La Gruyere - Judo Club Romont
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La Gruyere - Judo Club Romont
11 Sports La Gruyère No 88 / Samedi 28 juillet 2012 / www.lagruyere.ch Sous contrôle, mais avec le sourire La ville semble couler des jours heureux. Les gens se font prendre en photo devant le Tower bridge avec un sourire figé et les deux pouces en l’air, les immenses panneaux publicitaires vous agressent les yeux, les Anglais sont à l’apéro. Bref, tout ce qui a de plus normal sous le soleil londonien. Tout est tellement calme et serein qu’on a de la peine à croire que les jeux Olympiques ont commencé. Les centaines de militaires appelés en urgence d’Afghanistan sont bien là. A la sortie des métros, sur la Tamise, devant les monuments historiques: les policiers londoniens et les militaires sont partout. Mais ils semblent si décontractés et si aimables (photo) que cette lourde présence n’affecte en rien la bonne humeur ambiante. La sécurité et la peur n’ont, semble-t-il, pas encore pris le dessus sur la joie d’organiser des jeux Olympiques. Une trentaine de supporters sont venus soutenir Ludovic Chammartin à Londres. Parmi eux, de gauche à droite, son ancien partenaire d’entraînement Yoshiyuki Hirano, son amie Yasumi Katanishi, sa maman Arlette et son entraîneur Joël Grandjean. VALENTIN CASTELLA La colonie romontoise prête à s’enflammer JUDO. Ludovic Chammartin foule ce matin le tatami olympique. EN FAMILLE. Une trentaine de supporters ont fait le déplacement pour le soutenir. CONFIDENCES. Rencon- tre avec cette petite colonie aux abords de la Maison de la Suisse, à Londres. VALENTIN CASTELLA Londres et ses 7,5 millions d’habitants, sa tour, ses châteaux, ses ponts décorés aux couleurs olympiques... Depuis hier, la capitale britannique est devenue celle du monde. Les rues sont habillées par une foule provenant de tous les horizons… Même de la Glâne! Car, désormais, les métros et les célèbres bus rouges à deux étages sont empruntés par une colonie aux T-shirts noirs décorés d’une photo de Ludovic Chammartin. Ce sont les fidèles compagnons de route du Romontois, qui combat ce matin face au Sud-Coréen Gwang-Hyeon Choi (voir ci-contre). Dans l’immense ferveur qui anime les rues londoniennes, le poids léger glânois se retrouvera pourtant seul face à son destin. Seul, mais soutenu par toute une région et une trentaine de supporters qui ont fait le déplacement. Il le dit lui-même: sans aide, rien n’aurait été possible. Car une participation aux Jeux ne s’acquiert pas en une seule saison. C’est au prix d’immenses sacrifices que Ludovic Chammartin est parvenu à devenir le judoka qu’il est désormais. Parmi les supporters présents aujourd’hui à Londres figurent d’ailleurs plusieurs complices qui ont eu une incidence directe sur le destin du judoka. Leur présence dans les gradins de la salle ExCeL sonnera comme une finalité, un immense sentiment du devoir accompli. Lorsque sa maman Arlette a emmené le petit Ludo pour la première fois au dojo de Romont, l’entraîneur Joël Grandjean était présent: «Il avait 7 ans et il était très petit, bien plus léger que tous ses adversaires. Mais on voyait qu’il était bourré de talent.» Pittet et Hirano en mentors Bien protégé et encadré par la politique des «petits pas» chère au JC Romont, Ludovic Chammartin s’est fait un nom en Suisse avant de tenter sa chance au niveau international. Ses mentors de l’époque étaient alors deux judokas: Yoshiyuki Hirano et Sébastien Pittet. Ce dernier a été le premier du club à s’investir totalement pour son sport. Il lui a ouvert les portes et donné quelques clés pour s’illustrer hors des frontières. D’ailleurs, Ludovic Chammartin le surnomme «Sempaï» (qui signifie celui qui a commencé avant vous en japonais). «Lors des nombreux entraînements en commun, Ludo était mon kohai (n.d.l.r.: le jeune élève), sourit Sébastien Pittet. Au début, je lui apprenais des gestes techniques. Mais il avait une telle facilité que la situation s’est rapidement inversée (rires).» «C’est incroyable» Durant cette période de l’adolescence, le Romontois a également pu compter sur la rigueur de Yoshiyuki Hirano. «Nous nous entraînions tout le temps, se souvient le Japonais. Le matin avant qu’il aille travailler, à midi, le soir. A cette époque, jamais je n’aurais imaginé que je le verrais participer aux Jeux. C’est incroyable.» Malgré son talent, sa quête de reconnaissance internationale ne s’est pas faite sans mal, surtout sur le plan financier. «Ça a toujours été un souci pour lui, confie son ami et camarade de club Emmanuel Bussard. Il était parfois très démoralisé.» Pour le soutenir, Joël Grandjean a alors offert ses services: «Il y a quatre ans, je me suis engagé à lui trouver des sponsors pour qu’il puisse totalement s’investir dans le judo. Cela n’a pas été évident de couvrir un budget de 60000 francs. Mais nous avons réussi.» Cette année, le boulanger a même créé un pain spécial en sa faveur: «Chaque vente lui rapportait un franc. Au final, il a reçu 3000 francs. Ce n’est peut-être pas grand-chose. Mais, dans son cas, c’est déjà beaucoup.» «Peu sûr de lui» Très sensible selon sa maman, Ludovic Chammartin a parfois pensé abandonner. Notamment après sa non-qualification pour les JO de Pékin, en 2008. «Il est très peu sûr de lui, reprend Emmanuel Bussard. Il doute souvent quand il ne réussit pas un bon résultat.» C’est d’ailleurs durant cette période de doute que Joël Grandjean lui avait garanti qu’il allait s’occuper de tout, que le judoka n’aurait qu’à se concentrer sur les Jeux de Londres. Ludovic Chammartin avait alors changé d’avis pour continuer l’aventure. Bien lui en a pris. Aujourd’hui, il va enfin récolter les fruits de son travail et récompenser ainsi tous ses fidèles compagnons, qui semblent tellement heureux de voir leur protégé participer à la plus grande compétition du monde. «Je me souviens de sa première médaille d’or, sourit sa maman Arlette. Il avait 7 ans et il avait gagné un concours interne à Romont. J’étais tellement fière de lui. Penser maintenant qu’il est aux Jeux est quelque chose de complètement fou.» ■ Quel enthousiasme! Ce matin à Londres, ils seront une bonne trentaine à investir la salle ExCeL pour soutenir Ludovic Chammartin. La petite colonie a débarqué sur les rives de la Tamise par plusieurs moyens: par avion, bien sûr, mais également en… camping-car! En effet, quatre supporters de la première heure, dont Emmanuel Bussard et Sébastien Pittet, ont installé leur maison sur roulettes au milieu de la ville, non loin d’une église transformée en campement lors des jeux Olympiques. Etrange endroit, mais très pratique. Les Glânois auront tout loisir de stocker l’attirail indispensable à tout bon supporter helvétique. Cloches, banderoles, T-shirts: tout est déjà prêt pour vivre intensément ces émotions qu’ils ne vont peut-être plus jamais ressentir. Quelques minutes à les écouter parler de cet événement à venir suffisent d’ailleurs pour prendre conscience de la joie qu’ils ressentent lorsqu’ils imaginent leur protégé pénétrer sur le tatami. Un enthousiasme communicatif capable de convaincre même les plus allergiques au sport de compétition. VAC Le style avant tout C’est drôle parce que, à Londres, on s’aperçoit tout de suite si la personne en face de vous est un touriste ou non. Surtout durant la période des Jeux où il existe trois catégories d’humains. Il y a d’abord les supporters, qui assument totalement le fait d’être déguisés. A l’image de cette famille hollandaise, habillée de la tête aux pieds en orange, du père jusqu’à la petite fille. Ensuite, il y a les personnes qui ont un lien avec les Jeux. Les entraîneurs, les accompagnants, les journalistes. Tous sont ornés d’un badge et tous semblent stressés dans leurs petits polos multicolores. Et puis, il y a les Londoniens. Il est aisé de les reconnaître: ce sont ceux qui sont bien habillés. Olympiades ou pas, les citoyens de la capitale de la mode ne vont pas abandonner leurs excentricités qui deviendront des classiques l’été suivant. A Londres, on veut bien accueillir tous ces visiteurs mal fagotés et se montrer enthousiaste par rapport aux Jeux. Mais faut pas exagérer tout de même: il faut garder le style. Fiers malgré tout Ces derniers jours, il était beaucoup question de sécurité et de transports dans les rues londoniennes. Avec trois millions de déplacements supplémentaires durant les deux prochaines semaines, il est certain que les embouteillages seront au rendezvous. Mais, comme le dit un Londonien croisé dans la rue: «Londres est une ville de toute manière embouteillée.» Un autre habitant poursuit: «Bien sûr, ces Jeux ont coûté très cher et il y a des choses étonnantes, comme ces missiles placés sur le toit d’un immeuble, dans l’est de la ville. Mais, malgré tout, nous sommes très fiers d’accueillir les Jeux. Tout le monde va se regrouper à Hyde Park (n.d.l.r.: une immense place de fête avec écrans géants a été mise sur pied). Nous vivrons de grands moments tous ensemble.» VAC LES JEUX EN CHIFFRES 13,8 milliards: le coût total en francs suisses des Jeux. 4,8 milliards: le nombre de téléspectateurs attendus durant ces joutes retransmises dans plus de 200 pays. 40,8 millions: le prix en francs suisses d’une cérémonie d’ouverture grandiose. 1 million: le nombre de personnes supplémentaires qui vont utiliser les transports publics. 1 million: les demandes de tickets pour la finale du 100 mètres reçues par les organisateurs. 10500: le nombre d’athlètes, dont 102 Suisses. 246 hectares: la grandeur du parc olympique (soit 357 terrains de football). VAC Un gros poisson coréen pour Ludo Ludovic Chammartin (27 ans) espérait hériter d’un adversaire à sa portée ce matin lors du premier tour du tableau de la catégorie des – 60 kg. La chance n’a pas vraiment souri au judoka de Romont, jeudi, lors du tirage au sort. Il sera confronté au Sud-Coréen Gwang-Hyeon Choi. Agé de 26 ans, cet adversaire a été sacré deux fois champion d’Asie, en 2011 et en 2012. A son palmarès, il faut ajouter trois succès en Coupe du monde (en 2009 à Budapest, en Corée en 2010 et en 2012 à Prague), un titre de champion du monde militaire à Rio (2011) et une cinquième place aux derniers championnats, en août 2011 à Paris. Ce sera la deuxième fois que les deux athlètes se retrouveront face à face. En 2009 à Budapest, le Sud-Coréen s’était imposé. VAC