Paris le 13 mars 2007 CONGRES LIDC 2007 CATANE L`accès
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Paris le 13 mars 2007 CONGRES LIDC 2007 CATANE L`accès
Paris le 13 mars 2007 CONGRES LIDC 2007 CATANE L’accès obligatoire à la propriété intellectuelle et aux facilités de réseau « La doctrine des facilités essentielles appliquée aux droits de propriété intellectuelle et monopoles physiques » Question posée Dans quelle mesure et par quels moyens les droits de la propriété intellectuelle devraient-ils être sujet à une licence obligatoire au regard du droit de la concurrence ? (1) Ceci devrait-il être exigé? Si oui: (2) Si la réponse est différente: (a) selon le type de droit de propriété intellectuelle en cause? (b) où le droit de propriété intellectuelle n’a pas de protection légale (ex, savoirfaire)? (3) Devrait-on traiter différemment les monopoles conférés par le droit (IP) et les monopoles physiques (ex, réseaux de ports et d’infrastructure)? (4) Devrait-on faire une différence si: a. il y a eu un historique de licence, accès ou autre relation entre les parties concernées? b. le développement d’un nouveau produit est impliqué par la partie qui recherche l’accès, et, si cela est le cas, que constitue un « nouveau produit » ? c. le droit/facilité représente un réel investissement d’argent, de recherche, ou tout autre effort par le détenteur du droit? d. le droit représente essentiellement un produit dérivé d’une opération commerciale normale par le détenteur du droit? e. la partie refusant accès n’est pas un concurrent intégré verticalement dans le(s) marché(s) où le droit doit être utilisé? 2 (5) f. la partie refusant accès est un pool de droits de propriété intellectuelle plutôt qu’une entreprise unique? g. la partie refusant accès a bénéficié de ressources de l’Etat en créant son marché actuel ou sa position droit de propriété intellectuelle? h. la partie demandant accès a eu une opportunité plus tôt pour investir dans le droit/facilité avant que celui-ci ait rencontré du succès? i. la partie recherchant accès a une alternative exploitable disponible, mais qui est plus chère et/ou avec une technologie inférieure et par conséquent, est significativement moins rentable? j. s’il peut être donné du temps et de l’investissement pour la partie recherchant accès à créer sa propre solution alternative exploitable, mais ceci est-il risqué et la période de temps pour y arriver pourrait-elle être longue? k. la partie refusant accès n’est pas autrement en abus (dans le sens établi) de position dominante? Si les conditions pour la licence obligatoire sont réunies, comment les termes d’accès doivent-ils être déterminés? Cela fait partie du rôle d’une autorité de contrôle ou d’une juridiction de faire cela? Est-ce que tous les candidats doivent avoir une licence, ou un nombre limité, et selon quels principes? 3 RAPPORT NATIONAL FRANÇAIS présenté au nom de l’Association Française d’études de la concurrence (AFEC) par un groupe de travail 1 ad hoc Dans quelle mesure et par quels moyens les droits de la propriété intellectuelle devraient-ils être sujet à une licence obligatoire au regard du droit de la concurrence ? Rappelons que la notion de facilité ou d’infrastructure essentielle est issue d’une théorie économique américaine, appliquée pour la première fois par la Cour Suprême des Etats-Unis en 1912 dans la décision United States vs Terminal Railroad. C’est à cette occasion qu’a été dégagé en droit de la concurrence le principe selon lequel une entreprise en position dominante, détenant une infrastructure non duplicable à des conditions raisonnables et dont l’accès est indispensable pour les entreprises opérant sur un marché aval (ou amont) afin de concurrencer l’entreprise détentrice de l’infrastructure, doit permettre l’accès à cette dernière sur une base équitable et non discriminatoire. Cette théorie a initialement été appliquée par la jurisprudence communautaire dans l’arrêt Sea Container contre Sealink (Décision 94/19/CE de la Commission du 21 décembre 1993). En France, la première application de cette notion par le Conseil de la concurrence remonte à 1990 dans une décision relative au monopole d’acheminement aux aéronefs et de stockage du carburéacteur sur les aéroports de Roissy et d’Orly.2 C’est dans sa décision Héli-Inter assistance que le Conseil de la concurrence a précisé les critères de cette notion et utilisé pour la première fois la qualification d’ « infrastructure essentielle »3. L’application de la théorie des facilités essentielles au droit de propriété intellectuelle a été consacrée par la Cour dans son arrêt Magill4, qui sanctionne au titre de l’abus de position dominante, le refus par des chaînes de télévision britanniques de communiquer leurs grilles de programmes à la société Magill TV Guide Lt qui souhaitait créer un guide hebdomadaire réunissant l’ensemble des programmes de ces chaînes. La Cour a considéré que ces grilles de programmes constituaient une facilité essentielle, malgré les droits d’auteur que revendiquaient les chaînes de télévision sur ces grilles. Depuis, la jurisprudence française a pu reconnaître comme étant des facilités essentielles : la liste des abonnés du téléphone, constituant une base de données (arrêt CA Paris du 29/06/99 1 Le présent rapport a été établi sur la base des discussions d’un groupe de travail réunissant des avocats et un conseil en propriété intellectuelle, dont la liste figure in fine. Il constitue une synthèse de points de vue parfois contrastés, en vue d’établir un consensus commun, et ne saurait, en tant que tel lier individuellement les participants à ce travail collectif, 2 Décision n°90-D-22 du 26 juin 1990, 3 Décision 96-D-51 Héli-Inter assistance, 4 CJCE, 6 avril 1995, RTE et ITP / Commission, Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, 4 confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 04/12/01) ; des données publiques protégées notamment par le droit « sui generis », des bases de données (répertoire des entreprises SIRENE / arrêt du Conseil d’Etat 02/04/03 Sté Cogedim ) ; les cartes marines (avis du Conseil 97-A-10 du 25/02/1997).5 L’application de cette théorie doit rester exceptionnelle et à ce titre, plusieurs conditions sont régulièrement rappelées par la jurisprudence et la doctrine :6 Les critères ainsi fixés par la jurisprudence Magill sont encore aujourd’hui ceux appliqués dans la jurisprudence communautaire comme dans la jurisprudence française, largement inspirée par les décisions européennes. Leurs modalités d’application ont cependant parfois varié d’intensité et certains critères se sont révélés plus ou moins privilégiés par les autorités de concurrence, qu’elles soient américaines, communautaires ou nationales et fondent désormais l’octroi de licences obligatoires de droits de propriété intellectuelle. La jurisprudence s’est ainsi affinée et enrichie, de sorte que de nouveaux critères ont pu être avancés par la doctrine et même parfois clairement repris par les autorités de concurrence. Est notamment relevée l’importance des relations antérieurement entretenues par le détenteur d’une facilité essentielle avec ses concurrents sur un second marché. En effet, le refus de fourniture pourrait être considéré d’autant plus grave qu’il présente également le caractère de rupture de relations économiques antérieures. Quelle importance est accordée en jurisprudence à l’historique de la relation entre le détenteur d’une licence de propriété intellectuelle et un ancien licencié ? Quel poids cette relation peutelle peser lorsque cet ancien licencié souhaite voir imposer une licence obligatoire au détenteur de la technologie ? Les réponses à ces questions encore émergentes n’apparaissent pas clairement dans la jurisprudence. Elles méritent néanmoins notre attention car l’influence américaine et communautaire pourrait bien peser sur les raisonnements des autorités françaises de concurrence. La jurisprudence Magill reste quant à elle largement appliquée par les autorités de concurrence françaises. Propre aux droits de propriété intellectuelle, elle rajoute notamment aux critères classiques dégagés pour qualifier une facilité essentielle, la condition de nouveauté du produit proposé par les concurrents cherchant à obtenir l’accès à des droits de propriété intellectuelle. La jurisprudence n’a cependant pas toujours prêté suffisamment attention à la démonstration du caractère nouveau du produit ou du service proposé. Mais le rappel récent du Conseil de la concurrence à ce sujet semblerait faire de ce caractère une condition impérative de l’octroi d’une licence obligatoire.7 Il faut aussi s’interroger sur ce qu’est un produit nouveau. Comment fixer les contours de cette notion ? La qualité de nouveauté n’apparaît en effet pas facile à déterminer selon des critères objectifs. 5 Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence §141, 6 Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence §142, 7 Décision 04-D-54 du 9 novembre 2004, Virgin Mega c/ Apple Computer France, 5 Enfin, un problème classiquement soulevé par l’application de la théorie des facilités essentielles se pose avec encore plus d’acuité en matière de licence obligatoire de droits de propriété intellectuelle. Quelle est l’influence des investissements tant en termes d’argent qu’en termes de recherches, effectués par le détenteur de ces droits intellectuels pour parvenir à la position dominante qu’il occupe sur le marché ? Peuvent-ils entrer en ligne de compte lors de l’analyse de la position dominante et par conséquent d’une éventuelle licence obligatoire ? Ces investissements peuvent-ils être retenus par les autorités de concurrence comme une « justification objective » permettant au détenteur d’une facilité essentielle de se soustraire à l’obligation d’en donner accès à ses concurrents ? Ces questions ne trouvent pas de réponse claire dans la jurisprudence ou dans la doctrine. Le concept de licence obligatoire n’est pas inconnu du droit français mais il demeure largement controversé. La jurisprudence reflète ainsi parfois les hésitations, mais surtout la prudence dont les autorités françaises de concurrence font preuve lorsqu’elles traitent cette question. (1) Ceci devrait-il être exigé? Le droit de la concurrence et les droits de propriété intellectuelle poursuivent des objectifs convergents, voire identiques. En effet, stimuler l’innovation (brevets) et la création (droit d’auteur), favoriser la concurrence par reconnaissance de la qualité des produits et services de l’entreprise (droit des marques) sont des finalités communes. Le droit de la concurrence, selon la conception qui prévaut désormais, vise à accroître le bienêtre du consommateur, notamment par l’innovation, et non à protéger le concurrent. Or les droits de propriété intellectuelle, en garantissant la récompense de l’investissement, de la recherche ou de la création, permettent aux entreprises d’offrir des biens et des services, souvent cruciaux pour le consommateur (médicaments, communications, etc…) en plus grande quantité et de meilleure qualité. Par ailleurs, une ambiguïté doit être dissipée : trop souvent, le droit de propriété intellectuelle est qualifié de « monopole ». Il semble qu’il s’agit d’un abus de langage : par elle-même la détention d’un droit de propriété intellectuelle ne confère aucun pouvoir de marché. Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle jouit d’un droit dit exclusif d’en autoriser ou d’en refuser l’exploitation. Pour autant, ce droit exclusif n’attribue pas, en soi, de puissance économique. Il est tout à fait courant que le produit objet du droit soit concurrencé par de nombreux autres produits. D’ailleurs, nul ne soutiendrait la thèse qui attribuerait à l’auteur d’une œuvre littéraire ou musicale un monopole sur un marché. Il est possible toutefois que dans certains cas – extrêmement limités d’ailleurs par rapport au nombre total de droits de propriété intellectuelle – le titulaire du droit détienne un pouvoir de marché, car le produit ou le service, utilisant ou exploitant le droit, détient lui-même une position dominante sur le marché. Dans un tel cas, la question est donc de savoir si le titulaire du droit de propriété intellectuelle peut être contraint de donner une licence à un concurrent ? La réponse de principe nous parait devoir être négative. 6 En d’autres termes, il nous semble qu’il n’y aurait pas d’abus à refuser d’accorder une licence à un concurrent ou un concurrent potentiel sur le marché du produit ou du service protégé par le droit, quand bien même ce produit ou ce service serait dominant, et ce même si la demande de licence était assortie d’une proposition de rémunération raisonnable. Le principe de base doit donc demeurer la liberté du titulaire du droit d’accorder ou de refuser des licences. La théorie dite des « facilités essentielles » ne devrait pas s’appliquer ici, et l’on retiendra que son application a été remise en cause aux Etats Unis en matière de droits de propriété intellectuelle.8 Il convient d’ajouter que l’imposition des licences obligatoires pourrait conduire les autorités de concurrence à s’immiscer dans la rémunération de l’utilisation du droit, ce qui excéderait leur pouvoir de régulation. Enfin, il peut s’avérer que des considérations d’intérêt général (politique de santé….) conduisent à considérer qu’il faille porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Si tel était le cas, ce serait au législateur de préciser les prérogatives des droits de propriété. De la même manière, les autorités de concurrence ne devraient pas pouvoir remettre en cause la validité d’un droit de propriété intellectuelle, au motif qu’elles estimeraient qu’il n’aurait pas dû être accordé . Le caractère licite du refus d’accorder des licences pour un titulaire de droit, fusse-t-il en position dominante, doit demeurer le principe fondamental. Si, dans des hypothèses exceptionnelles, ce refus était considéré comme abusif, les critères de l’abus devraient être définis avec la plus grande précision : Tout d’abord, une licence obligatoire d’un droit de propriété intellectuelle ne saurait intervenir que dans des « circonstances exceptionnelles ». Ensuite, elle ne pourrait pas être imposée au regard du marché même sur lequel est utilisé le droit (marché d’amont) mais seulement sur un marché dérivé ou secondaire (marché d’aval). Cette précision est essentielle, car imposer des licences sur le marché d’amont, c' est-à-dire celui pour lequel le droit a été accordé, reviendrait à priver le titulaire des prérogatives attachées à son droit de propriété intellectuelle sur le marché où il est actif. Par ailleurs, il faudrait que sur le marché dérivé le refus du titulaire du droit élimine ou empêche la concurrence de s’exercer. Ensuite, l’utilisation du droit devrait être objectivement « indispensable » au demandeur de licence pour exercer une activité sur le marché concerné. Enfin, et surtout, il faudrait que le concurrent potentiel sur le marché dérivé soit véritablement en mesure d’offrir un nouveau produit ou service pour lequel il existe une demande potentielle du consommateur. 8 Verizon Communications Inc. v. Trinko , 124 S. Ct. 872 (2004), 7 Ce critère du « produit nouveau » est essentiel : D’une part, il est indispensable compte tenu de l’atteinte infligée au droit de propriété intellectuelle. S’il n’est pas certain que la licence obligatoire apporte au consommateur un avantage substantiel et significatif, elle ne devrait en aucun cas être accordée. D’autre part, ce critère précis devrait conduire à écarter toutes les demandes de licences obligatoires reposant sur de simples allégations relatives au progrès économique ou à l’innovation. (2) La réponse doit-elle être différente : a) en fonction du droit de propriété intellectuelle dont s’agit ? b) dans le cas où le droit de propriété intellectuelle ne bénéficie d’aucune protection expresse (par exemple le savoir faire) ? L’octroi d’une licence obligatoire en droit de la concurrence est en réalité la conséquence de la sanction de l’abus par une société titulaire d’un droit de propriété intellectuelle de sa position dominante, cet abus consistant pour la société titulaire de permettre l’accès à tout ou partie de son droit ou du contenu couvert par ce droit à un tiers.9 Elle s’inscrit dans un contexte de marché, en ce sens où la société titulaire bénéficie d’une position particulière sur ce marché, et n’est pas directement justifiée par l’intérêt public même si une de ses justifications est cependant l’intérêt du consommateur puisqu’il s’agit au final de lui permettre d’avoir accès à un produit nouveau10, que seul l’octroi de la licence permettrait de développer. Les droits de propriété intellectuelle réservent tous à leur titulaire l’usage et le droit de disposer d’un bien donné et donnent ainsi la possibilité à leur propriétaire d’en refuser l’accès à un tiers. Tel est l’effet de l’exercice des droits de propriété intellectuelle, la légitimité de cet exercice étant reconnue en droit de la concurrence.11 Développer dans ce contexte des licences obligatoires par la voie prétorienne pour favoriser des intérêts au premier chef privés, ne peut donc se justifier que de manière très exceptionnelle. Les droits de propriété intellectuelle obéissent cependant à des fonctions et à des finalités différentes selon le droit concerné, qui rendent dans certains cas difficile d’application la notion de licence obligatoire telle que l’entend le droit de la concurrence (1). On peut d’ailleurs s’interroger sur le point de savoir si la notion de licence obligatoire en droit de la concurrence correspond à la notion de licence obligatoire en droit de la propriété 9 CJCE, 6 avril 1995, RTE et ITP / Commission, Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, 10 CJCE, 6 avril 1995, RTE et ITP / Commission, Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, 11 Voir par exemple CJCE, 5 octobre 1998, Affaire n°238/87, Volvo : le fait pour un titulaire d’un droit de modèle relatif à des pièces de carrosserie, de refuser de consentir une licence à un tiers, même en contrepartie d’une redevance raisonnable, ne constitue pas en soi un abus de position dominante, 8 industrielle, car dans ce dernier cas, le droit d’usage ou d’utilisation ne comprend pas nécessairement la possibilité d’intégrer le droit concédé dans un produit autre12, à la différence de la licence obligatoire en droit de la concurrence. Par ailleurs, alors que le principe est la liberté pour le titulaire de disposer de ses droits de propriété intellectuelle, ce principe connaît déjà des exceptions légales, justifiées précisément par des considérations d’intérêt général (2). Enfin, à l’étude des arrêts rendus, on peut se poser la question de savoir si la jurisprudence développée en droit de la concurrence concerne réellement l’accès à un droit de propriété intellectuelle ou si elle ne vise pas plutôt à permettre l’accès à des informations pas nécessairement confidentielles mais qui sont couvertes indirectement par le droit de propriété intellectuelle(3). 1) Les différents droits de propriété intellectuelle obéissent à des fonctions et finalités différentes. Ainsi, certains droits par leur fonction paraissent à première vue ne pas laisser la place au développement de licences obligatoires, au sens où le droit de la concurrence l’entend. Tel est en premier lieu le cas de la marque en raison de la fonction spécifique de ce droit. Tel est également le cas des autres signes distinctifs. Enfin, d’autres droits tels que le savoir faire ont une finalité a priori antinomique avec la possibilité d’en permettre l’accès aux tiers, parce que leur finalité est la préservation du secret. 1.1. La marque La marque a en effet pour fonction de permettre au consommateur d’identifier l’origine de produits ou de services. Elle permet précisément de reconnaître et de garantir cette origine. Dés lors, elle est protégée contre les reproductions ou les imitations lorsqu’il en résulte un risque de confusion pour le consommateur.13 On voit mal comment pourrait s’insérer dans ce contexte la possibilité d’une licence obligatoire puisqu’elle viendrait attribuer aux produits et services concernés une origine qui n’est pas la leur et ainsi à créer une confusion que la fonction du droit a précisément pour objectif d’éviter. 12 Ainsi une licence de droit d’auteur ne permet pas sauf dispositions particulières d’intégrer l’œuvre concédée dans un produit second, notamment quand cette intégration implique d’adapter l’œuvre concédée, 13 Voir article L.713-3 du CPI : sont interdits…s’il peur en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a) la reproduction, l’usage…d’une marque… 9 1.2. Les autres signes distinctifs. De la même manière, la fonction de ces signes est également d’identifier une origine et ainsi, pour la même raison, ne permet pas l’octroi de licence obligatoire à des tiers qui par définition ne donnent pas la même garantie.14 1.3. Le savoir faire. Le savoir faire est un ensemble d’informations détenues par une personne qui ne souhaite pas en divulguer le contenu et ainsi plutôt que de réserver un droit tel un brevet qui l’obligerait à divulguer le contenu de ces informations, garde le contenu de ces informations secrètes pour mieux le conserver à son bénéfice. Une première difficulté posée par le savoir faire est la question de son identification, identification par les tiers, tout comme identification par son titulaire même. La protection de ce savoir faire est très fragile puisque par définition, il n’est protégé par aucun titre particulier. Il est possible à chacun de se l’approprier par son propre travail. Il n’est réservé en effet que pour autant qu’il n’est pas découvert par un tiers, sauf cas de comportement fautif. Dans ces conditions, il apparaît possible à tout tiers de développer un même savoir-faire et à partir du moment où il ne s’agit pas d’un droit réservé par un titre et dont l’appropriation par un tiers serait sanctionné, rien ne semble justifier l’octroi d’une licence obligatoire. Par ailleurs, la notion même de licence obligatoire paraît antinomique avec le secret attaché à la protection du savoir faire. En effet, n’étant pas un droit réservé et donc divulgué, il n’est protégé que parce qu’il reste secret. Obliger à le divulguer par le biais de licence obligatoire est en contradiction primaire avec la nature du savoir faire. 1.4 Le droit d’auteur Enfin le droit d’auteur au sens classique, qui protège les créations artistiques, présente la caractéristique d’être double, à la fois patrimonial et moral. Or le droit moral ne s’aliène pas. Dés lors, l’octroi d’une licence obligatoire peut être en pratique en contradiction avec ce droit moral, notamment quand il s’agira pour le licencié d’adapter l’œuvre d’origine de telle sorte qu’il puisse proposer son produit nouveau. A côté du droit d’auteur au sens classique, les récentes évolutions législatives ont intégré dans le droit d’auteur la protection des logiciels, mais ont également créé à côté du droit d’auteur des droits dits droits voisins et ont consacré une certaine protection aux bases de données.15 14 Voir notamment André Bertrand, Droit des marques, signes distinctifs et noms de domaine, Dalloz 2005/2006, p.356 et suivantes, 15 Voir loi n°85-660 du 3 juillet 1985 sur les droits d’auteur et des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, Loi n°94-361 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur, Loi n°98-536, transposant la Directive CE n°96-9 sur les bases de données, Loi n°2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, 10 Ces droits obéissent pour certains à des régimes de protection (durée, étendue des droits) différents du fait de leur nature, du droit d’auteur classique. Néanmoins, si l’on examine le droit des artistes interprètes par exemple, qui est inclus dans les droits voisins, celui-ci est très proche du droit d’auteur classique et doit faire l’objet des mêmes réserves quant à la confrontation du droit moral qui y est attaché16 avec la notion de licence obligatoire. Par ailleurs, au droit des logiciels est également attaché un droit moral, même si celui-ci est moins étendu17 que pour les autres œuvres protégées au titre du droit d’auteur, ce qui suscite la même réflexion. Quant à la protection attachée aux bases de données, introduite par la loi du 1er juillet 199818, elle vient reconnaître l’effort économique consacré par le producteur de la base de données, mais ainsi que le mentionne l’article L.341-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, cette protection est indépendante du droit d’auteur. 2) Les droits de propriété intellectuelle connaissent déjà des exceptions à la réservation qu’ils permettent. Par ailleurs, tous les droits de propriété intellectuelle, s’ils visent à réserver au bénéfice de leur titulaire de droit d’user et de disposer, comportent néanmoins des exceptions à ce droit, exceptions justifiées par des considérations d’intérêt général, plus que d’intérêt privé. Les principales exceptions existent en matière de brevet et peuvent être d’origine judiciaire ou administrative. Il s’agit, pour les licences d’origine judiciaire, des licences pour défaut d’exploitation qui ont pour objet d’éviter les brevets de barrage, non utilisés par leurs titulaires ( Art L.613-10 à 14) et dont la philosophie peut toutefois paraître proche de la licence obligatoire au sens du droit de la concurrence. Néanmoins, à la différence de cette dernière, la réservation par le brevet d’une technique n’est plus justifiée par son exploitation, ce qui permet qu’elle soit rendue accessible à des tiers et permet d’éviter de bloquer les évolutions techniques. Il s’agit également des licences dites de dépendances ( Art L.613-15 du Code la Propriété Intellectuelle) qui, elles, ne peuvent être justifiées que par des considérations d’intérêt public : l’invention dépendante doit constituer un progrès technique important et un intérêt économique considérable. Par ailleurs, les licences d’origine administratives sont directement justifiées par l’intérêt général, dans l’intérêt de la santé publique ( Art. R.613-10 à R. 613-25 et L.613-17 du Code de la Propriété Intellectuelle), dans l’intérêt du développement économique national ( Art. L.613-18 et R. 613-26 à 613-33 du Code de la Propriété Intellectuelle) ou dans l’intérêt de la défense nationale ( Art. L. 613-19 et R. 613-34 à 42 du Code de la Propriété Intellectuelle). 16 Art. L.212-2 du CPI, 17 Art. L.121-7 du CPI, 18 Loi n°98-536 du 1er juillet 1998, 11 En matière de marque, il existe également certaines limites au droit qui permettent à des tiers d’utiliser une marque sans autorisation. Tel est ainsi le cas de la publicité comparative ou bien encore de l’utilisation de la marque comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion sur l’origine des produits ou services concernés. ( Art. L.713-6, b) du Code de la Propriété Intellectuelle). Même dans ce dernier cas, il est prévu pour le titulaire du droit, de demander que cette utilisation soit limitée ou interdite, s’il considère qu’elle porte atteinte à ses droits. De la même manière, le droit des dessins et modèles prévoit certaines hypothèses où la protection attachée au dessin ou modèle ne peut être mise en œuvre ainsi parce que la forme ou la dimension exacte du produit doivent être nécessairement reproduites pour qu’il soit mécaniquement associé à un autre produit au sens de l’article L. 511-8 du Code de la Propriété Intellectuelle. Le droit d’auteur contient également des dispositions permettant dans certains cas et pour certains types de droits, des licences obligatoires. Ainsi différentes licences légales ont été introduites depuis 1985 ( Art. L.214-1 et suivants, L.311-1 et suivants, L.133-1 et suivants, L.122-10 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle) ; en dernier lieu, la loi du 1er août 2006 a introduit une nouvelle licence légale applicable à la radiodiffusion et la câblodistribution d’un phonogramme ( Art L.214-1, 2° du Code de la Propriété Intellectuelle). Ces licences sont justifiées par des fins pédagogiques (prêt dans des bibliothèques, droit de reprographie pour des usages non commerciaux du type usage à des fins universitaires) ou en raison des particularités de diffusion de l’œuvre qui rendent en pratique très difficile un système d’autorisation préalable. A nouveau, la notion d’intérêt général motive ces dispositions. L’avantage de ces systèmes est évidemment d’assurer tant aux titulaires de droits qu’aux demandeurs à la licence une sécurité juridique, en définissant les conditions d’attribution de la licence et d’encadrer les conditions de cette licence, notamment pour ce qui concerne sa rémunération. Par ailleurs, le titulaire des droits ne peut dans certains cas s’opposer à certaines utilisations en matière de logiciels et de bases de données, du fait de la personne qui y a eu licitement accès.19 Ainsi différentes dispositions prévoient par exemple la copie de sauvegarde des logiciels, ou la reproduction du code source pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité.20 19 Art L.122-6-1 et L.342-3 du CPI, 20 Art L.122-6-1 du CPI, 12 Le législateur est venu faciliter dans la loi du 1er Août 200621, l’accès aux informations permettant l’interopérabilité tout en réaffirmant le principe de la protection des droits des auteurs. Ainsi, l’article L.331-5 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que les mesures techniques, dont la loi vient consacrer la protection, telles les mesures de brouillage par exemple, destinées à éviter les utilisations non autorisées pour les œuvres protégées au titre du droit d’auteur et des droits voisins, autres que les logiciels, ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en œuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur. Pour permettre cette interopérabilité et l’accès aux informations, une Autorité de Régulation des Mesures Techniques est créée par la loi et a notamment pour fonction d’obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique, les informations essentielles à l’interopérabilité. L’expression « informations essentielles » n’est pas sans évoquer la notion de facilités essentielles et ce d’autant qu’une coopération est expressément prévue entre cette Autorité et le Conseil de la Concurrence (Art. L. 331-7 du Code de la Propriété Intellectuelle). On peut alors s’interroger sur l’opportunité qu’il y aurait de développer au travers de la théorie de l’accès aux facilités essentielles un système de licence obligatoire prétorien, alors que le législateur a d’ores et déjà prévu un certain nombre de dispositifs, dont les derniers mis en place par la loi de 2006 pourraient peut être répondre à un grand nombre d’hypothèses où la question de l’accès à l’information se pose. L’article L.331-7 du Code de Propriété Intellectuelle, tel que créé par la loi précitée, dispose ainsi que « tout éditeur de logiciel, tout fabricant de système technique et tout exploitant de service, peut, en cas de refus d’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité, demander à l’Autorité de régulation des mesures techniques de garantir l’interopérabilité des systèmes et des services existants, ….et d’obtenir du titulaire des droits sur la mesure technique les informations essentielles à cette interopérabilité. » Cette question se pose d’autant que la jurisprudence développée en droit de la concurrence concerne plus précisément l’accès à des informations, plus qu’à un droit d’auteur au sens classique des termes. 3) Utilisation d’un droit d’auteur ou accès à des informations ? On sait que l’arrêt Magill22 concernait en réalité non pas les grilles de programmes de télévision des chaînes, qu’il n’était pas question de reproduire, mais les informations relatives à ces programmes (chaîne, jour, heure et titre des émissions) pour permettre la publication d’un guide reprenant les informations relatives à ces mêmes programmes. Dans l’affaire NMPP, les MLP qui avaient développé leur propre système informatique, contestaient le refus par les NMPP de leur octroyer un accès direct entre leur logiciel et leur propre système, ce qui obligeait à ressaisir leurs informations pour les charger ensuite sur le 21 Loi n°2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, 22 CJCE, 6 avril 1995, RTE et ITP / Commission, Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, 13 système des NMPP. Il s’agissait semble-t-il d’un problème d’interopérabilité entre deux systèmes et non de la possibilité d’utiliser le logiciel des NMPP.23 Quant à l’affaire IMS24, elle concernait l’organisation des données en structures modulaires, basées sur un découpage par circonscriptions administratives et par codes postaux, et relatives aux ventes dans le secteur pharmaceutique. Il est à noter que dans cette affaire, il semble que l’étendue du droit attachée à cette structure ou à l’organisation de ces données ait finalement été limitée, puisqu’en définitive, la Cour d’Appel de Francfort a considéré qu’on ne pouvait interdire à des tiers de concevoir une structure modulaire basée sur le même mode de découpage et comprenant de ce fait un nombre de modules similaire.25 Dés lors plus que l’accès à un droit d’auteur, il semble qu’il s’agisse en réalité de l’accès à des données qui sont rendues inaccessibles du fait du droit d’auteur, ou plus exactement que leur titulaire tente de rendre inaccessibles en faisant valoir qu’elles sont protégées par un droit d’auteur, et pour lesquelles un droit à licence est revendiqué par celui auquel l’accès est refusé, faute pour lui de contester l’existence même de ce droit ou sa portée. On se demande alors si amputer les droits de propriété intellectuelle de leurs prérogatives est la solution la mieux appropriée et si d’autres approches ne pourraient pas être envisagées. Quoi qu’il en soit, au lieu du développement d’un mécanisme contractuel imposé, il faut constater que des solutions législatives existent déjà et qu’il n’est peut être pas opportun pour la sécurité juridique de développer des solutions prétoriennes, aléatoires, qui ne peuvent être encadrées et dont la mise en œuvre semble extrêmement difficile, notamment s’agissant de l’évaluation de la juste rémunération du titulaire du droit. (3) Devrait-on traiter différemment les monopoles conférés par le droit de propriété intellectuelle et les monopoles physiques (ex, réseaux de ports et d’infrastructure)? Les infrastructures matérielles lourdes donnant lieu à un monopole physique sont examinées sous l’angle des facilités essentielles (réseau de tuyaux permettant l’acheminement et le stockage de carburéacteur sur des aéroports26, un héliport27, un réseau de télédiffusion par câbles28). Cette notion pose le principe selon lequel une entreprise est en situation de position dominante lorsqu’elle détient ou contrôle une infrastructure matérielle à laquelle les entreprises, opérant sur un marché connexe (aval ou amont), doivent nécessairement avoir accès pour concurrencer l’entreprise détentrice de l’infrastructure. Il en résulte qu’elle doit accorder un accès à cette infrastructure sur une base équitable et non discriminatoire, dès lors qu’aucune impossibilité technique ne s’y oppose. 23 24 25 26 Décision n°03-MC-04 du 22 décembre 2003, CJCE, 29 avril 2005, IMS Health GmbH & Co. OHG c. NDC Health GmbH & Co. KG, Affaire C-418/01, Décision de la Commission du 13 août 2003, J.O. L 268 du 18 octobre 2003, Décision n°90-D-22 du 26 juin 1990, 27 Décision n°96-D-51 du 3 septembre 1996, 28 Décision n°99-MC-01 du 12 janvier 1999, 14 Les critères d’application dégagés sont les suivants29 : - L’infrastructure doit être possédée par une entreprise qui détient un monopole ou une position dominante ; L’accès à l’infrastructure est indispensable pour exercer une activité concurrente sur un marché connexe (amont, aval ou complémentaire) de celui sur lequel le détenteur de l’infrastructure détient un monopole; L’infrastructure ne peut être reproduite dans des conditions économiques raisonnables par les concurrents ; L’accès à cette infrastructure est totalement refusé ou autorisé dans des conditions restrictives injustifiées ; L’accès à l’infrastructure doit être possible. Cette théorie a été transposée aux biens immatériels par la jurisprudence communautaire (Affaire Magill, CJCE 6 avril 199530 ; Affaire Tiercé Ladbroke, TPICE 12 juin 199731). En France, la doctrine reste partagée sur l’applicabilité de la théorie des facilités essentielles aux droits de propriété intellectuelle, ce qui montre la difficile transposition aux droits de propriété intellectuelle, d’une théorie initialement réservée aux infrastructures matérielles.32 Le Conseil a d’ailleurs relevé les difficultés d’une telle transposition en considérant, dans un avis SIRENE, que « le droit des facilités essentielles […] repose sur une logique qui semble incompatible avec les choix discrétionnaires reconnus aux détenteurs de droit de propriété intellectuelle, dans le cas où la mise à disposition de la facilité suppose également la cession d’un droit de propriété intellectuelle »33. Toutefois, le Conseil a fait application de cette théorie à des situations mettant en jeu certains droits de propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de base de données ou de droit d’auteur appliqué à l’informatique34. Cependant, aucune décision portant sur des brevets ou des marques n’a été rendue. 29 Source : Rapport du Conseil de la concurrence 2004, 30 CJCE, 6 avril 1995, RTE et ITP / Commission, Affaires jointes C-241 et 242/91, 31 TPICE, 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke / Commission, Affaire T-504/93, 32 Pour certains auteurs, la théorie des infrastructures essentielles ne devrait jamais s’appliquer aux DPI (Ch. Caron, Le droit d’auteur – provisoirement ? – à l’abri du droit communautaire de la concurrence : JCP E 2002, II, p.952) ; tandis que pour d’autres, il n’y aurait pas lieu de distinguer entre les infrastructures physiques classiques et les droits de propriété intellectuelle, 33 Avis n°01-A-18 du 28 décembre 2001, 34 En matière de base de données : Avis n°01-A-18 du 28 décembre 2001 répertoire SIRENE et CE 2 avril 2003 COGEDIM ; Avis n°04-A-12 du 30 juin 2004 IGN ; Déc. n°05-D-25 du 31 mai 2005 Affaire Yvert & Tellier, catalogue de cotation de timbres ; Ccass 4 décembre 2001, liste téléphone ; Avis 97-A-10 du 25 février 1997 En matière de logiciel informatique : Avis n°02-A-08 du 22 mai 2002 relatif à la saisine de l’Association pour la promotion de la distribution de la presse ; Déc. n°03-MC-04 du 22 décembre 2003, puis CA Paris 12 février 2004, partiellement cassée par C.cass 12 juillet 2005, et finalement annulée par la Cour d’appel de Paris le 31 janvier 2006, statuant sur renvoi ; Déc. n°04-D-34 du 22 juillet 2004, 15 On s’interrogera sur la pertinence de la transposition de la théorie des facilités essentielles aux droits de propriété intellectuelle (1), avant de relever qu’il existe des solutions spécifiques propres aux droits de propriété industrielle retenues pour encadrer leur exercice (2). 3.1) Pertinence du recours à la théorie des facilités essentielles appliquée aux Droits de Propriété Intellectuelle 3.1.1 L’infrastructure immatérielle concernée Le Conseil de la Concurrence a conscience des limites de la théorie des facilités essentielles en déclarant que :« l’application de cette théorie est limitée à certains droits de propriété intellectuelle, les droits protégeant les biens informationnels, à savoir les droits de propriété intellectuelle sur les bases de données et sur les logiciels, le droit de la concurrence ne s’appliquant donc, dans sa partie la plus attentatoire à la liberté des titulaires de droits qu’à des droits de moindre créativité »35 La position du Conseil nous amène à nous interroger sur le fait de savoir si les « biens immatériels » dont l’accès est demandé relèvent véritablement du domaine de la protection des droits de propriété intellectuelle. Or, en France, il y a une certaine tendance qui consiste à faire naître des droits de propriété intellectuelle sur des biens immatériels ou des créations qui ne méritent pas a priori une protection absolue36. C’est donc à la périphérie de la propriété intellectuelle que le Conseil a tenté de réguler l’exercice de droits. C’est la raison pour laquelle l’application de cette théorie à des éléments de nature informationnelle ou des interfaces informatiques constituant une source indispensable au jeu de la concurrence a pu trouver une justification. Mais cette régulation a pu jusqu’à présent se cantonner à ce strict domaine. 3.1.2 Caractère essentiel de la facilité en question La jurisprudence pose des conditions très strictes sur le caractère indispensable de l’accès à une facilité essentielle, notamment « le fait qu’il ne doit pas exister de substitut réel ou potentiel réaliste » et que « le risque d’élimination de la concurrence soit bien établi »37. La preuve du caractère indispensable de l’accès à une facilité essentielle doit donc être rapportée.38 Le Conseil s’intéresse tout particulièrement aux solutions alternatives économiquement raisonnables en terme matériels et financiers, fussent-elles moins avantageuses.39 35 Extrait Rapport du Conseil de la concurrence 2004, p.149, 36 Extension de la notion « d’originalité » du droit d’auteur ; « droit sui generis » des bases de données… , 37 Décision n°04-D-54 du 9 novembre 2004, points 96 et s. , 38 Ex. Avis n°01-A-18 du 28 décembre 2001, 39 Ex. Avis n°01-A-18 du 28 décembre 2001, 16 3.1.3 Critère du produit ou service nouveau L’affaire IMS Health de la CJCE du 29 avril 2004 a apporté des précisions sur l’exigence « d’un produit ou service nouveau ». La Cour précise en effet que : « le refus d’une entreprise en position dominante de donner accès à un produit protégé par un droit de propriété intellectuelle, alors que ce produit est indispensable pour agir sur un marché dérivé, ne peut être considéré comme abusif que dans le cas où l’entreprise qui a demandé la licence n’entend pas se limiter […] à reproduire des produits ou des services qui sont déjà offerts sur le marché dérivé par le titulaire du droit de propriété intellectuelle, mais a l’intention d’offrir des produits ou des services nouveaux que le titulaire n’offre pas et pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs ».40 Dans l’affaire Yvert & Tellier, le Conseil de la concurrence a repris cette définition dans le but de « permet[tre] aux concurrents d’abaisser la barrière à l’entrée constituée par la numérotation différente de leurs catalogues ».41 Dans l’avis 01-A-18 (INSEE), le Conseil précise que « des conditions de licence qui empêcheraient seulement les opérateurs d’aval d’exercer une simple activité de revente du répertoire SIRENE ne seraient pas constitutives d’un abus de position dominante ». Mais en l’espèce, « les fichiers proposés par les opérateurs privés ne sont pas seulement des extraits purs de fichiers SIRENE ; ils font généralement l’objet d’enrichissements et de traitements spécifiques de la part des opérateurs ». Le Conseil conclut donc que « si ces enrichissements et traitements diffèrent de ceux proposés par l’INSEE et correspondent à une demande spécifique des utilisateurs de fichiers, la jurisprudence conduit bien à obliger l’INSEE à licencier l’accès au répertoire SIRENE de façon à permettre la naissance de ces activités spécifiques ». Ce critère favorise l’innovation et est donc plutôt appréciable dans le contexte des droits de propriété intellectuelle. Mais qu’entend-on exactement par « produit ou service nouveau » ? Le produit nouveau doitil s’entendre de la « Nouveauté » défini en matière de brevet ? Un produit nouveau peut-il ne pas donner lieu à un droit de propriété intellectuelle ? Par quel critères définir le produit nouveau et par rapport à quel marché ? En matière de logiciels et de bases de données (notamment sous l’impulsion des directives communautaires relatives aux logiciels et bases de données), nous estimons qu’il serait peutêtre plus avisé de reprendre les conditions d’appropriation de droits de propriété intellectuelle, à savoir le critère « d’originalité » pour des droits d’auteur, et celui de « nouveauté » pour des brevets et des dessins et modèles au sens du Code de la Propriété Intellectuelle. 42 40 CJCE, 29 avril 2004, affaire IMS Health, C-418/01, point 49, 41 Décision n°05-D-25 du 31 mai 2005, point 62, 42 Fr. Sardain, L’arrêt IMS Health : une (r)évolution ?, Dalloz, 2004, 2366 et s. , 17 3.2) Autres fondements utilisés Indépendamment du recours à la théorie des facilités essentielles, le titulaire peut se voir imposer des limites quant à l’exercice de son droit de propriété intellectuelle. 3.2.1 Le recours classique à la théorie de l’abus de droit Le Conseil de la concurrence a eu recours à la théorie classique de l’abus de droit en matière de droits de propriété intellectuelle. Dans une décision n°03-MC-02 du 5 mars 2003 (Cegetel), le Conseil a rappelé que « un droit de propriété industrielle peut être l’outil d’un abus caractérisé lorsque l’usage qui en est fait se situe en dehors du champ de l’objet spécifique de ce droit ». Le Conseil avait déjà pu retenir en 2001 que « le simple fait (pour un opérateur fut-il en position dominante) de déposer des brevets … et de défendre les droits qui en découlent devant les juridictions compétentes ne sauraient être regardées comme abusif sauf s’il peut être établi que cet opérateur se livrerait à un gel des droits attachés audits brevets et qu’ainsi sa pratique de dépôt de brevet aurait pour unique objet d’empêcher des concurrents de pénétrer le marché ».43 Dans le même sens, le Conseil de la concurrence saisi pour avis, a repris l’analyse du Tribunal de Grande Instance de Paris sur ce point en relevant un « abus du droit d’ester en justice suite à la mise en place d’une politique frauduleuse de « buissons de brevets ».44 Or, dans les affaires précitées, il ne s’agissait nullement de régulation de l’exercice d’un droit de propriété intellectuelle, mais de la sanction du détournement de la finalité d’un droit privatif caractérisant un abus de position dominante . 3.2.2 Le principe de non-discrimination Dans une décision n°06-D-20 du 13 juillet 2006 (Pages jaunes), le Conseil de la concurrence a fait appel au principe de non-discrimination dans l’accès des éditeurs de services de renseignements au socle des informations de base nécessaires à l’édition, sans la moindre référence à la théorie des facilités essentielles, ni même en l’espèce aux droits de propriété intellectuelle. Cette décision démontre l’absence de nécessité de recours à la notion pour l’accès à des bases de données. 43 Décision n°01 D-57 du 21 septembre 2001, 44 Avis n°05-A-20 du 9 novembre 2005, 18 3.3 Les outils de régulation spécifique de l’exercice d’un droit de brevet45 3.3.1. Cas de l’absence d’exploitation du titulaire d’un droit de Brevet Le Code de la Propriété Intellectuelle46 prévoit déjà la pratique de la licence obligatoire ou licence d’office lorsque : - le propriétaire n’a pas commencé à faire exploiter ou n’a pas fait de préparatifs effectifs et sérieux pour exploiter l’invention objet du brevet depuis au moins trois ans et, qu’elle n’a pas été commercialisée en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché et, que le demandeur doit être en état d’exploiter l’invention47 Pour sa mise en œuvre, une démarche amiable et préalable du demandeur de licence doit être présentée au titulaire de brevet, y compris lorsqu’il existe une licence mondiale de brevet48. Le refus du titulaire peut être exprès49mais également résulter de l’exigence de redevances exorbitantes50. On retrouve, par cette disposition législative, la possibilité du demandeur de recourir à l’autorité judiciaire, pour obtenir une licence, sous de strictes conditions, sans avoir à saisir l’autorité de concurrence. 3.3.2. Cas des licences de dépendance Le Législateur permet au titulaire d’un brevet postérieur d’obtenir une licence d’exploitation d’un brevet antérieur dans la mesure nécessaire à l’exploitation du brevet dont il est titulaire. Cette licence de dépendance est envisageable pour autant que l’ invention constitue, à l’égard du brevet antérieur, un « progrès technique important et représente un intérêt économique considérable51 45 Des dispositions spécifiques sont prévus face à un intérêt de santé publique ou de défense nationale l’exige (articles L 613-16 et L 613-19 CPI), 46 Article L613-11 CPI, 47 Le demandeur de licence obligatoire doit justifier « qu’il est en état d’exploiter l’invention de manière sérieuse et effective » (L 613-12 CPI), 48 TGI Toulouse, 28 novembre 1994, 49 TGI Paris, 6 juin 1973, D 74, 179, 50 CA Paris 3 avril 1965, Ann PI 1967 124, 51 Article L613-15 CPI modifié par la Loi 2004-1338 du 8 décembre 2004; Le mot « certain » a été remplacé par « considérable », relevant le seuil d’applicabilité de la licence de dépendance, 19 La notion « d’intérêt économique considérable » précitée fait implicitement référence à la définition du « produit nouveau » énoncé en matière de facilités essentielles. Il est intéressant de noter que le Législateur a relevé le seuil à partir duquel une charge peut être imposée au titulaire d’un brevet antérieur valablement exploité. En passant du caractère « certain » au caractère « considérable », le Législateur a sensiblement réduit les cas d’atteintes au droit de brevet, tout en se réservant la possibilité de le prendre en considération , afin de ne pas freiner l’innovation des concurrents ayant des brevets ultérieurs. Pour les bases de données, il faut relever une exception similaire au droit exclusif d’exploitation de l’auteur, prévue à l’article L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui réserve la possibilité pour le tiers d’effectuer « les actes nécessaires à l' accès au contenu d' une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l' utilisation prévue par contrat », sans toutefois que cette exception ne porte atteinte « à l' exploitation normale de l' œuvre ni cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l' auteur. » (4) a) Devrait-on faire une différence si : il y a eu un historique de licence, accès ou autre relation entre les parties concernées ? a.1) Les hésitations de la jurisprudence américaine Certaines cours américaines ont porté une attention particulière aux cas dans lesquels les détenteurs d’une facilité essentielle mettent fin à une relation d’affaires antérieure et refusent ainsi de renouveler un droit d’accès à leur propriété52. Mettre fin à une relation d’affaires profitable pour les parties sans justification légitime a pu apparaître particulièrement problématique et être considéré comme l’indice d’un abus de position dominante. Ainsi en a jugé la Cour Suprême des Etats-Unis, dans sa décision Eastman Kodak Co. v. Image Technical Services, Inc. (504 U.S. 451 (1992)). Le comportement de la société Kodak tombait dans le champ d’application de la Section 2 du Sherman Act, pour avoir modifié sa politique commerciale en limitant la fourniture de ses pièces détachées aux seuls propriétaires de ses machines qui font appel à ses services ou procèdent eux-mêmes à leur réparation, refusant ainsi de satisfaire les commandes des réparateurs indépendants. Force est cependant de constater que ces décisions restent isolées et qu’aucune ne concerne des droits de propriété intellectuelle.53 a .2 ) La retenue des jurisprudences française et communautaire En France, le refus de vente ou de prestation de services, comme le refus de renouveler un contrat, ou la rupture de contrat entraînant un refus d’approvisionnement peut être qualifié d’entente ou d’abus de position dominante lorsqu’il a pour effet d’exclure une autre entreprise de l’accès au marché. C’est précisément le cas, lorsque le refus de renouveler le contrat 52 53 Affaire skiing Co. V. Aspen Highlands Skiing Corp (1985) ou Kodak v. Image Technical Services, H. Hovenkamp, M.D. Janis & M.A. Lemley « Unilateral Refusals to license in the US », 20 apparaît motivé par le fait que le partenaire économique en question appartient à un groupe concurrent des entreprises en position dominante54. La position dominante ne peut cependant être estimée abusive lorsque le refus n’est pas motivé par la volonté d’élimination du partenaire économique du marché.55Dans cette hypothèse en effet, « la rupture brutale de relations commerciales établies relève d’un litige commercial auquel les autorités de concurrence sont étrangères »56. Concernant plus précisément l’hypothèse d’un refus de licence, aucune jurisprudence française connue ne semble aujourd’hui laisser penser que le fait pour une entreprise d’avoir accordé par le passé une licence sur ses droits de propriété intellectuelle fonderait en luimême un droit pour le licencié à exiger la poursuite d’une telle relation commerciale. En Europe, dans le cadre de l’analyse de l’exclusion de la concurrence sur un marché dérivé, l’importance accordée par les autorités communautaires au changement de comportement d’un opérateur en position dominante vis-à-vis de ses concurrents est parfois soulignée. La Décision Commercial Solvents est à cet égard souvent citée.57 Il doit cependant être précisé que cette affaire ne concernait pas l’exercice d’un droit de propriété intellectuelle.58 La Commission européenne, plus précisément, a souligné la particularité de l’hypothèse dans laquelle la rupture d’une relation établie concerne le refus d’accorder une licence sur des droits de propriété intellectuelle59 .Elle admet en effet que le fait que l’entreprise en position dominante ait pu trouver un intérêt dans la relation entretenue par le passé avec un partenaire économique ainsi que le fait que ses clients aient pu entreprendre des investissements liés à cette relation commerciale peuvent contribuer à créer une présomption simple selon laquelle continuer cette relation favoriserait la concurrence. La modification du positionnement de Microsoft vis-à-vis de ses partenaires commerciaux a ainsi fait l’objet d’une attention particulière de la Commission lors de l’examen de son comportement sous l’angle de l’article 82 CE.60. La Commission a relevé à cette occasion que « les juridictions européennes ont accordé de l’importance aux circonstances dans lesquelles 54 Ex : Cass. Com. 12 juillet 1993 : concerne le refus, par deux entreprises de presse, de renouveler le contrat de commission passé avec une société de supports publicitaires appartenant à un groupe de presse éditant des publications directement concurrentes des deux entreprises de presse en question, 55 Ex : Cons. Conc., déc. N°2001-D-70, 24 oct. 2001 Secteur de la mélasse et du rhum de la Réunion (BOCC 21 janv. 2002 p.34) : il est licite à un producteur en position dominante de refuser de répondre à une nouvelle demande qui excède ses capacités de production disponibles et de réserver à une filiale de son groupe la partie de la production qui lui est nécessaire, 56 Malaurie-Vignal « Une entreprise en position dominante peut-elle refuser d’approvisionner un concurrent potentiel ? » Contrats Conc. Consomm. 2002, n°48, 57 H. Hovenkamp, M.D. Janis & M.A. Lemley « Unilateral Refusals to license in the US », p.63, 58 CJCE, 6 mars 1974 Instituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents c. Commission, Affaires Jointes 6 et 7/73, 59 Point 209 du Discussion Paper de la Commission de 2005 relatif à l’article 82 CE, 60 Cf. Comm. CE Microsoft (C-2004 900 final) du 24 mars 2004, 21 un refus de fournir correspondait à une rupture par rapport à des niveaux de fourniture antérieurs plus élevés »61. Cependant, force est de constater qu’en l’espèce, la Commission a analysé le comportement de Microsoft essentiellement sous l’angle des circonstances exceptionnelles de l’arrêt Magill, « comme si seules celles-ci gouvernaient son appréciation »62. b) Le développement d’un nouveau produit est impliqué par la partie qui recherche l’accès, et, si cela est le cas, que constitue un « nouveau produit » ? b.1) La promotion de l’innovation Le critère de nouveauté du produit aux fins d’application de la théorie des facilités essentielles aux droits de propriété intellectuelle a été posé par la CJCE dès la jurisprudence Magill. Il est apparu en effet nécessaire dès les prémices de cette jurisprudence de ne pas freiner l’innovation, mais au contraire de la favoriser afin de répondre aux impératifs du droit de la concurrence sans pour autant porter trop atteinte à ceux du droit de la propriété intellectuelle. Dans cet état d’esprit, le critère de nouveauté du produit peut permettre de justifier l’accès forcé aux droits de propriété intellectuelle existants puisqu’il intègre une finalité de soutien à l’innovation. Ce critère du produit innovant satisferait ainsi le but ultime du droit de la concurrence, le bien-être du consommateur. Pourtant, bien qu’appliqué dès la jurisprudence Magill, le critère de nouveauté du produit n’a pas toujours été clairement appliqué par les autorités françaises de concurrence. b.2 ) L’application en France du critère de nouveauté Les autorités de concurrence françaises ne semblent pas toujours appliquer avec beaucoup de rigueur le critère de nouveauté du produit. Le Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence rappelle ainsi l’importance du critère de nouveauté tout en relevant l’inconstance de son application. Est notamment cité l’exemple de la jurisprudence des fichiers France Telecom,63 dans laquelle la Cour de Cassation a confirmé l’analyse de la cour d’appel et ainsi enjoint France Telecom d’ouvrir l’accès à ses listes expurgées au préalable des abonnés sur la liste orange. Ni la cour 61 Cf. Comm. CE Microsoft (C-2004 900 final) du 24 mars 2004, point 578, 62 RDLC 2005 n°2 Luc Gyselen « Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle doit-il fournir le produit de son droit à un concurrent ? », 63 Décision du Conseil de la concurrence 98-D-60 du 29 septembre 1998, confirmée par l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 juin 1999 et enfin la Cour de cassation dans son arrêt du 4 décembre 2001, 22 d’appel, ni la Cour de cassation n’ont procédé en l’espèce à l’examen du critère de nouveauté, supplanté en l’espèce par l’analyse du caractère indispensable de la liste des abonnés.64 Le Conseil mentionne également dans le même sens la jurisprudence Nouvelles Messageries de Presse Parisiennes (NMPP) qui avait conduit à l’époque les NMPP à octroyer aux Messageries Lyonnaises de Presse (MLP) un accès direct au tronc commun du logiciel Presse 2000, sans conditionner l’application de la théorie des facilités essentielles au développement d’un produit nouveau.65 Il doit cependant être remarqué que les développements ultérieurs de cette affaire ont conduit la Cour de Cassation, puis la Cour d’Appel, à revenir sur ces décisions et à retirer aux MLP le bénéfice de l’accès direct aux données du tronc commun ordonné par le Conseil.66 Pour autant et dans un avis circonstancié relatif à la tarification de l’accès aux fichiers SIRENE de l’INSEE, le Conseil de la concurrence a trouvé l’occasion de poser l’application stricte qu’il entend faire du critère de nouveauté.67 Par la suite, la jurisprudence Apple est d’ailleurs venue rappeler cette condition en refusant à Virgin l’octroi d’une licence obligatoire à la technologie développée par Apple car, notamment, Virgin n’avait pas justifié sa demande par la volonté de proposer aux consommateurs un produit ou un service nouveau.68 La question qui se pose désormais ne semble donc plus être ou plus seulement être celle de la nécessité de nouveauté du produit : on doit s’interroger sur les critères qui permettent d’établir cette nouveauté. b.3) La qualification de nouveauté Une fois posée l’exigence de nouveauté du produit ou service, encore faut-il préciser les conditions auxquelles un produit ou un service peut être qualifié de nouveau. Cette qualification pourrait en effet recouvrir de nombreuses hypothèses. Le Conseil de la concurrence a fait un effort conséquent de définition dans son avis SIRENE. En l’espèce, le Conseil de la concurrence a analysé la jurisprudence antérieure et en a tiré une première constatation : dans l’hypothèse où l’accès à la technologie première n’est justifié par les concurrents que par leur volonté de revendre purement et simplement cette technologie, le critère de nouveauté n’est pas rempli. 64 §147 du Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence, 65 Décision 03-MC-04 du 22 décembre 2004, confirmée par la CA Paris du 12 février 2004, 66 Cour de Cassation Com. 12 juillet 2005 et CA Paris 31 janvier 2006, 67 Avis 01-A-18 du 28 décembre 2001 SIRENE, 68 Décision 04-D-54 du 9 novembre 2004 Point 102 : « A titre subsidiaire, on peut aussi relever que la condition posée par la Cour de justice dans l’arrêt IMS Health n’est pas non plus remplie, Virgin Mega n’ayant pas déclaré vouloir proposer un produit ou un service nouveau qu’Apple ne souhaiterait pas offrir et dont la commercialisation serait conditionnée à un accès au DRM d’Apple. », 23 En revanche, dans l’hypothèse où l’accès à des fichiers, tels que ceux proposés par l’INSEE, permet à ses concurrents, d’une part de les enrichir et de les traiter différemment, et d’autre part de répondre à une demande spécifique des utilisateurs, alors, l’accès peut leur être accordé. Le Conseil de la concurrence a fait en l’espèce application des critères classiquement dégagés par la jurisprudence communautaire. En premier lieu, la simple différence avec le produit ou le service initial ne peut donc être considérée comme suffisante. La première condition oblige les concurrents à ne pas mettre sur le marché une simple reproduction du produit initial. En l’espèce, la question était de savoir si, lorsque la société CEGEDIM rediffusait les fichiers obtenus de l’INSEE, les changements qu’elle opérait sur les fichiers avant leur rediffusion pouvaient être considérés comme conduisant à la création d’un nouveau produit ou s’il s’agissait d’une simple activité de revente du répertoire SIRENE. Le Conseil de la concurrence a souligné que la Cour de justice, dans son arrêt IMS Health, ne semble pour autant pas requérir que le produit ou service proposé par les demandeurs d’accès crée un marché différent de celui sur lequel est présent, en amont ou en aval de celui de la facilité essentielle, le détenteur de ladite facilité. Les demandeurs d’accès pourraient donc se trouver sur le même marché que celui sur lequel serait présent le détenteur de la facilité essentielle. Il serait en effet impossible de remplir le critère d’élimination de la concurrence, propre à caractériser l’existence d’une facilité essentielle, sans que le détenteur de la facilité soit lui-même concurrent des demandeurs d’accès sur le second marché. Ainsi, les produits ou services proposés pourraient et même devraient être substituables au produit ou service déjà proposé par le détenteur des droits de propriété intellectuelle mais pas nécessairement créer un marché différent.69 Cette interprétation apparaît moins exigeante que ce que propose, dans ses conclusions, l’Avocat Général dans l’affaire Magill. Celui-ci écrivait en effet qu’« il existe un abus de position dominante lorsque le titulaire d’un droit d’auteur s’en sert pour empêcher la venue sur le marché d’un produit qui n’est pas en concurrence avec le produit du titulaire, puisque ce produit répond, chez les consommateurs, à des besoins autres [et non simplement « substituables »] que ceux qui sont satisfaits grâce au produit du titulaire ».70 L’usage de ce critère par les autorités de concurrence n’est de plus pas toujours très explicite, ce que reconnaît d’ailleurs le Conseil de la concurrence71. Est citée à titre d’illustration la décision du Conseil de la concurrence relative aux Codes Rousseau72, dans laquelle le Conseil 69 Rapport Annuel 2004 du Conseil de la concurrence §145 : « Il ne doit pas s’agir de produits non substituables, car ils seraient alors sur des marchés différents et le dernier des critères ne serait jamais rempli (à savoir que le refus d’accorder la licence doit être susceptible d’exclure toute concurrence sur un marché dérivé). », 70 Conclusions de l’avocat général Gulmann présentées le 1er juin 1994 dans l’affaire Magill. Point 96, 71 Voir Rapport Annuel 2004, 72 Décision 04-D-09 du 31 mars 2004, 24 se contente d’évoquer des supports pédagogiques « différents » de ceux utilisés par l’entreprise détenant le monopole.73 En second lieu, le nouveau produit ou service doit venir combler une attente des consommateurs. Un produit ne saurait être considéré comme nouveau de manière à fonder l’octroi d’une licence obligatoire s’il ne répond pas à une demande potentielle du consommateur. La doctrine envisage même ce second critère comme impliquant l’accroissement mathématique de la demande sur le marché d’une certaine gamme de produits, grâce à l’introduction de ce nouveau produit.74 Une nuance doit cependant être introduite dans une telle analyse car, dans l’hypothèse où le nouveau produit comporterait une innovation telle qu’elle lui procurerait une avance sur ses concurrents, il apparaîtrait naturel qu’une partie de la demande qui existait déjà sur ce marché se reporte naturellement sur le nouveau produit, voire que le nouveau produit conduise à l’émergence d’un nouveau marché.75 Répondre à une demande ou à un besoin des consommateurs pourrait donc ne pas avoir comme conséquence automatique un accroissement de la demande sur le marché, mais simplement une augmentation du bien-être des consommateurs. La jurisprudence devrait permettre au cas par cas d’affiner le concept de nouveauté, notamment en précisant ses deux composantes. c) Le droit/facilité représente un réel investissement d’argent, de recherche, ou tout autre effort par le détenteur du droit? c.1) La volonté de ne pas décourager l’investissement Le droit de la propriété intellectuelle vise à favoriser l’innovation, le progrès économique et à cette fin, permet d’accorder un droit exclusif, bien que limité dans le temps, sur l’exploitation économique d’une innovation. C’est ainsi que « les droits de propriété intellectuelle […] stimulent l’innovation en protégeant l’inventeur par des droits exclusifs ». Ils « tiennent du droit de propriété un caractère absolu, au moins à titre temporaire »76. Le droit de la 73 Il est cependant utile de relever qu’en l’espèce, cette Décision n’a pas abouti à octroyer de licence obligatoire, mais à infliger une sanction pécuniaire aux Codes Rousseau pour abus de position dominante, 74 C. Ahlborn, D.S. Evans, A. Jorge Padilla « The logic and limits of the Exceptional circumstances test in Magill and IMS Health », Fordham International Law Journal 75 Luc Gyselen « Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle doit-il fournir le produit de son droit à un concurrent ? »Concurrences n°2 / 2005, 76 V. Selinsky « La protection des atteintes à la concurrence pouvant prendre appui sur des droits de propriété intellectuelle » Revue Lamy de la concurrence 2006 n°7, 25 concurrence n’a pas pour sa part intrinsèquement vocation à décourager l’investissement. Au contraire, la recherche du bien-être du consommateur ne devrait pas le conduire à priver ce dernier de l’innovation dont font preuve les plus entreprenants. Le Conseil de la concurrence a eu l’occasion de dire relativement tôt l’importance de ne pas freiner l’investissement. Ainsi a-t-il rappelé dans son Avis relatif à la presse77 que « l’expropriation implicite que représente pour le détenteur d’une facilité essentielle, l’obligation de permettre à ses concurrents (à l’aval ou à l’amont) d’accéder à la facilité qu’il détient, est étroitement encadrée, afin d’éviter que l’intervention de l’autorité de concurrence n’ait pour effet de décourager l’investissement dans de telles infrastructures et de nuire à l’efficacité économique». Le Conseil de la concurrence a de même rappelé que le droit de la concurrence ne devait donner accès qu’à des droits de propriété intellectuelle « de moindre créativité »78. L’investissement en termes d’argent ou de recherche consenti par un opérateur sur un marché peut-il pour autant être considéré comme l’une des justifications objectives lui permettant de soustraire son produit ou service à l’application de la théorie des facilités essentielles ? Aucune réponse claire sur ce sujet ne semble avoir été apportée tant par le droit communautaire que par le droit français. En effet, comme le constate le Conseil de la concurrence lui-même à propos de la décision IMS Health79, alors que l’importance des investissements réalisés par le titulaire des droits de propriété intellectuelle avait été opposée comme une justification objective au refus d’accès,« s’agissant du critère tenant à la justification objective du refus d’accès, la Cour reste très vague »80. Il semble pouvoir être déduit de la jurisprudence et des avis émis par les autorités de concurrence que le coût pécuniaire et intellectuel d’un produit ou d’un service ne saurait ainsi fonder à lui seul le refus par un opérateur d’accorder l’accès à une facilité essentielle. Il va de soi en revanche, que cet investissement doit être pris en compte le cas échéant dans le calcul d’une rémunération équitable de ce droit d’accès. Se pose alors la question du juste prix de cet accès. c.2) La recherche du prix raisonnable ou équitable Le Conseil de la concurrence estime que « Le détenteur des droits peut légitimement prélever des redevances d’usages spécifiques, pourvu que le prix d’accès demandé aux usagers soit fondé sur des critères transparents, non discriminatoires et, selon certaines décisions du Conseil, de prix orientés vers les coûts »81. Le Conseil a rappelé régulièrement ces principes et 77 Avis 02-A-08 du 22 mai 2002, 78 Rapport 2004 du Conseil de la concurrence Etudes Thématiques §149, 79 CJCE, 29 avril 2004, IMS, Affaire C-418/01, 80 §144 du Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence, 81 Rapport Annuel 2004 §150, 26 notamment à l’occasion d’injonctions formulées à l’encontre des titulaires de droits de propriété intellectuelle. C’est ainsi que dans son avis SIRENE, suivi par la suite par le Conseil d’Etat, le Conseil de la concurrence a précisé que, le répertoire SIRENE constituant une facilité essentielle, « nonobstant les droits de propriété intellectuelle qu’il détient, l’INSEE doit [en] prévoir des conditions d’accès non discriminatoires ». Le Conseil de la concurrence condamne ainsi la pratique de l’opérateur détenteur d’une facilité essentielle, qui impose des prix d’accès à cette facilité tels, que ses concurrents sur le marché aval ne se trouvent pas en mesure de vendre leur produit à un prix compétitif par rapport à celui pratiqué par l’opérateur dominant sur ce même marché. L’existence d’un tel « effet de ciseau » est sanctionnée par le Conseil.82 Pour autant, cette jurisprudence ne doit pas conduire à décourager l’investissement des entreprises qui, par leurs innovations, atteignent une position dominante sur un marché. La perspective d’être tenues de donner accès à leur propriété à un prix trop bas pourrait en effet les dissuader d’investir. Le Conseil a ainsi précisé que « les conditions économiques de l’ouverture à la facilité essentielle ne doivent pas être estimées à un niveau tel qu’il réduirait l’incitation des Nouvelles Messageries de Presse Parisiennes à investir et à améliorer les performances du système ».83 Les autorités de concurrence doivent ainsi prendre à la fois en compte les intérêts opposés du détenteur de la facilité essentielle et de ses concurrents : coût de la prestation, rémunération du droit de propriété intellectuelle, coûts de développement et de maintenance de la structure logicielle, profits perdus du fait de l’accès d’un concurrent à la facilité essentielle.84 Le prix n’est cependant pas évalué directement par les autorités de concurrence qui peuvent laisser ce soin : au détenteur de la facilité lui-même, qui est alors enjoint d’accorder un taux de redevance raisonnable,85 à l’examen d’un expert indépendant, notamment lorsque la méthode de négociation du prix ne semble pas avoir satisfait aux critères d’équité. 86 La recherche de ce prix n’est en tout état de cause pas chose aisée, car « contrairement au calcul des charges d’accès aux infrastructures, il n’existe pas de méthode robuste reconnue 82 Ex : Avis SIRENE, 83 Décision 04-D-34 du 22 juillet 2004, 84 §151 Etudes thématiques du Rapport annuel 2004 du Conseil de la concurrence, 85 Ex : avis SIRENE, 86 Ex : Décision n°03-D-43 du Conseil de la concurrence relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de la société France Telecom par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999, 27 permettant de déterminer le montant d’une licence de brevet ou de droit d’auteur rendue obligatoire au titre de facilité essentielle ou en cas d’abus de position dominante »87. Cette question particulièrement importante est développée infra pages 36 et suivantes. d) Le droit représente essentiellement un produit dérivé d’une opération commerciale normale par le détenteur du droit? La question de l’appréciation du caractère dérivé du droit ou du produit auquel il est demandé l’accès revient en quelque sorte à s’interroger sur la question de savoir si, parmi les critères à retenir pour déterminer dans quelles conditions l’octroi d’une licence obligatoire pourrait être imposée, doit figurer l’importance qu’a le droit ou le produit concerné dans l’activité du détenteur du droit de propriété intellectuelle. L’intérêt de la question peut résider dans le fait que cela supposerait d’apprécier l’importance de l’investissement nécessaire pour l’obtention du droit ou du produit (en partant du postulat que si le droit représente un produit dérivé, l’investissement a probablement été moindre que pour la création du produit principal) ? Cependant, nous sommes d’avis que le concept de produit dérivé (by-product) est encore trop vaguement défini et que les critères d' appréciation qui ont pu être identifiés ne semblent pas répondre aux exigences de sécurité juridique. Comment doit-on apprécier la nature dérivée du produit ? S’agit-il juste du droit d’auteur sur une liste de programme produit par ailleurs comme dans l’affaire Magill ? Faut-il prendre en considération les revenus du détenteur de droit de propriété intellectuelle ? Comment serait traité le produit principal au regard de la théorie des facilités essentielles si celle-ci devait s’appliquer ? En ce qui concerne le demandeur d’accès, le fait que le droit de propriété intellectuelle soit le produit principal de l' entreprise dominante ou simplement un produit dérivé ne devrait pas avoir d’importance. Ce qui est important est qu’il puisse démontrer que l' accès au droit de propriété intellectuelle qu’il demande lui est indispensable. L' affaire Magill illustre parfaitement ce cas de figure. La Cour a considéré qu’un produit dérivé pouvait constituer une facilité essentielle. En l’espèce, la liste des programmes de télévision est un produit dérivé de l’activité de diffusion télévisuelle de BBC, ITP et RTE (les listes des programmes étaient protégées par des copyrights). A aucun moment, cependant, cet élément n’a réellement été pris en compte lors de l' analyse juridique des circonstances de l' affaire. Ce qui était important était le fait que l' accès aux listes des programmes était indispensable pour ceux qui en demandaient la licence. On notera que le Conseil de la concurrence rappelait dans son rapport annuel 2004 (p. 149) que « l’intervention des autorités de concurrence ne se justifie (…) qu’en cas d’atteintes à la 87 François LEVEQUE « Quel est le prix raisonnable d’une licence obligatoire ? » Revue Concurrences RDLC Décembre 2004 n°1 p.16 , 28 concurrence et non pour apprécier si les biens sont dignes ou non d’être protégés. Cette dernière question relève de l’appréciation du législateur et des autorités « ad hoc » (…) ou une juridiction qui appliquent la législation sur les droits de propriété intellectuelle des Etats. Le fait que les droits protègent des biens incorporels peu dignes de protection ne saurait justifié une atteinte à leur exercice. » e) La partie refusant accès n’est pas un concurrent intégré verticalement dans le(s) marché(s) où le droit doit être utilisé? La jurisprudence communautaire sur cette question a quelque peu évolué entre les affaires Ladbroke et Bronner d’une part puis Magill et IMS Health d’autre part. Ainsi, l’Avocat Général Jacobs dans ses conclusions sur l’affaire Bronner constatait que: « il semble que l’intervention de la mesure, définie ou comme l’application de la théorie de facilite essentielle ou plutôt traditionnellement comme la réponse a un refus du fourniture de biens ou services, peut être justifiée dans les limites de la politique de la concurrence seulement dans le cas dans lesquelles l’entreprise dominante a la mainmise sur le marche dérivé » (p. 65 ; Affaire C-7/97). A l’inverse, dans l’affaire Magill, la Cour a jugé que le refus d’accès était abusif alors même que l’entreprise n’opérait pas sur le marché dérivé. Néanmoins, elle avait le contrôle de l’accès au marché de la présentation des listings des programmes de télévision. La doctrine américaine exige quatre conditions pour l’application de la théorie des facilites essentielles : le contrôle de la facilité essentielle par une entreprise en situation de monopole, l’incapacité des concurrents de dupliquer la facilité essentielle, le refus d’accès a la facilité et la possibilité technique de permettre l’accès a cette facilité a des concurrents.88 Dans l’affaire Aspen Highlands, la Cour a refusé d’adopter une vision restrictive qui permettrait de faire échapper une entreprise en situation de dominance à l’application de la théorie des facilités essentielles sur la seule base qu’elle ne serait pas verticalement intégrée. « Vertical integration is not essential to finding a violation of the antitrust laws for a refusal to deal under the intent test”. Les conditions énumérées dans l’affaire Magill (voir ci-dessus) ont ensuite été définies comme cumulatives par la Cour dans l’affaire IMS Health, qui est allée jusqu’à remettre en cause la nécessité d’identifier deux marchés distincts. Il suffirait désormais que l’on puisse identifier un marché potentiel ou hypothétique (point.44). Dans son ‘Discussion Paper’, la Commission semble apparemment suivre ce raisonnement quand elle propose (paragraphe 227) que : “In some circumstances, there may not be an existing market for the input in question as it is used only by the owner in a captive market. Robert Pitofsky “The essential facilities doctrine under United States Antitrust Law”, p 6; accessible à: http://www.ftc.gov/os/comments/intelpropertycomments/pitofskyrobert.pdf , 88 29 For example, an IPR may be nothing more than an input that is not marketed separately from the goods and services to which the IPR relates. However, it is sufficient that a captive market, that is, a potential market, or even a hypothetical market, can be identified. Such is the case where there is actual demand for the input on the part of undertakings seeking to carry out the activity for which the input is indispensable.” Nous n’avons pas identifié de décisions du Conseil de la concurrence ou des juridictions françaises qui apportent une réponse à cette question. D’une manière générale, la question de l’importance ou non de la présence de l’entreprise titulaire du droit de propriété intellectuelle concerné sur le marché aval ne semble pas avoir fait l’objet d’une prise de position par ces autorités. L’une des conditions de la doctrine des facilités essentielles est que l’absence d’accès à un droit pourrait entraîner une élimination de la concurrence. Or ce critère est indépendant de l’existence ou non d’une intégration verticale. En tout état de cause, l’absence du titulaire du droit de propriété intellectuelle sur le marché dérivé au moment de la demande n’exclut pas une entrée dans ce marché dans le futur. Par ailleurs, dans certains secteurs d’activités, un nouveau produit peut créer potentiellement un nouveau marché et l’exigence d’intégration verticale exclurait automatiquement ces cas de l’application des règles de concurrence. Au regard du critère exigeant la création ou l’apparition d’un nouveau produit (cette condition a été ajoutée par la jurisprudence Magill et IMS Health pour les cas qui concernent l’accès aux droits de propriété intellectuelle), le fait que l' entreprise dominante n’opère pas dans le marché dérivé impliquerait normalement que le nouvel entrant doive créer un nouveau produit et ainsi créer un nouveau marché89. f) La partie refusant accès est un pool de droits de propriété intellectuelle plutôt qu’une entreprise unique? La question de savoir si le droit de propriété intellectuelle auquel il est demandé l’accès est détenu par un seul titulaire ou conjointement par plusieurs ne devrait pas, à notre sens, avoir d’effet sur la question de savoir dans quelles circonstances le refus d’accès à un droit de propriété intellectuelle pourrait être considéré comme abusif. En effet, il est communément admis que l’abus de position dominante peut être unilatéral ou collectif. La dominance collective naît des liens économiques entre plusieurs entités indépendantes (accords, licences, etc...). L’affaire Compagnie Maritime Belge90 rappelle que pour qu' il y ait un abus collectif il faut que: (i) les entreprises constituent une entité commerciale conjointe, (ii) cette entité collective soit dominante, (iii) preuve d' un abus commis par l' entité dominante dans le marché. Mais la Cour a précisé que "l' existence d' un accord ou des liens juridiques 89 Si l’entreprise dominante n’opère pas dans le marche dérive mais d’autres le font, le DPI n’est pas nécessaire pour opérer dans ce marché, 90 CJCE, Compagnie Maritime Belge Transports SA v. Commission, Affaires jointes C-395/96 P et C-396/96 P, 30 n' est pas indispensable pour trouver une position dominante collective; la position dominante collective peut dériver d' autres facteurs de connexion qui exigent une évaluation économique, en particulier, de la structure du marché". A supposer que les autres critères soient réunis, il est en revanche possible que le fait que le droit soit conjointement détenu par un Pool ait fait de ce droit un « standard », rendant la démonstration du caractère indispensable de l’accès peut-être plus facile. Toutefois, l’affaire IMS Health pourrait nous démontrer le contraire en ce qui concerne l’appréciation du caractère indispensable d’un « standard ». En effet, si le produit est devenu un standard, au développement duquel les utilisateurs ont contribué, comme en l’espèce, comment démontrer qu’il existe une demande potentiel pour un produit concurrent ? L’intérêt de la question en revanche est de s’interroger sur la probabilité que l’article 81 trouve application en l’espèce, éventuellement conjointement avec l’article 82. Dans ce cas, le refus d’accès pourrait être appréhendé classiquement sous l’angle des discriminations. Dans un avis91 demandé par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans une affaire de brevet, le Conseil de la concurrence a estimé qu’une politique de « buissons de brevets » était susceptible de permettre à une entreprise en position dominante « de maîtriser l’entrée de concurrents, en octroyant ou non des licences » ; et pouvait être constitutive d’abus. g) La partie refusant accès a bénéficié de ressources de l’Etat en créant son marché actuel ou sa position DPI ? Le critère de l' utilisation de ressources publiques pourrait être pris en compte, dans le cadre de la théorie générale des infrastructures essentielles, au moins dans deux situations différentes : g.1) Lorsque l' entreprise en position dominante a bénéficié de ressources financières publiques lui ayant permis d' acquérir sa position sur le marché. Une telle situation pourrait surgir dans le cas d' entreprises ayant reçu des subventions publiques, ou alors d' entités chargées de missions de service public (administrations ou entreprises) ayant pu développer une infrastructure grâce aux ressources publiques perçues dans le cadre de leur mission. Cependant, si cette possibilité a été évoquée aussi bien au niveau communautaire que national, la jurisprudence ne s' est pas, à notre connaissance, prononcée de manière tranchée. En droit communautaire, cette situation a été évoquée par l' avocat général Jacobs dans ses conclusions rendues dans le cadre de l' affaire Bronner92 : "Nous n' excluons pas la possibilité que le coût lié à la reproduction de l' installation constitue à lui seul un obstacle insurmontable à l' accès au marché. Cette situation pourrait notamment se présenter dans les cas où l' installation a été créée dans des conditions de non-concurrence, en partie grâce à des subventions publiques, par exemple. Cependant, le test doit, selon nous, présenter un caractère objectif : en d' autres mots, il convient, pour que le refus d' accès soit constitutif d' un 91 Avis n°05-A-20 du 9 novembre 2005 92 Conclusions de l' avocat général Jacobs présentées le 28 mai 1998 – Oscar Bronner GmbH & Co. KG, affaire 7/97, Rec. page I-07791, 31 abus, que la concurrence soit extrêmement difficile, non pas seulement pour l' entreprise demandant l' accès, mais pour toute autre entreprise." L’approche de l' avocat général ne semble être en réalité qu’une application de la jurisprudence constante selon laquelle une entreprise en position dominante ne peut pas éliminer un concurrent et renforcer ainsi sa position « en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d’une concurrence par les mérites »93. Le bénéfice de subventions publiques serait ainsi pris en compte dans le cadre de l' appréciation du critère de la non reproductibilité de l' infrastructure essentielle. En effet, la remarque de l' avocat général fait référence à une situation dans laquelle l' infrastructure en question serait le résultat d' un investissement très coûteux, subventionné (totalement ou en partie) par des ressources publiques. Dans cette hypothèse, il est certain que les entreprises concurrentes ne bénéficiant pas d' un tel soutien auraient plus de difficultés à consentir l' investissement nécessaire pour développer l' infrastructure ; selon l' importance d' un tel investissement, cela pourrait même leur être impossible. En ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, tel pourrait être le cas d' une entreprise ayant pu développer un brevet grâce aux subventions obtenues dans le cadre de programmes publics d' aide à la recherche et au développement. Une situation proche a été analysée par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 97-A-10 "Instructions nautiques pour la plaisance" du 25 février 199794, concernant la publication d' par un service public, le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine). Dans le cadre de cette activité, le SHOM était en concurrence avec des opérateurs privés : ces derniers considéraient que, en tant que service public, le SHOM bénéficiait de ressources publiques lui permettant de pratiquer des prix particulièrement bas. A cet égard, le Conseil a indiqué : "Il peut être déduit de ce qui précède que le Conseil considère que, dans l' hypothèse d' opérateurs bénéficiant de statuts différenciés sur un même marché, le bon fonctionnement de la concurrence n' implique pas nécessairement que tous les opérateurs se trouvent dans des conditions d' exploitation identiques, mais suppose qu' aucun opérateur ne bénéficie pour son développement de facilités que les autres ne pourraient obtenir et d' une ampleur telle qu' elles lui permettent de fausser le jeu de la concurrence, sauf à ce qu' elles soient justifiées par des considérations d' intérêt général." Ainsi, le Conseil semble considérer que le fait pour un opérateur de bénéficier de ressources publiques non accessibles à ses concurrents peut donner lieu à une distorsion de concurrence. 93 Voir notamment CJCE, 3 juillet 1991, affaire C-62/86, Akzo Chemie BV c/ Commission, Rec. 1991 page I3359, §70 : « Il s'ensuit que l'article 86 du traité interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites », 94 Avis n° 97-A-10 du 25 février 1997, relatif à une demande d' avis présentée par le Groupement des éditions et de la presse nautiques portant sur des questions de concurrence soulevées par la politique éditoriale du Service hydrographique et océanographique de la Marine, BOCCRF n°19 du mardi 18 novembre 1997, page 759, 32 g.2) Lorsque l' entreprise en position dominante est la seule à avoir accès à des ressources publiques autres que financières Ce deuxième cas fait référence à la situation beaucoup plus fréquente de l' entreprise qui, par exemple dans le cadre de l' exercice de sa mission de service public, a accès à des ressources publiques (telles que des données), non disponibles pour les autres opérateurs. Une telle situation résulte souvent de l' existence d' un monopole légal ou de facto. Tel est par exemple le cas de France Télécom en ce qui concerne les fichiers des abonnés en conséquence, France Télécom détenait, au cours de la période téléphoniques95 : … « qu' considérée, une position dominante sur le marché de la liste des abonnés au téléphone du fait de son monopole sur le service téléphonique entre points fixes ». A la différence de la première situation (accès à des subventions publiques), dans laquelle la reproduction de l' infrastructure est plus coûteuse pour les concurrents, dans ce deuxième cas la reproduction est totalement impossible, les ressources publiques n' étant accessibles qu' à l' entreprise en position dominante. h) la partie demandant l’accès a eu une opportunité d'investir dans le droit /facilité avant que celui-ci ait rencontré du succès ? Il n' existe pas, à notre connaissance, de décisions jurisprudentielles communautaires ni françaises ayant tranché sur cette question. Il s' agirait ici de prendre en compte la capacité d' une entreprise à évaluer les investissements qui vont être porteurs sur son marché, et à prendre des décisions stratégiques appropriées. A cet égard, il pourrait être fait dans ce cas une application extensive du principe développé par la jurisprudence en matière d' abus de dépendance économique. En effet, dans ce domaine, les tribunaux ont considéré qu' il n' existe pas de dépendance économique au regard de l' article L.420-2 du Code de commerce lorsque la situation de dépendance résulte d' un choix stratégique de la partie qui s' en prévaut96. En effet, dès lors que la partie dépendante a sciemment pris un risque, elle doit pleinement en assumer les conséquences. En ce qui concerne les facilités essentielles, il pourrait être considéré que, lorsqu' une entreprise décide de ne pas investir dans le développement d' un projet, elle prend librement une décision stratégique. Si ce projet devient par la suite la "référence du marché", l' entreprise désormais dépendante de cette infrastructure doit assumer les conséquences de son choix erroné. 95 96 Cons. Conc., du 29 septembre 1998, relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de la commercialisation des listes d' abonnés au téléphone, n° 98-D-60, BOCCRF n° 2 du vendredi 29 janvier 1999, page 43, CA Paris, 9 avril 2002, BOCCRF n°10 du 24 juin 2002 : "qu’il apparaît en réalité, comme le montrent les écritures de la société Concurrence insistant notamment sur le fait que son point de vente est « le seul endroit notable où on peut acheter Sony en discount », que la part prépondérante prise par Sony dans les activités commerciales de la société Concurrence résulte, non d’une puissance économique exceptionnelle du producteur sur les marchés concernés, mais d’une politique délibérée du distributeur ayant choisi de privilégier l’une de ses sources potentielles d’approvisionnement". 33 Dans ces conditions, il nous semble que les tribunaux devraient être plus réticents à accorder l' accès à l' infrastructure essentielle. Bien entendu, un tel principe n' est applicable que lorsque la décision de ne pas développer un projet résulte d' un choix effectué librement, en dehors de toute contrainte imposée, par exemple, par les conditions du marché. En d' autres termes, lorsque l' entreprise avait effectivement la possibilité d' investir dans le projet. i) La partie recherchant l’accès a une alternative exploitable disponible, mais qui est plus chère, et/ou avec une technologie inférieure et par conséquent, est significativement moins rentable ? Les fondements de l' obligation faite au titulaire d' un droit de propriété intellectuelle de concéder une licence sont l' article 82 CE et l' article L. 420-2 du Code de commerce. Ceci implique, lorsqu' un concurrent demande à avoir accès à un droit de propriété intellectuelle au motif que la technologie qu' il protège constitue une infrastructure essentielle, de commencer par démontrer que l' entreprise qui en est le titulaire bénéficie d' une position dominante sur un marché pertinent. On doit noter que selon les lignes directrices de la Commission européenne sur les transferts de technologie, le marché à prendre en compte est le marché de technologie situé en amont du marché sur lequel sont vendus les biens ou services produits à l' aide de la technologie couverte par le droit de propriété intellectuelle. On entend par marché de technologie le marché sur lequel la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle et d' éventuelle(s) technologie(s) substituable(s) sont commercialisées par le biais de contrats licence de technologie. Par conséquent, si la délimitation du marché de technologie pertinent conduit à considérer qu' il existe une ou plusieurs technologies substituables, on peut douter que la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle puisse être qualifiée d' infrastructure essentielle. C' est ce qui ressort de la jurisprudence issue des arrêts Bronner97 et IMS Health98 de la Cour de justice des Communautés européennes et reprise mutatis mutandis par le Conseil de la concurrence français, la Cour d' appel de Paris et la Cour de cassation française dans l' affaire NMPP99, ainsi que par le Conseil d' Etat français dan l' affaire Cégédim100. En effet, selon cette jurisprudence, une technologie protégée par un DPI ne peut être qualifiée d' infrastructure essentielle que si les deux conditions suivantes sont réunies : il existe des obstacles techniques, réglementaires ou économiques de nature à rendre impossible, ou du moins déraisonnablement difficile, pour toute entreprise entendant opérer sur le marché dérivé de biens ou de services de créer, éventuellement en collaboration avec d' autres opérateurs, des produits ou services alternatifs à la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle ; et 97 CJCE, 26 novembre 1998, Bronner, Affaire. C-7/97, Rec. CJCE, 1998, p. I-7791, para. 43 à 46, 98 CJCE, 29 avril 2004, IMS Health, Affaire. C-418/01, Rec. CJCE, 2004, p. I-5039, para. 28, 99 CA Paris, 31 janvier 2006, RG n° 2005/14782 ; C. Cass, Com., 12 juillet 2005, n°Y 04-12.388 ; CA Paris, 12 février 2004, BOCCRF, mai 2004 ; et C. Conc., décision n° 03-MC-04 du 22 décembre 2003, 100 CE, 29 juillet 2002, Société Cégédim, req. n° 200.886, 34 il n' existe aucun produit ou service constituant sur le marché de technologie pertinent une solution alternative, étant entendu qu' est susceptible de constituer une solution alternative au sens de la jurisprudence communautaire une solution qui révèle être moins avantageuse. La solution alternative visée par la jurisprudence communautaire appartient, bien entendu, au même marché de technologie pertinent que la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle. Par conséquent, dès lors qu' il existe une alternative à la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle, celle-ci ne peut être qualifiée d' infrastructure essentielle, alors même que recourir à l' alternative s' avèrerait être significativement moins rentable que d' utiliser la technologie protégée. j) S'il peut être donné du temps et de l'investissement pour la partie recherchant l’accès à créer sa propre solution alternative exploitable, mais ceci est-il risqué et la période de temps pour y arriver pourrait-elle être longue ? La réponse à cette question semble pouvoir être trouvée dans les arrêts Bronner et IMS Health précités. En effet, ces arrêts apportent une précision quant à l' une des deux conditions cumulatives à satisfaire pour qu' une technologie protégée par un DPI soit qualifiée d' infrastructure essentielle. Cette condition est l’existence d' obstacles techniques, réglementaires ou économiques de nature à rendre impossible, ou du moins, déraisonnablement difficile, pour toute entreprise de créer, éventuellement en collaboration avec d' autres opérateurs, des produits ou services alternatifs. En effet, pour qu' il y ait des "obstacles de nature économique" au sens de cette condition, il doit à tout le moins pouvoir être établi que la création de produits ou de services alternatifs à la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle n' est pas rentable pour une production à une échelle comparable à celle de l' entreprise contrôlant ladite technologie protégée101. Dès que la partie recherchant l' accès à la technologie dispose du temps et des investissements nécessaires pour développer une solution alternative, elle ne pourrait invoquer l' existence d' obstacles économiques rendant indispensable l' utilisation de la technologie protégée par le droit de propriété intellectuelle. Les risques qu' elle rencontrerait en se lançant dans un telle entreprise et le temps qui lui seraient nécessaire ne constitueraient pas des arguments suffisants pour forcer le titulaire du droit de propriété intellectuelle à lui concéder une licence. Toutefois, la partie recherchant l' accès à la technologie protégée par un droit de propriété intellectuelle pourrait obtenir que cette technologie soit qualifiée d' infrastructure essentielle si elle démontrait, outre l' absence de solution alternative même moins avantageuse, qu' il existe des obstacles de nature technique ou réglementaire rendant impossible, ou du moins, déraisonnablement difficile, la constitution d' une solution alternative. 101 CJCE, Bronner, Affaire. C-7/97, op. cit., para. 46 et IMS Health, Affaire C-418/01, op. cit., para. 28, 35 k) La partie refusant accès n’est pas autrement en abus (dans le sens établi) de position dominante? k.1) Rappel historique de la jurisprudence Dans les premiers arrêts de la CJCE en matière de refus de vente, un tel refus s’accompagnait de facteurs aggravants, tels que : le refus de vente à un client de longue date, au simple motif que le fournisseur avait décidé de se lancer lui-même dans la fabrication du produit en question et souhaiter éliminer son ancien client du marché102 ; la subordination de l’accès à un bien à des conditions supplémentaires et injustifiées, aboutissant à se réserver un marché connexe103. Or, comme le souligne justement l’avocat général Jacobs, dans ses conclusions dans l' affaire Bronner104 : "Enfin, dans deux autres affaires (Volvo et Magill), la Cour a examiné la question de savoir si le refus de fournir était constitutif d' un abus dans des situations ne révélant l' existence d' aucun autre facteur, tels que la cessation de livraisons à un client existant ou l' établissement d' un lien entre des prestations non apparentées." Dans l’arrêt Volvo/Veng105 s’est posé pour la première fois la question de savoir si le refus seul, c' est-à-dire en l’absence d’abus, pouvait être incriminé. La Cour a répondu par la négative : Il importe de souligner ensuite que la faculté pour le titulaire d' un modèle protégé d' empêcher des tiers de fabriquer et de vendre ou d' importer sans son consentement, des produits incorporant le modèle constitue la substance même de son droit exclusif (…). Il y a lieu, toutefois, de relever que l' exercice du droit exclusif par le titulaire d' un modèle relatif à des éléments de carrosserie de voitures automobiles peut être interdit par l' article 86 s' il donne lieu, de la part d' une entreprise en position dominante, à certains comportements abusifs." Dans l’arrêt Magill106, la Cour a confirmé cette opinion en substituant au test de "l’abus additionnel" le fameux test des "circonstances exceptionnelles" : "un refus de licence alors même qu’il serait le fait d’une entreprise en position dominante, ne saurait constituer en luimême un abus de celle-ci. Néanmoins, l’exercice du droit exclusif par le titulaire peut dans des circonstances exceptionnelles donner lieu à un comportement abusif." 102 CJCE, 6 mars 1974, Affaire. 6/73 et 7/73, Commercial Solvents v Commission, Rec. page 223 et CJCE, 14 février 1978, Affaire. 27/76, United Brands Company et United Brands Contintentaal BV contre Commission des Communautés européennes, 14 février 1978, Rec., page 207, 103 CJCE, 3 octobre 1985, aff. 311/84, SA Centre belge d’études de marché –télémarketing (CBEM) c. SA Compagnie Luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) et SA Information publicité Benelux (IPB), Rec. page 3261, 104 CJCE, 26 novembre 1998, aff. 7/97, Oscar Bronner GmbH & Co. KG contre Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG e.a., Rec. page I-7797, 105 CJCE, 5 octobre 1988, Volvo/Veng, Affaire 238/87 Rec. page 6211, 106 CJCE, 6 avril 1995, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) contre Commission des Communautés européennes, Rec. page 808,Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91, 36 Ces circonstances exceptionnelles ont été précisées par la suite, par exemple dans l' affaire IMS107. Il résulte de ces arrêts que le simple refus d' accès à une infrastructure essentielle peut constituer un abus dès lors que ces circonstances exceptionnelles, définies par la jurisprudence, sont réunies. La décision Microsoft108 est venue cependant brouiller les pistes, en indiquant qu' il n' existe pas une liste pré-définie de "circonstances exceptionnelles" et que celles-ci doivent être appréciées au cas par cas : "d’un point de vue général, une approche qui préconiserait l’existence de circonstances exceptionnelles et verrait la Commission ignorer a limine d’autres circonstances de nature exceptionnelle qui mériteraient d’être prises en considération pour apprécier un refus de fournir n’est pas convaincante." La pratique décisionnelle récente du Conseil de la concurrence semble être en ligne avec la décision Microsoft. Tout d' abord, certaines décisions se réfèrent à un "refus de contracter", plutôt qu' à la notion d' infrastructures essentielles ; ensuite, ces décisions indiquent que l' existence d' un abus doit être appréciée au cas par cas, en fonction des circonstances de chaque affaire, et non pas par rapport à une liste fermée de "circonstances exceptionnelles" : "Il convient, en second lieu, de rappeler que la seule constatation d' un refus de vente ne suffit pas à caractériser un abus de position dominante. Selon une jurisprudence bien établie, une entreprise dominante n' exploite sa position de façon abusive que lorsqu' elle refuse de fournir des biens ou des services dans le but de limiter ou d' exclure ses concurrents réels ou potentiels d' un marché déterminé et de renforcer sa position sur ce marché, sans que ce refus puisse être objectivement justifié. […] Il importe encore de rappeler que les facteurs qui permettent de déterminer si le comportement d’une entreprise qui refuse de livrer a un caractère abusif dépendent fortement du contexte économique et réglementaire particulier de l’affaire (voir en ce sens les conclusions de l’avocat général Jacobs du 28 octobre 2004 dans l’affaire Syfait, C-53/03, en particulier le point 68, et la décision de la Commission du 24 mars 2004, COMP/C-3/37.792, Microsoft, en particulier le point 564)"109. Une position proche a été adoptée dans la décision Imagerie Médicale du Nivolet110::« Ensuite, l’existence d’une atteinte à la concurrence doit être constatée indépendamment de la notion d’infrastructure essentielle, comme ceci ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juillet 1994, société Elf Antar France et Total Réunion Comores. […] » Cette jurisprudence considère donc comme un abus de position dominante le fait, pour les propriétaires ou gestionnaires d’un équipement qui leur donne une position particulière en tant qu’offreur sur le marché, de refuser l’accès ou de donner un accès discriminatoire à l’équipement en cause, sans pour autant invoquer la théorie des facilités essentielles, ni les risques d’atteinte au droit de propriété. 107 CJCE, 29 avril. 2004, IMS Health GmbH c/ NDC Health GmbH, Affaire C-418/01 Rec. page I-05039, 108 TPI, 22 décembre 2004, Microsoft Corp c/ Commission Européenne, Affaire T-201/04, Rec. Page I-01491, 109 Cons. Conc., du 20 décembre 2005, relative à des pratiques mises en œuvre par divers laboratoires dans le secteurs des exportations parallèles de médicaments, n° 05-D-72, BOCCRF n°6, mercredi 21 juin 2006, page 700, 110 Cons. Conc., du 6 décembre 2006, relative à des pratiques mises en œuvre par la société civile de moyens Imagerie Médicale du Nivolet, n° 06-D-36, non encore publiée au BOCCRF, 37 K.2) Appréciation Trois conclusions nous semblent pouvoir être tirées de la jurisprudence précitée : pendant longtemps, le refus de favoriser l’accès à un bien n’a été incriminé qu’à travers des comportements abusifs, per se, additionnels à ce refus (rupture brutale des relations contractuelles, vente liée, discrimination) ; depuis l’arrêt Magill, le refus est abusif, non plus si il est accompagné d’abus additionnels, mais plutôt s’il s’inscrit dans le cadre de circonstances exceptionnelles, notamment s’il fait obstacle à l’apparition d’un produit nouveau ; ainsi, le refus d’une entreprise de concéder une licence peut être considéré comme abusif, même si elle n' est pas autrement en abus ; cependant, depuis la décision Microsoft, le Conseil de la concurrence semble vouloir élargir la liste des circonstances dans lesquelles un refus de contracter peut être considéré comme étant abusif. Ces circonstances doivent être évaluées au cas par cas : dans ce cadre, il est possible que l' existence d' abus "annexes" (sans aucun rapport avec l' accès à l' infrastructure) puisse être prise en compte dans l' ensemble des circonstances de l' espèce. Tel serait le cas, par exemple, si l' existence d' abus autres que le refus d' accès traduit l' existence d' une stratégie globale d' éviction des concurrents. Dans ce cas, l' existence de ces autres abus pourrait contribuer à prouver que le refus d' accès a un objet anticoncurrentiel. (5) Si les conditions pour la licence obligatoire sont réunies, comment les termes d’accès doivent-ils être déterminés? Cela fait partie du rôle d’une autorité de contrôle ou d’une juridiction de faire cela? Est-ce que tous les candidats doivent avoir une licence, ou un nombre limité, et selon quels principes? 5.1) Comment les termes d’accès doivent ils être déterminés ? Il faut tout d’abord relever qu’il n’existe en réalité aucune méthode « robuste » pour déterminer la valeur d’un « pur » droit de propriété intellectuelle ou tel un droit d’auteur ou un brevet. En pareil cas, la difficulté de la tâche est manifeste pour les autorités de concurrence. En revanche, lorsque le droit de propriété intellectuelle recouvre en réalité des infrastructures physiques, les principes concernant l’accès à ces dernières peuvent trouver à s’appliquer. La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence a à de nombreuses reprises fait référence au principe selon lequel l' accès à l' infrastructure essentielle doit être garanti "dans des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires"111. Si les conditions relatives au caractère transparent et non discriminatoire des conditions d' accès ne semblent pas soulever de question particulière, le caractère "équitable" de ces conditions peut être plus difficile à apprécier. 111 Rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2002, Etudes Thématiques, p.69, 38 Dans son rapport d' activité pour l' année 2002, le Conseil a précisé que la qualification d' infrastructure essentielle "n' implique en aucune manière l' application automatique vers les coûts"112. Cette méthode, qui vise à encadrer strictement la tarification de l’accès, est généralement souhaitée par le candidat à l’accès alors qu’elle est considérée avec réticence bien sûr par le détenteur de l’infrastructure. La méthode dite de l’orientation vers les coûts est très fréquemment retenue par les autorités sectorielles (par exemple dans le domaine des télécommunications) pour réguler les redevances d’accès aux réseaux. Les autorités de concurrence, elles, en font un usage moins systématique. Parmi les décisions n’ayant pas retenu le principe d’orientation vers les coûts, on peut retenir une décision relative à la fourniture par France Télécom d' un service d' accès à haut débit aux avait pas fait référence aux coûts114. Cette opérateurs concurrents113, dans laquelle le Conseil n' décision apporte des éléments intéressants, car le principe de non-discrimination y était suffisant dans ce cas précis, parce que France Télécom fournissait à la fois ses propres filiales et des opérateurs tiers: il suffisait par conséquent de lui imposer d' offrir à ces opérateurs tiers les mêmes conditions qu' à ses filiales. En revanche, le Conseil avait retenu le principe d' orientation vers les coûts, notamment dans l’affaire TDF, relative à l' accès aux infrastructures nécessaires à la télévision numérique terrestre115, mais la Cour d’appel de Paris a infirmé la décision.116 La Cour d’appel a retenu en l’espèce une tarification reposant sur la « valeur du service » en lieu et place de la tarification orientée vers les coûts. On notera par ailleurs que, même lorsqu’elle est appliquée, l’orientation vers les coûts soulève un certain nombre de questions complexes et controversées, parmi lesquelles : quels sont les coûts devant être pris en compte ? que veut dire précisément "orienté" vers les coûts ? a) Coûts pouvant être pris en compte Il existe notamment, et de manière très synthétique, trois types de coûts pouvant être pris en compte : Les coûts d' exploitation: dès lors que l' exploitation de l' infrastructure essentielle entraîne un certain nombre de coûts, il paraît logique que ces coûts puissent en partie être répercutés aux utilisateurs de cette infrastructure. 112 Rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2002, Etudes Thématiques, p.69, 113 Cons. Conc., du 18 février 2000, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau, n° 2000-MC-01, BOCCRF n°05 du 21 avril 2000, page 252, 114 Le Conseil avait enjoint à France Télécom de "proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d' accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d' accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateur tiers l' exercice d' une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes." A un stade ultérieur de la procédure, le Conseil a réaffirmé le principe de non-discrimination : "Il s' ensuit que France Télécom doit respecter le principe de non-discrimination, […] en offrant les mêmes conditions et la même qualité que pour ses propres services ou pour ceux de ses filiales et associés". 115 Cons. Conc., du 11 avril 2002, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Antalis, n° 02-MC-04, BOCCRF n°11 du vendredi 28 juin 2002, page 442, 116 Cour d’appel de Paris, 21 mai 2002, BOCCRF du 22 août 2002, 39 Les coûts résultant de l' ouverture de l' infrastructure essentielle : si le fait de donner accès à l' infrastructure essentielle entraîne pour l' opérateur dominant des coûts supplémentaires (résultant, par exemple, de la mise en place de versions interopérables d' un logiciel, ou de la gestion administrative des demandes d' accès), il paraît également équitable de mettre ces coûts à la charge des utilisateurs. Les coûts encourus pour le développement de l' infrastructure : cette question est plus controversée. En effet, une application rigoureuse du principe d' orientation vers les coûts, ne prenant pas en compte l' investissement de l' opérateur dominant, risquerait d' avoir un effet nocif sur la concurrence en décourageant l' investissement des opérateurs dans des installations performantes. Cependant, il convient d' éviter que l' investissement soit évalué à un niveau tel que la charge d' accès soit rédhibitoire et empêche en pratique l' accès au marché. Il s' agit notamment d' éviter que l' opérateur dominant mette à la charge de chaque utilisateur le coût total de son investissement. A cet égard, le Conseil a indiqué dans sa décision concernant la mise en œuvre des accès annuelle de injonctions prononcées à l' égard des NMPP117 que : "Une charge d' 5,3 millions d' euros équivaut donc à faire supporter aux MLP chaque année la quasitotalité du coût encouru par les NMPP pour la maintenance et la mise en place du système sur 14 ans." Par ailleurs, et tel que le Conseil l' a indiqué, le principe d' orientation vers les coûts "permet de faire bénéficier les opérateurs entrants des économies d' échelle de l' opérateur historique, bien qu' ils n' aient pas encore atteint une taille critique."118 Ainsi, il convient dans chaque affaire de trouver un équilibre permettant de valoriser l' investissement réalisé par l' opérateur dominant, sans toutefois imposer des conditions empêchant de facto l' accès à l' infrastructure. b) Que veut dire "orienté" vers les coûts ? A cet égard, se pose la question de savoir si la charge d' accès doit être le reflet fidèle des coûts ci-dessus évoqués, ou si l' opérateur dominant peut en outre percevoir une marge supplémentaire. Sur ce point, les opinions des membres du groupe de travail varient. Si certains estiment qu’une correcte rémunération des coûts et de l’investissement suffit, d’autres estiment qu’il n’existe aucune raison pour que l’entreprise détentrice de l’infrastructure soit privée d’une marge que tout acteur économique est en droit d’obtenir. 5.2) Cela fait-il partie du rôle d’une autorité de contrôle ou d’une juridiction de faire cela 117 Cons. Conc., du 22 juillet 2004, relative à l' exécution de l' article 1er, premier tiret, de la décision n° 03-MC04 du 22 décembre 2003, n°04-D-34, BOCCRF n°10 du jeudi 9 décembre 2004, page 775, 118 Rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2002, Etudes Thématiques, p. 74, 40 Dans la décision IMS119, la Commission était restée vague sur les modalités de l’accès obligatoire, en affirmant qu’il appartenait à IMS de licencier la structure modulaire allemande en des termes raisonnables et non discriminatoires. Il était renvoyé à un accord des parties pour la fixation du prix, un expert devant être nommé en cas de conflit. Cependant, il nous semble que le recours à des experts peut donner lieu à une pratique inégale et par conséquent à une insécurité juridique. Selon la pratique française, l' opérateur dominant est libre de déterminer la charge d' accès, dans le respect des principes ci-dessus énoncés. Les autorités peuvent être saisies par les concurrents. Mais, en définitive, les autorités de concurrence éprouveront fréquemment des difficultés à estimer si la redevance est « équitable ». Lorsqu’il s’agit d’une infrastructure physique, elles peuvent certes avoir recours à l’expertise. Mais la situation est différente en cas de licence d’un droit « pur » (droit d’auteur). Fixer les termes d’une telle licence ne correspond guère au rôle d’une autorité de concurrence. Certains membres du groupe estiment que ces obstacles renforcent encore la nécessité d’une grande prudence dans l’octroi éventuel de licences obligatoires imposé par les autorités de concurrence. 5.3) Est-ce que tous les candidats doivent avoir une licence, ou un nombre limité, et selon quels principes ? Il ne semble pas, à notre connaissance, que la jurisprudence se soit prononcée clairement sur cette question, elle se limite dans la plupart des affaires à affirmer que l’accès doit se faire sur une base raisonnable et non discriminatoire. Il est permis de penser que le fait de n’accorder la licence qu’à certains candidats serait susceptible d’heurter ce principe de non discrimination. En conclusion : Le droit de la propriété intellectuelle offrant déjà des outils pour permettre une régulation de l’exercice des droits sous le contrôle du juge judiciaire, il est permis de s’interroger sur la justification d’une application de la théorie des facilités essentielles qui s’appliquerait au-delà d’abus dans l’exercice de droits de Propriété Intellectuelle. Il y a donc lieu de traiter différemment l’accès à des droits de propriété intellectuelle et celui à des infrastructures physiques. L’application de la théorie des facilités essentielles devrait être limitée aux situations qui ne mettent pas en cause un droit de Propriété Intellectuelle et être réservée aux infrastructures matérielles ou, s’agissant de biens immatériels, être limitée aux seuls biens informationnels non strictement protégés par un droit de Propriété intellectuelle. Les « cas exceptionnels » où l’autorité de concurrence pourrait estimer abusifs des refus de licence de droits de propriété intellectuelle devraient être limités aux cas où sur un marché dérivé de celui où est exploité le droit, ces refus empêchent l’apparition d’un produit nouveau, indispensable aux consommateurs. 119 CJCE, 29 avril 2004, IMS Health GmbH c/ NDC Health GmbH, Affaire C-418/01, , Rec. page I-05039, 41 Cette situation implique que l’autorité de concurrence soit particulièrement attentive à vérifier que les conditions de la nouveauté exigée sont bien remplies, à l’aide de critères objectifs proches des conditions inhérentes à l’acquisition des droits de propriété intellectuelle euxmêmes, tels que le critère d’originalité pour le droit d’auteur ou celui de la nouveauté existant en matière de brevets et de dessins et modèles. Dans l’hypothèse où les critères seraient réunis, l’autorité de concurrence qui imposerait une licence au titulaire du droit devrait laisser les parties fixer les conditions financières de cette licence en tenant compte des coûts d’exploitation. Liste des participants120 au groupe de travail ayant rédigé le rapport national français Hugues Calvet BREDIN PRAT Mail : [email protected] Delphine Cohen FIDAL INTERNATIONAL Mail : [email protected] Aurélia Marie BEAU DE LOMENIE Mail : [email protected] Pierre de Montalembert LOVELLS Mail : [email protected] Philippe Rincazaux ORRICK Mail : [email protected] Joffrey Sigrist CASTALDI MOURRE & PARTNERS Mail : [email protected] Guillaume Taillandier HAMMONDS Mail : [email protected] Mélanie Thill-Tayara SALANS ASSOCIES Mail : [email protected] Sous la coordination de Christine Vilmart CASTALDI MOURRE & PARTNERS Mail : [email protected] 120 Par ordre alphabétique des co-auteurs du rapport. national français.