Étude comparée d`un CD, d`un DVD et d`un Blu

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Étude comparée d`un CD, d`un DVD et d`un Blu
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Étude comparée d’un CD, d’un DVD
et d’un Blu-ray
par Renaud CARPENTIER et Thierry GUILLOT
Lycée Victor Hugo - 25000 Besançon
[email protected]
[email protected]
RÉSUMÉ
L’article décrit le principe de fonctionnement des disques optiques que sont le CD,
le DVD et le Blu-ray en mettant en évidence leurs points communs et leurs différences.
La structure des disques ainsi que le principe de leur lecture sont abordés, avec un complément sur les disques inscriptibles et réinscriptibles. Les auteurs présentent également des
expériences illustrant le caractère dispersif des disques et détaillent un protocole utilisant un goniomètre permettant de mesurer le pas des sillons des disques. Une dernière
partie est consacrée aux raisons (longueur d’onde et ouverture numérique entre autres)
qui expliquent la différence de densité de stockage pour les trois types de disques, ainsi
qu’à la manière de coder l’information afin d’en augmenter la capacité.
INTRODUCTION
Les disques optiques font indubitablement partie de notre vie quotidienne depuis un
bon nombre d’années : on écoute un CD audio dans la voiture, on installe un logiciel à
l’aide d’un CD-ROM, on regarde un DVD pour une soirée cinéma à la maison, on décide
de passer au Blu-ray pour profiter de la haute définition… Ces disques nous sont ainsi
devenus très familiers, mais que sait-on d’eux finalement ? Une personne, même
néophyte, saurait donner quelques éléments de réponse : on les lit grâce à un laser, ils
donnent de belles couleurs comme l’arc-en-ciel quand on regarde la lumière qu’ils réfléchissent, ils n’ont pas tous la même capacité de stockage, il existe des CD inscriptibles
et des réinscriptibles, etc. Mais qu’en est-il si l’on pousse un peu plus loin le questionnement : quel est le rôle du laser au juste ? Quel phénomène est à l’origine de la séparation des couleurs de la lumière blanche ? Pourquoi un DVD-ROM permet de stocker
beaucoup plus de données qu’un CD-ROM ? Pourquoi un Blu-ray est-il « mieux » qu’un
DVD ? Quelle est la différence entre un CD, un CD-R et un CD-RW ?
Nous proposons dans cet article de répondre à ces questions de la manière la plus
complète possible, sans avoir la prétention d’être exhaustifs. Les points communs et les
différences entre les trois technologies que sont le CD, le DVD et le Blu-ray sont analysés
à différents niveaux. L’article est destiné à un très large public. Après avoir décrit les
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caractéristiques des disques et le principe de leur lecture (section 1), nous proposons un
rappel détaillé sur les réseaux (section 2). Ensuite, les activités expérimentales proposées
vont d’une simple expérience que l’on peut faire à la maison à l’aide d’une lampe
blanche (section 3) à un protocole précis de mesure du pas des sillons des disques à l’aide
d’un goniomètre, destiné plutôt aux élèves du post-bac (section 4). Du point de vue des
connaissances mobilisées, l’étude des disques optiques est une application très concrète
des limites imposées par la diffraction et des moyens de s’en affranchir partiellement
(section 5). À noter que les auteurs ont fait le choix de ne pas parler des différents
systèmes de contrôle et d’asservissement liés à la lecture (vitesse de rotation du disque,
suivi de piste, focalisation du faisceau, etc.). Cette partie plus technique pourrait faire
l’objet à elle seule d’un vaste article. Les lecteurs intéressés pourront trouver dans la référence [1] de nombreuses informations sur ces sujets.
1. DESCRIPTION DES DISQUES
1.1. CD pressés
1.1.1. Structure
Les CD audio et les CD-ROM, dont on ne peut pas modifier le contenu, sont constitués d’un empilement de quatre couches (cf. figure 1, page ci-contre) :
® un substrat en matière plastique (polycarbonate) ;
® une très fine couche métallique réfléchissante ;
® un film protecteur (couche de laque acrylique anti-UV) ;
® éventuellement une couche en polymère sur laquelle sont imprimés le titre, la marque,
etc.
La couche métallique contient des « cuvettes » ou « alvéoles » ou « creux » (« pits »
en anglais), disposés le long de la piste, qui forme une spirale de près de cinq kilomètres de long. La spirale démarre à l’intérieur et se termine à la périphérie du CD (ce
qui explique l’existence de mini-CD). L’absence de creux se nomme un « plat » (« land »
en anglais). Les creux ont une profondeur de 125 nm.
Les supports de données préenregistrées sont réalisés par « pressage » : les alvéoles
sont réalisées en injectant le polycarbonate dans un moule contenant le motif inverse. La
couche métallique est ensuite déposée par-dessus. Cette technique de pressage ressemble
donc un peu à celle des anciens disques « vinyle ».
1.1.2. Lecture
Le suivi de la piste par le faisceau de lecture, identique pour les différents types de
disques optiques, se fait par deux mouvements distincts, comme l’illustre la figure 2 (cf.
page ci-contre) :
® rotation du disque autour de son axe ;
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Figure 1 : Schéma en coupe d’un CD.
Figure 2 : Schéma en coupe et vue de dessus du déplacement des éléments.
® translation du dispositif de lecture (laser + système optique, système d’asservissement
et de lecture).
La lecture des alvéoles se fait du côté du polycarbonate. Le laser de lecture a une
longueur d’onde λ = 780 nm dans le vide et environ λC = λ/n = 503 nm dans le polycarbonate dont l’indice de réfraction est n = 1,55.
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La profondeur d’un creux correspond donc au
quart de la longueur d’onde dans le polycarbonate, et
la différence de marche d entre un rayon qui se réfléchit sur le plat et un autre qui se réfléchit sur le fond
du creux est ainsi d’une demi-longueur d’onde dans le
vide.
La lecture de l’information stockée sur ces CD
pressés se fait donc de la façon suivante (cf. figure 3) :
lorsque le faisceau laser est totalement sur une zone
plate, l’intensité de l’onde lumineuse réfléchie par le
métal est maximale. Lorsque le faisceau est entièrement en face d’un creux, il y a interférence quasi
destructive entre la partie du faisceau qui se réfléchit
sur les bords de l’alvéole et la partie qui se réfléchit
sur le fond de l’alvéole (puisque δ = λ /2 ). L’intensité
de l’onde lumineuse qui revient du CD est donc minimale. Ce minimum n’est pas véritablement nul, car
l’interférence n’est pas parfaitement destructive.
La figure 4 illustre l’évolution de l’intensité
lumineuse (en rouge) correspondant à un certain profil
de piste (en pointillé noir), l’abscisse étant en micromètre et l’ordonnée en unité arbitraire.
Figure 3 : Structure des alvéoles
d’un CD.
Figure 4 : Allure de l’intensité lue (en rouge) pour un profil de piste (en noir).
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On peut observer que les CD sont peu fragiles dans la mesure où l’information est
stockée sous une épaisseur de polycarbonate de plus de 1 mm. On constate facilement
qu’en rayant le dessous du CD avec une pointe de compas, il reste lisible, même si les
rayons lumineux sont partiellement déviés par la rayure. On verra qu’il n’en est pas de
même pour un Blu-ray, pour lequel l’information est stockée très près de la face du
dessous du support.
1.2. CD-R et CD-RW
1.2.1. Structure
La structure des CD-R comporte trois différences par rapport à celle des CD :
® il n’y a plus de creux le long de la spirale de la couche métallique, mais la spirale est
matérialisée par un sillon dans le métal de profondeur constante ;
® ce sillon présente une ondulation spatiale de faible amplitude (0,03 mm) permettant au
graveur de savoir à quelle la vitesse il doit faire tourner le disque lors de l’écriture ;
® une couche supplémentaire est placée entre le métal et le polycarbonate. Elle est
constituée d’un colorant organique sensible à la température.
La structure d’un CD-RW est quasiment la même que celle d’un CD-R, mais la
couche organique est remplacée par un alliage qui peut passer de façon réversible d’un
état amorphe à un état cristallin grâce à un traitement thermique.
1.2.2. Écriture et lecture
Lors de la fabrication d’un CD-R vierge, la couche organique est transparente. La
gravure s’effectue en la chauffant localement aux endroits où l’on souhaite créer l’équivalent des creux. Elle est en quelque sorte brûlée et devient alors nettement plus opaque,
ce qui atténue sensiblement l’intensité lumineuse réfléchie par le métal. Les alvéoles du
CD sont ainsi remplacées par des zones peu transparentes de la couche organique du CD-R.
Toutefois, l’opacité n’est que partielle et l’intensité lumineuse est moins réduite par la
présence d’une zone peu transparente que par la présence d’un creux pour un CD pressé.
Le sillon sert à guider le laser utilisé pour créer les zones opaques. Lors de l’écriture, la
puissance du laser doit être de l’ordre de quinze fois plus importante que lors de la lecture
(qui doit se faire sans modification de la couche organique).
L’alliage utilisé dans un CD-RW a les propriétés suivantes :
® si on le chauffe à une température allant de 500 à 700 °C, il devient liquide puis adopte
l’état amorphe lors du refroidissement. Cet état amorphe est opaque ;
® si on le chauffe seulement à environ 200 °C, il adopte un état cristallin lors du refroidissement. Cet état cristallin est transparent.
Le laser d’écriture (fort chauffage) doit avoir une puissance comparable à celui des
CD-R (14 mW). Pour effacer (chauffage à environ 200 °C), la puissance est de l’ordre
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de 5 mW. Enfin, le laser en mode lecture a une puissance de l’ordre de 1 mW, comme
pour les CD et CD-R.
L’opacité d’une zone amorphe de cet alliage est encore moins importante que celle
de la couche organique d’un CD-R, ce qui rend la lecture encore plus difficile et ce qui
explique pourquoi certains anciens lecteurs CD peu performants ne sont pas capables de
lire les CD-RW.
1.3. Observation au microscope
Il est possible d’observer le sillon d’un CD-R ou d’un CD-RW : il faut pour cela
décoller une portion du film déposé sur le polycarbonate (1) (film comprenant le métal, la
couche thermosensible et le polymère du dessus). Puis observer le film avec un microscope optique (un objectif 60X avec un oculaire 10X conviennent). Un éclairage assez
puissant par-dessous suffit en général. La photo 1 a été prise avec un objectif à immersion 100X et une caméra CCD (courtoisie Bernard PALLANDRE).
Photo 1 : Observation au microscope des sillons d’un CD.
Photo réalisée à l’institution Robin par : Aurélie DUGAND, technicienne de laboratoire ; Jean-Claude COUDERC, professeur
et Bernard PALLANDRE, professeur.
Bien entendu, vu les dimensions mises en jeu, on est en limite de résolution des microscopes optiques. L’image de la figure 5 (cf. page ci-contre), beaucoup plus précise, a été
obtenue avec un microscope électronique. On distingue nettement les alvéoles caractéristiques d’un CD pressé.
1.4. DVD et Blu-ray Disc (2)
La structure de ces supports de stockage est assez similaire à celle de la famille des
CD, mais le sillon est plus fin et la zone de stockage n’est pas placée au même endroit
(cf. section 5).
Dans un DVD, l’information est stockée dans le plan médian de la couche de polycarbonate. Ceci permet de créer des DVD à double face (appelés DVD-10), comme
l’étaient les disques « vinyle », mais cela oblige à retourner le disque pour changer de
(1)
Notons que pour décoller ce film, il est parfois nécessaire de casser le CD-R ou CD-RW.
(2)
Blu-ray Disc est une marque déposée par SONY.
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Figure 5 : Image obtenue par un microscope électronique à balayage
(image sous licence CC-BY-SA tirée de wikimedia commons [2]).
face. Un autre type de disque, appelé DVD-9, n’a pas cet inconvénient : il s’agit du DVD
double-couche, dans lequel deux pistes sont gravées l’une au-dessus de l’autre. La première couche n’est que partiellement réfléchissante, permettant au système de lecture
d’avoir accès à la seconde couche en augmentant l’intensité du laser et la distance de
focalisation. Néanmoins, la seconde piste, plus difficile à être lue, offre une densité de
stockage plus faible : un DVD-9 possède une capacité de 8,5 Go contre 9,4 Go pour un
DVD-10. Notons qu’il existe des disques double-couche et double-face (appelés DVD17), mais que leur utilisation n’est pas très répandue.
En observant un DVD vierge simple face par le dessus, on se rend bien compte que
la zone métallique n’est pas affleurante : les inscriptions déposées sur le dessus du DVD
apparaissent avec une légère impression de flou voire de dédoublement (comme on peut
le constater sur la photo 2b) lorsque l’on observe en biais. Cet effet n’est pas visible pour
le CD (cf. photo 2a), car la couche métallique est très près de la surface où se trouvent
les inscriptions.
Photo 2a : Observation d’inscriptions écrites
sur un CD vu de biais.
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Photo 2b : Observation d’inscriptions écrites
sur un DVD vu de biais.
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Dans un Blu-ray Disc, l’information est stockée très près de la surface du dessous,
en raison de la grande ouverture numérique du système de lecture (cf. paragraphe 5.1.). Ils
sont donc plus sensibles aux rayures. La couche protectrice, très fine, n’est pas en polycarbonate, mais en matériau plus résistant.
1.5. Synthèse du polycarbonate
Le polycarbonate fait partie de la famille des polyesters. Bien que ce paragraphe
n’intervienne pas dans le principe de fonctionnement des disques, nous jugeons utile ici
d’évoquer brièvement la synthèse du polycarbonate et par là même de montrer que la
chimie organique est bel et bien présente dans la technologie des disques optiques. Nous
nous limiterons au procédé de la firme Bayer proposé par von Hermann SCHNELL en 1953
et dont le polycarbonate est vendu sous le nom de Makrolon®.
Le monomère est issu d’un diol, le bisphénol A. Le polycarbonate est le produit
d’une polycondensation (cf. figure 6) ayant lieu à l’interface entre deux phases non miscibles, brassées à une température comprise entre 20 et 40 °C :
® un milieu aqueux basique dans lequel on dissout le bisphénol A (solide à température
ambiante) ;
® un solvant organique dans lequel on dissout le phosgène _COCl 2i gazeux.
Figure 6 : Étapes de synthèse du polycarbonate.
Les propriétés physiques (résistance, transparence…) du polycarbonate lui confèrent
une place de choix dans de nombreux domaines. Ceux-ci vont du film plastique à l’intérieur de certaines boîtes de conserve au toit panoramique de certaines voitures. À noter
que la nocivité du bisphénol A, libéré par le polycarbonate (surtout quand on le chauffe),
fait l’objet de nombreux débats depuis quelques années. De récentes études lui attribuent
des effets sur le développement des fœtus et des nourrissons en tant que perturbateur
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endocrinien. La loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 prévoit d’ailleurs l’interdiction en France
de la commercialisation de biberons en polycarbonate. On pourra trouver sur le site de
l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) (fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET)
des détails concernant ce problème [3].
2. RAPPEL THÉORIQUE
2.1. Formule des réseaux
On considère un disque optique (CD, DVD ou Blu-ray) éclairé par une onde plane
progressive monochromatique. En pratique, il peut s’agir d’un faisceau laser ou d’un faisceau collimaté émis par une lampe spectrale munie d’un filtre. Chaque sillon du disque
va diffracter la lumière incidente en la renvoyant dans de multiples directions. Il faut
noter que le phénomène de diffraction est ici très marqué puisque la distance entre deux
sillons est de l’ordre de grandeur de la longueur d’onde : la lumière va être diffractée
dans toutes les directions, même si cela ne se fait pas de manière isotrope.
Cependant, la lumière diffractée par l’ensemble des sillons ne sera visible que dans
certaines directions bien précises. En effet, même avec un faisceau laser de seulement
1 mm de diamètre, il y aura de l’ordre d’un millier de sillons qui vont être éclairés simultanément. Les ondes diffractées par ces sillons vont alors interférer entre elles : l’onde
résultante aura une intensité lumineuse non négligeable uniquement si toutes les ondes
diffractées sont en phase (il y a alors interférences constructives). Dans les autres directions, l’intensité est trop faible pour être visible. Les différentes directions vers lesquelles
la lumière est renvoyée sont données par la formule des réseaux, que nous proposons ici
de redémontrer.
Si le disque est éclairé sur une petite zone (comparée à sa propre taille), on peut
considérer que les sillons y sont rectilignes. Le disque constitue alors ce que l’on appelle
un « réseau » en réflexion, c’est-à-dire une lame réfléchissante constituée d’un grand
nombre de motifs identiques très longs selon une direction et équidistants selon la direction perpendiculaire. Ici, les motifs sont les sillons, séparés par la distance a, appelée le
« pas » du réseau.
Du fait du caractère périodique du réseau, les ondes diffractées à l’infini par les
motifs sont toutes déphasées d’un multiple de 2p si et seulement si les ondes diffractées
par deux motifs successifs le sont également. Tel est le cas si la différence de marche
entre les rayons passant par deux points homologues (distants de a) de motifs successifs
et arrivant au point d’observation M est un multiple de la longueur d’onde.
Calculons cette différence de marche, notée d. L’onde plane incidente est émise par
une source ponctuelle S située à l’infini. On note θi l’angle d’incidence des rayons issus
de la source. Le point d’observation, à l’infini, est repéré par l’angle θd par rapport à la
normale au réseau (cf. figure 7). Le plan Al B est une surface d’onde du faisceau d’éclaiVol. 105 - Mai 2011
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rage, car perpendiculaire aux rayons incidents d’après le théorème de Malus. Donc
_SAli = _SBi . Le plan Am B serait une surface d’onde( 3) si le point M était une source
ponctuelle, ainsi _Am Mi = _BMi . On obtient donc δ = _Al Ai + _AAmi = a _sin θi + sin θdi .
Figure 7 : Calcul de la différence de marche pour un réseau en réflexion.
On aboutit à la relation fondamentale des réseaux en réflexion, donnant les directions d’émergence des pics d’intensité lumineuse :
a _sin θd + sin θii = pλ ,
où p est un entier relatif.
L’entier p s’appelle l’ordre du pic diffracté dans la direction donnée par θd . À noter
que l’ordre 0 correspond aux rayons de l’optique géométrique pour lesquels θd = – θi :
on retrouve bien la loi de Descartes en réflexion.
2.2. Influence du polycarbonate
En réalité, lors de leur réflexion sur le disque optique, les rayons sont à l’intérieur
de la couche de polycarbonate. Nous proposons de voir si la formule des réseaux en est
modifiée.
La différence de marche entre deux rayons venant de la source ponctuelle S à l’infini (dans la direction repérée par θi ) et se rejoignant au point M d’observation à l’infini
(dans la direction repérée par θd ), après réflexion sur deux points homologues de deux
miroirs successifs, est donnée par (cf. figure 8 pour la définition des points) :
δ = _Gl Hli – _ACi = Gl Al + n Al Bl + n Bl Cl + Cl Hl – n AB – n BC .
(3)
Le plan Am B n’est pas dans le cas présent une surface d’onde car les rayons parallèles allant vers M font
partie de deux ondes sphériques distinctes émises par A et B et non d’une onde plane.
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Figure 8 : Calcul de la différence de marche avec la couche de polycarbonate.
Or AB = Al Bl et BC = Bl Cl , d’où δ = Gl Al + Cl Hl . De plus, AAl = CCl = a . Il
vient Gl Al = a sin θi et Cl Hl = a sin θd .
Il y a interférence constructive entre deux rayons diffractés par deux miroirs successifs pour δ = pλ , p étant entier, donc pour a _sin θi + sin θdi = pλ , λ étant toujours la
longueur d’onde dans le vide (ou l’air, qui y est assimilé).
Finalement, la présence du polycarbonate ne modifie pas la relation fondamentale
des réseaux, du moment que les angles repèrent les directions dans l’air.
2.3. Cas de la « rétrodiffraction »
Il est possible que le pic de lumière d’ordre p reparte dans la même direction que
celle de l’onde incidente. On a alors θd = θi , angle identique que l’on note θ. La formule
des réseaux devient :
2a sin θ = pλ
Cette situation de « rétrodiffraction » sera utilisée notamment lors des mesures
d’angles à l’aide d’un goniomètre.
3. EXPÉRIENCES EN LUMIÈRE BLANCHE
Chacun a pu constater la présence de dégradés de couleurs sur un CD ou un DVD,
lors de sa manipulation quotidienne. C’est d’ailleurs un moyen simple et rapide d’investigation du spectre d’une source lumineuse. La photo 3 montre un DVD éclairé par des
tubes de lumière « blanche ». On voit en haut à gauche l’image spéculaire de la source
et dans les parties du bas les différentes bandes d’émission de la source qui, comme on
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le voit bien, ne présente pas un spectre d’émission continu.
Photo 3 : DVD éclairé par des « néons ».
3.1. Diffraction en « arc-en-ciel »
3.1.1. En incidence normale
Lorsque l’on éclaire un CD en incidence normale avec une source blanche (4), et que
l’on observe la lumière diffractée en réflexion sur un écran percé d’un trou circulaire
(montage représenté sur la figure 9), on obtient plusieurs dégradés de couleur circulaires,
comme le montre la photo 4 (cf. page ci-contre).
Figure 9 : Schéma du montage de la diffraction en « arc-en-ciel ».
(4)
L’usage d’un sténopé ne s’est pas révélé nécessaire : la pureté des couleurs à l’écran était satisfaisante et
les auteurs ont voulu privilégier une forte luminosité pour que les arcs-en-ciel soient visibles de loin. À
noter qu’il est également possible d’utiliser directement les rayons du soleil !
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Photo 4 : Lumière diffractée par un CD avec un éclairage centré.
Au premier abord, on pourrait penser que les différents ensembles de franges colorées correspondent aux différents ordres d’interférences du réseau que constitue le disque.
En réalité, c’est un peu plus compliqué que cela. L’observation se faisant à distance finie,
une même direction d’émergence peut donner plusieurs franges différentes. Sur la figure 10,
on voit que pour un ordre d’interférences donné, une petite zone du CD donne à la fois
des portions de franges près du trou de l’écran et, de façon diamétralement opposée, des
portions de franges plus éloignées du trou.
Figure 10 : Mise en évidence du double arc-en-ciel.
Si on refait l’expérience en recouvrant le CD d’un écran opaque (dessin de gauche
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de la figure 11), sauf sur un tout petit secteur angulaire, on obtient sur l’écran deux portions de franges circulaires, décalées angulairement de p, l’une près du trou de l’écran,
l’autre plus éloignée (dessin de droite de la figure 11).
Figure 11 : Cas où le CD n’est éclairé que sur une bande restreinte.
La photo 5 illustre cela : la lumière blanche incidente a été volontairement concentrée sur une portion du CD. On voit clairement l’effet sur l’écran.
Photo 5 : Lumière diffractée par un CD avec un éclairage décentré.
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Il est possible de réaliser un montage permettant d’éviter l’apparition de deux arcsen-ciel pour un même ordre d’interférence. Le montage, illustré sur la figure 12 (où seuls
les ordres de la couleur rouge sont dessinés pour plus de visibilité), ne requiert qu’une
lentille supplémentaire. L’écran, percé cette fois-ci d’un trou de petite taille (sténopé),
doit se trouver dans le plan focal objet de cette lentille. De ce fait, les ordres + 1 et − 1
se retrouvent au même endroit sur l’écran (dans l’hypothèse d’un stigmatisme rigoureux)
et ne créent donc qu’un seul arc-en-ciel. Notons qu’en pratique, les aberrations de la
lentille peuvent conduire à un léger dédoublement de l’arc-en-ciel (cf. photo 6) : il faut
dans ce cas utiliser un diaphragme à l’entrée de la lentille (indiqué en pointillé sur la
figure 12). La photo 7 montre alors le résultat final.
Figure 12 : Schéma du montage pour éviter le double arc-en-ciel.
Photo 6 : Cas sans diaphragme.
Photo 7 : Cas avec diaphragme.
La même expérience (celle sans lentille entre l’écran et le disque) peut être reproduite en remplaçant le CD par un DVD. Le pas du sillon étant plus faible, les anneaux
colorés sont plus écartés les uns des autres (cf. photos 8 et 9, page ci-après).
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Photo 8 : DVD éclairé par un faisceau centré.
Photo 9 : Cas d’un faisceau décentré.
Avec un Blu-ray Disc, la même expérience ne fait apparaître aucun anneau coloré
(cf. photo 10) : le pas du sillon est trop faible. La relation fondamentale des réseaux
sin θd = p λ en incidence normale ne peut pas être satisfaite pour p ! 0 , car a = 320 nm,
a
ce qui est inférieur à toutes les longueurs d’onde du domaine visible.
Photo 10 : Blu-ray Disc éclairé par un faisceau centré.
3.1.2. En incidence oblique, défilement des couleurs
Toujours avec un éclairage par un faisceau quasi parallèle de lumière blanche,
observons à présent le disque optique dans une direction quasiment parallèle à celle des
rayons incidents (cf. figure 13, page ci-contre). À mesure que l’on incline le support
d’enregistrement (CD, DVD ou Blu-ray), la couleur reçue par l’œil change.
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Figure 13 : Montage en incidence oblique
En incidence quasi rasante (q proche de 90°), la couleur en retour est quasiment
blanche pour un CD, bleue pour un DVD et rouge pour un Blu-ray.
En effet, nous nous trouvons ici quasiment dans la configuration de « rétrodiffraction » θd . θi . θ . Pour un ordre d’interférences p quelconque, la relation fondamentale
des réseaux du paragraphe 2.3. peut se mettre sous la forme : λ = 2a sin θ .
p
La figure 14 donne des représentations de la fonction λ (θ) , paramétrée par l’ordre
d’interférences p, pour chacun des trois types de disques optiques. Afin de rendre l’exploitation de ces courbes plus aisée, des zones de couleurs correspondant aux longueurs
d’ondes visibles ont été ajoutées. En incidente rasante, il y a bien un ensemble de couleurs présentes (aspect blanc) pour le CD, une dominante bleue pour le DVD (l’ordre 2
sort quasiment du visible) et une couleur rouge pour le Blu-ray Disc.
λ = 3, 6 sin θ
p
λ = 1, 5 sin θ
p
λ = 0, 64 sin θ
p
Figure 14 : Courbes l(q) pour les trois types de disques (λ en µm) .
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4. UTILISATION D’UN GONIOMÈTRE
4.1. Description et réglage
Mesurer la position des ordres diffractés par un CD pour en déduire le pas a déjà
fait l’objet d’un article publié dans Le Bup [4]. L’utilisation d’un goniomètre que nous
proposons dans cet article va permettre d’effectuer des mesures d’angles beaucoup plus
précises et ainsi aboutir à une estimation de la distance a entre les sillons avec une faible
incertitude. Pour pouvoir se servir du goniomètre, il faut en premier lieu fabriquer un
système d’attache qui soit solidaire du support mobile sur lequel on pose le système
dispersif. Cela a été réalisé avec un tube en PVC (scié dans une canalisation de sanitaire
de diamètre extérieur de 10 cm) ayant un diamètre intérieur légèrement supérieur à celui
du support et dans lequel on a fait des entailles pour pouvoir y insérer le disque optique (5)
(cf. photo 11). Il faut faire attention à ce que le disque soit bien vertical une fois fixé.
Photo 11 : Disque optique monté sur goniomètre.
Le vernier associé au support mobile permet ainsi de connaître avec précision
l’orientation du disque par rapport au plateau central.
On éclaire le disque avec un faisceau laser (He-Ne par exemple). Il faut régler la
position et l’orientation du laser pour que :
® le faisceau arrive à la même hauteur que le centre du disque. C’est la condition pour
que les sillons éclairés soient verticaux et ainsi que les ordres diffractés soient tous
contenus dans un plan horizontal ;
® le faisceau arrive en incidence normale sur le disque. Pour cela, il faut que le faisceau
réfléchi selon l’optique géométrique (le disque se comportant pour ce faisceau comme
un miroir) reparte dans la même direction, c’est-à-dire revienne exactement sur le laser.
(5)
On peut bien sûr imaginer d’autres dispositifs…
Étude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
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609
4.2. Encadrement du pas
Avant d’effectuer des mesures précises d’angles, il est possible d’avoir un encadrement de la distance a entre les sillons à l’aide d’une expérience très simple.
Après avoir effectué les réglages décrits au paragraphe précédent, on compte le
nombre de rayons diffractés, c’est-à-dire le nombre d’ordres visibles (autre que l’ordre
0). Puisque l’incidence est normale, il y a autant d’ordres d’un côté que de l’autre, l’ordre
– p étant le symétrique de l’ordre + p par rapport au rayon incident. On compte donc le
nombre d’ordres d’un seul côté, entier naturel noté pmax .
La formule des réseaux donne en incidence normale :
a sin θd = p λ
On obtient un encadrement du pas en remarquant que l’ordre pmax existe, mais pas
l’ordre pmax + 1 . Cela signifie que sin θd < 1 pour pmax et sin θd > 1 pour pmax + 1 . D’où
un encadrement du pas :
pmax λ < a < _ pmax + 1i λ
On effectue l’expérience avec les trois types de disques, avec un laser He-Ne de longueur d’onde l = 633 nm :
pmax
CD
DVD
Blu-ray
2
1
0
Encadrement 1,26 µm < a < 1,92 µm 633 nm < a < 1,26 µm
a < 633 nm
Tableau 1
4.3. Protocole expérimental
Pour mesurer le pas a, c’est-à-dire la distance entre deux sillons consécutifs d’un
disque optique, on utilise le protocole suivant :
® on effectue les réglages préliminaires indiqués au paragraphe 4.1. (verticalité du disque
et des sillons éclairés par le laser) ;
® on lit l’angle α0 repérant la position du CD sur le goniomètre lorsque l’ordre 0 repart
dans la même direction que le faisceau incident. On a alors θi = 0 (situation A de la
figure 15, page ci-après) ;
® on pivote le CD pour que ce soit l’ordre p qui reparte dans la même direction que le
faisceau incident ;
® on lit l’angle α p repérant la nouvelle position du CD (situation B de la figure 15).
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Figure 15 : Positions du disque lors des mesures d’angle.
La situation B correspond au cas de la « rétrodiffraction » de l’ordre p étudié au
paragraphe 2.3. De plus, la comparaison entre les situations A et B permet d’écrire :
θ = α0 – α p .
Le pas a peut donc se déduire de la relation :
2a sin _α0 – α pi = p λ
(1)
4.4. Résultats des mesures
Pour le CD de capacité 700 Mo, il est possible d’obtenir la rétrodiffraction pour
quatre ordres avec le laser rouge He-Ne, pour lequel l = 632,8 nm (dans l’air).
Ordre
α0 – α p
a
1
12°13l
1,495 mm
2
25°03l
1,495 mm
3
39°22l
1,496 mm
4
57°43l
1,497 mm
Tableau 2
La précision des mesures d’angles est limitée par la largeur du faisceau émergent.
Pour les trois premiers ordres, l’intervalle des valeurs possibles de l’angle α0 ou α p (où
l’œil voit le faisceau émergent confondu avec le faisceau incident) a une largeur de 6 l .
On en déduit une incertitude-type de 6l / 12 = 1,7l pour la mesure de chaque angle, et
donc une incertitude-type de 1,7l / 2 = 2,4l sur la mesure de la différence α0 – α p . L’inÉtude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
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611
certitude élargie à 95 % correspondante, notée Da, est ainsi égale à 5 l (i.e. au double de
l’incertitude-type en supposant une distribution gaussienne des résultats de la mesure)
[5]. Pour l’ordre 4, l’intervalle angulaire vaut 10 l (faisceau plus divergent), d’où une
incertitude élargie de 8 l . Pour calculer l’incertitude élargie Da sur la valeur de a, on différentie la relation (1) : 2 sin _α0 – α pi da + 2a cos _α0 – α pi d _α0 – α pi = 0
1
∆a =
∆α
a
tan _α0 – α pi
On aboutit à :
La précision de la mesure Da/a vaut ainsi 1 % pour l’ordre 1, 0,3 % pour l’ordre 2
et 0,2 % pour les ordres 3 et 4. D’où une précision incluant les quatre mesures de l’ordre
de 0,1 %.
On peut en conclure :
a = _1,496 ! 0,002i µm pour le CD
Ce résultat est compatible avec la valeur que l’on peut trouver sur la toile [6], qui est de
1,497 mm pour un CD de 700 Mo (la valeur de 1,6 mm indiquée au paragraphe 1.1.
correspond aux CD de 650 Mo).
Pour le DVD, seuls deux ordres sont obtenus par rétrodiffraction.
Ordre
α0 – α p
a
1
25°20l
739,5 nm
2
58°49l
739,7 nm
Tableau 3
Avec ∆α = 5l pour l’ordre 1 et 8 l pour l’ordre 2, on obtient 0,2 % de précision pour
chaque mesure, d’où :
a = _740 ! 1i nm pour le DVD
Ce résultat est en accord avec la valeur indiquée dans les spécifications techniques d’un
DVD (cf. référence [7]) qui est de (0,74 ± 0,03) mm.
Prenons quelques secondes pour remarquer que la mesure du pas à l’aide du goniomètre permet d’avoir une précision nanométrique : nous avons ainsi déterminé la distance
entre deux sillons d’un DVD à une poignée d’atomes près (6) !
(6)
L’incertitude de la valeur du pas, de l’ordre du nanomètre, a deux causes possibles. Elle peut venir d’une
part d’un manque de précision de la mesure (on peut d’ailleurs remarquer que l’on est proche du pouvoir
de résolution théorique du réseau formé par les sillons puisque l’on éclaire un nombre N de motifs de
l’ordre du millier : la divergence angulaire de chaque faisceau émergent du réseau est de l’ordre de
λ/ _ N a cos α pi (cf. chapitre 13 de la référence [8]), environ 3’ et 6’ pour respectivement l’ordre 1 et 2 dans
le cas du DVD). Elle peut venir d’autre part d’un défaut d’uniformité de la distance entre les sillons : cette
dernière peut en effet légèrement varier lors de la fabrication du disque.
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4.5. Cas du Blu-ray
Lorsque l’on pivote le disque Blu-ray avec le dispositif décrit au paragraphe 4.1.,
on n’observe aucun ordre diffracté. Cela est dû en fait au dispositif lui-même qui limite
la rotation du disque. En effet, le support choisi pour maintenir le disque impose que
celui-ci soit centré sur l’axe de rotation du goniomètre. Ainsi, dans la situation A, le laser
ne frappe le disque qu’à une distance Ri de l’axe, là où commence la piste gravée (cf.
figure 16). En tournant le disque, le faisceau laser n’éclaire plus le disque au-delà de
l’angle θmax (situation B) tel que :
cos θmax =
Ri
Re
Avec Ri = 1,8 cm et Re = 5,9 cm , cet angle limite vaut θmax = 73° . Cette valeur se trouve
être insuffisante pour le Blu-ray.
Figure 16 : Positions limites du disque Blu-ray, vues de dessus,
lors de la recherche de la « rétrodiffraction ».
On propose alors de remplacer le laser rouge He-Ne par un laser vert Nd-Yag
doublé en fréquence, de longueur d’onde l = 532 nm. Cette fois-ci, la longueur d’onde
étant plus petite, la rétrodiffraction pour l’ordre 1 est possible (c’est d’ailleurs le seul
ordre) pour α0 – α p = 56°14l avec ∆α = 5l . On en déduit :
a = _320,0 ! 0,3i nm pour le Blu-ray
Connaissant la valeur du pas a, nous pouvons déterminer l’angle α0 – α p attendu
pour le laser He-Ne : on trouve de l’ordre de 82°, effectivement supérieur à θmax , ce qui
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rend bien impossible l’utilisation du laser rouge pour le Blu-ray avec le dispositif mis en
place (7).
5. POUR ALLER PLUS LOIN…
5.1. Ouverture numérique
Les mesures de la section 4 ont montré que les sillons d’un disque Blu-ray étaient
plus rapprochés que ceux d’un DVD, eux-mêmes plus rapprochés que ceux d’un CD. Il
est assez logique qu’en conséquence, un disque Blu-ray puisse stocker plus de données
qu’un DVD et a fortiori qu’un CD. Nous reviendrons sur cette capacité de stockage dans
le paragraphe suivant. Nous proposons dans un premier temps de répondre à la question
suivante : si le principe de lecture des trois disques est identique, quelles avancées technologiques ont permis de réduire, du CD au DVD puis du DVD au Blu-ray, la taille des
alvéoles codant l’information ?
Les chercheurs et ingénieurs ont en fait joué entre autres sur deux paramètres : la
longueur d’onde du faisceau de lecture d’une part, et l’ouverture numérique de l’optique
associée d’autre part. Pour apprécier l’influence de ces deux paramètres, il faut comprendre et étudier l’origine physique imposant une taille minimale aux alvéoles : le phénomène de diffraction.
Pour lire les informations contenues sur le disque optique, le faisceau laser est focalisé sur les alvéoles à l’aide d’une association de lentilles. Ce système optique est conçu
pour faire converger le faisceau sur une surface la plus petite possible : la courbure de
chaque dioptre est profilée afin d’ôter tout phénomène d’aberration géométrique, même
en étant très éloigné des conditions de GAUSS [9]. Cependant, aussi perfectionné que soit
ce système optique, la taille du spot laser sur les alvéoles ne peut pas être réduite indéfiniment. La nature ondulatoire de la lumière provoque un phénomène de diffraction dans
la zone de focalisation : même avec un système optique rigoureusement stigmatique, le
faisceau donne dans le plan des alvéoles une tache lumineuse, appelée « tache d’AIRY »,
et non un point lumineux. On montre que la largeur D de cette tache, qui correspond ainsi
à la taille minimale du spot laser, est approximée par la formule (cf. chapitre 6 de la référence [8]) :
1,22 λ
D=
(2)
2 ON
où l est la longueur d’onde de la diode laser dans le vide et ON l’ouverture numérique
(7)
Pour que la mesure soit possible avec le laser He-Ne, il suffit de fabriquer un support permettant de décaler
le disque Blu-ray par rapport à l’axe de rotation du goniomètre pour que le faisceau puisse frapper une
partie gravée du disque au niveau de l’axe de rotation du goniomètre : ce sera alors toujours la même partie
du disque qui sera éclairée et il sera possible d’effectuer des mesures jusqu’à 90°. Les auteurs ont cependant préféré garder le support existant et utiliser un autre laser, cette démarche étant plus intéressante du
point de vue pédagogique.
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Figure 17a : Allure du faisceau de lecture dans le cas d’un CD.
Figure 17b : Allure du faisceau de lecture dans le cas d’un DVD.
Étude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
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du système optique de lecture. Cette dernière est définie par la relation :
ON = sin uair = n sin uC
où uair et uC désignent les angles maximaux que font les rayons provenant du centre de
l’alvéole lue, et entrant dans la lentille de lecture, avec l’axe optique respectivement dans
l’air et dans le polycarbonate (les angles uair et uC sont représentés sur les figures 17a à
17c pour les différents disques).
La taille minimale du spot laser est donc proportionnelle à l et inversement proportionnelle à ON. Pour réduire la taille des alvéoles, on peut donc diminuer la longueur
d’onde de la diode laser de lecture et augmenter l’ouverture numérique. C’est ce qui a
été pratiqué du CD au DVD, puis du DVD au Blu-ray. Le tableau 4 récapitule les valeurs
numériques utilisées pour ces trois disques optiques. Notons que la couleur du faisceau
de lecture d’un disque Blu-ray est à l’origine de son propre nom : 405 nm correspond à
du violet (à la limite du spectre visible), au-delà donc du bleu, mais l’on comprend aisément que le nom « Blu-ray » ait été préféré au nom « Violet-ray ».
Type de disque
CD
DVD
Blu-ray
780 nm
635 nm (8)
405 nm
ON
0,45
0,60
0,85
Angle uair
27°
37°
58°
Angle uC
17°
23°
? (9)
1,06 mm
650 nm
290 nm
λdiode laser
Taille du spot
Tableau 4
Les figures 17a, 17b (cf. page ci-contre) et 17c (cf. page ci-après) représentent l’allure du faisceau de lecture pour respectivement un CD, un DVD et un Blu-ray. À noter
que la couche métallique où se situent les alvéoles n’est pas localisée au même endroit
selon le type de disque :
® pour un CD : le faisceau traverse tout le polycarbonate (environ 1,2 mm d’épaisseur)
avant d’atteindre la couche métallique ;
® pour un DVD : la couche métallique est au milieu du disque, le faisceau laser traverse
donc une épaisseur d’environ 0,6 mm de polycarbonate ;
® pour un Blu-ray : il n’y a qu’une couche protectrice de 0,1 mm devant la couche
métallique. Cette faible valeur est nécessaire du fait de la forte courbure de la lentille
de lecture, qui risquerait de toucher le disque si la couche métallique était positionnée
(8)
Certains lecteurs DVD possèdent un laser de longueur d’onde légèrement plus grande : 650 nm.
(9)
L’indice de réfraction de la couche protectrice, qui n’est pas du polycarbonate, n’étant pas connu, il nous
est impossible de calculer cet angle.
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Figure 17c : Allure du faisceau de lecture dans le cas d’un Blu-ray.
plus en profondeur. Le reste du disque (1,1 mm d’épaisseur) assure la rigidité de celui-ci.
5.2. Capacité de stockage
Les trois disques optiques que sont le CD, le DVD et le Blu-ray possèdent la même
taille pour une raison assez logique de compatibilité des lecteurs. La surface inscriptible
des disques a la forme d’un anneau de dimension facilement mesurable à la règle graduée :
diamètre intérieur Dint = 44 mm et diamètre extérieur Dext = 116 mm . La partie sur laquelle
est gravée l’information a donc une superficie d’environ S = π _D 2ext – D 2inti = 90 cm 2 .
4
Il est alors tentant d’en déduire la taille d’une « alvéole élémentaire » (les bords y
compris) nécessaire pour coder 1 bit connaissant la capacité totale du disque. Pour un CD
de 700 Mio (10), les mesures au goniomètre ont montré qu’elle avait une largeur
a = 1,5 mm. Sa longueur L peut être déterminée en écrivant que S = N La, où N désigne
le nombre total de bits pouvant être contenus dans le disque. Pour un CD de 700 Mio,
puisque 1 octet est codé sur 8 bits, on a N = 700 # (1024) 2 # 8 = 5,9 $ 10 9 bits. On en
déduit L = 1 mm environ. Cela semble a priori cohérent avec :
® le fait que la longueur occupée par un bit ne peut pas être plus petite que la taille du
spot laser (1,06 mm pour un CD) pour pouvoir distinguer les différents bits lors de la
lecture ;
® l’image du CD prise au microscope électronique (cf. paragraphe 1.2) où les plus petites
alvéoles ont une longueur de 0,9 mm environ.
(10) Attention : il s’agit d’un CD-R affichant une capacité de stockage de 700 Mo. Il y a deux rectifications à
faire sur ce chiffre : il s’agit en fait de 702 Mio (et non 700) et l’unité Mio est différente de Mo [10] ! En
effet, 1 Mio = 220 o = (1024)2 o, alors que 1 Mo = 106 o. Donc 1 Mio ≈ 1,05 Mo. La capacité du CD est en
fait de 736 Mo, soit une différence de 5 % par rapport à la valeur affichée ! (l’honneur est sauf : l’erreur est
dans le « bon » sens, celui qui ne lèse pas l’acheteur…).
Étude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
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Ce petit raisonnement, malgré sa simplicité, est cependant incomplet pour les raisons
suivantes :
® dans un CD, un octet « effectif » n’est pas codé sur 8 bits mais sur un plus grand
nombre ;
® il est techniquement possible d’avoir des bits de longueur bien inférieure au diamètre
du faisceau de lecture, sans que cela empêche le système de lecture de les différencier ;
® les plus petites alvéoles ne représentent pas un seul bit, mais trois.
Nous reviendrons sur ces différentes remarques dans le paragraphe suivant pour
tenter de « percer le mystère ». Limitons nous pour l’instant à comparer la capacité de
stockage des trois disques. On peut dresser en premier lieu la liste des facteurs dont elle
dépend :
® la longueur d’onde du laser ;
® l’ouverture numérique de la lentille de lecture ;
® le ratio : taille des alvéoles / taille du spot laser ;
® la façon de coder les données.
Il est possible d’évaluer le gain de capacité liés aux deux premiers facteurs lors
du passage du CD au DVD. Il suffit d’écrire que la surface utilisée par un bit élémentaire évolue dans la même proportion que la surface de la tache de diffraction (tache
d’AIRY de diamètre D) du faisceau laser, c’est-à-dire est divisée par un facteur
2
2
2
ONDVD 2
D
λ
780 2 d 0,60 n = 2,7 . Pour une surface inscriptible dond CD n = d CD n d
n =a
k
0,45
DDVD
ONCD
λDVD
635
née, l’amélioration de ces deux facteurs (diminution de l et augmentation de ON) permet
au DVD de stocker environ trois fois plus de données qu’un CD. Or un DVD simple
couche possède une capacité de 4,7 Go, environ six fois plus qu’un CD, ce qui montre
que d’autres facteurs ont également été modifiés.
Effectuons le même raisonnement entre le DVD et le Blu-ray : le gain de capacité
issu de la modification de l et de ON vaut :
2
f
2
2
2 0,85 2
ONBlu ray
DDVD
λ
p = a 635 k d
n = 4,9 .
p = f DVD p f
DBlu ray
OnDVD
405
λBlu ray
0,60
On remarque que cette valeur est proche de l’augmentation réelle de capacité : un
disque Blu-ray simple couche peut stocker jusqu’à 25 Go (11), soit 5,3 fois plus qu’un DVD
simple couche. On en conclut que l’augmentation de la capacité de stockage est essentiellement due au changement de couleur du laser ainsi qu’à une optique de lecture plus
performante.
(11) Sony et Panasonic ont annoncé en janvier 2010 l’arrivée dans le commerce de disques Blu-ray simple
couche ayant une capacité de stockage de 33 Go.
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5.3. Principe du codage
5.3.1. Introduction
Les données stockées dans les disques optiques le sont sous format numérique (12) :
il s’agit d’une succession de « bits » de valeur 0 ou 1 (codage binaire). On pourrait imaginer
que les suites de « 0 » et de « 1 » présents physiquement sur le support d’enregistrement
sous forme de « creux » et de « plats » dans le cas des disques pressés (cf. paragraphe 1.1.)
correspondent exactement à l’information stockée sous forme binaire. Il n’en est rien,
pour trois raisons :
® l’information binaire de type « 1 » ne correspond ni à un creux, ni à un plat, mais au
passage de l’un à l’autre (aussi bien creux-plat que plat-creux, cf. figure 18) ;
® pour éviter les erreurs lors de la lecture, des bits de correction d’erreur ont été ajoutés ;
® aussi paradoxal que cela puisse paraître, afin (entre autres) d’optimiser la densité de
stockage sur le support, l’information est codée avec un nombre de bits environ trois
fois plus important que celui nécessité par l’information brute !
Figure 18 : Exemple d’un profil de piste et du code binaire associé.
5.3.2. Pouvoir de résolution
Voici une question en apparence simple, mais qui va se révéler être riche en commentaires : « comment choisir la distance minimale entre deux creux ou entre deux plats,
par rapport à la taille du spot lumineux du laser de lecture ? ».
Avant de commencer, précisons une chose : dans tout ce qui suit, le code binaire sera
associé aux transitions de l’intensité lumineuse : un « 1 » pour un changement d’intensité (existence d’un front montant ou descendant), un « 0 » pour une absence de changement.
Comme le montre la figure 4 (cf. paragraphe 1.1.2.), plus la distance entre deux
fronts consécutifs est petite et plus la variation de l’intensité lumineuse réellement lue est
faible. La raison est la suivante : comme il a été expliqué au paragraphe 5.1., le laser de
lecture éclaire le disque optique sur une surface et non un point. L’information lue va
donc être une moyenne de l’information présente dans la zone éclairée. Ainsi, un front
infiniment raide sur le disque va provoquer un changement d’intensité lumineuse progressif (et non brutal) sur une distance de l’ordre de la taille du spot. Si deux fronts sont
séparés d’une distance inférieure à la taille du spot, le chevauchement des informations
lues entraîne une atténuation des variations du signal et un risque de faire des erreurs
dans la lecture.
(12) C’est le cas pour le CD, le DVD et le Blu-ray, mais pas pour le Laserdisc : ce disque optique (qui a été
commercialisé dans les années 1980-90) utilisait un format analogique pour le codage de la vidéo.
Étude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
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La figure 19 en est un exemple, où le code contient trois bits « 1 » à la suite,
entourés de zéros. La courbe rouge correspond à l’intensité lue (en unité arbitraire) avec
une taille de spot laser suffisamment petite : on distingue les trois fronts. La courbe bleue
correspond à l’intensité lue avec une taille de spot trop grande : le front montant central
est « noyé », on ne peut pas faire la différence avec la séquence 0 0 0 1 0 0 0 qui ne
possède qu’un seul front descendant.
Figure 19 : Intensité lue d’une même séquence avec deux tailles de spot différentes.
Ainsi, la taille du spot laser impose une distance minimale entre deux fronts consécutifs : dans le cas des disques pressés, les plus petites alvéoles et les plus petits plats ne
peuvent pas être beaucoup plus petits que la taille du spot (pour le CD, cela est bien le
cas : les plus petites alvéoles ont une longueur d’environ 0,9 mm (cf. figure 5) pour une
taille du spot d’environ 1 mm). Cette limitation fixe le « pouvoir de résolution » du système
de lecture.
5.3.3. Comment coder pour « gagner de la place » ?
La limitation évoquée précédemment est inconditionnelle de la façon de coder l’information, en ce sens que la contrainte porte sur la taille des alvéoles et non sur la taille
des bits. Pour augmenter la densité d’information sur le disque, il « suffit » donc qu’une
alvéole contienne plusieurs bits. Mais puisqu’une alvéole est délimitée par deux bits
« 1 », il faut obligatoirement remplir l’alvéole de bits « 0 » (idem pour un plat). On pourrait objecter qu’il s’agit d’un ajout artificiel ne permettant pas de stocker plus d’information, dans la mesure où l’on insère des bits dont on n’a pas le choix de la valeur. Eh
bien si, on y gagne quand même ! Et il ne s’agit pas là d’une astuce d’informaticien, mais
bel et bien d’un concept physique extrêmement important. Nous proposons de convaincre
le lecteur par une simple illustration. Dans cette méthode d’insertion, on peut « jouer »
sur le nombre de zéros que l’on ajoute dans chaque alvéole ou entre chacune d’elles. PreVol. 105 - Mai 2011
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nons l’exemple des deux séquences de la figure 20 qui ne diffèrent que par le nombre de
zéros dans l’alvéole centrale : deux pour le profil rouge et trois pour le profil bleu.
Figure 20 : Intensité lue pour deux séquences différentes.
On note que le maximum d’intensité pour le profil bleu a lieu après celui du profil
rouge. Un « bon » traitement du signal permet donc de distinguer les deux séquences : la
localisation des fronts (i.e. des « 1 ») est plus précise que la propre taille du spot (qui
correspond approximativement à la largeur des pics d’intensité). Les fronts peuvent être
repérés avec une précision supérieure à la taille du faisceau de lecture. Il n’y a aucun
phénomène de chevauchement de l’information.
Voilà donc la clé permettant de diminuer la taille des bits : le pouvoir de localisation
des fronts est meilleur que le pouvoir de résolution de ceux-ci. Avec ce procédé, plus on
insère de « 0 » dans la plus petite alvéole ou le plus petit plat et plus la capacité de stockage augmente. Et par quoi est-on limité ? Par le rapport signal sur bruit qui va imposer
une distance minimale entre deux bits afin d’être sûr de bien lire la bonne séquence et
de ne pas faire d’erreurs de localisation des fronts.
Cette différence entre pouvoir de résolution et pouvoir de localisation d’un système
optique a bien d’autres champs d’applications. Citons par exemple :
® La microscopie PALM [11] (acronyme anglais de photo-activated localization microscopy) qui permet, grâce à des marqueurs fluorescents photo-induits, d’obtenir des images
avec une précision nanométrique avec de la lumière visible (alors que le pouvoir de
résolution d’un microscope optique classique est de l’ordre du micromètre) !
® Le télescope Gaïa de l’agence spatiale européenne (ESA) [12] dont le lancement dans
l’espace est programmé pour 2012. Son plus grand miroir de renvoi a une largeur de
e = 1,5 m, ce qui entraîne une résolution angulaire pour le visible (avec l = 600 nm)
Étude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
Le Bup n° 934
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de l’ordre de l/e = 80 millisecondes d’arc. Le but de Gaïa est entre autres de faire une
cartographie en trois dimensions de notre galaxie (la distance des astres se mesurant
par la parallaxe). La précision attendue du pointage angulaire est de 24 ms d’arc pour
un astre de magnitude apparente égale à 15. Le pouvoir de localisation est ici plus de
trois mille fois plus grand que le pouvoir de résolution !
5.3.4. Codage EFM
Nous venons de voir qu’il est possible d’augmenter la capacité de stockage en ajoutant des « 0 » entre les « 1 ». Mais comment procède-t-on concrètement pour convertir
une série de bits en une nouvelle série comportant plus de « 0 » ? Il faut en fait élaborer
une table de conversion vérifiant certains critères :
® pour un nombre donné de bits d’entrée, la table de sortie doit utiliser un minimum de
bits ;
® deux « 1 » doivent être séparés par au moins deux « 0 » (contrainte C1) ;
® deux « 1 » ne doivent pas être séparés par plus de dix « 0 » (contrainte C2).
Cette contrainte C2 est liée à la « resynchronisation » de l’horloge de lecture avec
celle qui a servi lors de l’écriture du disque. En effet, même si les oscillateurs sont
aujourd’hui très précis et réguliers, les défauts mécaniques (excentrage du trou central,
défaut de planéité, mauvais équilibrage en rotation, irrégularité de la vitesse de rotation,
etc.) font qu’il est indispensable de recaler souvent l’horloge de lecture avec celle d’écriture. En imposant un nombre de « 0 » inférieur ou égal à dix entre deux « 1 », on rend
cette synchronisation fréquente possible.
Le codage qui a été retenu pour le CD est le codage EFM (acronyme de Eight-toFourteen Modulation, c’est-à-dire modulation 8-14), où un octet, c’est-à-dire une série
de 8 bits, est transformé en une série de 14 bits. Pourquoi 14 ? Il existe 28 = 256 mots
différents de 8 bits et un calcul de dénombrement montre que l’on peut trouver plus de
256 mots de 14 bits respectant les contraintes C1 et C2. On peut même en trouver 267.
Il faut donc choisir les 256 « meilleurs ».
Pour faire ce choix, il faut aussi tenir compte de l’enchaînement des mots : deux mots
de 14 bits qui respectent C1 et C2 peuvent donner une chaîne de 28 bits qui ne respecte
plus les contraintes. Par exemple,
10000001000000 puis 00000001000000 donne 1000000100000000000001000000
dans lequel il y a treize « 0 » à la suite. Il faut donc ajouter des bits de liaison. On montre
que deux bits de liaison seraient suffisants. Toutefois, pour éviter les problèmes liés à la
présence de basses fréquences qui peuvent s’avérer gênantes [13], le choix de 3 bits de
liaison a été retenu dans le codage EFM. Avec 3 bits, on peut réaliser huit mots différents.
Seuls quatre sont à retenir : 000, 100, 010 et 001, puisque les quatre autres feraient intervenir des « 1 » trop rapprochés. Le choix du mot de 3 bits sera fait à chaque fois en fonction des deux mots de 14 bits à relier, mais aussi de manière à minimiser la présence de
basses fréquences (minimisation du RDS, Run Digital Sum).
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Enseignement expérimental
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Parmi les deux cent soixante-sept mots de 14 bits respectant les contraintes C1 et
C2, quatre comportent dix « 0 » en début ou fin de chaîne, et six en comportent neuf.
Ces dix mots ont donc été éliminés. Il n’en restait plus que deux cent cinquante-sept. Les
deux cent cinquante-six qui ont été retenus sont ceux qui ont permis une optimisation des
circuits logiques servant au codage (il n’y a pas de petites économies !).
Voici un extrait de la table de codage EFM [14] (cf. tableau 5, page ci-contre).
Le codage EFM est celui utilisé pour les CD. Il permet d’augmenter la capacité de
stockage d’un facteur 3 ¥ 8/17 (car la plus petite alvéole contient 3 bits et non un seul
et qu’un octet effectif est codé sur une table de 14 bits + 3 bits de liaison), ce qui permet
un gain de l’ordre de 40 %.
Pour le DVD, le codage choisi, appelé communément EFM+, est encore plus performant : un octet est codé sur une table de 16 bits, sans avoir recours aux bits de liaison et
avec une subtilité supplémentaire : la table de conversion d’un octet dépend de la valeur
de l’octet précédent. Un octet occupe donc 16 bits dans un DVD au lieu de 17 pour un
CD. Pour une présentation détaillée de ce codage, voir l’annexe G des spécifications d’un
DVD disponible sur la toile [7].
5.3.5. Correction des erreurs
Afin de pouvoir corriger des erreurs de lecture de l’information binaire, huit paquets
de 8 bits (transformés par l’EFM en huit paquets de 17 bits) sont ajoutés tous les vingtquatre paquets de 8 bits de données brutes (qui représentent vingt-quatre paquets de
17 bits en raison de l’EFM). La technique de correction se nomme Cross-Interleaved
Reed-Solomon Coding (CIRC). Elle ne se contente pas de rajouter les bits de contrôle et
de correction ; elle modifie également l’ordre des bits du message informatif, par des
techniques d’entrelacement : l’information est découpée en mots et au lieu de les écrire
à la suite les uns des autres, on commence par enchaîner les premiers symboles de chaque
mot puis les seconds symboles et ainsi de suite. Le lecteur avide d’en savoir plus est
invité à consulter les spécifications standardisées sur le site internet de l’Ecma international. Par exemple, celles concernant le CD-ROM sont disponibles sur [15].
Ainsi, pour vingt-quatre paquets de 8 bits « utiles », nous en sommes déjà à trentedeux paquets de 17 bits.
5.3.6. « Control & Display » (C&D)
Tous les vingt-quatre paquets de 8 bits « utiles », on ajoute également un paquet de
8 bits pour stocker des informations supplémentaires (C&D) comme la durée, le titre (CD
audio), etc.
On note donc que pour vingt-quatre paquets de 8 bits « utiles », ce ne sont pas moins
de trente-trois paquets de 17 bits qui sont stockés (avec CIRC et C&D).
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Code d’entrée
(décimal)
0
Code d’entrée
(hexadécimal)
00
Code d’entrée
(binaire)
00000000
Code EFM
(binaire)
01001000100000
1
01
00000001
10000100000000
2
02
00000010
10010000100000
3
03
00000011
10001000100000
4
04
000000100
01000100000000
5
05
000000101
00000100010000
6
06
000000110
00010000100000
7
07
000000111
00100100000000
8
08
000001000
01001001000000
9
09
000001001
10000001000000
10
0A
000001010
10010001000000
11
0B
000001011
10001001000000
12
0C
000001100
01000001000000
13
0D
000001101
00000001000000
14
0E
000001110
00010001000000
15
0F
000001111
00100001000000
16
10
000010000
10000000100000
17
11
000010001
10000010000000
18
12
000010010
10010010000000
19
13
000010011
00100000100000
20
14
000010100
01000010000000
21
15
000010101
00000010000000
22
16
000010110
00010010000000
23
17
000010111
00100010000000
24
18
000011000
01001000010000
25
19
000011001
10000000010000
26
1A
000011010
10010000010000
27
1B
000011011
10001000010000
28
1C
000011100
01000000010000
29
1D
000011101
00001000010000
30
1E
000011110
00010000010000
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Tableau 5
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5.3.7. Synchronisation des trames
Nous avons vu comment il est possible de recréer une horloge de lecture. Mais un
autre problème subsiste : celui du décodage du message. Pour rendre ce dernier plus
lisible, il est nécessaire de le découper en morceaux, un peu comme un texte qui est
découpé en phrases.
Ainsi, sur la piste d’un CD, on introduit un code spécial de 27 bits tous les trentetrois paquets de 8 bits bruts, donc tous les trente-trois paquets de 17 bits.
Ce code spécial ne ressemble à aucun des paquets informatifs.
5.3.8. Bilan
Compte tenu de tous les ajouts et codages, pour stocker l’information sur un CD
correspondant à vingt-quatre paquets de 8 bits, soit 192 bits « utiles », il faut écrire
(33 ¥ 17) + 27 = 588 bits. Cela représente plus du triple de l’information brute.
Revenons pour finir au calcul effectué au paragraphe 5.2. qui reliait la capacité de
stockage affiché d’un CD et la longueur des plus petites alvéoles mesurée au microscope
électronique. La longueur occupée par un bit est estimée à 1 mm environ, ce qui correspond environ à la longueur d’une alvéole élémentaire, mais il s’agit bel et bien d’un coup
de chance, car une alvéole contient en réalité 3 bits et qu’un bit « effectif » nécessite
environ 3 bits réels.
CONCLUSION
Les disques optiques sont des éléments de choix pour l’illustration du pouvoir
dispersif des réseaux, tant du point de vue qualitatif pour le secondaire, que quantitatif
pour le post-bac. Les problèmes liés au phénomène de diffraction prennent également
tout leur sens. Enfin, la confrontation entre CD, DVD et Blu-ray est un bon exemple de
développement et d’évolution des technologies tels qu’il en existe dans le monde industriel.
Pour augmenter l’attractivité de la discipline en tant qu’enseignant, il est sans doute
pertinent, dès que l’occasion se présente, de faire appel à des objets quotidiens afin de
rendre plus concrètes les notions abordées en classe. Dans les expériences de cours, on
peut penser à utiliser des objets familiers des élèves en complément des dispositifs dédiés.
En classe préparatoire par exemple, une simple lame de savon peut s’avérer être un interféromètre aussi captivant que celui de MICHELSON, pour illustrer le cours sur les interférences à deux ondes.
Comme le souligne un rapport de l’académie des sciences et des technologies [16],
les disques optiques enregistrables sont des supports inadaptés pour l’archivage à long
terme et sont même un véritable piège pour le grand public : les CD audio pressés que
nous avons achetés il y a une vingtaine d’années fonctionnent encore très bien (sauf acciÉtude comparée d’un CD, d’un DVD et d’un Blu-ray
Le Bup n° 934
625
dent), nous donnant l’illusion qu’il en sera de même pour les CD inscriptibles ou réinscriptibles qui stockent nos albums photos ou nos documents auxquels nous tenons. Mais
il n’en est rien ! Il est nécessaire de recopier régulièrement les données sur des disques
neufs pour éviter de tout perdre. Qu’on se le dise (13) ! Avec quel intervalle de temps ?
Disons deux ou trois ans, mais cela dépend de la qualité du disque et de la manière de
le stocker… Notons pour finir qu’il existe depuis début 2009 au Japon un centre de tests
des disques d’archivage. Il permet de fournir à un fabricant dont les disques passent avec
succès des tests de résistance à un vieillissement accéléré un label spécifique, gage de
leur bonne stabilité. On pourra trouver dans la référence [17] une description complète
de méthodes de test de durée de vie des disques optiques proposées par le Laboratoire
national de métrologie et d’essais (LNE). Espérons que ces initiatives soient le point de
départ d’une prise de conscience collective, car nous sommes tous concernés !
REMERCIEMENTS
Les auteurs tiennent à remercier Dominique OBERT, professeur de physique-chimie,
pour sa relecture attentive et rigoureuse, Olivier RODIN, technicien de laboratoire, pour
son aide à la conception des expériences présentées dans cet article, ainsi que Philippe
HERMANN, professeur de chimie, pour son aide à la recherche bibliographique.
BIBLIOGRAPHIE ET NETOGRAPHIE
[1] http://www.louis-armand-mulhouse.eu/btsse/acrobat-cours/optiq.pdf
[2] http://commons.wikimedia.org
[3] http://www.anses.fr/
Les informations concernant le bisphénol A sont accessibles dans les archives des
actualités de l’AFSSA (27 avril 2010).
[4] PALLANDRE B. « Quelle est la distance entre les sillons d’un CD ? ». Bull. Un. Phys.,
octobre 2000, vol. 94, n° 827, p. 1657-1668.
[5] Le vocabulaire utilisé et les calculs d’incertitudes suivent les recommandations des
deux textes de référence suivants :
– vocabulaire international de métrologie, 3e édition, JCGM 200 : 2008
– guide pour l’expression de l’incertitude de mesure, JCGM 100 : 2008
tous deux disponibles sur le site Internet du Bureau international des poids et
mesures : http://www.bipm.org/fr/publications/
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Disque_compact
[7] http://www.ecma-international.org/publications/standards/Ecma-267.htm
(13) Certains se disent peut être qu’il suffit d’enregistrer sur des « mémoires Flash »… sauf que la durée de vie
des informations qui y sont stockées sont de l’ordre de trois ou quatre ans ! Des disques durs portables alors ?
À nouveau, la durée de vie est estimée à cinq ans [16].
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[8] CHAMPEAU R.-J., CARPENTIER R., LORGERÉ I. Ondes lumineuses : propagation, optique
de Fourier, cohérence. Paris : De Boeck, 2009.
[9] Il est en effet possible d’obtenir un stigmatisme rigoureux avec un dioptre sphérique
pour un couple de points, appelés les points de Young ou de Weierstrass. On pourra
trouver sur le lien suivant une animation interactive et très visuelle les mettant en
évidence :
http://www.ccp14.ac.uk/ccp/web-mirrors/j-j-rousseau/enseignements/physique/02/
optigeo/youngweir.html
[10] Depuis 1998, une nouvelle norme internationale existe pour les multiples d’octets,
qui distingue le calcul avec les puissances de 10 et celle avec les puissances de 2.
Par exemple, 1 ko = 103 octets et 1 Kio = 210 octets = 1024 octets. Il reste cependant
une confusion dans l’usage courant, même au sein des professionnels et des fabricants. Pour plus d’informations, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Octet
[11] http://www.scei-concours.fr/tipe/sujet_2008/physique_PC_2008.pdf
[12] http://sci.esa.int/science-e/www/area/index.cfm?fareaid=26
[13] http://zanotti.univ-tln.fr/cd/chapter2.html
[14] http://www.physics.udel.edu/~watson/scen103/efm.html
[15] http://www.ecma-international.org/publications/standards/Ecma-130.htm
[16] Longévité de l’information numérique. Éditions EDP Sciences, 2010.
La table des matières, l’introduction ainsi que la conclusion sont visualisables gratuitement sur le site de l’Académie des sciences :
http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/rc0310.htm
[17] http://www.lne.fr/fr/r_et_d/gis-don/conservation-donnees-numeriques-gis-don.asp
Renaud CARPENTIER
Professeur en CPGE
Lycée Victor Hugo
Besançon (Doubs)
Thierry GUILLOT
Professeur en CPGE
Lycée Victor Hugo
Besançon (Doubs)
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