Etude du comportement des spectateurs lors d`un concert de flamenco
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Etude du comportement des spectateurs lors d`un concert de flamenco
Sociologie du spectateur - Etude de cas Céline THOMASSET Vincent DEGOUL Callejon del Gallo Flamenco Jazz – Grenade/Séville à l’alternatif [10 décembre 2005] Master II Professionnel Direction Artistique de Projets Culturels Année universitaire 2005/2006 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] SOMMAIRE Introduction 2 Le contexte, un monopole dans le quartier 4 Le concert, les techniques d’approche 6 Les spectateurs, le public, la clientèle 12 Conclusion 16 Annexe 1 : Entretien avec Gérard, le patron 17 Annexe 2 : Divers entretiens avec les spectateurs 24 Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 1 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Introduction « Sociologie du spectateur », étudier le comportement de personnes assistant à un spectacle. Vaste sujet ! La ville, les rues, les places sont des scènes de la vie quotidienne. Tour à tour acteurs et spectateurs, ceux qui empruntent une place ont des comportements différents vis-à-vis des autres, de l’autre. Ils marchent, ils traversent, ils flânent, ils prennent un café, ils mangent, ils attendent, ils observent ; selon la nature de leur présence sur cette place, leurs comportements et leurs intentions varient. Sujet intéressant pour notre étude : la place de la Comédie, avec en décor de fond de scène, son Opéra. Mais où retrouvons-nous le côté artistique du spectacle ? Le ballet de la marche des passants ne se remarque que si un fin observateur reste toute une journée sur cette place. Existe-t-il un spectateur de ce type sur ce genre de lieu urbain ? Oui, sur la place de la Comédie, il existe des artistes, qui se représentent régulièrement et se positionnent à des endroits stratégiques. Nous sommes en novembre et décembre pour réaliser cette étude, ce n’est pas une saison propice à l’attroupement devant un battle de hiphop ou un concert tzigane, ou encore devant un faux Michael Jackson. « Spectateur : Témoin d’un événement, personne qui regarde ce qui se passe. Personne qui assiste à un spectacle. »1 Alors non, durant cette saison, la place de la Comédie, malgré le nombre impressionnant de personnes qui l’empruntent, n’est pas une scène de spectacle intéressante. Alors non, les artistes qui se produisent ne délogent pas un public assidu parmi ces flux humains. Les gens ne regardent pas et n’ont pas l’intention consciemment de regarder, à cette saison. Ce sont ces observations qui nous ont fait changer de sujet en cours d’étude. Même si ce sujet d’étudier les spectateurs des artistes itinérants qui se produisent au milieu d’une place aurait pu être nettement plus intéressant à une autre époque de l’année. Ces observations nous ont permis de répondre à la question : qu’est-ce qu’un spectateur ? Pour nous, 1 Définition du Micro Robert. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 2 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] spectateur dit public conscient de la chose artistique et culturelle, ponctuelle et événementielle qu’il regarde. Cette chose, même si elle se passe à côté de lui, dehors et en hiver, toutes les conditions ne sont pas rassemblées pour favoriser la réception d’un spectateur potentiel. Le facteur « abrité » est-il déterminant pour un spectacle à cette époque de l’année ? Passant régulièrement devant un petit bar du quartier Boutonnet (ancien) de Montpellier, nous avons plusieurs fois remarqué que celui-ci offrait une programmation musicale et hétéroclite, pourtant sans aménagement particulier à cet effet. Nous décidons d’aller demander les prochaines dates des concerts au patron, d’en choisir une, davantage en fonction de nos disponibilités que du genre musical, et de réaliser notre étude ici. C’est dans cette ambiance que nous voulons observer, les rythmes, les habitudes, les exceptions, celle d’un bar de quartier, lieu dans lequel il y a une vie unique. Tout le monde passe par là, ce bar, c’est comme la rue. Nous choisissons un concert de flamenco, d’un groupe espagnol, andalou. Évidemment le flamenco est une musique et une danse qui en disent long sur le travail d’observation, de séduction… C’est à partir de là que notre étude débute. Gérard, le patron du bar l’alternatif, nous donne rendez-vous le samedi 10 décembre à 18h, le jour du concert. Nous filmons l’entretien et nous apprenons entre autres que le groupe s’appelle Callejon del Gallo. Nous avons l’autorisation de filmer toute la soirée, ce que nous faisons. Nous interrogeons également des spectateurs au moment de la pause et à la fin du concert pour enrichir notre étude. Sur cette base, nous avons monté quatre séries de 10 minutes environ, présentant le bar, les deux parties du concert et les entretiens des spectateurs. Ces clips servent d’annexes au présent rapport. Nous allons donc présenter dans une première partie le contexte de notre étude plus en détail, puis étudier le concert, ou comment le groupe met en œuvre des techniques d’appel afin de faire réagir le public à leur avantage, et enfin en dernière partie, ce public, quel est-il et comment a-t-il réagi ? Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 3 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Le Contexte, Un monopole dans le quartier Au milieu de nulle part, et pourtant à proximité immédiate du quartier des Beaux Arts donc du centre ville de Montpellier et du quartier baptisé « HôpitauxFacultés », Boutonnet est un petit endroit paisible, composé en majeure partie de résidents étudiants et d’une population montpelliéraine active de tous poils et tous âges. Le quartier se structure autour d’un axe principal : la rue du faubourg Boutonnet. C’est une rue à sens unique, qui semble bien empruntée, disposant de trottoirs étroits de part et d’autre et de places de stationnement. On distingue de nombreux commerces de proximité en pied de bâtis : boucherie, boulangerie, épicerie, etc. C’est cela qui fait l’attractivité du lieu et le transforme en espace de vie où se rencontrent tous les habitants du quartier. C’est dans ce quartier et précisément au milieu de cette rue que s’inscrit le bar « L’alternatif ». Après la fermeture d’un autre bar dans la même rue, il est aujourd’hui le seul. Anciennement dénommé « Chez Berru », ce lieu a toujours eu la réputation d’être un endroit festif, du moins par la pratique du bouche à oreille. Gérard, actuel patron de « L’alternatif », ancien artisan, garçon de café et artiste peintre, a repris ce lieu en 2003. Très vite, il a souhaité offrir l’opportunité à des artistes musiciens de venir se présenter dans ce lieu. D’autres expériences (restauration ou débat) ont été menées dans cet endroit, seuls les concerts se programment toujours et régulièrement, ce que, comme dit Gérard : « vient de concert avec le piano qui y trône ». Le bar a deux entrées et se compose de trois salles : une salle principale où se tient le bar/comptoir, quelques tables et où s’y déroule les concerts, une salle-couloir pour la restauration et une salle contenant un billard et des canapés, pour le repos. Il est ouvert le midi pour une restauration rapide et le soir, à partir de 18h, pour une restauration plus conséquente. Il est tenu par Gérard, son fils et un serveur : Jean-André. Les soirs de concert, ils sont aidés par la femme et la fille de Gérard. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 4 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Deux à trois concerts s’y déroulent chaque semaine. Une programmation continue et hétéroclite s’y retrouve : chanson française, jazz, jazz manouche, klezmer2, etc. en tout une soixantaine de dates par an. La programmation, annotée sur un calendrier succinct, n’est prévue que sur le mois en cours, et se fait aussi parfois en réseau avec d’autres manifestations, bars et restaurants de Montpellier. Par exemple, deux à trois concerts des Internationales de la Guitare y sont programmés. Toutefois, la communication et la médiatisation sont du ressort des artistes. La formule de l’alternatif est la suivante : un bon repas offert par la maison aux musiciens, pas de scène ni de matériel technique à disposition mais des boissons à volonté et, pour ce qui est du cachet, un chapeau circule dans l’assemblée, le patron double la mise au final. Samedi 10 décembre 2005, c’est le groupe Callejon del Gallo (la ruelle du poulet) qui se présentait à l’Alternatif. Ce groupe de flamenco-jazz se compose de quatre musiciens (cajòn, basse, clarinette et guitare) et d’une danseuse. Raul, chanteur-guitariste, en est l’un des membres fondateurs. Le groupe existe depuis une rencontre et une tournée qu’ils ont effectuées ensemble cet été, clôturées par l’enregistrement d’un CD (5 titres : Mojama Experience) à Séville. Raul est étudiant ERASMUS à Montpellier, d’où ses contacts et l’organisation de cette tournée dans 6 bars de Montpellier, qu’il a fait débuter à l’Alternatif, est de son initiative. Ses amis andalous, et la danseuse, nouvel élément de leur spectacle, sont arrivés trois jours auparavant. Rien ne présage donc leur réussite, qui va enflammer les publics de l’Alternatif, du Peanuts, en passant par l’Antirouille, le Blue Up, le Cargo et bien d’autres salles de la ville… 2 le répertoire klezmer au sens large inclut de nombreuses chansons yiddish, traditionnelles ou récentes. Cette musique s’épanouit dans les danses et les cérémonies juives. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 5 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Le concert, les techniques d’accroches Le groupe s’installe vers 22h dans la salle principale de l’alternatif. Quatre chaises, un ampli, deux micros, casés dans un coin de la salle, pratiquement vide de mobilier. Les habitués sont au comptoir, les discussions sont animées, le patron a augmenté le volume de la musique sur la chaîne hi-fi. Le groupe fait ses balances comme il peut. Nous l’avons vu, le groupe est composé de quatre musiciens (cajòn, basse, guitare et basse) et d’une danseuse. Raul, le guitariste, est aussi chanteur, et il invite en cours de concert un ami à jouer de la flûte traversière. Les moyens sont modestes, le concert dure 1h30 et se déroule en deux parties. La conquête du public est radicale en si peu de temps, c’est ce qui nous pousse à étudier un peu plus en profondeur le genre musical et le déroulement du concert. Le flamenco, un art vif et puissant Le flamenco est un dérivé du cante hondo des paysans andalous et trouvant sa plus haute expression chez les gitans de cette région. Le genre musical que l'on appelle Flamenco est le produit d'une tradition vivante et est localisé dans la région de l'Andalousie, dans le sud de l'Espagne. Au cours des siècles, il s'est transformé en une forme artistique très structurée, qui utilise le chant (cante), la danse (baile), le jeu de la guitare (toques). Le chant (cante) : Les c a n t e s sont nombreux. Un c a n t e est une structure musicale qui a son identité mélodique, rythmique et harmonique. Les chants flamenco consistent en une succession de couplets, coplas transmis oralement de générations en générations. Devenus anonymes à force d'être repris et chantés, ils sont dorénavant écrits par des auteurs et des poètes. Le Cantaor vient juste y apporter son expression et son caractère propre. Il y a à peu près une soixantaine de Cantes différents. Leur nom est lié à un contexte historique, à une répartition géographique, ou à un événement religieux, certains sont rattachés à un contexte socioprofessionnel. Mais les formes (Palos) les plus Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 6 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] importantes sont : les Soleares, siguiriyas, bulerías, alegrías, Fandangos, Tangos. Nous pouvons distinguer deux grandes familles de cantes : le cante Jondo et le cante Chico. Le premier est la famille des chants flamenco les plus archaïques, chants profonds, qui puisent au plus profond du sentiment et de l'émotion. Son esprit tragique exige du cantaor de la j o n d u r a , une authenticité et une profondeur autant dans la voix que dans le sentiment exprimé. Les voix sont chaudes, rocailleuses, et viennent de la gorge. La guitare (toques) : La guitare accompagne le chant Flamenco d'une manière intime. C'est elle qui décide des rythmes, de la direction que vont prendre la mélodie et le chanteur. Le nouveau flamenco aujourd’hui utilise beaucoup d'harmonies et d'accords empruntés au jazz et à la musique d'Amérique Latine. Il recherche davantage l'effet, mais en garde le langage. Il existe dans le flamenco un grand nombre de toques différents, provenant en majeur partie de cantes équivalents, et chacun ayant son propre air et sa structure musicale caractéristique. Traditionnellement les toques, comme les bailes ou les cantes sont divisés en trois groupes : j o n d o (profond), i n t e r m e d i o (intermédiaires) et chico (petit). Cependant un cante ou un toque chico n'est pas nécessairement plus facile à exécuter qu'un cante ou un toque jondo. La seule différence c'est qu'il est gai et enlevé au lieu d'être tragique. Les guitaristes ont tendance à ne pas classifier les morceaux en jondo, intermedio ou chico mais plutôt à faire la différence entre les toques libres et les toques a compás. Chaque toques a compas a une structure rythmique fixe, avec certains temps forts disposés d'une manière complexe. Le guitariste a davantage de liberté dans les toques libres, qui n'ont pas de structure rythmique rigide. Le jeu de la guitare Flamenca (el toque) a son vocabulaire propre : - Les Falsetas : ce sont les interventions de la guitare entre les périodes chantées, réaffirmant ainsi le rythme. - les rasgueados : ce sont des balayages bruyants des cordes de la guitare. - le trémolo : c'est une répartition rapide de notes qui sont jouées avec douceur et donne l'impression que le musicien égrène un collier de perles. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 7 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] La danse (baile) : Élément chronologiquement plus tardif que le cante dans l'histoire du flamenco, la danse flamenca est un art d'une grande richesse car elle permet de traduire et d'exprimer des émotions des plus légères au plus profondes. Elle permet d'exprimer au-delà des mots, des sentiments forts et intenses. Alliage subtile d'une gestuelle enracinée avec force dans une énergie "tellurique", les taconeos ancrent le corps dans les profondeurs de la terre. Avec autorité, la danseuse plante ses talons dans un sol qui s'incline devant tant d'impétuosité. Selon l'émotion exprimée, cette danse amène aussi le corps à une gestualité voluptueuse, sensuelle, sensible et délicate. Reliée directement au chant et à la guitare qui l'accompagnent, la danse donne à la corporéité un rôle spécifique dans la représentation de la condition humaine et l'expression de sa dimension affective. Elle traduit la relation ambiguë qui existe entre la douceur et la violence et entre la grâce et la force. El Zapateado est une manière de marquer le compas avec le talon ou la pointe des pieds. Accentué par les chaussures cloutées, le zapateado est intimement lié à cette danse, c'est également ce qui en fait sa richesse et sa particularité. Le zapateado peut être lent ou rapide, en fonction du p a l o . La bailaora marque bruyamment le tempo avec le talon ou la pointe des pieds. Le frappé du pied du baile se fait de plusieurs manières selon l'intensité que la bailaora veut lui donner. Les Rythmes : Basé sur une synthèse unique entre le contour modal du chant, l'aspect tonal de l'accompagnement guitare et la rythmique faite par la guitare, les palmas et parfois le cajón et le jeu de pieds (taconeos) du danseur de flamenco détient un langage varié pour marquer la structure rythmique propre à chaque style auquel il se réfère. Le Compás est la carrure cyclique du rythme du chant flamenco ; le nombre de temps et la manière dont ils sont organisés, accentués. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 8 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Certains styles du flamenco ont un compás libre, que le chanteur va moduler au gré de son inspiration. C'est le cas de la Taranta. Cependant, la plupart des styles sont cadrés avec un rythme qui lui est propre. Il s'agit de structures qui fonctionnent en cycles de 4, 8 ou 12 temps. On distingue le compás régulier du compás alterné. Le compás régulier correspond aux structures rythmiques de 2 ou 4 temps par mesure dans les cycles de 4 ou 8 mesures. Ils peuvent être lents ou rapides. Le Compás alterné est la structure rythmique la plus représentative du flamenco. Dans ce cas, le flamenco est construit sur un ostinato rythmique de 12 temps. Certains sont accentués, d'autres non, c'est ce qui détermine le style. Le concert : les morceaux de musique et la danse Le style flamenco est donc un premier point dans le processus d’adhésion du public. Genre à la fois tragique et autoritaire, dont l’intention est de convaincre, il faut rentrer dans la famille pour mieux comprendre, le flamenco vient de l’Espagne, du sud, et il emportera toujours avec lui des images de soleil, d’itinérance, de liberté, mais aussi de passion. Alors que le public connaisseur et composé des proches des artistes est acquis, les jeux de séduction de la voix et de la danseuse, l’autorité des toques et des talons sur le sol et les images du répertoire connues de tous sont là pour emporter les autres spectateurs. Le concert dure 1h30, une dizaine de morceaux sont interprétés : des créations, des interprétations personnelles (Michelle des Beatles par exemple) et des morceaux du répertoire. La composition de l’interprétation des morceaux est un deuxième point dans le processus d’adhésion du public. Prenons le premier morceau du concert, qui est aussi le dernier, reprise, que vous pouvez visionner sur le DVD pratiquement en entier. Ce morceau, certainement une création, est l’exemple type du travail d’adhésion. N’étant ni musiciens, ni mélomanes, nous avons décomposé le morceau en trois parties : - Introduction de l’histoire, le début est caractérisé par son rythme calme et doux des trémolos de la guitare. La danseuse appuie le rythme par des claquements de main qui entraînent les spectateurs à prêter l’oreille, Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 9 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] puis à répondre eux aussi par des claquements de main. - L’histoire se poursuit, les autres instruments accompagnent le chant ou la clarinette avec un rythme un peu plus soutenu et jazzy. Les spectateurs absorbent. - La fin, en guise de conclusion, est une envolée lyrique de tous les instruments. Intense et très rythmée, généralement accompagnée de la danseuse, la musique incite les gens à crier et à danser. Cela se termine par un tonnerre d’applaudissement. La danse, et sûrement davantage la danseuse, est le troisième point de l’adhésion du public. Maquillée et parée de ses plus beaux atours, elle joue la séduction auprès du public, mais aussi des musiciens. Sa beauté et sa sensualité conquissent les hommes. Le jeu des zapateados, des frappements de main, des interjections, son maintien de paon, signalent qu’il faut la regarder. Cette autorité cloue les spectateurs, envoûtés. La communication N’étant pas du ressort de l’alternatif, la communication du concert est faite par les artistes eux-mêmes. Cependant, Gérard, au centre d’un réseau de restaurateurs-programmateurs dans Montpellier, n’hésite pas à mettre la main à la pâte lorsqu’il trouve cela judicieux : affiches ou annonces dans le journal. Ce qui fait le caractère familial du lieu réside aussi dans le fait que ce bar fonctionne exclusivement au bouche-àoreille. Résultat : il n’y a que les meilleurs, les curieux et ceux qui s’identifient réellement à la vie du lieu, bref généralement un public acquis. Pour ce qui concerne Callejon del Gallo, c’est Raul qui s’est occupé de l’organisation de la tournée et de la communication. Photocopies des affiches A4 et flyers rouge et orange répertorient toutes les dates de la tournée. En dehors de celle de la porte de l’alternatif, nous n’avons pas repéré d’autres affichages dans la ville, par contre, nous avons retrouvé les flyers dans d’autres bars. Jouant du bouche-à-oreille, nous nous sommes proposés d’en distribuer et nous avons invité des amis à aller voir le concert dans la semaine, à l’occasion d’une autre date de la tournée. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 10 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Un autre moyen de communication, qui joue davantage en la faveur du groupe : le CD Mojama Experience, conclusion de leur tournée de l’été 2005 dans le sud de la France et en Europe, enregistré à Seville. Retrouvant le dessin de l’affiche et du flyer sur la pochette, le CD contient 5 titres qui ne sont pas tous repris en concert, et à l’inverse qui ne reprend pas tous les morceaux joués en concert. Le CD est vendu à la fin du concert, il permet non seulement de garder une trace pour le plaisir des oreilles, mais aussi de le faire écouter à d’autres qui pourraient avoir envie d’aller voir ultérieurement le groupe en concert. Les interventions du patron Dans le spectacle, il y a aussi les différents moments du spectacle. Gérard, très généreux, compréhensif, à l’écoute du mode de vie des artistes, intervient plusieurs fois à l’attention du public concernant le fonctionnement de la maison : pas de cachet, le chapeau passe, le public donne, le bar double la mise. Toutefois, ces interventions ne sont pas discrètes. Au contraire, une fois dans le public, l’autre fois au-dessus du bar, Gérard joue les comiques en braillant et en réclamant les sous. Sa version espagnole fait hurler la foule, alors qu’elle rend mal à l’aise le groupe. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 11 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Les spectateurs, Le public, la clientèle Par définition, l’Alternatif fait se rencontrer des spectateurs de diverses natures lors de ces soirées animées. Réunissant plusieurs fonctions : bar, restaurant, jeu de billard, lieu de diffusion; ces attractions ne s’exercent pas forcément sur les mêmes « cibles ». La clientèle C’est avant tout un bar, et en tant que tel il dispose d’une clientèle d’habitués qui y viennent régulièrement prendre un verre et se retrouver entre amis. Ceux-ci ont tous dans la cinquante-soixantaine, ils semblent être des habitants du quartier et lient une certaine amitié avec le patron. La clientèle du restaurant est peu nombreuse, le soir du concert, elle ne concerne que les musiciens à qui le repas a été offert et quelques habitués. En effet, le menu n’est disponible nulle part. Gérard fait la cuisine, c’est donc la surprise du chef ! Quelques jeunes, entre 16 et 20 ans, viennent y faire un billard, du moins avons nous observé deux personnes entre 18 et 20h lorsque nous y étions ; qui ne sont pas restés pour le concert, peut-être du à l’isolement du billard, dans une salle annexe… Le public La majorité du public est étudiante et correspond : soit à des étudiants habitants le quartier, soit à des amis ou des personnes prévenues par le groupe luimême (Raoul est professeur de guitare), soit encore à des passants utilisant la rue du faubourg Boutonnet qui s’arrêtent, curieux ou intrigués par le raffut. Le comportement du public Lors de la balance, précédant le concert, et même lors du début du concert, la distinction est assez nette entre étudiants, mélomanes et clientèle habituée. Les premiers sont dans un sentiment d’attente. Les autres Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 12 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] sont « chez eux », tournent le dos et braillent avec leurs collègues, rendant difficile la balance des instruments. Les artistes font tout de même « chauffer l’atmosphère », la tradition du flamenco n’y est pas pour rien. Taper dans les mains en rythme est un jeu auquel on se prend rapidement et l’on y participe avec joie, plus encore de la part des amis des artistes qui sont là pour les encourager. Le rythme de la musique s’augmentant, cela attire progressivement la clientèle habituée qui se laisse aller à bouger sur la musique… Sont-ils saouls ou vraiment intéressés ? Au fur et à mesure, les gens s’assoient, s’installent en cercle autour de la petite partie scène improvisée. Les musiciens comme la danseuse sont en contact direct avec le public. Rien ne les sépare et cela se vérifiera à la fin du concert où tout le monde se mélange, se congratule et boit un verre ensemble. Chaque fin de morceau est ponctuée par des applaudissements retentissants du public. Pourtant certains semblent plus préoccupés à discuter et d’autres à s’affairer sur leur téléphone portable. L’absence de lieu concret et de cadre fait du spectacle un habit sonore du lieu plus qu’un spectacle à part entière. Le public grossit à vue d’œil, la place commence à manquer, et nombreux sont ceux qui se retrouvent dans la salle de derrière, sans pouvoir s’approcher. S’il fallait les compter : 60 ou 70 !! Certains morceaux entraînent plus de réactions que d’autres. Entre autres un morceau de jazz de Glenn Miller ainsi qu’une interprétation de Michelle des Beatles… Jusque-là, seul le groupe s’activait, la danseuse intervient avant la première pause. On sent le public beaucoup plus calme, plus aucun claquement de main, presque plus de conversation, tout le monde a le regard rivé sur cette intervention, captivé, envoûté… La sensualité se dégage de la danse et le « regardez-moi » que nous avions évoqué plus haut fonctionne à merveille. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 13 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] La pause intervient alors, dix à quinze minutes. Beaucoup trouvent son arrivée précoce dans le spectacle. Les habitués semblent trouver la musique peu innovante : « Boah… on peut faire mieux… » disent certains. Le spectacle n’a pour eux qu’une fonction culturelle, une fonction d’animation. Seul la danse parvient à les séduire, leur parle et dépasse la fonction culturelle de l’œuvre. Les autres, étudiants et amis de Raul sont au contraire très enthousiastes quant au spectacle et à la bonne réaction du public. Ils s’impliquent socialement et sont séduits par la pragmatique du spectacle. En deuxième partie, les rythmes vont s’intensifier, le jazz prédominant jusqu’alors va laisser de plus en plus de place au flamenco, aux interventions de danse aussi. Le public va s’identifier totalement au spectacle. Certains (deux personnes en tout que nous avons pu interviewer) vont se laisser prendre complètement par la musique et danserons dans cette seconde partie, entre eux ou accompagnés par la danseuse (pour le plus grand plaisir de certains), oubliant toute pudeur et tout regard des autres. La fonction de spectateur captif se translate en fonction de spect-acteur. C’est le public qui fait le spectacle d’où l’identification totale. Ce genre de réaction dépend beaucoup du caractère des personnes. Il faut signaler que le public dans l’ensemble était davantage timide vis-à-vis de la danse ou même de l’esquisse de pas de danse sur place, moins pour ce qui concernent les frappements de main, les interjections et les applaudissements. Au milieu de cette deuxième partie, lors de la promotion du CD, une habituée, mais qui par ailleurs aimait à se faire remarquer, s’est précipité sur le premier CD… interrompant le concert sur une plus longue durée. Le chapeau circule une deuxième fois après l’intervention de Gérard debout sur le bar… L’heure avançant, les esprits semblent s’échauffer… sûrement à cause de l’alcool aussi… mais le chapeau repart bien plein. Certains pousseront la générosité jusqu’à laisser des billets de 20 euros… Des photos, des vidéos (en dehors de la nôtre) sont prises par le public… Le pari de ce premier concert semble réussi et l’adhésion de tous semble avoir pris quand tout se Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 14 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] termine enfin… Il a permis aux spectateurs de profiter d’un instant agréable, de sortir pour certains de dépasser leur conception client pour évoluer vers celle d’un spectateur, conscient de l’esthétisme de l’œuvre, de l’ensemble danse et musique. Le flamenco n’y est pas pour rien, l’ensemble des techniques décrites précédemment y ont ardemment participé. Il est porteur d’une combinaison singulière de fonctions qui permet l’évolution de la cartographie personnelle du spectateur. Ces interactions pourraient avoir été davantage analysés avec des outils de communication. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 15 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Conclusion Répondre à une question soulevée en introduction… sur les différences de public, ou sur les réactions d’un spectacle de musique, ou d’un genre particulier… Répondre à notre volonté itinérante, d’un lieu pluriel, d’un lieu aux multiples cartes de personnes. Nous aurions pu les suivre au long de leur périple et effectuer la liaison/comparaison entre ce lieu-ci et un autre bar de Montpellier, dans un autre contexte, par exemple le Blue Up. Pour en dire deux mots, c’est un bar à proximité du centre ville, où s’y déroulent de nombreux concerts. Là, le public y est majoritairement étudiant et peu hétérogène dans les âges, 20 à 40 ans dans l’ensemble. La disposition du lieu est complètement différente une scène surélevée) et la réception des musiciens par les patrons est tout autre (ils se sont fait mettre dehors à l’heure dite). Cependant la réception du public était particulièrement intéressante, personne n’était assis, comme l’espace était disponible, tout le monde dansait… pour suivre la musique… ou tout simplement pour suivre son voisin… Un spectateur soulève une question intéressante lors d’un entretien en disant : « je m’attendais à ce que cela soit plus flamenco ». S’agit-il vraiment de flamenco ? de flamenco-jazz ? Il semble que les rythmes et techniques y aient été empruntés pour faciliter l’adhésion du public… des espagnols… qui jouent du flamenco… dans la région… l’exotisme, la chaleur et toutes les représentations qu’on peut se faire dans nos cartes mentales, ce qui motive nos sens, nos désirs et nos réactions de spectateur. Lorsque l’on trouve ce que l’on cherche à savoir un langage et des signes de reconnaissance, alors naît en nous une satisfaction, un plaisir intérieur. En cela, le genre a joué, quelque soit le lieu de représentation. Dans l’ensemble, cette tournée - spectacles a été une réussite, et discutant récemment avec Raul, cela serait à refaire. Le flamenco est très bien perçu dans le sud de la France, preuve en est, le festival de Flamenco en janvier à Nîmes qui attire de nombreux adeptes de tous âges et entraîne le spectateur jusque parfois des larmes de joie, pour les plus connaisseurs. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 16 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Annexe 1 Entretien avec Gérard, le patron Samedi 10 décembre 2005, 18h30, avant le concert (A propos d’un reportage universitaire qui a été réalisé à l’Alternatif lors d’un concert l’année dernière) Gérard : Parce qu’eux ils ont vraiment du matériel. Ils ont interrogé, ils ont mis des caméras derrière le comptoir, ils ont interrogé tous les intervenants d’ici, c’est-à-dire mon fils, qui fait le matin, ma fille, moi, ma femme, Jean-André, plus les clients, qu’ils ont amené derrière, qu’ils avaient installé comme un petit studio (…). Donc ils ont vraiment du matos. Céline : Quel était leur but aussi ? G : D’après ce que j’ai pu comprendre, ils fallaient qu’ils trouvent quelque chose à réaliser sur un quartier ou sur une activité en particulier. Et comme leur prof vient jouer du piano ici de temps en temps, il leur a dit : « Essayez d’aller voir là-bas. ».Il se trouve qu’ils ont de la chance, parce qu’il y a eu deux concerts, donc ils ont filmé deux concerts, dont une fanfare. Tu vois ce que ça donne une fanfare sur des images. C’était vraiment pas mal. Vincent : Une fanfare qui a eu lieu ici dans le bar ? G : Oui. Le frère de Jean-André, celui qui bosse, fait partie d’un groupe qui s’appelle Taraf Boulamas. Je ne sais pas si vous connaissez, c’est pas mal. Ils sont huit. Ca envoie lointain. On a plutôt flippé toute la soirée à cause du volume… J’avais eu les Cador avant, vous connaissez ? Non, ils sont vingt-cinq et à 10h moins dix, il y avait les flics. C’était monstrueux. Y en avait debout sur les tables, une partie assise, une partie debout normalement et une partie assise. (…) C : Le but de notre travail, c’est de faire une étude, à partir d’un spectacle, sur la réaction des spectateurs. De toute façon, on va être en contact avec les artistes, mais ce qui nous intéresse le plus, c’est de voir comment les spectateurs réagissent, pourquoi ils sont venus… G : Si tu veux ici le programme est un peu particulier, c’est-à-dire que depuis le début, je n’ai jamais demandé à aucun musicien de venir ici. Ce sont toujours eux qui sont venus se proposer. Le fait qu’il y ait eu le piano, ça a été magnétique. Puis aussi quelques amis musiciens Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 17 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] que je connais… Et du coup, ça a fait un effet boule de neige. C : Depuis quand ? G : On est là depuis deux ans, août 2003. (…) V : Le bar en tant que tel ? Ce qui veut dire qu’à partir du moment où vous avez ouvert le bar, il y a eu des demandes ? G : Moi, j’ai toujours proposé évidemment. J’ai dit aux musiciens : « Quand vous voulez venir jouer, c’est possible ». Simplement, il faut que ce soit quelque chose d’assez rassemblé. Ca ne peut pas être un lieu d’étude ici. Il faut que ce soit un truc qui tienne sa place. Mais à partir de ça, autrement c’est très simple. Je t’explique pourquoi je parle de ça. Ici, c’est un peu particulier. Pour les concerts, il n’y a pas de surtaxe pour les consommations, il n’y a pas de droit d’entrée, les musiciens passent un chapeau, le bar double le chapeau. C’est-à-dire, s’il y a cent euros dans le chapeau, on met cent euros. S’il y a trois cents euros, le bar met trois cents euros. En plus d ça, les musiciens sont invités à manger, vraiment je les soigne comme des hôtes particulier et ils ont le bar ouvert toute la soirée. V : C’est-à-dire qu’ils ont le droit de consommation toute la soirée ? G : Oui. Tout ce qu’ils veulent, une bouteille de sky chacun s’ils veulent, s’il sont capables de la boire. Et donc ça impose aussi, par rapport aux spectateurs, comme tu disais… Vous verrez, je fais une annonce : « Messieurs, dames, les musiciens sont payés à moitié par vous, à moitié par le bar », et donc ça pousse à être investi dans le truc. Parce que c’est un peu un truc de réseau. Nous, on amène le lieu, on amène l’accueil, les musiciens amènent leur musique. Les gens qui payent le prix du demi la même chose que le matin à 7h ou le café pareil, ils mettent un petit sou dans le chapeau. Plutôt que de proposer à des musiciens un cachet, que je ne peux pas faire, je n’ai pas les sous. J’ai vu pas mal de musicien dire : « Putain, on va jouer là-bas, je n’ai pas envie, mais enfin il y a le cachet, alors on y va. ». Ici ce n’est pas ça. Si tu veux que le concert soit bien, si tu veux qu’il y ait des sous dans le chapeau, il faut faire du bruit, amener les gens, en parler tout autour. Ca veut dire que ça laisse un peu plus de responsabilités à tout le monde. C’est pas mal, la formule marche bien. On a eu des musiciens de paris, des absolues pointures Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 18 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] de jazzman qui sont venus sur ce contrat-là et qui sont revenus. C’est que ça leur plait. C : Et au niveau de la programmation… G : La programmation, c’est extrêmement particulier… C : C’est un peu de tout ou essentiellement jazz ? G : Si tu veux, comme ce n’est pas moi qui demande, c’est eux qui proposent, alors on essaie de se tenir après. Pas plus de deux concerts par semaine, parce que c’est vraiment cruel autrement, et trois concerts par semaine, c’est monstrueux, on finit vers 6h du matin. Il y a eu quatre-vingt personnes, il y a un ménage monstrueux. Après le concert, les musiciens, tu les mets pas dehors comme ça, il faut qu’ils récupère le matériel, on boit un verre, on blague un peu. Ce qui fait que ça pousse les horaires de manière astronomique. Trois fois par semaine, on a vu que c’était proche du suicide. On a décidé d’en faire que deux. Mais ce sont eux qui choisissent. Tu vois, cette semaine, il y avait un concert mardi et il y a un concert samedi. Le plus souvent, c’est le jeudi, vendredi ou samedi. Mais ce sont eux qui choisissent. Le mardi, les gens ne sont pas tellement dans le truc de sortir… C : A partir du jeudi, il y a plus de monde ? G : Oui. Ici, c’est un quartier d’étudiants. Cela veut dire qu’il y en a beaucoup qui rentrent dans leur famille pour le week-end. Le meilleur jour pour les gens qui viennent au concert, c’est le jeudi. Parce que le jeudi, les étudiants n’ont plus qu’un jour à faire, donc ils se lâchent un peu plus. Et puis, le vendredi, en général, ils rentrent. V : C’est un quartier d’étudiants ici ? G : Il y a plusieurs clientèle ici… Il y a une clientèle locale, dans la journée, d’habitués du bar, de gens du quartier, d’artisans, de commerçants, de gens qui habitent dans le quartier et qui ont pris l’habitude de venir, boire le café, prendre l’apéro, etc. Il y a une deuxième clientèle, ce sont les étudiants effectivement. Pour eux, c’est la restauration rapide le midi et effectivement la musique aussi qui les draine. Il y a aussi une clientèle de stricts amateurs de musique qui viennent. Parce que l’année dernière, on a fait 70 concerts quand même ! Ca fait quand même assez balaise ! Donc ils ont pris l’habitude de venir passer quelques soirées parce que c’est rarement mauvais la musique qui passe ici. On a eu d’excellents musiciens, c’est jamais en dessous. C’est à bout portant ici. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 19 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] L’espace est évité. Le musicien doit être présent. On avait ait tremplin une ou deux fois, les pauvres ! On souffrait pour eux derrière le bar. Il faut bien que les musiciens puissent jouer quelque part, même Nougaro, un jour, on lui a bien dit : « Oui, viens, je prends le risque ». Là, c’est douloureux. Ici, c’est un bar, on fait pas faire le silence, on fait rien du tout. C : Ils ne viennent pas forcément pour le concert, il faut convaincre. G : C’est exactement ça. Il faut que ce soit suffisamment convaincant pour que les gens du bar, d’eux-mêmes, arrêtent de parler et se branchent. C : Il n’y a que des concerts dans votre programmation, ou il y a autre chose… ? G : Attends, c’est énorme ce qu’on fait ici. On est trois pour tenir le bar de 7h du matin à 1h du matin. Les concerts, c’est un investissement majeur. Ma fille et ma femme viennent pendant les concerts pour donner un coup de main. On avait commencé les expos de peinture, mais gérer la nourriture, plus les concerts, plus la vie du bar, , plus les crétins qui viennent de temps en temps, plus les expos… On a eu Café Europe ici pendant douze semaines, c’est-à-dire des discussions contradictoires sur la constitution européenne avant le vote. Ca a drainé pas mal de monde. Il y a dû avoir une quarantaine ou une cinquantaine de personnes qui sont venues dans la salle de derrière. C’était très intéressant puisqu’il y avait des gens qui avaient le temps de se pencher sur la constitution alors que nous on ne l’a pas. Ca a été assez éclairant. On a développé des activités, mais pour l’instant, c’est vraiment monstrueux. Il y a beaucoup de possibilités ici. L’an dernier, on a pris un chef par soirée qui faisait un repas sur réservation. Il faisait strictement ce qu’il voulait : une entrée, un plat, il amène les fromages, il fait un dessert, il amène les vins et il vient manger avec nous. On a eu trois chefs qui sont venus : un catalan, qui nous a fait manger du roquefort avec du banyuls… C’était de la balle ! Et tenir ça, c’est aussi assez dur. C : Pourquoi vous faîtes ça ? Pourquoi ce bar ?Pourquoi autant d’envies, d’animations ? G : Parce que je n’ai pas envie de m’emmerder. Je suis peintre. Je sais ce que ça peut être des supports pour des créateurs, qui sont des supports trop rigides, par exemple des galeries. Je préfère les lieux alternatifs. Toutes mes expos ont été faites dans des lieux Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 20 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] alternatifs. J’ai exposé au Rockstore… Par exemple, on est quatre, la peinture tu la vois, tu la revois, je préfère être en compagnie de l’art. V : Vous êtes montpelliérain d’origine ? G : On peut dire que je le suis, ça doit faire plus de trente ans que je suis à Montpellier. Et c’est ici que j’ai vécu le plus de ma vie, on peut dire que je suis d’ici. Autrement, je suis né à Bordeaux, j’avais un père militaire, avec un parcours militaire, tu as la place de te snetir nulle part : Aix-en-Provence, Orléans, Toul, la Tunisie… V : Si ça fait trente ans que vous êtes là, ça explique pourquoi vous connaissez autant de musiciens… G : Oui. Alors pourquoi l’Alternatif ? Attends je vais prendre un verre parce que parle trop. On va hydrater la machine… (…) G : Ca na aucun rapport avec les altermondialistes. J’ai mis presque un an à avoir le bar et à l’époque, mais à l’époque ils ne s’appelaient pas les altermondialistes mais les antimondialistes. J’ai appelé le bar l’alternatif dans le sens de l’alter-ego, de l’autre ego. J’avais écrit un petit texte : « L’alternatif, c’est l’autre né, c’est aussi l’autre nez, c’est l’autre niais, c’est aussi l’autre niet. ». On embrayait aussi sur le courant du quartier, notre festin quotidien, le courant des intuitions partagées, des créations multipliées. Le texte était entouré des mots : « être, entre, autre, être… ». Il y a du sens partout. C : Vous habitez dans la quartier ? G : J’habite à l’extérieur. Mais ici, j’y faisais la fête quand j’avais votre âge, il y a trente-cinq ans et ça s’appelait Chez Béru. C’était un des rares bars, quand Montpellier était encore une toute petite ville de province, et que tu te faisais chier la nuit, il n’y avait rien… Il y avait Chez Béru ici qui était très festif, bar d’étudiant, le piano était derrière, il faisait des grillades avec une cheminée au fond. Les deux ou trois autres endroits, c’était le Pet au diable au Matelle. Il y avait très peu d’endroits. J’ai fait la fête ici cent cinquante nuits. Pourquoi je suis venu ici ? J’ai un ami qui vend des entreprises et il avait eu ce bar à vendre dans son porte-feuille d’entreprises. Et comme on y venait ensemble ici, il me l’a dit : « Tu sais ce que j’ai à vendre ? Chez Béru. ». Ca a fait un gros trou dans l’oreille. Couvert de dettes, j’ai réussi à acheter le bar en demandant à mes amis de me prêter vingt mille ou Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 21 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] trente mille… Ca a fait la boulette, le banquier et le brasseur ont dit oui. Mais ça reste mystérieux… C : Dans le quartier, y-a-t-il d’autres lieux ? G : Il y avait un bar à côté quand j’ai acheté et il a fermé. On a une espèce de petit privilège régional, parce que les autres bars que tu trouves après, c’est aux Beaux-Arts, et quand tu remontes vers les facs, à partir de 9h le soir, c’est fermé. Ou, si, il y a le Jogging. C’est un bâtiment moderne, qui doit recevoir entre cent cinquante et trois cents personnes, dans lequel il y a de la musique, du karaoké… Très sincèrement, je ne veux pas dévaloriser, ça fait un peu hangar à musique. Vous connaissez le Charlton sur la 113 ? C’est le même type. Un bâtiment industriel qui a été aménagé en restaurant, bar… Il n’y a pas d’âme. Autrement, je suis un peu en lien avec d’autre bars de Montpellier qui font n peu comme nous : le Bar des Lilas, la Pleine Lune, la Cigale et puis quelques restaurateurs, qui font l’écho. Il y a quand même une mouvance de gens qui sortent, qui sont musiciens ou qui aiment la musique : le restaurant le Salingro, le Repas Latin… Ce sont des partenaires, on s’envoie des groupes, on se fait des programmations les uns pour les autres. V : Au niveau du nombre de personnes, ici, ça tourne à combien ? G : Nous, c’est compliqué. On fait infra-communiquant. On n’est pas dans l’annuaire ; quand on fait des affiches, on ne met pas l’adresse ; on me demande sur Midi Libre, je ne le fais pas. C’est à ceux qui viennent de faire leur propre pub. On se rend compte, par exemple avec les Internationales de la Guitare, c’est annoncé partout et au bout d’un moment, le bar n’est plus praticable. C’est plein et en plus, ça perd l’esprit. Oui, c’est la deuxième année que l’on fait partie des Internationales. On a reçu deux soirées. On n’essaie pas trop de communiquer. En été, il y a soixante personnes dehors, soixante à soixante-dix dedans. En hiver, il y a aussi du monde, entre soixante et quatre-vingt personnes. Et dans ce lieu, c’est blindé. Heureusement, qu’il y a plusieurs salles, les gens alternent. Ils viennent vingt minutes au concert, après ils vont blaguer derrière, ils vont faire un billard ou alors, ils sont dehors. Ca circule un peu. La capacité du lieu, c’est soixante à quatre-vingt personnes. Tu passes au-dessus et ce n’est plus drôle. On a une chanteuse Dounia, qui faisait de la danse indienne pieds nus. Pendant son Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 22 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] concert, quelqu’un a cassé un verre. Elle est pieds nus, j’ai dû me battre pour aller nettoyer. Il y avait tellement de monde que je ne pouvais plus passer. Il y a des limites. C’est pour cela qu’on ne fait pas trop de pub, c’est plutôt du bouche à oreille. V : Y-a-t-il des personnes de la presse qui écrivent ? G : Il y a des gens qui sont venus. Le correspondant de Midi Libre, quand on veut, on l’appelle. Par exemple, il est venu Nicolas Sabato, mondialement connu en jazz. Là, on lui fait du velours. S’il y a une émission de radio, on la prend et si on peut avoir un article sur la Gazette et Midi Libre, on le prend. Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 23 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Annexe 2 Entretiens avec les spectateurs Entretien n°1: les élèves de Raul, 23h30, première pause… V : Comment avez-vous eu vent de la soirée ? E1 : C’est Raul, le guitariste, qui m’a dit qu’il y avait une soirée ici. C’est mon prof de guitare en fait… C : Tous les deux vous êtes étudiants ? E1 : Moi je suis à la fac de sport. E2 : Moi je suis étudiant en philo, à Paul Valéry. V : Et le bar, vous le connaissiez ? E1 : Moi c’est la première fois que je viens. C : Juste parce que Raul t’as dit de venir, donc t’es venu… E1 : Ouais, mais je savais pas qu’il y avait un bar ici. En fait l’ambiance est sympa aussi donc… C : Vous habitez pas dans le quartier alors ? E2 : Si moi j’habite juste à côté, dans le quartier Boutonnet. Et toi t’habites… E1 : Moi j’habite à Triolet. C : Et tu connaissais toi le bar ? E2 : Euh… nous on connaissait, on avait déjà vu qu’il y avait pas mal de groupes qui passaient à l’intérieur mais on était jamais rentré en fait… Moi c’est pareil, je connais Raul par rapport aux cours… C : Et ça fait combien de temps que tu habites ici ? E2 : Ici…euh… Boutonnet et sur Montpellier, ca fait un an et quelques… C : Et t’es jamais rentré dans le bar ? E2 : Nan E1 : Moi, c’est encore pire, ça fait 4 ans que je suis là… C : D’accord… E2 : Nan, c’est moi le pire, je passe tous les jours devant le bar… E1 : Moi je suis a Triolet donc… Mais maintenant que je le connais ca va changer… on découvre tous les jours des trucs… E2 : On vous jure qu’on viendra tous les jours… V : On travaille pas pour le bar… C : Nan, c’est juste pour savoir ce que vous pensez de l’ambiance du lieu finalement… E1 : Ouais, l’ambiance sympa. E2 : Oui, oui…sympa… E1 : On a vu un billard aussi donc on repassera… Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 24 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] E2 : Nan, l’ambiance vraiment sympa, moi j’ai vraiment apprécié les serveurs… ils sont vraiment chaleureux… y se prennent pas la tête, calmes et cools V : Les interventions du patron ? E1 : Ouais déjà… puis j’ai reconnu un serveur, on était au collège ensemble… A Céret… C : Et le concert alors ? Ca se passe bien ? C’est ce que vous attendiez ? Vous vous attendiez à quelque chose ? E1 : On s’attendait à ce que ce soit plus flamenco, mais je pense que c’est super aussi. L’ambiance est super… C : Ca vous donne envie de danser un peu ? E1 : Oui, oui, moi j’ai envie de me lever et de danser avec la gallina. C : Mais t’oses pas…plutôt timide… E2 : Il a déjà pris des cours de danse. E1 : Très peu, mais à chaque fois ça me donne envie de bouger C : Le flamenco ? E1 : Oui… V : Là c’est des cours de gratte flamenco que tu prends avec lui ? E1 : Oui mais je viens juste de commencer, cette semaine. V : D’accord… C : Merci beaucoup… puis bonne fin de soirée… E1 : Merci à vous… Entretien n°2: les habitués, 23h40, première pause… C : Pourquoi vous venez ici ? E1 : On connaît tout le monde ici, ya Gérard le patron, Jean-andré c’est le serveur… c’est de la balle, de la balle… c’est des gens… que ya rarement un bar a Montpellier où le mental des gens, le feeling du patron et des serveurs… vraiment c’est magique… c’est magique ces gens… yes yes mec… C : Vous venez très très souvent ? E1 : Ouais ouais… C : Un ordre d’idée ? E1 : En moyenne deux fois, je viens a l’apéro le soir, pis quand ya un orchestre, quand ya de la musique là… C : Vous venez souvent quand ya des concerts alors ? E1 : Ouais, à chaque fois… attends coupez là… E2 : Euh… c’est un endroit familial, le patron est un ami, le barman aussi… sa femme, sa fille… C : Et donc à chaque fois qu’ya un concert vous venez ? Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 25 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] E2 : A peu près… C : Et vous trouvez ça comment les concerts qui passent ici? C’est plutôt bien ? E2 : Bien c’est très simple, et c’est convivial… C : Et vous vous laissez entraîner ? Vous dansez ? E1 : Mais attend, pourquoi tu poses des questions comme ça d’abord ? Nan mais franchement… nan mais attends… je m’excuse mais vous êtes jeunes… tu poses des questions con là… est ce que vous vous laissez entraîner ? pourquoi vous aimez ça ? attends c’est un des meilleurs bars a Montpellier, un des endroits super top là… V : C’est par rapport à la musique… est ce que ca vous donne envie de danser ? E1 : Ouais bien sûr mais… bon… écoutez… pour danser… la place est trop petite… on peut pas danser, on peut juste écouter… nan c’est un ednroit de feeling… attends, vous travaillez pour les RG ou quoi ? V : Hein ? E1 : Vous travaillez pour les RG ? C : Nan… pas du tout… E1 : Nan mais là mais tu poses des questions à la con là… pourquoi si ? pourquoi dansez ? mais c’est stupide là… un gosse de 12 ans y poserait les mêmes questions… V : C’est parce qu’en fait on fait un reportage sur la relation que les gens ont par rapport à un spectacle. E1 : Bah… c’est pas le spectacle, c’est l’endroit C : Oui mais il y en a qui viennent spécialement pour le concert… peut être que vous parce que vous venez tous les jours c’est différent… E1 : Yes, yes… bien sûr… ouais ouais ouais… bien sûr… nous on a des… yes… on a des amitiés… C : Ouais voilà… E1 : des tendresses…avec cet endroit là…ya un feeling vachement fort… C : Et vous vous préférez quand ya que des habitués ? ou d’autres personnes qui viennent ? E1 : Mais non… mais non !!! on préfère tout, on préfère la fête… t’es ouf ou quoi ? on préfère de la putain de fête tabernacle… la fête… quand elle vient… le monde là… les habitués y sont toujours ridicules là… ya un troupeau d’espagnol qui vient d’arriver, un car entier là… Bah tant mieux putain… moi j’ai crié « Viva España ! ». Putain j’étais le seul, ya que moi le français qui crie « Viva España ! ». Arrête… Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 26 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] Entretien n°3: une habituée, première acheteuse du CD, 00h40, fin du concert V : Alors le spectacle ? E : Nan, me filme pas… regarde plutôt (montrant les dédicaces des musiciens)… les musiciens, comme ils sont charmants… regarde… c’est le premier autographe… V : Premier autographe que vous recevez ? E : Premier CD vendu… V : Vous avez aimé ? E : Génial… sérieux… faut les montrer les petits gars… faut les faire connaître… arrête… V : Je filme pas… E : Nan sérieux… faut les faire connaître… t’as vu qu’ils passent dans d’autres bars ? Faut les suivre… C : Oui, ils tournent toute la semaine sur Montpellier. E : Faut les suivre… ohlala… faut que je sorte… faut que je sorte… Entretien n°4: deux étudiants animés, 00h50, fin du concert C : Comment vous avez connu ce lieu là ? Est-ce que vous êtes déjà venu avant ? E1 : Bueno, moi je connais ce lieu, parce que j’ai des amis qui habitent juste là à côté et que du coup (montrant le bout de la rue), quand on est en train de boire l’apéro là haut, et bien on entend toujours la musique ici et du coup on descend… V : Trois fois par semaines (rires) E1 : Et souvent ce qu’on se rend compte et ce que j’aime bien dans ce lieu, souvent tu arrives, c’est déjà 02h-03h du mat’, les grilles sont fermés mais tu entends les musiciens qui continuent à jouer à l’intérieur donc du coup ça donne envie d’y repartir quoi… d’aller voir quand les portes sont pas fermées… alors du coup tu vas voir… et là ce soir c’était la bonne occasion parce que moi c’était des personnes que je connaissais pas ya une semaine que j’ai rencontrées par hasard et voilà, ça me fait super plaisir d’être ici… V : Que tu as rencontré comment ? E1 : J’ai rencontré Raul, le chanteur-guitariste, par hasard place Candolle, bien sûr… personne n’avait Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 27 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] d’énergie, on s’est juste dit, tiens t’es musicien, ouais moi aussi bah… viens on s’échange nos numéros… voilà, petit à petit on s’est rencontré… et là on en arrive à là… ses potes andalous sont arrivés et c’est une super ambiance. C : Tu connaissais la danseuse ? E1 : Vite fait, pareil que les autres… Voilà je trouve que franchement, pour un premier concert, c’est super bien… qu’ils aient une super ambiance comme ça et que les gens apprécient… je pense que ça vient bien les motiver pour continuer… C : Et on t’as vu danser, ça te motive toujours comme ça pendant les concerts ou c’était juste là ? E1 : Moi, toujours… De la salsa, du machin, du jazz… C : Bon public… E1 : Le problème, moi, ce qui me fait « chier »… ce qui me…. Le problème, c’est que… V : T’es toujours toute seule (rires) E1 : Exactement… Heureusement qu’il y avait la danseuse et le gars, je sais pas comment il s’appelle… mais sinon à chaque fois t’es là à danser… tous les gens y sont assis… E2 : Et moi ce qui m’étonne, c’est l’ambiance, et à chaque fois, à chaque fin de morceau, il y a avait un espèce de « waouuuuuuuhh », moi ça m’a vraiment étonné, parce que les gens étaient vraiment compressés, ils auraient pu se dire, merde on a mal au cul… tu vois… ou machin… et putain, ça a été le feu pendant tout du long… V : Ya eu une bonne réaction oui… E2 : Et niveau musique aussi, parce qu’en fait moi je suis au JAM à Montpellier… V : T’es au JAM, adhérent au JAM ? E2 : Nan, je suis à l’école de jazz du JAM et euh… niveau performance musicale, moi j’ai trouvé que c’était… E1 : C’est bien consonnances jazz ouais… V : Ah toi aussi tu es au JAM, puisque tu as dis que tu étais musicienne ? E1 : Non, je fais de la flûte traversière mais je suis pas au JAM. E2 : T’es musicienne waouh… alleeezzz !!!! E1 : Ouais si j’aurais aimé, j’aurais pu être musicienne. Je suis une grande frustrée musicale. E2 : Oh ! Putain ! Tu dis ça ! Madame fait du piano, de la flûte traversière et un peu de batterie… alleez !!! Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 28 Sociologie du spectateur – Etude de cas Callejon del Gallo à l’Alternatif [10 déc 05] alleeez !!! et modeste avec ça… Nan sinon, c’était vraiment excellent… C : Et pour toi c’est le premier concert que tu fais ici ? E2 : Oui mais pas le dernier… Je me tape toute la tournée… E1 : Franchement, ya quelque chose à dire… V : Ah ! toutes les dates ? vous les faîtes ? E2 : Ouais ouais, ils vont passer au cargo là, faut les suivre, faut les suivre… Callejon del Gallo E1 : Au cargo, je sais pas ce que c’est ce bar, c’est une boîte ? V : Nan c’est un bar, mais je sais pas où c’est… probablement vers le centre ville… E1 : Ca fait 3 mois que je suis a Montpellier… je sais pas… C : Ah ca fait 3 mois ? E1 : Oui mais j’habite pas loin, j’habite à Nîmes, ça va le faire… ça va être une bonne semaine et ça fait plaisir d’accueillir des étrangers ici… on va le faire un bon petit couscous… tu vas voir… E2 : On est un peu dans le sud, on est un peu voisin quand même… V : Ah ? Vous avez prévu un couscous cette semaine ? E1 : Ouais un bon couscous… je vais y passer tout mon après midi après mon partiel là c’est bon… j’adore faire la bouffe… (rires) C : Bon, bah nickel, bah marci V : Merci beaucoup E2 : Bah bonne chance à vous… V : Ya des chances qu’on se retrouve alors.. E1 : Ouais c’est clair… E2 : Y vont nous suivre… putain je t’avais dit qu’il fallait pas qu’on passe à la caméra…(rires) V : On va vous demander vos impressions tous les soirs (rires) Céline THOMASSET / Vincent DEGOUL 29