un gratuit qui se lit du 14/12/11 au 18/01/12

Transcription

un gratuit qui se lit du 14/12/11 au 18/01/12
un gratuit qui se lit
N°47
- du 14/12/11 au 18/01/12
Horizons
La ventana de la danza, Madrid
Politique culturelle
Ateliers de l’Euroméditerranée, Bernardines, Région, la Friche
Le livre blanc des musées de France
La TVA sur le livre
Les chantiers de Marseille
Théâtre
La Criée, les Bancs publics
Les Bernardines, le Lenche, le Gymnase
Le Toursky, le Gymnase, Ouest Pce, Grasse, le Gyptis
La Minoterie, le Vitez, Aubagne, les Ateliers
Cavaillon, le Vitez, Avignon
Port-de-Bouc, les Bernardines, Nîmes, Martigues
Châteauvallon, Château-Arnoux
Toulon
Au programme
Danse
Cannes, Grenade
Le Klap, le GTP, Château-Arnoux
Châteauvallon, Sainte-Maxime, Arles
Dansem
Au programme
Cirque/Arts de la rue
Arles, Bois de l’aune, Sirènes, Merlan, Gymnase
Jeune public
Jeu de Paume, Toulon, Gymnase, Massalia, Lenche
Le Revest, Grasse, Sainte-Maxime, Ouest Pce
Au programme
Musique
Contemporaine
Lyrique
Récitals
Au programme
Actuelles, du monde, jazz
Cinéma
Les rendez-vous d’Annie, Le jour le plus court
Film, festival Tous Courts
Docs en Paca, CMCA
Image de ville, Polygone étoilé
Arts visuels
Regards de Provence, L’art prend l’air
Laterna Magica, Tapis vert, Galerie Paradis
La Valette, Istres
Au programme
Livres
Arts
Livres/disques
Jeunesse
Littérature
Livres
Rencontres
Au programme
5
6
8
9
10, 11
12
13
14
15
16, 17
18
19
20
21 à 23
24, 25
26
27
28
29
30
32
33
34, 35
36, 37
38, 39
40 à 42
43 à 47
48, 49
50
51
52
53
54
55
56
57, 58
59 à 61
62, 63
64, 65
66 à 68
69
70 à 72
73
Rencontres
Averroès
Histoire, sciences
74
75
Histoire
Résistance, Echange et diffusion des savoirs
76
Philosophie
La philo pour enfants
77
Adhérents
78
Frimas
Les temps ne sont pas rassurants. La colère a grondé dans
les rues du monde mais aujourd’hui la peur s’immisce, et les
peuples se mettent au pas. En Espagne l’Indignation a
ouvert les portes aux Conservateurs ; la Grèce, après des
mois de luttes, est sous tutelle et dans les larmes ; l’Égypte
flirte avec les Salafistes, la Tunisie et le Maroc veulent
subordonner les lois humaines à celles, rétrogrades, d’un
être imaginaire… Si le rejet des gouvernements dictatoriaux ou corrompus, inefficaces, est pour le moins légitime,
il ne semble pas déboucher sur des lendemains qui chantent !
En France on nous joue aussi le petit air de la peur. La dette,
creusée par les avantages accordés aux grandes fortunes et
entreprises, est brandie comme une menace, et nous sombrons dans le repli, très sensible depuis quelques mois dans
le monde culturel. Ainsi la RGPP qui interdit aux musées et
bibliothèques de remplacer leurs conservateurs, ou la mort
annoncée des libraires massacrés par la hausse de la TVA,
n’intéressent personne. Quant aux salles de théâtre, de
concert et de cinéma, elles sont désertées dès qu’elles tentent une programmation moins consensuelle, sans stars ni
produits divertissants.
Autre signe du temps : les femmes, premières victimes des
crises, disparaissent de nos représentations. J’ai vu ce
mois-ci sur les scènes, je les ai comptés pour exemple, 112
hommes et 42 femmes, rapport bien plus effrayant si j’exclus la danse : 74 pour 18 ! Aucun spectacle sans homme,
et 7 sans femmes. Mais n’allez pas demander, au-delà du
respect, la parité dans le débat public ; et si vous ne voulez
pas risquer le sourire en coin, la bienveillante condescendance, voire l’ostracisme et le rejet, ne persistez pas à
remettre en cause la domination masculine, qui resserre
pourtant son étau.
Comment lutter ? Vous, les femmes, ne soyez pas frileuses,
et puisque vous peuplez très majoritairement les bibliothèques et les théâtres, soutenez les libraires, militez, emmenez
vos compagnons vers les espaces où l’on rêve le monde.
Quant aux artistes qui créent nos représentations, faut-il leur
rappeler que les femmes sont la moitié du genre humain ?
Pour cette nouvelle année qui s’annonce, osons donc formuler un vœu que nous pouvons réaliser : nous citoyens qui
faisons le monde, ne cédons pas aux frimas, gardons intacte la chaleur de nos révoltes et conservons, en sortant de
la fascination facile des écrans, le lien social, le goût de
l’aventure, de la découverte et du réel. Tout ce qu’aucun
blog ne saurait remplacer.
AGNÈS FRESCHEL
RetrouveZ nos éditions précédentes
sur www.journalzibeline.fr
LA VENTANA DE LA DANZA
HORIZONS
05
En marge de sa 26e édition, le festival international de danse de Madrid organisait
La Ventana de la Danza, fenêtre ouverte sur la jeune création régionale
et mise sur orbite internationale
Madrid en Danza, et demain ?
À l’invitation d’Ana Cabo, conseillère pour la danse à la Comunidad de Madrid
(l’équivalent de la Région française, ndlr), et de Didier Michel, expert international
pour la programmation, près de 90 professionnels étaient présents pour conjuguer le programme officiel de Madrid en Danza avec les découvertes et les
rencontres de La Ventana de la Danza. Également directrice artistique de Madrid en Danza, Ana Cabo œuvre
depuis 8 ans à définir l’identité de la
danse espagnole actuelle, entre folklore traditionnel, danse classique et
écriture contemporaine. «Face à la forte
présence du flamenco orthodoxe et de
la danse traditionnelle à Madrid», elle
défend l’idée «d’un festival de danse qui
ne soit ni la danse théâtrale ni la performance, mais qui s’inscrive dans le ballet
contemporain à argument.» Et programme Angelin Preljocaj, Jean-Christophe
Maillot, la Batsheva Dance Company
ou Robin Orlyn, souhaitant s’inscrire
dans «une démarche de partage de
l’identité européenne» au côté de la
Biennale de Lyon et du Dance Umbrella Festival London. Enfin elle lance
il y a 6 ans La Ventana de la Danza
pour les compagnies de la Comunidad
de Madrid, qui représentent entre 30
et 40 % de la programmation selon les
années. Tous les deux ans cette vitrine
pour «les compagnies et les danseurs
qui développent un travail corporel très
important» constitue un réel tremplin
vers les circuits professionnels internationaux.
Michel a extrait une douzaine de propositions artistiques aux vocabulaires éclectiques. Parmi elles de belles révélations, avec les moments magnétiques offerts
par Janet Novás et Sharon Fridman (Projects in Movement) : leur talent, leur
exigence, leur écriture, leur présence lumineuse ont immédiatement séduit le
Festival de Marseille qui les accueillera en juin 2012, les Rencontres Chorégraphiques de Seine-Saint-Denis, le
théâtre Pôle Sud de Strasbourg, le
Festival Paris Quartier d’été et le
Théâtre national de Chaillot. Sans
compter les programmateurs étrangers… À suivre de près également
l’univers de Gentia Doda et Dimo
Kirilov (Compañia Efectos Secundarios) capables de dessiner avec la
même finesse un quatuor théâtral à la
rythmique millimétrée et un duo à la
danse ténue, à l’énergie contenue, bridée puis «expulsée». À découvrir avec
délectation la silhouette singulière de
Manuel Rodriguez qui, dans son manteau pink et avec ses faux airs de
Buster Keaton, imprime la rétine en 20
minutes chrono. Ou encore le flamboyant David Sanchez, seul en scène
ou en formation, passé maître dans
l’art de la «Danza Española» enrichie
par les figures du ballet classique et
romantique, de la danse de cour et les
danses régionales.
Des lendemains
désenchantés
Trois jours intensifs donc, pour balayer
les talents émergents et mesurer l’état
de l’offre culturelle à Madrid, riche
Miroir de la réalité
madrilène
d’équipements flambants neufs qui
tournent à bas régime faute de budManque de financements et absence
gets de fonctionnement. Notamment
d’organisation structurante expliquent
le Teatros del Canal avec ses multiples
le peu de compagnies constituées, exsalles de spectacles et studios de
ceptées les plus emblématiques : la
répétition, ou le Cuartel del Conde
Compañia Nacional de Danza et
Duque, ancienne caserne franquiste
Maria Pagés Compañia. À l’occasion
réhabilitée en pôle culture, lieu de méd’une rencontre intimiste, la danseusemoire tremblant encore des années
chorégraphe leva le voile sur son
noires espagnoles… Superbes conouvel opus Utopia qui s’inspire des
Janet Novas, Cara pintada, el salto de la rana y otras pequeñas historias © Juan Adrio
quilles vides qui font craindre à Ana
créations de l’architecte brésilien
Oscar Niemeyer pour nourrir son flamenco contemporain. Dans les studios de la Cabo des jours sombres pour Madrid en Danza, mais pas seulement : avant les
Compañia Nacional de Danza, José Carlos Martinez dit avec franchise devoir élections générales en Espagne, qui ont vu le 20 novembre la victoire du Parti
reconstituer le répertoire de fond du ballet national après le départ de Nacho Populaire, elle craignait la disparition pure et simple du ministère de la culture.
Duato qui «n’a pas voulu laisser le sien en héritage...». «On ne repart pas de zéro, Espérons que l’avenir lui donnera tort.
explique-t-il, on continue en utilisant le passé de la compagnie qui existe depuis 37 MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
ans. Avec la crise, on a des obligations de rentabilité et on remonte certains spectacles comme Balanchine, William Forsythe, Jiri Kylian, tout en essayant de trouver
une nouvelle identité avec l’arrivée de talents d’Espagne et d’ailleurs…»
Madrid en Danza s’est déroulé du 7 au 27 nov,
Une situation complexe et un avenir opaque pour les artistes, qui n’entament pas
La Ventana de la Danza du 10 au 12 nov
le désir de création des «petites compagnies» ! De ce cœur bouillonnant Didier
www.madrid.org/madridendanza
06 POLITIQUE CULTURELLE ATELIERS DE L’EUROMÉDITERRANÉE | BERNARDINES | RÉGION | FRICHE
Changer d’angle
sont justement ceux qui ont fait les
croisades. On parle d’une période qui
nous concerne tous.»
Car de fait pour Daniel Fontaine, maire
d’Aubagne, «comment on fait les choses compte autant que les choses
faites.» Pour les étudiants en CAP de
céramistes, pour ceux de la SATIS (formation aux métiers de l’Image et du
son) qui vont commencer à filmer,
pour l’art même des santonniers et
pour, in fine, revisiter notre histoire
commune et antagoniste, Cabaret
Crusades semble un formidable projet.
Ulrich Fuchs, directeur adjoint de
MP2013, s’en étonne lui-même : «Durant l’année qui précède une Capitale
culturelle il y a toujours des attentes,
des tensions, des déceptions. Là on nage
dans le plaisir de fabriquer ensemble et
de partager. C’est formidable…»
Photos prises lors de l'atelier de Wael Shawky © X-D.R.
De l’art contemporain chez les santonniers ? À Noël ? Sur
le marché ? C’est pourtant ainsi qu’à Aubagne on veut
étonner le regard… L’Atelier de l’EuroMéditerranée que
Wael Shawky mène dans le cadre de MP2013 prend place
chez les céramistes et «permet à cet art traditionnel de
croiser la sculpture et les arts multiples du cinéma» explique
Gaëlle Milbeau, directrice du Festival International du Film
d’Aubagne, qui assure la production déléguée. Et effectivement, la synergie des structures autour de ce projet est
exemplaire : à partir de l’essai d’Amin Maalouf Les croisades vues par les Arabes, l’artiste égyptien a imaginé une
série vidéo de quatre films d’art. Les événements en Égypte rendant le tournage difficile tout va se faire à Aubagne…
avec 110 santons fabriqués et costumés pour l’occasion !
A.F.
Quoi de plus efficace pour renverser le regard que de
choisir ce symbole d’une nativité figée ? «Le projet a beaucoup changé grâce à l’accueil et la disponibilité des structures
aubagnaises, explique Wael Shawky. C’est la révolution et
les bouleversements en Égypte qui m’amènent à tout tourner ici, mais cela fait sens, incroyablement : les pays impliqués
dans le tournage, la production ou la fabrication des
marionnettes, c’est-à-dire l’Allemagne, l’Italie et la France,
Pleins feux
sur le théâtre arabe
Les créateurs du monde arabe seront à l’honneur en 2013 dans une opération
mise en place par l’Union Européenne, le Système Friche Théâtre, la Région
PACA et MP 2013. Initié depuis 2005, le projet propose de mettre en lumière
la diversité de la dramaturgie arabe contemporaine. Présenté le 16 nov à la
Friche par Alain Arnaudet, directeur de SFT, et Patrick Mennucci, Viceprésident de la Région, financé à hauteur de 446 000 € par l’Union Européenne,
le projet établira une collecte d’une centaine de textes dramatiques dans 10
pays. Une trentaine sera sélectionnée en juillet 2012 et présentée ainsi que
leurs auteurs et leur pays sur un site Internet, dès septembre. Trois résidences
de création se tiendront à Tunis en novembre, trois résidences de traduction
en France. Parallèlement Catherine Marnas créera un spectacle avec des
comédiens français et arabes à la Friche. Le tout verra son aboutissement en
novembre 2013.
CHRIS BOURGUE
© Yanna Maudet
Cabaret Crusades sera filmé
aux Pénitents Noirs à Aubagne, puis
projeté au Kunstenfestivaldesarts
à Bruxelles puis à Documenta
à Cassel (Allemagne) et dans
le cadre de Marseille-Provence2013.
Bernardines,
saison 26
L’équipe, occupée à ses partenariats
actifs en ce 3e automne de festivals
(ActOral, Dansem…), n’avait pas encore eu le temps de présenter sa
nouvelle saison. Cette fois, ça y est.
Au programme, 10 spectacles (voir
p.13) produits ou accueillis dans la
perspective chère à Alain Fourneau de
rester «à vif», de «se saisir de ce qui se
passe», avec la volonté de multiplier
les occasions de «s’adresser plus largement» au public. On retrouvera ainsi
des habitués du lieu : Thomas Fourneau et la Cie La Paloma, sur un texte
de Sarah Kane, 4.48 Psychose (du 12
au 21 janv) ; en mars Mireille Guerre
dans Le succès du malheur, inspiré de
l’Agamemnon d’Eschyle; de fidèles
compagnons de route comme Alain
Béhar (Até, en janvier) ou Frédéric
Poinceau qui revisitera en février Le
Banquet de Platon dans Les bienfaits de
l’amour. Les Bernardines accueilleront
également le spectacle de Philippe
Vincent Un Arabe dans mon miroir et
L’Agence de Voyages Imaginaires de
Philippe Car qui y présentera Sur le
chemin d’Antigone du 10 avril au 5
mai (voir p18). Le mois de mai verra
aussi revenir Rochdy Laribi pour le
2e volet d’une performance initiée en
2011 (Les moutons électriques sont de
retour). Place enfin aux RDV d’écoles
du 22 au 25 mai, puis aux Informelles, du 8 au 22 juin, avec Try Angle,
1re étape d’un programme européen de
recherche artistique transdisciplinaire.
FRED ROBERT
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
08
POLITIQUE CULTURELLE
LE LIVRE BLANC DES MUSÉES DE FRANCE
Au moment où Marseille et ses partenaires se préparent pour 2013 capitale européenne
de la culture et que de nouveaux musées voient le jour dans la région (Bonnard,
Cocteau), la profession des conservateurs alerte les autorités et ses publics des dangers
menaçant nos institutions publiques à travers le Livre blanc des musées de France
Chauffés à blanc
Acteurs majeurs de la culture et du patrimoine français,
les musées échapperaient-ils à la vague d’amaigrissement que subit l’ensemble du secteur culturel
depuis de nombreuses années, et ces dernières plus
gravement encore ? Assurément non à la lecture du
Livre blanc des musées de France rendu public par
l’AGCCPF en février de cette année (1). Par ailleurs,
deux associations régionales des professionnels du
secteur (2) organisaient le 14 octobre dernier au
Carré d’Art de Nîmes une rencontre sur le sujet en
présence de Christophe Vital, conservateur en
Chef du Patrimoine, président de l’AGCCPF et
rapporteur pour le livre blanc. Ce dernier, reprenant
et développant les différents points du livre qui a
nécessité deux années de travail, établissait avec
un engagement sans équivoque un diagnostic peu encourageant de la situation de ces institutions, pour
conclure sur une série de propositions concrètes.
tempéré grâce à l’opération Marseille 2013… tout
en attendant les implications des choix électoraux
de 2012 ? À l’année prochaine, et surtout «a l’an que
ven se sian pas mai que siguem pas mens !» (4).
CLAUDE LORIN
Le musée-entreprise ?
Si on assiste dans les années 1980 à 2000 à un développement des musées et de leurs fréquentation,
avec des implications publiques importantes, la
période suivante marque le pas.
La crise économique s’ajoutant, les conservateurs
doivent désormais se débrouiller dans un maelström où interfèrent les obligations imposées par
les lois (Lolf, Rgpp), réorganisant tout le secteur
public et d’État, les injonctions managériales (politique du chiffre, course au mécénat pour suppléer
aux baisses de subventions d’équilibre, évènementiel, marketing), et d’autre part les impératifs
scientifiques, d’inventaire, de conservation, de
transmission auprès des publics (qui ne se réduit
pas au seul taux de fréquentation). Annoncé en
septembre, le Plan Musées en régions (3) saura-t-il
atténuer le choc pour certains établissements (les
plus modestes, les moins monnayables, amenés à
disparaître -certains le sont déjà- avec leurs collections ?) alors que s’approche une autre réforme,
celle des collectivités territoriales, qui modifiera
assurément les relations des professionnels des
musées avec les élus locaux. Dans ce contexte l’intercommunalité apparaît comme une des solutions
d’avenir (Zib 46, p.7). Mais c’est sans oublier le non
remplacement des conservateurs, la pénurie
prévisible due à un recrutement en forte réduction,
leur substitution (moins onéreuse) par des assistants ou venus d’autres compétences (gestion), le
ralentissement du mécénat qui profite surtout aux
plus importants établissements, aux évènements à
forte visibilité, à Paris vs ce qu’on s’entête encore à
appeler la province, sans relever les disparités
territoriales dont l’attractivité touristique est un
des pivots. Si ces difficultés touchent les musées de
tous types selon des conséquences diverses,
l’impact dans la région PACA serait pour l’heure
De gauche à droite : Christophe Vital, conservateur en chef des musées départementaux de Vendée/agccpf ; Aleth Jourdan, conservateur des musées
du vieux Nîmes/agccpf Languedoc-Roussillon ; Lucienne Del’Furia, conservateur du musée Ziem/agccpf Paca ; Daniel-Jean Valade, adjoint au maire de
Nîmes, délégué à la culture et à la tauromachie © Claude Lorin/Zibeline
(1) Le livre blanc des musées de France,
numéro spécial, n° 260/2010/3, Revue
«musées et collections publiques de France»,
Association Générale des Conservateurs des
Collections Publiques de France, janvier 2011,
a été présenté au conseil Économique Social
et Environnemental, Palais d’Iéna, à Paris
le 4 février 2011
AGCCPF, Association Générale des Conservateurs
des Collections Publiques de France,
www.agccpf.com
(2) Sections fédérées AGCCPF Paca
et Languedoc-Roussillon,
www.museesmediterranee.org,
en partenariat avec le Groupement des
Associations des amis de musées des Régions
PACA et Languedoc-Roussillon
(3) Le Plan Musées en régions 2011-2013
prévoit un fonds de 70 millions d’euros pour 79
projets de province à destination des «musées
territoriaux et petits musées» dont 10 en région
PACA (liste pages 48 à 52).
http://www.gouvernement.fr/gouvernement/
un-nouveau-plan-pour-favoriser-le-developpement- des-musees-en-region
La loi relative aux musées de France du 4
janvier 2002 définit officiellement le musée :
«Est considéré comme musée, au sens de la loi,
toute collection permanente composée de biens
dont la conservation et la présentation revêtent
un intérêt public et organisée en vue de la
connaissance, de l’éducation et du plaisir du
public.»
http://www.culturecommunication.gouv.fr/
La région PACA compte 120 musées labellisés
Musée de France, 58 en Languedoc-Roussillon.
http://www.culture.gouv.fr/documentation
/museo/pres.htm
(4) «À l’année prochaine, si nous ne sommes
pas plus, que soyons pas moins !»
(se dit le 31 décembre à minuit).
LA TVA SUR LE PRIX DU LIVRE
POLITIQUE CULTURELLE 09
Chronique d’une mort
annoncée
Le gouvernement l’a annoncé, le plan d’équilibre des
finances publiques doit réaliser entre 6 et 8 milliards
d’euros d’économies annuelles, il passera donc par
une hausse ciblée de la TVA à taux réduit, relevée
à 7% sur tous les produits et services, à l’exception
des produits de première nécessité. Le livre n’est
donc pas un produit de première nécessité !
L’économie représenterait 60 millions d’euros sur
la chaine du livre sur 1 milliard et demi d’économie au
total. Et tandis que la TVA sur la restauration serait
passée de 19.6% à 7% en plombant la dette de
l’État au bénéfice de commerçants durant deux ans,
ce serait au livre, et au disque, produits culturels,
d’aider à payer les pots cassés.
Dans le secteur déjà très fragilisé de la filière livre,
et sinistré de celle du disque, l’annonce est perçue
comme une catastrophe, et la riposte ne s’est pas fait
attendre. Riposte des libraires notamment, et plus
spécifiquement des libraires indépendants.
Vitrine de la librairie Maupetit © Agnès Mellon
Petite hausse, gros dégâts
Car si une hausse de 1.5% peut sembler insignifiante, et l’est pour les restaurateurs, elle est dramatique
pour les libraires. Dans une étude réalisée pour le
Syndicat de la librairie française (SLF) et le ministère de la Culture et de la Communication par le
groupe Xerfi France sur la situation économique et
financière des librairies indépendantes sur la période 2003-2010, il apparaît que leur résultat net était
de 0.3% en 2010. Ce qui fait dire à Nadia Champesme, directrice de la librairie L’Histoire de l’œil à
Marseille et présidente de l’association Libraires
du sud que «par simple calcul, si on nous retire 1.5%
on sera alors en marges négatives. Concrètement ça
se traduit par des gérants de librairie qui ne se payent
plus, ou par des fermetures.» Damien Bouticourt,
directeur de la librairie Maupetit et trésorier de
l’association Libraires à Marseille, renchérit en
déclarant qu’«à Marseille, sur une vingtaine de librairies indépendantes, les trois quart sont des petites
structures, avec des libraires qui ne se payent pas, ou
qui ont des métiers à côté pour pouvoir continuer à
exercer leur passion. Dans cette ville la tendance est
à la fermeture.» Un calcul corroboré par le SLF qui
parle d’un chiffre d’affaire qui tomberait à -0.2%.
De plus, pour Damien Bouticourt cette hausse «met
aussi en péril les commerces de proximité qui sont
aussi des acteurs culturels locaux importants, ont
une mission de transmission, de partage, et alimentent la chaine du livre.»
Quelles solutions envisager ? La hausse de TVA semble entérinée, et bien que retoquée par le Sénat début
décembre, «ce qui augure d’une discussion réelle
entre le Sénat et l’Assemblée» se réjouit Sonia
Champesme, ce sera l’Assemblée Nationale qui aura
le dernier mot. Ceci étant, les discussions entamées
avec Pierre-François Racine, Conseiller d’Etat, chargé par Valérie Pécresse, ministre du Budget, et
Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, d’accompagner cette hausse, ont déjà portées leurs fruits,
avec l’annonce d’aides spécifiques supplémentaires
(lesquelles, comment ?) et d’un délai de transition
de deux mois qui a déjà été adopté pour la mise en
œuvre du nouveau taux applicable aux livres.
Trop court répondent en cœur les libraires qui évoquent d’autres sources de problèmes. Celui que pose
le stock, beaucoup plus conséquent dans une librairie que dans n’importe quel commerce, surtout en
décembre ! qui devrait être entièrement réétiqueté
(90 000 livres pour Maupetit, 9000 pour Histoire de
l’œil pour ne citer qu’eux), et notamment pour les
librairies informatisées, tributaires de prestataires
informatiques…
Propositions de libraires
Répercussions de la hausse du prix par les éditeurs
à partir de janvier ? Rediscussions des remises accordées par les éditeurs aux libraires ? Seront-elles
retenues, rien n’est moins sûr, d’autant que le dialogue
avec les éditeurs a du mal à aboutir. Répercuterontils la hausse sur le prix du livre ? «Si le prix
augmentait de 1.42%, ce serait la solution la moins
Vivent
les libraires !
L’union fait la force ! Reprenant l’aphorisme populaire, les deux librairies de Saint-Maximin et Brignoles
(Le Bateau Blanc) se lient en un projet commun de
soutien et d’entente. Une soirée musicale a scellé ce
bel accord, en présence d’auteurs amis, René Frégni et
Nicolas Aguillon. Ces libraires dynamiques organisent avec courage et régularité des soirées lecture,
des rencontres, des moments de partage autour du
livre. Ils défendent la lecture, les auteurs. De vrais
libraires, amoureux des livres. L’inauguration du
nouveau Jardin des Lettres à Saint-Maximin constitue un vecteur de culture essentiel pour la région.
J.-M.C.
douloureuse pour les libraires» rappelle Damien
Bouticourt, même si au final le coût serait supporté
par le client, et par les collectivités, dont le budget
fixe ne permettrait pas un volume d’achat plus
important.
Qu’en sera-t-il des remises fixes accordées aux
libraires ? Lors des premières rencontres nationales
de la librairie indépendante organisées en mai
dernier, des discussions avaient abouti entre éditeurs, distributeurs et libraires, toute la chaine du
livre «partant du constat que la librairie était difficilement viable aujourd’hui, et qu’il fallait augmenter
les remises. Depuis le mois de mai un vrai travail a
été fait avec tous les partenaires pour que les remises
augmentent, et pas uniquement en termes de quantité d’achat, mais aussi en termes de qualité, constate
Nadia Champesme. Maintenant chaque acteur de la
chaîne du livre se replie sur ses intérêts et refuse le
dialogue. Pourtant Frédéric Mitterrand était présent
lors de ces rencontres, c’est lui-même qui a annoncé
les mesures vraiment favorables à la librairie indépendante pour en changer le fonctionnement. Car
l’étude montrait qu’en 5 ans, sur les 2500 librairies
que compte la France, 1000 allaient fermer.» Et ceci
avant la hausse de TVA !
Et les nôtres !
D’autres solutions existent si l’État veut préserver la
librairie indépendante, qui consisteraient à la distinguer des chaînes, et à lui accorder, comme à la
presse payante en kiosque ou en ligne, un taux de
TVA super réduit à 2.1%. Nous avons autant besoin
de librairies que de journaux ! Plus que jamais la
vigilance s’impose, et plus que jamais il paraît important de discuter avec son libraire…
Rendez-vous autour du 22 décembre pour la
décision de l’Assemblée Nationale !
DOMINIQUE MARÇON
10
POLITIQUE CULTURELLE
LES CHANTIERS DE MARSEILLE
Le J4,
un projet culturel
d’urbanisme
Qualifié de «plus grand chantier marseillais de la
décennie» par la mairie de Marseille, les travaux du
J4, vont transformer 2.5 ha de front de mer, du Fort
Saint Jean à La Joliette. Si Bouygues et CampenonGTM s’occupent d’aménager les darses et creuser le
parking (700 places, une délégation de service
public remportée par Vinci Park), l’essentiel du
chantier consiste en des équipements culturels
privés ou publics, tous d’envergure. Aujourd’hui
cinq structures s’associent pour que les quatre lieux
actuellement en chantier, qui «ne souffrent aucun
retard et seront prêts en 2013», mutualisent leur
communication et leurs horaires, leurs tarifs et
leurs services, afin de faire naître un quartier
culturel pensé comme un parcours avec circulation
d’un site à l’autre.
Petit rappel des institutions en jeu (voir Zib’41),
qui ont des missions et des financements très
différents
Le MuCEM, réalisé par l’État (142 m d’€) en
partenariat avec la ville de Marseille (20 m d’€), le
CG 13 (20 m d’€) et le CR PACA (20 m d’€), est un
établissement public, un Musée National d’envergure tel qu’il n’en existe pour l’heure qu’à Paris. Son
fonctionnement sera pris en charge par l’État, et il
comprend trois sites : le Fort st Jean (restauration
de la galerie des officiers et de la chapelle, remparts
et tour du Roy René rendus accessibles, création
d’un jardin méditerranéen, resto, terrasses, d’une
«agora») sera le point d’ancrage de deux passe-
relles, vers le parvis St Laurent créant une jonction
avec le Panier sans passer par le Vieux-Port, et vers
le Mucem de Rudy Ricciotti : un lien suspendu tendu
par des câbles en Bfup (béton armé de paillettes de
fer). Le centre de conservation et de ressources
de Corinne Vezzoni est quant à lui situé dans la
caserne du Muy (La Friche).
Le Fonds Régional d’Art Contemporain relève de
la politique culturelle du ministère, qui veut créer
une «nouvelle génération» de FRAC qui dépassent
la notion de fonds et de centre ressource pour exposer les collections. Le nouveau bâtiment conçu par
l’architecte japonais Kengo Kuma dans le quartier
de la Joliette regroupera sur les différents plateaux
la totalité de la collection soit 900 œuvres. Coût de
la construction 16 m d’€ (Etat 80%/ Région 20%)
pour un bâtiment dont le fonctionnement est
cofinancé à 50% par la Région et l’État
La Fondation Regards de Provence actuellement
abritée par la Ville de Marseille au Palais des arts
(voir p54), fondation privée qui se donne pour but
de faire connaître le patrimoine artistique et culturel de la Provence du XVIIIe à nos jours (200 œuvres),
s’installera dans l’ancienne Station Sanitaire près
de la Cathédrale. Le lieu «historique» de l’architecture contemporaine construit par Champollion,
Pouillon et Egger en 1948 (labellisé «bâtiment du
XXe siècle») doit être réhabilité par Guy Daher
(Atelier 9) et livré en nov 2012 : 2300 m2 dont
1215 m2 pour les expositions réparties en quatre
zones, le reste dédié aux restos, librairies, boutiques,
jardins... un jardin cachera la station de dégrillage
des eaux usées du Panier. Coût des travaux : 3.25
m d’€ HT, le budget assuré majoritairement par la
fondation et la famille des fondateurs, avec un
soutien de la Ville, de la Communauté urbaine MPM
et de l’État (Drac PACA). Les autoclaves (superbes !)
seront conservés, une scénographie «multimédia sensoriel et émotionnel» racontera l’histoire des lazarets.
Le Cerem, qui n’est «ni un musée, ni un centre culturel» dit le dossier qui précise que ce sera «un
centre d’interprétation de la Méditerranée contemporaine qui traite des enjeux en méditerranée en croisant
toutes les disciplines, qu’elles soient scientifiques ou
artistiques, pour donner à comprendre la richesse, la
diversité du patrimoine commun à l’ensemble des
habitants de cette région du monde.» Vous avez dit
flou ? Le projet architectural est en tout état de cause
magnifique -l‘architecte est le milanais Stefano
Boeri- pour un coût estimé à 70 m d’€, assumé par
la seule Région PACA.
© Agnes Mellon
Le CIRVA, centre de recherche sur le verre internationalement connu, créé en 1983 par le ministère
de la culture, est un lieu de résidence d’artistes réalisant leurs projets en collaboration avec l’équipe
technique du centre, des souffleurs d’art. Depuis
plus de 20 ans le Cirva a accueilli 200 artistes et a
donc constitué une collection d’œuvres actuellement stockées dans ses locaux. Situé à la Joliette,
sa participation à la synergie du pôle pourrait
permettre des expositions de cette collection dans
les lieux muséaux du pôle.
L‘idée de mutualisation de ces beaux outils est donc
enthousiasmante, et le projet d’urbanisme ne l’est
pas moins : tout le quartier de la Joliette change,
des jonctions se font avec le port, les lieux culturels
sont intégrés aux quartiers et ouverts à la population : jardins, restaurants, librairies, esplanades,
passerelles permettront des itinéraires nouveaux…
Quant à l’architecture, elle fait dialoguer patrimoine
et création contemporaine dans des sites très
sensibles classés. De beaux «gestes» architecturaux
avec des «pointures internationales» : on en avait
besoin à Marseille !
Reste à assurer les budgets de fonctionnement,
pour que Marseille change durablement de visage.
ÉLISE PADOVANI ET AGNÈS FRESCHEL
POLITIQUE CULTURELLE
11
Levée de fonds
«Marseille, forte de 26 siècles d’histoire,
connaît aujourd’hui un dynamisme sans
précédent.» C’est par cette affirmation
que Jean-Claude Gaudin commence
le 5 décembre la présentation du financement des chantiers patrimoniaux.
La Ville de Marseille, pour mener à bien
les nombreux chantiers nécessaires à
la «mutation» qui va la transformer en
«ville-hôte du forum mondial de l’eau
en 2012, capitale européenne de la
culture en 2013 et site de l’Euro en
2016», a «besoin de mécènes». Et en
trouve. La Fondation Total aide directement la ville sur les chantiers de
l’Hôpital Caroline, du Fort d’Entrecasteaux, et investit aujourd’hui 500
000 € dans les travaux des jardins de
Longchamp. Avec la création du Fonds
patrimoine «voulu et créé par la Ville
mais indépendant et autonome dans
son fonctionnement» (siège à la Caisse
d’Epargne, président Maitre Bernard
Jacquier), deux autres mécènes investissent dans le patrimoine bâti
marseillais et les lieux de culture :
Suez Environnement donne 2 M d’€
pour restaurer les fabriques du Parc
Longchamp (transformation des cages
de l’ancien zoo), EDF met en lumière
la Cathédrale de la Major et le Palais
Longchamp pour 1.5 M d’€. Un soutien
qui devrait aider substantiellement la
Ville à mener à terme ces chantiers
de réfection et transformation du
patrimoine.
Pas de rivalité avec MP2013 ! Coupant court aux objections sur une
concurrence entre la capitale culturelle et la Ville, le maire affirme : «Nous
avions la volonté de ne pas être écrasants au Conseil d’administration de
l’association, où nous n’avons qu’un
seul représentant» et précise qu’il y a
«deux démarches de mécénat, l’une
structurelle par l’intermédiaire des
fonds de dotation, l’autre plus événementielle animée par l’association
Marseille Provence 2013 et son président Jacques Pfister.» Et contrairement
aux rumeurs, Bernard Chougnet affirme que «les fonds privés de mécénat
pour MP2013 sont presque entièrement réunis : 85% sont déjà signés
(avec la SMC, Orange et la Poste ndlr)
et d’autres seront officialisés sous peu.»
L’objectif de la mairie serait de réunir
15 M d’€ de fonds privés sur les deux
fonds de dotations 2013/2020 (fin
d’une dernière mandature ?) : le Fonds
Projet d'éclairage du palais Longchamp © EDF
pour le patrimoine, et le Fonds pour
l’Art contemporain. Même s’il subodore qu’il sera plus difficile de susciter
l’enthousiasme des entreprises pour
l’art que pour le bâti patrimonial, plus
visible, Jean-Claude Gondard, secrétaire général de la Ville, garantit en
tout état de cause que les actions de
mécénat sont désintéressées confor-
mément à la loi, et n’entraineront
aucune contrepartie : «Les délégations
de Service public et les obtentions de
marchés publics sont soumis à des
règles très strictes, et si les entreprises
mécènes veulent y concourir, elles ne
bénéficieront d’aucun privilège.»
AGNÈS FRESCHEL
12 THÉÂTRE LA CRIÉE | BANCS PUBLICS
Autour d’une pince
Le Dragon d'or © Christian Ganet
Une structure métallique et ses escaliers constituent le décor des deux
pièces de Roland Schimmelpfennig
mises en scène par Claudia Stavisky. Écrites séparément (la 1re est de
2001, l’autre de 2009), le fait qu’elles se
passent toutes les deux dans un immeuble a décidé Claudia Stavisky à les
monter en diptyque. Ce n’est pas leur
seul point commun : on y passe d’un étage à l’autre comme on zappe, avec un
glissement vers l’onirique. Dans Une
Nuit arabe, une coupure d’eau dérange
le quotidien des habitants d’un immeuble et les pousse à se rencontrer, dans
l’autre, les gens se croisent autour du
restaurant situé au rez-de-chaussée,
Le Dragon d’Or. Les éléments de l’écriture dramatique sont les mêmes. Les
pensées des personnages se mélangent
à leurs dialogues marquant des arrêts
sur image dans le jeu des comédiens et
CHRIS BOURGUE
Une Nuit arabe et Le Dragon d’Or
se sont jouées à La Criée du 29
novembre au 3 décembre
Austère
On the importance of being an arab d'Ahmed El Attar © X-D.R.
roles ancestrales, des gestes infimes, parasites et
impensés qui contiennent un monde ; finit, avant de
se pendre, par recueillir la sueur raclée sur sa peauécorce dans le verre de la honte... Maybe comme espoir?
Danse encore mais Forclose tout aussi dérangeante ;
emprisonnés dans des images peintes naïvement
expressionnistes, les signes chorégraphiés par Haïm
Adri de l’anéantissement d’un corps «possédé» non
par le démon mais par un autre, que l’on imagine masculin et veule ; Noémie Lambert, ombre chinoise, ne
sort à aucun moment de derrière son écran et instille
un malaise imputé d’abord à la lenteur excessive des
gestes misérabilistes ; l’explosion de la musique et des
mouvements frénétiques du sexe tarifé libèrent le
sens et accroissent l’inconfort ; le but est atteint.
Performances aussi en deux propositions qui interrogent la représentation ; la première joue avec le neutre ;
la seconde avec l’humour et le décalage ; dans On
the importance of being an arab Ahmed El Attar travaille à vider le titre, à le mettre à plat et suivant le
précepte de son prof de théâtre («c’est toi, en tant
qu’artiste, qui fait que ça arrive») assis sur une scènepiédestal devant un écran répète en léger décalage
ce que lui dictent ses propres paroles enregistrées
lors de conversations privées en février 2011 (voir
révolutions arabes) ; perplexité… Éclats de rire pour la
vraie-fausse émission radiophonique transmise en
direct sur radio FemmeFatale / Grenouille : trompel’oreille orchestré par Maya Boquet pour rendre
hommage à Lenka Nehanebna, star fantôme tchécoslovaque de la disparition sur image, art autrefois
prisé dans son pays, via la réelle présence de la très
dégourdie Léna Luptakova... vertige assuré !
Posture, imposture ? La réponse dans les images
traversées de lumière du plasticien Mehdi Meddaci :
occuper l’espace pour être là, pluie de poissons
rouges ou corps flottants à l’horizontale est déjà une
forme d’engagement !
MARIE-JO DHÔ
Les Rencontres à l’Echelle initiées par Les Bancs
publics ont eu lieu du 5 novembre au 3 décembre
© Brigitte Enguerand
À corps présents
Les 6e Rencontres à l’Echelle signalent le retour du
sensible et de l’incarné dans une manifestation tentée par le discursif un peu froid. Réjouissons-nous
d’avoir vu à l’œuvre le Ana fil midan / je suis dans la place
(SMS envoyés de Tahrir square par les manifestants
cairotes) comme titre d’une rencontre publique animée par Jean-Marc Adolphe, mais surtout comme
affirmation de présence active. Deux soirées et une
exposition pour conforter cette impression ; danse
d’abord avec le solo écorché du jeune égyptien Mounir Saeed qui ne se ménage pas ; boit un verre de vin
de trop, celui de l’interdit et de la solitude ; mêle aux
mouvements amples d’une danse en force et aux pa-
des ruptures de rythme. Les situations
se juxtaposent sous la dictée des didascalies dites par les personnages,
leur donnant un aspect loufoque. Dans
Le Dragon d’Or, par exemple, la composition des plats est très régulièrement
répétée par l’un ou l’autre des personnages créant du comique au milieu d’une
situation dramatique comme l’extraction de la dent gâtée d’un clandestin
chinois avec une pince universelle rouge ! La mise en scène est d’une grande
efficacité, le jeu des comédiens remarquables, et c’est ce qu’il faut à des textes
qui, en soi, ne sont pas véritablement
captivants.
La mise en scène des trois petites pièces de Daniel
Keene par Didier Bezace est d’une grande intelligence. Les acteurs, dirigés à la perfection, sont d’une
émotion intérieure qui fait frissonner, les silences sont
habités juste assez pour que le malaise surgisse dans
ces histoires de tendresse tragique, superbement
écrites dans leurs non-dits : un père en déshérence qui
n’a pas vu son fils depuis des années et entraine l’enfant, qui l’aime, partager pour un soir sa misère ; un
homosexuel qui crève de manque d’amour ; et puis,
surtout, rendue avec une vérité bouleversante, une
fille qui ramène sa mère sans mémoire vers elle,
tâtonnant, maternant celle qui ne la reconnaît plus, et
la connaît pourtant… Mais si la maitrise du temps et
du jeu est époustouflante, certaines répétitions pèsent
lourd, comme les placements immobiles des corps
dans l’espace, et les changements de décors incessants derrière le rideau qui se ferme trop souvent, trop
longtemps, sur les mêmes musiques… Et puis on se
demande pourquoi ce décor si lourd et gris, et si visiblement coûteux, pour parler de misère, affective ou
matérielle. La force de Keene, et des magnifiques
comédiens, passerait mieux sans ce décorum triste…
A.F.
Un soir, une ville a été joué à la Criée
du 15 au 19 novembre
BERNARDINES | LENCHE | GYMNASE
THÉÂTRE
13
Euclidien
Il s’agit de géométrie et la bande-son un peu lointaine
qui accueille le spectateur évoque bien un espace
normé. Les arpenteurs arrivent vite pour quadriller le
plateau nu et prennent leur temps (un peu trop) pour
en faire une scène. Donner à voir les mécanismes à
l’œuvre dans l’éducation au vivre en société : voilà
un projet aride qui se révèle très rapidement jubilatoire grâce au travail sans faille de la Cie Vasistas
menée par Argyro Chioti. Sombre, plantée droit au
milieu de la scène-laboratoire, la metteur en scène
dirige du regard et de la voix les acteurs qui font spectacle du rapport à l’autre, de la violence première
-extraordinaire grâce des chutes d’Ariane Labed- au
sentiment domestiqué ; le quatuor croise les rôles en
une (presque) impeccable chorégraphie des corps et
des langues : le grec, le français, l’espagnol redoublés
par leur traduction simultanée soulignent l’étrangeté
des interpellations oscillant entre le «tu» et le «il» ; les
visages sont malmenés, pincés, tirés, muselés ou tout
soudain caressés par la règle établie ; Argyro Chioti
«commente» l’expérience en poussant braiements ou
cris de mouette! Exercice de style réussi, un pas de
plus dans un cheminement singulier... vers quoi ?
© Cie Vasistas
M.-J. D.
Spectacle a été donné aux Bernardines
du 1er au 3 décembre
Relecture
Pas facile de monter le 1er volet de la trilogie de Pagnol. Pas facile de rester fidèle
à cette pièce d’anthologie, truffée de scènes et de répliques cultes, tout en la
renouvelant. On a tous en tête, à Marseille surtout, le film et ses acteurs
légendaires. On se rappelle aussi l’extraordinaire prestation en plein air, à l’entrée
du Vieux-Port, des Belges de la Cie Marius. C’est pourtant le pari qu’ont fait
Catherine Sparta et Bernard Monforte. Le résultat est plutôt réussi. Dans un
décor acidulé, les habitués du Bar de la Marine s’apostrophent et tonitruent sur
un tempo vif, fidèle à l’esprit de la pièce et du film (mention spéciale à César et à
Honorine). Ils s’en donnent à cœur joie, exagérant à plaisir certains effets, comme
sont exagérées leurs corpulences. Clins d’œil à l’excès de faconde
méditerranéenne ? Lecture tirant vers la farce ? On ne sait trop ; de même qu’on
ne voit pas vraiment la nécessité de jouer debout la célèbre partie de cartes.
Qu’importe. On se régale de retrouver tous ces personnages. Et d’entendre
claquer le texte.
FRED ROBERT
Marius, présenté par la Cie Il est une fois, a été accueilli au théâtre
du Gymnase du 1 au 3 décembre
© X-D.R.
Liquidation
«J’ai soif... donne moi à boire...» des mots (ni réplique ni
rien) qui reviennent dans la bouche des sujets (ni
personnage ni rien) de ce fragment de théâtre sans
objet mais non sans passé. François-Michel Pesenti a décidé d’en finir avec les sept moins un (mort)
comédiens qu’il a dirigés pendant un quart de siècle
et plutôt que de les achever à la Kalachnikov, il les
cuisine au petit feu de la rampe. Huis clos, non-lieu
qui convoque l’asile et Beckett, où errent lentement
en chaussons et en pantoufles -cul nu d’un époustouflant naturel pour Henriette Palazzi- la panique
et l’effroi : premier tableau grinçant et loufoque qui dit
l’angoisse de chacun face au démantèlement d’un
tuyau en amiante ; mots dévitalisés de Tchékhov qui
vident l’attention et font monter l’agacement... jusqu’à la scène du metteur en scène au pupitre, moment
de tendresse et de cruauté : ils y passent tous, chacun dans sa singularité corporelle, de l’extrême maigreur
à la fragile masse de chair, comédiens-personnages
d’un jeu de massacre glaçant et stimulant, cibles d’un
hommage paradoxal qui justifie enfin la radicalité de
la démarche.
MARIE-JO DHO
À Sec de François-Michel Pesenti
a été donné dans sa seconde version
aux Bernardines, Marseille, du 22 au 26 novembre
A la grace de Marseille © X-D.R
Le Sioux du Panier
Un vrai grand roman d’aventures, avec un Sioux Oglala pour héros, et qui se
passe... à Marseille au début du XXe siècle, c’est ce que nous a généreusement
offert Sylviane Simonet. L’annexe du Théâtre de Lenche est une toute petite
salle : tant mieux ! La lecture par épisodes du roman de James Welch À la grâce
de Marseille y gagne en intimité et chaleur humaine... d’autant qu’à la fin du
spectacle, on mange le décor à la bonne franquette. L’édition poche du roman
étant épuisée, vous avez une chance de gagner le livre d’occasion si vous
répondez le premier à la question posée par l’artiste à la fin des lectures ! Le
format feuilleton est une jolie trouvaille, qui permet de renouer avec de vieilles
traditions de suspens et de partage. C’est la troisième fois que la lectrice régale
ses auditeurs, guettez la prochaine occasion, et n’ayez pas peur de sauter dans
le train en marche car un résumé des épisodes précédents vous permettra de
raccrocher les wagons.
GAËLLE CLOAREC
14 THÉÂTRE TOURSKY | GYPTIS | GYMNASE | OUEST PROVENCE | GRASSE
Celui qui croit au ciel, celui qui n’y croit pas, l’athée
et le mystique, deux titans de scène réunis, ivres de
poésie, complices jusque dans leurs contradictions,
leurs convictions… Richard Martin s’empare des
textes à bras le corps, avec une puissance
passionnée qui emporte le monde dans l’orbe des
phrases, et Michaël Lonsdale, replié sur la saveur
des mots, leur accorde une nouvelle innocence,
comme émerveillé de la beauté du monde, avec une
voix qui s’étonne infiniment. Doudouk, clarinette,
violon et violoncelle s’accordent en contrepoint,
irisation supplémentaire aux élans poétiques que
brodent les modulations de Marie Demon (Leda
Atomica). Le spectacle s’orchestre, prenant le poème
d’Aragon comme ouverture et finale. À la Charogne
de Baudelaire répond La prière au pied de la croix de
Verlaine, au Thank you Satan de Léo Ferré, Les
Béatitudes de Jésus, au Mécréant de Brassens le
Cantique des cantiques… Assaut de contes et de
paraboles, joute amicale où les poèmes s’arcboutent
en cathédrale… Peu importe l’opposition des
mystiques opposées, il y a là une célébration
humaine, un hymne à la tolérance, avec l’art comme
(seule ?) transcendance.
Duel
complice
MARYVONNE COLOMBANI
Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas
a été créé donné au Toursky
les 24 et 25 novembre
Soyez moins frileux…
Les programmateurs n’y sont pas pour grand-chose :
si les tutelles n’exigeaient pas du rendement et si les
spectateurs, un peu moins frileux, n’allaient pas de
plus en plus retrouver sur les scènes ceux qu’ils voient
à la télé, ou dans les stades, les programmateurs ne
se verraient pas poussés à de telles absurdités… En
l’occurrence, c’est surtout la demande qui fait l’offre,
et seuls les spectateurs peuvent la changer !
Les salles sont vides, nous dit-on, et les théâtres ont
de plus en plus de mal à faire venir le public. À voir !
Le Gymnase et tous les théâtres qui le programment
n’ont aucun mal à remplir leurs salles avec le spectacle insupportable d’Éric Cantona braillant Ubu,
encagé parce qu’il ne sait pas bouger sur une scène
sans bomber le torse, hurlant parce qu’il ne sait pas,
autrement, se faire entendre dans un théâtre. Ubu
enchaîné est une des pièces les plus intéressantes
de Jarry, avec ses paradoxes effrayants qui résonnent
étonnamment avec notre temps (L’esclavage c’est la
liberté). La massacrer à ce point en éloigne pour
toujours ceux qui sont venus voir Cantona, et n’y ont
rien compris. Même ceux qui ont applaudi debout…
Ubu enchaîné a été joué au Gymnase
du 18 au 26 novembre, à l’Olivier, Istres,
le 29 novembre, au théâtre de Grasse
les 2 et 3 décembre…
© Pascal Victor
AGNÈS FRESCHEL
© Francois Mouren-Provensal
Chronique d’une folie en marche
Le journal d’un fou de Gogol est souvent adapté au
théâtre : son récit intérieur d’un personnage qui perd
pied avec le réel, et finit par se prendre pour le roi
d’Espagne, se prête à l’adaptation dramatique. La
mise en scène d’Andonis Vouyoucas est parfaitement réussie dans sa modestie : devant deux grands
tableaux dissymétriques qui représentent côté cour
l’espace intérieur, fantasmé et chaleureux du petit
fonctionnaire en mal d’amour, et côté jardin l’espace
public, saturé de signes incompréhensibles, d’une
société rigide et froide, Hervé Lavigne compose un
fou terriblement crédible. Comme ceux que l’on
croise, perdus, dans nos rues, et que certains aujourd’hui veulent enfermer comme d’autres voulaient
exterminer. Désaxé dès le départ, le fonctionnaire
Poprichtchine perd pied pour ne pas voir le regard
des autres, sa misère, son absence d’avenir, de
relation sociale ou affective. Le comédien, qui a pris
ses marques et son temps après une première représentation survoltée, fait entendre le désespoir, les
cassures, mais aussi la grotesque prétention, puis les
souffrances qu’on lui inflige dans l’asile où on le
torture… Une performance d’acteur remarquable, saluée
chaleureusement par le public, malgré la présence
incongrue de la soprano Florence Jourdain qui
chantait, on ne sait pourquoi, un répertoire de mélodies françaises sans rapport avec le propos. Sinon la
beauté pure du chant, idéal féminin de Poprichtchine ?
A.F
Le Journal d’un fou a été créé au Gyptis
du 15 au 26 novembre
MINOTERIE | VITEZ | AUBAGNE | ATELIERS
THÉÂTRE 15
Tous (ex) ados !
© Patrice Claire
Danielle Bré, metteuse en scène de
la Cie In Pulverem Reverteris, a proposé un montage de textes d’un écrivain
suisse qu’elle connaît particulièrement
bien, Robert Walser. Éternel adolescent, ce dernier excelle dans une langue
très écrite à évoquer l’éducation, les
rapports parents-enfants-professeurs,
les premières interrogations amoureuses. Danielle Bré veut ainsi s’adresser
aux ados d’aujourd’hui : «Qui sont-ils ?
Que leur dit-on ? Quelle est leur vision du
monde ?» Une scénographie sobre et
efficace de Christophe Chave occupe l’espace de bureaux et de chaises
tandis que des sonneries marquent
l’écoulement du temps et les changements de scène. Trois garçons et trois
filles parlent de leurs études, de leur
vie, s’interrogent sur l’amour, tour à
de recherche. Eux ne sont pas très loin
de leur adolescence, et ont participé
avec intérêt au débat après la représentation. Une question de Walser :
«Que devenir ?». Réponse : «Un homme
parmi les hommes».
CHRIS BOURGUE
La RéCréation, a été présentée
le 16 novembre aux classes d’option
théâtre dans le cadre du dispositif
du GRETE (Recherche Enseignement
Théâtre), puis s’est jouée
à la Minoterie du 17 au 19 novembre,
au Vitez (Aix) les 29 et 30 novembre,
et au Comoedia (Aubagne)
le 25 novembre
tour profonds et drôles. Pas d’action
mais des situations, des petits riens, et
même un jeu de la vérité. Côté cour une
table isolée pour la lecture, espace du
micro, histoire pour les acteurs de sortir
du jeu et de se retrouver en situation
Disparaître ?
Fritz est seul ; Fritz est triste ; Fritz aime (sans doute)
sa mère qui ne l’aime pas (peut-être) ; Fritz est le copain
de Fritz ; Klara est une salope dit Fritz ; alors Fritz veut
faire semblant de se noyer dans l’étang pour voir et
Laurent de Richemond aussi, précisément ça en
même temps et plus encore ! Le texte deRobert Walser,
L’étang, écrit en 1902 et traduit du bernois, fait dialoguer des personnages, frères et sœurs -il y a aussi
Ernst et Paul-, et les couverts -fourchettes et couteauxrejouent la scène des retrouvailles émues. Du Walser
quoi ! Déchirant, poétique, décalé, cruel, tendre et
déroutant ; Laurent de Richemond aussi, qui dans un
solo assoluto comme une diva sans frein, absorbe, boit
tous les rôles et se trouve une petite place pour suggérer discrètement qu’il joue, tant qu’à faire, l’auteur,
le metteur en scène et l’acteur au centre de ses 18
chaises grises vides. Mais il fait plutôt bien ce qu’il fait ; un
peu trop sentimental -souffrant mais assez juste dans
le très peu... En fait il n’est pas seul Fritz ; elle est là, elle
aussi, à l’écouter, assise sur une fesse, les bras chargés de hardes, nippes, dépouilles, habits vidés de leurs
habitants. Barbara Sarreau «peut» danser, ce n’est
pas ce qu’elle semble faire ici : une injonction énigmatique à «faire voir» revient régulièrement dans sa bouche,
mais son rôle consiste surtout à sortir de scène... disparaître pour faire apparaître... la mère ? On hésite…
Un fragment
de cornaline
MARIE JO DHÔ
L’Étang de Robert Walser a été donné au Théâtre
Vitez, Aix, le 7 et 8 décembre
Basculements
Grands aplats de lumière tamisée, espace scénique
divisé entre lecteur et personnages quasi muets (si
l’on excepte les cris ou les gémissements) qui évoluent
en contrepoint et non en illustration du texte. Il s’agit
d’un travail où lecture immobile et jeu se complètent,
tant par leurs échos que par leurs ignorances l’un de
l’autre. Objet d’expérience, le spectacle ne manque
pas d’intérêt. Le texte d’Alain Simon, fiction à la première personne, en évoque la vie, avec en ancrage le
lit, lieu des basculements, des plongées dans le néant,
des transgressions, des abandons, éros et thanatos
mêlés inextricablement. Un texte dit sans couleur cul-
tive la distanciation nécessaire au regard ironique porté
sur le personnage. Comparaisons paradoxales, humour,
avec des digressions un peu longuettes sur les tribulations d’un phallus en quête d’accomplissement…
Un cheminement qui mène de la naissance à la mort,
avec une fin aux allures de suicide stoïcien-euthanasie en présence des proches, histoire de choisir son
départ bien entouré. M.C.
Le lit, chantier de création,
a été défriché au Théâtre des Ateliers,
Aix les 2 et 3 décembre
© Caroline Pelletti
«Je vis dans un vide que je remplis de mes rêves et de
mes fantasmes» affirme Viktoria, le personnage solitaire d’Une histoire d’âme d’Ingmar Bergman. On
assiste à la lente dégradation de la vie de cette femme, capricieuse avec sa bonne, ses désirs inassouvis,
son mari infidèle et lointain, ses aspirations artistiques avortées, jusqu’à son internement final. Le texte
est remarquablement joué par Sophie Marceau, qui
sait instaurer par une distance subtile une esthétique
de la fêlure. Tour à tour drôle, désespérée, évaporée,
femme-enfant, folle et consciente de cette folie même,
elle joue d’une palette expressive nuancée. De sa voix
aussi, quel beau moment lorsqu’elle chante, perchée
sur un tabouret trop haut, fragile et sensible. Aux
limites de la déchirure, elle joue sur les masques des
différents personnages qu’elle aurait voulu être ou
qu’elle a été : «être comédienne, c’est être quelqu’un
d’autre (…) échapper à son quotidien mélancolique.»
Elle se perd dans tous ces rôles, à ne plus se reconnaître dans un miroir, ni dans l’image projetée de soi,
puis dans l’enfant sans nom qu’elle croit rencontrer
dans sa cellule d’isolement. «Je mens tout le temps»…
métaphore de l’acteur, mais aussi de chaque être pris
dans le kaléidoscope des représentations de soi, fragmenté par les regards, jusqu’à ne plus se reconnaître…
Seule sur scène, l’actrice module avec talent, sans
que Bénédicte Acolas n’injecte par sa mise en scène
ce supplément onirique qui aurait dû nous bouleverser. Le fragment de cornaline de la fin en perd de
l’éclat.
M.C.
À noter :
Une histoire d’âme se poursuit
au Jeu de Paume, Aix, jusqu’au 17 déc
0820 000 422
www.lestheatres.net
16 THÉÂTRE CAVAILLON | AIX | AVIGNON
Crise de mère
Plus qu’une performance ! Jean-Marc Bourg a non
seulement une mémoire et une technique impressionnantes, mais il a le don de nous captiver sur un
texte dérangeant et insaisissable. «Guérit-on des
mères ? Guérit-on de soi ?»
ses et de non-dits, de promiscuité avec ce corps
familier que l’acteur explore de souvenirs en événements, de reproches en aveux, nous explose à la
figure. Sans discontinuer. Tantôt diable, prêtre ou
docteur, il déroule ce monologue sans autre décor
que sa chair et des lumières savamment découpées,
nous égare dans les apartés délirants autour de cette
«omni-mère», nous plonge dans les obsessions dégoulinantes de l’auteur qu’il fait siennes (et nôtres).
«Quand je dis ma mère j’ai dans les dents des mots
doux et mordants.» Jaillissant de l’ombre à la flamme,
Jean-Marc Bourg, fascinant, nous projette comme
en une vague de fond, sans filet, dans cette «phrase»
unique, éloquente, complexe et digressive de Christian Prigent. Un lamento-bouffe qui bouscule les
liens indicibles entre le fils et sa mère, gorgé de
fantasmes et de bouffonneries, d’images crues et
d’inventions verbales. Ce lien fait de désirs, d’angois-
DELPHINE MICHELANGELI
Une phrase pour ma mère a été joué le 19 novembre
au Grenier (Cavaillon) dans le cadre d’Un truc de fou,
exclamation n°1
© Christophe Forey
À venir Une phrase pour ma mère
Le 15 déc
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
www.theatre-vitez.com
Corrida du désir
«La tauromachie est un drame et une fête. C’est la
solitude du matador, quand il y a 20 000 personnes
dans l’arène et qu’il est seul avec le taureau.» Inspirée
librement de textes tirés de Rhône Saga de Pierre
Imhasly, la cie Interface a pris à bras le corps le rituel
de la corrida, plaçant l’esthétisme et la sensualité en
premières lignes. Ni «pour» ni «contre», les trois partenaires se situent au cœur de l’engagement physique
entre l’homme et l’animal, autour de la danse vers la
«petite mort» qu’ils confrontent à la relation homme/femme. Les deux danseuses, lascives ou furieuses,
se roulent dans l’arène, se mettent au défi, jouent des
hanches et des regards. Le comédien rentre dans
leur lumière ; ils se jaugent et se bousculent, s’accrochent et s’étreignent. «Surtout ne tremblez pas»,
profère-t-il, répétant en boucle les poèmes de l’auteur
suisse. Un spectacle fort en nuances, fait de désirs et
de sensualité, de moments fougueux et d’autres plus
flottants -la partition dansée trouve quelques limitesoù le désir prime sur le sacrifice. Une bonne
alternative à la corrida.
Une terre, une histoire
DE.M.
© X-D.R
Notre terre qui êtes aux cieux a été joué
les 24 et 25 novembre au Chêne Noir, Avignon
DE.M.
Teruel s’est joué les 25 et 26 novembre
au Balcon, Avignon
© X-D.R.
Il en aura fallu des siècles pour apprendre que notre
planète est «un monde parmi les mondes». Il en aura
fallu des visionnaires pour nous situer dans l’espacetemps. Pour nous raconter l’histoire fascinante de
l’univers, l’astronome Jean-Louis Heudier et le metteur en scène Maurice Galland ont créé un spectacle
suite à une commande du Centre d’astronomie de
Saint-Michel l’Observatoire. Incarnant deux personnages, Profero le vieux fou plein de vérités et Domino
son éternel contradicteur, l’astronome s’improvise
comédien pour remonter 3 millions d’années. Là où
la conférence aurait pu être passionnante, le détour
par le théâtre tombe dans la caricature. Jean-Louis
Heudier, malgré ses pointes d’ironie dans les yeux et
sa maitrise du sujet, aurait été plus à sa place en
déroulant le fil de son savoir. Bien que pédagogique,
le discours devient parfois nébuleux, à moins d’être
accro à la sphère divine. On retiendra quand même
que dans ce voyage spatio-temporel, ramené à une
année, la découverte de Copernic commence le 31
décembre à 23h59mn et 56s… Nous sommes peu
de choses.
Des gallinacés
pas faisandés
Ambiance sixties sans la nostalgie ni
les yé-yé, poses à la «Chapeau melon»,
fauteuils, couleurs et instruments
vintage... Le décor assumé de Quoi de
dire de plus du coq ?, adapté de Xavier
Durringer par la Cie des Ouvriers,
décline un espace temps subsidiaire
aux autres protagonistes, une femme,
un homme et le groupe rock électro
pop Mina May. Du procédé fragile
qu’est le théâtre-concert, agrémenté
d’une tentation cinématographique (les
encarts pubs au générique, vraiment
kitch, ramènent à la réalité financière
d’une production difficile à monter
dont la cie des Ouvriers fait les frais
ces temps-ci) et d’un montage de
monologues et saynètes sans suite
logique ni personnage défini, ressort
un spectacle bien ficelé et drolatique.
Sur l’échiquier d’une course à l’amour
désabusée, ces histoires fragmentées
de couples deviennent sous la houlette
éclairée de Jean-Louis Gautier et
d’Isabelle Provendier (comédienne
inspirée qui signe avec brio sa 1re mise
en scène) férocement captivantes. Les
saynètes intimes sortent du simple
constat d’impossibilité et s’agrippent
aux émotions servies par les envolées
mélodiques du groupe, à l’univers
musical psychédélique. Un mariage
précieux et réussi du coq, de la poule
et de leur poulailler pas caquetant.
DELPHINE MICHELANGELI
Quoi dire de plus du coq ? a été joué
le 17 novembre au théâtre des Doms,
Avignon
Les jeunes et Troie
C’est un sacré défi qu’a lancé Jean-Yves Picq, directeur du département théâtre
du Conservatoire d’Avignon, à ses élèves du cycle spécialisé. Poursuivant le
parcours entamé autour des Tragiques Grecs, il les confronte au récit du siège de
Troie. Les 23 jeunes comédiens -nombre risqué pour qui veut faire émerger les
individualités- se sont donc frottés à Euripide, Sénèque et Hanokh Levin sur le
plateau généreux des Halles. Dans la première partie, longue, didactique, au jeu
et déplacements très attendus, les acteurs semblent peu goûter aux ressorts
psychologiques de ces guerres existentielles. Grecs et Troyens sont empêtrés
dans la volonté des Dieux, se demandant souvent «c’est quoi cette guerre ?». Des
sursauts d’idées, peu novatrices, tentent d’émerger : bulles, plumes, masques,
bâtons de pluie, gouttes d’encre diluées dans un plat en pyrex pour signifier
l’ignoble bataille, musique des Doors en happy end… L’arrivée des Troyennes rend
(heureusement) le récit plus fluide, plus dérangeant, au cœur de la ruse et de la
trahison. Les jeunes esclaves révoltées réussissent à surgir du collectif et
s’investissent dans la tension dramatique, livrant un mythe plus accessible.
Démonter les mythes d’une société engluée dans les guerres est difficile, et
d’autres plus aguerris s’y sont cassé les dents…
DE.M.
La Chute de Troie a été jouée
du 18 au 20 novembre au théâtre des Halles
par les élèves de dernière année du Conservatoire du Grand Avignon
© Vincent Alminana
18 THÉÂTRE PORT-DE-BOUC | BERNARDINES | NÎMES | MARTIGUES
Le théâtre
est un plat qui
ne se mange pas
Outrage au public est le premier texte
que Peter Handke écrivit pour le théâtre
dans les années 60, et qui fit alors
scandale. Un texte en forme de
manifeste qui critiquait les conventions
théâtrales de l’époque, et s’attaquait aux fondements
des règles sociales, aux conventions qui régissent
nos vies. Jouée dans les théâtres, Outrage au public
est une pièce sans histoire ; pas d’intrigue, pas de fil
narratif, situation inconfortable pour un public sans
repères. La cie belge De Koe en fait une relecture
actualisée, sans toutefois trahir la pensée subversive
de l’auteur.
Prévenu dès le début, par un texte qui défile sur le
mur, que la pièce de Handke ne sera pas jouée, le
public est livré à lui-même, toisé par les comédiens
regroupés autour d’une table, discutant entre eux.
Puis, occupant l’espace, ils se mettent à préparer un
repas (ajout scénaristique génial de la cie), un
véritable banquet qui prend forme peu à peu. Et dans
ce non-jeu il y a une mise en scène, il y a une action
dirigée qui passe son temps à dire qu’elle ne l’est pas.
Car ce qui compte c’est l’instant présent, une réalité
qui n’a de vérité que ce qu’elle délivre sur le moment,
créant attente (ennui ?), envie et frustration dans le
public, lequel est constamment pris à parti par les
comédiens qui distillent humour et ironie. Le jeu du
public immobile rejoint alors le non-jeu de la scène,
jusqu’au final attendu (le banquet est saccagé) qui
consacre, enfin, la provocation.
© Koen Broos
DO.M.
Outrage au public a été joué à l’Odéon,
Nîmes, du 22 au 25 novembre
Platitudes
Super heureux !, un texte de Silke Hasslermis en
scène par Jean-Claude Berutti, se présente comme
une «comédie contemporaine délicieusement déjantée qui pose, sans en avoir l’air, la question de l’amour
et du couple au temps d’Internet.» Mais de contemporain il n’y a que le contexte, dans ses allusions aux
téléphones portables et à la sexualité à distance, et le
spectacle n’a rien de déjanté : les codes de la représentation sont ceux du théâtre mimétique bourgeois
qui joue à être vrai sans distance, et les dialogues sont
stupéfiants de lieux communs : «Je n’ai même pas un
prix littéraire», se plaint le jeune homme qui n’a jamais
publié le moindre début de roman. Comme si les vies
ratées se mesuraient à l’aune des prix non reçus… La
comédienne se démène à insuffler un peu de vie à
cette pièce mal ficelée qui campe mal des personnages jamais attachants, ni vrais, ni emblématiques,
dans un décor de boulevard -canapé, table basse,
bibelots et portrait au mur. Les allusions sexuelles et
les piètres imbroglios déclenchent des rires pas très
libérateurs, et au-delà du mauvais goût on s’interroge
sur le sens même du projet. Quel intérêt dans cette
histoire banale d’un couple aussi caricatural dans ses
désirs de grandeur et de reconnaissance sociale (il
veut être écrivain, elle comédienne) que dans ses
petitesses (peur d’une queue demie molle…) ?
© Agnès Mellon
A.F.
Super heureux ! a été joué aux Salins, Martigues,
du 26 novembre au 8 décembre
© Elian Bachini
Vivre tout entière
Antigone est une rebelle, une révolutionnaire, une résistante ;
figure emblématique de l’insoumission que l’Agence de
Voyages Imaginaires fait clown. Car Séraphin, le clown innocent et malicieux de Valérie Bournet est de retour, toujours
accompagné des ses deux anges gardiens musiciens-comédiens qui auront fort à faire. Tour à tour Séraphin, Antigone
et Créon, la comédienne est bluffante sans trop en faire,
changeant un simple accessoire pour devenir l’un ou les autres, tandis que Claire Leyat et Hadrien Trigance s’affairent
à ses côtés, jouant, mimant ou l’accompagnant en musique.
Humour et légèreté complètent et renforcent la tragédie,
véhiculant par le rire libérateur l’émotion inévitable vécue
par Antigone.
La mise en scène de Philippe Car joue là sur les tempos, les
modes de narration qui permettent des respirations poétiques et gaguesques, ce qui ne gêne en rien la progression
de la narration, et met aussi l’accent sur un discours de
résistance intemporel.
DO.M.
Sur le chemin d’Antigone a été joué au Sémaphore,
à Port-de-Bouc, le 25 novembre.
À venir :
Du 10 avril au 5 mai
Théâtre des Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
CHÂTEAUVALLON | CHÂTEAU-ARNOUX
THÉÂTRE 19
Chaud froid
«Dans la vie tout est fiction». Ainsi débute Ma chambre froide. Joël Pommerat souffle le froid sur les
relations humaines et sociales dans un huis clos anxiogène, avec toujours cette même «énergie sombre
et silencieuse». Cette fois la narration fragmentée se
délie autour d’une ligne explicite : l’histoire d’Estelle
qui aimerait tellement croire en Dieu, et dont le cœur
généreux et la «bonté simple» font le miel de ses
collègues et de son patron ! Convaincue que tout homme est bon, la voici lancée dans une aventure qui la
dépasse avec l’espoir de changer les autres… Loin
de confondre l’art et la vie mais travaillant sur «le rapport au réel», Joël Pommerat saisit en chacun de ses
héros ordinaires le point de fracture, la fêlure ou le
basculement dans la psychopathie (le dédoublement
d’Estelle). Le spectateur est immergé dans un trou noir
permanent et assiste à la chute désespérée de ces
êtres vers le chaos, l’incompréhension, la violence. Ce
sont de minuscules tranches de vie qui apparaissent à
la faveur d’une salve de flashes intenses, répétitifs,
accentuant encore le mal-être, les crispations, les ressentiments. Dans cette esthétique qui conjugue les
artifices du théâtre et la vérité des sentiments, l’auteur-metteur en scène distille en filigrane une «leçon
de théâtre», plongeant dans l’arène -un dispositif circulaire contraignant pour des acteurs exceptionnelsdes employés incapables de satisfaire l’ultime désir
© Elisabeth Carecchio
du patron : créer une pièce de théâtre qui raconterait
sa vie… Le théâtre serait-il le dernier lieu de transgression de la réalité ? Pommerat ne donne pas de réponse.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Mythe et cruauté
S’inspirant de textes de Schwab, le dramaturge autrichien qui affirmait que
«dans l’art, les gens ne doivent pas s’intéresser à la blessure de l’artiste… mais
au bruit qu’elle fait», Maurizio Lupinelli
construit une pièce étrange, somme de
«petites situations réalistes traitées de manière hyperréaliste», explique-t-il. Succession
de tableaux animés ou immobiles, comme figés dans le cliché d’un songe
éveillé. Écriture fragmentaire, fragmentée, nourrie des figures de l’imaginaire
de l’enfance, loup, chaperon rouge, petite fille modèle, Blanche Neige de Walt
Disney, humus nécessaire à l’appré© Lucia Baldini
hension d’une réalité d’abandons, de
solitudes, d’incommunication. L’imaginaire prend le relais de toutes les petites
situations qui apparaissent dans un
traitement subtil de la lumière, avec des
fondus au noir, une esthétique qui peut
rappeler certains tableaux d’Edward
Hopper. Violence du quotidien, entre
mari et femme, sur des sujets infimes,
«tu as touché à ma serviette !», entre enfant et parent qui refuse la possession
d’un chien, faim inextinguible d’un
personnage récurrent, petite fille qui
recherche une mère disparue… et des
scènes paroxystiques de comédie italienne où chacun crie, hurle, mais reste
enfermé dans un monde clos et où
personne ne s’écoute. En un final shakespearien, le roi Lear évoque la sottise du
monde qui rend le ciel responsable de
ses propres désastres. La troupe du
Nerval Teatro comprend des acteurs
handicapés. Sur scène, les différences
s’effacent, il n’y a plus que des acteurs
tous excellents. La venue de la troupe
au théâtre Durance reposait sur un
projet de traduction. Celle-ci, remarquable (par Alessandra Rey), devient
aussi personnage. Une œuvre difficile
qui, grâce à un travail préparatoire, a
su porter devant le public des questions éthiques.
MARYVONNE COLOMBANI
Appassionatamente a été créé
au Théâtre Durance le 9 décembre
Ma chambre froide
a été donné les 24, 25 et 26 novembre
à Châteauvallon
20 THÉÂTRE TOULON
Notre Grèce à Toulon
Pays natal © Agnès Mellon
Le Théâtre Liberté a proposé un cycle thématique sur
la Grèce aujourd’hui qui déclinait deux propositions
théâtrales, des débats avec le dramaturge Dimitris
Dimitriadis, puis Robert Badinter, des projections
très diverses (du mythique nanar L’attaque de la moussaka géante jusqu’au chef d’œuvre d’Angelopoulos,
le Regard d’Ulysse, des expositions) : la série de Spyros
Staveris sur les Indignés de la place Syntagma, judicieusement mise en perspective avec deux autres
sur les fêtes populaires, brosse le portrait d’un pays
jeune, rageur, splendide, libre dans ses aspirations et
contraint dans sa réalité, sinistré et s’esclaffant audelà de la tragédie, comme on le retrouve aussi dans
les images prises en août à Athènes par Dimitris
Daskas.
Qui est aussi comédien et metteur en scène : le cycle
théâtral s’ouvrait par une création à quatre voix, Pays
natal, portée par deux jeunes grecs et deux jeunes
français, inspirée, librement mais profondément, par
deux pièces de Dimitris Dimitriadis. La pièce, faite
d’éclats, de fragments successifs, frappe par son
actualité, la clairvoyance du constat, le désir de partir,
la privation de mémoire et de projets dont semblent
souffrir les Grecs. Faite d’adresses directes au public,
mais aussi de moments de jeu collectif, de dialogues
ou d’envolées lyriques, elle rappelle les faits, et
démonte avec humour, et efficacité, quelques clichés
des touristes. Mais en conforte d’autres ! Le personnage féminin français, insupportable, incarne-t-il leur
vision de la femme ? Seule à ne rien revendiquer, à ne
pas faire de constat, sans désir d’émancipation, elle
trimballe (avec talent !) le stéréotype de la touriste idiote
attirée par le Grec…
L’image de la femme dans Ithaque est bien plus riche,
et intéressante. La pièce de Botho Strauss, mise en
scène par Jean-Louis Martinelli et créée à Nanterre
en janvier 2011, avec Charles Berling en Ulysse,
reprend les derniers chants de L’Odyssée. Assez
fidèlement, littéralement même par endroits, en
opérant de subtiles inflexions. Ainsi Ulysse, guidé par
une Pallas Athéna ivre de sang et de vengeance, ne
maîtrise pas ses actes sanglants, et se révèle velléitaire dès qu’elle n’est pas à ses côtés ; Télémaque
est poussé à obéir au père jusque dans le meurtre et
les prétendants, traités comme un chœur, apparaissent pourtant dans leurs individualités, et semblent
pour la plupart ne pas «mériter» leur mort, aisément
évitable si Ulysse se découvrait plus tôt. Quant à
l’aveuglement de Pénélope, qui ne reconnaît son mari
que lorsqu’elle en a la preuve, il est souligné par une
longue scène où elle le prend pour un mendiant. Autant
de variations fondées sur des suggestions du texte,
que Botho Strauss exploite et creuse, produisant ainsi
une réflexion sur la légitimité du pouvoir et le désir
de vengeance très contemporaine. Que la mise en
scène de Martinelli souligne par des accessoires et
costumes anachroniques, et une Pénélope à la fois
maquerelle et somnambule rongée par l’absence non
d’Ulysse, mais de désir. Si la première partie est un peu
longue et lourde dans l’installation des personnages
et des enjeux (le spectacle dure trois heures, dans
un décor monumental et gris, écrasé dans le Théâtre
liberté dont le plateau n’a pas l’ouverture des Amandiers), la deuxième partie file comme la flèche qu’Ulysse
décoche de son arc viril. Et laisse après le massacre,
le début de révolte du peuple qui s’amorce, sur l’interrogation subtile qui flottait dans l’air depuis le début :
y a-t-il des retours heureux, et des prises de pouvoir
légitimes ?
Ainsi se clôturait le cycle sur la Grèce aujourd’hui. Qui
parlait aussi de bien d’autres peuples en ébullition.
AGNÈS FRESCHEL
Ce cycle s’est déroulé
du 16 novembre au 4 décembre
au Théâtre Liberté, Toulon
Flambant bleu !
La Corse se taille le premier rôle dans
Bleu Conrad, l’écrivain-voyageur Joseph
Conrad le second. Ou inversement…
Quand Maddalena Rodriguez-Antoniotti boucle son récit fiction elle ignore
encore qu’il sera adapté au théâtre par
trois magiciens : le metteur en scène
Jean-Yves Lazennec qui en extrait
quelques pépites, imagine une longue
table de lecture plongée dans la pénombre et orchestre une partie de
ping-pong harmonieuse avec les polyphonies corses ; le comédien Michel
Albertini subtilement glissé dans les
habits du jeune Polonais expatrié qui
deviendra marin et écrivain ; l’ensemble
Barbara Furtuna dont les interventions rythment à point nommé le récit.
Interrompu ou accompagné parfois par
les chanteurs, le comédien endosse le
réactions des nouveaux venus, la poésie
et l’Histoire, les filets et les cordages
de «tout un peuple de pêcheurs (qui)
donne de la voix». En une fraction de
seconde on embarque sur le Liberia,
on accoste à Ajaccio, on file vers Bastia,
on croise l’ami Dominique Cervoni qui
lui apprit le métier de marin, on balbutie quelques mots de Corse avec le
quatuor. On épouse avec délices le
portrait frémissant d’un homme qui sut
«extravaguer sur terre comme sur mer».
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
© Maddalena Rodrigez-Antoniotti
cabas marin de Joseph Conrad, quelques feuillets à la main, comme s’il n’avait
jamais quitté le pont. Écho troublant
aux modulations d’un texte qui évoque
les années à Marseille et la vendetta, les
us et coutumes des insulaires et les
Bleu Conrad a été joué
les 25 et 26 novembre
au Théâtre Liberté à Toulon
AU PROGRAMME
THÉÂTRE
21
En
visite
Reprise
Jean-Louis Benoît revient à la Criée pour y créer
Incandescent
Britannicus de Racine est repris au Toursky dans une
une fois encore. Cette fois le montage repose sur
trois pièces de Courteline. On connaît sa lecture de
ce théâtre fin de siècle (le XIXe !) qui raille cruellement
le bourgeois. Les petites pièces de Courteline ont la
particularité de se concentrer sur la cruauté des
ménages, les mécanismes emportés du couple, les
mesquineries de l’administration. Pas très loin de
Kafka finalement, sans métaphore fantasque mais
avec un sens aigu du dialogue.
mise en scène de l’un des parangons du théâtre
russe, Tatiana Stepantchencko. On y voit les
débuts de Néron, le passage de la pureté à la folie,
dans l’enchaînement implacable de la tragédie.
Britannicus est la victime inaugurale d’un règne
sanglant dominé par les dérèglements d’un esprit
malade, dans la représentation que l’on cultivait au
XVIIe. À la passion racinienne s’allie la fougue slave.
Tout s’embrase !
Courteline, amour noir
Du 12 au 28 janv
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
© Mathieu Bonfils
Françoise Chatôt reprend le succès de la saison
dernière pour quelques représentations à ne pas
manquer : son Roméo et Juliette est porté par des
jeunes comédiens formidables, et une belle fidélité
aux élans amoureux du texte.
Kane…
Britannicus
Les 13 et 14 janv
Théâtre Toursky, Marseille
0 820 300 033
www.toursky.org
Roméo et Juliette
Du 10 au 21 janv
Théâtre Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Jumeaux
La cie Teatrocinema revient sur la scène du Merlan
© Cie La Paloma
Thomas Fourneau met en scène le texte cri de
Sarah Kane, lettre sur le théâtre et sur la mort, portée
par deux comédiennes remarquables, Rachel Ceysson et Marion Duquenne, et mis en lumière par la
subtile Pascale Bongiovanni. Une création qui se
veut avant tout une réflexion sur le théâtre et sur la
spécificité du temps dramatique, et de sa musicalité.
4.48 psychose
Du 12 au 21 janv
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
avec son spectacle de théâtre d’objet fondé sur le
magnifique roman d’Agota Kristof, Le Grand cahier.
Un spectacle qui a fait le tour du monde, avec son
univers glacial d’avant la chute du mur, transposé par
la troupe chilienne dans la dictature de Pinochet.
Gemelos
Le 6 janv
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
…
et Bond
Autre création d’un texte anglais par une de nos précieuses compagnies dites régionales : Eva Doumbia
met en scène Sous chambre d’Edward Bond, qu’elle
avait mis en espace lors d’actoral 10. Une pièce
d’anticipation qui décrit une société militaire cauchemardesque, en 2077, où les immigrés sont
persécutés…
© Teatrocinema
Lumineux
En réponse à L’Obscurité (joué en 2011), la Cie Cela
© X-D.R.
ne finira jamais crée La Clarté, sur un texte de Rémi
Checchetto et Suzanne Joubert et une mise en espace et en voix de Nicole Yanni. Une représentation
donnée dans le cadre des Mots à l’heure -manifestation qui met à l’honneur les écritures contemporaines-,
avec Agnès Sourdillon, Eric Feldman, Géraldine
Martineau et Sébastien Todesco.
La Clarté
Les 5 et 6 janv
Théâtre du Petit Matin, Marseille 5e
04 91 48 98 59
http://tpmatin.over-blog.com
Fresque
La cie des Oiseaux propose Divine humanité, une
fresque épique en trois volets. En première partie, Le
masque du singe, épopée chinoise où se posent les
questions de la liberté individuelle, de la raison d’état,
de l’éthique (Tao), empreinte de pensée confucéenne, constitue aussi une réflexion sur le théâtre avec
un héros acteur aux masques. L’opus 2, Le fils de
l’homme, se nourrit de la passion christique et de la
passion du théâtre. L’opus 3, Le cœur du sage, évoquera la 3e croisade où l’on rencontre Richard Cœur
de Lion, Salâh Ad-dîn, le chef des templiers… Œuvre
laïque, dans la connaissance de toutes les cultures.
Le 20 janv
Scène Nationale de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Sous chambre
Du 16 au 22 déc
La Friche
04 95 04 95 02
www.lafriche.org
© Didier Crasnault
Le Masque du singe, Divine humanité opus 1
Du 10 au 14 janv
Le fils de l’homme, Divine humanité opus 2
Du 17 au 21 janv
Le cœur du sage, Divine humanité opus 3
Du 24 au 28 janv
Le Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Le Masque du singe © Jean-Michel Albert
22 THÉÂTRE AU PROGRAMME
Grandeur
Arletty (Catherine Germain) et Zig (Dominique Che-
frontières, ses fractures, oscille aux limites du sens et
de la métaphore. La Cie Le bruit des hommes
s’empare de cette pièce difficile, tragique, haineuse,
tendre, drôle, qui met en question le langage et la
destinée même de l’homme. Des rencontres autour
de Samuel Beckett seront proposées durant la saison
dans la ville d’Aubagne par cette Compagnie (Jeu(x)
di(t)s d’auteur).
vallier) vont rendre visite à Boudu (Bonaventure
Gacon) qui vit retiré dans une sombre caverne. Alors
qu’ils s’apprivoisent voilà que demoiselle Arletty se
met en tête de jouer Shakespeare avec ses compères… Le Roi Lear, rien de moins, les révélera dans
leur grande humanité, avec force gestuelle insensée
et véritable questionnement sur le théâtre. Car «le
clown n’est pas un acteur» affirme François Cervantes, le metteur en scène.
Fin de Partie
Le 13 janv
Le Comoedia, Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
Le 20 janv
théâtre de la Licorne, Cannes
04 97 06 44 90
www.madeincannes.com
© X-D.R
Grand
Jeu
Irrésistible !
Fin de Partie de Beckett avec son exploration des
Le théâtre des Ateliers reprend pour notre grand bonheur son irrésistible Voyage sur place de et avec Alain
Reynaud et son comparse Alain Simon (Zib 39). Une
force comique et tendre dans cette évocation de ces
années où posséder une voiture était un luxe et où les
jeux de billes n’avaient pas encore été supplantés par
Warcraft… Un spectacle jubilatoire à voir et revoir
avec délectation !
police pour un vol commis dans leur entreprise,
menée par un patron richissime et odieux. La pièce
d’Alexandre Papias reprend l’aphorisme célèbre de
Proudhon, «La propriété, c’est le vol». Occasion d’une
enquête policière déjantée et sarcastique au cours
de laquelle les comédiennes s’en donnent à cœur
joie. Est-il possible moralement de voler un voleur ?
La troupe de Tortutrankil se glisse avec délectation
dans ce paradoxe délicieusement caustique mis en
scène par Géraldine Loup.
La propriété c’est le vol
Le 6 janv
Cinéma 3 Casino, Gardanne
08 92 68 03 42
www.cinema-gardanne.fr
Fiction ?
© X-D.R.
Proudhonien
5 drôles de dames sont convoquées au poste de
Voyage sur place
Les 18 et 19 janv
Théâtre des Ateliers, Aix
04 42 38 10 45
www.theatre-des-ateliers-aix.com/blog
Les clowns
Les 5 et 6 janv
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Vivacité
Vivacité sous les masques. Le malade imaginaire de
Molière par la compagnie Kronope dans la mise en
scène de Guy Simon permet de réviser ses classiques.
Humour, personnages bien typés, jeu des masques,
dans une représentation au rythme soutenu. Les acrobaties, la magie des costumes, une bonne manière
de commence l’année !
Le malade imaginaire
Le 7 janv
Espace NoVa, Velaux
04 42 87 75 00
www.espacenova.com
professeur, le personnage principal se plie au jeu de
l’interview face à un jeune couple venu l’interroger
sur sa carrière. Retour sur sa vie, ses mensonges,
ellipses, les mystères d’une grande carrière… Grand
écart de Stephen Belber dans une mise en scène de
Benoit Lavigne affiche déjà une représentation
supplémentaire. La présence de Bernard Lhermitte
y serait-elle pour quelque chose ?
Grand écart
Du 17 au 21 janv
Jeu de Paume, Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
© Dunnara Meas
© Manuelle Toussaint
Lime
lights
Vieillir est un art difficile, surtout lorsque l’on a goûté Hommage
aux feux de la rampe… Danseur de talent devenu
Vivre sans but transcendant est devenu possible et
Vivre est devenu difficile mais souhaitable sont les
deux versants d’un dyptique qu’Antoine Lemaire
consacre aux confessions intimes. Dans le premier
cinq jeunes acteurs parlent avec désenchantement
de leurs rêves et de leurs ambitions, avec humour et
dérision ; dans le second, deux femmes et trois
hommes de plus de 65 ans se confrontent au Sacre
du printemps de Stravinsky, se dévoilant lors de
témoignages livrés en vidéo ou directement.
Vivre sans but transcendant est devenu possible
Le 17 janv
Vivre est devenu difficile mais souhaitable
Le 24 janv
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Dans les années 70, Le Masque et la plume, émission
mythique de France Inter, comptait parmi ses critiques Jean-Louis Bory et Georges Charensol, aussi
différents que complémentaires. Lors d’échanges
nourris et virulents, usant de joutes verbales brillantes,
ils s’affrontaient sur des films devenus incontournables comme Bande à part de Godard, L’Empire des
sens de Oshima… François Morel adapte ces échanges pour le théâtre, avec Olivier Broche et Olivier
Saladin accompagnés de la musicienne Lucrèce
Sassella.
Instants critiques
Les 16 et 17 déc
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Vertigineux
Jean-Luc Revol met en scène, dans un décor épuré,
Hamlet de Shakespeare, avec Philippe Torreton
dans le rôle-titre. Une pièce qui, d’après le comédien,
contient tout le théâtre, «le théâtre d’action, le théâtre
de réflexion, le théâtre comique, le drame familial,
l’épopée historique…»
Hamlet
Le 10 janv
Théâtre de La Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
THÉÂTRE
Pour une rose
Money
23
© Francois Bouchon
Parodique
Jacques et Mylène forment un couple de parodie, une
entreprise impossible en quelque sorte. Le duo, imaginé par Gabor Rassov et mis en scène par Benoît
Lambert, va jouer «une histoire d’amour, un drame,
un vaudeville, une tragédie, une épopée, une tendre
chronique familiale […] une comédie familiale foisonnante de situations cocasses», rassemblant à eux
deux tous les travers petit-bourgeois universels…
© X-D.R.
Jacques et Mylène
Le 10 janv
Salle de l’Arbousière, Châteauneuf-de-Gadagne
Le 11 janv
Centre culturel, Joucas
Le 12 janv
Salle des fêtes, Mérindol
Le 13 janv
Salle des fêtes, Les-Paluds-de-Noves
Le 14 janv
Ancien temple, Lacoste
Le 16 janv
Espace culturel Folard, Morières-les-Avignon
Le 17 janv
Salle des fêtes, Maubec
Scène nationale de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Un marchand ruiné cueille une rose pour sa fille,
Belle. Le monstre propriétaire du parc, la Bête, exige
la venue de la jeune fille. En fait, c’est un prince enchanté et bien sûr tout finit bien, les méchants sont
punis et les gentils se marient. Florence Lavaud reprend cette histoire, l’adapte au théâtre pour un
public à partir de 9 ans. Thèmes de la solitude, de la
différence, de la monstruosité… et une recherche qui
s’articule autour de l’invisible, de l’inaudible…
Une Belle, une Bête
Le 11 janv
Théâtre en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
© Anne Beranger
Mime
Humour et drôlerie au rendez-vous pour le nouveau
Le roman d’un Trader de Jean-Louis Bauer s’assortit
de la formule rituelle, «toute ressemblance avec…
etc.» Aussi, on ne cherchera pas à mettre des noms
sur les personnages : un golden boy met en déroute
une grande banque internationale. C’est ainsi que
l’histoire commence. Bon, hystérie dans ladite banque,
affolement au cœur des transactions boursières…
Une satire aux résonnances bien actuelles. Une manière de se divertir de ceux qui nous paient de mots.
Un spectacle où le rire s’empresse de venir à la
rescousse de faits graves, dans une mise en scène de
Daniel Benoin.
spectacle de Patrice Thibaud. Exercice de mime
drolatique en compagnie de son complice au piano
Philippe Leygnac. Un spectacle déjanté où les clowneries s’enchaînent sur un rythme effréné. Musique
et jeu scénique s’entrecroisent et s’emballent pour le
plus grand plaisir de nos zygomatiques, avec une
touche de poésie.
Cocorico
Les 27 et 28 déc
Théâtre Liberté Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
© Celine Aubertain
Le roman d’un trader
Du 18 au 20 janv
Théâtre Liberté Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
Du 15 au 18 fév
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Ciel
mon mari !
Apprentissage
Travailleurs
Le chassé-croisé virevoltant des couples, des amants, Adaptant La Promesse de l’aube de Romain Gary,
Chibanis, cela veut dire cheveux blancs, vieux, en les quiproquos, les situations grotesques, tout se Bruno Abraham-Kremer se glisse dans la peau de
arabe. Nasser Djemaï s’attache dans sa pièce
Invisibles à évoquer ces travailleurs immigrés des 30
glorieuses, qui ont vieilli, se murent dans un silence
digne. Les mettre en scène est à la fois un exercice
de mémoire salutaire, un témoignage bouleversant,
un hommage aux oubliés de la guerre économique.
Une pièce forte.
Invisibles
Le 14 janv
Théâtre Liberté Toulon
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
conjugue dans Le dindon de Feydeau pour amener
le rire. L’art du vaudeville est mené avec une verve
cocasse, pour une critique d’une société que le conformisme des codes étouffe. La comédie de mœurs
bourgeoise épingle les ridicules et Feydeau sait en assembler les rouages à merveille. Une mise en scène
de Philippe Adrien.
Le dindon
Les 13 et 14 janv
Théâtre La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
l’écrivain qu’il considère «comme un frère d’armes».
Dans ce roman d’inspiration autobiographique, Gary
brosse le portrait de sa mère, l’actrice russe Nina
Borisovskaia, balayant l’Histoire de Wilno à Vasovie,
du «Grand salon de modes» de Paris au marché de la
Buffa de Nice, de l’hôtel-pension Mermont aux base
aériennes de Salon-de-Provence…
La Promesse de l’aube
Les 7 et 8 janv
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
24 DANSE CANNES | GRENADE
Une semaine de danse
Cannes, son G20, ses palaces, son Palais mythique…
Vous pensiez que le Festival de danse déroulait le tapis rouge ?
Loin de là !
Un public jeune, décontracté, visiblement pas très
huppé mais fou de danse, emplit les salles tous les
soirs. Il faut dire que les tarifs sont très abordables.
Ainsi avec 30% de Cannois, 40% des Alpes-Maritimes,
et 30% du reste de la région, ou d’Italie, plus de 12 000
billets ont été vendus en six jours, sans compter les
installations et projections en entrée libre, et les nombreux professionnels invités : la Ville de Cannes, qui
finance la plus grande part du budget (700 000 € en
tout), «vit et se nourrit de ses manifestations culturelles, et sait les maintenir.» Pour Bernard Oheix,
directeur du Palais des Festivals, «cette édition est
une grande réussite publique et artistique, malgré un
budget resserré cette année. La Ville reste très engagée pour ce Festival qui s’inscrit dans un ensemble de
manifestations culturelles internationales, comme le
festival de cinéma mais aussi celui de pyrotechnie, ou
celui des jeux. Frédéric Flamand, en articulant sa programmation autour du thème des nouvelles mythologies,
et en apportant ici une forme de convivialité nouvelle,
confirme ce positionnement du Festival de danse loin
des paillettes, à la pointe de la réflexion et de la culture.» Au terme de la semaine de danse le bilan est
tout à fait positif, même si Frédéric Flamand comme
Bernard Oheix déplorent de ne pas avoir les moyens
de créer ou coproduire des œuvres nouvelles : «Avec
seulement 300 000 € de budget artistique, et le fait
que dans ces salles (de 2300 à 800 places ndlr) le
coût technique des spectacles est forcément très
élevé, nous ne pouvons qu’accueillir des spectacles
ESDC Rosella Hightower - piece de Jean-Christophe Maillot © Olivier Houeix
déjà créés, contrairement à Montpellierdanse ou à la
Biennale de Lyon. C’est dommage…»
Car à Cannes la danse a trouvé depuis longtemps
son ancrage : le Festival dirigé pendant 20 ans par
Yourgos Loukos, mais aussi la grande école Rosella
Hightower qui a formé un nombre incroyable d’interprètes, et de chorégraphes. L’École Supérieure proposait
d’ailleurs un spectacle pour fêter ses 50 ans, reprenant pour l’occasion un petit chef-d’œuvre de Bagouet
et une pièce très virtuose de Maillot, laissant le BNM
interpréter un beau duo d’Anton Svir, et les danseurs algériens d’Hervé Kouby danser un extrait du
Cie Emio Greco © Olivier Houeix
magnifique El Din (donné en intégralité à La Colonne,
Istres, le 7 nov) : un ballet masculin flamboyant qui
mixe une architecture classique et des techniques
contemporaine, hip hop, capoeira, avec l’acrobatie la
plus époustouflante… Décidément les chorégraphes
issus de «La Rosella» ont du talent, et les danseurs du
Jeune Ballet de Cannes un bel avenir !
Au programme
Les 13 pièces et 2 installations retenues par Frédéric
Flamand s’attachaient donc à dresser un état des
lieux des nouvelles mythologies. Avec une grande
place accordée à des chorégraphes de la région :
ainsi on a pu se lasser à nouveau des espiègleries
subversives de Christophe Haleb, s’émouvoir derechef des corps à bout de souffle des seniors de
Thierry Thieu Niang, revoir encore, sous un nouveau jour dans cet immense espace qui lui va très
bien, le Moving Target de Flamand, particulièrement
bien dansé ce soir-là, et suivi par deux musiciens
inspirés ; découvrir une nouvelle pièce d’Éric Oberdorff, Butterfly soul, dansée avec une grande
délicatesse par Cécile Robin Prévallée ; et regarder
lentement les clones des Corsino tomber sur les
écrans, corps virtuels obtenus par captation puis
ralentissement et lissage des mouvements de vrais
danseurs, spectres cotonneux qui suscitent cette
impression d’étrangeté familière qui peuple les
rêves…
D’autres pièces venaient de plus loin : une installation
interactive en triptyque de Thierry de Mey, remarquablement conçue dans ses angles, ses points de
vue qui vous plongent dans la danse (From Inside).Une
réflexion amusée sur la copie et la transmission de
Joanne Leighton : une des deux femmes-chorégraphes d’une programmation où les mythologies
explorées naissent des fantasmes des hommes, dans
une profession qui se déféminise à grands pas !
La vision de la femme dans la Nouvelle création de
La La La human steps (Edouard Lock) est d’ailleurs
effrayante : poupées manipulées étirées exécutant
DANSE 25
entre les bras des hommes porteurs
des figures d’une époustouflante vitesse, elles sont des caricatures mises à
sec de ballerines. Même mouvement
étiré à l’extrême pour Michael Clark :
délibérément rock, mais moins déjanté
que ses icônes Bowie, Lou Reed ou
Brian Eno, Come, been and gone fait
l’effet d’un mauvais shoot. Un premier
tableau cosmique où rien ne suinte des
corps athlétiques gainés de bleu ; un
second qui met sur orbite des silhouettes graphiques dans un halo de couleurs
psychédéliques, proche d’une hallucination sous LSD, les danseurs peinant
à s’extraire de la machine bien huilée,
impeccables dans les lignes de fuite,
les entrées et les sorties plateau ; un
troisième futuriste qui flirte avec Star
Trek avant d’exploser comme une bombe à retardement : enfin les danseurs
vibrent, palpitent et se libèrent !
Une autre tendance de la danse semble être de séparer les sexes : Emio
Greco écrit un beau double duo masculin, ironique par moments puis
superbe, où la danse épouse magnifiquement la dramaturgie de la boxe.
Hofesh Shechter lui aussi propose
une pièce pour danseurs hommes :
Uprising possède une énergie rare, un
sens de la révolte, et invente une danse
débarrassée de tous ses carcans qui
ose le mouvement, le poing levé, le
drapeau rouge : danseur à la Batsheva
company puis chez Vandekeybus, le
chorégraphe en a gardé des traces…
qu’il transmet aussi aux femmes. Dans
The art of not looking back elles évoluent comme eux, avec la même
poigne, sans minauder ou torturer leurs
articulations, sans chercher cette grâce où le corps féminin dansant a
toujours été réduit… Deux pièces d’une
force rare, sublimement éclairées, données également aux Salins, Martigues,
le 29 nov.
Puis un duo, enfin, pour une vraie rencontre : dans To Intimate, Cynthia Loemij
et Mark Lorimer délaissent les habits
d’interprètes de Keersmaeker pour
ceux de danseurs-chorégraphes de
leur cie Ovaal. Un changement de peau
qui leur va comme un gant, encore
empreint de la gestuelle et de l’art des
déplacements de Keersmaeker, et
d’une vraie exigence. Leur duo surfe
sur une vague silencieuse, dans le
rapprochement balbutiant des corps.
Comme dans un souffle, les mots
s’échappent, les bouches murmurent,
l’un l’autre se frôlent, dessinent le
même élan, entre tension et relâchement ; dans une succession de virgules
chorégraphiques, les corps oscillent et
laissent entrevoir d’infinies vibrations,
impalpables. To Intimate est «fragile»
dans ce qu’il alterne des accélérations
fulgurantes aussitôt stoppées par des
cassures silencieuses. C’est une partition complexe de tracés au sol et dans
l’espace, d’esquisses inachevées, de
structure architecturée : To Intimate dit
l’intime, bien sûr, mais aussi l’ordonnancement, le croisement de la courbe
et de l’angle droit. Aussi, quand le
violoncelle s’invite, ce sont les corps
qui sont pincés, frottés, caressés,
martelés…
Souhait
Dans deux ans Frédéric Flamand reviendra sur La Croisette explorer
d’autres mythologies du corps. Vues
cette fois par un peu plus de regards
féminins ?
AGNÈS FRESCHEL
ET MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Ovaal © Olivier Houeix
20 bougies
explosives !
Duo Codex, Decoufle © Leo Ballani
À l’image de la grenade, Josette Baïz éclate de générosité et d’inventivité. Dès
1989, elle travaille avec des enfants des quartiers nord de Marseille, et ajoute au
classique et au contemporain les langages corporels de leurs pays d’origine,
auxquels au fil des années elle mêle hip hop et break dance... Ainsi est né un
langage chorégraphique métissé et personnel : le style Grenade. Les ateliers
enfants se sont développés tandis que naissait la Cie Grenade, issue des anciens
du Groupe.
Pour fêter ses 20 ans Josette Baïz a demandé à des chorégraphes amis de
transmettre une de leurs pièces. Le spectacle débute avec l’espiègle Auguste qui
rejoint le plateau en parcourant toute la salle et enchaîne avec Solo Codex de
Decouflé, suivi de Duo Codex avec deux danseurs du groupe sur la musique de
Fats Domino. Mammame, inoubliable création de Gallotta, met en scène 15
jeunes puis un duo humoristique où l’on retrouve le jeune danseur Camille Cortez,
remarqué dans le rôle d’Oliver Twist (2009). Le solo du Faune Fomitch (voir Zib’46)
de Kéléménis est interprété par Kader Mahammed, dont le corps puissant
s’accorde à l’animalité du personnage. Puis un duo de Maillot, Miniatures, suivi
de Vers un pays sage pour 11 danseurs à la belle énergie. Preljocaj a, quant à lui,
transmis Marché noir, sa première pièce (1985) à la mécanique inquiétante
parfaitement interprétée. Explosion finale de Jérôme Bel avec The show must go
on sur les musiques de David Bowie et Police où les 60 danseurs sont sur scène
et se livrent à une danse répétitive et effrénée ! Le tout dans la scénographie
toujours adéquate du complice Dominique Drillot.
CHRIS BOURGUE
Grenade, les 20 ans s’est dansé au GTP les 18 et 19 nov
À venir
Les 6 et 7 janv
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Le 12 avril
Salle des fêtes, Rousset
04 42 29 82 53
www.rousset-fr.com
www.josette-baiz.com
26 DANSE KLAP | GTP | CHÂTEAU-ARNOUX
©
Ol
eg
Mi
ch
ey
ev
Le bruit du quotidien devient musique, phrase rythmique. Et
lorsque les objets manquent, reste le corps, instrument complet avec
une indépendance des gestes exceptionnelle. Le public participe,
frappe dans les mains, tape des pieds, reproduit avec plus ou moins
d’adresse et beaucoup de rires les consignes. Bien sûr cela tourne un
peu sur soi, malgré le début qui
laissait espérer un vrai propos, avec des personnages
qui présentaient les
différents types sociaux
américains… Mais le
divertissement reste de
très belle qualité !
Stomp, créé par Luke
Cresswell
et
Steve
McNicholas, ne se présente
plus : succès international,
récompenses multiples. Et en
effet, de la danse des balais
(plus jamais vous ne ferez le
ménage de la même manière !) au jeu
des boîtes d’allumettes, vaisselle, ferblanterie, chaises, tout est prétexte à
rythmes, clowneries, jongleries. Jusqu’aux
Zippos qui forment une guirlande lumineuse
clignotante et musicale ! Inventif, le spectacle
multiplie les objets incongrus, sac plastique
trouvé dans une poubelle, chambres à air de
camion, les ballons de basket (n’en déplaise à la
NBA, on peut aussi faire de la musique en dribblant).
© Ole
g Mic
heye
v
Rythme aux allumettes
M.C.
Stomp a été joué au GTP
du 6 au 11 décembre
Partir de rien
Thierry Baë travaille à un endroit où
la grâce est nécessaire : Je cherchai
dans mes poches réunit des gens, des
artistes, et cherche à créer quelque
chose avec eux. Projet vague, sans
propos a priori, sans écriture sinon
celle du plateau, créée en répétitions
par improvisations… Comme on en voit
des tonnes dans le théâtre de recherche ? Pas sûr ! D’abord parce que les
trois artistes sur scène (Thierry Baë ne
les rejoint vraiment qu’à la toute fin)
ont des personnalités et des techniques sûres : Corinne Garcia est une
très belle danseuse, précise et forte
comme un poing fermé ; Sabine Macher a toute la poésie, et la drôlerie,
d’un clown, et ceci qu’elle écrive, parle,
chante Kurt Weill, ou danse de son
Gestations
corps improbable ; quant à Benoît
Delbecq c’est un vrai pianiste comme
on en voit peu dans ce type de projet,
capable d’accompagner le jeu, mais
aussi d’exécuter à la perfection l’étude
Touches bloquées de Ligeti, ce qui
n’est pas une mince affaire. Avec tous
ces talents l’écriture de plateau a de
quoi faire… d’autant que si Thierry Baë
a su écouter et capter l’univers et la
temporalité de chacun, il a aussi écrit,
précisément, en chorégraphe, leurs
gestes, toujours en équilibres, en demienvols, en maladresses. Le résultat :
une grâce infinie… avec quelques
temps morts, et des sourires, instants
d’une formidable intimité.
© Esther Gonon
Je cherchai dans mes poches a été
créé au Théâtre Durance, ChâteauArnoux, le 3 décembre
AGNÈS FRESCHEL
La toute nouvelle maison pour la
Danse, Klap, a pour objectif, entre
autres, de présenter des travaux en
Fana Tshabalala © Agnès Mellon
cours de finalisation. Ainsi Fana
Tshabalala a présenté une nouvelle
étape de sa chorégraphie Les portes
de l’Enfer pour laquelle il s’est inspiré
de l’œuvre de Rodin découverte à
Paris. Ces corps musclés et souffrants
l’ont inspiré pour une création
maitrisée d’une grande charge
émotionnelle. Servie par la technique
parfaite d’un corps athlétique aux
déplacements lents, accompagnés
d’amples mouvements et torsion des
bras, cette pièce évoque la cruelle
période de l’apartheid, tant elle est
chargée de souffrance et de peur.
Lorsque, recroquevillé sur lui-même,
Fana Tshabalala ouvre la bouche dans
un long cri muet, le corps agité de
palpitations et de tremblements,
l’émotion est à son comble. La
composition musicale de Christian
Zanési, faite de halètements et de
bruits sourds, s’y associe parfaitement.
C’est aussi une musique personnelle
de Gabriel Fabing jouée sur le vif qui
accompagne Pardi}, pièce multiforme
de La Vouivre, cie créée en 2007.
L’espace est découpé par un beau jeu
de noir et de lumière, jouant sur les
ombres dans lequelles se dessinent les
silhouettes d’un homme et d’une
femme qui s’animent peu à peu dans
un duo aux enroulements très souples.
Climat onirique avec chant, projection
video et, peut-être, pas assez de
danse...
CHRIS BOURGUE
Les portes de l’Enfer et Pardi} ont été
présentés le 1er décembre au Klap,
Marseille 3e
CHÂTEAUVALLON | STE MAXIME | ARLES | LA CRIÉE
DANSE 27
Enchanteur
Revoir du Preljocaj sur le plateau de la Criée, qui lui
va si bien, est formidable. Le public ne s’y est pas
trompé, venant en masse pour cette surprise, retenant son souffle jusqu’au bout, puis ménageant un
triomphe comme la grande salle n’en avait pas connu
depuis longtemps. Car Blanche Neige est une vraie
réussite féérique, romantique, spectaculaire. Les
décors, les costumes, les lumières n’hésitent pas à
être superbes, quitte à heurter les esprits minimalistes. La musique de Mahler a le temps de déployer
ses mouvements en intégralité, et le conte est
raconté sans complexe par les corps, quitte à heurter
les réfractaires aux ballets narratifs. Car Angelin
Preljocaj, renouant avec l’esprit qui présida à son
Roméo et Juliette, assume son désir d’être un romantique raconteur d’histoire, et Blanche-Neige est déjà
un classique : chacun des tableaux fascine par la
pertinence des invariants du conte -le miroir, les
grottes, la transformation de la Reine, l’empoisonnement-, mais aussi par le traitement dramatique qui
© JC Carbonne
resserre l’histoire par endroits et développe certains
passages : ainsi la «vraie» mère, morte, flotte autour
de son enfant, et le Prince, véritablement charmant
(Sergio Diaz), induit dès le début du ballet une
relation charnelle avec la jeune fille. Leurs deux duos
sont des moments de grâce : car la plus grande
réussite de Blanche Neige tient à son inventivité
chorégraphique. C’est-à-dire à l’écriture du mouvement : dans les duos, dans la danse verticale, dans
les mouvements d’ensemble, Preljocaj invente. Des
portés, des combinaisons de corps, des points de
contact, des combinaisons dans l’espace, des mouvements, des dynamiques. Il s’auto-cite, s’amuse, fait
danser deux fois un passage, utilise le silence… et fait
décoller le public, grâce à des danseurs d’exception,
rompus à son style, toujours ensemble jusqu’au bout
des articulations, à la fois souples, rapides, habités
de personnalités fortes, et capables d’une cohésion
de groupe qu’on ne voit que dans les très grands
ballets.
AGNÈS FRESCHEL
Blanche Neige a été dansé à la Criée
du 23 au 26 novembre
Effet combinatoire
JJ’s voices (Les voix de Janis Joplin) est la rencontre improbable et réussie des
jeunes danseurs suédois du Ballet Cullberg et du chorégraphe québécois Benoît
Lachambre.
Déjà sur scène tandis que le public s’installe, les danseurs, lentement, rampent,
déplacent des cubes qu’ils finiront par empiler. Une lenteur qui s’impose dans un
silence pesant et respectueux, qui s’étire. Puis claquent les premières notes et la
voix déchirée de Janis Joplin déclenche le mouvement, frénétique, transi, de ces
danseurs dont les corps se font élans, modulations. L’énergie brute qui se dégage
de chaque chanson (cinq en tout, Down on me, Bye, bye baby, Kozmic blues…), et
l’émotion qui s’en dégage, trouve un écho physique dans ces corps encapuchonnés, aux sweats trop larges qui cachent les visages. Des mots circulent,
accrochés en fond de scène, qui soulignent le caractère charnel de l’univers si
particulier de Janis Joplin. Silences et mouvements alternent ainsi, jusqu’au solo
final répétitif, halluciné…
© Carl Thorborg
DO.M.
JJ’s voices a été dansé au Théâtre d’Arles
le 18 novembre
Tutu, pointes et perfecto
© X.-D.R
À star iconique, création achronique ! Raphaëlle
Delaunay dresse dans Eikon le portrait en creux,
fragmenté, de Michael Jackson, et nous épargne les
clichés, la démesure, et autres déferlantes de ses
clips. Pas une note de musique empruntée à sa
discographie (tant pis pour les groupies) mais un
choix éclectique en forme de filiations : James Brown,
Fred Astaire, Diana Ross… enrichi de voix et de sons
électroniques. Fantasmes et idolâtrie ne viennent pas
plomber l’hommage à cette figure comico-tragique
interplanétaire à l’identité mutante : pour «remonter
le cours du fleuve Michael Jackson», la chorégrapheinterprète dessine avec humour un portrait poétique
mixant ses célèbres déhanchements, des images
filmiques, une parole saccadée, des mouvements
frénétiques, des déplacements inattendus. Les
quatre interprètes jouent le plus souvent leur partition
en solitaire pour tisser cet espace de fils invisibles,
épars, d’homme ou de femme, de noir ou de blanc,
d’adulte ou d’enfant. Le chanteur y est omniprésent
sans jamais apparaître ! Peut-être est-il réincarné
dans cet homme-enfant lunaire qui jongle en dansant
ou tire derrière lui, méthodiquement, une immense
cape fichée d’un crâne ? Ou dans cette danseuse sur
pointes, torero en tutu et perfecto au cabrage
fiévreux, qui martèle le sol de toute sa rage et de
toute son énergie ? Eikon, objet non homologué, est
à la mesure du personnage, héros d’un conte de fées
à l’épilogue dramatique : Bambi, bien sûr, évoqué par
le quatuor dans une ultime pirouette.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Eikon a été présenté le 19 novembre à Châteauvallon
et le 26 novembre au Carré à Ste-Maxime
28 DANSE DANSEM
Exposition universelle © Agnès Mellon
Torgnoles © Agnès Mellon
Ceux qui M la Danse
Suite et fin de Dansem,
forcément inégal,
et toujours passionnant…
Au début de Torgnoles, c’est le commencement ; à la
fin aussi. Éternelle jeunesse de l’alphabet chorégraphique de Georges Appaix, qui pour en décliner la
lettre T semble toujours en quête d’une forme trouvée
depuis longtemps ! Georges et Jean Paul (Bourelcompagnon de route depuis la lettre F), Cro-Magnons
dans les calanques rejouent la scène primitive de la
rencontre, corps bleu face à corps rouge, dans un
videoprologue hilarant. Tout y est déjà : la torgnole, le
«qui t’es toi?» et le «qu’est-ce qu’on peut faire? y a rien
à faire...» Redevenus Sapiens de plateau, l’un et l’autre
n’ont de cesse de se courir après, de se rentrer dedans,
de se chercher quoi ! Échos et rebondissements, paroles contre corps, dialogues de bras et de jambes
lancés, balles de ping-pong ou ballons de foot pour dire
le temps passé ensemble à tramer, à construire et à rater peut-être... Vieux adolescents qui se mettent en
péril, sur le fil du burlesque et coupent le sifflet à toute
critique, ayant fait de l’autodérision leur carburant. Restent plaisir couleur tendresse et sourire mélancolique.
Plus paradoxalement discursive, questionnant l’intégration/aliénation, la danse muette et solitaire de Rachid
Ouramdane dans Exposition Universelle se lance avec
rigueur et intelligence dans le parcours d’un corps en
métamorphose, voire en décomposition; sur son socle
pivotant, l’homme en noir en impose par son immobilité
et capte le regard qui ne le lâchera plus. La peau très
blanche du torse nu semble conduire l’influx nerveux qui
donne vie à un corps rigide, métronome parmi d’autres
instruments exacts ; le rythme d’abord rapide et mécanique de mouvements radicaux laisse au fil des
«tableaux» place à un ralentissement de l’intérieur ; le
corps se couvre immatériellement de tout l’espace
brassé. La dernière scène se joue à corps absent, avec
une intensité intacte : sur un écran le même visage en
camouflage tricolore s’ébroue, trop à l’étroit dans le
bleu-blanc-rouge et se déforme jusqu’à la fixité d’un
portrait de Bacon. Hurlement universel. Entendu.
Déroutants
Une danse qui semble ne pas en être une, un monde
résolument hors des codes. Taoufiq Izeddiou accueille
le public dans un lourd parfum d’encens. Pénombre.
Trois lignes de projecteurs tournés vers le fond de scène
se balancent doucement, rythme lent de vagues, amorce de départ… sur laquelle tranchent les mouvements
rapides et désespérés du danseur perché relégué dans
l’ombre. Une marche obscure aux côtés de Maâlem
Adil Amini, maître de musique Gnawa. Même obscurité
du propos pour le spectateur. Le travestissement en
chanteuse de cabaret, la difficulté de fonder une identité, reste dans l’anecdotique, la modernité est pauvre et
le passé réduit. Intéressant cependant, l’emploi détourné des supports musicaux et lumineux : les baffles sont
des valises que le danseur transporte, la lampe se transforme en rhombe qui tournoie puis, dérisoire dérision
se pose en couvre-chef d’un nouveau genre…
Proposé par le Théâtre d’Arles, le cheminement de Virgilio Sieni avait aussi de quoi intriguer : il s’agissait de
parcourir la ville pour se rendre chez des habitantes, interprètes non-professionnelles de courtes chorégraphies
sur le thème Mères-Filles. Et de fait le spectacle fut déroutant. L’acte artistique seul aurait été moins percutant ;
mais voilà qu’il était confronté au contexte, à une perte
de distance qui faisait s’interpénétrer l’émotion et la
pudeur, la timidité de se retrouver là, face à ces six
«couples» qui disaient tant avec peu de gestes, dans des
intérieurs qui racontaient autant que ces frôlements de
mains, ces regards complices, avec des objets du quotidien qui prenaient soudain tout leur sens. Pas de
voyeurisme, mais des dialogues silencieux, travaillés
certes, et parfois un peu apprêtés, mais offerts avec
générosité et curiosité.
À gestes découverts
Un visage se dessine, une flûte esquisse quelques notes
et, geste après geste, la danse de Virgilio Sieni s’installe
sur la scène du Merlan. C’est une nouvelle création, qui
s’inspire de personnes proches du danseur, pas forcément célèbres, qui a un moment de leur vie ont fait acte
de résistance. Le spectacle se construit suivant un motif
qui invoque chaque personnage : le corps s’ébranle,
met en mouvement chacune des articulations jusqu’à
incarner une histoire singulière, un langage propre. L’univers suscité se matérialise alors par des accessoires,
des bribes de décors disséminés sur la scène qui s’anime progressivement. Accompagné de Giampaolo Pretto,
le flutiste dont la musique se fait souffle, Virgilio Sieni
restitue avec précision les gestes enfantin, maternel,
paysan, partisan et résistant, puis divague et expérimente. Les pieds semblent se détacher du corps : chaque
orteil, mouvement de talon s’anime et donne vie à une
chorégraphie impressionnante, compliquée, autonome
et émouvante. Pour son dernier acte, Virgilio Sieni invite
un résistant d’hier et d’aujourd’hui, Jean Berthet. Leur
performance est basée sur une mimésis, un va et vient
qui s’apparenterait à une communion, un relais mais qui
manque de spontanéité gestuelle. Dommage !
M-J DHÔ, M.C., DO.M., CLARISSE GUICHARD
Torgnoles de Georges Appaix a été créé
aux Bernardines, Exposition Universelle
de Rachid Ouramdane à la Minoterie,
Aaleff de Taoufiq Izeddiou au Bois de l’Aune, Aix,
Mères et filles de Virgilio Sieni au Théâtre d’Arles,
Nei volti au Merlan dans le cadre de Dansem
AU PROGRAMME
DANSE 29
Garcia, qui a une écriture chorégraphique à la fois
précise et personnelle et a produit quelques très belles
pièces, fête ses dix ans en beauté en invitant, pour
des créations et au Gymnase, à la fois le Ballet Lausanne, le Ballet Biarritz de Malandain, le Scapino de
Rotterdam, les amis du Ballet d’Europeet… les non moins
virtuoses (mais hilarants) Ballets du Trockadéro. Avec
de tels interprètes, la soirée s’annonce exceptionnelle !
Les 10 ans de la parenthèse
Le 6 janv
Le Gymnase, Marseille
06 63 55 95 17
www.la-parenthese.com
mant les deux parties d’Empty Moves, deux quatuors
expérimentaux qui suivent une performance de John
Cage, Empty Words. Preljocaj y a travaillé l’abstraction,
renouvelant dans ces pièces une grande part de son
vocabulaire chorégraphique qui a depuis alimenté ses
créations plus narratives, et ses grandes formes.
Empty moves I et II
Le 18 janv
Théâtre Comoedia, Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
Vers
l’afrique
Après son très beau solo où il marquait un Temps
d’arrêt, Miguel Nosibor plonge vers ses racines
Africaines dont il cherche en son corps des Empreintes. Il s’appuie pour cela sur le texte d’un écrivain
malgache particulièrement percutant Jean-Luc
Raharimanana, et sur la musique originale de Denis
Théry. Une création au Comoedia, logique, puisque
la cie En phase est basée à Aubagne.
Ballet Biarritz © Olivier Houeix
Empreintes
Le 20 janv
Théâtre Comoedia, Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
Préparez-vous
Cygnes
La dernière pièce de Maguy Marin n’est pas anodine. Le Monaco dance forum se conclut durant la
Amateurs de divertissements, allez-voir ailleurs, ou
préparez-vous à être bouleversés par l’une des pièces
les plus réussie de la plus percutante de nos chorégraphes. Salves procède par à coups, et chaque fois
vous atteint au ventre. Directement, avec une brutalité salvatrice, et nécessaire.
Salves
Le 6 janv
Théâtre de La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Les 20 et 21 janv
Le Merlan, Marseille
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Le 24 janv
Scène nationale de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
Le 31 janv
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Les 3 et 4 fév
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
semaine des fêtes par la création de Jean-Christophe Maillot par le Ballet de Monte Carlo, un des
plus grands ballets du monde. Si vous aimez Tchaïkovski, le répertoire chorégraphique revisité sans
relecture déformante, les danseurs d’excellence accompagnés par un vrai orchestre philharmonique, et
les ballets narratifs servis par des moyens rares, et le
talent de Jean Rouault à la dramaturgie et celui
d’Ernest Pignon-Ernest à la scénographie ; si vous
appréciez une écriture chorégraphique précise et
romantique, qui aime les élans, la fougue et l’absolue
perfection des ensembles, allez faire un tour à Monaco pendant les fêtes : les places restent tout à fait
abordables au Grimaldi Forum… bien loin de ceux
pratiqués dans les opéras parisiens !
Le Lac
Du 27 au 31 déc
Grimaldi Forum, Monaco
0377 98 06 28 55
www.monacodanceforum.com
Swing
Poursuivant leur travail autour de l’œuvre du compo© Didier Grappe
siteur américain Georges Gershwin, José Montalvo et
Dominique Hervieu offre avec Lalala Gershwin un savoureux dialogue entre la danse et de superbes images
vidéos. Basé sur Porgy ans Bess, le spectacle s’articule
notamment autour du thème de la ségrégation raciale, sans
didactisme, mélangeant les références jazz, hip hop,
charleston ou classique aux images d’archives. L’énergie débordante des danseurs rend le tout époustouflant !
Lalala Gershwin
Jusqu’au 16 déc
Pavillon Noir, Aix
0811 020 111
www.preljocaj.or
Rafaela Carrasco © Jesus Vallinas
Anniversaire
Quatuor
Lumineuses
La Parenthèse, compagnie dirigée par Christophe Le Comoedia invite le Ballet Preljocaj, en program-
Temps fort flamenco pour Scènes et Cinés qui programme deux grands noms de la danse flamenca,
Belén Maya à Port-Saint-Louis, et Rafaela Carrasco
à Istres. Avec son dernier spectacle Tr3s, la danseuse
de Grenade Belén Maya, qui s’adjoint les talents du
cantaor Jesus Mendez et du guitariste Rafael Rodriguéz, livre un spectacle sobre et raffiné à la jonction
de la tradition et de la modernité. Rafaelé Carresco,
qui fait partie de la nouvelle génération des interprètes du flamenco, allie elle aussi les deux caractéristiques
dans sa danse, déclarant à propos de Vamos al Tiroteo que «vivre le flamenco c’est ne pas être dans le
présent, c’est construire le futur.» En mettant en scène
les chansons populaires de Lorca et des airs de 1931
revisités avec intensité.
Tr3s de Belén Maya
Le 13 janv
Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis
04 42 48 52 31
Vamos al Tiroteo
Le 14 janv
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Baile
Moins présente cette année, la danse n’en demeure
pas moins un événement fort du festival flamenco
nîmois. La danseuse de Grenade, Fuensanta «La Moneta»
revient à Nîmes avec Extremo Jondo, son dernier
spectacle en forme de retour aux racines, dépouillé,
qui s’appuie sur la voix profonde de Miguel Lavis (15
jan). Habituée du festival, l’explosive Rocío Molina
transgressera encore un peu plus les traditions avec
Vinática, pour le bonheur de tous (21 jan). Figure de
proue de la nouvelle génération de flamencos français, Eva Luisa, de la cie du même nom, mêle la tradition
aux nouvelles influences dans Acuérdate (20 jan).
Enfin, événement à ne pas rater, le flamenco pur et
dur d’Israel Galván dans La Curva, accompagné de la
voix pure et primitive d’Inés Bacán (19 jan).
Festival de flamenco
Du 11 au 21 jan
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
30
CIRQUE/ARTS DE LA RUE
ARLES | BOIS DE L’AUNE | SIRÈNES | MERLAN | GYMNASE
Noël au balcon
Comme chaque année depuis 8 ans,
la Ville d’Arles prépare Noël en spectacles et mise en lumière des façades
de la Place de la République, avec deux
temps forts qui sont les spectacles
d’ouverture et de clôture. Cette année
L’envolée chromatique, de la bien nommée cie Aérosculpture, accompagnées
des cies Quidams et Nano, ouvre les
festivités et fera flotter dans le ciel arlésien ballon porteur, oiseaux géants et
même un accordéoniste… tandis que
les arlésiens du Philharmonique de la
Roquette s’allieront avec le Kolektif
Alambic pour clore en lumière et musique lors d’une Distillerie d’images qui
révèlera les monuments entourant la
place (une mise en lumière avec musique enregistrée qui perdurera jusqu’au
1er janvier). Mais le festival fait aussi la
Henri Jeannel ; La cabane de jardin et
sa brouette à sons, un manège «bio» à
propulsion parentale… ; les histoires de
Marie Vidal ; le superbe théâtre d’ombres de la arlésienne cie Lunasol qui
permet de souffler le temps de Ninna
Ô ; le retour des perturbateurs de
bitume déjantés Jacqueline & Marcel ;
des Moldaves acrobates et jongleurs…
DO.M.
Drôles de Noëls
Du 17 au 24 déc
Office du tourisme, Arles
04 90 18 41 20
Service culturel, Arles
04 90 49 37 40
www.ville-arles.fr
Envolees chromatiques, cie Aerosculptures, Nano, cie des Quidams © X-D.R.
part belle aux spectacles de rue qui
animeront les rues et places chaque
après-midi, avec de Drôles de Vélos-
Taco qui vous véhiculeront gratuitement
d’un spectacle à l’autre; la fabrication
de Chapeaux magiques avec Paul-
Gourmandise
© X-D.R
«Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu votes»
explique un certain Montbrillant dans son article
L’impôt sur le dessert, paru dans un numéro de la
revue L’art culinaire. Des exemplaires reliés sont
abandonnés avec une fausse négligence sur les
tables disposées en un large carré, table de mariage
ou de baptême, tables de fête en tout cas, tables de
théâtre, puisqu’il s’agit bien d’une pièce à laquelle les
50 convives exercent le privilège d’assortir les
bonheurs du palais (9 plats délicats, où crémeux de
cèpes charlotte de saumon fumé, tartelette de
légumes grillés et confits… se mêlent aux arômes de
vins choisis du Château Lacoste) à ceux des mots qui
se délectent d’eux-mêmes en envolées lyriques sur
les étapes de la dégustation, dissertent avec passion
de philosophie gourmande, narrent des parties de
chasse à la manière de Maupassant. Les convives
sont ainsi pris dans les filets d’un monde étrange où
ils se retrouvent à la fois spectateurs et acteurs,
répondant parfois aux questions posées par les vrais
protagonistes, qui savent avec une adresse de
jongleur reprendre au vol les réponses pour en retirer
La note !
Le trauma du Fa#, la sirène de la Cie Délices dada du
7 décembre, mettait en scène deux savants occupés
à faire retrouver une note perdue à une soprano
© Vincent Lucas
traumatisée par la sirène du mois dernier. Au pied de
l’opéra, la chanteuse assise dans un siège médical
tentait, entre les deux sonneries, de retrouver Stridi la
vampa d’Azucena (Le Trouvère), en une performance
bon enfant jouant de clichés distanciés du monde de
l’opéra, agrémenté de celui du savant fou des films
muets. Des références qui auraient mérité un
traitement un peu moins brouillon.
A.F.
À venir :
Les Yeux de midi net
Vincent Lucas
Le 4 janv à midi pile
Parvis de l’Opéra, Marseille
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.fr
le suc. La table est un théâtre superbe orchestré avec
justesse par Serge Noyelle, la musique de Marco
Quesada, le texte succulent de Marion Courtis. Un
travail subtil sur les codes de la représentation. Un
régal ! Dis-moi tes mots et…
MARYVONNE COLOMBANI
Entremets-Entremots a été joué
par le théâtre Nono au Bois de l’Aune, Aix,
du 7 au 9 décembre
Acrobates
Invités pour la 3 fois au Merlan, Zimmermann & de
e
Perrot allient cette fois leurs scénographies invraisemblables et leur musique électro à l’énergie explosive
d’un groupe d’acrobates marocains. Le groupe acrobatique de Tanger affirme sa culture et ses traditions
et déambule dans un labyrinthe, passant de l’agitation
la plus fébrile à l’immobilité de ceux qui savent attendre. Un époustouflant château de cartes humain.
Chouf Ouchouf
Du 11 au 14 janv
Théâtre du Merlan, Marseille
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Burlesque
Les stars du film Tournée de Mathieu Amalric seront
sur la scène du gymnase dans un cabaret kitsch et
décalé. Strip-tease à l’ancienne, music-hall, théâtre
et danse composent avec humour et grivoiserie un
numéro poétique et rafraichissant. Le retour du Cabaret
burlesque avec ses chanteuses et danseuses girondes et envoutantes qui font renaitre ce divertissement
populaire. À partir de 16 ans.
Cabaret New Burlesque
Du 10 au 21 janv
Théâtre du Gymnase, Marseille
0 820 000 420
www.lestheatres.net
32 JEUNE PUBLIC JEU DE PAUME | TOULON | GYMNASE | MASSALIA | LENCHE
Conte cruel
Il n’y a pas de gentil chasseur qui arrive pour tout arranger dans la version de Perrault… Plus réaliste, la
version cruelle est destinée à mettre en garde les
jeunes filles contre les loups de toute espèce… Aperghis s’empare du texte sans y changer une virgule,
mais le remanie en répétitions lancinantes : entre jeu
et angoisse, la partition se multiplie, déclinant les thèmes
en un éternel retour, et le conte prend par la structure même de l’œuvre sa dimension intemporelle.
L’ensemble Reflex joue le texte et la partition avec
brio, dans une mise en scène inventive, dérangeante
et drôle. Le petit pot de beurre devient un chou, le
tuba posé à même la scène joue tout seul… (vive le
tuyau d’arrosage !). Les musiciens sont aussi acteurs,
danseurs, les masques passent de l’un à l’autre, le petit
chaperon rouge et le loup se transforment. Monde
d’enfance, d’obscurité aussi : le public enfantin manque de préparation pour accéder au sens du spectacle
dont la poésie reste complexe… Un régal en tout
cas pour les grands !
Le petit chaperon rouge s’est joué
au Jeu de Paume, Aix, les 28 et 29 novembre
© X-D.R
MARYVONNE COLOMBANI
Les esthétiques du jeune public
Parce qu’il y a une vraie demande de
spectacles familiaux et pédagogiques, et
parce que les artistes veulent transmettre
et «démocratiser» leurs propositions,
le théâtre jeune public est aujourd’hui un
laboratoire esthétique, aux orientations
les plus diverses. On a pu le constater
avec trois spectacles programmés en
décembre. Sindbad le marin proposé
au Théâtre Liberté et au Gymnase, mis
en scène par Laurent Pelly, a de l’abattage, et laisse dans les yeux des enfants
des étincelles enchantées. Masculin (pas
une femme, celles évoquées sont représentées par des marionnettes),
vertigineusement acrobatique, spectaculaire avec ses fumées, ses ombres et
ses tours, le spectacle enchante, et
dépayse, le conte oriental inventant des
monstres marins sublimes, voyageant
jusqu’en Chine, parlant sans fausse pudeur de mariages successifs, d’assassinats
pour survivre, et de relation marchande.
Mais enfin le traitement dramatique, s’il
est séduisant et dédouble intelligemment
le héros en narrateur et personnage,
reste sur le modèle global du conte raconté aux enfants.
Les Grands dictateurs présenté au Théâtre Massalia par le Teatro del Briciole a
d’autres ambitions. Politiques. Dénonçant et démontant les mécanismes de
prise de pouvoir par les dictateurs
historiques -Mussolini et Hitler essen-
tiellement-, Bruno Stori se réfère au
film de Chaplin, et s’adresse directement aux enfants, pour les manipuler
puis leur donner des armes pour ne
plus se laisser faire. Le problème, lors
de la représentation scolaire dans la
grande salle de la Cartonnerie, est qu’il
alluma le feu mais ne parvint pas à l’éteindre : les particularités de nos enfants
marseillais, pour le moins explosifs, et
trop nombreux pour une séance de
maïeutique, l’obligèrent à sortir de son
rôle, et à faire preuve d’autorité -paradoxal pour un spectacle qui veut leur
apprendre à s’en défendre- lorsqu’ils
s’écrièrent comme un seul homme
qu’ils voulaient éliminer leurs profs
Western © Daniela Neri
(pauvres enseignants qui avaient dû tant
batailler pour les emmener au spectacle…) ! Dommage car la démarche
du Cycle Politoi, qui s’est poursuivie jusqu’au 14 décembre avec deux autres
spectacles, relève d’une éducation citoyenne nécessaire, et de propositions
artistiques subtiles et de qualité…
Mais c’est avec des bouts de papiers, de
tissu et des fils de fer que s’est fabriqué
le spectacle le plus poétique : la création de Massimo Schuster au Théâtre
de Lenche, Western. Il suffit au vieux
poète d’une petite guitare et d’un air
de cow-boy pour nous projeter dans
un Ouest distancié, ses plaines, ses
ranchs et ses saloons, ses Mexicains et
ses Indiens, avec une touche de Clint
Eastwood, un peu de Dallas, et beaucoup de John Ford revisité par Lucky
Luke. Le comédien marionnettiste
produit une performance impressionnante, incarnant tous les personnages
avec une manipulation minimale, magnifiquement scénographiée : de très
beaux décors de papier peint se succèdent derrière le castelet, qu’il domine,
à vue, de sa silhouette impressionnante. Car l’illusion ici c’est chacun qui la
fabrique, à partir de la poésie offerte
en partage. Et de l’humour, omniprésent, qui opère de judicieuses trouées
dans l’histoire dont on connaît à
l’avance chacun des ingrédients et des
détours, mais où on replonge comme
en un rêve familier, enfants et parents,
ensemble.
AGNÈS FRESCHEL
LE REVEST | GRASSE | STE-MAXIME | OUEST PCE
Rêver éveillé !
© Pascal Perennec
Cela va bientôt faire 200 fois que Télémaque joue
Nokto à travers le monde et, paradoxalement, c’est la
première fois qu’on le voit à Marseille. Et c’est grâce
à la tournée orchestrée par la Région que la tente a
pu s’installer pour deux représentations dans la cité
où les musiciens de Télémaque œuvrent depuis
bientôt 20 ans.
À la mi-journée, bébés et parents se lovent délicieusement dans une matrice nocturne aménagée, jonchée
de larges coussins, pour 3/4 d’heure de féerie. Au fil
d’illuminations stupéfiantes, guidés par une sphère
rougeoyante, un mobile métallique, un parterre
sableux d’où émergent des faisceaux de lumières, à
renfort de subtils effets vidéo, la scénographie imaginée par Jean-Pascal Viault fait ouvrir de grosses
billes aux bambins.
Mais Nokto est un spectacle sonore ! La musique
conçue par Raoul Lay est fascinante, hypnotique.
Favorisant les fréquences aiguës, la partition, sorte de
berceuse moderne bâtie autour d’harmonies polaires, égrenées au tempo ralenti et d’une esthétique
zen, est un véritable tour de force (ce que les inter-
Entre-deux eaux
Comme un fruit cueilli trop vert, La Scaphandrière
manque de rondeur. Affaire de temps -la création est
jeune- car tous les ingrédients sont réunis : intelligence
de la mise en scène d’Olivier Letellier plus efficace
que jamais par sa sobriété ; lumineuse scénographie
qui convoque la vidéo avec légèreté et justesse ;
subtilité de l’écriture du canadien Daniel Danis qui
offre sa langue fleurie à des sujets délicats, l’adolescence, le deuil, les chimères… Le duo bien huilé a
© Ludovic Fouquet
à son actif Kiwi et Oh boy ! déjà plébiscités (voir Zib’16
et 37). L’histoire commence comme un conte ordinaire et s’achève par un conte fantastique, prenant
ses racines au bord du lac Loque pour s’immerger
progressivement dans les ténèbres aqueuses qui ont
tué père et mère. Un monde à vingt mille lieues sous
les mers qui entraine Pierre et Philomène à prendre
les mêmes risques que leurs parents, chasseurs de
perles et d’une vie meilleure. L’ambiance est surréaliste avec le lit-scaphandrier, les photos qui volent, les
eaux troubles à l’écran. La langue chatoyante charrie
dans son lit un flot de notes magnifiques, sensibles,
même si La Scaphandrière nous laisse dans l’attente
d’un jeu aussi physique que mental.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Scaphandrière a été joué
au Revest le 22 novembre,
à Grasse les 24 et 25 novembre,
à Ste-Maxime le 30 novembre
«Si tu t’lèves pas Johnny…»
Il a 12 ans. Johnny travaille depuis l’âge de 7 ans comme un forcené à l’usine, soumis à des rythmes
infernaux qui le transforment en pantin désarticulé,
épuisé, que sa mère tire du lit tous les matins afin qu’il
ne se mette pas «à l’amende». Pendant que ses
quatre frères et sœurs eux vont à l’école… Un jour,
malade, il ne se lève plus, et dans son délire fiévreux
comptabilise les mouvements qu’il fait chaque année,
qu’il a fait depuis qu’il travaille. Un délire libératoire
pour Johnny qui décide d’en finir avec cette vie et
part sur les routes. La compagnie Tara Théâtre adapte
une nouvelle de Jack London de 1906, Le renégat,
avec un théâtre de marionnettes sensible qui ne
tombe jamais dans le misérabilisme mais lorgne
plutôt vers un univers onirique qui laisse libre court
aux interprétations. De ce théâtre noir fait d’ombres
et de lumières les humains sont absents, et seuls les
petits personnages sont éclairés et évoluent dans un
décor minutieux et ingénieux qui laisse s’imposer les
figures caricaturales des dirigeants de l’usine, et la
délicatesse des détails qui surgissent de l’imagination
folle de Johnny. Entre rêve et réalité Johnny se relèvera, revendiquant son droit à l’enfance, simplement.
DO.M.
Johnny a été joué le 16 novembre à La Colonne,
Miramas, dans le cadre du «coup de projecteur
sur le théâtre de marionnette»
JEUNE PUBLIC 33
prètes ne laissent pas supposer). Les vocalises étirées,
doucement fredonnées par la soprano Brigitte
Peyré, sont un casse-tête mémoriel : on les suit à
l’oreille, comme les gosses qui ne bronchent pas. Au
gré de gestes lents, la chanteuse exécute une chorégraphie éthérée, secondée par la flûte enchantée de
Charlotte Campana, dont le souffle magique est
enrobé de percussions lumineuses, japonisantes,
frottées ou heurtées par Christian Bini. On est ému
par l’attention active des tout-petits, par la qualité de
leur écoute, par la liberté qui leur est octroyée de
biberonner ou de s’endormir…
Mine de rien, Nokto est un spectacle unique en son
genre : conçu pour les bébés (ce qui est très rare, voire
risqué), il fuit la démagogie ou la facilité. Il marquera
peut-être l’inconscient des nourrissons qui, devenus
grands et spectateurs attentifs, se prêteront au jeu
de la musique contemporaine, aux harmonies du
Pierrot lunaire de Schoenberg ou du Marteau sans
maître de Boulez…
JACQUES FRESCHEL
34 JEUNE PUBLIC AU PROGRAMME
Chute
© Frederic Berry
Anima théâtre a conçu un voyage initiatique pour les
enfants (à partir de 3 ans), à travers l’enlèvement du
tableau de la Joconde en 1911. L’héroïne de Léonard
de Vinci part à la rencontre de personnages naissants
des «grands tableaux d’art», essaye les moustaches
de Dali, emprunte les jambes de ballerines de Degas,
goute une pomme verte… Images et marionnettes
sont au service de cette icône populaire et de son
épopée imaginaire.
Le rêve de la Joconde
Du 5 au 7 janv
Théâtre de Lenche, Marseille
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Du théâtre dansé à voir dès 3 ans pour découvrir la
vie étonnante de la ruche et apprendre à respecter
«le plus précieux présent de la nature». Une
habitante un peu rebelle, de l’intérieur de cette
grande boîte à secrets où se fabrique le miel, raconte
sa vision du monde. Appétissant.
Bzz…
Du 11 au 18 janv
Théâtre de Lenche, Marseille
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Mano Viva
Le 18 janv
Forum de Berre
04 42 74 00 27
www.forumdeberre.com
Ikare
Du 6 au 20 janv
Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis
04 42 48 52 31
www.scenesetcine.fr
Le 20 janv
Espace Robert Hossein, Grans
04 90 55 71 53
www.scenesetcines.fr
Cirque
Le 22 fév
Forum de Berre l’Etang
04 42 74 00 27
www.forumdeberre.com
Surgi d’un piano magique, un petit personnage
facétieux de boite à musique s’anime au rythme des
notes. Une ingénieuse scénographie, quelques
prouesses acrobatiques pour finir par un petit tour de
carrousel… sans mots mais qui laisse sans voix.
Le Carrousel des moutons
Le 14 déc
Théâtre la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Enfances
Sur fond de paysages d’enfance, trois artistes nous
entrainent dans une ronde de sensations et
d’émotions. Un mélange d’images, de sons et de
danse pour évoquer le temps de l’enfance où le Moi
se confronte à l’Autre pour vivre et grandir. À partir
de 3 ans.
© X-D.R.
Moi seul
Le 18 janv
Théâtre de Fos
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
Le 21 janv
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 55 24 77
www.scenesetcines.fr
>
L’auteur metteur en scène d’origine béninoise José
Pliya explore dans cette adaptation du conte de
Charles Perrault le cheminement intérieur d’un père
bousculé dans sa propre histoire. La figure paternelle
endosse le rôle du narrateur, rongé par la culpabilité,
qui part à la recherche de ses enfants abandonnés.
Une leçon d’émancipation qui mêle intelligence,
sagesse et imaginaire.
Mon petit poucet
Le 13 janv
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 50
www.theatre-arles.com
Un spectacle sans paroles, de courtes histoires en
forme de paraboles, des marionnettistes de mains,
magiciens et jongleurs, quelques accessoires et c’est
tout l’univers du cirque en miniature recréé avec
virtuosité par cette étonnante famille d’artistes
italiens. On applaudit des deux mains !
Moutons
Nectar
Père
Mains
Ça n’est pas vraiment l’histoire d’Icare, ni la petite
journée dans la petite vie d’un petit personnage. Ikare
c’est la rencontre entre Elle, Lui et ce petit bout de
papier froissé, découpé, réinventé. Un moment
d’exploration, drôle et renversant, autour de la chute
et de l’envol, de l’audace et de la prise de risques. À
partir de 18 mois.
© X-D.R.
Mona Lisa
Les enfants de la reine mère d’un vieux cirque, Pink
et Punk, accompagnés de compagnons d’infortune,
partent pour une épopée à la conquête du public
de la vaste et sauvage Pampa. La nouvelle création de
Joël Jouanneau, pour les enfants de 7 à 107 ans,
délivre les mots en cage et réinvente les numéros de
cirque, à base de cabrioles avec la grammaire et de
saut à l’élastique avec le subjonctif.
PinKpunK CirKus
Le 11 janv
Scène nationale de Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
© A. Desfosses
Conte
Dans cette adaptation de Blanche Neige, Nicolas
Liautard invente une suite de tableaux sans paroles
d’une beauté incommensurable. Un poème visuel
poétique dans lequel le metteur en scène appelle
notre mémoire collective et intime pour retrouver
la grammaire des images et des sons liée au conte.
Blanche Neige
Le 21 déc
Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
JEUNE PUBLIC 35
Farce
© Serge Dangleterre
Inspiré de Riquet à la Houppe de Perrault, l’Imparfait
d’Edwige Cabélo est un conte musical dont les canons
de beauté sont l’allégorie de ceux de notre époque :
une dictature de l’apparence où les défauts n’ont pas
leur place. Un opéra miniature aux infinies métamorphoses, mis en scène par Philippe Ricard (les
chansons sont interprétées par un chœur d’enfants
du CNRR de Toulon).
L’Imparfait
Le 10 janv
Théâtre Liberté,Toulon
04 98 00 56 75
www.theatre-liberte.fr
Du rêve
et de la réflexion
M & Mme Sömmerflügel
Du 17 au 20 déc
Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux
Les 15 et 16 déc
Théâtre du Rocher, la Garde
04 94 08 99 34
P.P Les p’tits cailloux
Le 13 janv
Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux
Sans ailes et sans racines
Le 17 janv
Pôle Jeune Public, Revest-les-Eaux
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.fr
La Farce de Maître Pathelin
Du 11 au 13 janv
Jeu de Paume,Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
Le 17 janv
Théâtre la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Du 31 janv au 2 fév
Théâtre des Halles,Avignon
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Amarelles
Temps forts
Au théâtre Massalia, la cie foraine Attention Fragile
débarque avec sa roulotte et sa tente marocaine
pour faire Le tour complet du cœur. Ce spectacle fait
revivre l’épopée d’Antoine Garamond, de sa famille,
et de 37 pièces de Shakespeare. Le tout joué par un
seul homme. Dans le cadre du Temps fort petite
enfance, Petits Concerts tournera du 9 au 13 janvier
dans les crèches avec ses chants d’hier et d’aujourd’hui,
anciens et traditionnels, de différents pays, classiques
et contemporains. Puis du 14 au 17 janvier, le théâtre
accueillera Aurélie Maisonneuve autour d’un répertoire vocal choisi parmi les créateurs d’aujourd’hui.
Assis sur des coussins autour d’un cercle, les enfants
(à partir de 6 mois) chemineront à travers les découvertes sonores et les pièces vocales. Ils pourront aussi
découvrir à la suite, Azuki, une pièce musicale sur la
construction de soi, l’existence à travers la voix et le
bruit des matières. Une belle invitation à l’écoute
entre une voix de soprano et de basse. L’exposition
Heureuses Lueurs accompagnera ce temps fort. Flop
fait partager sa fascination pour la lumière, l’ombre
et l’image en mouvement. L’artiste travaille sur de
petites machines à projeter, mécaniques volontairement visibles, élaborées à partir de matériaux simples.
Les murs deviennent des paysages de distorsions
dans lequel petits et grands peuvent déambuler et
paresser. Des ateliers sont mis en place autour de
cette installation.
Le tour complet du cœur
Du 17 au 23 déc
Petits concerts
Du 9 au 13 janv
Graines d’écoute
Du 14 au 17 janv
Azuki
Les 20 et 21 janv
Heureuses lueurs, allusions d’optique
Du 7 au 28 janv
Théâtre Massalia, Marseille
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
Les attractions extraordinaires © Sabrina Martinez
Dans le cadre du Festival Amarelles, 3 spectacles de
qualité à découvrir au théâtre de Draguignan. Molière jeune public 2010, Oh boy ! est un récit initiatique
bouleversant autour de l’histoire de la profonde transformation d’un jeune homme qui se découvre, à 26
ans, une fratrie disloquée et de nouvelles responsabilités. Des sujets de fond sont abordés, famille
recomposée, abandon, adoption, quête des origines,
normalité… Un conte moderne, dès 9 ans, qui interroge une société en mouvement. Du cirque, du jonglage
et des marionnettes dès 6 mois, ça n’est pas courant.
La Cie l’Autre Main s’est inspiré du cirque de Calder
pour une balade poétique à travers les cultures. Un
univers insolite, en musique et sans paroles, pour
voyager dans l’imaginaire du cirque traditionnel et
contemporain. Et puis Terre !, la nouvelle création lumineuse de Nino d’Introna (nominée aux Molières
2011 !), sur un texte de Lise Martin, qui part de l’enfance et de la métaphore du bac à sable pour traiter avec
humour et poésie de notre incapacité à vivre ensemble pour partager un territoire.
Oh Boy !
Le 7 janv
Les attractions extraordinaires de la femme chapiteau
Le 11 janv
Terre !
Le 18 janv
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
>
Programmés par le Pôle Jeune Public, 3 spectacles
pour occuper la fin d’année. Le monde miniature et
merveilleux du cirque de M & Mme Sömmerflügel
séduira les enfants des classes maternelles. Deux
histoires rassemblées en un spectacle drôle, sensible
et fantasque. Pour les plus grands, un thriller cartoon
déjanté avec P.P Les P’tits Cailloux, qui nous entrainera
sur les traces du Petit Poucet, pour questionner la
notion de fratrie. Un pied de nez jubilatoire à nos
imageries traditionnelles signé Annabelle Sergent. Et
pour les grands ados (pas avant !), le troublant et magnifique Sans Ailes et sans racines. Les comédiens, père
et fils dans la vie, racontent l’histoire de deux générations d’immigrés en Belgique. Mais pas forcément
la leur. Le père, immigré à 7 ans, a intégré les notions
de démocratie et de liberté individuelle, allant jusqu’à
choisir l’athéisme. Son fils a grandi en Belgique et s’est
tourné vers un islam militant. Les sentiments d’abandon et de révolte du fils font face à l’incapacité du
père à entendre la souffrance dans laquelle il s’emmure. Un duel frontal dont la violence nous interpelle
et nous fait réfléchir. Longuement.
La metteure en scène Agnès Régolo s’attaque, avec
son énergique et fidèle troupe, à LA comédie satirique de l’époque médiévale. Dans cette farce anonyme
où il est question d’argent et de profit, toutes les excuses sont bonnes pour manigancer, exploiter et
escroquer les autres. Les personnages qui y sont
présentés sont tous de réjouissantes canailles et Pathelin, avocat sans cause, est le maître d’entre eux. À
partir de 10 ans.
Le tour complet du coeur © Jean-Francois Gaultier
Apparences
36 MUSIQUE CONTEMPORAINE
© Agnès Mellon
Un ECO qui résonne !
Ce soir-là, dans l’Alhambra rénové, près du Pôle Instrumental Contemporain qui dès 2012 sera consacré
à la création, Raoul Lay et William Benedetto avaient
convié des musiciens de l’ECO (European Contemporary Orchestra) autour de la figure de Zappa. Pour
un concert, et la projection du mythique 200 Motels.
Le concert reposait sur des regards contemporains
croisés entre acoustique et électronique, en présence
des compositeurs. Des œuvres en création, commandées par l’ECO. Ezequiel Menalled, jeune argentin,
dirige Retazos, pour percussions, guitare électrique,
clavier électrique, accordéon : écriture minimaliste
en segments récurrents, long souffle où les timbres
noient les notes. Alice Berni, dans Icla, pour accordéon et percussions, s’amuse des questions-réponses
aux instruments et se plaît à utiliser un archet sur
les lames du vibraphone ; Rebonds de Xenakis pour
percussions solo permet à Christian Bini de montrer
sa technique brillante, sur cette partition impressionnante, un classique de la percussion contemporaine.
Magnetismo Aureo, création de Luca Macchi dirigée
par Raoul Lay, au geste toujours précis, est une œuvre plus aboutie que celles de ses jeunes confrères ; les
instruments acoustiques (Christian Bini et Jean-Marc
Fabiano, accordéon, de Télémaque) y rivalisent avec
les instruments électriques (Aljosja Buijs, clavier,
Paul Vos guitare électrique Orkest de Ereprijs, PaysBas) par des effets permanents, dans un temps et un
espace sans limite. Olivier Stalla, enfin, propose un
arrangement de Black Page de Zappa, pour le même
Fraichement rénové, le cinéma l’Alhambra de l’Estaque a rangé les bobines pour accueillir l’Orchestre
Régional de Cannes le 7 décembre. Avec des répétitions publiques en journée et un concert gratuit
en soirée, la formation dirigée par Philippe Bender
a une fois de plus permis à des publics peu habitués
au concert un accès direct au grand répertoire. En
résidence dans les quartiers nord (lycées Diderot et
Saint-Exupéry) pour un travail de fond où les élèves
rejoignent la scène pour slamer leurs propres textes,
l’ensemble cannois s’est illustré dans un programme
varié et enlevé. Légère et virevoltante, la Symphonie
italienne de Mendelssohn a côtoyé le 1er mouvement
de la 5e de Beethoven, des extraits de la sérénade
pour cordes de Tchaïkovski… et un étonnant concerto pour deux percussions (marimba, vibraphone...)
et cordes du catalan Brottons, œuvre miroir de la
société contemporaine dont les couleurs oniriques
rendent hommage à Bob Dylan et Joan Baez, symboles
de paix et d’amour après un «conflit» impressionnant
de virtuosité. Une prestation de qualité et une
action pédagogique singulière, à souligner.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Orchestre regional de Cannes © Philippe Laville
La culture en mouvement
quatuor : la batterie originale impulse le rythme rock
tandis que guitare, clavier et accordéon apportent
de belles harmonies ; on aurait juste aimé que le guitariste imprimât une énergie plus zappienne !
200 Motels, tourné à Londres, en vidéo, par Tony
Palmer et Frank Zappa, dans des décors de carton
pâte, est devenu un film culte. Il «raconte» une
tournée des Mothers of Invention dans l’Amérique
raillée par le compositeur-réalisateur, celle des pompoms girls et du KKK, des comédies sucrées et des
pubs pour dentifrice, des bouseux de Centerville
protégés par des militaires de pacotille et des barbelés. Satire et autodérision. «Les tournées rendent
fous», prévient-on : tensions des égos, drogue, sexe
(Keith Moon, batteur des Who, déguisée en religieuse ouverte à tous les outrages), revendications
contre le boss Zappa incarné dans la pilosité triomphante des Seventies par Ringo Starr. Le film aurait
pu se couler dans la forme d’un road movie musical,
mais l’espace ici ne s’étire pas vers l’horizon, il se
creuse, se sculpte. Superpositions, simultanéité, polyphonie, le film naît d’une partition complexe
rageusement élaborée jouant sur des clés multiples
et des ruptures : le Royal Philarmonic Orchestra et le
Top Score Singers se glissent sous le rock du groupe.
La musique est omniprésente, omnipotente. À l’écran,
les effets foisonnent : solarisation, surimpressions,
dessins animés, accélération frénétique. Les mythologies fondatrices se mêlent : Aladin et sa lampe aux
fumées hallucinantes, Faust en manager exigeant le
sang contre une bière. Dada et les séries B ne sont
pas loin, au pays des aspirateurs mutants. Quarante
ans après sa réalisation, voir cet objet cinématographique qui n’en finit plus reste une expérience
éprouvante, voire pénible, mais stimulante !
YVES BERGÉ ET ÉLISE PADOVANI
L’île du jour
d’avant
Il existe un lieu qui n’existe pas, frontière invisible
entre un passé révolu et un futur qui n’est pas encore.
Funambules sur une ligne imaginaire, les bâtisseurs
du MIM (laboratoire Musique et Informatique de Marseille) ont investi ce pays, à la limite du fertile, faisant
émerger du silence une terre de sons. L’accordéon,
vestige d’un monde perdu, associé au multimédia, à
l’électroacoustique ou en soliste, servit de marqueur
sonore à cette soirée. Éclats de mémoire, souvenirs,
projections, constructions, reconstructions, autant
d’éléments épars distribués dans l’espace, qui invitèrent l’auditeur à se muer en opérateur. De l’espace
pixelisé de Bricollages de Pascal Gobin, aux sons de
la Toscane de Philippe Festou, en passant dans l’infra
monde de Nicolas Bauffe et ses sub basses à la limite
du supportable, chacun fut amené à se créer son propre
univers et à se fixer ses propres limites. L’association
du son et de l’image, préoccupation première des
artistes du MIM, matérialisée par les pièces de Philippe Bootz et Marcel Frémiot ainsi que Frank Dufour,
paracheva cette expérience unique. Et le temps reprit
son cours…
CHRISTOPHE FLOQUET
Ce concert a eu lieu le 8 décembre
à la Cité de la musique
De Duparc à Ginoux
© Claude Lorin - Zibeline 2011
L’Invitation au voyage, Phydilé, Chanson triste, sublimes mélodies, tubes
d’Henri Duparc qui inondent conservatoires et salles de récital depuis un
siècle, et les Trois chansons de Bilitis
de Debussy, d’un modernisme exquis,
sur des poèmes de Pierre Loÿs, constituaient la première partie d’un
concert dédié à l’amour. Un parcours
romantique, puis impressionniste, jusqu’à la création du jeune compositeur
Lionel Ginoux, Un brasier d’étoiles,
sur des poèmes d’Alain Borne : huit
mélodies constituant un cycle dédié à
Marion Liotard, pianiste, et Cynthia
Ranguis, soprano.
La pianiste se joue des difficultés avec
aisance : couleurs impressionnistes
debussystes, harmonies wagnériennes
de Duparc. Chez Ginoux, l’écriture est
ample : longues introductions installant un climat, larges descentes dans
le grave, utilisation de tous les re-
gistres et modes de jeux ; fortissimo
impressionnant dans «j’ai vécu»; grands
accords en ostinato, trilles répétées,
unissons stricts. Pas d’éclats contemporains : ni atonalité ou polytonalité,
ni polyrythmie. Il le dit lui-même,
«j’ai voulu être un continuateur». Du
coup Debussy sonne plus contemporain que Ginoux ! La soprano Cynthia
Ranguis a une voix solide, large dans
les aigus, avec de beaux graves, mais
souffre parfois d’une expression tendue (poids du programme ?) dans cet
hommage à l’amour. L’invitation au
voyage de Duparc, aux sublimes
contours, avait du mal à convier à la
sensualité, à tendre les bras…
YVES BERGÉ
Ce concert a été donné
les 25 et 26 nov
au Parvis des Arts, Marseille
Victimes de la Mafia
«En Sicile, nous nous efforçons de voir l’aspect comique des choses, mais tout
semble destiné à tourner à la tragédie.» Les mots de Roberto Alajmo, poète
sicilien, étaient le fil rouge de ce concert à l’Institut Culturel Italien. Dans
le cadre de l’opération Suono Italiano (voir Zib 46), le Conservatoire de Trapani
est à l’honneur le 16 nov. Les frères Mancuso, aux voix si particulières, anches
doubles nasillardes, bombardes venues du fin fond de la Méditerranée, rient,
pleurent, gesticulent, respirent ensemble. Ils se collent l’un à l’autre, braillent
des sons aux vibrations étranges, décuplant leur rage. La Mafia et ses morts
régulières, est une amère compagne ; on fait avec, on n’a pas le choix ; la
musique de Marco Betta est directe, puissante, entre révolte et résignation.
Suivent de belles mélodies plaintives au violoncelle et piano. La guitare, la
vielle à roue, rattache cette musique à une tradition populaire. En voix off,
mots de Nando Dalla Chiesa : «Heureux le pays qui n’a pas besoin de héros» !
Hommage au Général Dalla Chiesa, son père, sauvagement assassiné par la
Mafia : nommé Préfet de Palerme le 1er mai 1982, il meurt 100 jours plus tard.
Mais le sourire renaît avec des mélodies nimbées de bulles d’air et d’espoir
suspendu. Siamo l’acqua che non arriva al mare (Nous sommes l’eau qui n’arrive
pas à la mer).
YVES BERGÉ
38 MUSIQUE LYRIQUE
Doublés gagnants
Pour sa deuxième production lyrique
de la saison, l’Opéra de Toulon a eu
l’idée lumineuse de s’associer avec le
GTP d’Aix, pour mettre ensemble leurs
moyens, faire voyager l’orchestre et
convier un metteur en scène de talent.
Bastien Bastienne © Agnès Mellon
D’abord
la bouffe, après
la morale…
Les mots de Brecht reprennent de la force, en ces
temps de crise où nombre de gens commencent,
littéralement, à avoir faim. Les criminels et les mendiants de son Opéra de quat sous retrouvent hélas
une actualité qui fait frémir… d’autant que la
musique de Kurt Weill n’a pas perdu une once de sa
force et de son ironie grinçante. Elle reste LE modèle de la musique de scène, même si elle pose
bien des problèmes aux comédiens qui doivent être
chanteurs… En avril, Laurent Pelly a fait entrer la
pièce au répertoire de la comédie française en choisissant de faire chanter les sociétaires, ce qui n’allait
pas sans déconvenues musicales. Mais enfin Brecht
Bastien et Bastienne et Le directeur
de Théâtre, deux singspiel de Mozart
écrits au début et à la fin de sa courte carrière, sont combinés l’un à
l’autre, ou plutôt l’un dans l’autre,
avec à-propos et mises à jour judicieuses. Dans l’exercice compliqué de
mixage de textes, parfois traduits, et
de musique, Frédéric Bélier-Garcia a
brillé par son esprit de synthèse : sa
mise en scène délicieusement licencieuse des deux ouvrages, où se
mêlaient habilement humour et grivoiserie, gogo danseuses et chippendale
à l’appui, est une réussite totale sur
le plan dramatique. En effet, cette
nouvelle œuvre aux allures de théâtre
classique respectait à la lettre la règle
des trois unités ! La distribution vocale,
aux timbres parfaitement homogènes
et techniquement irréprochables,
avec une mention spéciale pour les
«prime donne» incarnées avec brio
l’a créé avec des chanteurs de cabaret, nettement
plus canailles, mais qui ne chantaient pas plus juste !
Laurent Fréchuret a choisi de confier certains rôles
très lyriques (Lucy, en particulier, et Jenny) à de
vraies chanteuses, lyriques, qui sont splendides à la
fois dans leurs arias (car il y en a) et dans leur jeu.
Elles permettent d’entendre toute la subtilité, les
pastiches, les contrechants de la musique de Brecht,
interprétée avec talent par une formation qui sonne
bien, chaleureuse quand il le faut, éclatante souvent
(malgré la tendance à accélérer les tempi), surtout
dans le moment jazz… Mais les autres chanteurs,
du coup, souffrent de la comparaison : si Peachum
dans le genre canaille s’en tire très bien, Polly
Peachum hulule, Mackie est nasillard, et madame
Peachum chante faux à l’octave du dessous.
Le pari lyrique n’est donc pas totalement réussi,
mais les chœurs face public revêtent une force peu
commune, et le propos brechtien -l’homme serait bon
sans les «circonstances», abominables, où les puissants placent les pauvres- gagne beaucoup de
lisibilité dans cette version française où les songs
par Olivia Doray et Julia Kogan,
ainsi que la direction musicale,
confiée pour l’occasion à l’impeccable
Pascal Verrot, englobaient le tout
dans un écrin à la couleur baroque
très cohérente. Décors et costumes,
simples mais efficaces, conféraient à
l’ensemble un aspect kitsch à souhait
mais subtilement anachronique dans
lequel les chanteurs semblaient se
délecter de la schizophrénie de leur
double jeu aidés par d’excellents
figurants.
Après Toulon où la production a reçu
un accueil chaleureux, le public
aixois s’est délecté de cette splendide
relecture-création mozartienne, seule
véritable production lyrique de la
saison. Hors festival !
ÉMILIEN MOREAU
sont enfin audibles. La Criée, pleine comme un œuf,
applaudit à tout rompre au propos révolutionnaire.
Comme chaque fois que Brecht, Dario Fo, ont occupé ce plateau. Vous parliez de public bourgeois ?
AGNÈS FRESCHEL
L’opéra de quat sous a été joué à la Criée
du 7 au 10 décembre
© JM Lobbé
Heureux Devereux
© Christian Dresse
L’adage selon lequel, aujourd’hui, l’art du belcanto
(et les voix qui vont avec !) se perd, a été démenti
lors des représentations de Roberto Devereux à
l’Opéra de Marseille. Dans une version concertante,
sans mise en scène ni costumes, on perd en confort
visuel ce qu’on gagne en attention sur le son. De
fait, le livret alambiqué et sans grand intérêt sur
lequel a travaillé Donizetti en 1837 ne possède pas
de quoi attiser l’imaginaire des metteurs en scène.
Du coup, sans regret, on s’est concentré sur le son.
L’orchestre placé sur la scène pose naturellement
un problème aux chanteurs qui doivent davantage
«rivaliser» avec lui, alors que les voix passent plus
facilement au travers du mur sonore qui monte de
la fosse. Là le plateau s’est allègrement tiré du
piège, grâce à des qualités techniques, de bonnes
dimensions vocales et un engagement sans réserve.
En tête, on retient la prestation époustouflante de
Mariella Devia qui, à plus de 60 ans, prouve qu’on
peut toujours chanter pleinement un répertoire
dont on n’a jamais quitté les rivages. À ses côtés,
Béatrice Uria-Monzon se moule dans une vocalité
superbe qui semble taillée pour elle, Stefano Secco
est un bijou de ténor lyrique et Fabio Maria
Capitanucci déploie un timbre somptueux de
baryton. Cerises sur le gâteau, le «second plan» du
ténor Julien Dran est excellent, quand la direction
tonique et élégante d’Alain Guingal magnifie les
prestations de l’Orchestre et des Chœurs de
l’Opéra.
JACQUES FRESCHEL
Thaïs d’aujourd’hui
En produisant Thaïs l’opéra d’Avignon rend hommage au grand compositeur français Jules Massenet mort en 1912. Ayant pour cadre historique l’Egypte du IVe,
le roman d’Anatole France relate un drame entre une courtisane (Thaïs) et un
moine cénobite (Athanaël) : voulant sauver l’âme de la courtisane, le moine développe pour elle des sentiments qui la conduiront inconsciemment vers la mort.
Extraordinaire en Athanaël, Marc Barrard a interprété ce rôle difficile avec une
diction impeccable qui a permis de faire oublier celle d’Inva Mula (Thaïs), dont
la magie vocale a cependant entièrement séduit le public. Dirigés par Jean-Yves
Ossonce, l’orchestre et sa soliste Cordelia Palm (que d’émotion et de sensibilité
dans la célèbre Méditation !) ont contribué au succès musical de la représentation.
Quant à la mise en scène, Nadine Duffaut a une nouvelle fois opté pour un dépoussiérage scénique : «J’ai choisi de transposer l’histoire dans une grande
métropole à notre époque, car pour moi le récit de Thaïs est d’actualité.» C’est
donc un sujet atemporel qu’elle porte à la scène, l’éternel conflit de l’âme et
du cœur : vidéos projetant les inavouables pensées d’Athanaël, décors noirs et
blancs épurés, moines en blouson de cuir ou en chineurs aguerris, courtisanes
en tenues ultra légères pailletées et très colorées. Malgré les longues huées
d’un public trop empreint de tradition opératique, une seule partie de ce
spectacle est véritablement surprenante : le ballet du 1er acte, présentant des
couples se formant et se déformant, en une chorégraphie peu convaincante.
CHRISTINE REY
Thaïs a été joué à Opéra-théâtre d’Avignon
les 27 et 29 novembre
© Cedric Delestrade-ACM Studio
Bijoux d’opérette
Un joli travail de vulgarisation du lyrique que le spectacle d’Aude Sardier,
soprano, et du baryton Bernard Imbert. Voix justes et bien placées, beaucoup
de vivacité, une interprétation intelligente des airs… Tout commence par un
jeu de reconnaissance avec le public, Ave Maria de Schubert, de Gounod, de
Caccini ? Duos expressifs du Comte et de Suzanne, de Papageno et Papagena…
et puis le monde bascule, avec Rossini, un superbe duo des chats, et l’opérette
reprend ses droits, délicieusement, Cahin caha, la Mouche duettise, «c’est
charmant» ! On achève avec l’opérette marseillaise, le parfum de Fernandel et
la recette de la bouillabaisse… Le public est conquis, les grands airs semblent
plus proches… En ter, c’est «L’heure exquise qui nous nous grise». Un ensemble
d’une belle qualité qui a le mérite de rendre à nouveau populaire une musique
qui se détache peu à peu du grand public.
MARYVONNE COLOMBANI
Opéra mon amour a été chanté
le 18 nov à Trets, Salle Casino
40 MUSIQUE RÉCITALS
HFAB 23
une passion amoureuse avec Hanna Fuchs : la
construction et le sérialisme Viennois permettent
une objectivation du pathos, au service de l’évocation latente puis de la rédemption. Le Cuarteto
Arriaga permettait cette distanciation au service de
l’expression pure, dans des pages de funambules de
l’archet. Un contraste stylistique et un lien vers le
lendemain, leçon de vie. Les fraternels Girard
clôturent le cycle et donnent des frissons dans le
presto racé du n° 5 des matures Erdödy op 76 de
Haydn avant Bartok (n°2) et Schumann (n°1).
Quatuor Sine Nomine © Pierre-Antoine Grisoni
Traditionnel week-end Quatuors à la Chapelle du
Méjan d’Arles fin novembre : une programmation
éclectique, du classique Viennois (Haydn, Beethoven) au moderne en passant par les romantiques
Schumann (quatuor en la mineur) et Regger (la
clarinette volubile de J. L. Estrellés s’ajoute au carré magique). Des joyaux qu’on ne se lasse pas de
retrouver ou de découvrir dans le contexte d’un jeu
de chaises musicales qui bouscule les styles.
C’est Sine Nomine qui le premier fait parler la colophane : encadré par Beethoven (notamment le
multiforme 14e quatuor) Britten répond par le tour
à tour grinçant ou lyrique 3e, aux évocations Vénitiennes. Durant la soirée centrale, c’est la suite
lyrique d’Alban Berg qui exprime ses pensées latentes, concrétisée par un matériau dont la symbolique
des chiffres (23 pour Alban) et des notes traduit
PIERRE ALAIN HOYET
Le week-end quatuors a eu lieu à la Chapelle du
Méjan, Arles les 25, 26 et 27 novembre
Douche froide
Jean-Efflam Bavouzet © Guy Vivien
Festif
Fête de la musique, dans la bonne humeur et sans
prétention, si ce n’est celle de partager le plaisir de
jouer au Comoedia où se rencontraient le Quintette à vents de Marseille et, sous la direction de
Jean Mateo, l’orchestre d’harmonie de la ville d’Aubagne. Après une première partie où le quintette
présente de façon didactique et enjouée une panoplie de danses du monde, de l’Intrada Hongroise du
XVIe aux suites de Lully, du menuet de Mozart à la
danse norvégienne de Grieg, la valse de Fauré, le
rigaudon du Tombeau de Couperin (on apprend à
propos que le rigaudon est natif de Gap !), jusqu’à
la danse guerrière percussive de Tomasi et une
quel dommage d’avoir été aussi peu aventureux dans
le choix du répertoire ! Encadré par la très néo-classique suite pour orchestre Les oiseaux de Respighi
et la Symphonie n°3, op.56 de Mendelssohn d’un
classicisme redoutable, le très jazzy Concerto en sol
de Ravel, brillamment interprété par le pianiste
Jean-Efflam Bavouzet paraissait in fine presque
moderne ! Quel dommage que la création initialement annoncée n’ait pas eu lieu !
Acceptée depuis peu en son sein par l’Association
Française des Orchestres, la phalange de l’opéra de
Toulon participait cette année à la 4e édition de la
manifestation Orchestres en fête. Initialement
bâtie autour d’un programme où devait prendre
place une création, la soirée fut finalement conventionnelle même si certains spectateurs eurent le
privilège de siéger au milieu des musiciens. La
direction de Giuliano Carella, toujours aussi alerte
et l’excellente prestation technique de l’orchestre
ne manquèrent pas de satisfaire l’auditoire mais
ÉMILIEN MOREAU
Épreuve
de force
bossa nova au parfum fellinien, l’orchestre d’Aubagne entre en scène. Transpositions de musiques de
film, Les 7 mercenaires, 8 et demi, Pirates des Caraïbes, Le Masque de Zorro… Un travail de passion
pour ces amateurs et un programme d’une belle
longueur, assorti de quelques couacs ! Enfin en
«création mondiale», Comptinerie du tromboniste
François Michels par les deux formations, professionnelle et amateur. Un jeu léger sur les comptines
de notre enfance, délicieux !
M.C.
Concert donné à Aubagne le 3 décembre
Orchestre d'Harmonie de la Ville d'Aubagne © X-D.R.
Avec une programmation presque entièrement dédiée au piano pour cette
nouvelle édition, le Festival de Toulon accueillait le 16 novembre le
pianiste américain Nicolas Angelich
en guise d’ouverture. Baptisé pour
l’occasion «Grand piano à Neptune»,
le concert n’a pas usurpé son titre. En
effet, doté d’un jeu aux dynamiques
puissantes et contrastées mais sans
une once de lourdeur, le pianiste a
conquis les spectateurs avec un répertoire plus qu’alléchant. La virtuosité
imposée par les Sonates n°5 op.10 et
n°32 op.111 en ut mineur de Beethoven rivalisait avec la poésie imagée
que dégageaient les Etudes-tableaux
op.39 de Rachmaninov. Ces monuments
pianistiques ont été interprétés avec
un souffle rare, porté par des phrasés
au rubato intense et par un toucher,
tantôt viril tantôt délicat, qui mettait
en évidence une forme de fragilité où
l’interprète habité, les yeux mi-clos,
fit l’impression d’un d’équilibriste évoluant sur un fil qui jamais ne céda.
Magistral.
E.M.
MUSIQUE 41
55 concerts de Noël, gratuits et courus, déploient leurs chants divers
dans le département des Bouches-du-Rhône, à l’initiative du Conseil général
Noel napolitain, Cantata © X-D.R.
Noel swing, Cotton candies et Doodlin' © X-D.R.
Jingle Bells Rock !
Quand deux groupes de swing se rencontrent, les
Cotton Candies (quintet instrumental et vocal) et
les Doodlin (trio vocal féminin), les chansons de
Noël nous enveloppent d’une énergie communicative incroyable. Les églises se transforment en
caveau de Broadway années 40. Karim Tobbi, voix
souple et sensuelle, charme par sa présence élégante. Les subtils arrangements de Renaud Perrais,
saxo ténor, clarinette, trompette, où claquent de
belles septièmes majeures, entraînent un ensemble
polyphonique étonnant de précision et de chaleur
vocale. Clément Tardivet, piano-chant, excellent
pianiste, donne le souffle, contrebasse et batterie
apportent pulsation et groove nécessaires. We wish
you a merry Christmas, Silent night, Mister Sandman,
Frosty the Snowman et White Christmas sont la plus
belle invitation aux fêtes de Noël : un voyage majeur pour un concert d’ouverture de grande qualité.
voix nasales, voix de tête, de poitrine, rauques, âpres,
populaires, appuyées. L’une entonne, les autres se
greffent, en tierces ou mélismes, sur les basses fondamentales. Des litanies à la Vierge devant la statue :
émouvant recueillement, intemporel. Trompette,
bugle, cor, saxophone, clarinette basse, percussions
se mêlent à cette quête caustique sans complaisance. Clins d’œil de musique concrète (vent, oiseau,
cris, bruitages…) pour rendre plus crédible encore
l’espace, l’itinéraire. Entre Noël et Epiphanie, ces
chants, des Pays d’Oc (Lei paures) et d’Italie (Litanie Lauretane), nous rappellent que les musiciens ont
longtemps erré comme des mendiants. Leur quête ?
Une lumière, un homme providentiel, une âme… Un
spectacle essentiel de la Cie Lamparo, populaire et
savant, lucide mais festif, sur l’échange, la transmission, l’héritage, la tolérance, où l’errance des
Rois Mages nous renvoie à nos incertitudes, quand
on sait que la mendicité est punie… aujourd’hui !
Noëls Nomades citoyens
Napolitain
C’est l’errance des mendiants qui nous convient à
leurs chants. L’église -autel, nef, tribune-, résonne
d’étonnantes polyphonies, accompagnées ou a cappella, dans un travail sur les timbres remarquable :
Ce Noël Napolitain plein de fraîcheur et d’authenticité, rappelle les influences et les individualités
qui irriguent la culture Méditerranéenne latine et
occitane. Les thèmes sont parfois communs : la
crèche provençale, la pastorale, représentatives
d’une tradition récurrente des Napolitains à la Provence (I Magi, une reprise du Provençal Sabol :
Sant Jousé m’a dich, …). Parallèlement, beaucoup
d’évocations della Madonna la main sur le cœur, une
Canzone di Razullo aux airs de Commedia dell arte
pour faire contraste et entraîner un public complice
avant une villanelle ou le timbre d’une Friscalettata
dont le nom évoque déjà la musique. L’instrumentation est typée et délicieuses : Zampogna, mandolines,
mandoloncelle, fifres et flûte double pour accompagner à l’unisson, en accords, les deux chanteurs qui
confirment ce sens de la mélodie propre à la péninsule. Des bourdons agrémentent le tout, conclus
par des accelerandos endiablés au oud rappelant les
rivages opposés. Comme un parfum de musique…
YVES BERGÉ ET PIERRE-ALAIN HOYET
À venir :
Les chants de Noël se poursuivent
jusqu’au 23 décembre
www.culture-13.fr
L’archet et le marteau…
mal la faucille de Jdanov (Les accents
populaires de l’(al)chimiste Borodine
concluront avec le 2e quatuor). Soulevée pour de bon par ces pages, la
première violoniste est extatique dans
le duo en harmonique de l’intermezzo
avec le pianiste Andrei Korobeinikov, et ses partenaires le lui rendent
bien. Le pianiste, investi puis irréprochable dans les Préludes de
Rachmaninov confirme ses racines.
Malgré cela, la distance est dure à tenir
dans les arpèges finals du terrible Trio
op 50 de Tchaïkovski avec des partenaires reposés (Makthin), voire affuté
et sans retenue comme Demarquette :
des pages parfois emphatiques qui
ouvrent la porte à des débordements
expressifs sous l’alibi d’un néo romantisme Russe exacerbé.
Ces accents élégiaques auront-il eu
raison d’un public qui se clairseme
pour la cérémonie conclusive ? Dommage pour eux car Adam Laloum
embrase les mystiques et coloristes
Sonates de Scriabine (5e et Messe
noire) avant le bouquet final de Schumann (op 17) et les dernières lueurs
Brahmsienne du 1er Intermezzo. A défaut d’être
Russes, ces deux derniers
préfigurent-il la Folle
Nuit 2012 ?
P-A.H.
Adam Laloum © Carole Bellaiche
…de feutre bien sûr, et au nombre de
88 pour cette Folle Nuit Russe qui
englobait la période soviétique dans
laquelle se sont parfois débattus Prokofiev et Chostakovitch sous les
accusations de formalisme. Quoi de
plus représentatif du premier que son
duo violon-piano op 80 dans l’efficacité et la clarté vivifiées par les
sincères Dmitri Makthin et Adam
Laloum ?
Puis quatre paires de jambes vêtues
de pantalons immaculés aux allures
de saris symbolisent l’osmose qui se
joue au sein du Quatuor Ardeo, dans
les cadences trompe-la-mort du ré
majeur de Tchaïkovski, avant de confirmer leur finesse dans le quintette
op 57 de Chostakovitch : un langage
novateur et authentique qui met à
Les trois concerts
de la Folle Nuit
se sont succédé
au Théâtre de Nîmes
le 3 décembre
42 MUSIQUE RÉCITALS
Deux triomphes
Anne Gastinel © Sandrine Expilly
Éblouissant
d’Ascoli !
Assister à un récital de Bernard d’Ascoli est une expérience mémorable !
Pas seulement à cause de l’émouvant
rituel d’installation qu’impose sa cécité : on le guide vers le piano, il s’installe
en mesurant précisément la distance
qui le sépare du clavier, se talque les
doigts, écoute, comme suspendu au
silence de la salle, et attaque avec assurance l’opus au programme. Pas
uniquement parce que sa performance
est exceptionnelle en tant que nonvoyant (il n’accroche pas une note,
même dans les pages pyrotechniques),
mais simplement parce que c’est un
grand pianiste.
Le récital donné au Toursky le 7 décembre, très bien pensé autour de
pièces de Liszt, a été magnifié par des
interprétations profondes et virtuoses
du visionnaire Opus 111 de Beethoven ou de la 4e Ballade de Chopin,
son ami de toujours. Les sonorités
somptueuses dévoilées dans la Bénédiction de Dieu dans la solitude ou les
Jeux d’eau à la Villa d’Este, le souffle
et le pathos contrôlés dans ces œuvres-clés du romantisme, comme la
générosité déployée dans les bis
tendres ou virtuoses, ont ravi l’assistance qui a longuement acclamé
l’artiste.
J.F.
Anne Gastinel est une merveilleuse interprète, couronnée depuis tant d’années
(Jeune Talent, Meilleur Enregistrement, Soliste de l’année). Elle joue sur la scène
de l’opéra le concerto pour violoncelle en mi mineur d’Elgar. Dès son entrée: tout
est dit ! Le son, le vibrato, le legato, la posture hiératique devant le chef, le très
inspiré Jonathan Webb. Les quatre mouvements sont enchaînés avec une maîtrise superbe : récit élégiaque de l’introduction, grands sauts d’arpèges de l’Allegro,
sublime cantilène de l’Adagio, puis l’Allegro ma non troppo où Gastinel étale sa
prodigieuse technique sans emphase. Un triomphe avant deux bis : Sarabande
de la 2e Suite et Gigue de la 1re Suite de Bach : l’opéra suspend son souffle...
La 5e symphonie de Chostakovitch permet à l’orchestre de déployer ses plus
belles sonorités : une pièce étonnante, entre drame et victoire, entre tension
et ferveur populaire. La symphonie est composée en 1937, lors des purges staliniennes, pour faire oublier son opéra Lady Macbeth, détesté par Staline ! Quatre
mouvements où alternent dissonances acerbes (Moderato), chant jovial d’un
scherzo, dialogue caustique bois/cordes, très mahlérien, choral méditatif et un
Final puissant et héroïque. Concession à la pression politique ou ironie d’une
marche triomphale de la dictature sur le peuple opprimé ? L’orchestre est survolté et Mister Webb se déchaîne aussi, déclenchant le second triomphe d’un
public conquis par cette tension et ce souffle.
YVES BERGÉ
Ce concert s’est donné le 4 décembre
à l’Opéra de Marseille
Liszt visionnaire
La Cité de la Musique propose, outre une action pédagogique reconnue, un
programme varié de concerts explorant des styles musicaux allant du jazz aux
musiques du monde, du baroque à la création contemporaine…. C’est dans le
charme élégant du grand hall de la Bastide de la Magalone, conçue d’après
les dessins de Pierre Puget, qu’ont lieu les concerts classiques, dont le pianiste
Philippe Gueit est un pilier. Au delà de ses talents virtuoses, les concerts et
cycles proposés par l’érudit proposent des visions originales sur les œuvres et
leurs auteurs. Ce fut le cas pour ses Raretés Liszt qui, au milieu d’un tonitruant
anniversaire exploité par d’éminents pianistes, a eu le don d’aiguiser la
curiosité de mélomanes un peu lassés d’entendre, si belles soient-elles, les
perpétuelles Vallées d’Obermann et autres Consolations… Son troisième volet
a fait découvrir une originale (et originelle) version de 1847 des Harmonies
poétiques et religieuses (on attend désormais l’intégrale), à côté d’extraits d’un
Arbre de Noël recherchant l’épure. On est enfin déconcerté à l’écoute des pages
du dernier Liszt, quasiment jamais jouées, d’un modernisme incroyable
renvoyant du côté de Schoenberg, Scriabine, Debussy, Bartok… Qu’il devait
être malheureux le vieux Hongrois visionnaire, seul à écrire de la sorte dans les
années 1880 !
JACQUES FRESCHEL
Ballet de doigts
Anahid Ter Boghossian © X-D.R.
À l’espace NoVa de Velaux, le piano s’est conjugué
au féminin avec Marjorie Bourgois-Nikoyan et
Anahid Ter Boghossian en concert romantique le
25 nov. Quatre mains posées sur le clavier, agiles et
gracieuses, balayent l’espace du piano, défilent,
ivres de couleurs et de sensations diffusées par les
Images d’Orient de Schumann ou les Rhapsodies
hongroises de Liszt. Les deux artistes, dans un
même souffle, transmuèrent le clavier en orchestre,
domptant leur Steinway avec aisance. En
préambule à ce quatre mains, le public put
apprécier toute la virtuosité de Marjorie BourgoisNikoyan dans son face à face avec la Méphisto valse
ou encore Les jeux d’eaux à la villa d’Este du maître
hongrois : une interprétation impeccable, d’une
sacrée tenue, manquant un peu de corps et
d’épaisseur. Anahid Ter Boghossian, dans les
Consolations, avait eu tendance à tomber dans un
excès inverse, exagérant les rubatos, pêchant par
excès de pathos. Puis elles s’assirent côte à côte, et
la lumière fut ! Preuve une fois de plus que les
musiciens d’ici ont du talent !
CHRISTOPHE FLOQUET
AU PROGRAMME
MUSIQUE
43
Nouvel an lyrique !
Double Bohème
À Marseille et Toulon, pour les fêtes, Maurice Xiberras et Claude-Henri Bonnet ont eu la même
idée en programmant La Bohème.
Place Reyer, le chef-d’œuvre de Puccini fait office
de feu d’artifice lyrique autour du Nouvel an et de
l’épiphanie. Nathalie Manfrino (Mimi) expire dans
les bras de Ricardo Bernal (Rodolfo) sous la baguette de Mark Shanahan dans la mise en scène de
Jean-Louis Pichon. À noter : la production se déplace à Istres, avec le chœur et l’orchestre, après les fêtes…
Au pied du Faron, vers Noël, le duo d’amoureux est
incarné par Nuccia Focile et Arnold Rutkowski.
La mise en scène niçoise est signée Daniel Benoin
quand l’orchestre toulonnais est dirigé par Giuliano
Carella.
La Boheme © Stefan Flament - Opera de Monte-Carlo
Folle journée
Dans les deux cas, l’opus retrace la vie de Bohème
d’une communauté d’artistes démunis, vivant dans
une mansarde. Ce tableau musical du Paris populaire sous Louis-Philippe est aussi une formidable
histoire d’amour où les airs et duos sont des musts
du répertoire. Et son final déchirant tire des larmes
même aux hommes de marbre…
TOULON. Les 23, 29 et 31 déc à 20h et le 27 déc
à 14h30. Opéra
04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr
ISTRES. Le 8 janv à 14h30. Théâtre de l’Olivier
04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr
MARSEILLE. Les 29 et 31 déc, 3, 5, 10 janv à 20h
et le 8 janv à 14h30. Opéra
04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr
La production marseillaise du Cid de Massenet,
représentée en juin dernier en présence du ministre
de la Culture, avec Roberto Alagna et Béatrice
Uria-Monzon dans la mise en scène de Charles
Roubaud, a été désigné par 10 000 mélomanes de
mezzo.tv comme leur opéra préféré diffusé sur la
chaîne musicale, devant les productions parisiennes… «Honorable !» disait-il…
On tour…
La tournée Les Chants de Noël du C.G.13 se poursuit
dans les églises de village et de quartier avec les cinq
productions : Noël swing, Noël napolitain, Noëls
nomades (voir p41), Noël des Amériques et Noël de
l’Europe baroque (par l’ensemble Concerto Soave).
C’est peut-être à côté de chez vous ?
BOUCHES-DU-RHÔNE. Jusqu’au 23 déc Entrée libre.
Programmes complets sur www.culture-13.fr
Triste figure
Le poème symphonique de Richard Strauss, inspiré
de Cervantes, Don Quichotte fait la part belle au
violoncelle de Sonia Wieder-Atherton. L’Orchestre Français des Jeunes, dirigé par Dennis Russel
Davies joue aussi la Sinfonietta de Janacek et,
avant Marseille (fait doublement exceptionnel !),
La procession nocturne d’Henri Rabaud.
AIX. Le 17 déc à 20h 30. GTP
(concert pédagogique à 11h
présenté par Anne-Charlotte Rémond)
04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
De l’impro…
Les pensées du collectif dans l’improvisation libre,
conférence donnée dans le cadre du
festival Nuit d’hiver#9 par Matthieu Saladin. En
collaboration avec le GRIM.
MARSEILLE. Le 17 déc à 16h30
Alcazar Auditorium
04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr
Orgue
Concert donné par une pléiade d’organiste : Annick
Chevalier, Stéphane Rigat, Bernard de Saint-Vaulry,
Gilles Cidale, notre collaborateur Frédéric Isoletta,
Jacques Dusson… dans Bach, Duruflé ou Guimant.
MARSEILLE. Le 18 déc à 16h. Eglise st Joseph
(124, rue Paradis) Entrée libre
La mise en scène des Noces de Figaro signée Christian Gangneron, sur fond de lutte de classes et des
sexes, en costume d’époque (1786), forte de son
succès depuis sa création en 2005, poursuit son
aventure en la cité des papes grâce à Raymond
Duffaut. Dirigée par Olivier Schneebeli, la musique
de Mozart, comme le livret tiré de Beaumarchais,
accompagnent les vauclusiens dans leur passage à
la nouvelle année.
AVIGNON. Les 31 déc, 3 et 6 janv à 20h
et le 8 janv à 14h30. Opéra-Théâtre
04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr
Nouvelle Hélène
Après leur Roi Arthur baroque, Hervé Niquet (direction musicale) et Shirley & Dino réitèrent avec
Offenbach pour une nouvelle vision festive à Montpellier de La Belle Hélène (dans le programme de
saison du Théâtre de Nîmes). Avec Stéphanie d’Oustrac dans le rôle-titre et les Chœurs et l’Orchestre
National.
MONTPELLIER. Les 3 et 5 janv. à 20h Opéra Berlioz
- Le Corum
04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
Double face
Noëls solaires
Après les belles productions de l’Ensemble Télémaque mêlant théâtre et musique, comme Le cabaret
des valises, La mort marraine ou La jeune fille aux mains
d’argent, on attend la toute nouvelle création imaginée par Raoul Lay. Cette fois-ci c’est à la figure
mythique (et double) du Docteur Jekyll de Stevenson que s’intéresse le musicien. Il fait appel à une
équipe avec laquelle l’ensemble a beaucoup œuvré
et tourné : Catherine Marnas met en scène la fiction
et dirige le formidable comédien Franck Manzoni.
Accompagnés d’un chœur et des musiciens de la formation instrumentale basée à Marseille, on entend
également la soprano Brigitte Peyré, impressionnante
dans Desesperate singers ou Nokto (voir p33), et on
découvre un artiste rare, au talent original, apte à la
danse de haut niveau comme à l’art lyrique, le jeune
baryton danseur Yannis François.
Un spectacle familial, possédant plusieurs niveaux de
lecture, qu’on annonce «philosophique et terrifiant».
Le philosophe François Flahaut apporte sa contribution à L’Etrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde (qui
met au point une drogue pour séparer son bon côté
du mauvais), «sous la forme d’intermèdes métaphysiques à la portée de tous»… et l’on fait confiance au
compositeur pour l’aspect «terrifiant» du spectacle !
Une seule représentation de la création est prévue
en soirée à Martigues : mieux vaut donc réserver
rapidement !
Des Noëls argentins, napolitains ou catalans, des
chants d’Angel Ramirez ou d’Astor Piazzola arrangés
pour accordéon (Jean-Marc Fabiano) et contrebasse (Jean-Bernard Rière), interprétés par la voix
inclassable du contre-ténor et baryton Alain Aubin. Une nativité méridionale chaleureuse !
CADENET. Le 17 déc à 18h. Eglise
06 42 46 02 50
www.festival-durance-luberon.com
MARTIGUES. Jekyll, le 21 janv à 19h. Salins
04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Rock & sacré
Dernier spectacle de l’année 2011 du Festival Côté
Cour : Le cantique des cantiques, Opéra-Rock mêlant
musique, texte sacré, théâtre et danse.
AIX. Le 20 déc à 20h30. Jeu de Paume
06 83 60 19 80 www.festival-cotecour.org
Alain Aubin © X-D.R.
44 MUSIQUE AU PROGRAMME
Mozart-lectures
Huit
Debussy
L’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt et le comédien
Julien Alluguette mettent en scène Ma vie avec Mozart, texte à succès du premier, en dialogue avec des
opus du compositeur chantés par Perrine Madoeuf
(soprano), Patrice Berger (baryton) accompagnés
par Orchestre symphonique Confluences dirigé
par Philippe Fournier.
L’Octuor à vents de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon joue Mozart, Grieg et Prokofiev.
Le pianiste François Chaplin et le comédien Didier
Sandre présentent un portrait de Debussy à travers
ses Préludes, Images, Etudes… et ses écrits, son goût
pour la littérature.
Piano tsar
Le monumental pianiste Boris Berezovsky joue la
Sonate n°7 de Beethoven, Miroirs de Ravel, Variations sur un thème de Paganini (2e cahier) de Brahms
et Six études d’exécution transcendante de Liszt.
Quel programme !
AIX. Le 19 déc à 20h 30. GTP
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Digestion
Le chœur de chambre Asmara, Sophie Oinville
(soprano), Marie-Hélène Beignet (alto), Marc
Filograsso (ténor), Jean-Bernard Arbeit (basse),
Nina Uhari et Fabienne di Landro (piano), Chantal de Zeeuw (harmonium) dirigés par Samuel
Coquard, chantent, à peine passés le champagne
et les huîtres du réveillon, la Petite messe solennelle
de Rossini.
MARSEILLE. Le 2 janv à 16h.
Théâtre du Gymnase
0 820 000 422
www.marseilleconcerts.com
Riffs à l’aïoli
TOULON. Le 10 janv à 19h. Foyer Opéra
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Quartiers Nord © X-D.R.
ARLES. Les sons et les mots tournent dans l’air du
soir, le 16 janv. à 20h30 Méjan
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Alto & piano
AIX. Le 12 janv à 20h 30. GTP
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
C.N.I.P.A.L
Récitals du Centre National d’Insertion des
Artistes Lyriques.
AVIGNON. Le 14 janv à 17h. Opéra
04 90 82 42 42
www.operatheatredavignon.fr
MARSEILLE. Les 19 et 20 janv à 17h 15. Opéra
04 91 18 43 14
http://opera.marseille.fr
Viennoise
Rêve de valse, opérette d’Oscar Straus, dans le cadre
de la saison hors-les-murs du Théâtre de l’Odéon.
MARSEILLE. Le 14 janv à 14h30.
Palais des Congrès
04 96 12 52 70
www.marseille.fr
Présentation le 11 janv à 17h.
Auditorium de l’Alcazar
Romantisme français
La nouvelle Revue-rock déjantée du mythique groupe marseillais Quartiers Nord est à découvrir sur la
scène théâtrale de Richard Martin.
MARSEILLE. One Again a Fly,
les 6 & 7 janv à 21h. Toursky
0820 300 033 www.toursky.org
Marseillaise
Galéjades et chansonnettes «avé l’accent !» par Les
Carboni. L’opérette d’Alibert, Sarvil et Scotto revisitée !
BRIANÇON. Le pays des galéjeurs,
le 6 janv. à 20h30.
Théâtre du Briançonnais
04 92 52 52 42
www.theatre-du-brianconnais.eu
Regain
Les musiques de Jean Giono causerie musicale
animée par le musicologue Lionel Pons et illustrée
par le flûtiste Jean-Louis Beaumadier.
MARSEILLE. Le 7 janv à 16h Alcazar Auditorium
04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr
Le pianiste Jean-François Heisser joue le 5e
concerto de Saint-Saëns en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par
Claude Schnitzler qui interprète également la Symphonie en ut majeur de Bizet et le rare poème
symphonique «Faustien» La procession nocturne
(1899) d’Henri Rabaud.
MARSEILLE. Le 15 janv à 17h. Pharo
04 91 55 11 10
http://opera.marseille.fr
Jean-Francois Heisser © X-D.R.
Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies
Antoine Tamestit (alto) et Nicholas Angelich
(piano) jouent la Sonate n°3 en ré majeur BWV
1028 de Bach, la Sonate n°1 en sol majeur op. 78
de Brahms et Trois romances de Schumann.
AVIGNON. Le 17 janv à 20h30.
Opéra-Théâtre
04 90 82 42 42
www.operatheatredavignon.fr
French touch
Jean-Michel Hey & Guy Laurent (flûtes), Corinne
Bétirac (clavecin), Annick Lassalle (viole de
gambe) proposent Une Europe baroque au goût
français : des œuvres anglaises (Purcell, Dieupart),
allemandes (Bach, Telemann, Graupner, Fischer) et
italiennes (Frescobaldi, Corelli) dans lesquelles
rayonne l’esprit français cher au Roi Soleil.
AIX. Le 17 janv à 20h30.
Temple rue de la Masse
04 42 99 37 11
www.orphee.org
Française
La 1306e séance de la Société de musique de Chambre de Marseille donne une Carte blanche à
Raphaël Oleg (violon) qui invite Gaëlle Thouvenin
(harpe), François Laurent (flûte), Juliette Gil
(alto) et Pierre Gil (violoncelle) à jouer de la
musique française signée Pierné, Roussel, Debussy
et Jolivet.
MARSEILLE. Le 17 janv à 20h30.
Faculté de médecine
04 96 11 04 60
www.musiquedechambremarseille.org
Métropolitain
«Cinq voyageurs bloqués dans le métro parisien tentent d’atteindre leur
destination alors qu’en surface la révolte gronde, les manifestations se
multiplient...», tel est l’argument du quintette vocal Cinq de Cœur pour
leur spectacle musical humoristique. Entre classique et music-hall, dans
une mise en scène de Pascal Légitimus… Virtuose et a cappella !
MARSEILLE. Métronome,
le 17 janv à 21h et le 18 janv à 19h.
Toursky
0820 300 033
www.toursky.org
Cinq de coeur © Benoite Fanton
Pas que Vivadi !
L’ensemble baroque Café Zimmermann, en résidence au Grand Théâtre
de Provence, présente trois contemporains aujourd’hui dans l’ombre de
Vivaldi, figure musicale choisie par Dominique Bluzet et Françoise Jan
pour la saison 2011-2012. On entend donc des opus de Giuseppe Tartini,
Francesco Durante et Pietro Locatelli.
AIX. Le 19 janv à 20h 30. GTP
04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net
Chant Royal
Entre Paris et Berlin, les King’s Singers font étape dans les Alpes. Ils
chantent des Lieder romantiques de Schubert, Brahms, Schumann,
Strauss et font la part belle à Camille Saint-Saëns. Une fois n’est pas
coutume, c’est outre-manche qu’on rencontre les plus ardents défenseurs
de la musique française ! Néanmoins, les Anglo-saxons font aussi visiter
leur jardin, avec Edward Elgar ou Bairstow, de John Wilbye à l’américaine
Libby Larsen…
GAP. Le 19 janv à 20h30. La Passerelle
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Mezzo
Stéphanie d’Oustrac chante Mozart et Rossini en compagnie de
l’O.L.R.A.P. dirigé par Yeruham Scharovsky.
AVIGNON. Le 20 janv à 20h30. Opéra
04 90 82 42 42 www.operatheatredavignon.fr
Piano
Jean-Philippe Collard joue Schumann (Arabesque, scènes de la
forêt), Chopin (Sonate funèbre) et
Liszt (Sonate en si mineur).
ARLES. Le 20 janv. à 20h30
Méjan
04 90 49 56 78 www.lemejan.com
Jean-Philippe Collard © X-D.R.
46 MUSIQUE GRIM | AU PROGRAMME
NH#9
AIX
Pasino : M.Pokora (15/12), Thomas Dutronc
(18/1), Zazie (19 et 20/1)
04 42 59 69 00
www.casinoaix.com
Théâtre et Chansons : Emilie Marsh
(16/11), Seve Folle David Flick (14 et 15/1)
04 42 27 37 39
www.theatre-et-chansons.com
Seconde Nature : Acid Washed + Friendly
Customers DJ Set (16/12), Superflux 2e
édition (17 et 18/12), Deluxe + Le Yan &
Skoob le Roi (6 et 7/1)
04 42 64 61 01
www.secondenature.org
ARLES
Cargo de nuit : Raoul Petite (16/12)
04 90 49 55 99
www.cargodenuit.com
AUBAGNE
Escale : L (17/12)
04 42 18 17 18
www.mjcaubagne.fr
AVIGNON
Les Passagers du Zinc : Broussaï + One
noise (17/12)
04 90 89 30 77
www.passagersduzinc.com
Théâtre du Balcon : Sol y Sombra, chansons d’amour et de révolution (17/12)
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
Théâtre du Chêne Noir : Paco Ibáñez (13/1)
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
BRIANÇON
Théâtre: Kaar Kaas Sonn & la Bande d’Aozou
(16/12), le Pays des Galéjeurs/Carboni (6/1)
04 92 25 52 42
www.theatre-du-brianconnais.eu
CHARLEVAL
Centre culturel : Musique du monde Choro
Vagamundo, création du duo Luzi Nascimento (14/12)
04 42 28 45 30
www.charleval-en-provence.org
haitable de mesurer les aboutissants dès le lendemain à l’Embobineuse avec la soirée du label Not
Not Fun (16 déc à 21h). Au même endroit, Allroh
et France Sauvage sont à découvrir (17 nov à
21h), comme l’underground argentin Moondawn
(20 déc à 20h30 à Montévidéo), sans oublier les
déjantés Witches à la Courroie (21 déc à 20h15).
F.I.
Allroh © X-D.R.
Sur les rails depuis le 8 décembre, la 9e édition du
festival Nuit d’Hiver se poursuit jusqu’au 21 décembre à Montévidéo mais également à l’Alcazar,
l’Embobineuse, la médiathèque de Miramas, le
Terminus, la Courroie (Entraigues), la Compagnie
et le GMEM. Projections, concerts, ateliers, rencontres, il est encore temps de profiter du son sous
toutes ses formes et de sortir des sentiers battus
dans des lieux où on se sent bien. La création Tabou
de Patrick Portella avec le collectif Large Bande
et la présence du Trio Martusciello/Casti/ Di Felice au Gmem donneront tout son sens à la musique
d’aujourd’hui (15 déc à 19h30)… dont il est sou-
CHÂTEAU-ARNOUX
Théâtre Durance : Cristina Branco (14/1)
04 92 64 27 34
www.theatredurance.fr
CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE
Akwaba : A State of Mind + Deluxe (17/12)
04 90 22 55 54
www.akwaba.coop
GRASSE
Théâtre: Zingaria/Musique tzigane (5/1)
04 93 40 53 03
www.theatredegrasse.com
HYÈRES
Théâtre Denis : Concert de solidarité
Cultures du Cœur (16/12)
04 98 070 070/04 94 35 38 64
www.tandem83.com
ISTRES
L’Usine : Sniper & Algerino (16/12), Izia
(20/1)
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
LA CIOTAT
Passion’Arts : Decib’elles au théâtre du
Golfe (16/12)
04 42 83 08 08
LE THOR
Auditorium de Vaucluse : Le Condor
(20/12), Karelia + The Real Mac Coy +
Clock Face (14/01)
04 90 33 97 32
www.auditoriumdevaucluse.com
Le Sonograf’ : Mathis Haug (15/12), Zaragraf (12/1)
04 90 02 13 30
www.lesonograf.fr
MARSEILLE
Cabaret Aléatoire : Surkin + L-Vis 1990
(15/12), soirée Château Bruyant avec
Brown and Gammon + Tambour Battant +
Habstrakt + The Unik + MC2 + Pablito Zago +
Wapiwap (16/12), Soung Pellegrino
Thermal Team (17/12)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
Cité de la Musique : Nicolas Cante/Improvisium 1.1. (12/1)
04 91 39 28 84
www.sabaprod.com
Nuits d’hiver
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
Enthropy : Soirée hip hop KGB (15/12)
http://enthropy.fr
Espace Julien : Daniel Levi + Ralph Adamson (14/12), Festival Groove 13 Hommage
au King of pop (16/12), Keren Ann + Doriand (17/12), Med Fusion Orchester (20/12)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
La Criée : Ciné-concert Safety Last (17/12),
Par hasard et pas rasé (10 au 28/1)
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
La Machine à Coudre : Igloo (15/12),
Keith Richard Overdose (16/12), Babykart
(17/12), La secte du futur (21/12), Antonio Negro et ses invités (22/12)
04 91 55 62 65
www.lamachineacoudre.com
La Meson : Atelier de chansons françaises
(16 au 17/12), Soubinoushka (18/12), Duo
Heiting Soucasse (13/01), Le Tango de
Moscou à Buenos Aires (14/1)
04 91 50 11 61
www.lameson.com
L’éolienne : Sébastien Bertrand (15/12)
04 91 37 86 89
www.myspace.com/leolienne
Le Paradox : Festival des Méditerranées
avec Naïas (14/12), Alexandre Manno &
invités (18/12), Massilia Sound Boys
(21/12), DJ Gusta (22/12)
04 91 63 14 65
www.leparadox.fr
Le Poste à Galène : A State of Mind + La
Fine équipe (15/12), Seth Gueko (16/12),
Ysé (17/12), Nuit Années 90 (17/12), The
Bratchmen + The Playboys (6/1), Nuits
Années 80 (7/1), Nuits Années 90 (14/1),
Kid Bombardos (18/1)
04 91 47 57 99
www.leposteagalene.com
Le Silo : Nolwenn Leroy (15/12)
04 91 90 00 00
www.silo-marseille.fr
Toursky : One Again a Fly/Quartiers Nord
(6 et 7/1), Cinq de cœur (17 et 18/1)
0 820 300 033
www.toursky.org
MAUBEC
La Gare : Mami Chan (14/12), Maïa Vidal
+ Roken is Dodelijk (16/12)
04 90 76 84 38
www.aveclagare.org
MONTFAVET
Salle polyvalente : Shaka Ponk (20/1)
www.benjiprod.fr
OLLIOULES
Châteauvallon : Sabri Brothers (13/1)
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
SAINT-RÉMY
Salle Jean Macé : Macadam Bazar (7/1)
06 29 19 69 78
SAINTE-MAXIME
Le Carré : Nokto (16/12), Le Cantique des
Cantiques/Hommage à Mahmoud Darwich
avec Rodolphe Burger (17/12), Orchestre
de Cannes & T. Vassiljeva (28/12)
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
SALON-DE-PROVENCE
Portail Coucou : La Danceteria (17/12)
04 90 56 27 99
www.portail-coucou.com
SETE
Scène Nationale : Paco Ibáñez (13 au
15/12)
04 67 74 66 97
www.theatredesete.com
SIX-FOURS
Espace Malraux : Têtes raides + Cyril
Mokaiesh (16/12)
04 94 74 77 79
www.espace-malraux.fr
TOULON
Théâtre Liberté : Thomas Dutronc (14/12)
04 98 00 56 76
www.theatre-liberte.fr
VELAUX
Espace NoVa : Aaron (18/1)
04 42 87 75 00
www.espacenova.com
VENELLES
Salle des fêtes : Chloé Lacan (7/1)
04 42 54 71 70
AGEND’JAZZ
AIX-EN-PROVENCE
Centre Darius Milhaud
Sudden 4tet (22/12)
0442 273 794
www.centredariusmilhaud.org
Grand Théâtre de Provence
Le Coq et la pendule Hommage à
Nougaro (14/1)
04 42 916 969
www.grandtheatre.fr
Jeu de Paume
Leçon de Jazz par Antoine Hervé «Bill
Evans» (30/1)
Guy Longnon (20/1)
0494 094 718
www.ot-la-seyne-sur-mer.fr
MARSEILLE
Astronef
Elsa Martine 4tet (16/12)
0491 969 872
La Caravelle
Alert’O Jazz (21/12) Les Poinçonneurs
(7/1) Christophe Hhanotin duo (12/1)
TrioTentik (14/1) Méandres (21/1)
0491 903 664
www.lacaravelle-marseille.fr
04 42 99 12 00
ANTIBES
Fondation Hans Hartung&Ana-Eva
Bergman
Songes de Nuits Carrées avec Baptiste
Trotignon (16/12) Serge Pesce (13/1)
0493 334 592
www.fondationhartungbergman.fr
L’Endroit Cave à Jazz
David Reinhardt trio (16/12)
0663 608 822
AUBAGNE
Château des Creyssauds
Godfathers (16/12)
04 91 248 445
www.creissauds.com
AVIGNON
AJMI
Jam Session (15/12) Tea-Jazz avec
Stephan Oliva (08/1) Jam Session
(12/1) Tea-Jazz avec Edouard Ferlet
(15/1) Tea-Jazz avec Joël Forrester
(22/1) Jazz Story #3 Ellington (26/1)
Tea-Jazz avec Franck Amsallem (29/1)
04 90 860 861
www.jazzalajmi.com
BRIANÇON
Théâtre du Briançonnais – Pôle
régional développement culturel
Kaar Kaas Sonn (16/12) Robinson
(21/1) Nawal (25/1) Berg-JeanneSurmenian trio (1/2)
04 92 255 252
www.theatre-du-brianconnais.eu
DRAGUIGNAN
Festival Jazz au Théâtre The Leaders
avec Chico Freeman (16/12) McMannus
Boogie Blues Band & Keith B Brown (17/12)
Jazz-Club Dracénois
0494 505 959
www.theatresendracenie.com
HYERES
Théâtre Denis
Jean Michel Pilc (28/1)
0494 007 880
www.jazzaporqueroles.org
LA SEYNE-SUR-MER
Fort Napoléon - ArtBop
Philippe Duchemin trio (6/1) Salut à
Le Floor
Nafas invite Tania Zolty (17/12)
0491 644 071
Inga des Riaux
Juste un Swing (16/12) La bande à Bruzzo 4tet (13/1) Noto Swing (20/12)
Blue Alert (26/1) Swinging Papy’s (27/1)
06 07 575 558
www.inga-des-riaux.fr/music.html
Le Paradox
Djanamango (16/12) Alexandre Manno
(18/12) Roy Swart’s Swing Machine
(20/12) Oncle Strongle’s JazzNew Orleans (14/1)
04 91 631 465
www.leparadox.fr
Planet Mundo K’fé
Kolbana Project - Green Sun (15/12)
Les Jeudis : Concert Jazz & Jam Session
Les Vendredis : Scène Latine
Les Samedis : Scène World Music
04 91 92 45 72
www.mundokfe.fr
Roll’ Studio
Swinging Papy’s (17/12) Musica Grazia
(7/1) Impossible 4tet (14/1) ZAJ
4tet (21/1) Benoît Paillard 4tet (28/1)
04 91 644 315
www.rollstudio.fr
Théâtre Toursky
Barok’n Pop (14/12)
0820 300 033
www.toursky.org
SAINT-RAPHAËL
Salle Felix Martin
Marcel Azzola 5tet (19/1)
0498 118 903
Centre Culturel Auditorium Saint
Exupéry
Ana Maria Bell & Paul Staicu (21/1)
0498 118 900
VITROLLES
Moulin à Jazz
Orioxy 4tet (7/1) Thomas Savy trio invite Louis Sclavis (21/1) Leïla Martial
Group (4/2)
04 42 796 360
www.charliefree.com
48 MUSIQUE ACTUELLES | DU MONDE | JAZZ
La Méditerranée au pluriel
Du Cor de la Plana à Temenik Electric, le festival organisé par Lou Liame
offre des échantillons musicaux du pourtour méditerranéen.
Sans quitter Marseille
Temenik Electric © X-D.R.
Parce que la Méditerranée est diverse, l’association
Lou Liame -le lien, en occitan- lui consacre un festival au pluriel. Après avoir mûri dans l’intimité du
plus ancien bar musical de Marseille, L’Intermédiaire, le festival des Méditerranées, pour sa 17e édition,
a voulu sortir des salles de concert pour investir
neuf lieux à l’image de la manifestation. Soit des
carrefours de convivialité, de rencontres, d’échanges,
de créativité, de réflexion. Qu’ils soient de culture
occitane, napolitaine ou arabo-andalouse, les artistes programmés ont fait la démonstration qu’il existe
une cohérence dans les traditions musicales de
l’espace méditerranéen. Même les performances à
micro libre du combo d’improvisation Les EffetsMer, lors de la soirée d’ouverture au Point de bascule,
nous renvoient étrangement à des troubadours
Cabaret yiddish
partageant leur scène avec quiconque serait pris
d’un désir de déclamer. Changement de décor mais
pas d’esprit, le lendemain, au restaurant Rouge
Belle de Mai où l’Académie du chant populaire et
Gli Ermafroditi ont ravi le public. L’ensemble polyphonique amateur créé par le contreténor Alain
Aubin reprend des chants collectifs du répertoire
méditerranéen, parfois sortis de l’oubli, souvent liés
à une lutte. Comme cette émouvante version trilingue
de l’Internationale. Quant aux tarentelles calabraises ou des Pouilles du quintet Gli Ermafroditi,
elles nous plongent dans cette Italie méridionale
qui invite à danser. Sur l’autre rive, celle du Café Julien, le rock orientalisant de Temenik Electric
réussit une subtile alchimie entre les rythmes du
Maghreb et ceux de l’Occident, entre karkabous et
riffs de guitare. À n’en pas douter, les formations
attendues les prochains jours (Lo Cor de la Plana,
Castanha é Vinovèl, L’ensemble traditionnel,
Naïas, 3 M, Nafas) et les lieux qui les accueillent (La
maison hantée, La passerelle, Le paradox, L’ostau dau
pais marselhés, Le floor) confirmeront la richesse
d’une culture qui tend vers l’universalité.
THOMAS DALICANTE
Le festival des Méditerranées se poursuit
jusqu’au 17 décembre
www.myspace.com/festivaldesmediterranes
Hommage au Moulin
Jacques Vidal 5tet © Dan Warzy
Entre noirceur et légèreté, Daniel Khan and the Painted
birds réinventent le klezmer à la Mesón
Daniel Khan navigue entre Berlin et New York. Le 20 nov, pour la deuxième fois,
il a posé son cabaret yiddish dans un des lieux les plus chaleureux de Marseille,
la Mesón. Mais cette fois-ci, Khan est venu avec toute sa smala : the Painted
birds. Ce Daniel est lui aussi un drôle d’oiseau. Vêtu comme un Blues brother,
il jongle du folk au klezmer, avec une voix à faire chavirer un pub irlandais. Daniel
Kahn n’a pas de frontières. Il est d’un autre temps, voire d’un autre monde.
D’ailleurs, il prône la révolution en chantant les injustices subies par les victimes du système capitaliste. Et particulièrement les populations laborieuses
qui semblent tant l’inspirer. À moins qu’il ne considère ses combats comme des
causes perdues, titre de son dernier album Lost causes. À l’aise au piano comme
à l’accordéon, à la guitare comme au ukulélé en boite de cigares, il alterne marches festives et balades, de la Nouvelle-Orléans à Dylan, renouvelant la
tradition musicale juive jusqu’à la transcender. T.D.
Occit’en jazz
Si ce n’est une amitié profonde, il n’y
a pas grand-chose qui, musicalement,
lie Manu Théron et Edmond Hosdikian. Mais le chantre de la polyphonie
occitane et l’immense saxophoniste
partagent la même audace de chercher à bousculer les traditions et les
répertoires. Et quand les morceaux en
occitan, bulgare ou italien interprétés par le fondateur du Cor de la
plana rencontrent le jeu vif de celui
qui accompagna, entre autres, Michel
Petrucciani, la confrontation tourne
vite au dialogue, à l’évidente harmonie, entre complicité et émulation.
Aux frontières des musiques improvisées, le duo Théron-Hosdikian était
une performance inédite qui restera
peut-être unique. Une expérience, en
tous les cas, qui ne pouvait trouver
meilleur écrin que Les Inovendables,
festival atypique du label Leda Atomica Musique, autre phénomène de
la scène marseillaise. T.D.
Concert donné le 26 novembre
Le contrebassiste Jacques Vidal, membre fondateur du groupe Magma, a rendu
hommage à Charles Mingus, grand jazzman décédé trop tôt, homme engagé
dans les combats raciaux aux États-Unis. Le quintet s’enrichit des textes et de
la voix d’Isabelle Carpentier, aux scats très ludiques. Le tromboniste Daniel
Zimmerman apporte une belle rondeur, Pierrick Pédron, au saxophone alto,
répond à ses vibrations par de longs chorus très étoffés. Quant au batteur,
Xavier Desandre-Navarre, il s’est retrouvé à plusieurs reprises en solo, laissant
ses partenaires très attentifs à ses débordements d’énergie. La musique forçait
l’engagement physique total de chaque musicien, et l’adhésion du public était
renforcée par l’univers visuel, avec des projections sur la scène de dessins de
Jérémy Soudant.
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz de Vitrolles le 26 novembre
CD : Pierrick Pedron Cheerleaders Label Act Music
CD : Jacques Vidal Fables of Mingus Label Crystal Records / Harmonia Mundi
MUSIQUE 49
La bombe niçoise !
Les Hyphen Hyphen, 4 jeunes niçois
dans le vent, ont fait escale à Toulon
pour la deuxième édition du Festival
Z estampillé jeune public grâce aux
oreilles aiguisées de l’association Tandem. Il était osé de programmer un
tel concert dans ce festival, mais les
heureux privilégiés qui y ont assisté
sont ressortis conquis quel que soit
leur âge ! En effet difficile de résister
à une telle déferlante sonore : rythmique explosive à vous donner des
fourmis, sonorités électro à vous arracher les tympans et guitares électriques
stratosphériques, le tout mélangé au
shaker et servi frappé pour un résultat défiant les lois de l’étiquetage
Rivages partagés
marketing. Electro Rock, Disco Punk,
une pincée de Björk dans la voix généreuse au timbre électrisant, une
once de Pink Floyd pour le côté aventure sonore aux arrangements subtils,
la maturité esthétique faite d’influences multiples et assumées est évidente
mais prend un relief à couper le souffle lorsque les quatre membres se
retrouvent sur scène pour un show
bouillonnant. Assurément, ce groupe
va faire sensation !
ÉMILIEN MOREAU
Ce concert a eu lieu
le 9 décembre au Pôle jeune public
du Revest-les-eaux
Fusion des Genres
Le groupe Boya trouve son inspiration dans le riche répertoire des musiques
d’Europe centrale, dans ces mélodies que Bartok considérait comme «des chefsd’œuvre en miniature.» Dimitar Gougov utilise la gadulka, instrument à cordes
frottées par un archet et tenue en bandoulière. Le jeu mélodique à l’unisson
ou en réponse avec le piano de Nathalie Tavernier colore ce trio qui est appuyé
par les rythmes d’Etienne Gruel dans une relecture originale, de ces thèmes traditionnels passant de la mélancolie à l’allégresse.
Le quintet d’Ahmad Compaoré prend place dans la seconde partie de la soirée.
Un tout autre univers prend forme où le jazz aux influences africaines, indiennes et orientales se déploie par enchantement. La texture sonore se développe,
et peu à peu se découvrent les thèmes composés par Ahmad Compaoré (batteriepercussions). Les saxophones ténor et soprano de Fred Pichot digressent en
longues envolées d’improvisation relayées par la guitare de Jeff Kellner et les
claviers de Stéphane Mondésir. Le thème Ahmad song nomade est un moment
de pur plaisir avec une architecture qui fait monter progressivement la tension.
Sylvain Terminiello, sourire vissé aux lèvres, témoigne du plaisir d’être là. Tous
les musiciens de la soirée se sont ensuite retrouvés pour un trop court moment
dans un bœuf / jam-session très enlevé… D.W.
Ce double concert a eu lieu le 9 décembre au Forum de Berre
CD : Boya Ispaïtché
Titi Robin © Dan Warzy
Une belle surprise pour clore les 18e Rencontres d’Averroès nous a été réservée
par un musicien qui s’inspire des cultures musicales indiennes et méditerranéennes, et se nourrit d’échanges avec des artistes venus de quatre continents.
Car Thierry «Titi» Robin joue de la guitare, du oud mais surtout du bouzouq.
Artiste prolifique, il achève un projet de 3 CD, Les Rives, enregistré en Inde,
au Maroc et en Turquie. L’Inde pour la collaboration avec Murad Ali Khan, récemment récompensé dans son pays comme un des grands interprètes de
sarangi de la jeune génération ; la Turquie avec Sinan Celik, maître du kaval
et de la flûte ; le monde avec l’accordéon-piano au caractère manouche très
expressif de Francis Varis et les percussions de Zé Luis Nascimento. Titi
Robin, tel un catalyseur, pousse ses partenaires à se dépasser, à libérer vers le
public un sentiment partagé de quiétude et d’alerte. L’effet hypnotique marqué
par le sarangi est comme aéré par la flûte kaval et guide le public vers une sorte
de transe, rythmée par les peaux et les cordes, faisant sourdre des émotions
anciennes ancrées au fond de nous, de notre culture viscérale. Improvisant tour
à tour, chacun donne sa voie(x) avec sa sensibilité. Un partage multiculturel
réussi.
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le 19 novembre à l’Auditorium du Parc Chanot
Les Rives Coffret 3CD+DVD, Label : Naïve
Anciens et modernes
Devenu un des hauts lieux du flamenco en France, le festival nîmois,
qui s’installe dans la cité du 11 au 21
janvier, est dédié au guitariste de
Jerez Manuel Moreno Junquera, dit
Moraíto Chico, qui avait donné un de
ses derniers concerts d’anthologie au
Théâtre l’année dernière. Et de fait le
festival fait cette année la part belle
aux guitaristes : Tomatito est le premier à se produire avec Luz de guia qui
rend hommage à son maître Camarón
de la Isla ; le maestro sevillan Manolo Franco accompagnera quant à lui
les trois jeunes chanteurs de Convivencias ; Juan Ramón Caro, un des
grands guitaristes de sa génération,
accompagnera le danseur Marco Flores
et le chanteur José Martin «Salaito» ;
Niño Josele, gitan d’Almería s’est lui
Maria Toledo, figure de la nouvelle
image du flamenco, voix d’ange
d’Inés Bacán avec un flamenco gitan
vibrant… Enfin, ne ratez pas le flamenco âpre, injustement méconnu,
de la province d’Estrémadure, proche
du Portugal : une première en France
pour De Tangos y Jaleos, spectacle au
cours duquel émergent la danse
bouleversante du vieux «Peregrino»
et le cante grande de La Kaita,
aperçue dans les films de Tony Gatlif.
DO.M.
De Tangos y Jaleos © Christele Medaisko
tourné vers le jazz qu’il mâtine de
flamenco… En chant aussi les grands
noms se succèdent : puissance et ri-
gueur de José de la Tomasa, voix
déchirée d’El Capullo de Jerez, élégance de la pianiste et chanteuse
Festival de flamenco
Du 11 au 21 janv
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
50 CINÉMA LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE | LE JOUR LE PLUS COURT
Longue nuit de courts
Le 21 déc, jour du solstice d’hiver,
fête le court métrage : la journée et
la longue nuit, sur tout le territoire
national, se consacrent au film court
sous toutes ses formes. C’est le
Jour le plus court, fête du cinéma
Anne et les tremblements de Solveig Anspach programmé aux Varietes
Du 14 au 24 déc, l’Institut de l’image à Aix propose
une rétrospective Audrey Hepburn, la plus piquante des actrices de comédie hollywoodienne,
inoubliable dans My fair lady, Vacances romaines
(Oscar de la meilleure actrice), Comment voler un
million de dollars ou Diamants sur canapé. Une
actrice qui a su également s’illustrer dans des
œuvres tragiques, comme le magnifique western
de John Huston, Le Vent de la plaine, ou encore
La Rumeur de William Wyler.
Audrey Hepburn dans Le vent de la plaine de John Huston
Institut de l’Image
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
initiée par le CNC et l’Agence du court
métrage, parrainée par Jeanne Moreau, Jacques Perrin, Mélanie
Laurent et Michel Gondry.
À Marseille, les mordus du format
ont de la chance ! Ils pourront commencer à 19h par le programme
concocté par le Cinéma les Variétés,
TILT et Films-Femmes-Méditerranée : une douzaine de courts
métrages qui vont les faire rire,
réfléchir, s’indigner et même écrire
au Père Noël avec Viejo pascuero de
Jean-Baptiste Huber ! Ils rejoindront
ensuite le Polygone Étoilé à 21h30
pour finir la nuit avec Solstice, une
constellation de courts métrages
proposée par Peuple et Culture et
Film Flamme : des documentaires
comme Birds get vertigo too de
Sarah Cunningham, de l’animation
comme Chienne d’histoire de Serge
Avedikian ou La Saint Festin de Léo
Le 15 déc à 20h, dans le cadre des soirées VidéoFID,
projection de Road movie en présence du réalisateur Christophe Bisson : «Le titre promet grands
espaces, large route, virée grandiose, mais ce
sont d’abord des murs blancs auxquels le film se
cogne, ceux d’une institution psychiatrique.»
FID Marseille
04 95 04 44 90
www.fidmarseille.org
Le 17 déc à 16h, en avant-première au cinéma Les
Variétés, La clé des champs en présence de
Claude Nuridsany et Marie Pérennou, projection
suivie d’un goûter : «Une mare abandonnée. Deux
enfants solitaires tombent sous le charme de ce
lieu sauvage qui les rapproche peu à peu l’un de
l’autre et les aide à apprivoiser la vie.»
Le 19 déc à 20h, avant-première en collaboration
avec Judaicine au cinéma César, Let my people
go en présence du réalisateur Mikael Buch et de
l’acteur Nicolas Maury : «Tout le monde sait que
Ruben est juif, homosexuel, facteur, mi-finlandais, mi-français, fils indigne, frère désobligeant,
amant décevant, assassin douteux, voleur malgré
lui… Pourtant Ruben, lui, est incapable de savoir qui
il est…»
Cinémas Variétés et César
09 75 83 53 19
Du 16 au 18 déc, dans le cadre de Une année, un
cinéaste, la Miroiterie présente à l’Espace culturel
Bonne Fontaine de Forcalquier une rétrospective
de Johan van der Keuken, l’occasion de (re)voir
l’œuvre de ce cinéaste néerlandais, disparu il y a
dix ans, qui a parcouru le monde entier avec sa
caméra documentaire, ainsi que des films qui lui
sont consacrés. Critiques et réalisateurs discuteront avec le public après chaque projection.
La miroiterie
06 15 31 00 01 ou 04 92 75 05 28
www.lamiroiterie.org
Marchand et Anne-Laure Daffis.
Bref, des courts plein les mirettes
jusqu’au petit matin !
Quant aux détenus du Centre
Pénitentiaire de Marseille, 26 d’entre
eux pourront voir et parler autour de
deux séances de courts que leur a
préparées l’association Lieux Fictifs
qui coordonne les ateliers de formation et d’expression visuelle et sonore
des Baumettes. Ils pourront prendre
l’Omnibus de Sam Karmann, lire La
lettre de Michel Gondry ou apprendre le sort des chiens d’Istanbul
dans Chienne d’histoire de Serge
Avedikian.
ANNIE GAVA
www.lejourlepluscourt.com
Le 18 déc à 20h, au château de la Buzine, en clôture du cycle De l’écrit à l’écran, ciné concert :
remixe des trois films d’Enki Bilal, Bunker Palace
Hotel, Tykho Moon et Immortel ad vitam en
présence du réalisateur et du compositeur,
Goran Vejvoda.
La Buzine, Marseille 12e
04 91 45 27 60
www.chateaudelabuzine.com
Le 6 janv à 20h30, Michel Ciment, spécialiste de
Kubrick, sera au Renoir à Martigues pour une
projection conférence débat autour de Shining,
clôturant le cycle Kubrick.
08 92 68 03 71
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Le 10 janv à 19h30, au Prado à Marseille, avantpremière du film de Safinez Bousbia, El Gusto, et
retransmission du concert du groupe au Grand
Rex à Paris : la bonne humeur -el gusto- caractérise la musique populaire inventée au milieu des
années 1920 au cœur de la Casbah d’Alger par le
grand musicien de l’époque El Anka qui a rythmé
l’enfance des élèves du Conservatoire, rassemblant au sein du même orchestre Arabes et Juifs.
El Gusto raconte comment la musique a réuni
ceux que l’Histoire avait séparés il y a 50 ans.
www.cinema-leprado.fr
À partir du 11 janv, l’Institut de l’image à Aix
propose l’intégrale des longs métrages de Maurice Pialat. Pour commencer, L’Enfance nue, La
Gueule ouverte, Passe ton bac d’abord, Loulou, La
Maison des bois 1/2/3 et Police… À suivre.
Institut de l’Image
04 42 26 81 82
www.institut-image.orga
FILM | FESTIVAL TOUS COURTS CINÉMA 51
Le jour est là
Le 28 novembre toute l’équipe du
film à 150 euros était en tournée au
cinéma Variétés à Marseille pour une
séance, précédée de la batucada Cascara. L’ambiance était si chaude que
le film avait intérêt à être bon, a plaisanté Djinn Carrénard, le scénariste,
dialoguiste, réalisateur et monteur.
On connaît l’histoire de ce projet : l’envie de Djinn de faire un long métrage,
de ne dépendre de personne, de
travailler avec des comédiens motivés qu’il connaissait, de commencer
à communiquer via internet avant que
le film ne soit fait. «C’est en lisant un
livre où Spike Lee expliquait la création d’un de ses films que l’envie de
tourner m’est venue. J’ai appris toutes
les étapes tout seul.» Tournage : 3
mois, 4 heures par jour ; montage :
3 semaines. Le matériel : emprunté
à une association. Les 150 euros :
l’achat d’un smoking pour une scène
qui n’a pas été montée ! La promotion du film : une tournée en France
à la manière d’un groupe de musique ou un cirque itinérant pour
«décentraliser» le cinéma, le Donoma Guerilla Tour.
Et le film ? Il raconte trois histoires
de couples qui se croisent habilement : la relation entre une prof
d’espagnol (Emilia Derou-Bernal)
et un des ses élèves (Vincente Perez),
rétif, qui la harcèle ; une jeune photographe (Laura Kpegli) déçue en
amour qui décide d’avoir une relation,
silencieuse, avec le premier venu (Sékouba Doucouré) ; une ado agnostique
( Salomé Bechmans) qui se réveille
un jour avec des stigmates christiques aux poignets…
Ce qui accroche le spectateur durant 2 h15 c’est avant tout l’énergie
L'equipe du film Donoma © A.G.
qui se dégage du film, le jeu formidable des acteurs, les situations
inattendues, les jeux de langage, une
sorte de souffle rafraichissant qui
emporte de façon inattendue. «Les
histoires de couples me fascinent ! On
ne se connaît pas vraiment tant
qu’on ne vit pas ensemble.»
ANNIE GAVA
Le monde entier à Aix
Pouvoir en une après-midi aller de
France en Turquie, de Tunisie en
Belgique, d’Islande en Roumanie en
passant par la Pologne ; en une
après-midi, réfléchir à l’enfance
meurtrie, la solitude, la condition
des femmes, rêver au pays des contes… c’est possible, en passant une
après-midi au festival Tous Courts,
pour trois séances de la compétition
(sur les douze !). On retiendra d’abord
Apele tac de la Roumaine Anca
Miruna Lazarescu qui filme remarquablement la difficile traversée du
Danube d’un homme et d’un couple
qui veulent fuir le régime de Ceausescu. L’ennui et l’incommunicabilité
ont inspiré deux films très différents,
ceux de Valéry Rosier et de Bruno
Ballouard. Le premier, dans Dimanches, filme les gens d’une petite ville
wallonne, en plans fixes, comme des
tableaux et l’on oscille entre rire et
désespoir devant la vacuité de certaines existences. Bruno Ballouard
met en scène dans Johnny deux adolescents un peu perdus qui s’ennuient
et se heurtent souvent à l’incompréhension des adultes qu’ils croisent.
C’est pareil pour Lily, l’héroïne de
Susana Casarès qui a de bonnes raisons de refuser d’aller à la piscine.
Damian, lui, un jeune garçon qui croit
que son père est un joueur célèbre
du Glasgow Celtic Club, va devoir affronter la réalité et prendre des
responsabilités dans Glasgow du
Polonais Piotr Subbotko. Quant au
jeune ado qui marche le long d’une
route de campagne avec un homme
-son frère ? son kidnappeur ?-, ment-
il ? Deux inconnus de Lauren Wolkstein et Christopher Radcliff ne
nous le révèlera pas…
Vous l’aurez compris, on ne rit pas
beaucoup devant ces courts métrages, reflets de nos temps troublés.
Plus optimistes, la fin du film de la
Tunisienne Leyla Bouzid, Mkhobbi fi
kobba (Soubresauts), et du conte de
fée macabre musical de Rosto, Le
Monstre de Nix, qui nous entraîne
dans des mondes superbes avec les
voix de Tom Waits et Terry Gilliam :
un vrai bijou !
A.G.
Le monstre de Nix de Rosto
Palmarès
Grand Prix : Dicen d’Alauda Ruiz de Azúa
Prix Spécial du Jury : Glasgow de Piotr Subbotko
Mention Spéciale du Jury : Dimanches de Valéry Rosier et Keha Mälu
d’Ülo Pikkov
Mentions spéciales pour l’interprétation : Laurie Lévêque dans Petite pute
de Claudine Natkin et Garance Marillier dans Junior de Julia Ducournau
Meilleure Musique Originale : Dicen d’Alauda Ruiz de Azúa
Prix RTP2 Onda Curta: Odysseus‘ Gambit d’Alex Lora et Koniec lata de
Piotr Stasik
Prix des Télévisions Francophones : C’est à Dieu qu’il faut le dire d’Elsa
Diringer
Prix Cinécourts : Byuldabang Miss Lee de Jeong- Dong Kim
Prix Cinémas du sud : Dans la cour des grands d’Annarita Zambrano
Prix jeunes : Our Father de Marius Ivaskevicius
Prix du public : Enfant de yak de Christophe Boula
52
CINÉMA
DOCS EN PACA | CMCA
Loi du silence
Acqua in bocca est un de ces films enquête dont on a
l’habitude : un secret de famille jalousement gardé, la
loi du silence, un album de famille dont toutes les photos
ont été enlevées, décollées mais qui garde encore des
traces de colle et quelques légendes... Qui est ce grandpère à la recherche duquel part Pascale Thirode,
escortée par ses deux filles, sur les routes corses,
d’Ajaccio à Bastia et Erbalunga ? S’est-il suicidé en juillet
1944 comme le suggèrent certains proches, parce que
compromis avec les occupants italiens par le biais de sa
maîtresse, la fille de sa gouvernante, une intrigante ?
Mariani-Bove, ce gros négociant bastiais, juge au
tribunal de commerce, est-il mort à l’hôpital d’une
banale crise de calculs, comme l’attestent les
documents officiels ? Pascale Thirode se heurte au
silence mais, tenace, arrive à soutirer des bribes, à faire
surgir l’acqua in bocca. À la fin, ses deux filles gravent et
agacé par la mise en scène un peu
gauche, et s’interroger sur la place
de la documentariste, trop présente
à l’écran avec ses filles, qui
semblent souvent piégées par le
dispositif dont l’artifice affaiblit la
sincérité du propos.
ANNIE GAVA
Acqua in Bocca de Pascale Thirode
déposent dans le caveau de famille une épitaphe en
hommage à cet aïeul qu’elles viennent d’entrevoir ; et
un brin de muguet.
On peut se laisser prendre à cette quête familiale que la
réalisatrice dédie à sa mère, mais on peut aussi être
Acqua in bocca de
Pascale Thirode, présenté
dans Les films de la filière corse
du Primed est proposé dans
le cadre de Docs en ProvenceAlpes-Côte d’Azur, le 14 déc à 20h
à la Maison de la Région
Med en docs
C’est à la Chambre de commerce
de Marseille que s’est tenue le 9 déc
la remise des prix du PRIMED, organisé par le CMCA en présence des
réalisateurs ou producteurs, des professionnels de l’audiovisuel, des
personnalités des institutions et du
public, cérémonie chaleureuse, avec
intermèdes musicaux de la compagnie Rassegna. Le matin avaient eu
lieu trois tables rondes sur les écrans
des pays arabes : journalistes, directeurs de chaines dont Mokhtar
Rassaâ, PDG de la télévision tunisienne, ont abordé l’évolution du
traitement médiatique des événe© A.G
ments aussi bien sur place qu’en Europe, les changements structurels
dans les télés, l’influence des médias sur l’émergence d’une opinion
arabe…
Les jours précédents, le public marseillais, qui ne s’est malheureusement
pas déplacé en masse, a pu voir
reportages et documentaires méditerranéens à l’Alcazar et à la Maison
de la Région, parmi lesquels plusieurs consacrés à la Palestine. Diaries
de May Odeh raconte la vie de trois
femmes de Gaza qui, face à un double siège, celui de l’occupation
israélienne et celui de l’autorité religieuse, nous font partager leurs
peurs, leurs souvenirs, leurs pensées et leurs espoirs. Journal d’une
orange, aller simple de Jacqueline
Gesta, propose une visite des lieux
par les cultures fruitières, celles des
oranges de Jaffa : avant 1948, les
terres étaient cultivées par les
Palestiniens, puis par les kibboutzim. Aujourd’hui, c’est une société
privée qui produit légumes et agrumes destinés à l’exportation. Le
temps d’une récolte on découvre
cent ans d’histoire politique, économique, sociale et c’est intéressant.
Très original aussi le parti pris de
Vanessa Rousselot de sillonner la
Cisjordanie en posant la question :
«Bonjour, est-ce que vous connaissez une blague palestinienne ?» Et
si une des premières réponses est
«Notre situation tout entière est une
blague», bien vite les blagues sont
racontées par des gens très différents, des élèves d’Hébron, une vieille
dame, un anthropologue qui a stocké
près de 2000 blagues, soigneusement rangées dans des boites
étiquetées, un prêtre palestinien qui,
grâce à ses blagues, passe plus vite
le check point mais qui se déses-
père de voir ses compatriotes parqués derrière un grillage. Même si
on rit, on n’oublie pas la situation de
cette population en souffrance.
Blagues à part a d’ailleurs été récompensé du Prix de la première
œuvre, parrainé par la RAI, et du
Prix du jeune public parrainé par
Marseille Provence Métropole.
Pour tous ceux qui n’ont pu suivre le
PRIMED, les visionnements à la
demande sont possibles à l’Alcazar
durant deux mois.
ANNIE GAVA
Palmarès
Women of Hamas de Suha Arraf :
Grand Prix du documentaire Enjeux
méditerranéens, parrainé par France
Télévisions
Abdelkrim et la guerre du Rif de Daniel
Cling : prix Mémoire la Méditerranée,
parrainé par l’Institut National de
et Prix à la diffusion TV5 MONDE
et FR 3 Corse Viastella
Damascus roof and tales of Paradise
de Soudade Kaadan :
prix Art, patrimoine et cultures
de la Méd., parrainé par la Ville
de Marseille
Wolves plate de Mona Iraki :
prix Reportage d’investigation,
parrainé par Radio France
Paradise hôtel de Sophia Tzavella :
prix spécial du jury, parrainé par
la Collectivité Territoriale Corse
Mother15 cents a minute de Marina
Seresesky : prix Court méditerranéen,
parrainé par Marseille Provence 2013
Il Viaggio di Mohammed de Debora
Scaperrota : Prix Multimédia de la
Méditerranée, parrainé par Orange
IMAGE DE VILLE | POLYGONE ÉTOILÉ
La rue est à nous
Quand, en ouverture de la 9e édition d’Image de
ville dédiée à la rue, Christian de Portzampac,
Pritzker d’Architecture 1994, affirme être venu à
sa discipline par le cinéma, il valide de son
autorité internationale le projet du festival : croiser
le regard des architectes et des cinéastes sur la
ville. C’est avec Godard et Antonioni que le grand
architecte se prend à douter des doctrines
urbanistiques des années 60, qui, à la suite du
Corbusier, se montrent hostiles à une rue peu
hygiénique, aux fonctionnalités confuses. Cette
première soirée, ponctuée par les morceaux
choisis d’une cinémathèque idéale, brillamment
commentés par le philosophe Thierry Paquot, a
posé les grands axes d’une réflexion nourrie par
les entretiens qui ont suivi et les quelque 75 films
projetés du 11 au 15 nov. Images d’une villemachine au mouvement incessant du futuriste
Vertov, de la foule ouvrière de Metropolis,
d’enfants sur les trottoirs du New York des années
50, captés avec tendresse par Hélène Levitt, de
poursuites à bout de souffle dévoilant le
Manhattan noir et nerveux de Jules Dassin, de
cités du futur aux circulations superposées et aux
grouillants bas-fonds. Images des murs peints de
Los Angeles murmurant leurs secrets à Agnès
Varda, des flâneries rohmériennes dans le Paris
amoureux des cafés-crèmes. Images d’une
Rome désolée, glauque, intime, déconstruite,
fragmentée, filmée en plans fixes par Vincent
Dieutre, «tiers-cinéaste» pour lequel à la suite de
Barthes : «être moderne, c’est savoir ce qui n’est
plus possible». La rue comme un lieu commun,
partagé, aléatoire. Une expérience sensible aussi,
menacée par l’automobile, le monde virtuel, l’ère
du soupçon, les caméras de surveillance, la
privatisation sécuritaire de l’espace public. Écho
au phénomène des condominiums, La zona,
propriété privée, drame glaçant du mexicain
Rodrigo Plà, présente une de ces enclaves où de
CINÉMA 53
La Zona, propriete privee de Rodrigo Pla
riches résidents en huis clos deviennent leurs
propres justiciers. Loin des quartiers riches, les
corridors du bidonville d‘Alexandrie, Mafrouza,
sont des «dedans-dehors» où se prolonge la vie
des familles qu’Emmanuelle Demoris suit dans
la durée. «Un film avec et non sur les gens» ditelle, douze heures de projection en cinq parties.
La manifestation aixoise s’est achevée sur la
chronique de la révolution égyptienne proposée
par Stéfano Savona :Tahrir, Place de la
Libération. Un lieu désormais historique
rappelant, ainsi que l’a souligné Thierry Paquot,
que si les réseaux Internet ont préparé et relayé
la révolution arabe, c’est dans la rue qu’elle s’est
imposée. Pour changer le monde, il ne suffit pas
d’être avec, il faut être parmi. Voilà pourquoi la
rue semble si dangereuse à certains.
ÉLISE PADOVANI
Une journée asymétrique
Le 24 novembre, la sixième journée
de cette Semaine Asymétrique a
commencé, à la Compagnie, par
une table ronde sur le thème de
«l’économie réelle du cinéma en
région». Après l’analyse faite par J.
F. Neplaz des choix de la Région
PACA en matière d’aide «au cinéma
industriel au détriment de la création», un tour de table a permis aux
participants de faire part de leurs
expériences et de leurs interrogations : Comment faire des films ?
comment les diffuser ? comment en
vivre ? faut-il créer des réseaux de
diffusion parallèles ? utiliser les
espaces qui existent ? Ouverte en septembre à Saint-Etienne, la réflexion
se poursuivra à Lyon au printemps.
L’après-midi, réalisateurs et public
se sont retrouvés au Polygone Etoilé
où la discussion a continué autour
des films présentés ; films achevés
ou en cours, films «fragiles», films
de fin d’études, tous ont donné lieu à
des échanges riches et denses. On
s’écoute, on se répond, on polémique
parfois… Parmi les films présentés,
on retiendra tout particulièrement
les courts métrages tournés au
printemps à Oran par Amal Kateb,
portraits de moments de lutte démocratique en Algérie, ou Ghorba
Légende, un témoignage sur de jeunes «sans-papiers» vivant dans la
promiscuité d’une chambre d’hôtel
du quartier de Barbès. Très intéressants aussi, les films de Lamine
Ammar-Khodja, Alger moins que
zéro ou Comment recadrer un horsla-loi en tirant sur un fil sur l’identité,
ou 56 Sud, les souvenirs d’un appelé
français qui ne parle toujours pas de
guerre en Algérie et ne savait pas
qu’il y avait eu 500 000 morts ! Quant
à Till Roeskens, artiste-explorateur
de territoires, il nous a emmenés
dans un quartier de la banlieue nord
avec son Plan de situation : Consolat
Mirabeau où il a recueilli des histoires de vie qu’il offre au public dans
les lieux mêmes : captation vivante
d’une performance de conteur.
ANNIE GAVA
Organisée par Film Flamme,
la Semaine Asymétrique
s’est déroulée du 17 au 26
novembre à Marseille
54 ARTS VISUELS REGARDS DE PROVENCE | L’ART PREND L’AIR
Sous les lambris de la bibliothèque du Palais des
Arts, les toiles de Louis Valtat manquent sacrément d’éclat. Même le rapprochement ponctuel
avec les œuvres de ses contemporains ne change
pas ce ressenti …qui nous fait désirer impatiemment l’ouverture du Musée Regards de Provence
(voir p 10)!
Sans surprise, les thématiques chères à Louis
Valtat (1869/1952) déclinent leurs palettes de
couleurs vives et de tons naturels, leurs motifs
décoratifs, leurs aplats lisses ou tourmentés selon
les époques : le littoral varois - dont ses célèbres
Roches rouges à Agay - et les paysages ruraux
inondés de lumière, les natures mortes et les
compositions de fleurs, les portraits et autoportraits qui consacrent son amour à son épouse
représentée en brodeuse, voire en repasseuse, et
son goût pour les scènes intimistes… À fréquenter
Soutine (Bouquet de glaïeuls rouges), Seyssaud
(La Chevrière, point d’orgue de l’exposition !),
Manguin (Nu devant la glace) ou Friesz (Le Baou
Redon à Cassis), Louis Valtat n’a-t-il pas perdu de
sa personnalité ? À se frotter aux Nabis, aux Fauves et aux Pointillistes, n’apparaît-il pas tantôt
comme un précurseur tantôt comme un suiveur
qui aurait touché à tout ? Finalement sa constance dans la touche et dans la facture, sa
familiarité avec le modèle, sa science du cadrage,
ses lumières intenses sont les signes d’«un peintre de caractère». Pour Bernard Plasse, auteur
du catalogue, «Louis Valtat est un homme libéré.
Quand on regarde son œuvre, on voit une personnalité qui avance sur des chemins parallèles».
Des chemins dans lesquels il excelle, notamment
dans son œuvre gravé : l’exposition offre un bel
ensemble de dessins, lithographies, études et
bois gravés pour des revues ou des cartons d’invitation, projets de décor pour des pièces de théâtre.
Là palpite tout l’art de Valtat : la fluidité du trait, la
maitrise de la composition, son talent à capter
l’âme du modèle, son sens de la dramaturgie.
M. G.-G.
Louis Valtat et ses contemporains
jusqu’au 19 fév
Palais des arts, Marseille 1er
04 91 04 68 32
www.museeregardsdeprovence.com
À lire
Catalogue édité par Regards de Provence, textes de
Bernard Plasse, 35 euros
Autoportrait © Louis Valtat, 1898, huile sur toile, 39 x 27 cm, coll. particuliere
Le peintre d’Agay
Humeur vagabonde
Cap sur Marseille pour l’association L’Art prend
l’air qui œuvre à l’immersion de l’art dans
l’espace public : avec La Planque / 13 ateliers
d’artistes, son premier acte éditorial (voir p. 61),
elle «donne à voir la ville autrement» en pénétrant
l’intimité des ateliers, et invite le lecteur à
expérimenter une topographie de l’art inédite.
L'atelier de Judith Batholani © Bruno Suet
Celle qui flirte avec le passé industriel de la ville,
les artistes se réappropriant des entrepôts en
friche et des usines désaffectées à La Calade ou
à L’Estaque, à la Belle de Mai ou à la Plaine.
Comme Yazid Oulab, installé depuis 15 ans «rue
Curiol, la plus extraordinaire de Marseille» où il a
découvert son futur laboratoire, «pas vraiment un
atelier car [il] réfléchit beaucoup ici», en passant
par les toits comme un chat… Seul Gérard Traquandi a quitté le littoral pour une chapelle blottie
dans la campagne aixoise : «Un lieu n’est jamais
neutre, et je pense qu’il vaut mieux s’y soumettre,
cette pièce évoque quiétude et sérénité, elle me
fait du bien» confie-t-il dans un entretien avec
Françoise Siffrein-Blanc et Florence DenisLoussier, marraines du projet.
Cette autre manière de réfléchir à l’échelle de la
ville est née de l’envie «de qualifier la ville et
caractériser son identité multiple». Et, à force de
sillonner les quartiers, elles ont choisi La Planque
comme une évidence, un choc : «L’idée du secret,
de la cachette est celle qui colle le mieux à la ville
et à ces ateliers. Ce sont de vraies planques pour
les artistes, des lieux de liberté. Certains les vivent
comme un refuge». Puis par les rencontres, les
affinités et les découvertes à rebonds, le choix des
13 artistes s’est imposé naturellement, là encore
«comme une évidence». Le livre en est à la fois le
fruit et la trace, le verbe et l’image. Avec un autre
personnage narratif, Marseille, sa lumière trop
crue, trop intense, trop violente, ses chemins de
traverse évoqués magnifiquement par Frédéric
Valabrègue.
La Planque, un drôle de nom pour des rencontres… 13 en 2011 et plus encore en 2013 ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.lartprendlair.fr
LATERNA MAGICA | TAPIS VERT | GALERIE PARADIS
ARTS VISUELS
55
Pas magica…
À l’occasion de Laterna Magica,
Fotokino et l’Île aux livres organisent
l’exposition Le livre, l’enfant et la
photographie. Mais hors atelier pédagogique, la découverte de ces
ouvrages photographiques pour
enfants présente peu d’intérêt. Tirages aux cimaises, ouvrages en vitrine
(d’autres sont en libre accès comme
les fiches biographiques et le glossaire), matériel photo et créatif dans
des caisses en bois et une «chambre noire» qui ne peut accueillir que
deux personnes à la fois : le tout
décliné autour de 5 photographes et
de vagues thématiques. Comme
l’humanité, les voyages, les animaux,
les contes, l’imaginaire, bricolage…
Quant au choix des photographes, il
reste contestable : Dominique Darbois et sa série de portraits d’enfants
du monde réalisés entre 1953 à
1975 avec pour légendes «portrait
du petit lapon, de la petite
japonaise…» pose la question de la
recontextualisation de son travail et
de l’anthropologie dans ces annéeslà !… Les célèbres séries de Sarah
Moon Le petit chaperon rouge de
1983 et Le petit chaperon noir de
2010 s’adressent-elles vraiment aux
enfants ? Du travail de Tana Hoban
sur ce que l’écolier voit sur le chemin de l’école ne demeurent que des
signes et ses couleurs totalement
abstraits. Seul l’atelier de Katy
Couprie «qui mêle dessins, collages
et mises en scènes dans ses imagiers» peut entrainer l’enthousiasme
de cette petite fille que sa mère tentait de convaincre en lui lançant
«Regarder les images c’est comme
lire un livre»… Pas sûr !
M. G.-G.
© Sarah Moon
Le livre, l’enfant et la photographie
jusqu’au 21 janv
Alcazar Bmvr, Marseille
09 81 65 26 44
www.fotokino.org
Le grand écart
L’art sur le Tapis
En inaugurant sa galerie rue Paradis en mai dernier, c’est un peu comme si
Jean-François Pascal réussissait la synthèse de sa carrière, lui qui fut
professeur de philosophie pendant 10 ans, puis conseiller politique et enfin
communicant. La culture comme fil rouge d’une vie également dédiée à
l’écriture et à la photographie… Jean-François Pascal est animé du désir
«d’offrir une vitrine vivante aux artistes» et multiplie les projets : accrochages
collectifs et monographiques (Vincent Toulotte, Julien Chesnel, Françoise
Semiramoth), acquisition de lithographies et d’éditions en tirage limité
d’artistes de renommée internationale (Pierre Alechinsky, David Lynch,
Robert Combas, Arman…), et d’œuvres des artistes associés auxquels il offre
une large visibilité dès les fêtes de Noël. Plus surprenant, le galeriste défend
«par goût esthétique et culturel» les artistes aborigènes à travers un fonds
d’œuvres contemporaines originales.
Son dernier coup de cœur ? Les sculptures et collages d’Alain Péclard dont
il parle avec admiration comme d’un «artisan métaphysique, magicien du
rythme, jazzman inspiré». Verre, bois, fer peints à la main pour des sculptures semblables à des «théâtres de poche» ; compositions de dessins et de
papiers peints à la main agencées telles des plans d’architecte. Un ensemble
bicéphale organisé autour de la même construction rigoureuse, de la même
«cartographie cosmiSculpture, Alain Peclard © X-D.R
que» : double travail sur
l’espace–plan et la 3D
issu des plus belles inventions poétiques de
Kandinsky. Ou d’Oscar
Schlemmer…
Tout récemment installé dans les
locaux laissés vacants par RLBQ,
Tapis Vert se positionne comme un
nouveau lieu interdisciplinaire alternatif à Marseille. Le collectif fondateur
-Virginie Carter, Anne-Sophie Vannier, Didier Oppetit - se projette dans
les croisements des arts visuels,
poésies et musiques expérimentales, actuelles et non commerciales,
les arts performatifs. La programmation s’élabore dans la fébrilité
des travaux conçue autour d’un gros
vernissage par mois, un évènement
.
M.G.-G
Alain Péclard
jusqu’au 17 déc
Artistes associés…
déc et janv
Galerie Paradis,
Marseille 6e
06 75 52 07 39
www.paradis-galerie.com
© X.D-R
(festif) hebdomadaire, concerts en
streaming. En parallèle à l’événementiel, Tapis Vert prévoit un espace
média permanent pour soutenir les
œuvres non commerciales et la
constitution d’un catalogue à destination des entreprises. L’association
développe la mutualisation avec
d’autres petites structures (Où, Interface) et des coopérations en réseau
international n’ayant pas pignon sur
rue. Bien que s’appuyant sur une
structure associative, les fondateurs
semblent peu lorgner vers les collectivités-providence et
«les subventions qui
mènent souvent à l’immobilisme artistique».
Postures plutôt artypiques ayant «pour
ambition d’être un
remède au consensuel
[…] dans les chaumières
culturelles».
L’inauguration a eu lieu
le 1er décembre avec
une exposition au titre
prometteur : Cul-Bénit.
La preuve qu’on peut y
croire.
C.L.
Tapis Vert, Marseille 1e
06 77 61 09 97
56 ARTS VISUELS LA VALETTE | ISTRES
La tête dans les nuages
Éric Bourret est un photographe
doublé d’un amoureux de la marche. Déjà grâce au Réseau Lalan1 on
l’avait découvert libre arpenteur
dans le Mercantour et les Alpes de
Haute Provence : les lieux n’étaient
pas extrêmes mais l’atmosphère
glaciaire envahissait ses photos jusqu’à rendre le paysage illisible.
C’est-à-dire totalement abstrait,
arêtes et sommets mués en éclats
noir et blanc. Pour son nouveau trip,
dans les chaines de l’Himalaya, Éric
Bourret ne regarde plus la montagne mais le ciel, prend de la hauteur
en oubliant la pierre. Pour tendre
vers les nuages, vers le soleil et la
lune qui dictent l’intensité lumineuse, sa percée irradiante comme
sa disparition vaporeuse. Son travail
est parfois mal compris des photographes-marcheurs qui n’identifient
pas le «même paysage vu» dans ses
compositions abstraites - magnifiques tirages pigmentaires sous
diasec à bords perdu qu’il réalise
lui-même dans son labo de Marseille -. C’est qu’il photographie «un
acte philosophique et une expérience spirituelle» et sa propre fusion
avec les éléments, la matière. À michemin entre ciel et terre. Le titre de
de voir et de sentir autrement, d’expérimenter une relation à la nature
différente, transcendé par son ascèse et ses efforts. Finalement, peu
poudré, enveloppantes par leur
grand format (150 cm x 180 cm).
Une mer de nuages mouvante sous
le souffle du vent, nébuleuse silencieuse et vaguement inquiétante ;
un champ de coton dans lequel il se
noie de l’aube aux ténèbres. Plongeon ouateux dans lequel nous
sombrons avec lui pour regarder le
ciel autrement. Non plus de manière classique, comme un lointain et
inaccessible horizon, mais simplement couchés. Pour partager avec
lui «l’ivresse des sommets».
M.G.-G.
(1) Déambulations photographiques
3, Le Lavandou, mars 2011 (Zib’39)
Excuse me, while I kiss the Sky © Eric Bourret, Espace d'art Le Moulin, La Valette 2011
son exposition Excuse me, while I
kiss the Sky n’est-il pas suffisamment explicite ?…
Quand Éric Bourret marche 30 jours
durant quelque 600 km il est forcé
importe l’endroit où il vit car du paysage réel traversé les photographies
accouchent d’un paysage mental et
d’une effloraison de formes évanescentes. Douces par leur grain
Excuse me, while I kiss the Sky
Éric Bourret
jusqu’au 21 janv
Espace d’art Le Moulin, La Valette
04 94 23 36 49
www.lavalette83.fr
Les barrières de la perception
La Poparts clôt son cycle annuel
Les Réalités de la fiction avec
les objets monumentaux de Lilian
Bourgeat. Une occasion de
rencontres poétiques avec le public
Un axe majeur de la Poparts, nouvelle structure
de Ouest Provence pour l’art contemporain (voir
Zib’36), concerne particulièrement la relation du
public avec l’art d’aujourd’hui. La thématique de la
fiction a fourni de belles occasions avec les expositions Bruno Peinado, Nicolas Pincemin, finalement
Lilian Bourgeat qui investit le centre d’art contemporain et plusieurs espaces publics à Istres et
Grans.
Au-delà de la première perception, spectaculaire
et ludique, face à ces sculptures/objets démesurés, comment les visiteurs pouvaient-ils être
Lilian Bourgeat, barrieres Vauban, acier galvanise. Performance dansee de l'ensemble Coline, Istres 2011© C.Lorin/Zibeline
amenés à construire un rapport plus personnel ?
Pour une journée seulement le 26 nov, lors de
leurs VertiGineuses Virées, les acteurs de la Cie
En rang d’oignons se sont employés à manier
humour, pertinence et érudition à travers saynètes d’intérieur et tchatches urbaines dans trois
parcours extérieurs. «On a cherché à inciter les
gens à se faire une opinion, sur ce qu’est une
œuvre d’art, le statut de l’art, dans la société, à
comprendre ce qu’il y a derrière ces œuvres. Il y a
un premier contact affectif qu’on amène vers la
distance critique». Réfléchir sur le rôle du titre, au
rapport fonctionnel/fictionnel, aux incidences de
deux pieds gauches pour des bottes de géant,
inviter Hegel et Duchamp entre autres, n’est pas
si compliqué en fait.
Cette appropriation de l’œuvre a été concrétisée
par les jeunes danseurs du centre de formation
Coline clôturant ces parcours. Au bord de l’étang
de l’Olivier, leurs lentes chorégraphies ont joué le
contraste avec la rude rigidité des barrières
Vauban et la souplesse des corps, introduisant du
vivant et de la temporalité dans l’immobilisme, du
possible dans l’interdit. La barrière galvanisée
n’était plus un objet mais un lieu, vraiment investi.
CLAUDE LORIN
Lilian Bourgeat
jusqu’au 15 janv
Centre intercommunal d’art contemporain,
Istres
04 42 55 17 10
www.ouestprovence.fr
AU PROGRAMME
ARTS VISUELS
57
Pauvre ?
Au Carré d’art de Nîmes, 8 artistes internationaux interrogent la matière
nue et le matériau brut dans des œuvres souvent éphémères, certaines
réalisées in situ, d’autres qui seront démantelées et recomposées dans
une nouvelle présentation. Addition de paille, plâtre, argile, sable et
vêtements chez Guillaume Leblon ; métal peint et cigarettes éteintes chez
Gabriel Kuri… Comme une manière de faire «l’inventaire du monde et de
l’atelier». M.G.-G.
Pour un art pauvre
jusqu’au 15 janv
Carré d’art, Nîmes
04 66 76 35 77
http://carreartmusee.com
G. Leblon, Ottoman, 2010, paille, platre, argile, sable et vetements. Courtesy Gallery projecte SD, Barcelone © G. Leblon
Enflammé
Christian Jaccard, artiste du processus de combustion qui fut professeur à
l’École d’art et d’architecture de Marseille en 1976, dévoile ses Énergies
dissipées : Les Ignigraphies, tableaux marqués par l’empreinte du feu ; Le
Concept supradonal, assemblage rhizomatique inspiré du monde végétal
ou domestique ; Les Tableaux éphémères, films où flammes et fumées
inventent un territoire mental. À découvrir, pourquoi pas, muni de
l’opuscule Une œuvre de Jaccard publié par les éditions marseillaises
Muntaner… M.G.-G.
© Christian Jaccard, tableau ephemere, La Trinite Kerguehennec, 2011
Énergies dissipées
Christian Jaccard
jusqu’au 15 janv
Villa Tamaris Pacha, La Seyne-sur-Mer
04 94 06 84 00
www.villatamaris.fr
Graphique
Plus d’un demi-siècle de gravures au burin et à la pointe sèche, de dessins à la mine de plomb et de
lavis : toute sa vie Jean-Marie Granier (1922/2007) n’a cessé d’écrire le monde à travers ses
enchevêtrements subtils, ses signes et ses lignes. Un monde qu’il regardait en couleurs et
représentait exclusivement en noir et blanc pour mieux célébrer le réel… La Fondation Louis Vouland
et le Centre d’Art Jean-Marie Granier mettent en lumière son œuvre graphique aussi abondante que
discrète. M.G.-G.
Granier, une vie en gravure
Jean-Marie Granier
jusqu’au 30 janv
Musée Vouland, Avignon
04 90 86 03 79
www.vouland.com
Grands labyrintes, Jean-Marie Granier © X-D.R
Philippe Turc, Je suis venu vous apporter des bonbons © J. C. Lett
Trucs
Petites choses et bidouillages drôles. Bizarreries. Des saynètes
sans se prendre la tête. Ou ex-voto venu d’ailleurs.
Un art simple et pauvre à poil naïf. Oui, oui un peu de malice
dans la représentation n’est jamais mortelle ! Croire aux histoires
fétiches (et même pas peur) accrochées au mur, aux choses enfantines
enfouies tout au fond. Y a comme un Turc qui tourne pas rond ou c’est bientôt Noël ? C.L.
Gri-gri et talisman
Philippe Turc
jusqu’au 5 janv
Galerie Jean-François Meyer, Marseille
04 91 33 95 01
58 ARTS VISUELS AU PROGRAMME
Plis
L’une plie, la seconde photographie. Des livres, nombreux, de toutes
sortes se muent en objets sculpturaux sous les subtils jeux de pliages
de Jany Garbouge-Floutier. En approchant au plus près son objectif,
Laura Jonneskindt révèle les matières, les interstices, les rythmes,
les flous, les lumières et les ombres. Ce qu’on tente de voir et lire
d’illisible entre les pages, le livre dans son intime. C.L.
Livres autrement
Jany Garbouge-Floutier, Laura Jonneskindt
jusqu’au 8 janv
Ateliers La Salamandre, Barbentane
04 90 90 85 85
www.barbentane.fr
Agir
Livres autrement © Laura Jonneskindt
Les œuvres conçues pour Arles par Pierre Labat se présentent dans deux espaces restreints
par des verbes d’action. Vira (tourner, en portugais) à l’Espace pour l’Art et Abre (ouvrir) à
Analogues - chez qui l’artiste avait exposé une première fois en 2008. Deux lieux, deux gestes
concomitants générant la mise en forme artistique, et la confrontation du visiteur à l’œuvre.
C.L.
Pierre Labat, Vira, Abre
jusqu’au 6 janv
Espace pour l’Art, Arles
04 90 97 23 95
www.espacepourlart.com
Editions Analogues, Arles
09 54 88 85 67
www.analogues.fr
Pierre Labat, 555 - 2011,corde elastique.Vantai Gallery, Vilnius, Lithuanie
© Galerie AcDc et l'artiste
Confronter
Jeux parallèles chez Yvon Lambert : les œuvres de Laurence Wiener un des artistes
emblématiques de la collection, fondateur par ailleurs de l’art conceptuel et présenté très tôt
en France par le galeriste, sont réactivées. De son côté, Vik Muniz rejoue comme à l’accoutumée
les chefs d’œuvres de l’art dans l’hôtel de Caumont, avec pour l’église des Célestins un projet
particulier inspiré de l’œuvre de Van Gogh. C.L.
After crossing the river/Après la traversée du fleuve
Laurence Wiener
Le musée imaginaire
Vik Muniz
jusqu’au 13 mai
Collection Lambert, Avignon
04 90 16 56 20
www.collectionlambert.com
Vik Muniz, Still life with apples, afeter cezanne (Pictures of magazine), 2004,
c-print. Courtesy galerie Xipppas, Paris
Sur les hauteurs
The Raw edge, l’exposition au musée Gassendi prolonge grâce au regard
de Bernard Plossu, Edge-stones, une installation pérenne réalisée cette
année par Richard Nonas dans le cadre du projet VIAPAC (Via Per l’Arte
Contemporanea) dans le hameau de la Vière. La rencontre aux sommets
du sculpteur et du photographe fait aussi l’objet d’un livre de
photographies aux éditions Yellow Now. C.L.
The raw edge / Le passage des montagnes, Vière et les moyennes montagnes
jusqu’au 31 mars
Musée Gassendi, Digne
04 92 31 45 29
www.musee-gassendi.org
Edge-stones: Vière et les moyennes montagnes, Vière, 2011 (œuvre pérenne du projet de Route de l'art
contemporain VIAPAC : VIA Per l'Arte Contemporanea) © Richard Nonas
ARTS
LIVRES
Sur les lieux du drame
Format à l’italienne, mise en page classique, sobre qui
laisse la priorité aux photographies, textes courts agrémentés de huit essais en guise d’épilogue, introduction
savante de Nathalie Herschdorfer : Jours d’après,
Quand les photographes reviennent sur les lieux du drame
est un sans fautes. Dans ses questionnements : comment retranscrire des événements qui ont eu lieu avant
le temps de l’image? Comment dire l’actualité sans
céder à la pression de l’instantanéité ? Dans son choix
d’œuvres, préférant aux chasseurs de scoops des
photographes qui témoignent après-coup des
conséquences sur les survivants des drames et des
catastrophes, leurs cicatrices et les séquelles. Nathalie
Herschdorfer, directrice du festival de photographie
Alt. + 1000 en Suisse et commissaire d’exposition de
la Foundation for the Exhibition of Photography, a
Hors normes
On pourrait paraphraser Magritte et écrire «Ceci n’est
pas un livre» à propos de l’imposant catalogue publié
par Fotokino et le Festival international de l’affiche et
du graphisme de Chaumont. Car Ed Fella Documents
est tout à trac et sens dessus dessous : le sommaire se
cache en dernière de couverture, les pages se feuillettent à l’horizontale et à la verticale, les textes jouent à
tête-à-cul (bio, entretiens, notes, biblio, citations), les
titres bilingues envahissent la page ! Son foisonnement
graphique est à l’image de l’illustrateur iconoclaste, roi
de la typographie toutes catégories (voir Zib’46). Nul
besoin de connaître sa carrière à la marge pour jouir
immédiatement de sa vivacité créative : les 256 pages
émoustillent notre esprit en permanence quand notre
regard glisse sur les Polaroids de la série Letters on
America, se faufile entre les flyers à la composition
délirante, s’arrête sur les témoignages du pianiste Art
sélectionné une trentaine de photographes majeurs de
la scène internationale qui «attendent que la fumée se
dissipe». Loin de la dramatisation, du sensationnel ou
du misérabilisme.
Ainsi Léa Eouzan et sa réflexion autour de la muséification des lieux de mémoire (Auschwitz), Henk
Wildschut et les campements sauvages des migrants
illégaux, Suzanne Opton et ses portraits de soldats
américains de retour d’Irak… Entraînant le lecteur à
mettre en perspective l’avalanche d’images qui lui
parvient en temps réel, Jours d’après est, plus qu’un
album, un essai sur la puissance des images, leur
impact médiatique mondial et sur le sens de la photographie contemporaine, «véhicule fondamental de
significations affectives».
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Tatum, décrypte ses propres annotations : «mes œuvres auront-elles une raison de durer au fil du temps
ou resteront-elles de simples canulars momentanés ?»
Si Ed Fella refuse de se prendre au sérieux, l’ouvrage
parle avec sérieux (le contenu) et fantaisie (le contenant) de la production hors normes d’«un sage avec
un stylo Bic 4 couleurs à la main» ; il déconstruit la
narration comme Ed Fella a déconstruit sa production
depuis plus de 50 ans, en confectionnant librement
un mille-feuille d’images et de mots.
M.G.-G.
Ed Fella Documents
Vincent Tuset-Anrès, Renaud Faroux, Catherine
Guiral et Randy Nakamura
FIAG de Chaumont, Fotokino, 35 €
Luxe pour tous !
Depuis sa création en 1979 à Aix-en-Provence Royal
de Luxe a fait du chemin. Après un vagabondage d’une
dizaine d’années, la troupe a été hébergée à Nantes,
dans un hangar de 10 000 m2, lieu de création intense.
Nourris d’images de peinture et des romans de Jules
Verne, Jean-Luc Courcoult et son acolyte inséparable, Anne-Marie Vennel, ont imaginé des aventures
inoubliables et créé des spectacles de rues époustouflants. Après un volume qui retraçait les 20 premières
années de création, Odile Quirot s’attaque aux 10
dernières : voyages à travers le monde, rencontres enthousiastes avec les publics du Cameroun, de Chine,
du Chili, du Mexique... initiation des artistes locaux
à ces nouvelles pratiques qui relèvent autant de la
science éclairée que du bricolage et de la débrouille !
Leur collaboration avec les arts de la Marionnette de
Charleville-Mézières a fomenté La révolte des mannequins qui débordaient des vitrines ! Imagination
galopante, mais aussi adaptation immédiate aux situations font partie du quotidien des participants. Ainsi
sont nés les Géants. La petite géante suce des glaces et
coud des voitures sur le bitume quand elle s’ennuie, le
chien-dieu El Xolo renifle les passants, un géant s’installe sur un transat au milieu du Gard face au Pont...
Superbes images qui marquent la mémoire, et
l’émotion !
CHRIS BOURGUE
Royal de Luxe 2001-2011
Odile Quirot
Actes Sud, 32 €
Jours d’après, Quand les photographes reviennent
sur les lieux du drame
Nathalie Herschdorfer
Thames & Hudson, 39,95 €
59
60
LIVRES
ARTS
Toiles et toiles
L’ouvrage de Joëlle Moulin, divisé en 7 chapitres, invite à approfondir les correspondances fécondes entre
le cinéma et la peinture. En commençant par Van
Gogh, modèle du peintre au cinéma, qui a inspiré
Minnelli, Pialat et Kurosawa. Chacun son style, mais
réalisateurs et décorateurs fabriquent leurs films en
référence à des univers picturaux : c’est évident pour
Jean Renoir et les impressionnistes ou pour les films
historiques comme Barry Lindon de Kubrickdirectement
inspiré par Gainsborough. Ou les cinéastes expressionnistes, Murnau, Wiene, Lang, qui dialoguent avec les
peintres de la Nouvelle Objectivité; la bouche hurlante du Cri de Munch se retrouve de manière récurrente
chez Hitchcock, John Ford a pris le relais des peintres
de la Hudson River School, Ozu s’est inspiré des
estampes d’Hokusai. Quand les tableaux ne jouent pas
un rôle dans les films mêmes : portraits se substituant
aux personnages chez Godard, clins d’œil du cinéaste
aux spectateurs, toiles de fond dans les plans.
Joëlle Moulin étudie ensuite l’influence de Hopper
chez divers cinéastes à travers des exemples précis :
Psychose d’Hitchcock, Manhattan de Woody Allen ou
Paris Texas de Wenders. Pour finir, elle aborde le
champ de l’autoportrait et du modèle, Charlot et ses
grotesques, les mâles mythiques, les beautés féminines
ainsi que ce qui fascine les «peintres de la vie moderne», la vitesse, l’instantané du réel. Elle termine par les
«passeurs d’images», tour à tour cinéastes, dessinateurs,
peintres, voire photographes comme Kitano ou Lynch.
L’ouvrage regorge d’exemples fort pertinents et se déguste doucement, même si les transitions entre les thèmes
sont abruptes. Il nous invite à revoir films et tableaux,
d’autant que l’abondante iconographie est superbe.
ANNIE GAVA
Cinéma et peinture
Joëlle Moulin
Citadelles & Mazenod, 69 €
Histoire interrompue
André Steiner, photographe et sportif, aimait Léa
Sasson. Lily. Il a photographié son corps d’athlète enfantin -la nageuse a treize ans sur les tout premiers
clichés- puis celui de sa femme, transformé, puis de la
mère de son enfant. La plongée dans l’album de famille des Steiner est incroyablement intime, même s’il a
vendu ces photographies si personnelles à Vu et Paris
Magazine. Les photos de leur fille, aussi, Nicole, qui
en transmet aujourd’hui la mémoire. Steiner dans les
années 30 se rattachait aux recherches de la Nouvelle
vision, recadrait, trouvait des angles, des obliques, colorisait, pratiquait le photomontage, toujours précis. Il
exaltait le corps athlétique, mais non pour faire l’apologie de la force comme la photographie fasciste de
l’époque. Ces images qui débordent d’amour, d’une
touchante complicité entre le photographe et son modèle, sont loin du conformisme des clichés familiaux :
Chauvins ?
Dans la série des beaux livres de Noël, La France au
patrimoine mondial de l’Unesco se distingue. Pourtant,
rien que de très classique dans le projet éditorial : y
sont recensées les 37 merveilles de France par ordre
alphabétique, classées au patrimoine mondial. En guise
d’introduction, les dix critères de sélection auquel le
site culturel et/ou naturel doit satisfaire. Une reprise,
augmentée des nouveaux sites classés, des éditions
2009 et 2010. Mais aux photographies superbes, prises
par des photographes de la région -parfois avec des
points de vue peu communs, comme le pont du Gard
vu de haut- correspondent les textes clairs de Catherine Grive. Situation historique, contexte, mise en
évidence du caractère exceptionnel du lieu, sont fermement exposés. Vestiges préhistoriques des premières
Lily la mère est nue, naturellement impudique ; elle
danse et s’envole sur les rochers près de la mer, elle offre
son sein à son bébé avec un érotisme superbe, puis
Nicole rit, éclabousse son père tout aussi hilare, image
décalée du bonheur.
Mais l’histoire est interrompue. Lily s’en va, la guerre
achève de les séparer, l’enfant juive est cachée, et si tous
trois ont survécu l’album de famille n’a pas été rouvert.
Le Bec en l’air publie un livre très élégant qui ressemble
pourtant aux albums oubliés de nos tiroirs familiaux.
Les textes de François Cheval (explicatif) et Arnaud
Cathrine (lyrique) ouvrent et prolongent la rencontre,
complétée très judicieusement par quelques explications
illustrées des techniques photographiques employées
par Steiner.
AGNÈS FRESCHEL
sociétés agraires en Europe, du village lacustre de
Hauterive-Champréveyres, ou peintures rupestres de
la vallée de la Vézère ; traboules lyonnaises, fortifications de Vauban, cathédrales aux noms magiques,
Paris, Chartres, Bourges, port de la lune de Bordeaux,
monuments romains et romans d’Arles, beffrois du
nord, splendeur des Causses, jusqu’au Mont-Perdu
des Pyrénées ou les paysages sublimes des calanches
de Piana, les lagons bleus de Nouvelle-Calédonie. Ces
lieux, par leur classement, gagnent avec la reconnaissance de leur intérêt majeur et fondateur une protection
internationale. Quelle richesse, quelle diversité ! À en
devenir chauvin…
MARYVONNE COLOMBANI
Ce qu’on n’a pas fini d’aimer
André Steiner
Le Bec en l’air, 32 €
La France au patrimoine mondial de l’Unesco
Catherine Grive
Beaux Livres Déclics, Petit Futé, 30 €
LIVRES
Bamako, ville ouverte
Ceci n’est ni un guide de voyage, ni un livre sur l’histoire et les traditions du Mali. Sur ce pays de culture
millénaire, il en existe déjà beaucoup. Non, ce que la
journaliste littéraire Valérie Marin La Meslée et la
photographe Christine Fleurent ont voulu dresser
avec Novembre à Bamako, c’est, comme elles l’avaient
confié lors des dernières Littorales (voir Zib’46), un
«état de la création contemporaine dans une capitale
comme Bamako», non exhaustif et passionné. VMLM
a découvert la ville en 2002 grâce au festival Etonnants Voyageurs ; 9 séjours plus tard, elle livre ici «son
itinéraire personnel de découverte» de la capitale malienne, au fil de chapitres classés par domaines artistiques
et culturels. Chacun d’eux se nourrit des rencontres,
fortuites ou préparées, avec ceux qui créent ou font
rayonner la création. Suite d’entretiens avec des icônes
comme le musicien Salif Keita ou le photographe
Malick Sidibé, mais aussi avec de nombreux autres
acteurs culturels, que les lumineux portraits rendent
proches. On peut évidemment prendre le livre et le
lire de A à Z. Il semble plus judicieux de le découvrir
par étapes, comme ses auteures ont arpenté la ville.
De s’y promener au hasard d’un titre qui fait signe,
d’un nom de lieu curieux, d’une photo qui saisit. Ainsi
a-t-on l’illusion agréable d’une balade dans cette ville
où il se passe toujours quelque chose. Et pas seulement
en novembre !
FRED ROBERT
Novembre à Bamako
Valérie Marin La Meslée, Christine Fleurent
Le Bec en l’air, 30 €
À pied d’œuvre
Comme le souligne Le Corbusier lui-même «les grands
tracés urbains peuvent souffrir terriblement d’un urbanisme théorique fait sur la planche à dessin». Et le piéton
dans tout ça ? Avec son déplacement «lent» synonyme
de qualité de vie supérieure, il est au cœur des interrogations de chercheurs, responsables locaux et architectes
urbanistes à travers l’ouvrage Le piéton dans la ville,
L’espace public partagé publié sous la direction de JeanJacques Terrin. En prenant les exemples de métropoles
diverses comme Amsterdam, Paris, Lyon, Londres,
Copenhague, Lausanne et Vienne, cette étude axe sa
réflexion sur la marche comme réponse aux enjeux du
développement durable, la place du piéton, la cohabitation au cœur de tissus urbains anciens et modernes
et le rééquilibrage de l’espace public. L’enjeu d’une
ville garante d’un art de vivre passerait-elle par la
marche à pieds ?
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Le piéton dans la ville
Jean-Jacques Terrin
Parenthèses, 22 €
De l’atelier au paysage
De B comme Gilles Barbier à Y comme Christof Yvoré,
de l’Estaque à La Belle-de-Mai, La Planque pénètre
l’intimité de 13 ateliers d’artistes et dessine une cartographie inédite de la cité phocéenne. L’auteur Frédéric
Valabrègue et le photographe Bruno Suet tracent en
pointillés un parcours totalement subjectif qui mène
d’ouest en est et du nord au sud au gré des «chemins
de traverse». La visite est esthétique, érudite et poétique :
ces deux promeneurs intranquilles nous guident et
nous enchantent à travers des détails (les mains noircies de Judith Bartolani, les grimoires de Fred Sathal),
des vues improbables (gros plan sur «La Moure» de
Marc Quer), des portraits biaisés (Frédéric Clavère
masqué), des citations en forme d’autoportrait («Le
bonheur n’est pas gai, le soleil et la mer non plus» de
Michèle Sylvander). Ils sont les témoins privilégiés de
13 artistes qui ont décidé de rester à Marseille, ou d’y
revenir, laissant entrevoir le chaos ou l’harmonie de
leur antre secrète. Ce que Valabrègue définit comme
«un refuge, une cellule de moine, un repaire (…), une petite
entreprise, un laboratoire…» Avec tact la photo parfois
déborde de la sphère publique pour capter Marie Bovo
dans sa cuisine à Endoume ou balayer l’album personnel de Lionel Scoccimaro sans qu’aucun des deux
n’y perde son âme. D’autant que dans leur «Page blanche»,
chacun appose sa griffe : un entretien avec Gilles
Barbier, une gravure pour Pierre-Gilles Chaussonnet,
un dessin inédit de Yazid Oulab… Miroir métaphorique et lumineux d’une ville qui fascine et dérange, La
Planque est un hymne à l’art et à Marseille.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Planque / 13 ateliers d’artistes
Texte de Frédéric Valabrègue,
photographies de Bruno Suet
L’Art prend l’air et Parenthèses, 32 €
61
62
LIVRES/DISQUES
MUSIQUE
Lumières
de Méditerranée
Henri Tomasi (1901-1971) était un homme au carac- Autour de 1930, Tomasi se tourne vers l’Île de Beauté :
tère trempé, plein de contradictions, un musicien ayant
été tour à tour dionysiaque, mystique, révolté, mais
dont le langage est toujours venu se ressourcer à la lumière sensuelle de sa Méditerranée. On sait le goût de
ce Corse né à Marseille pour le lyrisme et le geste naturel du chant, l’harmonie opulente, une texture orchestrale
claire rendant son œuvre immédiatement abordable.
Depuis quelques années grâce à l’entêtement de musiciens (Ensemble Pythéas, Quintette à Vent de Marseille,
avant Emmanuel Rossfelder ou l’Orchestre de RadioFrance et Wyung-Whun Chung…), de journalistes,
musicologues, son œuvre retrouve les feux des plateaux. C’est que l’avant-garde radicale de la seconde
partie du 20ème siècle passe de mode ! Du coup, on
redécouvre volontiers des factures non-dénuées d’expression, de savoir-faire...
Total Rubinstein !
Le coffret Arthur Rubinstein : The complete album
collection, qui paraît en édition limitée chez Sony Music
est tout simplement monstrueux ! S’il pèse son poids
en kilos, il est aussi chargé d’un glorieux passé pianistique ! On dénombre, dans l’énorme boîtier, 142 CD
et 2 bonus DVD, accompagnés d’un livre de 164
pages, illustré de photos souvenirs, précisant le programme et les références des disques. Une telle «box»
devrait faire son entrée dans le Guiness des records !
Les amateurs du grand piano romantique, collectionneurs invétérés, tomberont sous l’attrait de l’aventure
discographique du Polonais, naturalisé américain et
à l’instar de Bartok ou Canteloube, il harmonise des
chants populaires dont Six mélodies populaires corses,
ici chantées par la soprano Johanne Cassar. Elle grave
aussi des «premières» : quatre Chants corses, le très beau
Cantu di Malincunia et des poèmes en français de Paul
Fort et Francis Jammes. Autre révélation, le poème
symphonique Cyrnos est interprété dans sa version pour
deux pianos. À quatre mains, Laurent Wagschal et
Sodi Braide bâtissent le sommet du disque, complétant une collection chère aux amoureux de Tomasi
constituée des Concertos pour hautbois, basson, clarinette,
Divertimento Corsica (Farao classics B108062), Concertos pour violon, flûte, guitare, Ballade écossaise (Lyrinx
LYR 227) ou sa belle biographie aux Éditions Albiana.
Henri Tomasi, Mélodies Corses - Cyrnos
Johanne Cassar, Laurent Wagschal et Sodi Braide
CD Indésens INDE037
JACQUES FRESCHEL
amoureux de la France. On remonte aux premiers
enregistrements gravés pour Victor entre 1928-1935,
jusqu’aux ultimes legs des années 70, chez Decca, Emi
et bien sûr RCA, en passant par les mythiques concerts
du Carnegie Hall en 1961 ! Détail émouvant, l’éditeur
a gardé les jaquettes des disques vinyles d’origine, ainsi
que la durée des faces. Du coup, pour la plupart, le
minutage des disques correspond à celui des anciens
33 tours. La somme des répertoires fixés sur ces galettes est une discothèque en soit ! Un cadeau princier
pour les fêtes !
The complete album
collection
Arthur Rubinstein
Coffret 142 CD + 2
DVD bonus, Sony
Music
J.F.
Poulenc à l’écrit
Francis Poulenc a beaucoup écrit, et pas seulement de
la musique. En dehors de sa correspondance, les textes
de sa main abondent. Ils sont éclairants sur son art,
celui de ses contemporains et témoignent de l’esprit
d’une époque : du journal parisien Le Coq rédigé par
le Groupe des Six naissant (1920) à La Voix humaine
(1953) en passant par les Mamelles de Tirésias ou Les
Dialogues des Carmélites… Les articles de presse louent
Stravinsky, Chabrier, Landowska, les critiques et
contributions à des ouvrages traitent des Ballets russes,
de l’art de Richard Strauss, du «cœur» ravelien ou du
maître Debussy… qui comme les hommages aux Six
ou Cocteau, les conférences et entretiens, sont mis en
situation grâce aux notes opportunes de Nicolas
Salomon.
J.F.
J’écris ce qui me chante
Francis Poulenc
Fayard, 32 €
Bach hypnotique
«Les Partitas de J.S. Bach ont indéniablement une dimension monumentale, ne serait-ce que par leur difficulté
d’interprétation» précise Racha Arodaky. Ce qui est
vrai aujourd’hui, l’était davantage hier, lorsque le Kantor,
à Leipzig, les regroupa dans le didactique KlavierÜbung. Elles assurèrent la gloire de leur auteur. La
jeune pianiste, après de beaux disques consacrés à
Scriabine et Scarlatti (Zig-Zag Territoires), récidive en
choisissant les trois premières. Elle intercale des transcriptions et la Sarabande de la Suite française qui, avec
Around the rock !
Christophe Pirenne envisage une définition du
«Rock» dans une acception large englobant tout à la
fois la vogue initiale du rock & roll, la pop, le folk et
le psychédélisme, le reggae, le disco, le funk, les «hard»
et autre «métal», du punk à la new-wave, noise, hiphop, électronique, rap… d’Elvis à Lady Gaga, en
passant par les Beatles ou les Stones, Pink Floyd, Led
Zeppelin, Bob Marley, Bowie, Prince, Nirvana… Du
l’anglaise, précède la composition de l’opus qualifié
d’allemand, en particulier à cause de l’usage serré du
contrepoint. Le jeu libre d’Arodaky, sensuel, noble,
tantôt aérien ou enfiévré, hypnotise.
J.F.
J.S. Bach, Partitas 1, 2 et 3
Racha Arodaky
CD Air Note AIR003 distr. Codaex
coup, on jalonne près de soixante ans d’histoire musicale, à partir de l’analyse de morceaux. Une bible !
J.F.
Une histoire musicale du rock
Christophe Pirenne
Fayard, 29,90 €
Racha Arodaky
a joué Bach
au Méjan
à Arles le 23 nov
ARTS LIVRES/DISQUES 63
Le son et l’image
Révélé en 2007 avec Phonogénique, premier album
bien trempé -mais aussi par des pubs pour la coupe
du monde rugby ou Nokia- Sayem invente un monde
onirique qui ouvre les portes d’un film imaginaire, une
B.O. où se côtoient super héros loosers et séries B. Ce
lieu vicié qui pourrait rappeler Sin City est construit
par strates de drum machine, et pour donner des
images à cet univers fiévreux électronique et hip-hop,
une mini-BD signée Artus de Lavilléon accompagne
cette entreprise pas si commune. Lauréat du Fair
2009, le jeune toulousain exilé dans la capitale n’en
finit pas de monter et d’impressionner. Touche-à-tout
génial et remixer singulier, celui qui dit mélanger les
Doors, les Beastie Boys et Massive Attack tisse des
ambiances loin des albums classiques.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
A city gone mad
Sayem
Fever Primeur EMI
Électrique
Artiste protéiforme, France de Griessen ne fait pas
dans la demi-mesure. Ça tombe bien, le rock’n roll
n’aime pas les engagements trop tièdes. Notre chanteuse, instrumentiste, auteur-compositrice, metteur en
scène, comédienne, performeuse ou encore aquarelliste, pense et vit rock’n roll. Premier album solo après
des projets concluants comme Teen Machine, Electric
Ballerina ne s’écoute pas pour s’endormir… Parfois
plus noisy que rock et rappelant Lydia Lunch ou Sonic
Plein soleil
La dernière fois qu’il avait lu Jacques Prévert, «c’était
debout, à côté du bureau de la maîtresse, face à la classe,
et autant dire en grande difficulté.» Et pourtant le voici
déclamant, slamant et rythmant des poèmes aujourd’hui
inconnus des écoliers (Marche ou crève, Travailleurs
attention, Citroën, Le cancre…), fruits d’une rencontre
avec la petite-fille du poète et du travail effectué pour
le documentaire de Camille Clavel «Prévert, paroles
d’un insoumis». Textes engagés face à l’exploitation, aux
petits clans, à la bourgeoisie provocante, aux inégalités… Fred Nevchehirlian a découvert le poète rebelle,
Youth, cette mise à nu sans complexe présente un son
rock suave et brut bien loin d’être une contrée inconnue, et souffrant au demeurant de nombreuses redites.
À découvrir.
F.I.
Electric Ballerina
France De Griessen
Teen Machine – Longueur d’Ondes
l’insoumis, et a construit un album magnifique et
sensible. Toujours aussi habile à la guitare, naviguant
joliment entre un univers rock singulier et un slam
revendicatif, il offre avec Le soleil brille pour tout le
monde un écho résolument moderne aux textes rares
et inédits de Prévert.
F.I.
Le soleil brille pour tout le monde ?
Prévert, Nevchehirlian
L’autre distribution
Atmosphères
Pilier de la French Touch et fondateur de la scène triphop dès 1995, DJ Cam ne renie pas pour autant le
jazz et le hip-hop, influences qui l’ont toujours accompagné. Ce touche-à-tout (production, remix, sound
design, bandes originales…) plus célèbre outre-Atlantique que sur nos terres et adepte de la performance
déroule ici un album aérien nourri d’inspirations folk
et pop. Avec la voix de Nicolette, habituée de la scène
aux côtés des Massive Attack, formation «cousine» à
qui l’album est dédié, Seven aligne les titres avec mélan-
L’ultime surréaliste
On sait la présence dominante de la gent masculine
dans les différents domaines de nos sociétés, fussentelles reconnues comme cultivées. Ce coffret répare
cette injustice du moins envers le mouvement surréaliste. Égéries parfois mais avant tout artistes, Dora
Maar, Meret Oppenheim, Leonor Fini l’étaient comme
Leonora Carrington qui vient de quitter ce monde
au printemps. Contenue comme tant d’autres dans
l’ombre de son compagnon (Max Ernst) par l’histoire
de l’art, Carrington a vécu et participé à l’aventure
d’un siècle d’art tant comme peintre, sculpteur et
écrivain. Ce DVD accompagné d’un livret bien documenté retrace l’itinéraire peu banal d’une jeune fille
de bonne famille anglaise qui préféra les chimères de
l’art aux projets de sa classe. Dominique et Julien
Ferrandou rappellent ses années de formation à Londres
colie et liberté. Celui qui dit passer autant de temps
dans les galeries d’art qu’à composer et qui tient l’appareil photo pour le projet Landscape Architecture livre
ici une partition intime à l’image du single Swim,
vaporeux et authentique.
F.I.
Seven
DJ Cam
Inflamable Records
et Florence jusqu’à la découverte du surréalisme lors de
sa première exposition internationale, puis son séjour
en France jusqu’à l’invasion nazie. Ces évènements
l’amèneront à la séparation douloureuse d’avec Ernst
puis, via un court exil aux États-Unis pour s’installer
en 1942 définitivement au Mexique -lieu surréaliste
par excellence pour André Breton- terre fertile aux écarts
magiques où son influence ne sera jamais démentie.
En regard d’un trajet de vie rétif aux aléas et compromissions, si singulier et par moments tragique (démence
dénoncée par Elena Poniatowska dans son récent livre
Leonora), cette biographie semble un peu plate malgré le
foisonnement documentaire et iconographique, les
nombreux témoignages recueillis. Mais nous découvrons la figure complexe de la dernière représentante
du surréalisme, cette «somnambule échappée d’un poème
de Yeats, entre les roches blanches et la mer verte du Nord»
selon le mot de son ami Octavio Paz.
CLAUDE LORIN
Leonora Carrington
Ouvre-toi, porte de pierre
Dominique et Julien Ferrandou
Seven Doc, DVD + livret, 23 €
64 LIVRES JEUNESSE
Barbe à maman
l’ancienne,
accompagne avec
concision les illustrations qui se
déroulent telles les
volutes de la barbe
maternelle, au fil de
l’imagination.
Aquarelle,
pastels,
crayons gris ou de
couleurs jouent harmonieusement sur les
C’est un joli hommage à leurs mères, et à celles
des autres, que Ghislaine Herbéra (illustrations) et
Raphaëlle Frier (texte) rendent dans leur album
récemment paru, Ma mère est une femme à barbe.
Partant de ce constat initial, le jeune narrateur
raconte que, bien sûr, ce n’est pas toujours facile
d’avoir une maman aussi spéciale ; mais il précise
aussi (et surtout) que cette particularité pileuse
offre bien des avantages et des plaisirs… C’est
fou tout ce qu’on peut faire avec une longue et
belle barbe brune ! Le texte, simple et direct
comme une parole d’enfant, typographié à
Bouleversant
doubles pages acidulées de ce très tendre plaidoyer pour toutes les mères exceptionnelles, de ce
poétique éloge de la différence.
FRED ROBERT
Ma mère est une femme à barbe
Raphaëlle Frier, Ghislaine Herbéra
Frimousse, 11,50 €
Palpitant
Le premier livre de Ruta Sepetys, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, retrace
les terribles déportations staliniennes qui ont touché les pays Baltes. Fruit de
recherches familiales, de voyages en Lituanie, de rencontres avec des
survivants, l’ouvrage tout en étant une fiction narre des faits réels, se nourrit
d’anecdotes et de témoignages vrais. Ce n’est qu’en 1991, lorsque les pays
Baltes recouvrent leur indépendance que la parole se libère aussi, que les
souvenirs renaissent. On suit avec passion l’itinéraire (cf. l’incroyable carte en
guise d’incipit !) de Lina, une adolescente de 15 ans, déportée avec sa famille
une nuit de juin 41. Entre les faits historiques, la
narration de l’épouvantable trajet, se dessinent des
êtres d’une bouleversante humanité, un appétit de
vivre, une capacité de sentiments que rien ne
détruit. Il y a les bassesses aussi, les fuites, les
retournements… Une observation d’une pertinente justesse dans ces conditions extrêmes. Une
langue simple et efficace pour un roman jeunesse
qui ne peut laisser les adultes indifférents.
Quel lecteur du premier tome ne l’a pas attendu avec impatience ? Le
deuxième et dernier volet de l’histoire de Vango par Timothée de
Fombelle apporte enfin la résolution du mystère de la naissance du héros.
On retrouve les personnages du premier tome, les énigmes se résolvent
au rythme d’aventures palpitantes sur un fond historique qui balaie l’entredeux guerres et la deuxième guerre mondiale. Enquête policière, trafics
internationaux, secrets d’état se mêlent intimement au parcours de Vango.
Architecture contemporaine et techniques
nouvelles deviennent des clés de l’histoire… Ah ! l’enquête sur le dirigeable ! Avec
un sens aigu du trait, les décors sont brossés en quelques touches, les personnages
campés avec justesse, gagnent épaisseur et
vérité par des dialogues finement menés.
Un rythme à la fois souple et rapide
entraîne sans temps mort, cultivant l’ellipse,
en haleine jusqu’au bout !
MARYVONNE COLOMBANI
M.C.
Vango (tome 2)
Timothée de Fombelle
Gallimard Jeunesse, 17€
Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre
Ruta Sepetys
Gallimard, Scripto, 14 €
Saint-Ex. stellaire
Librement adaptée de Saint-Exupéry, la série
animée Le Petit Prince, diffusée sur France 3, connaît
un beau succès auprès des enfants qui apprécient
sa dimension poétique et son graphisme high-tech.
L’an dernier, à Noël, Christine Féret-Fleury signait
un album-CD La planète du Temps qui s’est arraché
comme des petits pains (13 000 exemplaires
vendus). L’équipe de Gallimard récidive cet hiver
avec La Planète de l’Astronome d’après l’épisode T.V.,
une aventure dans les étoiles, en dialogues, narrée
par la voix chaude de Bernard Métraux. La
musique symphonique (Orchestre de Cologne)
omniprésente, composée par Frédéric Talgorn,
souligne le caractère onirique d’un conte que
bambin (dès 6 ans) suit au rythme d’immenses
illustrations (format 300 x 250).
JACQUES FRESCHEL
Le Petit Prince, la Planète de l’astronome
Livre-CD (30’), Gallimard Jeunesse, 18 €
LIVRES
Conte d’hiver
Une édition poche pour l’ouvrage de
Jean-Claude Mourlevat, Le chagrin du
roi mort (paru en 2009). D’une écriture
limpide, souple et efficace, le roman
décline à merveille les arcanes des
contes ; lieux intemporels, personnages bien typés, magie, bonté, cruauté,
trahisons, fidélité, quête de soi,
énigmatiques naissances, avec des
royaumes pour enjeu, le départ du
héros qui retourne enrichi d’expériences nouvelles, amours… Dans
cette saga nordique, deux enfants de
10 ans qui se croient frères sont séparés brutalement ; leurs destinées sont
liées à des desseins qui leur échap-
pent. Réflexion sur la fraternité,
l’amour, l’engagement, subtile et
forte… le roman se lit d’une
traite ! La bibliothèque de l’île
glacée de Petite Terre, l’île où
tout commence, est incroyable.
Un livre jeunesse qui ne
déparera pas vos rayons de
grands !
MARYVONNE COLOMBANI
Le chagrin du roi mort
Jean-Claude Mourlevat
Gallimard, Pôle fiction, 6,60 €
Cadeaux pour tous
Inventifs, les livres pour enfants séduisent aussi ceux qui
aiment plonger dans l’imaginaire ou l’émerveillement
des apprentissages
Pour les petits…
Les éditions Rouergue Jeunesse, par exemple, ont
revu les jaquettes de leurs albums avec leur nouveau directeur artistique, Olivier Douzou. Celui-ci
écrit ou illustre, selon son humeur. Il écrit Le petit
bonhomme pané, histoire d’un tout petit enfant qui
tombe dans un œuf et un vieux croûton, avec les
illustrations très inventives de Frédérique
Bertrand, mais il compose intégralement Boucle d’Or et les 3 ours avec 4 couleurs et des formes
découpées dans l’esprit constructiviste qui
apprennent à compter. Un autre album très
poétique, texte d’Élise Fontenaille, illustrations
foisonnantes de l’espagnole Violeta Lópiz,
présente le grand-père Luis, analphabète d’origine
espagnole, qui parle aux oiseaux et aux plantes de
son jardin et adore «mettre les points sur les îles» !
Quittez ce jardin, et suivez les conseils de Michaël
Leblond et Frédérique Bertrand en enfilant votre
pyjama rayé : envolez-vous pour New-York ! Le sens
de la lecture se renverse en même temps qu’arrive
le sommeil, et voilà que les graphismes s’animent et
que défilent les voitures sur les avenues newyorkaises, par la magie d’un rhodoïd rayé que vous
promenez sur la page... De retour dans la réalité,
selon la proposition de Jean Gourounas, l’enfant se
verra contraint de ranger sa chambre envahie d’un
bric-à-brac ahurissant sous peine de fessée. Ouille !
Notons aussi chez Albin Michel Pomelo, l’éléphanteau apprend les couleurs tout en découvrant le
monde ; on apprécie l’humour espiègle de Ramona
Bàdescu agrémenté des dessins inventifs de
Benjamin Chaud.
…et les lecteurs
Quand les enfants grandissent la collection Zig Zag
du Rouergue leur propose de petits livres écrits
gros avec des histoires simples, une couverture
colorée et des dessins en noir et blanc, comme Tout
le monde veut voir la mer où Marika et Sofia décou-
65
vrent les plaisirs de la plage et l’amitié. Puis la coll.
Dacodac s’intéresse à ceux qui ont entre 10 et
13 ans, traite de problèmes sociaux, familiaux, tels
les familles recomposées et leurs difficultés de
fonctionnement avec Le rire des baleines de
Rachel Corenblit qui y met une bonne dose
d’humour ou L’autre cœur d’Irène Cohen-Janca qui
traite d’une façon inattendue de la transplantation
cardiaque, à travers les doutes d’Héloïse sur l’amour
de son papa depuis qu’il a un cœur tout neuf... De
la même auteure on remarque le livre très sensible
de la Coll. Dacodac illustrée, avec les dessins de
Maurizio A.C. Quarello, qui aborde le problème
de la différence que l’on soigne dans un hôpital pas
comme les autres en permettant la liberté...
Enfin pour les plus grands la coll. DoAdo. Nous
retenons Trop loin la mer de Frédérique Niobey
avec Rosa, adolescente révoltée car rejetée par son
père, qui va de foyer en foyer. De nombreux dialogues, des phrases courtes, un rythme saccadé à
l’image du mal-être de Rosa en font néanmoins un
livre très accessible. Beaucoup plus léger et plein
d’humour, le livre d’Anne Percin nous met dans la
peau de Maxime, l’année du bac, avec son 1er
amour pour Natacha, ses débuts à la guitare,
son goût pour le rock des années 70, ses
interrogations et ses ratés dans des situations
délirantes ! On s’y amuse beaucoup !
CHRIS BOURGUE
À offrir
Le petit bonhomme pané, Rouergue, 16 €
Boucle d’Or et les 3 ours, Rouergue, 15 €
Les points sur les îles, Rouergue, 15 €
New-York en pyjamarama, Rouergue, 15,90 €
Bric-à-brac, Rouergue, 13,50 €
Pomelo et les couleurs, Albin Michel Jeunesse, 11,50 €
Tout le monde veut voir la mer, Rouergue, 6,80 €
Le rire des baleines, Rouergue, 8,50 €
L’autre cœur, Rouergue, 6,50 €
Le grand cheval bleu, Rouergue, 12 €
Trop loin la mer, Rouergue, 10 €
Comment (bien) gérer sa love story, Rouergue, 13,50 €
66 LIVRES LITTÉRATURE
N’étais-je pas le roi ?
À l’issue de la rencontre avec Mathieu Belezi, on se
posait des questions, en particulier à propos des motivations de l’écriture de ce roman sur la colonisation
de l’Algérie (lire p.70). À la lecture des Vieux Fous, récit
logorrhéique des souvenirs du colon Albert Vandel,
dit Bobby la baraka, ces questions persistent et pèsent.
Car comment justifier cette suite ininterrompue d’actes
barbares, massacres, viols, brutalités et humiliations en
tous genres, relatés avec une douteuse complaisance ?
Comment lire cette litanie de jurons, ces éructations
racistes, ces envolées mégalomaniaques récurrentes ?
Certes, il faut se garder de confondre narrateur et
auteur ; Belezi ne partage pas forcément les propos de
son narrateur, ni ne justifie ses actes criminels. N’empêche, ceux-ci sont tellement omniprésents puisqu’ils
fondent le récit, qu’on ne peut que s’interroger. Est-il
nécessaire, pour retracer la violence de cette période
historique, de donner la parole au bourreau, et à lui
seul ? Depuis Les Bienveillantes, c’est une tendance, qu’on
n’est pas tenu d’apprécier. La lecture expressive de
Charles Berling avait réussi à renvoyer une image presque sympathique du personnage central. Sa faconde et
son énergie, ses 140 kg et ses 150 ans d’âge, ses appétits
puissants conféraient à Vandel une dimension rabelaisienne et allégorique. En lisant le texte, c’est plutôt
à Ubu qu’on pense ; à un Ubu déchaîné, dont les
«exploits» écœurent et qu’on a hâte de voir succomber… ce qui met, hélas, plus de 400 pages à arriver !
FRED ROBERT
Les Vieux Fous
Mathieu Belezi
Flammarion, 22 €
Lorsque «je» devient personnage
Se considérer comme un objet d’étude comporte de
nombreux écueils, et l’exposition de soi relève d’enjeux
à la fois intellectuels et esthétiques. Henri Bauchau,
poète, psychanalyste, romancier, un des plus grands
écrivains de notre temps, le souligne dans son dernier
ouvrage, autobiographique. L’enfant rieur couvre la
période de 1913 à 1940, en se livrant à un jeu subtil
entre l’emploi de la première personne et de la troisième. Le «je» est un personnage dont l’auteur cherche
à analyser les pensées, les sentiments, les actes. Le lecteur navigue entre la perception première des choses
par le «je» et le recul du «il». Il y a l’élément fondateur,
irréversible qui annihile le rire de l’enfance, l’incendie
de la maison familiale en août 1914 par les Allemands
lors de la prise de Louvain, ravagée par les flammes, puis
les errances, les maisons où l’on se sent la personne de
trop, la famille, les camarades, les amis, l’école, la découverte émerveillée de la littérature avec Un cœur
simple de Flaubert. «C’est là que j’ai compris la différence
entre un livre écrit pour raconter une histoire ou pour
exposer des idées et la littérature.» Le roman de formation,
magnifiquement écrit, se construit en courts chapitres,
kaléidoscope sensible destiné à capter la réalité d’un
être dans son obscure complexité. Le style limpide est
au service de cette quête de soi, l’écriture fluide d’une
lumineuse simplicité. Une leçon d’écriture !
MARYVONNE COLOMBANI
L’enfant rieur
Henri Bauchau
Actes Sud, 22 €
L’étrange K de Christian Garcin
Descendre les fleuves de l’Extrême-Orient russe avec
Christian Garcin et Eric Faye, c’est céder au magnétisme des limites du monde habité. C’est aussi verser
dans une rêverie onomastique où la rondeur magnifique des noms des fleuves, grands comme la mer, de
la Léna et de l’Amour, contraste avec l’intrigante obstination des K, de Moskou à Vladivostok, en passant
par Iakoutsk, Tiksi et Khabarovsk. C’est glisser dans
l’infinie variation d’un monde gris, de la neige fondue
sur le béton des immeubles postsoviétiques jusqu’à la
transparence minérale de sols éternellement gelés.
C’est suivre la mémoire historique, géologique, d’un
univers qui nous échappe. Et se laisser dérouter par la
voix double d’un auteur insaisissable, à deux voix.
De retour de cette traversée, regardez donc, avec de
bons yeux, le Minimum visible, un livre de photographies de C. Garcin, publié par une maison d’édition
marseillaise aux réalisations impeccables : cette fois,
une écriture photographique, qui allie deux à deux des
photos revenues d’Irlande, du Japon, de Russie ou de
Liverpool, reliées par des affinités de formes et de couleurs ou par des coïncidences de situation, et ponctuées
par de courts textes d’auteurs -Stéphane Audeguy,
Éric Faye, Arno Bertina, Thierry Girard, Gilles
Ortlieb- qui réagissent à ces photos. Si le premier livre
est gris, le second est rouge claquant ; si le premier est
à deux voix, le second dessine une sorte de nous collectif, qui partage l’étrangeté de la matière avec laquelle
Garcin écrit : le sentiment d’être séparé du monde, et
simultanément, l’intuition sensible de la continuité -le
souvenir, la rémanence, la familiarité- qu’on devine
entre les lieux de ce monde, depuis la mémoire sans
âge que porte un visage, jusqu’à la coïncidence incongrue et pourtant si juste entre un bistrot japonais ringard
et l’intérieur bruyant d’une vieille tante marseillaise…
AUDE FANLO
En descendant les fleuves
Éric Faye et Christian Garcin
Stock, 18,50 €
Le Minimum visible
Christian Garcin
Le Bec en l’air, 29 €
LIVRES
67
L’Écailler a encore frappé
Pour ses retrouvailles avec la scène éditoriale nationale,
L’Écailler a fait peau neuve : format plus grand, couverture noir et blanc colorée d’une touche de magenta.
Emballage chic pour textes choc, la ligne n’a pas varié,
qui privilégie toujours «l’amour du noir et une bonne
plume.» La 1ère publication correspond bien à ces
critères. Avec un titre qui annonce la couleur, Je tue les
enfants français dans les jardins, le premier roman de
Marie Neuser (sans doute mâtiné d’une bonne dose
d’autobiographie puisque la narratrice est, comme
l’auteure, professeure d’italien) jette un pavé dans la mare
des vœux pieux quant aux possibilités d’enseigner dans
certains collèges de notre république. Une langue
Puta de vida !
Barcelone aujourd’hui, Argelès-sur-Mer hier, Séville
demain et toujours le même enfer. Juan Manuel Florensa écrit avec ses tripes les mille et un jours que dura
la guerre d’Espagne, cette «incivile guerre civile», faisant siens les drames et les secrets de l’épopée anarchiste.
Sa prose baroque, traversée par un souffle épique,
n’épargne aucun détail de la cruauté de l’Histoire, ses
innombrables paradoxes et ses non-dits qui divisent
et meurtrissent encore le peuple espagnol. Une chape
de plomb empêche la cicatrisation : témoignages tombés dans l’oubli, archives et documents dispersés…
L’auteur a souhaité «éclairer des pans obscurs de l’histoire
car la tragédie est toujours d’actualité, toujours vivace» :
le roman n’est-il pas le meilleur moyen de souffler sur
les braises tièdes ? Les mille et un jours des Cuevas est
acérée comme la lame du couteau dont un de ses
élèves la menace. Des phrases coups de poing comme
celui qu’elle reçoit en tentant de séparer deux gamins
qui s’écharpent en plein cours. Et le constat sans appel
d’un échec sur toute la ligne. Des familles, des profs,
de l’institution. La fin, totalement immorale, ne
surprend pas. Et si l’on n’adhère pas à tous les propos
de la narratrice, la romancière a le mérite de poser sur
ce réel un regard dépourvu de complaisance et de bons
sentiments.
Je tue les enfants
français
dans les jardins
Marie Neuser
L’Écailler, 16 €
FRED ROBERT
autobiographique (il est né sur le sol français de républicains espagnols exilés), politique (à travers le vieil
anarchiste Antonio, son grand-père), familial (saga sur
quatre générations), réaliste (il puise dans «ce qu’il a
vécu dans le ventre de sa mère»), fantastique (les hallucinations du jeune Régis agissent comme des éléments
déclencheurs du souvenir). Et bien plus encore !
C’est un doigt accusateur contre «la mise à mort de
l’Espagne» et l’insoutenable réalité du camp de concentration d’Argelès, en France.
C’est un cri d’alarme «contre le fascisme qui nous cerne».
Écrit dans un torrent de larmes, c’est un appel à la
résistance.
Les mille et un jours
des Cuevas
Juan Manuel
Florensa
Albin Michel, 23 €
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Extra-large
Elle se traîne, elle pue, souffle et râle, en plein cagnard,
en remontant du Vieux-Port vers le quartier des Capucins… Près de cent quarante kilos qu’elle tire sous
le regard gêné des passants, de leurs réflexions lourdingues ! Elle encaisse, blessée, silencieuse… Dès
l’incipit, on pénètre dans l’esprit de la Grosse. Elle
parle à la première personne et son «je» singulier vire
à un jeu cruel, parfois drôle, dont l’auteur fixe les
règles. Rapidement son regard devient le nôtre, pessimiste sur la société dont elle, la Grosse, est issue. Elle
se bâfre et enfle, par choix… on ne connaîtra pas son
nom ! On se niche dans d’amers souvenirs d’enfance,
on la suit dans des expériences sexuelles crues, humiliantes : de la viande qui se transforme en haine, en
révolte… jusqu’à ce fameux hiver où la neige est
tombée sur Marseille. Alors, doucement, s’engage une
conversion, née du désir de pureté et de l’éveil à l’autre.
La Grosse rêve d’amour, le touche, l’effleure pour
mieux s’envoler vers un ailleurs lointain, où son corps
deviendra synonyme de fierté... So beautiful !
Écrivaine installée en Provence, Roman Brooks nous
entraîne dans un récit qu’on avale d’une traite !
Grosse is Beautiful
Roman Brooks
Edilivre, 17 €
JACQUES FRESCHEL
Calanques gourmandes
«Suggestionnés», c’est ce que nous sommes devant un
nouveau titre de Jean Contrucci. On se réjouit par
avance de la faconde des personnages, de la verve de
l’auteur. Il sait animer les personnages, leur accorde
une épaisseur, une vraisemblance que les dialogues
pimentent de leurs expressions savoureuses, tournures
de phrases et d’esprit, rebondissements et jeux de mots.
L’intrigue est bien ancrée dans le paysage local dont la
reconstitution -Marseille à la Belle époque- est précise
et riche. On savoure l’écriture gourmande, à l’instar
d’Eugène Baruteau, l’oncle du héros, le reporter Raoul
Signoret. Une nouvelle énigme magistralement menée
le conduit dans les méandres obscurs de l’hypnose,
vers la neurologie, qui en est à ses balbutiements aux
débuts du XXème. La clé, complexe, se nourrit du
charme des calanques, des trajets de chemin de fer
(14h Marseille/Paris !), du Vieux-Port et son pont
transbordeur… Ne dites pas qu’il s’agit du dernier
volume des aventures policières du journaliste du Petit
Provençal ! On en veut encore !
MARYVONNE COLOMBANI
La somnambule
de la Villa aux Loups
Jean Contrucci
JC Lattès, 17 €
68 LIVRES LITTÉRATURE
Vers sa mère
C’est un long chemin de plus de 1 000 km que nous
propose de faire avec lui Ahmed Kalouaz. Celui qui
le mène auprès de sa mère, sur la vieille Motobécane
bleue qui lui vient de son père ; depuis la Bretagne où
il habite jusqu’en Isère où sa mère a élevé ses 14 enfants. Chemin au cours duquel lui reviennent des
souvenirs, des images fulgurantes de l’enfance suscitées
par le parfum d’un café ou la silhouette d’un noisetier...
On retrouve le rythme de la parole de l’auteur, avec les
longues phrases par lesquelles il s’adresse à sa mère
comme il s’adressait à son père dans Avec tes mains
(Rouergue-2009). Mère et père, murés dans leur passé
et leur origine, affrontant le présent difficile, parfois
douloureux, celui de l’immigration, de l’exil, mais
luttant farouchement pour organiser l’éducation de
leurs enfants. Des êtres pour lesquels la communi-
S’en mêler…
Si une époque se caractérise entre autres, par le type de
discours qu’il produit, le travail de patiente recension
d’audiences d’étrangers en situation irrégulière mené
par Marie Cosnay au tribunal de Bayonne permet de
mettre à jour le malaise dans la langue perceptible dans
la confrontation de l’humain (ouvert et mobile) à la loi
(rigide et fermée). Aller chercher dans le réel de quoi
faire œuvre n’est pas nouveau ; l’écrivain témoin et
surtout «chagriné» reste une figure non isolée de la littérature ; alors d’où ce petit livre tire-t-il sa force et sa
singularité ?
Avant tout de la simplicité du dispositif choisi : capter
semaine après semaine, dans un espace clos dont changent les «personnages» (à l’exception du piètre -mais
l’auteur refuserait la qualification- représentant de la
préfecture Monsieur A...) ce qui signale dans les mots
prononcés ou les termes utilisés l’absurde ou l’arbitraire ; écrire ensuite et encore filtrer grâce à une
subjectivité contenue dont Marie Cosnay rend comp-
cation et la tendresse n’allaient pas de soi. On sent sous
les mots frémir l’incompréhension de l’enfant, devenu
adulte, devant cet homme et cette femme partageant
leur vie par devoir, dans une France choisie pas toujours
bienveillante. On y retrouve les interrogations des
enfants d’immigrés nés en France qui, détachés du
pays de leurs origines, en respectent l’attachement que
leurs parents lui ont conservé. En cherchant à comprendre ses parents c’est lui-même que Kalouaz veut
cerner.
CHRIS BOURGUE
Une étoile aux cheveux noirs
Ahmed Kalouaz
Rouergue, la brune, 12,80 €
te à son lecteur ; méthode rigoureuse pour ne pas se
laisser déborder, loin de toute indignation ; traitement
réfléchi des identités et des paroles rapportées sans
guillemets mais avec sources. Cette ascèse du regard
et de l’écoute permet, par la concision de la saisie, de
sortir délicatement des profondeurs l’essence même
de cette «chose» que le terme de «xénophobie» écrase
en sa formulation. Seule se dégage l’indifférence tranquille à l’autre, l’accoutumance au scandale qui guette
chacun. Plus proche de Montaigne qu’il n’y paraît,
Marie Cosnay fait voir chez Monsieur Al Labani ou
chez M*** «la forme entière de l’humaine condition» ;
éthique qui ne pose pas directement la question du
politique mais l’infiltre subtilement.
MARIE-JO DHÔ
Entre chagrin et néant / Audiences d’étrangers
Marie Cosnay
Cadex, 15 €
Ce qui se passe en Égypte
Le livre d’Alaa El Aswany est un livre de circonstance,
dans le bon sens du terme. Ses Chroniques de la
Révolution égyptienne, écrites pour la plupart avant
l’occupation de la place Tahir, sont des articles parus
dans la presse quotidienne : écrits rapidement, ils sont
publiés dans cette compilation sans réécriture, avec
toutes leurs redites, leurs démonstrations parfois
hasardeuses, leurs concessions à ce qui ne peut être
remis en cause dans la presse égyptienne : la fierté
nationale, et l’Islam modéré. Mais enfin ce livre est
d’une telle actualité qu’il faut le lire, pour comprendre
l’état actuel de l’Égypte : la déliquescence politique du
régime, l’influence grandissante du salafisme et du
wahhabisme importés des Saoudiens, alliés objectifs
du pouvoir de Moubarak, la position ambiguë, et
fragile, des Coptes, la misère sexuelle, l’effroyable
domination des femmes, dont il décrit avec précision
-et compassion- le harcèlement quotidien dans un
pays où, à cause de la misère, la moyenne d’âge du
mariage est 35 ans… Alaa El Aswany ouvre des voies,
rappelle l’histoire récente d’une Égypte fière où
Musulmans et Chrétiens, femmes et hommes se
fréquentaient dans les universités et les places publiques ; affirmant avant la Révolution que celle-ci ne
peut qu’arriver, martelant après qu’elle n’est pas faite,
que Moubarak reste au pouvoir par ses successeurs, et
que cela peut ouvrir la voie à toutes les terreurs :
militaires, islamistes. Car il refuse que le mot Démocratie désigne seulement un vote libre, et explique que
sans protection de ceux que les partis islamistes mettent
en danger il n’y a pas de démocratie : les chrétiens, les
femmes, les hommes mêmes, ne seront libres que
lorsque les Musulmans cesseront de penser les femmes
comme des objets de tentation, et les gouvernements
occidentaux d’appuyer leurs intérêts politiques et
économiques sur des régimes infâmes.
AGNÈS FRESCHEL
Chroniques de la Révolution égyptienne
Alaa El Aswany
Actes Sud, 23 €
RENCONTRES
LIVRES
69
L’automne des printemps
Depuis 3 ans, Écritures méditerranéennes s’ancre dans la vie culturelle
marseillaise, drainant un public nombreux. L’Espace Bargemon est à cet
égard idéalement situé, amarré au cœur
symbolique de la cité. Dans ce lieu
agencé avec une élégante sobriété, tout
est regroupé en un espace commun.
C’est une des bonnes idées de la nouvelle formule que d’éviter la dispersion.
Autre bonne idée : celle d’inviter Daniel
Picouly à animer ses Bistrots. L’écrivain
s’acquitte de sa tâche avec modestie et
finesse. Ecrimed évolue plutôt bien et
cette 3ème édition n’a pas manqué de moments forts. Ainsi, une lecture «au fil de
l’eau» par Stéphane Freiss. L’eau était
cette année un des thèmes du salon, en
avant-propos au Forum mondial qui se
réunira à Marseille en 2012. Et si le choix
des textes ne brillait pas par son originalité -un extrait de Terre des hommes,
suivi de trois passages de Manon des
Sources-, le comédien s’en est visiblement donné à cœur joie.
Le principal temps fort de ce week-end
© Juliette Lück
littéraire restera toutefois l’après-midi
consacré au printemps arabe. Une table
ronde réunissait autour de Tahar Ben
Jelloun des écrivains venus de Lybie,
Palestine, Égypte. Et si le débat n’avait
pas dérapé, suite au refus du Palestinien
Najwan Darwish de dialoguer avec le
seul Israélien invité Mosche Sakal (avec,
comme chaque année, les mêmes départs en fanfare dans le public et les
mêmes apostrophes aux organisateurs),
on aurait pu, peut-être, vraiment discuter de ces «révolutions» que certains ont
qualifié de «révoltes», et dont on voit
ces jours-ci les suites inquiétantes au
Maroc et en Égypte. Finalement, de ce
phénomène en cours, ce sont deux femmes qui en ont le mieux parlé, sans
doute parce que les femmes sont les
premières victimes des fondamentalistes. La Tunisienne Azza Filali garde
espoir. Pour elle, malgré le nombre
croissant de femmes qui se voilent dans
son pays depuis la révolution de jasmin,
«l’islamisme a ses meilleurs jours derrière
lui.» Maïssa Bey, en revanche, s’alarme
d’un processus que l’Algérie a déjà subi
et rappelle avec insistance que ce que
doivent changer les révolutions arabes,
c’est le regard de l’homme sur la
femme. Pas gagné !
FRED ROBERT
Ecrimed s’est tenu les 3 et 4 déc
à l’Espace Bargemon, Marseille
De Côme à Argelès…
«Mariage de raison» réussi pour
le premier rapprochement entre la Fête
du livre de Toulon et les Rencontres
méditerranéennes
Le président du Prix des lecteurs du Var Gilbert Sinoué,
musicien «dans une autre vie» et écrivain, nous avait
prévenus : «On entre dans Côme sans trop savoir où on
va, on est progressivement enveloppé par le roman. C’est
un livre étonnant.» Les lecteurs de la médiathèque départementale de Draguignan réunis autour du lauréat
Srdjan Valjarevic en étaient convaincus. D’abord
décontenancés par sa timidité, ils écoutèrent avec
ravissement celui qui fait «l’éloge de la contemplation»
et avoue s’être inspiré de son expérience à la Fondation
Rockfeller pour écrire ce «journal» romancé… Quant
au public de Toulon, le lendemain, il resta sur sa faim
n’ayant que des bribes de phrases à se mettre sous la
dent : le brouhaha de la Fête du livre sied mal aux
silences et à la retenue de l’écrivain serbe (voir Zib’46).
Par contre sa prose stylisée, ses images réalistes et la
figure décalée de son héros (son double) trouvèrent
un bel écho dans la lecture de la comédienne Irène
Jacob. Elle fit entendre, de sa voix chaleureuse, l’ironie
tendre du texte, son ampleur, et endossa avec humour
tous les rôles. Tandis que dans le public, toujours
Srdjan Valjareric, Prix des lecteurs du Var 2011 pour son roman Côme © Nicolas Lacroix
discrets, l’auteur et son traducteur-éditeur Aleksandar
Grujicic tendaient l’oreille…
En lice également cette année, Les mille et un jours des
Cuevas de Juan Manuel Florensa (voir p. 67), heureux de rencontrer ses lecteurs autour de quelques
mets. La gravité de son roman sur les années franquistes n’entama ni sa bonne humeur ni son envie de
répondre à leurs questions sur la guerre d’Espagne, la
vie de son grand-père, son exil forcé à Argelès et la
survivance du fascisme. La discussion s’engagea plus
largement sur l’actualité politique espagnole et la difficulté à coucher sur le papier ces années noires.
Durant trois jours, le rythme de la Fête du livre se cala
sur les traditionnelles rencontres et dédicaces -champion hors catégorie Enki Bilal qui provoqua de longues
files d’attente- et, pour la première fois, sur les Rencontres méditerranéennes jusqu’à présent distinctes.
Et la confusion des genres fut un succès ! La bibliothèque municipale afficha complet à toutes les
variations chorégraphiques de Georges Appaix et de
sa compagnie La Liseuse (Sextet mouvementé pour salle
de lecture), habiles dans le maniement du livre, le lancer de mots à la volée et le glissement des corps entre
les rayons. Succès également pour le spectacle du
conteur multi-instrumentiste Hamed Bouzzine qui
entraina immédiatement le public familial dans son
Voyage à travers les vies. Happés dès les premières notes
de musique par sa voix mélodieuse, tous oublièrent
les coups de vent qui assaillaient le chapiteau. Il ne leur
restait plus qu’à poursuivre le voyage du conte au livre.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La Fête du livre de Toulon
s’est déroulée du 18 au 20 nov
70 LIVRES RENCONTRES
Librairies du Sud dynamise la relation des lecteurs
avec le livre, en organisant des rencontres avec des auteurs, des Itinérances, où ils parcourent la région par
les librairies qui organisent des tables rondes. Avec des
succès divers : si à Marseille et Avignon les rencontres
furent chaleureuses, c’est un désert glacial qui accueillait Ingrid Thobois à la Librairie Goulard – pas de
table ronde, juste un bref espace pour signatures. Mais
une conversation à bâtons rompus pouvait se nouer…
Solliciano, titre de son dernier roman, est en fait le nom
de la prison de Florence. Son roman traite de l’enfermement : physique, un des personnages est condamné
à vie avec 22 ans de sûreté ; psychique, l’héroïne s’enferme dans les méandres d’un esprit qui refuse la
réalité, «personnage clivé entre une appréhension rationnelle, et les déraillements.» Ingrid Thobois insiste sur le
terme «déraillement», mais le roman n’est pas sur la folie.
«Qui n’a pas eu une idée folle qui lui a traversé l’esprit ? Puis
il y a le passage à l’acte, et ceux qui réfléchissent à l’action…»
Ingrid Thobois anime des ateliers d’écriture en prison.
Ingrid Thobois © X-D.R
Prison florentine
L’écriture constitue une «bulle hors de l’enfermement.
Un homme enfermé ne choisit plus ce que l’on fait, n’est
acteur de rien. Écrire, c’est être acteur.» Car, dit-elle plus
personnellement «chacun écrit avec sa matière mais dès
sa parution, le livre est hors de soi et existe après. En tant
que lectrice, j’aime les livres qui me laissent beaucoup
d’espace, comme ceux de Duras, avec leurs ellipses. J’écris
comme j’aime lire. Il est nécessaire que le livre m’échappe.
Être consciente de tout ne m’intéresse pas. Pourquoi Florence ? J’y étais…» Une écriture fluide, cultivant le mot
juste, jonglant entre les points de vue pour appréhender les facettes du récit, des ellipses, des retours en
arrière, jusqu’à l’image fragile et sensible de la fin.
MARYVONNE COLOMBANI
Les Itinérances littéraires avec Ingrid Thobois
ont eu lieu le 2 déc à la librairie Goulard,
Aix-en-Provence
Solliciano
Ingrid Thobois
Zulma, 17 €
Lecture au galop
annoncée, qui a rassemblé une soixantaine de spectateurs au lieu des 400 possibles. À la durée de la lecture
ensuite : celle-ci, pourtant menée au grand galop, en
accord avec l’éloquence mégalomaniaque du narrateur, a été trop longue. D’autant que la passion audible
de Berling et sa belle voix n’ont pas tout à fait réussi à
faire oublier ses erreurs de lecture. Quant au dialogue
qui a suivi entre le lecteur et l’auteur, il est resté convenu.
L’auditoire aurait souhaité un débat plus approfondi,
en particulier sur les raisons qui l’ont poussé, lui qui
n’a rien à voir avec l’histoire de la colonisation de
l’Algérie, à écrire sur cette période qui ressemble un
peu à la conquête de l’Ouest américain. Le romancier
avait des choses à dire sur les 40 ans de guerre qui ont
précédé cette colonisation «de peuplement» (dont le
seul autre exemple au monde est celui de l’Afrique du
Sud !). Il n’en a pas eu le temps.
C’est sur les conseils de son frère que Charles Berling
a découvert, et dévoré, le dernier roman de Mathieu
Belezi Les Vieux Fous (voir p.66). Résultat : l’envie de
le faire connaître à d’autres. Vite. Contact est pris avec
La Marelle, qui s’associe avec Flammarion et La Friche Belle de Mai pour organiser dans l’urgence la
soirée. Belle initiative, dont la réalisation, hélas, a quelque peu déçu. Preuve, s’il en fallait, qu’une rencontre
littéraire ne s’improvise pas et qu’il faut veiller à tout.
Au lieu d’abord, trop grand pour cette rencontre peu
Mathieu Belezi © Serena Eller Vainicher / Flammarion
FRED ROBERT
Charles Berling © Pascalito / Corbis
Charles Berling a lu un large extrait du roman de
Mathieu Belezi le 18 nov
Résistances
poétiques
© Dan Warzy
Belle idée des Écritures croisées et la Fondation St
John Perse que de réunir des voix de femmes, avec
leurs spécificités et leurs couleurs ! Trois poètes et une
chanteuse-comédienne pour psalmodier leurs textes
en reprenant leurs mots. De sa belle voix de contralto,
entre le dit et le chanté, Frédérique Wolf-Michaux a
donné l’envoi avec un hommage à Andrée Chedid,
puis Claude Ber lance comme un défi : pourquoi
écrire de la poésie ici et maintenant ? Pour vivre au
plus près de la vie ? Pour s’accoutumer à la mort ?
Chacune a tenté d’y répondre. Pour Marie-Claire
Bancquart le poème, voix du corps, est un besoin.
Claude Ber parle de résistance à la «disette mentale» et
communique son goût pour la langue, pétrissant des
mots imaginaires de la main pendant sa lecture. Toutes
s’accordent à dire que le poème s’enracine dans le corps,
irrémédiablement fixé au vivant. Hélène Sanguinetti
affirme qu’il a son corps propre sur la page et confie le
plaisir ressenti lorsqu’elle a vu, grâce à l’ordinateur, le texte
se mettre enfin «debout» et se modifier sur l’écran ! Il
s’agissait aussi d’évoquer la question du féminin. Elle
est rapidement éludée : on ne peut en parler que dans
un contexte politique ou historique ; les femmes n’ontelles pas été longtemps contraintes à se taire et à oublier
les pulsions du corps, sauf les mystiques ? Hélène Sanguinetti aura le mot de la fin en confessant avec humour un
rêve : ressembler à l’escargot. N’est-il pas hermaphrodite ?
CHRIS BOURGUE
Pour fêter la Poésie - Voix en écho s’est tenu
à la Cité du livre, Aix-en-Provence le 3 déc
LIVRES 71
Les Juvenilia
de Jacques Roubaud
Jacques Roubaud © J. Sassier/Gallimard
Jacques Roubaud était invité aux ABD : il n’en est
pas à sa première rencontre, on le sent rôdé, l’animal,
et habitué à entraîner son public là où il veut pour lui
raconter des anecdotes savoureuses sur sa rencontre
décisive avec Queneau et l’Oulipo, ou avec l’affable et
facétieux Cendrars. Quitte à esquiver les questions de
son interlocuteur, Stephane Bacquey, qui veut
l’entraîner sur les traces de ses «enfances», moins
connues que l’inventivité formelle et l’alliance féconde
entre mathématiques et poésie auxquelles on associe
spontanément Roubaud. Il sera donc question des
«juvenilia» du poète, des souvenirs biographiques de sa
jeunesse à Carcassonne, avant le départ pour Paris, aux
origines d’un projet poétique total qui procède d’un
rapport sensible et formel au monde et aux syllabes.
Premières jeunesses, premiers exploits : l’attachement
au sud, l’hommage de René Nelli rendu à un petit
garçon de douze ans pour ses morceaux de bravoure
poétique, la mouvance des Cahiers du sud. Et la
découverte de la poésie des troubadours, d’une origine
de la littérature occidentale où la langue fait,
indissociablement, la poésie et le baiser. Puis les années
50, et l’adhésion précaire et ambiguë, politique et
poétique, au surréalisme et à ses figures tutélaires, qui
sont autant d’idoles à détruire. L’enfance est encore
au centre de la lecture-concert qui clôt la soirée, avec
une comédienne, Elise Caron, parfaite d’énergie, de
gouaille et de complicité avec les musiciens Yves
Robert et Philippe Deschepper, qui propose des
variations rythmiques enjouées sur les bestiaires
farfelus et réjouissants que Roubaud a écrit pour les
enfants.
AUDE FANLO
Les animaux de Roubaud, aux ABD Gaston Defferre,
Marseille, le 18 nov, en présence de l’auteur
L’essence du meurtre
Pascal Quignard n’est pas étranger à la
danse. Comme la musique, et pour les
mêmes raisons, elle le fascine, dans ce
qu’elle dit du corps archaïque, ou enfoui, comme une voix qui vient du ventre,
du sexe. La danse de Carlotta Ikeda
convoque cela, en un cérémonial qui
semble par ses particularités culturelles
extirper de la chair des racines communes. Et tomber dans la sidération, celle
que Quignard appelle l’effroi.
Médée, la mère qui tue. L’écrivain la
nomme d’abord dans son étymologie,
Médée la médecine, le poison, Médée
qui prémédite, et puis à travers l’évocation de la Villa des mystères et son
tableau énigmatique nous projette dans
l’instant sidérant où elle médite le meurtre… La danse d’Ikeda succède, dans
les glissements et frottements tout aussi
archaïques, et savants, du percussionniste Alain Mahé. Elle ne commence
pas par le butô, mais danse l’amour, la
passion, avec des gestes ouverts, toujours extrêmement lents, des couleurs
volcaniques, puisant dans les traditions
Nô et Kabuki beaucoup plus anciennes
pour atteindre le même effroi, l’instant
de décision du meurtre, sa pensée, sa
préméditation. Elle retrouve, après l’exécution, dépouillée de ses atours et de ses
couleurs, le butô, danse des ténèbres, fille
noire du kabuki. Sa douleur y est tout
aussi palpable que sa rage, ce que Quignard, dans son texte, n’avait pas effleuré.
Les deux performances resteront séparées, successives, diptyque redondant
d’un double voyage fascinant, et subli-
© S.Vérité
me, dans l’effroyable… Aucun besoin
de lien entre les deux, qui «disent» la
même chose.
Médée a été dit et dansé
au Pavillon Noir,
Aix, le 25 nov
AGNÈS FRESCHEL
Le partage des voix
Peuple et Culture Marseille, en partenariat avec La
Cité, maison de théâtre, a proposé Oraliture 1. 1ère
invitation à découvrir des «écritures laissant une part
plus ou moins grande à l’improvisation», en 2 soirées
autour de Malik Duranty, écrivain, sociologue, militant et surtout pawoleur martiniquais. Malik Duranty
c’est d’abord une dégaine d’adolescent et une voix
d’une envoûtante douceur. Une voix qu’on a envie de
suivre. C’est ce qu’a fait le cinéaste Jérémy Gravayat,
actuellement en résidence auprès de l’association.
Quelques heures de déambulation dans Marseille, à
filer la pawol en marche de Malik, au hasard des lieux,
des rencontres, des intuitions ; au final, 20 minutes
de film «à la volée» que les 2 artistes ont présenté à
Mille Bâbords, devant un public très attentif à cette
démarche fluide, qui intègre l’erreur, la surprise, et y
trouve son sens. Le lendemain à La Cité, d’autres voix
se sont croisées. Celles des 3 lectrices du Cabinet des
lecteurs qui ont lu des poèmes (Césaire, Glissant,
Tardieu, Lucas…) sur lesquels Duranty a improvisé,
suivant le tempo intérieur que le frottement de ses
paumes semblait lui dicter. Celles ensuite de slameurs,
terme bien réducteur en l’occurrence : Frédéric Nevchehirlian, accompagné du formidable batteur Gildas
Etevenard, Emy Chauveau et ses cassettes, et surtout
l’étonnante Katia Boutchou, un petit format de
femme comme son pseudo l’indique, mais des textes
et une puissance profératrice dont on n’a pas fini
d’entendre parler. Échanges à suivre.
FRED ROBERT
Oraliture 1 a eu lieu les 25 et 26 nov à Marseille
Malik Duranty dans le cadre d'Oraliture au théâtre de la Cité en partenariat
avec Peuple et Culture © Adrien Toreau
72
LIVRES
RENCONTRES
Ville-livre
Grain de Sel © Marc Munari
Durant Grain de sel, il n’était aucunement question de saupoudrage, mais
du point d’orgue à un travail de longue
haleine. Rencontres fructueuses des scolaires avec les écrivains, échanges tout
au long de l’année par l’entremise de la
médiathèque et des libraires… et les
jeudi et vendredi 6 600 enfants, 255
classes d’Aubagne et de la région ont
défilé ! Le week-end, les enfants reviennent avec leurs parents et transmettent
leur jeune savoir. Le livre jeunesse trouve dans cette formule un superbe élan.
Insérer au cœur d’un centre-ville les
tentes, les pavillons, utiliser les ressources comme le théâtre ou l’espace des
places permettait aussi de la rendre familière. Les deux pièces au Comoedia
sont offertes : Le Chien Bleu en théâtre
d’ombres, atmosphère poétique et fragile ; Les deniers du lapin, drôle sur un
ton de fabliau. On voyait ainsi les gens
faire leur marché et repartir avec d’un
côté le panier de légumes, de l’autre le
sac empli de livres. Les trois salons étaient
tenus, en coopération avec les éditeurs,
par trois librairies (Peter Pan/L’étoile
bleue, Gulliver/la librairie du Lycée,
Shéhérazade/Alinéa), toute la chaîne
du livre était représentée. Des ateliers
convient à la découverte des techniques
de déchiffrage et d’écriture -depuis les
tablettes d’argile jusqu’à la fabrication
du papier recyclé-, d’autres proposent
de dessiner le portrait de la personne qui
fait face, ami, parent… une première
approche, tendre, de l’étude du point
de vue. Ateliers philo où la sagesse n’est
plus l’apanage de l’âge ! On rencontre
des auteurs, connus, à connaître. Les
dédicaces fleurissent. Ghislaine Herbera, Marseillaise d’adoption, peaufine de
délicates volutes étoilées. On découvre
aussi de petites maisons d’édition qui
fournissent un travail d’une grande
qualité, comme Pluie d’étoiles (Toulon) et ses ouvrages de poésie (Écoute,
l’arbre respire, Paul Bergese) que le
lecteur a parfois la possibilité d’illustrer
-joli concept d’appropriation!- ou les
éditions Edune qui proposent des
albums dont le graphisme et l’écriture
surprennent ; ou encore Ruisseaux
d’Afrique (Bénin) qui cherche à préserver les contes oraux en leur donnant
la forme de magnifiques albums (illustrations de Ponce Zannou). Grâce à
l’émiettement des lieux, l’intimité, favorable aux échanges, est préservée. Des
jeux de pistes sont confiés aux enfants ;
la résolution des énigmes apporte un
petit cadeau.
À la fête s’attache aussi la journée
internationale des droits de l’enfant.
Aubagne depuis 2002 a le label
UNICEF de Ville Amie des enfants. Des
stands Unicef et Amnesty International
animent des jeux éducatifs dans lesquels
ils prennent conscience de leurs droits
et de leurs devoirs, s’ouvrent au monde
et deviennent des citoyens. Car Grain de
Sel, autour du livre, parle d’humanité…
MARYVONNE COLOMBANI
Grain de Sel s’est tenu
du 17 au 20 nov à Aubagne
Des lycéens en vigilance
Le 1er Forum du Prix littéraire
des lycéens et des apprentis
de la Région PACA
a démarré fort !...
Les lycéens et apprentis de la Région PACA, leurs
enseignants et partenaires, repartent pour une année
de découvertes de livres et d’auteurs vivants. Cette
action de la Région et de L’Agence Régionale du Livre
(ARL) en faveur de l’éducation culturelle en partenariat avec la DRAC, les Académies d’Aix-Marseille
et Nice s’affine depuis 2004 et touche depuis l’an dernier des adolescents incarcérés. Chaque établissement,
partenaire d’une librairie et d’une bibliothèque, engage
environ 40 adolescents à lire les 12 livres de la sélection, à participer aux Forums et à dialoguer avec les
auteurs dans leurs établissements.
Pascal Jourdana de l’Association Des Auteurs aux
Lecteurs (ADAAL), lance le débat. Honnêtement les
lycéens reconnaissent qu’ils n’auraient pas choisi
spontanément les livres proposés, mais qu’ils ont été
motivés par l’opportunité du dialogue. Ils se sont intéressés au travail de l’écriture de la roumaine Liliana
Lazar, et à celui de Philippe Carrese. Des questions
ont concerné la création des scénarios de BD, surtout
celui très inventif de La saison des flèches, le travail à
l’encre de Rébético et l’absence de bulles de Fabrica.
Les jeunes lecteurs ne se contentent pas de «lire les
histoires» et la pertinence des questions témoigne de leur
lecture attentive et du travail effectué en amont avec les
enseignants et les acteurs des Métiers du Livre.
Celle-ci par exemple : On sent une dénonciation de
l’entrave dans vos livres. Avez-vous peur du destin de
l’humanité ? Les auteurs ont répondu qu’il fallait rester
vigilant, que la littérature et la BD permettent de «faire
réfléchir les gens à l’inverse d’une certaine TV» (Philippe
Carrese), que «la culture est vivante», que «c’est une épine
dans le pied qui permet d’être sur ses gardes» (Nicolas
Presl).
Et cette autre qui conclut le débat : Est-ce que vous
avez quelque chose de positif à nous dire ? «Nos récits
sont pessimistes pour vous faire réagir, c’est notre contribution pour vous faire trouver le bonheur» (P. Carrese).
«Ils sont ancrés dans l’histoire de périodes vécues et dures,
mais c’est mieux maintenant. Il faut juste être sur nos
gardes» (N. Presl).
CHRIS BOURGUE
Ce Forum s’est tenu le 1er déc à Cavaillon,
Scène nationale
Prochain Forum le 2 fév à La Friche, Marseille
Sélection
Terre des affranchis
Liliana Lazar, Gaïa, 18 €
Enclave
Philippe Carrese, Plon, 20 €
Fabrica
Texte et dessin Nicolas Presl, Atrabile, 21 €
La saison des flèches
Texte Samuel Stento, dessin Guillaume Trouillard,
La Cerise, 20 €
Rébético
David Prudhomme, Futuropolis, 20 €
AU PROGRAMME
Approches Culture(s) et Territoires - 04 91 63 59 88
Mémoire en chantier : 1re biennale du Réseau pour l’Histoire et la Mémoire des Immigrations et des Territoires.
Exposition Du bateau à la cité, l’enfermement à Marseille
XVIIIe-XX e siècles, jusqu’au 21 janv aux Archives départementales des B-d-R Marseille ; exposition de photos
d’Elisa Cornu, Harkis. Au camp des invisibles jusqu’au 28
janv aux Archives départementales des B-d-R centre d’Aix.
Libraires du sud/Libraires à Marseille - 04 96 12 43 42
Rencontres : avec Gérard Détaille pour la sortie de son
ouvrage Détaille : trois générations de photographes : Marseille, Provence, Méditerranée (Hervé Chopin), le 17 déc
dès 16h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec Jean
Contrucci pour la parution du nouveau volume des
Mystères de Marseille : La Somnambule de la villa aux loups
(Lattès), le 17 déc de 11h à 19h à la librairie Maupetit
(Marseille) ; avec Malika Moine pour son livre Tournée
générale (R’garde Moi ça), le 17 déc dès 16h à la librairie
Maupetit (Marseille) ; avec Jean-Laurent Cassely, JeanPierre Cassely et Philippe Carrese pour leur livre
Marseille : le manuel de survie (Les beaux jours), le 17 déc
de 15h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ; avec
Alan Mets et Christel Espie illustratrice des aventures de
Sherlock Holmes et de Tom Sawyer aux éditions Sarbacane,
le 17 déc de 15h à 19h à la librairie Maupetit (Marseille) ;
avec Mathilde Domecq pour la sortie de Hansel et Gretel
(Bamboo), le 17 déc de 15h à 19h à la librairie Maupetit
(Marseille) ; avec Michèle Odeyé-Finzi et Thierry BérotInard pour la sortie de Le Souffle de Lo Manthang,
Mustang, Népal (L’anthropo), le 17 déc dès 18h à la
librairie Apostille (Marseille) ; avec Michéa Jacobi pour
son ouvrage Le piéton chronique : carnet de promenades à
Marseille (Parenthèses), le 17 déc dès 17h à la librairie
Prado Paradis (Marseille) ; avec Jeannine Anziani pour
son ouvrage Le plus petit des grands magasins (Edilivre) et
ses Contes de la Méditerranée (éditions Lutin Malin) à la
librairie Prado Paradis (Marseille), le 17 déc de 10h à 19h
à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec Mondolius
pour ses Innefables (Société des écrivains), le 19 déc de
16h à 18h à la librairie Prado Paradis (Marseille) ; avec
Bernard Plossu pour tous ses ouvrages le 20 déc dès 17h
à la librairie Au Poivre d’Âne (La Ciotat) ; avec Marion
Bixio pour son guide Marseille code 01 (Tendances), le 21
déc de 16h à 18h à la librairie Prado Paradis (Marseille).
AIX
Cité du livre - 04 42 91 98 88
Exposition photos de Kai Fusayoshi, Kyôto par-delà Kyôto,
jusqu’au 14 janv.
Conférence de Nuria Nin, conservateur en chef du
patrimoine, chargée du service archéologie de la Ville
d’Aix, sur les Données nouvelles sur l’Aix antique, le 15 déc
à 18h30.
Atelier d’écriture À la découverte de l’univers des Haïku
conçu et animé par Annick Combier, auteure, le 20 déc
à 14h30.
Fondation Saint-John Perse - 04 42 91 98 85
Exposition Poésie et typographie autour de deux caractères
utilisés par Saint-John Perse, le Grandjean et le Garamont,
dont les poinçons originaux de l’Imprimerie nationale
sont présentés, jusqu’au 31 déc.
Musée Granet - 04 42 52 88 32
La Joconde est dans l’escalier : exposition commune avec
Artesens mettant en scène un dialogue sensoriel entre la
peinture classique de la Renaissance au XIXe s et la
peinture moderne, jusqu’au 15 janv.
Galerie IPSAA ESDAC - 04 42 91 66 90
Exposition des œuvres des «nouveaux talents» artistiques
du Pays d’Aix et d’ailleurs, du 4 au 15 janv.
Galerie d’art du CG - 04 13 31 50 70
Exposition Voyage en orient de Pierre Loti à Nan Goldin,
jusqu’au 29 janv.
Galerie La Non-Maison - 06 29 46 33 98
Exposition Contrevoies [1], jusqu’au 31 déc.
ALLAUCH
Musée - 04 91 10 49 00
Exposition Petits miracles à Mexico, ex-voto mexicains et
contemporains, jusqu’au 28 janv.
AVIGNON
Association du quartier des teinturiers quartierteinturier.e-monsite.com
Café littéraire autour du livre Pourquoi moi ? de Donald
Westlake (Rivages) en présence de Mohamed Benabed
de la librairie Lignes Noires, le 14 déc à 18h30.
BARBENTANE
La Salamandre - [email protected]
Exposition des livres pliés de Jany Garbouge-Floutier et
photos de Laura Jonneskindt sur son travail, jusqu’au 8
janv.
BRIGNOLES
Le bazar du Lézard - 06 71 58 73 26
Exposition des peintures et sculptures de TomaX PouM
et des objets sonores et lumineux de XX100, jusqu’au 15
janv.
CAVALAIRE-SUR-MER
Médiathèque municipale - 04 94 01 93 20
Exposition de Patrick Volpes, sculpteur d’argile, Autour
d’un noël en Provence, jusqu’au 7 janv.
MARSEILLE
BMVR Alcazar - 04 91 55 90 00
Exposition Le livre, l’enfant et la photographe, la photographie dans le livre de jeunesse avec Sarah Moon, Kathy
Couprie, Dominique Darbois, Tana Hoban, Ylla, jusqu’au 21 janv.
Conférence sur Le paranormal face à la science, voyage
zénétique au cœur de l’extra-ordinaire par Henri Broch,
Université Nice Sophia Antipolis, le 14 déc.
ABD Gaston Defferre - 04 91 08 61 00
Exposition Mexique, carnets de route, photographies de
Pedro Tzontémoc, jusqu’au 7 janv.
Exposition Ils écrivent l’histoire - La grande guerre dans les
Bouches-du-Rhône, jusqu’au 31 janv.
Exposition Du bateau à la cité : L’enfermement à Marseille,
XVIIIe - XXe siècles, jusqu’au 21 janv ; conférence de
Daniel Panzac, historien, De la peste au choléra, six siècles
de défense sanitaire à Marseille, le 10 janv à 18h30 ; Arts et
Archives, Montrer et dire l’archive avec l’Institut national du
patrimoine et l’École supérieure d’art et de design de
Grenoble-Valence : journées d’études pour les professionnels de l’art et du patrimoine, les 19 et 20 janv ; Papiers
du grand large, les archives de bateaux dans les Bouches-duRhône, atelier avec Olivier Gorse, archiviste, le 21 janv de
14h30 à 16h30.
MuCEM - www.mucem.org
Les mardis du MuCEM : Les révolutions arabes, un an après
avec Jean-Pierre Filiu, le 17 janv à 18h30 à l’Alcazar.
Théâtre du Petit Matin - 04 91 48 98 59
Dans le cadre des lectures Les mots à l’heure, en lien avec
Lire aux éclats, rencontre avec la cie l’Individu : lecture de
deux nouvelles de Jérôme Lambert, en sa présence, par
G. Clausse, C. Daquet, F. Gazal et C.-E. Petit, les 16 et
17 déc.
Approches Culture et Territoires - 04 91 63 59 88
Apprendre le travail : ACT et les éditions Agone organisent
une rencontre-débat avec Sylvain Laurens, sociologue,
maître de conférences à l’Université de Limoges, et Ugo
Palheta, sociologue et chercheur postdoctoral au GRESCO/Université de Poitiers, à l’occasion de la parution de
l’ouvrage de Paul Willis L’école des ouvriers, comment les
enfants d’ouvriers obtiennent des boulots d’ouvriers (Agone)
et le n° 46 de la revue Agone Apprendre le travail. Le 17
janv à 18h30 à la Cité des associations, Marseille.
RENCONTRES 73
La Friche la Belle de Mai - 04 95 04 95 04
Rencontres petite enfance en prélude à l’ouverture de la
crèche la Belle de Mai : avec Miriam Rasse, psychologue
clinicienne, le 17 déc, et Anna Lia Galardini le 14 janv.
Institut Culturel Italien - 04 91 48 51 94
Dans le cadre d’un cycle de conférences sur l’art : Sur la
piste de la Louve : les origines de Rome, entre tradition et archéologie (1), le 12 janv.
Maison de l’Architecture et de la Ville - 04 96 12 24 10
Installation-atelier La Maison inachevée : ensemble de
construction dans lequel les enfants de 3 à 7 ans
collaborent pour monter les murs d’une habitation.
Jusqu’au 16 déc.
Auditorium de la Caisse d’Epargne - 04 91 57 26 49
Conférence d’initiation L’art en France, par Jean-Noël
Bret : l’art français III : La peinture du Grand siècle, le 22
déc à 18h ; l’art français IV : De la fête à la vertu, le 19
janvier à 18h.
Galerie Jean-François Meyer - 04 91 33 95 01
Chrismas Art fair : exposition des artistes F. Bladier, J.
Blaine, A. Kérouas, B. Pesce, Fifou et P. Turc, jusqu’au 23
déc à Hors Les Murs/HLM.
SAINT-CHAMAS
Chapelle Saint-Pierre - 04 90 50 90 54
Exposition des peintures de Tarcisio Canonica, jusqu’au
31 déc.
Exposition des peintures, sculptures, objets, photos des
50 artistes membres de l’Office de tourisme, du 6 au 22
janv.
VERS-PONT-DU-GARD
Pont du Gard - 0 820 903 330
Exposition des œuvres de Daniel Deleuze, Patrick Saytour
et Claude Viallat, jusqu’au 13 mars.
Feux d’hiver : village d’animations à partir de 14h30, feux
d’artifice du Groupe F à 18h, le 7 janv.
CONCOURS
Le concours national artistique Mélodie 7 est ouvert à
tous les artistes amateurs de musique, chant, danse, théâtre et vidéo, sans niveau préalable requis. À la clé, un
Premier Prix par discipline, de 5 000 € chacun, et un
spectacle à Marseille en 2013. À Marseille, l’audition de
l’épreuve de présélection a lieu le 14 janvier, la clôture des
inscriptions (sur le site Internet) est fixée au 4 janvier. Les
demi-finales et finales auront lieu à Marseille en juin.
0 892 420 101
www.concours.melodie7.fr
7e édition de la manifestation Lire Ensemble, initiée par
Agglopole Provence, qui se tiendra du 6 au 8 avril, et 3e
édition des concours littéraires :
- concours de nouvelles adultes, ouvert à toute personne
de plus de 18 ans n’ayant jamais publié, sur le thème
«a.i.M.e comme Méditerranée. M, un pont entre 2 rives»
- concours de nouvelles jeunes ouvert cette année encore
à tous les collégiens et lycéens habitant ou scolarisés sur la
Communauté d’Agglomération sur le même thème
- concours création de marque-page pour les enfants de la
maternelle au CP et de création de poésie libre illustrée
pour les enfants du CP au CM2 sur le thème «autour du M»
La date limite des envois est fixée au 1er mars.
04 90 44 77 41
www.agglopole-provence.fr / [email protected]
Concours classes professionnelles de l’ERAC : inscriptions
ouvertes jusqu’au 15 fév. Le 1er tour aura lieu du 29 mars
au 2 avril, le 2d tour et le stage du 13 au 20 avril.
www.erac-cannes.com/inscription
74 RENCONTRES AVERROÈS
Les tables rondes d’Averroès, brûlantes de l’actualité immédiate,
s’interrogeaient sur : L’Islam et l’Europe, la liberté ou la peur ?
Le titre de la 1ère table ronde Entre l’Europe et l’Islam : histoires de conquêtes ou passé commun ? ne suppose-t-il
pas une coupure trop radicale ? La question d’Emmanuel Laurentin plonge le débat dans le vif du sujet
historique, abordé chronologiquement par les intervenants. Pour Gabriel Martinez-Gros, médiéviste,
spécialiste d’Al Andaluz, même l’affrontement produit
la connaissance de l’autre. Mais les «Européens» présents dans l’Espagne musulmane n’installent pas un
espace commun, et pour la civilisation arabo-islamique, le centre du monde se trouve dans le golfe persique
et le monde indien. L’idée d’une Méditerranée espace
commun de civilisation n’a pas cours. Entre islam et
chrétienté, la révélation est une coupure radicale
malgré des espaces communs.
L’idée d’une relation de confrontation n’est pas plus
vraie. Pour Géraud Poumarède, spécialiste du monde
Ottoman, Europe et Islam sont des constructions intellectuelles - il n’y a pas d’unité en Europe et l’Empire
Ottoman n’est pas la totalité de l’Islam. Ces mondes
ne vivent pas dans le «choc des civilisations», ils entretiennent des échanges anciens par l’intermédiaire des
Vénitiens ou des Génois. Les Français, eux, vont jusqu’à lutter avec les Turcs contre Charles Quint. L’idée
d’un mode de relation conflictuel dominant ressort
d’une mauvaise appréciation des sources qui survalorise
l’antagonisme par conformité au discours contemporain dominant, et crée la fiction d’une altérité
irréductible.
Leyla Dakhli, spécialiste de la Syrie et du Liban au XIXe
siècle, constate que la colonisation correspond à un
changement de discours des élites intellectuelles locales sur l’Europe. Décidés à se penser comme entité,
les intellectuels engagent la réflexion sur ce qu’est le
monde musulman. Ils débouchent sur l’idée de Renaissance, la «nahda», et veulent réfléchir aux effets de la
présence européenne dans le monde musulman. Leur
culture, large et enrichie par de nombreux voyages,
cherche à construire un modèle nouveau. Ils n’échappent pourtant pas à l’argumentaire occidental d’une
opposition, formulée par un Renan, entre modernité
et islam. Pour rattraper les sociétés occidentales, ils
pensent qu’il faut moderniser la religion !
Amr El-Shobaki, spécialiste des Frères Musulmans,
prolonge la réflexion pour le XXe siècle. Il rappelle la
fondation de ce mouvement égyptien, en 1928, qui
conçoit un modèle social construit sur une culture et
une loi islamiques, se caractérise par l’indistinction entre
action politique, action sociale et religion. Le mouvement a évolué : jusqu’en 1952, le discours religieux,
très conservateur, se conjugue à une action politique
très limitée. De 1952 à 1970, les Frères s’opposent au
régime nassérien. Violents, ils vont s’en prendre directement au Raïs et tenter de l’assassiner. À partir des
années 70, une nouvelle génération apparaît, qui fréquente les universités, les syndicats, le parlement.
Enfin, depuis la Révolution du 25 janvier 2011, où ils
ont joué un grand rôle, ils participent directement à
la vie politique, aux réseaux, sont blogueurs... Cette
logique les a poussés à construire un nouveau parti,
démocrate, et à rompre avec la confrérie. Ils ne veulent pas détruire l’Europe, comme les Salafistes, mais
cherchent à en dépasser le modèle.
Et demain ?
Ici et maintenant
Au travers de ce parcours rapide, la salle très réceptive
et enthousiaste, a partagé la vision d’un monde où la
confrontation voisine avec l’échange, comme souvent,
lorsque l’on partage les mêmes espaces. La 2ème table
ronde, qui portait sur l’Islam en Europe, fut nettement
© Espace culture Marseille
© Espace culture Marseille
moins passionnante. Rasmus Boserup, sociologue
danois, rappela les violences de l’islamophobie ambiante en Europe mais ne put, en particulier à cause
de son manque de maitrise du français, faire entendre
sa voix entre Farida Belkacem et Margarete Spohn. La
sociologue allemande vanta en particulier la formation
sociale dispensée en Allemagne aux Imams, et resta
anecdotique. Farida Belkacem, chercheuse à l’IRIS,
proféra quelques vérités fondées sur son vécu et ses
enquêtes parmi les musulmans français et anglais…
sans définir jamais ce que sont les populations musulmanes en Europe. Quelles sont leurs origines, leurs
obédiences, leur relation aux femmes, aux autres
musulmans, leurs langues, leurs pratiques ? Une fois
encore Islam et monde arabe furent confondus, hors
les Turcs d’Allemagne. À Marseille, où vivent 50 000
musulmans d’origine comorienne, le mot «Comores» ne
fut pas prononcé. Quant à la peur de l’Islam, fondée
en Europe sur la peur du terrorisme mais surtout sur
la relation -fantasmée ou non- des musulmans aux
femmes, cela fut balayé de la main, et les féministes
furent renvoyées à leur récupération fascisante par la
fille Le Pen. Puisque le problème de la terreur était posé
dans le titre, ne fallait-il pas au moins en circonscrire
les prétextes, sinon les raisons ?
Heureusement la 3ème table ronde réunissait l’écrivain
égyptien Alaa El Aswani (voir p. 68), le psychanalyste
tunisien Fethi Benslama, et Michel Foucher, géographe et diplomate français. À l’heure où la Révolution
égyptienne connaît des prolongements sanglants, le
thème «Utopies sans lendemains ou promesse d’avenir» prenait une résonance particulière. Alaa El Aswani
s’est dit optimiste : «On a fait le plus dur, on a dépassé
le mur de la peur, ce dont les dictatures ne croient
jamais le peuple capable.» En écho, Fethi Benslama
évoque La Boétie et son Discours de la servitude volontaire : «Oui, les gens se sont rendus compte qu’il
pouvait y avoir un changement. Mais la liberté peut
effrayer, elle peut déboucher sur une demande d’ordre,
un repli conservateur.» Pour lui, le problème fondamental est celui des mouvements islamistes : «Ils
existent, on ne va pas les liquider. Et ce n’est pas la
laïcité à la française qui va marcher dans nos pays, car
le peuple aspire à la démocratie, mais tient aussi à la
tradition religieuse.» Michel Foucher est d’accord sur
ce point : «Rappelons qu’au droit de critiquer la
science, la politique et la religion, s’ajoute en France la
laïcité institutionnelle. Que cela ne nous empêche pas
de clarifier notre propre rapport à l’islam -nous avons
la 1ère communauté musulmane d’Europe- sans vouloir
exporter notre modèle avec la méconnaissance du sud
qui nous caractérise, faite de préjugés, stéréo-types et
passé mal digéré.»
Les Révolutions arabes sont indéniablement l’occasion
de réfléchir à ce que signifie la démocratie dans des
sociétés d’images où la séduction immédiate fait élire
(voir Zib’46, Élections pièges à cons ?). Des pans entiers
de ce qui constitue la démocratie tombent sous les
coups de l’ultralibéralisme (Fethi Benslama), et certains utilisent le sentiment religieux pour arriver au
pouvoir (Alaa El Aswani). Car il est un point qui a fait
l’unanimité chez les intervenants : l’éducation. S’il
n’est pas besoin de théorie pour se révolter, l’indépendance d’esprit se nourrit de savoir. L’exercice de
la démocratie aussi.
RENÉ DIAZ, AGNÈS FRESCHEL ET GAËLLE CLOAREC
Les 3 tables rondes des Rencontres d’Averroès
ont eu lieu les 18 et 19 nov au Parc Chanot,
Marseille (voir concert p. 49)
© Espace culture Marseille
À la table commune
HISTOIRE | SCIENCES
Frontières en stock
Dans la foulée des Rencontres d’Averroès, les Mardis du MuCEM poursuivent leur mission de
clarification sur les enjeux les plus conflictuels de la Méditerranée. La thématique retenue
pour ce volet («Israël / Palestine, récits de frontières»), n’était pas la moins complexe et il
aura fallu tout l’art oratoire des intervenants pour donner un aperçu distancié de la situation.
Riccardo Bocco, Stéphanie Latte Abdallah et Cédric Parizot viennent de publier chez Actes
Sud un ouvrage intitulé À l’ombre du mur. Israéliens et Palestiniens, entre séparation et
occupation. Selon eux, le mur censé servir de frontière entre les deux frères ennemis les
enferme ensemble plutôt qu’il ne les départage. La gestion de l’espace géographique sert à
un brouillage délibéré : l’archipel d’enclaves imbriquées répond à des mécanismes de contrôle
élaborés par l’occupation militaire. Une dissociation des trajectoires, un régime de mobilité
assujettissent les populations en fonction de leur origine : on ne franchit pas les checkpoints de la même manière selon la couleur de son passeport, et là où un Israélien peut aller
de Tel-Aviv à la Mer Morte en moins de deux heures, c’est beaucoup plus compliqué pour un
Palestinien de simplement se rendre à son lieu de travail.
Stéphanie Latte Abdallah estime que le processus de paix est au point mort, et Cédric Parizot
souligne que nombreux sont ceux qui tiennent à ce qu’il le demeure. Au premier rang desquels
les intérêts de rentabilité les plus abjects : ceux des vendeurs de matériel militaire de pointe,
dont plusieurs groupes français tels que Thales, EADS... Pour Riccardo Bocco, professeur de
sociologie politique à l’Institut des Hautes Études Internationales de Genève : «Les
gouvernements européens et américains cautionnent un Etat Israélien qui sacrifie sa jeunesse
de génération en génération.»
Apparemment, et sans mauvais jeu de mot, le marché de la robotisation du champ de bataille
est en plein boom, et les as du marketing planchent sur la façon de créer de nouveaux besoins :
drones dernier cri, barbelés au kilomètre... la version hype de la guerre en somme.
GAËLLE CLOAREC
Israël/Palestine, récits de frontières a eu lieu le 22 nov à l’Alcazar
Culture scientifique
et technique
Le Café Malarte, Arles, ouvre ses portes le 12
janv à 20h30 à Fabrice Chandre, chercheur à
l’IRD, et Joseph Jacquin-Porretaz, directeur du
Naturoptère et leurs Insectes : de la pollinisation
à l’anti-moustique. «Quels sont les mécanismes
de résistance aux insecticides chez les moustiques qui transmettent le paludisme, la dengue
ou le chikungunya ? Quelles sont les stratégies
mises en place pour gérer la résistance aux insecticides ? Où en est la recherche de nouvelles
stratégies de lutte contre les moustiques ? Où
en est la lutte contre les insectes vecteurs de
maladies humaines en milieu tropical ?…»
Café Malarte, Arles
04 90 96 03 99
L’ASTS-PACA propose la cinquième édition des
Horizons du Savoir autour de la thématique
mathématique Des chiffres et des hommes. Ceci
en collaboration avec l’Institut de Mathématiques de Luminy, l’Institut de Recherche sur
l’Enseignement des Mathématiques et le Centre
International de Poésie de Marseille. Utilisation
artistique, musicale, épistémologique, physique
mais aussi politique ou encore informatique des
maths.
La conférence du 17 janv à 18h30 portera sur Les
mathématiques arabes, présentée par Ahmed
Djebbar, professeur émérite d’Histoire des sciences.
Maison de la Région, Marseille
www.asts.asso.fr/cms
À venir
Écrire la guerre d‘Algérie, entre littérature et histoire
avec Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011) et Sofiane Hadjadj
le 13 déc à 18h30
Alcazar, Marseille
www.mucem.org
RENCONTRES 75
© Christophe Fouin/MuCEM
Rencontre-débat organisée par Approches culture et territoires le 17 janv à 18h30 avec les
sociologues Sylvain Laurens et Ugo Palheta,
auteurs de l’ouvrage Apprendre le travail (Agone
n°46, oct.-déc. 2011). «L’échec des politiques de
retour forcés de travailleurs immigrés (1980),
la tendance continue des enfants d’ouvriers à
profiter autant que possible de l’allongement
des études remettent fondamentalement en cause
les projets de revalorisation du travail manuel…»
Salle Phocéa Cité des Associations, Marseille
www.approches.fr
Les jeudis du CNRS, cycles annuels de conférences «grand public» données au siège du
CNRS-Provence, Marseille, proposent le 2 fév à
18h la conférence de Virginie Chapon, chercheuse au CEA de Cadarache. Elle portera sur
«Tchernobyl : 25 ans après, où en est la biodiversité ?» 25 ans après la catastrophe de Tchernobyl,
qu’en est-il de l’impact de la contamination sur la
biodiversité bactérienne dans la zone d’exclusion ?
Délégation Provence du CNRS, Marseille
www.provence-corse.cnrs.fr/-Les-Jeudis-du-CNRS
76 HISTOIRE RÉSISTANCE | ÉCHANGE ET DIFFUSION
Ceux qui ont dit non
«Un peu plus fort, chacune de ces oreilles a 97 ans !»
Le regard pétille. L’esprit alerte, une mémoire des
dates et des noms stupéfiante, Raymond Aubrac se
plie au jeu des questions avec vivacité et humour.
«Pourquoi entrer en Résistance ? Nous avons pensé
que cela servirait à quelque chose. Tout est dominé
par la confiance en soi et l’optimisme, toutes les
décisions individuelles sont fondées là-dessus. Un
chef-d’œuvre d’optimisme, c’est Jean Moulin, la solidarité avec les camarades…» L’émotion de revenir
à Marseille, où il a été Commissaire de la République à la Libération, est palpable. «Je suis ici en vieux
témoin, sourit-il, ma vie se passe à raconter aux
écoliers, aux lycéens. Il faut continuer à affirmer que
la Résistance n’est pas un mythe : de nos jours, on
est en train d’en occulter le souvenir. On est au temps
des victimes. Ce n’est pas les mépriser que de rappeler ceux qui ont osé dire non. Il est impératif de
parler de la Résistance, de ses soutiens, de ses héros.»
La Provence est entrée très tôt en Résistance, les
derniers ouvrages de Robert Mencherini l’évoquent
avec précision. Marseille fait partie des villes qui se
sont insurgées. Raymond Aubrac rappelle d’ailleurs
la réquisition des entreprises à la Libération, les
comités consultatifs de gestion : expérience rare
de cogestion réussie entre représentants de l’état et
comité consultatif des ouvriers. Le double programme
du CNR trace les lignes d’une République indépendante et libre, et formule les règles favorisant le progrès
économique, social et culturel.
Dans cette belle lignée, le 3 déc, toujours aux Archives départementales, Robert Mencherini présentait
le Musée virtuel de la Résistance. Une lutte contre
le quasi déni du rôle de la Résistance dans la Libé-ration : un travail exceptionnel contre nos
mémoires segmentées !
MARYVONNE COLOMBANI
Raymond Aubrac était aux ABD de Marseille
le 3 déc, Robert Mencherini le 15 nov y présentait
le musée virtuel de la Résistance
www.museedelaresistanceenligne.org
À lire
La trilogie Midi rouge.
Ombres et lumières
Les années de crise 1930-1940,
Vichy en Provence 1940-1942
Résistance et occupation
1940-1944
Robert Mencherini
Syllepse, 17 €, 23 €, 25 €
Un américain
à Marseille
Le 23 nov, a été inaugurée l’exposition pédagogique itinérante consacrée à Varian Fry, dans les
locaux du CRDP qui ont abrité pendant la guerre le
célèbre Hôtel Splendide où descend Fry à son
arrivée à Marseille. De 40 à 41, ce journaliste américain dépêché par l’Emergency Rescue Comittee pour
sauver 200 intellectuels européens de la menace
nazie, en sauve 2000, luttant contre l’administration pétainiste de la France encore libre et très vite
contre la sienne, dans un Marseille grouillant de réfugiés internationaux, où on croise entre autres
Breton, Ernst, Arendt, Itkine... Les discours d’ouverture d’Edmonde Charles-Roux, de Jean-Michel
Giraud, président de l’association Varian Fry-France,
de Diane Kelly consul général des Etats-Unis, de
Patrick Mennucci et de Daniel Hermann ont souligné la nécessité de cette exposition qui, non
seulement éclaire le destin d’un homme opiniâtre,
héros rebelle, charismatique, auquel les jeunes gens
peuvent s’identifier, mais révèle aussi l’importance
historique de la cité phocéenne dans l’organisation
d’une résistance à la xénophobie. Destinés à être
montrés en totalité ou en partie aux collégiens et
lycéens de la région, les 27 panneaux de 180 par 80,
un peu austères, proposent photos sépia, documents bruts et textes didactiques autour de trois
thèmes : la mission de sauvetage, la culture de l’exil
et les filières clandestines pour l’Amérique. Les demandes des enseignants ont déjà afflué assurant le
succès de ce travail de mémoire et de réflexion sur
les valeurs morales de l’action.
Le lendemain, l’association Varian Fry et Pierre Olivier Ungemach-Benedite remettaient le fonds
Daniel Benedite, constitué des originaux des lettres
de Fry, aux Archives départementales. La signature officielle du document fut émouvante. Daniel
Benedite, bras droit puis successeur de Fry quand
les autorités eurent réussi à se débarrasser de ce
dernier, est un autre héros de cette période moins
connu que l’américain, arrêté dans le Var où il
dirigeait un chantier forestier, refuge de résistants.
ÉLISE PADOVANI
Varian Fry, un monde en exil
du 22 nov au 9 déc au CRDP, Marseille
Où vas-tu, Icare ?
© DRFP/Odile Jacob
Qu’un neurologue de la Pitié Salpêtrière
aborde le concept de connaissance via
les mythes et la psychanalyse, et c’est
notre façon d’être conscient qui vacille. Lionel Naccache, à partir de
l’analyse de quelques grands mythes
de l’humanité (Adam et Eve, Icare,
Faust), soutient que la connaissance
est teintée chez les humains de pulsions désirantes mêlées de craintes
morbides. Cette dualité est à la fois un
obstacle au développement cognitif
mais aussi, paradoxalement, son énergie motrice. La conscience, et donc la
connaissance qui en découle, serait la
perception informative, conjointe à un
investissement subjectif fictionnel :
l’être humain passe son temps à se
raconter des histoires et son cerveau
interprète de façon irrépressible. Sub-
jectivité qui n’est pas assez prise en
compte dans notre société de l’information hantée par l’objectivité. Selon
le neurologue, «nous sommes soumis
à une hallucination collective, et en
croyant accéder au réel, nous nions
notre dimension fabulatoire. Cela peut
être source de violence, si les gens
oublient qu’ils ne sont pas d’accord
tout simplement parce qu’ils ne sont
pas dans le même monde.»
Le propos eut été plus précis, comme
évoqué par l’ultime question d’un
auditeur, s’il avait confronté également pratique et représentation, et
donc précisé ce qu’est une analyse
critique de l’information. En effet la
connaissance n’est-elle pas, plutôt
qu’une expression de la subjectivité,
une confrontation entre les représen-
tations, confrontation qui permet et
rend possible leur validation par la
pratique (le feu attire mais brûle, je
n’y mets pas la main mais peux y faire
cuire ma nourriture…) ? La connaissance, c’est de l’expérience en mouvement.
S’il ne faut pas oublier la chute
d’Icare derrière le désir de connaissance, c’est bien en apprivoisant le
soleil que l’on sort de la caverne. Et
que l’on prend des couleurs !
GAËLLE CLOAREC ET YVES BERCHADSKY
La conférence Le malaise
contemporain de la connaissance
a été accueillie le 1er déc
par Échange et Diffusion
des Savoirs, Marseille
LA PHILO POUR ENFANTS
PHILOSOPHIE
77
La philosophie pour enfants gagne du terrain dans le monde entier, et ses résultats sont
spectaculaires. De nombreux professeurs des écoles organisent des séances avec leurs élèves,
ce qui remet en cause profondément la philosophie traditionnelle et celle de l’École en général.
Expérience dans une banlieue de la «République»
Philo’z’enfants !
Mais d’abord qu’est-ce que la philosophie pour enfants ? C’est
une idée de Matthew Lipman, philosophe et pédagogue
étatsunien qui, dès les années 70, lance l’expérience. Logicien,
ses travaux se fondent sur des bases très pragmatistes, socioconstructivistes. Quézaco constructivisme ? Eh bien, ici, c’est
se demander comment un enfant peut s’approprier les savoirs
fondamentaux de manière efficace, viable socialement, développant son esprit critique. La philosophie apparaît alors comme
la plus à même de s’insérer dans cette finalité critique. Même
si un dispositif pédagogique et techniciste lui est par nature
étranger «for us European». Expliquons-nous.
En Europe et surtout en France la philosophie est affaire d’un
enseignement magistral, en bref la pédagogie est sa hantise :
c’est aux élèves de se hisser à la sublime aura (ou pas) du professeur de philosophie ; hors de question pour la philosophie de
s’abaisser à une quelconque simplification.
Le problème est que la pratique du questionnement, de la
distinction des problèmes et de leur classification, celle de
l’analogie, de l’induction, du raisonnement par syllogisme, etc…
toute chose que l’on peut appeler philosophie, porte ses fruits
chez les enfants. Sur la base de cette efficacité, l’idée de Lipman
fait des petits dans le monde entier jusqu’à ce que l’UNESCO
en 1999 recommande l’extension de la pratique de la philosophie dès la maternelle. Dans les pas de Lipman se développe
en France la pédagogie de la philosophie pour enfant de Jacques
Lévine d’une part et de Michel Tozzi d’autre part. Lévine
prolonge l’expérience psychanalytique où l’adulte n’intervient
quasiment pas : une question, 10 minutes de débat filmé ou enregistré entre les élèves, puis visionnage ou écoute et débat ensuite
avec l’adulte.
Avec Tozzi la démarche est plus politique. Point d’hypocrisie,
avouons le biographique de cet article : à la demande de la
commune d’Aubervilliers, j’ai eu l’honneur d’être «réquisitionné» pour des goûters philo. Les trois médiathèques de la
ville mettaient en place ces goûters à destination d’enfants de
huit à douze ans, d’origine africaine, asiatique et maghrébine
exclusivement. Pour eux les séances sont ponctuelles, il y a six
goûters prévus sur trois mois, et les enfants tournent. Le premier thème de ces premiers ateliers est : «C’est quoi penser ?».
Dans la méthode Tozzi les enfants sont assis par terre, l’adulte
aussi. Il faut effacer tout ce qui renvoie au frontal de la classe
habituelle, avec l’autorité à son extrême. Les élèves doivent
ensuite débattre entre eux, sous l’œil non intervenant de
l’adulte. L’enjeu est simple ; il s’agit peut-être moins de les faire
conceptualiser sur une notion, que de créer une «communauté philosophique» comme l’appelle joliment Tozzi. Joliment
et efficacement, car la suite de ce premier atelier réserva d’intéressantes surprises.
Faire cercle
Différentes méthodes proposent pour commencer de lire un
conte, une histoire pour enfants spécifiquement orientée vers
des enjeux philosophiques : il faut bien une matière de départ.
Mais la première surprise est au rendez-vous. À peine la question
posée et une fois expliqué rapidement ce qu’est la philosophie,
et sans lecture d’histoire, sur la vingtaine d’enfants présents
une dizaine lève déjà la main pour répondre ! Alors là autre protocole ; car ces ateliers sont très protocolaires. La parole doit
être libre et faire oublier le cadre classique de la classe ; ainsi
l’adulte doit s’effacer le plus possible. Lorsque les enfants
veulent parler, ils lèvent la main comme dans tout cadre
démocratique global : mais ils ne demandent pas la parole à
l’adulte. Ainsi doit être désigné un président de séance pour
chaque question de l’atelier. C’est lui qui distribuera la parole,
ainsi qu’un passeur de micro (factice, on est 20…). Les enfants, magiques, parlent entre eux, et oublient vite l’adulte.
Dialoguer
Précisons : le débat est monologique, chacun dit ce qu’il a
envie de dire, ça ne rebondit pas trop sur ce que l’autre a dit.
Une fois les interventions épuisées, l’adulte relance sur une
autre question et doit résoudre un problème classique : les enfants qui écoutent mais ne parlent pas. Il commence par
désigner un synthétiseur pour la prochaine question, choisi
parmi ceux qui sont silencieux. Autre question, autour du
thème de la pensée, autre président, autre passeur. Nouvelle
règle, on doit passer au dialogique ! Les enfants devront dire,
suite à une intervention d’un de leurs camarades soit «je ne
suis pas d’accord avec mon camarade» (ils ne connaissent pas
leur prénom), soit «je suis d’accord mais..», soit «je voudrais rajouter…». Ainsi, avec ce protocole artificiel, les idées s’échangent.
La communauté philosophique est créée. Les enfants sortent
au bout de plus d’une heure enchantés (après enquête objective des services de la médiathèque !).
Il n’y a pas eu de miracle d’intersubjectivité dialectique. Sur
ce thème, comme sur les autres («c’est quoi parler», «la différence», «la solidarité»…) aucune conceptualisation n’a pointé
sa frimousse. L’adulte n’a pas eu l’impression que sa petite scienPhoto tirée du film Ce n’est qu’un début © X-D.R
ce pédagogique fasse du philosophique
avec les présences humaines toutes
innocentes, colorées, de ces banlieues
où la république persiste encore avec ses
profs, ses travailleurs sociaux et
municipaux. Mais des miracles
philosophiques se sont produits. Dans
ce cadre, strictement protocolaire, les
enfants s’écoutent. Du fait de l’assise au
sol et en cercle, d’un président parmi
leurs pairs, de questions difficiles (mais
stimulantes pour eux), il n’y a aucun
surplomb dédaigneux des 12 ans envers
les 8 ans ; on demande la parole, on dit
bien «je suis d’accord» (ou pas),
l’anecdotique n’a point besoin d’asseoir
sa place puisque les questions sont très
générales. Des perles d’intelligence -ou
d’éclat d’esprit, comment appeler
ça…?- surgissent parfois, comme celle
du petit Zaïdou pas d’accord avec la
conception du souvenir de sa camarade
Radmanaz, puisque des pensées nous
viennent parfois alors qu’on n’y pense
pas...
Alors quoi ? Participation d’enfants à
des débats, fortification de l’esprit critique,
mise à mal de «l’école-mémorisation»,
destruction du cours magistral… c’est
une révolte ? Non madame ou monsieur le professeur, c’est une…
RÉGIS VLACHOS
78 ADHÉRENTS
Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages !
Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre
(1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent)
Le Gyptis
2 invitations par soir
Pour Le Malade imaginaire
mes Alexis Moati et Pierre Laneyrie
le 14 déc à 19h15
le 15 déc à 19h15
le 16 déc à 20h30
le 17 déc à 20h30
Pour Roméo et Juliette
mes Françoise Chatôt
le 10 janv à 20h30
le 11 janv à 19h15
le 12 janv à 19h15
le 13 janv à 20h30
le 14 janv à 20h30
le 17 janv à 20h30
le 18 janv à 19h15
le 19 janv à 19h15
le 20 janv à 20h30
le 21 janv à 20h30
Au-delà de ce quota, tarif réduit dans
la limite des places disponibles
04 91 11 00 91
Le Lenche
1 place offerte pour 1 achetée
Pour Le Masque du singe
Du 10 au 14 janv
Pour Le Fils de l’homme
Du 17 au 21 janv
04 91 91 52 22
Les Bancs Publics
1 place offerte pour 1 place achetée
pour tous les spectacles
04 91 64 60 00
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
Librairie Maupetit
© Agnès Mellon
Le Greffier de Saint-Yves
(Marseille 1er)
librairie générale et juridique
10 rue Venture
5% de réduction
sur tous les livres
Théâtre Vitez (Aix)
4 invitations
Pour Une phrase pour ma mère
mes de Jean-Marc Bourg
le 15 déc à 20h30
04 42 59 94 37
L’histoire de l’œil (Marseille 6e)
25 rue Fontange
5% de réduction
sur tous les livres
3bisf (Aix)
Entrées et visites gratuites sur
réservations
04 42 16 17 75
L’institut culturel italien
3 adhésions annuelles
d’une valeur de 32 €, cette «carte
adhérent»
vous donnera accès à tous les services
de l’Institut,
médiathèque et programme culturel.
Demande par mail :
[email protected]
ou au 04 91 48 51 94
Librairie Apostille (Marseille 6e)
104 Cours Julien
5% de réduction
sur l’ensemble du magasin
La Minoterie
Tarif réduit pour toutes les
représentations
8€ au lieu de 12€
04 91 90 07 94
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Edité à 30 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
Théâtre des Ateliers (Aix)
Tarif réduit à 10€ au lieu de 15€
Pour Voyage sur place
mes Alain Simon
les 18 et 19 janv à 21h
04 42 38 10 45
Librairie Maupetit (Marseille 1er)
La Canebière
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie L’écailler (Marseille 1er)
2 rue Barbaroux
5% de réduction
sur tous les livres
Secrétaire de rédaction
spectacles et cinéma
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Secrétaire de rédaction
Magazine et livres
Delphine Michelangeli
[email protected]
06 65 79 81 10
Secrétaire de rédaction
arts visuels
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
06 64 97 51 56
Conception maquette
Max Minniti
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Librairie Imbernon (Marseille 8e)
spécialisée en architecture
La Cité Radieuse
280 bd Michelet, 3e étage
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Arcadia (Marseille 12e)
Centre commercial Saint Barnabé
Village
30 rue des électriciens
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Prado Paradis (Marseille 8e)
19 avenue de mazargues
5% de réduction
sur tous les livres
10% de réduction
Sur la papeterie
Librairie de Provence (Aix)
31 cours Mirabeau
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Au poivre d’Âne (La Ciotat)
12 rue des frères Blanchard
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Le Jardin des Lettres
(Saint-Maximin)
11 rue Général de Gaulle
5% de réduction
sur tous les livres
Librairie Le Bateau blanc (Brignoles)
10 rue de la République
5% de réduction
sur tous les livres
Art-Cade – Les Grands Bains Douche
de la Plaine
Une adhésion et une consommation
au bar de la galerie
04 91 47 87 92
Mina Kouk (restaurant/traiteur/salon
de thé)
Fabrication de fondants et croustillants
Sud Méditerranée
Vous offre une citronnade maison
21 rue Fontange, Marseille 6e
Du lundi au samedi de 9h à 19h, le
soir sur résas.
Livraison
04 91 53 54 55
L’imprimeur Magenta
10% de remise sur tous travaux
d’impression
04 91 32 64 54
Auto Partage Provence
6 mois d’abonnement gratuit d’essai
vous disposez d’une voiture quand
vous le souhaitez,
à réserver par téléphone ou Internet,
24h/24, 7j/7,
selon vos besoins
04 91 00 32 94
www.autopartage-provence.com
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Polyvolantes
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Maryvonne Colombani
[email protected]
06 62 10 15 75
Dan Warzy
[email protected]
Marie-Jo Dhô
[email protected]
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Élise Padovani
[email protected]
Ont également participé à ce numéro :
Yves Bergé, Émilien Moreau, Gaëlle
Cloarec,Christophe Floquet, Thomas
Dalicante, Aude Fanlo, Clarisse
Guichard, Pierre-Alain Hoyet,
Christine Rey
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Photographe
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Chargé de diffusion
Jean-Mathieu Colombani
06 03 28 60 47
[email protected]