Da Vinci Code - Diocèse de Valence

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Da Vinci Code - Diocèse de Valence
PARENTS & ENFANTS
Ce que les parents
attendent de l’école
www.la-croix.com
Mercredi 17 mai 2006 – Quotidien n° 37446
CAHIER CENTRAL
1,10 €
Décoder « Da Vinci Code »
Editorial
Par le haut
Par Dominique
Quinio
En salles aujourd’hui, le film « Da Vinci Code » provoque des réponses
argumentées de toutes les Églises chrétiennes.
L’engouement médiatique pour cette fiction fournit une occasion
de repréciser les fondements de la foi P. 3 à 8
E
n parler ou pas, telle n’est
déjà plus la question. Le
piège s’est refermé. Le déferlement médiatique autour du film
tiré du roman Da Vinci Code est,
en soi, un phénomène. Le commenter revient à alimenter la
campagne marketing, d’une efficacité redoutable. Assumons.
Pour l’Église catholique, clairement visée par l’argument du
livre, c’est mission impossible.
Doit-elle contre-attaquer vigoureusement ? Les promoteurs du
film n’attendent que la polémique, et les esprits critiques des
arguments pour confirmer leur
vision d’une institution intolérante, enfermée sur ses secrets
et ses mensonges. Fait-elle le
choix de la réserve ? Ce sont les
croyants troublés dans leurs
convictions ou les chercheurs
de Dieu en attente de clarifications qui risquent de se trouver
abandonnés à leur désarroi, à
leurs questions.
Alors, d’une manière spontanée, de nombreuses communautés et divers mouvements,
des théologiens et des pasteurs
ont choisi une réponse « par le
haut », profitant de la circonstance pour dire clair et fort quel
est ce Dieu en qui ils croient.
Sans vindicte, même s’ils se
sentent blessés par l’image du
Christ ainsi malmenée, ils se
veulent attentifs aux lecteurs
ou spectateurs en recherche.
Démêler les approximations,
débusquer les pseudo-certitudes scientifiques, faire la part
de l’histoire et celle de l’imagination, c’est aussi ce nous
voulons proposer aujourd’hui,
à partir des thèses du roman,
avant d’avoir vu le film qui sera
dévoilé à Cannes, en ouverture
du Festival.
On peut s’agacer de l’inculture
de nos sociétés, de leur goût
prononcé pour l’ésotérisme (qui
progresse au fur et à mesure que
décroît la place des religions) et
de leur suspicion-réflexe envers
l’Église et son enseignement. On
peut se désoler de l’immense
succès d’un livre sans génie et
de la crédulité de ses lecteurs :
selon différents sondages, une
forte minorité de Français se dit
convaincue par le roman (mais
en quoi croyaient-ils avant de
l’avoir lu ?). Les autres, heureusement, n’y voient qu’une fiction
efficacement menée, dans un
univers, le Vatican, mal connu.
Les bandes-annonces du film
cultivent, quant à elles, l’ambiguïté : « Cherchez la vérité », conjure l’une d’elles. Sans attendre
leur paradoxale injonction, des
chrétiens l’ont prise au mot. Et
le piège se desserrera.
La station de métro Concorde, à Paris, a été entièrement retapissée il y a une semaine d’images du film : ici, La Joconde.
DE ROSA/STARFACE
Haut fonctionnaire,
un art de la négociation
P. 25
FRANCE
M ONDE
Des centaines de Marocains
toujours en prison, trois ans après
P. 17
P. 9 les attentats de Casablanca
L’ONU appelle la Syrie à ouvrir
Entretien avec le président
P. 18
de la Cimade sur le projet de loi une ambassade au Liban
sur l’immigration choisie P. 10 Une croissance durable s’installe
peu à peu en Afrique
P. 20
L’essor inquiétant des actes
de délinquance filmés
P ORTRAIT
par téléphone portable
P. 11 Wenger, globe-trotteur du foot P. 12
Très vifs échanges
entre parlementaires autour
de la motion de censure
Services
Bourse .................................................. P. 22
Carnet ................................................... P. 24
Liturgie ................................................. P. 24
Météo ................................................... P. 24
Mots croisés ..................................... P. 24
Petites annonces ............................P. 21
123e année-ISSN/0242-6056.
Italie : 1,50 € ; Belgique : 1,10 € ;
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2 € ; Côte d’Ivoire/Sénégal/Congo et
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« Da Vinci Code » dans les salles
la Croix
Mercredi 17 mai 2006
3
Les chrétiens répondent
sans polémiquer
P Le film « Da Vinci Code » ouvre le Festival de Cannes et sort aujourd’hui en salles P Face à la polémique,
« La Croix » établit la part du vrai et du faux d’un phénomène culturel mondial qui met en cause l’Église
P Prudent, le Vatican évite de participer à la publicité, mais des chrétiens se mobilisent
REPÈRES
LE LIVRE
C 50 millions
d’exemplaires vendus dans
le monde depuis la sortie du
Da Vinci Code en avril 2003.
C En France, le livre édité
chez J.-C. Lattès, s’est
vendu à cinq millions
d’exemplaires toutes
éditions confondues (dont en
poche chez Pocket). À titre de
comparaison le Catéchisme de
l’Église catholique, considéré
comme un best-seller, s’était
vendu en France à 500 000
exemplaires.
LE FILM
C Présenté hier soir,
en avant-première du
Festival de Cannes, il est
aujourd’hui dans 800 salles
à travers la France.
L’INTRIGUE
FRANCESCO ACERBIS/EDITINGSERVER
Au Louvre, devant La Joconde, depuis longtemps source de fantasmes – Dan Brown n’a rien inventé sur ce point –, la foule ininterrompue s’agglutine.
Une crédibilité apparente
C Au-delà des inexactitudes ayant trait au
christianisme, Dan Brown donne une version
non avérée, et parfois totalement imaginaire, de
certains éléments de l’histoire. À commencer
par ce fameux « prieuré de Sion », qui apparaît
dès la première ligne de son roman, dans
l’introduction intitulée « Les faits » : « La société
secrète du Prieuré de Sion a été fondée en
1099, après la première croisade. » En réalité,
le seul « prieuré de Sion » dont l’existence est
avérée, comme le rappellent Marie-France
Etchegoin et Frédéric Lenoir dans Code Da
Vinci, l’enquête (lire p. 6), est une association
loi 1901, dont les statuts ont été déposés à la
sous-préfecture de Saint-Julien-en-Genevois
(Haute-Savoie), le 25 juin 1956, par un certain
Pierre Plantard ! Dessinateur industriel dans une
usine de poêles, occultiste d’extrême droite,
Pierre Plantard donnait des consultations
d’astrologie sous le pseudonyme de Chyren,
le nom du « Grand Monarque » à venir selon…
Nostradamus ! Il est mort il y a six ans.
Les « dossiers secrets » émanant de cette
association étaient des faux.
Le livre ajoute encore qu’au rang de ses grands
maîtres, le prieuré de Sion a compté ni plus ni
moins Léonard de Vinci, Isaac Newton, Victor
Hugo et Jean Cocteau. Le tout, encore une
fois, dans la bouche d’historiens présentés
comme spécialistes. Affirmations totalement
imaginaires. Sur Léonard de Vinci, le livre donne
des détails étonnants… et non avérés, idem
pour la description de l’église Saint-Sulpice, à
Paris. « Toutes les descriptions de monuments,
d‘œuvres d’art, de documents et de rituels
secrets évoqués sont avérées », affirme pourtant
Dan Brown en introduction du roman. Une
première page qui donne le ton, mais qui mérite
démystification…
P. S.
U
.
n : Jésus s’est marié avec Marie-Madeleine. Deux : ils ont eu une fille
dont la descendance est à l’origine
de la lignée mérovingienne des rois
de France. Trois : « le Vatican » a caché tout
ça depuis le début pour asseoir un pouvoir
patriarcal et supprimer le culte du « féminin
sacré » de la religion païenne pré-chrétienne.
Quatre : seule la société secrète du Prieuré de
Sion sait la vraie vérité, et la transmet aux
initiés qui sont la cible de l’Église catholique
et de ses milices, notamment l’Opus Dei.
Voilà en gros la toile de fond du Da Vinci
Code, roman de Dan Brown dont l’adaptation cinématographique sort aujourd’hui en
salles. Il s’agit bien d’un roman qui distille sur
plus de 500 pages des assertions historiques
non avérées ou démontrées comme fausses
mais qui sont mises dans la bouche d’historiens présentés comme illustres et mêlées à
des éléments historiques authentiques. « De
telle sorte que les éléments inventés semblent
appartenir à l’histoire », souligne Bernard
Sesboüé, théologien jésuite au Centre Sèvres
à Paris (lire bibliographie p. 6). Qu’est-ce qui
est avéré ? Qu’est-ce qui est faux ?
Jésus s’est-il marié
avec Marie-Madeleine ?
C Une chose est sûre : aucun texte n’affirme
que Jésus s’est marié. Ni avec une certaine
Marie-Madeleine, ni avec personne. Comme
d’autres avant lui, Dan Brown soutient que
Jésus, en bon juif et en bon rabbin, devait
être marié. L’exégète américain John Meier a
réfuté l’argument : le judaïsme à l’époque de
Jésus était divers, et certains groupes, comme
celui des Esséniens, pratiquaient le célibat et
prônaient la chasteté. Rien d’anachronique
donc à ce que Jésus ait été célibataire.
Quant à Marie-Madeleine, on en sait peu
de chose. Qui est-elle ? Il s’agit au départ de
la transcription de Marie de Magdala, celle
qui a découvert le tombeau vide de Jésus. Mais
le personnage populaire s’est peu à peu enrichi
de deux autres femmes citées dans les Évangiles : Marie de Béthanie et la « pécheresse », celle
qui vient verser du parfum sur les pieds de Jésus
lors d’un dîner chez Simon le Pharisien. Il n’est
jamais question de mariage dans les quatre
Évangiles canoniques, que se garde bien de
citer Dan Brown. Quelles sont ses sources ? Il y
a l’évangile apocryphe de Philippe qui dit : « Le
Seigneur aimait Marie plus que tous ses disciples
et il l’embrassait souvent sur la bouche. » Écrit
bien plus tard que les Évangiles canoniques
(reconnus par l’Église), c’est-à-dire au plus tôt
au IIIe siècle, c’est en outre le seul texte, même
parmi les apocryphes (textes non reconnus par
l’Église), à faire une mention si intime. Mais,
prétend Dan Brown, beaucoup d’autres sources relataient cette relation mais ces « premiers
Évangiles furent déclarés contraires à la foi, rassemblés et brûlés » par l’Église.
L’Église a-t-elle manipulé les
Évangiles pour cacher les noces
de Jésus et de Marie-Madeleine ?
C Pour Dan Brown, c’est au concile de Nicée
(325) que l’empereur Constantin a écarté les
Évangiles « dérangeants » car « évoquant les aspects humains de Jésus ». Et donc : ses relations
avec Marie-Madeleine… Or, en fait, le canon
des Écritures n’a jamais été établi par Constantin au concile de Nicée. Le consensus progressif
portant sur les « textes reconnus » de la Bible est
en effet antérieur à ce concile, hormis quelques
écrits intégrés… après Constantin. Trop tardifs
ou incohérents, certains textes ont été écartés du
canon. Mais non brûlés… Constantin et le concile de Nicée ne sont pour rien dans la version
« officielle » de la Bible chrétienne. Le concile de
Nicée, d’ailleurs, n’a pas eu pour but de fixer le
canon des Écritures, mais de traiter de la PPP
PIERRE SCHMIDT
(Lire suite p. 4)
C Un conservateur du Louvre
est sauvagement assassiné.
Robert Langdon, spécialiste
des symboles religieux,
enquête sur la piste
du mystérieux « prieuré
de Sion » qui protège la
« descendance cachée »
de Jésus et Marie-Madeleine.
L’INFLUENCE
C 30 % des Français
croient que les théories
du roman de Dan Brown
sont « totalement vraies »
ou « plutôt vraies », selon un
sondage Ipsos pour Famille
chrétienne. Un chiffre qui rejoint
le sondage BVA pour Science
et vie, qui indique que 30 % des
Français connaissant le Da Vinci
Code sont « prêts à croire
qu’il s’inspire de faits réels ».
24 % en seraient « tout à fait
convaincus ».
C Sur Marie-Madeleine, 9 %
des Français estiment qu’elle est
l’épouse de Jésus, selon Ipsos,
14 % sa maîtresse (des chiffres
qui montent respectivement à
24 % et 25 % chez les lecteurs
du Da Vinci Code).
C Outre-Atlantique, 13 %
des Américains et 17 % des
Canadiens disent croire à la
thèse d’une descendance de
Jésus.
C En ce qui concerne
Jésus, 41 % des Français
répondent qu’il s’agit d’un
homme, 23 % d’un prophète
et 9 % d’un imposteur. Ils ne
sont que 19 % à être en accord
avec le dogme de l’Église selon
laquelle il est homme et Dieu.
58 % se déclarent « pas du
tout d’accord » ou « plutôt pas
d’accord » avec l’affirmation
selon laquelle « Jésus est mort
et ressuscité ».
C Sur l’Église, 80 % des
Français estiment qu’elle a été
« inventée par les hommes » et
16 % qu’elle a été « fondée par
Jésus-Christ ».
4
« Da Vinci Code »
la Croix
Mercredi 17 mai 2006
PPP divinité de Jésus pour répondre à la crise provoquée par Arius
– prêtre d’Alexandrie du IVe siècle
pour qui Jésus n’était pas pleinement Dieu. Divinité confirmée par
le Concile, et à une forte majorité,
contrairement à ce qu’affirme Dan
Brown, selon qui Jésus n’était considéré avant Nicée « que comme un
prophète mortel ». Inexact : c’est justement parce qu’il y avait débat sur
cette question qu’a été convoqué le
concile de Nicée.
C C’est l’étonnante thèse que
reprend Dan Brown qui puise à
deux sources. D’abord les livres
de Gérard de Sède, un vicomte
rebelle et trotskiste qui réinvestit
au XXe siècle la légende de Rennesle-Château et dévoile ce « secret » :
les Mérovingiens seraient descendants de Marie-Madeleine et Jésus. Autre source : L’Énigme sacrée,
écrit dans les années 1980 par trois
Anglo-Saxons – un écrivain, un
producteur de télé et un passionné
d’histoire – qui reprennent la même
thèse, la greffant sur une légende
traditionnelle de Marie-Madeleine,
selon laquelle elle aurait fini ses
jours en Provence. À cette légende
ils ajoutent ceci : Marie-Madeleine
est venue en Provence… avec un
ou plusieurs enfants de Jésus, perpétuant le « sang réal ». Un « secret »
gardé pendant des siècles grâce au
Prieuré de Sion, autre thèse romanesque de Dan Brown qui puise là
encore à des sources plus récentes
que les apocryphes, et plutôt troubles.
Le pape Clément V
a-t-il décidé de détruire
les Templiers ?
C Non, contrairement à ce qu’affirme Dan Brown. C’est en réalité
le roi de France Philippe le Bel qui
décida de s’en prendre à eux, et
arrêta les Templiers de France en
1307. Une décision mue à la fois
par un objectif financier – le roi
convoitait les richesses des Templiers – et politique – il visait le
pape, sous la protection duquel
les Templiers s’étaient placés. À ce
propos d’ailleurs, Dan Brown parle
régulièrement du « Vatican », même
concernant Clément V qui était
pape à Avignon et alors que le Vatican n’a été résidence principale des
papes qu’à partir du XIVe siècle.
L’Opus Dei est-il
une société secrète
influente de moines qui
tuent et se flagellent ?
C C’est grosso modo l’image qui
traverse le roman, même si, à la
fin, l’Opus Dei est innocenté. Commençons par relever une erreur, là
encore, plutôt grosse : Dan Brown
campe le personnage de Silas,
moine de l’Opus Dei. Or, il n’y a pas
de moine à l’Opus Dei, qui n’est pas
un ordre religieux, mais une association de laïcs et de prêtres – et
d’ailleurs il y a beaucoup plus de
laïcs que de prêtres. Fondé en 1928
par un prêtre espagnol, Josémaria
Escriva de Balaguer – canonisé par
Jean-Paul II en 2002 – l’Opus Dei a
certes déjà fait l’objet de plaintes
par d’anciens membres et suscite
des critiques mais le portrait fait
par Dan Brown « prête à sourire tant
la caricature est manifeste », estime
Bernard Sesboüé. En revanche, la
mortification, souvent évoquée
dans le Da Vinci Code, le port du
cilice en l’occurrence, est pratiquée
par des membres de l’Opus Dei.
PIERRE SCHMIDT
JEAN-CHARLES MARTEL/ARTEDIA
Les Mérovingiens
sont-ils les descendants
de Jésus ?
L’église Saint-Sulpice, à Paris, utilisée par l’intrigue de Da Vinci Code, connaîtra sans doute un nouvel afflux de visiteurs avec la sortie du film tiré du roman.
T Sans esprit polémique, des fidèles souhaitent saisir l’occasion de la sortie de ce film
pour expliquer l’Évangile et mieux faire comprendre leur foi
Face au « Da Vinci Code »,
des chrétiens veulent ouvrir le dialogue
J
uste avant la sortie du film
Da Vinci Code, rares sont
les remarques, dans les milieux chrétiens, comme celle
avancée par le P. Dominique Roy,
chargé de la communication dans
le diocèse de Troyes, qui résume
ainsi l’opinion du conseil épiscopal : « On a pensé que moins on en
parlait, mieux c’était ! » Il semble,
au contraire, qu’en bien des lieux
où s’expriment les croyants, on
estime devoir réagir, non en criant
au scandale, mais plutôt en ouvrant
le dialogue. Le film n’est pas encore
sorti sur les écrans que déjà des
groupes se sont formés, des paroisses se mobilisent, des sites Internet
se créent. Tous veulent saisir l’occasion de l’événement pour répondre
aux questions que ne manquera
pas de se poser le grand public sur
le Christ et Marie-Madeleine, sur
l’Église ou encore sur l’Opus Dei.
« Nous voulons profiter de l’occasion où les projecteurs sont braqués
sur Jésus pour informer », assure Arnaud Gency, un des membres très
engagés de l’Opus Dei en France.
Alors que la prélature aurait pu
s’insurger contre la caricature qui
vise l’œuvre, elle souhaite « donner de l’information posément,
pacifiquement… C’est le “teaching
moment” », indique Arnaud Gency,
pour insister sur l’axe pédagogique de l’action menée. Aussi des
conférences de presse ont-elles
été organisées à Paris, Strasbourg,
Toulouse, Grenoble ou Marseille.
Des brochures sont éditées, L’Opus
Dei en question, ou encore L’Opus
Dei et le Da Vinci Code.
Plus largement, les chrétiens
désirent témoigner. Le P. Bernard
Sesboüé, théologien, sur le site
www croire.com, veut « clarifier les
choses au plan de la foi chrétienne ».
Auteur d’un ouvrage de référence
au Seuil (lire p. 6), il est d’autant utilisé un livret écrit par le prêtre
plus motivé qu’il estime que « c’est anglican Niki Gumbel (1), « pour
le mystère chrétien dans la person- aider à engager la discussion, indinalité du Christ » qui est soumis à que Florence de Lyeritz, organisacritique. Le P. Joël Boudaroua, du trice de ce groupe en France. Il ne
couvent dominicain de Bordeaux s’agit pas d’une réfutation agressive,
où se tiennent les conférences du mais de répondre à la vraie soif spicollège universitaire Saint-Domi- rituelle qui se manifeste à cette ocnique, a préparé deux conférences casion. » Étonnante, d’ailleurs, cette
dans lesquelles il montre que le envie que des croyants expriment
Da Vinci Code est une « histoire d’utiliser le film pour témoigner de
alternative », c’est-à-dire parallèle leur foi : « Mon but ? Faire parler des
à la vraie, une de plus qui s’inscrit gens qui ne vont jamais à l’Église,
dans un genre littéraire existant et les rencontrer… au cinéma », radepuis des lustres.
conte le P. Jean-Paul Klein, prêtre à
Ce sont souvent les prêtres euxLongwy (Meurthemêmes, formés à la théologie, « Il ne s’agit
et-Moselle),
qui
qui s’y collent. Mais les laïcs et pas d’une
s’est associé avec le
les jeunes, en particulier dans le réfutation
ciné-club de sa ville
diocèse de Paris, ont organisé la agressive,
pour lancer des
riposte : « Une dizaine de jeunes mais
débats à partir de
cathos du diocèse qui travaillent de répondre
films illustrant des
dans les nouvelles technologies à la vraie soif
passages de la Biont voulu montrer, à l’exemple spirituelle qui ble. Cette fois, c’est
de sainte Marie-Madeleine, se manifeste
Mary, le film d’Abel
comment on peut changer de à cette
Ferrara, qui sera
vie grâce à l’amour du Christ », occasion. »
visionné le 16 mai,
explique Mathilde Henry, de
mais le P. Klein sait
la communauté de l’Emmanuel, que la discussion dérivera sur le
laquelle a produit un hors-série Da Vinci Code. De même, le P. Nide sa publication Il est vivant tiré colas Guillou, aumônier du MEJ à
à 450 000 exemplaires. Mathilde Rennes, animateur d’une émission
est à l’origine du site www.davinci- sur RCF Alpha, « Happy hour », a
codex.com, outil d’évangélisation négocié des places de cinéma pour
qui sert « à rétablir la vérité et à que des jeunes puissent s’y rendre
annoncer la Bonne Nouvelle ». Ce dès que le film sortira, afin d’en disgroupe aidera en outre à accueillir cuter ensuite sur les ondes : « Il faut
les visiteurs qui vont affluer de vivre dans la culture du monde et y
nouveau à l’église Saint-Sulpice, oser une parole », relève-t-il.
endroit utilisé par l’intrigue du
Préparée de longue date, une
Da Vinci Code. Ils iront aussi dans autre initiative mérite d’être soud’autres paroisses parisiennes pour lignée : celle des séminaristes de
organiser des soirées-débats.
Caen. Le P. Régis Rolet, supérieur
Autres groupes de laïcs : les cours du séminaire, pense « qu’il était
Alpha, qui s’adressent à des per- bon de prendre connaissance du
sonnes éloignées de l’Église. Leurs Da Vinci Code car il constituait un
responsables, sidérés par l’énorme fait de société. » Les « 5e année » qui
sursaut de fréquentation de leur se préparent à la pastorale se sont
site lorsque le roman est paru, ont donc emparés du livre, devenu
l’objet d’un module de formation,
pour apprendre à répondre aux
questions qu’il pouvait susciter. Il
en est sorti un DVD de vingt-six minutes produit par le Centre d’études
théologiques de Caen (2).
La presse chrétienne s’est aussi
largement mobilisée. Par exemple,
Famille chrétienne publie un cahier
supplémentaire dans quatre numéros et fait passer son tirage de
70 000 à 100 000 exemplaires. Édité
par Bayard, l’hebdomadaire Pèlerin
a publié un dossier pour aider les
lecteurs à entrer dans le décryptage de l’œuvre, ouvert un blog sur le
thème (www.pelerin.info/blog/davincicode) et reviendra sur le sujet.
« Il faut donner des billes à ceux qui
nous lisent, il y va de notre responsabilité de journal », confie son
directeur, René Poujol. Le Da Vinci
Code fait, certes, couler de l’encre.
En France, il contribue à mobiliser
les forces vives de l’Église.
LOUIS DE COURCY
(1) Le Da Vinci Code, une réponse. Contact : [email protected]
(2) Le Da Vinci Code en questions, des
séminaristes répondent à Dan Brown.
Disponible au Centre d’études théologiques de Caen, 3, rue Nicolas-Oresme,
BP 6087, 14063 Caen Cedex 04.
dans les salles
PORTRAIT
5
« Ce ne sont pas les attaques
contre l’Opus Dei qui m’importent »
Dan Brown,
écrivain
du secret
NEW YORK
D.R.
De notre correspondante
STÉPHANIE FONTENOY
Mercredi 17 mai 2006
ENTRETIEN
Dans un entretien exclusif à « La Croix », le prélat de l’Opus Dei en explique le fonctionnement
Derrière Da Vinci Code se cache
un auteur discret et lisse qui
prend garde à ne pas s’exposer à
la controverse
C Dan Brown est certainement un
homme hanté, comme son personnage fétiche Robert Langdon,
par les codes, l’occulte et les sociétés secrètes. Mais, contrairement au retentissement mondial
de son
thriller, il mène une vie discrète
qui contraste avec la polémique
autour de son ouvrage. Son rythme est ascétique et sa méthode
parfois radicale : « Si je ne suis pas
au travail à 4 heures du matin, j’ai
l’impression de perdre mes heures
les plus productives. J’aime aussi
me suspendre par les pieds, cela
semble m’aider à résoudre certaines intrigues en inversant totalement ma perspective », a-t-il déclaré dans une interview.
Né en 1964, il grandit en NouvelleAngleterre, une région du nord-est
des États-Unis marquée par une
longue tradition de clubs privés, de
franc-maçonnerie et de secrets,
qui inspirera son œuvre. Fils d’un
éminent professeur de mathématiques et d’une spécialiste de musique sacrée, il évolue depuis toujours dans un monde paradoxal où
se mêlent science et religion.
C’est sa femme, Blythe Newlon,
illustratrice et mordue d’histoire
de l’art, qui l’encourage à se lancer dans l’écriture. L’écrivain dédie
d’ailleurs son Da Vinci Code à son
épouse, qui l’assiste énormément
dans son travail de recherches :
à lui la technologie, à elle l’art.
Brown est également membre de
Psi Upsilon, l’une de ces associations étudiantes américaines séculaires qui partagent codes, rites
et solidarités. Il s’en inspire pour
polir ses thèmes, cocktail d’ésotérisme, de nouvelles technologies
et de suspense, au centre déjà de
ses deux premiers romans, Digital
Fortress, paru en 1998, qui a pour
décor la secrète National Security
Agency, et Anges et démons, paru en 2000. Le succès foudroyant
survient avec la publication du Da
Vinci Code aux États-Unis en septembre 2001.
Devenu multimillionnaire, l’auteur
n’apparaît quasiment jamais en
public. Seul le procès pour plagiat
qui lui avait été intenté à Londres,
et qu’il a gagné, avait permis d’en
savoir plus sur ses motivations.
Dan Brown se considère comme
un chrétien, mais aussi comme
un étudiant de toutes les religions, dont la quête spirituelle est
le travail d’une vie. À ses détracteurs, qui critiquent sa manière
de présenter des faits imaginaires
comme des vérités historiques, il
répond que la vaste majorité des
croyants comprend le caractère
fictionnel de l’ouvrage et considère
Da Vinci Code comme une histoire
divertissante stimulant le débat
sur la spiritualité. « Il est important
de rappeler que le lecteur ne doit
pas nécessairement être d’accord
avec tous les mots du roman pour
s’en servir de catalyseur positif
d’introspection et d’exploration de
la foi », affirme-t-il.
la Croix
Mgr Javier Echevarria
Rodriguez,
prélat de l’Opus Dei
L.
’Opus Dei fascine et agace à
la fois. En quoi son message
correspond-il aux besoins
des chrétiens aujourd’hui ?
Mgr Javier Echevarria : L’Opus
Dei fait écho à l’appel que le Christ
a adressé à tous : « Soyez parfaits
comme mon Père est parfait » (Mt 5,
48). La mission de la prélature est
de diffuser ce message et d’offrir
une aide pour sa mise en pratique
dans la vie ordinaire, spécialement dans le travail professionnel.
La spiritualité de l’Opus Dei met
l’accent sur la joie que l’on peut
trouver dans la sanctification du
travail, sur la valeur des petites
choses quand elles sont faites par
amour.
– Vos liens avec le pape font partie de votre identité. Comment
cela se manifeste-t-il ?
– Comme prélat de l’Opus Dei, je
suis nommé par le pape, auquel je
rends compte par l’intermédiaire
de la Congrégation des évêques,
avec un rapport quinquennal
comme le font les diocèses. La
mission de l’Opus Dei est clairement encadrée par les statuts que
le Saint-Siège lui a donnés.
– On vous accuse souvent d’être
une « Église dans l’Église ». Votre
statut de prélature personnelle
est unique. Pourquoi refuser de
dépendre des évêques locaux ?
– L’Opus Dei n’est pas une Église
particulière mais il présente une
certaine analogie avec les diocèses : un prélat, un clergé qui lui est
propre, sa « cathédrale » (l’église
Sainte-Marie-de-la-Paix, à Rome),
son tribunal, etc. Au sein de la
prélature il y a une coopération
organique entre laïcs et prêtres,
en vue d’une mission qui n’est pas
sectorielle : réconcilier le monde
avec Dieu, selon la belle formule
de saint Paul. Les prêtres incardinés dans la prélature, environ
1 900 aujourd’hui – et j’aurai la
joie d’en ordonner 35 le 27 mai –
dépendent de moi. Les fidèles
laïcs, quant à eux, ne dépendent
de moi que pour ce qui concerne
leurs engagements spirituels et
apostoliques dans la prélature.
La majorité d’entre eux vont à la
messe dans leur paroisse.
– N’y a-t-il pas risque de confusion des rôles avec les évêques des
diocèses où vivent vos membres ?
– Aucune confusion n’est possible
car les juridictions se juxtaposent,
sans jamais empiéter l’une sur
l’autre. Les fidèles de l’Opus Dei
s’efforcent de répondre aux orientations de l’évêque de leur diocèse,
comme tous les catholiques animés d’une authentique sensibilité
ecclésiale. La prélature est comme
un service que l’Église universelle
apporte aux Églises particulières.
Bref, l’Opus Dei est une toute
petite partie de l’Église, mais pas
une « Église dans l’Église ». Cette
accusation a été propagée en 1981
par des personnes qui ont mis de
grands moyens financiers au service d’une cause perdue puisqu’il
s’agissait d’une calomnie.
– Qu’en est-il de la pratique du cilice et de la discipline (abondamment mentionnée dans le livre Da
Vinci Code) ? Se faire souffrir a-t-il
une signification aujourd’hui ?
– Vous posez une question très
marginale par rapport à la réalité de l’Opus Dei. Saint Josémaria
Escriva (fondateur de l’Opus Dei)
aimait dire que les meilleures
pénitences sont celles qui sont
inhérentes au travail, celles que
suppose la vie ordinaire. Il parlait
par exemple du sourire lorsque l’on
est fatigué, de bien terminer le
travail commencé, de savoir
écouter les autres avec patience
et compréhension. Quant à
la mortification corporelle,
elle appartient au patrimoine
spirituel de l’Église : Thomas
More, Paul VI, Mère Teresa de
Calcutta, Sœur Lucie de Fatima
l’ont pratiquée, pour ne citer que
quelques noms. Il est possible de
percevoir, même à qui ne croit
pas en Dieu, certains aspects de
la mortification volontaire, comme
la solidarité dans la souffrance, la
maîtrise du corps, l’intérêt d’une
libre révolte face à la tyrannie du
plaisir. Mais, naturellement, la
mortification corporelle doit être
vécue avec bon sens et modération.
– On vous accuse souvent d’être
une puissance financière. Comment êtes-vous financés, et comment vous organisez-vous ?
– La prélature n’a pratiquement
pas d’autres dépenses que l’entretien de ses prêtres. Les bâtiments
nécessaires au déroulement des activités de formation appartiennent
à des particuliers ou à des entités
autonomes, sans but lucratif, dont
pour ma part j’ignore jusqu’au
nom. Évidemment, l’Opus Dei ne
gère aucune activité commerciale
ou financière. Si un fidèle de l’Opus
Dei dirige une entreprise, celle-ci
n’en est pas pour autant liée à la
prélature, de même que s’il gagne
un tournoi de tennis, le mérite lui
en revient. Lorsqu’une initiative
quelconque est prise dans un domaine, par exemple l’aide sanitaire
au Congo, elle revêt la forme d’un
projet qui a son propre financement et doit trouver son équilibre.
Il ne s’agit pas là d’une façade mais
cela correspond à la mentalité professionnelle et laïque des intervenants. Tout ce qu’on raconte donc
est pure fantaisie.
– La pratique du secret est ce qui
contribue le plus aux critiques de
l’Opus Dei. En quoi cela permet-il
une meilleure diffusion des valeurs de l’Évangile ?
– Veuillez bien m’excuser, mais
il me semble que l’argument est
dépassé. Il est de temps en temps
brandi tel un épouvantail, mais
c’est peu crédible. Les centres de
la prélature, leurs directeurs, sont
connus de tout le monde, pour
peu que l’on s’y intéresse. Il y a les
annuaires diocésains, les pages
Ce phénomène montre
aussi que notre société
a un grand besoin
de transcendance,
d’aspiration
vers l’au-delà.
informatiques, le bulletin officiel
de la prélature, Romana. Qu’estce que vous voulez de plus ? On
ne va quand même pas faire une
campagne de marketing comme
s’il s’agissait d’une entreprise
de téléphones portables ! Aucun
fidèle de la prélature ne se cache
comme tel. Saint Josémaria Escriva disait : « J’abhorre le secret. »
Alors ? D’une part, aux débuts de
l’Opus Dei, certains s’étonnaient
que ses membres ne portent pas
un habit religieux. Mais c’eût été
les dénaturer ! D’autre part, le mot
« secret » est racoleur. Le Christ
lui-même nous a dit que si l’on
accomplit des œuvres en vérité, il
faut aller à la lumière, afin qu’il soit
manifeste que nos œuvres sont faites en Dieu (cf. Jn 3, 22). Mais il faut
aussi que la main gauche ignore ce
que fait la main droite (cf. Mt 6, 3).
Les fidèles de l’Opus Dei, j’insiste,
ne cachent pas ce qu’ils sont, au
contraire, puisqu’ils essaient de
faire partager leur bonheur aux
autres. Les mêmes qui vous taxent
de secret vous accuseront de faire
de l’apostolat. Singulière contradiction. Peut-être cela répond-il à
un besoin de tout cataloguer.
– N’y a-t-il pas cependant une
contradiction entre le côté public
de l’œuvre depuis la canonisation
de votre fondateur et son côté
fermé, réservé à ses membres ?
– Comme dans toute réalité humaine, on ne peut pas être à la fois
dehors et à l’intérieur. Vous imaginez que je participe au conseil
de rédaction de La Croix ? Ce n’est
pas ma place. Cela étant, rien dans
l’Opus Dei n’est fermé en soi. Il est
probable que ce soit une des institutions de l’Église les mieux connues aujourd’hui. De fait, au cours
des dernières années, différents
journalistes ont, à leur demande,
partagé durant un temps la vie
quotidienne de fidèles de l’Opus
Dei, y compris ici, à la curie de la
prélature.
– Le livre Da Vinci Code a rencontré un très grand succès. Que
cela dit-il de notre société ?
– Je vais vous surprendre, mais
je n’ai pas lu le livre. J’ai beaucoup d’engagements, et n’ai pas
de temps à perdre avec ce genre
de romans. Je crois que ce succès
est d’abord celui de l’argent. Ce ne
sont pas les attaques contre l’Opus
Dei qui m’importent, mais celles
qui attaquent notre Seigneur, et
l’Église. Cependant, je prie tous
les jours pour l’écrivain, et aussi
pour ceux qui ont fait le film, car
peut-être ne se rendent-ils pas
compte avec leurs propos qu’ils
peuvent blesser des personnes, et
qu’ils blasphèment. Ce phénomène
montre aussi que notre société
a un grand besoin de transcendance, d’aspiration vers l’au-delà.
Mais les gens seront déçus, car le
livre et le film ne répondent pas à
leurs attentes. On voit combien est
importante enfin la nécessité de
formation, religieuse et spirituelle.
Nos contemporains semblent prêts
à écouter n’importe quoi. La perte
de la foi porte toujours à la superstition.
RECUEILLI PAR ISABELLE
DE GAULMYN (à Rome)
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6
« Da Vinci Code »
la Croix
Mercredi 17 mai 2006
T Phénomène d’édition, le succès du « Da Vinci Code » est relayé par le lancement tonitruant du film
Un roman, un film et beaucoup de marketing
Les livres sur le Da Vinci Code
C Le Da Vinci Code expliqué à ses lecteurs, par le P. Bernard Sesboüé,
Seuil, 96 p., 6 €. Un décryptage synthétique et accessible des erreurs de
Dan Brown par un théologien de référence.
C Code Da Vinci : l’enquête Dan Brown, par Frédéric Lenoir et MarieFrance Etchegoin, coll. « Points », 260 p., 6 €. Cet ouvrage rappelle que le
livre exploite des filons fructueux : la théorie du complot et l’ésotérisme.
C Les Impostures antichrétiennes, des apocryphes au Da Vinci Code,
par Joseph-Marie Verlinde, Presses de la Renaissance, 288 p., 18 €, est une
analyse des tentatives pour dénoncer l’Église, veine dans laquelle s’inscrit
l’ouvrage de Dan Brown.
C Le Jésus des chrétiens, par Charles Delhez et Jacques Vermeylen,
Fidélité, 130 p., 8 €. Un autre voyage à la découverte du Jésus que ne
raconte pas Dan Brown.
C Da Vinci Code, les coulisses d’une fiction, par Paul Airiau et Régis
Burnet, CLD, 176 p., 17 €. Une plongée dans les coulisses du livre pour
expliquer les motivations de l’auteur et son succès.
C L’Opus Dei. Enquête sur le monstre, de Patrice de Plunkett, Presses de
la Renaissance, 290 p., 18 €. Un retour sur les erreurs du best-seller et une
défense de l’Opus Dei contre ce que l’auteur qualifie de « calomnie ».
KASKAD FILM/ABACAPRESS
D
.
irectrice générale des
Avant même la présentation du
Éditions JC Lattès, Isa- film, aujourd’hui dans les salles
belle Laffont peut s’enor- françaises et ce soir en ouverture
gueillir d’avoir tiré le gros du Festival de Cannes, la machine
lot en décidant, à l’automne 2002, à vendre s’est remise en route.
d’acquérir les droits d’un polar Depuis deux semaines déjà, l’édiésotérique américain, écrit par un trice française du Da Vinci Code
illustre inconnu. En moins de qua- a garni de nouveau les rayons des
tre ans, le Da Vinci Code est devenu librairies avec le « pavé » de plus de
un phénomène mondial d’édition 500 pages, assorti d’une jaquette
et Dan Brown fait aujourd’hui par- reprenant l’iconographie du film,
tie du club très fermé des auteurs et publie, avec une mise en place
célébrissimes et multimillionnai- initiale de 40 000 exemplaires, le
res. « Ce n’est pas le côté ésotérico- « scénario illustré » du long méreligieux qui m’a attiré, note
trage.
l’éditrice. D’autres livres avaient Les murs
Le roman a, par
déjà prêté une descendance à de la station
ailleurs, produit
Jésus. J’ai plutôt été séduite par de métro
une
littérature
tout ce qui tournait autour des Concorde,
parallèle, surfant
codes secrets. J’ai trouvé l’intri- à Paris, ont
sur le phénomène
gue bien ficelée et le succès d’un été couverts
ou dénonçant les
précédent ouvrage jouant sur la aux couleurs
thèses du livre.
cryptologie me donnait à penser du film et
L’afflux de tourisqu’il y avait une attente du public le quai orné
tes
américains,
pour ce genre de récit. »
venus dès l’été
de motifs.
Traduit dans près de cin2003 hanter l’église
quante langues, écoulé à cinSaint-Sulpice ou les
quante millions d’exemplaires couloirs du Louvre sur les traces
dans le monde (dont cinq millions des deux héros, Robert Langdon
en France), le roman continue de et Sophie Neveu, fait maintenant
rapporter très gros. Toujours en re- l’objet d’une attention soutenue
cherche de filons à exploiter, Hol- des professionnels du tourisme,
lywood s’est emparé de ce colossal qui répondent à la demande en
succès et espère s’assurer le « jack- proposant des circuits sur les lieux
pot » grâce à un réalisateur oscari- décrits dans le roman… Un « audio
sé (Ron Howard, Oscar du meilleur tour officiel Da Vinci Code » va être
film et du meilleur réalisateur en mis en place au Musée du Louvre,
2002 pour A Beautiful Mind), une où une projection spéciale (dont les
star planétaire (Tom Hanks) et une places ont été mises aux enchères
stratégie marketing très au point. sur le site eBay, à partir de 600 €)
Tom Hanks et Audrey Tautou dans Da Vinci Code. Les deux stars seront sur la Croisette pour la projection du film.
sera organisée demain jeudi !
Comment en est-on arrivé là ?
D’abord grâce au livre, qui applique un certain nombre de recettes
éprouvées. Élaboré selon une
technique d’écriture typiquement
américaine, l’ouvrage propose
une succession de courts chapitres, dont les relances successives
incitent à poursuivre, un peu à la
manière des séries télévisées qui
tiennent les téléspectateurs en
haleine à la fin de chaque épisode.
Voilà pour la facilité de lecture.
Le Da Vinci Code doit aussi son
immense succès au mélange des
genres, « entre polar, message crypté, ésotérisme et religion », analyse
Christine Ferrand, du magazine
Livres Hebdo, soulignant que le
cocktail énigme policière-ésotérisme « est tout à fait dans l’air du
temps ». L’efficacité de ce dispositif
est encore décuplée par la « véracité » dont se prévaut l’auteur dès
la première page de ce qui n’est
qu’une fiction.
Les lecteurs choisissent. Les
phénomènes d’édition, signes
d’une attente imprévisible du
public qui se cristallise sur un
ouvrage, gardent toujours une
part de leur mystère. Si un tel
succès ne se décrète pas à coups
de campagnes promotionnelles, il
s’accompagne et s’amplifie grâce
aux outils du marketing. Les promoteurs du Da Vinci Code version
grand écran jouent habilement sur
plusieurs registres. « Dans un cas
comme celui-ci, le film reformule
un succès déjà avéré, note Hélène
Laurichesse, universitaire, spécialiste du marketing du cinéma.
Pour ce genre de productions à
gros budget, visant le public le plus
large possible, la stratégie est généralement quantitative. On investit
massivement pour communiquer
sur le film, sans toujours se poser
la question d’une surmédiatisation
inutile, voire contre-productive.
Mais dans le cas du Da Vinci Code,
il semble qu’un travail qualitatif
ait également été mené, comme si
toute l’artillerie marketing avait
été employée. » Métrobus, qui gère
l’activité publicitaire de la RATP,
a ainsi mis au point une importante campagne d’affichage dans
le métro parisien, avec Gaumont
Columbia Tristar, distributeur du
film (dont le responsable marketing n’a pas souhaité s’exprimer).
Cette opération, classique dans la
forme, a été doublée d’une réalisation de prestige à la station de
métro Concorde, dont les murs
ont été intégralement couverts
aux couleurs du film et le quai
orné de motifs.
Cette surexposition parisienne
n’a pas empêché le distributeur
d’entretenir le mystère jusqu’au
bout, refusant de projeter le film en
entier avant la grande avant-première de Cannes – chambre d’écho
planétaire rejointe en train spécial
par l’équipe du film –, jouant de jeu
du « teasing » destiné à distiller l’information au compte-gouttes pour
susciter le désir et rendre l’attente
« insupportable ». La formidable
couverture de presse, suscitée par
la polémique ou liée à la présence
d’Audrey Tautou à l’affiche du film,
aura encore ajouté à la démesure
d’un lancement qui n’aura rien
laissé au hasard.
ARNAUD SCHWARTZ
T Le « Da Vinci Code » ne doit pas évincer la cinquantaine de films qui seront présentés à Cannes du 17 au 28 mai
A Cannes, il y a aussi un festival de cinéma…
Y
aura-t-il une vie après le
Da Vinci Code ? Une fois
cet arbre dégagé, verronsnous enfin la forêt de la
compétition (1) ? Parlerons-nous un
peu de cinéma, ou l’ombre écrasante
du film de Ron Howard et les vagues
de réactions qu’il suscite vont-elles
continuer d’accaparer les commentaires ?
Si tout va bien, si le Da Vinci Code
ne passe pas en boucle et si l’on s’en
tient au programme annoncé par
les organisateurs, cette 59e édition
du Festival de Cannes devrait
nous faire découvrir 55 films dont
48 en avant-première mondiale.
Dix-neuf sont en compétition pour
la Palme d’or qui sera proclamée,
retour à la tradition, le dimanche
28 mai (et non le samedi), à l’issue
d’un vote arbitré par le réalisateur
hongkongais Wong Kar-waï (In the
mood for love, 2046), premier ci- que Mme Cassel, Monica Bellucci,
néaste chinois choisi pour présider planchera avec le jury) et Flandres,
à cette prestigieuse délibération du sulfureux Bruno Dumont. Envers laquelle tous les regards se fin, hors compétition, Transylvania
tourneront pendant ces onze jours de Tony Gatlif, aura l’honneur de
kaléidoscopiques.
fermer le ban.
Notables différences par rap- Même si
Deux curiosités
port à l’édition 2005 : plus de so- le nombre
attendues dans le
briété et plus faible présence de de cinéastes
contexte
actuel :
réalisateurs connus. La France reconnus
Indigènes, film qui
alignera neuf films dont trois est en déclin,
traite de notre hisen compétition pour la Palme : l’affiche
toire nationale – les
Selon Charlie, de Nicole Garcia de cette
soldats africains de
(avec Jean-Pierre Bacri, Vincent 59e édition
l’armée française
Lindon, Benoît Magimel, Benoît demeure
lors de la Seconde
Poelvoorde) ; Quand j’étais chan- prestigieuse.
Guerre
mondiale
teur, de Xavier Giannoli (avec
–, du réalisateur
Gérard Depardieu, dont c’est le re- algérien, né en France, Rachid
tour à Cannes, et Cécile de France, Bouchareb, avec deux comédiens
maîtresse de cérémonie en 2005 passionnants : Jamel Debbouze et
pour les soirées d’ouverture et de Roschdy Zem. Hors compétition
clôture, remplacée cette année (dans tous les sens du terme) sera
par… Vincent Cassel, pendant présenté Zinédine Zidane, une his-
toire du XXIe siècle, à l’heure des
adieux de la star. Ce documentaire
tourné à 17 caméras polarisées sur
le joueur le temps d’un match, et
réalisé par deux cinéastes venus
de l’art contemporain, Philippe
Parreno et Douglas Gordon, est
d’ores et déjà annoncé comme l’un
des événements marquants de cette
édition.
Même si le nombre de cinéastes
reconnus est en déclin, l’affiche
de cette 59e édition demeure
prestigieuse avec la présence sur
la Croisette des nouvelles œuvres
de l’Espagnol Pedro Almodovar
(Volver), de l’Italien Nanni Moretti (Le Caïman), de l’Américaine
Sofia Coppola (Marie-Antoinette),
du Mexicain Alejandro Gonzales
Inarritu (Babel), du Britannique
Ken Loach (Le Vent se lève), du Finlandais Aki Kaurismaki (Les Lumiè-
res du faubourg). Personne ne peut,
à l’heure du lever de rideau, prévoir
les inévitables surprises, polémiques, scandales, éblouissements
qui vont sortir du chapeau de ce
rendez-vous propice à tourner bien
des têtes. De nouveaux noms émergeront, des œuvres vont s’imposer,
des destins basculer.
Une fois laissée sur le trottoir la
marée humaine des badauds qui
rêvent d’en être, le festivalier, privilégié, plongera dans la caverne
Lumière. Alors, place à l’émotion et
au plaisir incomparable du cinéma.
À moins que la malédiction du Da
Vinci Code ne jette son voile noir sur
les participants…
JEAN-CLAUDE RASPIENGEAS
(1) Nous reparlerons du Da Vinci Code
dans notre édition de jeudi. Cette fois,
le film vu…
la Croix
dans les salles
7
Mercredi 17 mai 2006
T Ces deux hauts lieux du « Da Vinci Code » s’apprêtent à accueillir les curieux de tous pays et de toutes convictions
Déferlante attendue au Louvre et à Saint-Sulpice
L.
es touristes sur les traces
du héros de Da Vinci Code
passeront évidemment par
le Louvre et Saint-Sulpice,
deux lieux mis en vedette dans le
roman de Dan Brown. « Si le musée,
au début réticent, a accepté qu’on
tourne des scènes du film ici, c’est
que la direction a compris l’enjeu
économique de l’événement », observe Yousef, qui travaille au fonds
de documentation multimédias
du Louvre. Ce qui le frappe le
plus, c’est la soif des gens, « leur
volonté de croire à tout prix, même
si c’est faux ». Adnan Carime, chargé
d’accueil au musée, répond avec
l’accent aux Américains curieux :
« Fiqchun ! » (fiction). Et l’un d’eux
de répondre : « Pas grave, la vie
même est une “fiqchun” » !
Devant La Joconde, depuis
longtemps source de fantasmes
– Brown n’a rien inventé sur ce
point –, la foule ininterrompue
s’agglutine. L’imminente sortie du
film Da Vinci Code y est-elle pour
quelque chose ? Difficile de le mesurer avec exactitude, les visiteurs
n’osant avouer clairement qu’ils
sont venus pour cela : « Nous, nous
voulions
visi« Notre
ter le Louvre »,
grand souci
expliquent les
est de ne pas
Orbonez. Mais
transformer
le couple espaces lieux
gnol
précise :
en succursale
« Oui, bien sûr,
du “Da Vinci
on a lu le livre.
Code”
Une œuvre à
et de ne pas
prendre comme
interférer
un roman. Rien
avec l’activité
de plus ! » David
de la
et Jane Taylor,
paroisse. »
venus
d’Australie, sont plus
explicites : « Nous l’avons lu et nous
allons voir le film. » « Les visiteurs
posent beaucoup de questions, c’est
vrai. Je ne trouve pas plaisant de
répondre à ceux qui croient à 100 %
à l’histoire du roman. D’autres prennent la chose à la légère. Là, c’est
plus agréable », confie une guide
qui atteste que les plus intéressés
sont les Américains, tels Will Dupriest, agnostique, s’interrogeant
sur la prétendue liaison du Christ
avec Marie-Madeleine, tandis que
sa femme Christin, catholique, ne
trouve qu’à en rire. Plus surprenante est la réaction de ces lycéennes
de Belfort, qui visitent le Louvre
un peu sous l’injonction de leur
professeur. La Joconde ? Elles n’en
pensent pas grand-chose. Et le Da
Vinci Code ? Elles n’en ont jamais
entendu parler !
On aura plus de répondant à
Saint-Sulpice. Dans le silence ombragé de l’immense église, Andrée
Guttadauro, accompagnée de son
Des retombées lucratives
C Pour une coquette somme
d’argent, un professionnel du
tourisme propose un circuit
dans Paris « sur les traces des
personnages du célèbre roman
de Dan Brown porté à l’écran par
Ron Howard ». Un autre invite
à une visite du Louvre pour
entraîner le visiteur « en plein
cœur de l’intrigue ». Pour bien
plus cher, on propose au touriste
britannique une visite guidée
des principaux sites du bestseller avec une nuit à Londres
et un aller-retour en Eurostar.
Le Da Vinci Code est une affaire
décidément fort lucrative.
époux, Barthélemy, explique ainsi
sa présence : « Nous avons lu le livre
et nous voulions voir certains éléments décrits dans l’ouvrage, dont,
en particulier, le gnomon (instrument astronomique) et les deux
lettres qui figurent sur les vitraux
circulaires, le P et le S. Nous irons
voir le film. Notre intérêt est purement culturel. Nous ne sommes pas
croyants, mais ouverts à toutes les
croyances. Nous avons un ami qui,
lui, est croyant, et nous allons reve-
nir avec lui visiter cette église. » Pour
Christine Vitry, qui fait découvrir
l’édifice à son ami Daniel Jhumun,
Mauricien, le Da Vinci Code est
« l’occasion de remettre tout à plat
et de redémarrer un christianisme
enfin dépourvu de ses défauts. La
plus belle des religions n’est-elle pas
celle du partage sur toute la terre ? »
« Ils nous bassinent avec leur Da
Vinci. Qu’ils relisent la Bible ! Et puis
quoi ! Jésus avait des amis, hommes
et femmes. L’histoire de l’Église
est jalonnée de ces histoires. Elle
a toujours été calomniée. Ce n’est
pas neuf, tout ça », estime, agacé,
Émile Croibier, retraité en visite
à Saint-Sulpice. Sur un ton non
polémique, Michel Rougé, guide
bénévole de l’église, explique la
démarche des accueillants de
Saint-Sulpice : « Notre grand souci
est de ne pas transformer ces lieux
en succursale du Da Vinci Code et
de ne pas interférer avec l’activité de
la paroisse. Alors, nous nous effor-
çons d’accueillir gentiment les personnes, de répondre aux questions,
de leur montrer la vie d’une paroisse
vivante où l’on célèbre, où l’on confesse tous les jours, où des fidèles
prient à la chapelle de la Vierge. »
Pas d’exaspération, mais pas non
plus d’humour nonchalant, face
à la déferlante attendue : Michel
Rougé et ses acolytes se montrent
à la fois ouverts à tous et témoins
pugnaces de la foi catholique.
LOUIS DE COURCY
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« Da Vinci Code » dans les salles
8
la Croix
Mercredi 17 mai 2006
V U D ’A I L L E U R S
Au Vatican, rares sont ceux qui n’ont pas pris position sur le « Da Vinci Code »
PA R O L E S D E
SPÉCIALISTES
A Rome, les cardinaux adoptent
des ripostes variées
« Une bonne
occasion
d’évangéliser »
ROME
John Lambert
De notre envoyée spéciale
permanente
I.
ALESSANDRA TARANTINO/AP/SIPA
mpossible de passer
outre. Ne serait-ce
que parce que l’affiche du film étale
partout dans Rome
ses quatre mots : Il codice Da Vinci. Partout,
sauf sur l’église de San
Pantaleone, pour laquelle le curé a obtenu
le retrait du panneau
qui devait masquer
un échafaudage ! Une
de ces polémiques
romaines qui ne cessent de courir, depuis
l’annonce de la sortie
du film.
Quant aux cardinaux, sollicités par les
journaux, peu d’entre
eux ont pu passer à
travers les gouttes de
Dan Brown : « Je n’ai
pas pu le lire complètement », avoue le
cardinal Jean-Louis
Tauran, rebuté par la
« médiocrité du récit L’église de San Pantaleone, à la fin du mois d’avril. L’affiche, qui recouvrait un échafaudage, a été retirée à la demande du curé.
littéraire ». Le cardinal
Marc Ouellet, archevêque de QuéAgir, c’est aussi l’invitation du car- tout, conclut-t-il, « l’histoire est un cardinal, qui intervenait lors d’une
bec, de passage à Rome, n’était, lui dinal Arinze : « Il existe des moyens combat spirituel ». Et, à combat spi- journée de réflexion sur le catholinon plus, au départ guère enthou- légaux pour obtenir que les uns res- rituel… armes spirituelles. C’est cisme et la littérature au XIXe siècle,
siaste. « Ce sont les jeunes de mon pectent les droits des autres », dit-il la tactique choisie par l’Opus Dei, invite donc à faire preuve de recul :
diocèse qui m’ont poussé à le lire, dans un documentaire réalisé pour institution fortement mise en cause « Pour celui qui connaît l’histoire de
pour que je puisse répondre à leurs Rome Reports, une agence d’infor- par le livre (lire page 5).
l’Église, ce n’est pas la première fois
questions », raconte-t-il. Du cardinal mation multimédias, poussant
C’est aussi ce que recommande que se manifeste un phénomène de
Francis Arinze, préfet de la Congré- ainsi les croyants à saisir les tribu- le cardinal français Paul Poupard : ce type », souligne-t-il. Mais le fait
gation pour le culte divin, au cardi- naux : « Les chrétiens ne doivent pas affronter le défi avec « intelligence ». nouveau, poursuit-il cependant,
nal Camillo Ruini, président de la rester les bras croisés en se contentant La semaine dernière, le responsable c’est « l’ignorance religieuse, l’ignoConférence épiscopale italienne, de pardonner et d’oublier. » Même
rance tout court » et « l’absence de
rares sont ceux qui n’ont pas pris invitation du quotidien catholiculture de base ». D’où, un discerposition. Une surenchère verbale que Avvenire, qui, dans son édinement désormais difficile « entre
qui tranche avec l’habituelle ré- torial du 11 mai, demande que
le conte, le fantastique, et l’attaque,
serve des milieux romains. Seul le les chrétiens boycottent cette
même subtile, de l’histoire et des
pape est resté silencieux, et encore, « colossale mystification ».
valeurs représentées et vécues par
lorsque Benoît XVI a affirmé, le diDangereux, donc, le Da Vinci
l’Église ». Le cardinal Ruini, un
manche 30 avril, que « la résurrec- Code ? Oui, explique en termes
proche de Benoît XVI, n’a pas dit
tion du Christ est le point central du plus mesurés le cardinal Ouellet,
autre chose lorsque, lundi, devant
christianisme, et que la nier comme qui voit là « une de ces tentatives
les évêques italiens réunis en
on a tenté de le faire de différentes consistant à miner l’institution
assemblée plénière, il a souhaité
manières, c’est amoindrir la foi », chrétienne, en ce qu’elle prétend de la culture et du dialogue interre- que l’Église saisisse l’occasion de
chacun y a vu ici une allusion voilée aujourd’hui encore être une autorité ligieux de la curie a, en effet, sans la sortie du film pour « éclairer les
au Da Vinci Code…
dans la société ». Pour le cardinal jamais citer le Da Vinci Code lui- consciences » et engage « un profond
Difficile, cependant, de trouver nord-américain, tout ce « tumulte » même, pointé le grand retour des travail de catéchèse ». Il faut « aider
une homogénéité au milieu de tant est à replacer dans le contexte plus romans fantastiques fondés sur des les personnes à faire clairement la
de prises de parole. Pour certains, vaste d’une sécularisation visant à thèmes « pillés dans l’histoire, dans distinction entre les faits certains
l’Église doit riposter avec vigueur. saper les fondements du christia- l’art, dans le monde religieux », qui sur l’origine et l’histoire du christiaLe premier à tirer ainsi fut le pré- nisme. Mais il est sans inquiétude, ont « massivement conquis le marché nisme, et les œuvres d’imagination
dicateur de la Maison pontificale, car, ajoute-t-il en souriant, cela fait et l’attention des lecteurs » souvent ou les falsifications ».
le P. Raniero Cantalamessa, qui, le partie de la « lutte des esprits » : après « en quête de sacré et de mystère ». Le
ISABELLE DE GAULMYN
jour du Vendredi saint, s’en est pris
avec force aux écrits « pseudo-historiques » sur Jésus-Christ. Même ton,
La stratégie de la « limonade »
pour Mgr Angelo Amato, secrétaire
de la Congrégation pour la doctrine
C 10 janvier 2006. Réunion de crise, à Rome, siège
Les responsables ont appelé cela la « tactique de
de la foi, ancien proche collaborade l’Opus Dei. Les responsables de communication
la limonade ». À savoir : transformer l’amertume
teur du pape, qui n’hésite pas à
de Rome, New York, Londres, Paris, Cologne, Lagos
du citron en boisson sucrée. C’est-à-dire profiter
qualifier le roman de « perversement
et Montréal s’interrogent : comment gérer la sortie
de cette publicité pour retourner la critique en un
antichrétien » le 28 avril. Dénonçant
du film qui fait de l’Opus Dei une organisation
intérêt positif envers le christianisme. Avec quelques
les « erreurs », les « calomnies » et les
criminelle au service d’une Église visant à conforter
ingrédients soigneusement préparés. La politesse :
« insultes » contre l’Église, il affirme :
un « mensonge » vieux de deux mille ans ? Ironie du
jamais de critiques directes. La transparence :
« Si elles avaient concerné le Coran
sort : l’Opus Dei, par ses universités, s’est très tôt
opérations portes ouvertes, points de presse,
ou la Shoah, cela aurait provoqué
positionné sur la communication institutionnelle
communication intense sur le site. Une stratégie
légitimement un soulèvement mondans l’Église, pour laquelle il a déjà formé des
mondiale. Et une attitude positive : pas d’appel au
dial. Mais quand elles concernent
générations de laïcs, dont Joaquin Navarro-Vals,
boycott, « notre rôle est seulement d’offrir toutes les
l’Église et les chrétiens elles restent
porte-parole du pape, est le symbole. Aujourd’hui,
données nécessaires afin que chacun puisse arbitrer
impunies. » Et d’inciter les chréc’est elle qui est attaquée, dans un contexte
librement et en conscience ». Le film fait de l’Église
tiens à rejeter « le mensonge et la
mondialisé, face à une entreprise, Sony, aux
un repaire d’assassins ? L’Opus Dei communique
diffamation gratuite », sur le modèle
moyens financiers considérables. « Plutôt que de
sur des projets en Afrique. Bref, un véritable plan
du « boycottage économique mérité »
porter l’affaire devant les tribunaux, nous avons
marketing de sortie de crise. Qui pourrait être
que les catholiques avaient opposé
choisi de communiquer », confie le porte-parole de
ensuite enseigné sur les bancs des universités de
en 1988 à La Dernière Tentation du
l’Opus Dei, Manuel Sanchez Hurtado. Comment ?
l’Opus Dei…
Christ de Martin Scorsese.
« Les chrétiens
ne doivent pas rester
les bras croisés
en se contentant
de pardonner
et d’oublier. »
Prêtre de l’Église anglicane
à la paroisse Saint-Michael
à Paris
« Le Da Vinci Code contient
beaucoup d’erreurs sur le
christianisme, mais il faut le
prendre pour ce qu’il est : un
roman et une fiction. De ce point
de vue, c’est un excellent thriller
ésotérique qui réussit à faire en
sorte que le lecteur tourne les
pages. Ce qui est inquiétant,
c’est que certains prennent ce
qui y est écrit comme des faits
historiques : c’est contre cela
qu’il faut réagir. Mais il faut
faire attention à le faire avec
une attitude conciliante et sans
agressivité, car on a ici une
bonne occasion de présenter
les choses comme elles sont
et d’évangéliser. C’est le sens
d’une formation que nous
proposons jeudi soir pour aider
les personnes à répondre à
leurs collègues de bureau ou à
leurs amis, mais en évitant la
polémique. Nous aurons aussi
des occasions pour expliquer au
grand public la réalité des faits
historiques. »
L’ensemble du programme de ces
activités en français et anglais est
disponible sur le site de la paroisse :
www.saintmichaelsparis.org
« C’est
la culture
qui est
insultée »
Jean-François
Colosimo
Théologien orthodoxe
« Avant même que le
christianisme ne soit blessé,
c’est la culture qui est insultée.
Il faut vraiment être arrivé à
un véritable effondrement de
la culture pour qu’un fatras
de mensonges comme celui-là
puisse apparaître un tant soit
peu sérieux. Un tel abandon
de l’intelligence ne préfigure
pas de beaux lendemains
pour l’idée même de culture.
Le véritable problème du Da
Vinci Code, c’est la haine de soi
d’une civilisation qui en vient à
considérer ses mythes fondateurs
comme des mensonges et leur
préfère de réels mensonges
totalement pathétiques. La
civilisation chrétienne tiendrait
à un misérable petit secret
sous la couette ? Voilà ce que la
théorie du complot peut donner
à l’échelle d’une civilisation.
Habituellement diabolisée,
la voici ici sacralisée, sans se
rendre compte qu’elle prépare,
à cause de l’effacement culturel
qu’elle provoque, une sorte
d’assoupissement totalitaire. »
RECUEILLI PAR
NICOLAS SENÈZE