa qui n'a eu de cesse de propager des personnages fictifs, des amis, des
connaissances, engendrés par le texte, en leur construisant des vies propres et en entretenant avec
eux d'étroites relations. « ... Je me souviens d'avoir construit mentalement apparence extérieure,
comportement, caractère et histoire — plusieurs personnages imaginaires qui étaient pour moi aussi
visibles et qui m'appartenaient autant que les choses nées de ce que nous appelons, parfois
abusivement, la vie réelle. » 1
Ainsi Patrick Corillon a lui-même créé une dizaine de personnages qui évoluent d'exposition en
exposition à travers d'infimes bribes de leurs biographies. A l'origine, il ne dévoilait pas leur identité,
c'était au spectateur de compléter leurs initiales en imaginant un nom propre. Depuis 1988, l'artiste
bouleverse les données en sortant d'emblée de l'anonymat des personnages fictifs d'une autre époque,
aux noms à consonance étrangère : Oskar Serti, écrivain hongrois, né en 1881 et mort en 1959, le
professeur Wierzel, scientifique, Marina Morovna, poète… À l'instar d'un grand reporter, Patrick
Corillon joue sur la figure de l'artiste qui voyage pour réaliser des expositions et relate des épisodes
de situations aventureuses propres à chacun des personnages invités. Image de l'art comme
aventure, comme risque. Référence aux mondes que l'on se crée dans l'enfance.
Mais pourquoi convoquer la fiction dans cette architecture de jeux de rôles ? Peut-être d'abord
comme moyen de réagir à /in situ, en maintenant le spectateur dans un suspens à la Hitchcock.
Impossible de présager de la suite. D'étape en étape, les personnages rebondissent et connaissent des
rôles différents, pouvant être abordés à n'importe quel moment ou endroit, comme dans les séries
TV, les bandes dessinées d'Hergé dont les héros n'imposent aucune lecture chronologique. Métaphore
non sans saveur de l'œuvre. Une œuvre qui, à l'opposé des stratégies du monde d'aujourd'hui, ne se
dévoile que progressivement, pudiquement, sans livrer la moindre image. Une oeuvre ouverte, au
sens qu'Umberto Eco donne à ce mot, une oeuvre qui n'en finit pas, un hypertexte qui s'ouvre à
l'infini. Mais une oeuvre à côté de laquelle on peut passer sans la voir tant elle se fond dans le
contexte où elle apparaît et où la lecture, le texte, devient le code d'accès obligatoire à son apparition
Plaques émaillées, bornes, tableaux d'information, cartels… Patrick Corillon investit l'écriture
standard propre à ces lieux. Un style administratif, officiel, scientifique, celui de l'étude des
comportements et émettant des hypothèses, celui qui enregistre la mémoire du monde et la
commémore. C'est une manière contemporaine et juste d'envisager le lieu. Le lieu comme fiction de
tous les possibles avec un ancrage dans la réalité. Une attitude qui prend sa source dans l'art
conceptuel nonobstant l'analyse sociologique ou le statement, en réintroduisant un aspect jubilatoire.
Loin d'être des canulars ou des supercheries destinés à déstabiliser, les anecdotes, les moments les
plus insignifiants de la vie quotidienne des différents personnages que livre Patrick Corillon
s'ancrent toujours dans les lieux où ils prennent naissance. La fiction est pour l'artiste un postulat de
la réalité, non une fuite du réel mais une stratégie pour s'en approcher au plus près. Une méthode
d'investigation.
« Le langage possède et est possédé » 2, note Georges Steiner, par la dynamique de la fiction. Parler,
que ce soit à soi-même ou à autrui, c'est, au sens le plus immédiat et le plus rigoureux de cette
banalité insondable, inventer, et réinventer l'être et le monde. Une vérité formulée est d'un point de
vue ontologique et logique, « une fiction vraie », l'étymologie de « fictio » nous renvoyant tout de
suite à «création 2 ». Chaque texte, comme chaque langue ou forme de langage parle du monde à sa
façon. Patrick Corillon rappelle qu'il n'y pas de langage sans fiction, comme il n'y pas de perception
sans langage. Les mots permettent de révéler le monde, de l'organiser, de le faire exister, de le voir.
Une mise à distance du réel comme le sont ses personnages, intermédiaires qui agissent non à sa
place mais comme « loupe » sur la réalité, comme il le dit lui-même. Des points de vue. La fiction
comme oeuvre et l'oeuvre comme fiction est un chemin pour se rapprocher, pour parler du réel ou de
la fiction devenue réalité. Pouvoir passer de l'un à l'autre, de la deuxième à la troisième dimension
comme chez Mary Poppins. Patrick Corillon renvoie mine de rien le spectateur à son rôle actif de
lecteur de l'art contemporain depuis Duchamp. Celui d'acteur qui donne vie à l'œuvre. Le texte est
envisagé, à l'instar d'une salle de cinéma ou de théâtre, comme un dispositif immédiat pour rentrer
vierge et disponible dans l'histoire. À l'inverse du mouvement du monde contemporain qui déverse
une suite infinie d'images célibataires et précaires, des images péremptoires, Patrick Corillon
formule à chaque fois un écran d'images mentales pour tout un chacun avec ses anecdotes. Rendre
visible l'invisible, faire son propre cinéma, voilà ce à quoi l'artiste nous convoque. Mais à qui sait lire,
à qui sait voir. A suivre…
Jérôme Sans
1 Fernando Pessoa, Sur les Hétéronymes, éditions Unes, Le Muy, page 23.
2 Georges Steiner, Réelles Présences, éditions Gallimard, 1989, Paris, page 80.