Trois projets audacieux viendront enrichir l`espace

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Trois projets audacieux viendront enrichir l`espace
CULTURE
L E
D E V O I R ,
L E S
S A M E D I
9
E T
D I M A N C H E
1 0
J A N V I E R
E 7
2 0 1 6
DE VISU
Trois projets audacieux viendront enrichir l’espace public
JÉRÔME DELGADO
u’ont en commun la résoQ
nance des corps, un trou
de mémoire et une première
cohor te ? Rien, sinon qu’il
s’agit des titres de trois œuvres singulières, en cours de
réalisation, qui apparaîtront
dans l’espace public d’ici 2017.
La première est une œuvre
sonore, la première au Québec issue de la politique d’intégration des ar ts à l’architecture et à l’environnement —
ou du 1 %. La seconde, dont la
forme finale importe peu, découle d’une série d’actions urbaines. La troisième, basée
sur des por traits photographiques, implique la par ticipation de 75 personnes.
Les trois œuvres — La résonance des corps de Catherine Bédard et Sabin Hudon
(pr ojetée pour le CHUM),
Tr ou de mémoire d’AlainMar tin Richar d (pour le
Complexe environnemental
Saint-Michel) et Première cohor te de Car oline Hayeur
(pour le Centre de formation
professionnelle des Patriotes,
à Sainte-Julie) — poussent
l’ar t public dans des zones
peu exploitées.
Ancienne carrière Miron
Leurs auteurs doivent certes
relever le défi de l’intégration à un site, mais dans
chaque cas l’approche relève
de l’inusité. Alain-Mar tin Richar d, ar tiste connu pour
ses manœuvres urbaines, affirme être un « cobaye ». « [Le
jur y] me l’a dit. Mais lui
aussi l’était. »
L’expérimenté ar tiste de
Québec est encore surpris,
neuf mois après le concours
piloté par le Bureau d’art public de la Ville de Montréal.
Une semaine avant Noël, il reconnaissait l’audace de l’exercice destiné à trouver une œuvre pour le parc du Complexe
environnemental Saint-Michel,
sur le site de l’ancienne carrière Miron.
« On a engagé un artiste sur
le principe de la carte blanche.
Je n’avais jamais vu ça, avouet-il. Nous [les cinq finalistes
du concours] avons défendu
notre démarche, et non une
œuvre. Nous n’avons pas présenté de maquette. C’est excessivement stressant. Une épée
de Damoclès. »
Choisi en mai 2015, Richard s’est mis à l’œuvre
pendant l’été. Tenues dans
Saint-Michel, ses actions ont
découlé de rencontres avec
les groupes populaires, les
résidents et les travailleurs.
Il a marché, pédalé et exposé au-dessus de r uelles
des bander oles r epr enant
les témoignages de cette population multigénérationnelle et multilingue.
Selon lui, la destruction des
cheminées de la carrière aura
causé la « perte de mémoire ».
Sa stratégie, basée sur l’écoute
des gens affectés « par les effets néfastes de l’industrialisation et de l’enfouissement
des déchets », vise, dit-il, « à
remplir le trou ».
L’épée de Damoclès a fini
par frapper la tête de Richard. À l’automne, inspiré
par ses actions, il a présenté
ALAIN-MAR TIN RICHARD
À l’été 2015, Alain-Martin Richard a tenu plusieurs actions publiques dans Saint-Michel, avec des groupes populaires, des résidents et des travailleurs.
AGENCE STOCK PHOTO
La photographe Caroline Hayeur a gagné le concours destiné à un
corridor d’une école technique de Sainte-Julie.
une maquette : r efusée ! Il
doit désormais en proposer
une deuxième. Il imagine une
pièce métaphorique en deux
volets, un parcours de pierres
et un objet que les mauvaises
herbes recouvriront.
MAETERLINCK
SUITE DE LA PAGE E 1
mor t. Pétris de mystèr e,
semblables à des figures fantomatiques s’étant échappées
des univers de Shakespeare
et des frères Grimm, ses personnages se meuvent dans
un état somnambulique, comme
dans un rêve éveillé.
« Le temps cinéma, c’est un
temps arrêté, contrairement à
l’ar t vivant qu’est le théâtre,
croit Christian Lapointe. Par
symbolisme, l’œil de la caméra est celui de la mor t qui
nous regarde. Je ne suis pas
u n p r o v o c a t e u r, m a i s j e
me per mets de sor tir de la
rectitude de la nuit symboliste. Le sacré de la pièce,
c’est impor tant, mais pas de
profane, pas de sacré. Il y a
des espaces de profanation et
des zones de sacré et ces espaces-là réitèrent notre pré-
sence dans la salle. Au fond,
la question du théâtre, c’est de
l’être ensemble. »
« On est dans le rêve de l’enfant qui joue. Tout est codé, il
y a une espèce d’alchimie. Ce
procédé participe à l’alchimie
qui manifeste le rêve. Par moments, on se demandait si
Maeterlinck avait mélangé
l’or dre des scènes », ajoute
Lionel Arnould.
Ce rêve, Christian Lapointe
le brise ponctuellement afin
de ramener l’assistance dans
la réalité de la représentation : « J’ai tenu à ce qu’on ne
sombre pas dans le soporifique de la pièce. Il y a des
r uptures, des fuites, des digressions qui nous ramènent
au temps de la salle. Dans le
théâtre contemporain, il y a
cette fâcheuse manie de se
Habiller le futur CHUM
La résonance des corps de
Catherine Béchard et Sabin
Hudon, une des dix œuvres
choisies en septembre pour
habiller le futur CHUM, reposera sur une discrétion simi-
commenter et de commenter
d’où il vient. Dans ce jeu-là,
il y a l’idée de profaner des
choses sacrées dans le but de
réitérer du sacré afin que les
choses ne soient pas sacrées
par convention. Il y a là la
démocratisation du répertoire symboliste et à la fois la
laire. Ce ne sont pas les
herbes qui la couvriront, mais
les bruits urbains. Cette installation sonore, inspirée par le
clocher de l’ancienne église
Saint-Sauveur, à l’angle des
rues Saint-Denis et Viger, et
destinée à ce même lieu, instaurera « un moment de paix ».
« On veut créer des moments,
où, pendant quelques secondes,
on ne pense plus à notre condition. On est là, on respire »,
explique Sabin Hudon.
Pas question, précise sa
collègue et compagne, « d’imposer un environnement » : la
composition sera subtile, intégrera des sons environnementaux, d’autres créés en
studio et des « moments vides »,
ou silences. Le duo formé en
1999 se plaît à dir e que sa
proposition, à l’instar de l’installation de Max Neuhaux diffusée par les bouches d’aération de Times Square, à New
York, repose sur le hasard
des découvertes.
Béchard et Hudon, qui se
qualifient de « plasticiens sonores », font aussi dans les arts
visuels. Leur véritable première œuvre publique, installée en novembre devant une
école primaire d’Ahuntsic,
est… silencieuse. La résonance
des corps, elle, aura son objet,
22-25 avril
Une école à Sainte-Julie
Caroline Hayeur, elle, a gagné le concours destiné à un
corridor d’une école technique
de Sainte-Julie. Grâce à une
maquette. La photographe, qui
s’est fait un nom avec des portraits de communautés bien
précises, comme pour son
travail récent sur l’adolescence, n’aura pas le choix de
respecter jusqu’à la fin son
concept « béton ». Sa première
œuvre du 1% innove autrement.
« C’est audacieux parce que
j’inclus les étudiants dans le
processus. Ils sont mes modèles
et font par tie du concept, ditelle. L’œuvre parle d’un projet
éducatif et je devais la faire
avec les étudiants. »
Première cohor te rassemblera les étudiants de deux
nouveaux programmes en
soudure et en mécanique,
pour lesquels un bâtiment a
été construit. Depuis décembre, l’artiste les photographie
sur place, dans leur uniforme.
Elle les intègr e à ce point
dans la création, qu’elle leur
donne un cachet. L’esprit du
pr olétariat, et du par tage,
anime cette œuvre.
« Le décor industriel est génial, les costumes magnifiques.
Ce sont des por traits de travailleurs, mais ils gardent leur
anonymat », signale-t-elle.
Collaborateur
Le Devoir
démocratisation des pratiques
contemporaines. Et ça, c’est
très excitant. »
Le Devoir
PELLÉAS ET MÉLISANDE
Au TNM du 12 janvier au
6 février
Voyages – conférences – 2016 – une grande saison commence !
20 mars
métallique : trois plateformes
habiteront dif férentes hauteurs du clocher. Elles ne
fonctionneront pas comme
haut-parleurs, mais comme
surfaces, où résonnera chaque
petit bruit.
« Ce qui nous intéresse, c’est
la vocation du lieu. Le projet
est inusité, croit Catherine Béchard, parce que les sons sont
dif fusés dans une matérialité
résonnante. Une église est déjà
un corps résonnant, avec une
acoustique propre. Et il y a le
vide du clocher. De là la volonté
de travailler la ver ticalité et
l’horizontalité, pour avoir des
pleins et des vides. »
Jour de réjouissance !
MONTRÉAL – dévoilement du programme
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J E A N - PA U L
L’ A L L I E R
a été membre du premier conseil
d ’ a d m i n i s t r a t i o n d e l a Fo n d a t i o n
auprès de Gaston Miron et de
P i e r r e Va d e b o n c œ u r,
de 1986 à 1994.
Nous offrons nos condoléances à sa famille
et au monde des arts qu’il a si bien su servir.