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Thesis Construction et validation d'un système d'évaluation des interactions familiales triadiques précoces: le "Diaper Change Play" RIME, Jérôme Abstract L'objectif de cette étude est la validation du système de codage "FAAS – DCP" à partir des interactions familiales triadiques précoces observées à l'aide de la situation d'observation "Diaper Change Play" (DCP), afin d'obtenir un outil permettant l'évaluation du fonctionnement familial triadique, auprès de familles qui ont un nouveau-né de trois semaines post-partum, notamment dans le contexte hospitalier. Une attention particulière est portée sur la présence, chez la mère, de symptômes de dépression postnatale et/ou des réactions de stress aigu suite à un accouchement traumatique, constituant un risque pour le devenir familial et le développement de l'enfant. Les résultats des différentes validations sont finalement discutés, ainsi que les perspectives de recherches et cliniques. Reference RIME, Jérôme. Construction et validation d'un système d'évaluation des interactions familiales triadiques précoces: le "Diaper Change Play". Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2010, no. FPSE 441 URN : urn:nbn:ch:unige-145516 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14551 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. [ Downloaded 11/02/2017 at 15:41:51 ] Section de Psychologie Sous la direction du Prof. N. Favez CONSTRUCTION ET VALIDATION D’UN SYSTÈME D’ÉVALUATION DES INTERACTIONS FAMILIALES TRIADIQUES PRÉCOCES : LE « DIAPER CHANGE PLAY » THESE Présentée à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève pour obtenir le grade de Docteur en Psychologie par Jérôme RIME de Gruyères (FR) Thèse No 441 GENEVE Octobre 2010 99-410-920 Résumé L’objectif de cette étude est la validation du système de codage « FAAS – DCP » à partir des interactions familiales triadiques précoces observées à l’aide de la situation d’observation « Diaper Change Play » (DCP), afin d’obtenir un outil permettant l’évaluation du fonctionnement familial triadique, auprès de familles qui ont un nouveauné de trois semaines post-partum, notamment dans le contexte hospitalier. Une attention particulière est portée sur la présence, chez la mère, de symptômes de dépression postnatale et/ou des réactions de stress aigu suite à un accouchement traumatique, constituant un risque pour le devenir familial et le développement de l’enfant. 32 familles issues d’une ancienne étude exploratoire menée à Breitenbach, ainsi que 12 familles issues de l’étude SESAM-L en cours, se sont vues administrer le DCP. En parallèle, les mères ont rempli les questionnaires EPDS et IES-R. L’état de santé du bébé a été contrôlé à l’aide du score d’Apgar. De plus, l’intégrité neuro-comportementale des 12 nouveau-nés de l’échantillon SESAM-L, a été vérifiée à l’aide de l’examen NNNS. 3 juges ont également été formés pour l’évaluation des interactions familiales observées au DCP. Les résultats permettent d’établir différentes validité, à savoir : une bonne fiabilité, indiquant une cohérence entre le système de codage « FAAS – DCP » et le construit théorique du fonctionnement familial triadique ; une fidélité inter-juges garantissant une compréhension partagée par divers évaluateurs ; une évaluation similaire du ème ème fonctionnement familial entre la 3 semaine au DCP et le 3 mois post-partum au LTP. Cependant, la capacité à identifier les familles où la mère rencontre des symptômes de dépression postnatale et/ou des réactions de stress aigu, n’est que partielle. Bien que le concept de coparentage devrait être réajusté au premier mois post-partum, la situation d’observation DCP, étayée de son système de codage, peut être utilisée pour évaluer le fonctionnement familial triadique précoce. Les perspectives de recherches et cliniques sont finalement discutées. Remerciements Cette Thèse est le fruit de mon travail de doctorant FNS et de ma collaboration en tant que collaborateur scientifique au sein de la clinique de la maternité de l‟hôpital de l‟Île de Berne. Je remercie tout d‟abord le Professeur Nicolas Favez, pour son investissement, la qualité de son encadrement académique, son soutien ainsi que sa confiance et ses encouragements. Un grand merci également au Dr. Werner Stadlmayr pour son implication générale dans le déroulement de ce travail, pour ses conseils et sa précieuse collaboration dans le développement de la situation d‟observation « Diaper Change Play ». Merci aux membres du Jury : le Professeur Claude-Alain Hauert et le Professeur Jean Dumas, qui ont accepté de lire et d‟évaluer ce travail. Merci à toute l‟équipe du Centre d‟Etude de la famille, aux collaborateurs de la Fondation Mutterhilfe, ainsi qu‟aux assistants du Professeur Nicolas Favez : France Frascarolo, Elisabeth Fivaz-Depeursinge, Antoinette Corboz-Warnery, Hervé Tissot, Claudine Bolay, Maria Steiner Fahrni, Franziska Stüssi-Schmid, Chloé Lavanchy-Scaiola, Francesco Lopes et Mathieu Bernard. Merci tout particulièrement à Marianne Bäbler et Anne-Sophie Gillain pour leur investissement et leur participation aux codages des familles en tant qu‟expertes. Merci au Professeur Paolo Ghisletta et à Felix Amsler pour leurs précieux conseils dans les analyses statistiques. Merci à Zack Boukydis d‟avoir partagé son expérience de clinicien et de chercheur et grâce à qui j‟ai beaucoup appris sur la manière d‟observer et d‟interagir avec les nouveauxnés. Merci aux familles qui ont participé à cette recherche et grâce auxquels j‟ai également beaucoup appris. Un immense merci également à Sarah qui m‟a aidé, avec beaucoup de patience, à organiser mes idées et qui a su trouver la manière de m‟encourager et me soutenir tout au long de cette aventure. Merci enfin à tous mes proches qui ont participé à cette entreprise par leur précieux soutien moral. Table des matières Chapitre I : Introduction .................................................................................................. 1 1.1 Le passage du couple à la famille ................................................................................... 1 1.2 Un vide théorique autour de l‟adaptation postnatale précoce ........................................ 2 1.3 L‟hôpital comme lieu privilégié de détection et de prévention précoces de troubles du post-partum ..................................................................................................................... 3 1.4 Le paradigme expérimental « Diaper Change Play » (DCP) : originalité et objectifs de validation ........................................................................................................................ 5 Chapitre II : 2.1 L’observation des familles au niveau triadique ........................................ 9 Les relations familiales et les interactions: différents niveaux de compréhension de la famille ............................................................................................................................. 9 2.2 La nécessité d‟étudier la triade familiale ...................................................................... 10 2.3 Le choix de la méthode observationnelle ..................................................................... 12 2.4 Synthèse ........................................................................................................................ 15 Chapitre III : Conception du système familial triadique dans le contexte de la périnatalité .................................................................................................. 16 3.1 Le modèle de l‟encadrement ........................................................................................ 16 3.2 L‟alliance familiale ....................................................................................................... 19 3.3 3.2.1 Fonctions pour réaliser un trilogue................................................................. 20 3.2.2 Les types d‟alliances familiales...................................................................... 23 Le couple conjugal lors de la transition à la parentalité ............................................... 26 3.3.1 Les facteurs liés à la qualité de la relation conjugale ..................................... 28 3.3.2 Gestion des conflits conjugaux et répercussions sur le développement de l‟enfant ........................................................................................................... 30 3.4 Le sous-système coparental .......................................................................................... 32 3.4.1 Facteurs, typologie du coparentage et conséquences sur le développement de l‟enfant ........................................................................................................... 34 3.4.2 3.5 Articulation entre le sous-système conjugal et coparental ............................. 37 Le sous-système parental .............................................................................................. 39 i 3.6 Synthèse ........................................................................................................................ 41 Chapitre IV : 4.1 Les compétences du nouveau-né ............................................................... 43 Les compétences sensorielles et perceptives ................................................................ 45 4.1.1 La vision ......................................................................................................... 46 4.1.2 La perception des visages ............................................................................... 47 4.1.3 L‟audition ....................................................................................................... 49 4.1.4 Le toucher ....................................................................................................... 50 4.1.5 L‟olfaction ...................................................................................................... 50 4.2 Les compétences motrices et vestibulaires ................................................................... 53 4.3 Les compétences cognitives ......................................................................................... 55 4.4 4.5 4.3.1 L‟attention visuelle ou la réponse d‟orientation ............................................. 55 4.3.2 La notion d‟état .............................................................................................. 56 Les compétences émotionnelles et sociales .................................................................. 58 4.4.1 Le tempérament .............................................................................................. 59 4.4.2 L‟expérience du visage impassible ou « still-face » ...................................... 61 4.4.3 Intersubjectivité et compétences sociales ....................................................... 63 4.4.4 La capacité d‟imitation comme compétence sociale ...................................... 64 Synthèse ........................................................................................................................ 65 Chapitre V : 5.1 Les troubles des interactions précoces à la période postnatale.............. 68 La dépression maternelle postnatale ............................................................................. 69 5.1.1 Etiologie de la dépression postnatale ............................................................. 70 5.1.2 Les critères diagnostics de la dépression postnatale ...................................... 71 5.1.3 Les facteurs de risque de la dépression postnatale ......................................... 75 5.1.3.1 Les facteurs sociodémographiques .................................................. 76 5.1.3.2 Le soutien social ............................................................................... 77 5.1.3.3 Les facteurs psychiatriques .............................................................. 78 5.1.3.4 Les facteurs obstétricaux.................................................................. 79 5.1.3.5 Les facteurs biologiques et hormonaux............................................ 80 5.1.3.6 Les facteurs liés au nouveau-né ....................................................... 80 5.1.4 Conséquences de la dépression maternelle postnatale ................................... 82 5.1.4.1 Conséquences au niveau des interactions parent – bébé ................. 82 5.1.4.2 Conséquences sur le conjoint et dépression paternelle ................... 85 ii 5.1.4.3 Conséquences sur le développement de l’enfant .............................. 86 5.2 Les réactions de stress aigu (« acute stress reactions » ou ASR) suite à un accouchement traumatique ........................................................................................... 88 5.2.1 Définition des réactions de stress aigu et les critères diagnostics .................. 89 5.2.2 Prévalence et comorbidité .............................................................................. 92 5.2.3 Durée des réactions de stress aigu et leur influence sur l‟apparition de l‟état de stress post-traumatique .............................................................................. 95 5.2.4 Facteurs de risques des réactions de stress aigu ............................................. 97 5.2.4.1 La personnalité et histoire personnelle de la mère .......................... 98 5.2.4.2 Le vécu subjectif de l’accouchement ................................................ 99 5.2.4.3 Les facteurs obstétricaux................................................................ 100 5.2.5 Conséquences des réactions de stress aigu ................................................... 103 5.2.5.1 Conséquences sur le lien mère – enfant et sur le développement de l’enfant ........................................................................................... 104 5.2.5.2 Conséquence sur le conjoint et la relation conjugale .................... 105 5.3 Synthèse ...................................................................................................................... 107 Chapitre VI : 6.1 Synthèse de la littérature et problématique........................................... 110 L‟étude et la conceptualisation du système familial triadique au début de la période postnatale .................................................................................................................... 111 6.1.1 Les apports de la méthode observationnelle dans l‟étude de la triade familiale ...................................................................................................................... 112 6.2 6.1.2 Le fonctionnement familial triadique et composition du système familial .. 112 6.1.3 Le rôle du nouveau-né dans les interactions familiales triadiques ............... 114 6.1.4 Conclusions .................................................................................................. 115 Le contexte hospitalier comme lieu privilégié pour la détection des familles en souffrance ................................................................................................................... 115 6.3 La dépression postnatale et les réactions de stress aigus : leurs manifestations et leurs conséquences au sein de la triade familiale ................................................................ 116 6.4 Problématique et questions théoriques ....................................................................... 118 Chapitre VII : Méthode .................................................................................................... 120 7.1 Population et échantillonage....................................................................................... 122 7.1.1 Les variables sociodémographiques et obstétricales .................................... 122 iii 7.1.2 Les critères d‟inclusion/exclusion ................................................................ 124 7.1.3 Description des échantillons et des données fusionnées .............................. 124 7.1.3.1 L’échantillon SESAM-L (n = 12) ................................................... 124 7.1.3.2 L’échantillon Breitenbach (n = 32) ............................................... 128 7.1.3.3 Caractéristiques des données fusionnées à partir des deux échantillons (n = 44) ...................................................................... 132 7.2 Contrôle de l‟état de santé du nourrisson ................................................................... 134 7.3 Structure de la situation d‟observation DCP .............................................................. 137 7.3.1 Contexte de la création du setting de base du DCP ...................................... 137 7.3.2 Modifications du setting de base .................................................................. 140 7.3.3 Montage numérique ...................................................................................... 142 7.3.4 Le manuel « FAAS – DCP », ses dimensions interactives et les catégories de l‟alliance familiale ........................................................................................ 143 7.3.5 7.4 La consigne du DCP ..................................................................................... 147 Instruments et procédures retenues pour la validation du système d‟évaluation DCP .................................................................................................................................... 149 7.4.1 La situation d‟observation LTP .................................................................... 149 7.4.2 Les questionnaires ........................................................................................ 150 7.4.2.1 L’ « Edinburgh Postnatal Depression Scale » (EPDS) ................. 150 7.4.2.2 L’ « Impact of Event Scale – Revised » (IES-R)............................. 151 7.4.3 La formation des juges au système de codage au DCP ................................ 151 7.4.4 Points de mesure........................................................................................... 152 7.5 Considérations éthiques .............................................................................................. 152 7.6 Opérationnalisation des questions de recherche ......................................................... 153 Chapitre VIII : Le traitement des scores (données brutes) issus des dimensions interactives du « FAAS – DCP » et des alliances familiales ................. 155 8.1 8.2 Le traitement des données manquantes (code « A ») ................................................. 155 8.1.1 Transformation des codes « A » par la moyenne ......................................... 157 8.1.2 Le remplacement du code « A » par la valeur zéro ...................................... 157 La transformation des catégories de l‟alliance familiale ............................................ 158 Chapitre IX : Question de recherche 1 : Fiabilité du système de codage « FAAS – DCP » (n = 44) .......................................................................................... 160 iv 9.1 Analyse discriminante et pouvoir de prédiction des dimensions interactives ............ 160 9.1.1 Analyse préliminaire des distributions des scores aux dimensions interactives dans les trois catégories de l‟alliance familiale ............................................ 161 9.1.2 9.2 Examen de l‟analyse discriminante .............................................................. 163 Analyse exploratoire des facteurs sous-jacents aux dimensions interactives et cohérence interne ........................................................................................................ 168 9.3 9.2.1 Analyse en composante principale et détermination des composantes ........ 168 9.2.2 Cohérence interne des composantes ............................................................. 170 Discussion des résultats .............................................................................................. 171 Chapitre X : Question de recherche 2 : La fidélité inter-juges (n = 21) .................... 176 10.1 Le choix des indices de mesure du degré d‟accord et leurs seuils ............................. 176 10.1.1 Le coefficient de concordance de Kendall ................................................... 176 10.1.2 Le coefficient de corrélation intra-classe (ICC) ........................................... 177 10.2 Le degré de concordance selon le W de Kendall ........................................................ 178 10.2.1 Le degré d‟accord moyen ............................................................................. 178 10.2.2 Le degré d‟accord fort à très fort .................................................................. 179 10.2.3 Le degré d‟accord à l‟alliance familiale ....................................................... 179 10.3 Le degré d‟accord selon les corrélations intra-classe (ICC) ....................................... 179 10.3.1 Le degré d‟accord moyen ............................................................................. 180 10.3.2 Le degré d‟accord fort .................................................................................. 181 10.3.3 Le degré d‟accord à l‟alliance familiale ....................................................... 182 10.4 Discussion des résultats .............................................................................................. 182 10.4.1 Degré d‟accord moyen : dimensions 4, 5 et 7 .............................................. 183 10.4.2 Degré d‟accord satisfaisants : dimensions 2, 8 et 9...................................... 186 10.4.3 Degré d‟accord fort : dimensions 1, 3 et 6 ................................................... 187 10.4.4 L‟alliance familiale : un degré d‟accord fort ................................................ 188 10.5 Synthèse ...................................................................................................................... 189 Chapitre XI : Question de recherche 3 : La validité prédictive (n = 12) .................... 194 11.1 Analyse exploratoire des dimensions interactives et de l‟alliance familiale .............. 194 11.2 Répartition des scores aux 9 dimensions interactives entre le DCP et le LTP ........... 197 11.3 Répartition des alliances familiales en deux catégories entre le DCP et le LTP ........ 201 11.4 Exploration de la stabilité de l‟alliance familiale recodée en trois catégories............ 202 v 11.5 Discussion des résultats .............................................................................................. 204 11.6 Synthèse ...................................................................................................................... 207 Chapitre XII : Question de recherche 4 : La validité critérielle (n = 44) ..................... 209 12.1 Analyse exploratoire des groupes ............................................................................... 210 12.1.1 Comparaison des groupes............................................................................. 212 12.1.2 Impact des facteurs obstétricaux et sociodémographiques sur l‟appartenance au groupe ...................................................................................................... 214 12.2 Comparaison des dimensions interactives entre le groupe clinique et contrôle ......... 217 12.3 Comparaison des alliances familiales entre le groupe clinique et contrôle ................ 220 12.3.1 Comparaison des alliances familiales recodées en deux catégories ............. 220 12.3.2 Comparaison exploratoire des alliances familiales recodées en trois catégories ...................................................................................................................... 221 12.4 Discussion des résultats .............................................................................................. 223 12.5 Synthèse ...................................................................................................................... 228 Chapitre XIII : Conclusions générales .............................................................................. 230 Bibliographie .................................................................................................................... 245 Annexes .................................................................................................................... 296 vi Liste des Figures Figure 1 : Modèle de l‟encadrement dans le contexte de la triade familiale 17 Figure 2 : Le système familial triadique et ses sous-systèmes 27 Figure 3 : Répartition des âges des parturientes de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 125 Figure 4 : Statut socioprofessionnel des familles de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 126 Figure 5 : Répartition des types d‟accouchement des parturientes de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 127 Figure 6 : Répartition des âges des parturientes de l‟échantillon Breitenbach (n = 29) 129 Figure 7 : Statut socioprofessionnel des familles de l‟échantillon Breitenbach (n = 32) Figure 8 : Figure 9 : 129 Répartition des types d‟accouchement pour l‟échantillon Breitenbach (n = 32) 131 Configuration relationnelle des quatre parties du DCP 140 Figure 10 : Vue latérale et aérienne de la couchette utilisée dans le cadre de l‟étude SESAM-L 141 Figure 11 : Vue aérienne du setting DCP et du positionnement des cameras 142 Figure 12 : Enregistrement video et synchronisation des images issues des quatre cameras 143 Figure 13 : Boîtes à moustaches des scores aux dimensions interactives communes au DCP et LTP 195 Figure 14 : Représentation graphique des alliances familiales en deux et six catégories etnre le DCP et le LTP 196 Figure 15 : Répartition des familles selon une symptomatologie maternelle dépressive et/ou de stress aigu 210 Figure 16 : Scores aux dimensions interactives selon le groupe 218 Figure 17 : Répartition des alliances familiales (2 catégories) entre le groupe clinique et contrôle 220 Figure 18 : Répartition des alliances familiales (3 catégories) entre le groupe clinique et contrôle 222 vii Liste des Tableaux Tableau 1 : Résumé des données descriptives de l‟échantillon SESAM-L et Breitenbach et caractéristiques issues de la fusion des données Tableau 2 : Critères pour l‟attribution du score d‟Apgar 133 135 Tableau 3 : Points de mesure et instruments pour l‟échantillon Breitenbach et SESAML 152 Tableau 4 : Régression logistique sur les dimensions interactives avant transformation des données manquantes 156 Tableau 5 : Test de normalité de Kolgomorov-Smirnov sur la distribution des scores aux dimensions interactives au sein des catégories de l‟alliance familiale 162 Tableau 6 : Test d‟homogénéité des variances sur la distribution des scores aux dimensions interactives au sein des catégories de l‟alliance familiale 162 Tableau 7 : Données descriptives des scores aux dimensions interactives du « FAAS – DCP » selon les carégories recodées de l‟alliance familiale Tableau 8 : Tests d‟égalité des moyennes des groupes et statistique de Wilks 163 164 Tableau 9 : Corrélations combinées intra-groupes entre les prédicteurs et les fonctions discriminantes 165 Tableau 10 : Précision des predictions faites à partir des fonctions discriminantes 167 Tableau 11 : Total de la variance expliquée selon les facteurs 169 Tableau 12 : Statistique de l‟α de Cronbach pour la composante 1 170 Tableau 13 : Statistique de l‟α de Cronbach pour la composante 2 171 Tableau 14 : Coefficients W et rs pour les dimensions interactives et l‟alliance familiale 178 Tableau 15 : Coefficients de correlation intra-classe (ICC) des dimensions interactives et de l‟alliance familiale 180 Tableau 16 : Comparaison des ICC entre la situation DCP et LTP 183 Tableau 17 : Résultats au test de Wilcoxon pour échantillons pairés et taille de l‟effet 198 Tableau 18 : Tableau croisé des alliances en deux catégories entre le DCP et le LTP 201 Tableau 19 : Tableau croisé des alliances en trois catégories entre le DCP et le LTP 203 Tableau 20 : Caractéristiques du groupe clinique et contrôle (n = 44) 213 Tableau 21 : Valeurs χ2 des facteurs obstétricaux et socioprofessionnels 215 Tableau 22 : Statistique non-paramétrique de Kolgomorov-Smirnov et taille de l‟effet 219 viii Chapitre I : Introduction La venue d‟un enfant est un moment important dans la vie des familles et constitue une période de crise pour le couple conjugal. En effet, dès l‟annonce de la grossesse et au-delà de l‟accouchement, les parents doivent opérer des réaménagements, tant sur le plan psychique que pratique. Cette période de vie importante est reconnue comme étant difficile car elle est caractérisée par des changements dans la vie de couple et un accroissement du stress, notamment de par les nouveaux rôles et responsabilités à endosser (C. P. Cowan & Cowan, 2000; Heinicke, 1995; Levy-Shiff, 1994). 1.1 Le passage du couple à la famille Dans ce contexte de changements, l‟évènement de l‟accouchement représente un moment clé dans l‟établissement des relations familiales car il s‟agit du moment où le premier contact physique peut avoir lieu entre les parents et l‟enfant, bien que les liens commencent à se tisser déjà pendant la grossesse. En ce sens, des études ont pu mettre en évidence le fait que la qualité des représentations parentales du bébé pendant la grossesse, ainsi que la qualité des relations familiales triadiques jouent un rôle dans l‟établissement des relations que la famille tissera au post-partum, ainsi que sur la place que les parents vont donner à l‟enfant (Bürgin & von Klitzing, 1995; Carneiro, Corboz-Warnery, & Fivaz-Depeursinge, 2006; Perren, von Wyl, Burgin, Simoni, & von Klitzing, 2005). La construction des relations familiales se fait, certes, bien avant la naissance, mais la confrontation que vivent les familles entre les représentations construites au cours de la grossesse, la manière dont elles se sont préparées sur un plan pratique (financier, géographique, logistique, etc.) à la venue de l‟enfant et la réalité qu‟elles vivent lorsque l‟enfant est arrivé, nous semble relever d‟une importance toute particulière. Heureusement, pour la plupart des familles, les parents arrivent à s‟ajuster à la venue d‟un enfant, mais pour certains, ce défi est difficile à surmonter (Dulude, Belanger, & Wright, 1999; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Tessier, Piche, Tarabulsy, & Muckle, 1992). Nous savons toutefois que la famille est en pleine mutation, notamment de par le nombre croissant de divorces et de remariages (Widmer, 2006), ce qui augmente considérablement la 1 complexité de son étude et de sa définition. Dès lors, il est nécessaire de préciser à quelle famille nous faisons référence lorsque nous parlons de relations familiales, ou autrement dit, de préciser la définition que nous donnons à ce système. Nous savons qu‟en Suisse, la majorité des accouchements en 2008 concerne des couples mariés, à savoir 82.9% des naissances (OFS, 2009). Plus précisément, sur l‟ensemble des accouchements, 2.7% des couples sont divorcés et 14.3% sont célibataires. Il semblerait donc que le modèle de la famille nucléaire soit encore représentatif de la population concernée par la venue d‟un enfant en Suisse. C‟est pourquoi, pour aborder la famille dans le contexte de la transition à la parentalité, c‟est-à-dire au moment de la vie où les couples doivent se préparer et s‟adapter aux nombreux réaménagements liés à la naissance, nous nous référons à un système familial où les deux parents vivent ensemble avec leur(s) enfant(s). 1.2 Un vide théorique autour de l‟adaptation postnatale précoce Malgré une littérature abondante sur le phénomène de la parentalité, nous ne savons actuellement que peu de choses sur la manière dont les deux parents vivent précisément l‟accouchement et les semaines qui suivent, ainsi que sur comment se passe la rencontre entre les parents et l‟enfant dans un contexte familial triadique. Il n‟y a en effet que peu d‟études qui se sont intéressées à l‟établissement des liens familiaux dans les premières semaines qui suivent l‟accouchement, ce qui d‟une part génère un vide au niveau théorique et, d‟autre part rend difficile le dépistage et l‟intervention précoces auprès des familles à risque. Les études existantes, centrées sur la théorie de l‟attachement, se concentrent principalement sur l‟étude des dyades, souvent mère – enfant (Hipwell, Goossens, Melhuish, & Kumar, 2000; Isabella & Belsky, 1991). D‟autres études se situent au niveau triadique, mais principalement à la période prénatale, dans le but par exemple d‟identifier et comprendre la construction des représentations mentales du futur enfant, ou déterminer l‟impact des relations de chaque parent à leurs propres parents sur l‟adaptation à leurs nouveaux rôles (Perren et al., 2003; von Wyl, von Klitzing, Perren, & Burgin, 2004). D‟autres chercheurs se sont intéressés, dès le troisième mois post-partum, à l‟étude du fonctionnement familial et des différents soussystèmes qui composent la famille, et des conséquences sur le développement de l‟enfant (Elliston, McHale, Talbot, Parmley, & Kuersten-Hogan, 2008; Fivaz-Depeursinge & CorbozWarnery, 2001; Fivaz-Depeursinge, Frascarolo, & Corboz-Warnery, 1996; McHale & Neugebauer, 1998; McHale & Rasmussen, 1998), voire à établir une continuité entre la période prénatale et postnatale (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; Favez, Frascarolo, & 2 Fivaz-Depeursinge, 2006; von Wyl et al., 2004). Toutefois, nous ne disposons pas à l‟heure actuelle d‟études portant sur l‟établissement des relations familiales triadiques au cours du premier mois post-partum, ni sur les compétences interactionnelles du nouveau-né dans ce contexte. Il nous semble dès lors nécessaire de pouvoir combler ce vide théorique et consolider les connaissances empiriques sur le développement des relations familiales et les conséquences possibles sur le développement de l‟enfant. En effet, le premier mois postpartum représente la période où les familles sont le plus en contact avec le cadre hospitalier, et donc où le dépistage des familles à risques est possible. A ce jour cependant, les études portant sur le fonctionnement familial triadique se sont intéressées au nourrisson à partir de trois mois car, d‟un point de vue développemental, il se situe dans la période où il peut être totalement engagé dans les interactions sociales. Autrement dit, il dispose d‟un large répertoire de conduites sociales et affectives qui lui permettent de s‟engager ou non avec ses parents. Il peut en effet contrôler ses propres actions, possède sa propre affectivité, perçoit les autres comme des individus distincts de lui et agissants (Stern, 2003). Le bébé de trois mois post-partum est ainsi considéré comme entrant dans le stade social, du fait qu‟une actualisation de ses compétences sociales s‟opère et est basée sur l‟intégration des expériences antérieures. Les comportements sont dès lors plus manifestes et par conséquent, plus aisément observables (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Stern, 2003). En deçà de trois mois, il devient difficile d‟évaluer les interactions familiales triadiques. Les comportements du nouveau-né étant moins marqués, brefs et donc plus subtils à observer, nous sommes confrontés à un réel défi à la fois sur le plan conceptuel et méthodologique en intégrant un bébé de trois semaines post-partum dans l‟évaluation du fonctionnement familial au niveau triadique. Il est néanmoins nécessaire de relever ce défi afin de combler le vide théorique que nous avons évoqué et permettre un dépistage précoce des familles à risque. 1.3 L‟hôpital comme lieu privilégié de détection et de prévention précoces de troubles du post-partum De même, face à la nécessité croissante de pouvoir venir en aide aux familles en souffrance, le cadre hospitalier s‟avère être propice, tant au niveau de la détection précoce que dans la possibilité d‟intervention (Alder, Stadlmayr, Tschudin, & Bitzer, 2006; Watt, Sword, Krueger, & Sheehan, 2002). En effet, les parents qui se sentent démunis ou submergés par le stress lié aux nombreux changements entourant l‟accouchement, peuvent en faire part, que ce soit auprès de médecins, de sages-femmes, d‟infirmier-ère-s ou de psychologues. Ces 3 professionnels peuvent représenter un soutien dans le processus de transition à la parentalité (Ayers, Wright, & Wells, 2007). Toutefois, il n‟est pas toujours aisé d‟identifier les familles en souffrance et de leur proposer une aide. En effet, l‟accouchement est socialement considéré comme un évènement heureux et l‟attachement à l‟enfant comme étant immédiat. Ainsi, certaines mères peuvent éprouver un sentiment de honte et de culpabilité lorsqu‟elles rencontrent des difficultés à s‟adapter à la période postnatale, particulièrement quand elles ressentent des émotions négatives envers le bébé. Elles craignent souvent d‟être stigmatisées comme étant une « mauvaise mère » et ne cherchent aucune aide, ni ne s‟autorisent à parler de leurs sentiments (Creedy, 1999; Edhborg, 2004; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Par conséquent, les professionnels de la périnatalité en milieu hospitalier, qui sont dans une position privilégiée pour venir en aide à ces familles, doivent être particulièrement attentifs aux plaintes et signes émis par la mère et offrir un espace de parole tant à la mère qu‟au père, afin de ne pas passer à côté d‟une détresse significative. Ceci est d‟autant plus crucial, compte tenu du fait que ces professionnels n‟ont plus accès aux familles entre la fin de la période périnatale et la fin de la première année post-partum. De ce fait, si nous n‟intervenons pas rapidement après l‟accouchement, les familles à risque peuvent ne plus être repérées. Il n‟est dès lors plus possible d‟agir avant qu‟une psychopathologie ne s‟installe et que certains comportements dysfonctionnels ne se rigidifient au niveau du fonctionnement familial triadique, voire qu‟un trouble psycho-fonctionnel ne se manifeste chez le bébé. En d‟autres termes, nous pensons qu‟en intervenant avant la fin du premier mois post-partum, nous pouvons exercer une prévention primaire, dans le sens où il est possible de prévenir l‟apparition d‟un trouble qui pourrait affecter l‟ensemble de la famille. Il est dès lors essentiel que les professionnels de la périnatalité et des relations familiales précoces disposent de moyens fiables pour dépister, prévenir et fournir une aide aux familles qui n‟arrivent pas à gérer la crise de la transition à la parentalité. Ceci nous semble d‟autant plus nécessaire compte tenu du fait que de nombreuses recherches ont pu montrer que la psychopathologie parentale, ainsi que la mésentente conjugale sont liées au développement socio-émotionnel problématique ou aux troubles psychiatriques chez l‟enfant (Favez, Frascarolo, Keren, & Fivaz-Depeursinge, 2009; Fincham, 1998; Kelly, 2000; Oyserman, Mowbray, Meares, & Firminger, 2000; Zeanah, Boris, & Larrieu, 1997). Dans le cadre d‟une détection précoce des familles, nous nous intéressons plus précisément à deux manifestations cliniques qui font l‟objet d‟une préoccupation croissante de la part des professionnels de la périnatalité, à savoir la dépression postnatale (Areias, Kumar, Barros, & 4 Figueiredo, 1996b; Cooper & Murray, 1995; Wisner, Chambers, & Sit, 2006) et les réactions de stress aigus qui sont les précurseurs d‟un état de stress post-traumatique (Creedy, Schochet, & Horsfall, 2000; Stadlmayr et al., 2007). Nous savons en effet que la symptomatologie dépressive postnatale touche environ 13% des mères (Riecher-Rössler & Rohde, 2005), de même que les réactions de stress aigu suite à un accouchement vécu de manière traumatique peuvent concerner 33% – 34% des naissances (Soet, Brack, & Dilorio, 2003). Par ailleurs, des études ont mis en évidence que ces deux troubles sont associés à une relation conjugale de faible qualité et à une relation problématique avec l‟enfant, et menacent ainsi le bien-être de l‟ensemble du système familial (Ayers et al., 2007; Montgomery, Bailey, Johnson Purdon, Snelling, & Kauppi, 2009). Finalement, leur étiologie étant proche, certains auteurs recommandent de prendre en considération ces deux troubles en vue de proposer une aide mieux ciblée et adaptée à la souffrance vécue au début du post-partum (Ayers, Eagle, & Warinf, 2006; Creedy, 1999). En définitif, il nous semble essentiel de prendre en considération l‟évaluation des symptômes de dépression et de réactions de stress aigu, d‟une part afin de mieux cerner la nature des difficultés rencontrées sur le plan familial au moment où les parents doivent s‟adapter à l‟enfant qui est né et, d‟autre part, pour éviter la détérioration à long terme à la fois des relations familiales et du développement de l‟enfant. 1.4 Le paradigme expérimental « Diaper Change Play » (DCP) : originalité et objectifs de validation C‟est à partir de ces constats et pour répondre aux besoins susmentionnés que la situation d‟observation « Diaper Change Play » (DCP) a été construite. Sa création, initiée par le Dr. Stadlmayr, s‟est largement inspirée du « Lausanne Trilogue Play » (LTP) qui a été développé au centre d‟étude de la famille à Prilly en Suisse (Corboz-Warnery, Fivaz-Depeursinge, Gertsch-Bettens, & Favez, 1993; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 1995). Le DCP met en scène un contexte de soins, dans lequel les parents interagissent à tour de rôle avec le bébé en procédant au changement des langes, puis passent un moment ludique avec leur enfant (moment à trois), ainsi qu‟un moment conjugal où les parents discutent ensemble en présence de l‟enfant. Le fonctionnement familial observé au DCP est évalué à l‟aide d‟un manuel de codage, s‟inspirant en partie du manuel « Family Alliance Assessment Scale » (FAAS) élaboré pour le LTP. 5 L‟originalité de cette nouvelle situation d‟observation est triple. Premièrement, elle devrait permettre d‟avoir une mesure précoce de la qualité des interactions familiales. Un outil évaluant les capacités triadiques rapidement après la naissance de l‟enfant favoriserait soit une action préventive, soit une intervention thérapeutique visant à aider le couple parental à développer des compétences interactionnelles propices au bon développement de l‟enfant, et ceci avant que les comportements dysfonctionnels ne se cristallisent. Une évaluation du système familial à trois semaines post-partum devrait dès lors permettre aux professionnels de la périnatalité en milieu hospitalier de dépister les familles susceptibles d‟être à risque, à un moment où ils ont encore le contact avec elles, et éventuellement de les diriger vers des structures telles que la guidance infantile ou les services éducatifs itinérants, en cas de besoin. Deuxièmement, la nécessité d‟inclure le père dans l‟évaluation du fonctionnement familial (Cowan, 1997) trouve ici un regain d‟intérêt du fait qu‟il est acteur dans une situation qui s‟approche de la réalité du quotidien familial, le DCP mettant notamment en scène un contexte de soins (changement de langes). Ainsi, nous pensons que le mode de communication présent dans l‟organisation et la gestion des tâches quotidiennes et, plus généralement, dans la vie familiale de tous les jours, peut s‟y refléter. De même, la composante du soutien entre les parents peut être appréciée, ainsi que la place et le rôle que le père peut jouer dans cette optique. En d‟autres termes, inclure le père dans l‟évaluation des interactions familiales triadiques peut nous permettre d‟approcher une certaine réalité du quotidien tout en estimant dans quelle mesure chacun des parents peut être perçu ou non comme un soutien pour l‟autre parent. Finalement, cette situation d‟observation présente un intérêt certain dans le domaine du développement du nourrisson, permettant d‟approfondir les connaissances actuelles sur les compétences du nouveau-né et ceci à plusieurs niveaux. En effet, l‟observation du comportement du nourrisson dans le contexte d‟une communication familiale triadique devrait apporter des informations sur le plan cognitif (attention soutenue, distribuée, etc.), neuro-comportemental (capacités d‟auto-régulation, visuo-motrices, etc.), psychologique (intégration réelle au sein de la triade familiale, impact de son tempérament sur le fonctionnement familial, etc.) ainsi que sur le plan social (compétences communicationnelles précoces). Du point de vue de la recherche, nous voyons la possibilité de créer des ponts entre les théories développementales du nourrisson et les théories systémiques. 6 Ainsi, le Diaper Change Play (DCP), qui s‟inspire des théories issues de la psychologie développementale, s‟inscrit également dans une perspective écosystémique. En effet, il tient compte des diverses influences de chaque membre du système familial ainsi que du contexte socioculturel et économique dans lequel la famille évolue, assurant ainsi la possibilité d‟offrir des pistes d‟interventions appropriées aux familles en souffrance. Le contexte dans lequel cette nouvelle situation d‟observation a été développée étant posé, l‟objectif de ce travail est de valider ce paradigme expérimental, c‟est-à-dire de répondre à des questions portant sur le système d‟évaluation propre à la situation d‟observation DCP : Est-ce que le système d‟évaluation est fiable ? Peut-il être utilisé par différents professionnels de manière cohérente ? Evalue-t-il réellement le fonctionnement familial tel qu‟il est conçu théoriquement ? Permet-il réellement de discriminer les familles en souffrance de celles pour qui l‟établissement des relations familiales triadiques se passe bien ? En d‟autres termes, nous allons articuler ce travail de validation autour de quatre axes distincts : la cohérence interne, la fidélité inter-juges, la validité prédictive et la validité critérielle. Ce travail représente une première étape avant que la situation d‟observation DCP et son système de codage ne puissent être utilisés, que ce soit dans le domaine de la clinique que dans celui de la recherche (dans l‟optique de solidifier les connaissances actuelles sur le phénomène de la transition à la parentalité et de la création des liens familiaux triadiques). Finalement, ce travail s‟inscrit dans le contexte d‟un sous-projet du pôle de recherche national SESAM (Swiss Etiological Study of Adjustment and Mental Health). Cette étude en cours (SESAM-L1) est menée à l‟hôpital de l‟Ile à Berne et s‟intéresse notamment à la transition à la parentalité ainsi qu‟au fonctionnement familial triadique précoce. Toutefois, avant d‟utiliser le DCP dans le cadre de SESAM-L, nous nous sommes référés à des données provenant d‟une étude exploratoire antérieure2 soutenue par les fondations « Mutterhilfe » et « Florindon », basées à Zürich. Elle a été menée à l‟hôpital régional de Breitenbach en vue d‟investiguer le vécu de l‟accouchement et les relations familiales précoces. Les données relatives au DCP ont pu servir de base à des remaniements afin d‟optimiser son utilisation pour l‟étude en cours. En définitif, nous avons choisi de nous baser sur ces deux études pour effectuer notre travail de validation et espérons ainsi pouvoir répondre positivement à nos questions de recherche, ou du moins à la plupart, ce qui permettra d‟élargir le champ de recherche possible. 1 « SESAM – Teilstudie L – Triadic Family Functioning (TFF) – an integrated psychosomatic approach to obstetrics and infant development » (FNS -N° 105314-127121) 2 « Geburtserleben, Geburtsverarbeitung & früheste Eltern-Kind-Beziehung » (Ethikkommission Beider Basel EKBB, Studie 250/00). 7 Dans un premier temps, nous proposons de clarifier l‟utilité et les apports de la méthode de l‟observation des familles. Puis nous passerons en revue la littérature existante à propos du système familial et des compétences du nouveau-né, afin de contextualiser et d‟ancrer théoriquement ce nouveau paradigme. Ensuite, nous synthétiserons la littérature relative à deux troubles des interactions communs à la périnatalité, à savoir la dépression postnatale et les réactions de stress aigu, qui sont sources de préoccupations croissantes dans le domaine de l‟obstétrique moderne. 8 Chapitre II : L‟observation des familles au niveau triadique La nouvelle situation d‟observation « Diaper Change Play (DCP) » vise à permettre l‟évaluation des interactions familiales précoces. Le choix de l‟observation comme méthode d‟investigation du fonctionnement familial implique que nous travaillions au niveau des interactions. Afin de bien cerner le niveau d‟analyse à partir des observations qui nous concernent, nous allons présenter dans ce chapitre les fondements théoriques qui sous-tendent notre choix. Dans un premier temps, nous nous arrêterons sur la définition des différents niveaux de compréhension de la famille, c‟est-à-dire les relations familiales et les interactions, que nous mettrons en lien avec la nécessité d‟étudier la triade familiale. Finalement, nous présenterons les avantages de la méthode observationnelle, afin de bien définir le cadre de notre étude. 2.1 Les relations familiales et les interactions: différents niveaux de compréhension de la famille Les relations familiales peuvent être caractérisées comme étant les liens affectifs et cognitifs entre les membres de la famille, et sont modulées sur la durée. Elles se créent avec le temps et sont dépendantes des expériences relationnelles vécues au sein de la famille. Ces relations ont à leur tour une grande influence sur notre développement car elles sont stables et cohérentes (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001). Elles influenceront donc autant le développement des différentes dyades que le développement de l‟enfant (Ihle, Esser, Laught, & Schmidt, 1997; H. Papousek, 1996; M. Papousek, 1996). Ainsi, les relations entre chaque membre s‟influencent mutuellement et réciproquement. Afin de pouvoir approcher les relations familiales, nous nous baserons sur les interactions entre les membres de la famille, d‟une part car elles servent à la création des liens familiaux et, d‟autre part, car elles sont observables directement. En effet, les interactions permettent à chaque membre de la famille de construire et de consolider les relations qu‟il entretient avec les autres membres. Il s‟agit de comprendre ici les interactions en terme d‟expériences ou d‟activités quotidiennement vécues et partagées qui vont forger un « style » relationnel, et donc influencer les comportements de chaque membre de la famille. Les moments de jeux, du 9 coucher, des soins sont des exemples de pratiques communes et coordonnées au niveau familial. Ces pratiques sont en réalité des schémas d‟interaction, correspondant à une forme de répétition ou de comportement ritualisé (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Kubicek & Le Houezec-Jacquemain, 2002; Reiss, 1989). Ainsi, les interactions du groupe familial conservent les relations et servent à réguler et à entretenir une grande partie des aspects du quotidien de la vie familiale (Reiss, 1989). Tout comme pour la situation d‟observation LTP, nous sommes convaincus que les comportements observés au DCP sont des pratiques coordonnées, ce qui nous permet d‟accéder aux relations familiales. 2.2 La nécessité d‟étudier la triade familiale Lorsque nous nous intéressons au groupe familial, nous prenons en compte chaque membre de la famille, soit dans notre cas, le père, la mère et le bébé. En venant au monde, l‟enfant s‟inscrit dans un environnement qui inclut le père. Ce dernier est présent dès les premières semaines et mois qui suivent la naissance de l‟enfant et entretient une relation à part entière avec lui (Frascarolo, 2001; Le Camus, 2004). De nombreuses études centrées sur la théorie de l‟attachement ont pu identifier que la plupart des enfants entretiennent une relation du même type avec les deux parents, mais que certains ont un attachement différent avec l‟un ou l‟autre des parents (Fox, Kimmerly, & Schafer, 1991; M. Lewis, 2005). Le type d‟attachement n‟est donc pas attribuable à l‟enfant, mais à l‟histoire relationnelle que ce dernier entretient avec chacun de ses parents (Frascarolo & Favez, 1999). De plus, les interactions entre la mère et un tiers dès le début du post-partum permettent à l'enfant de percevoir l'altérité de l'autre et de construire son identité personnelle (Frascarolo & Favez, 1999). L‟environnement familial triadique exerce donc une influence unique et indépendante sur le développement socioémotionnel de l‟enfant et constitue le principal environnement où il va apprendre et développer ses compétences sociales (Favez et al., 2009; Parke & Buriel, 1998). Ainsi, l‟étude des relations familiales triadiques permet une compréhension du développement de l‟enfant qui dépasse celle de l‟étude des relations dyadiques (M. J. Cox & Paley, 2003; M. J. Cox, Paley, & Harter, 2001; Emde, Biringen, Clyman, & Oppenheim, 1991; Fivaz-Depeursinge, 2003; Fivaz-Depeursinge, Frascarolo, & Corboz-Warnery, 1998; Katz & Gottman, 1993, 1996; McHale, 1995). Etudier la triade familiale permet donc d‟accéder aux processus impliquant la cohésion, l‟engagement et l‟harmonie, qui sont essentiels pour le développement optimal de l‟enfant (Brody & Flor, 1996). Pour ce dernier, un climat 10 émotionnel harmonieux et chaleureux est un tremplin pour explorer et influencer son environnement. L‟intérêt d‟étudier la famille sur un plan triadique réside également dans le fait que nous pouvons appréhender la complexité du fonctionnement familial en approchant les différents sous-systèmes qui composent le système familial, à savoir : le sous-système parental qui correspond à la relation d‟un parent avec l‟enfant ; le sous-système coparental qui se réfère à la relation entre les parents en ce qui concerne l‟enfant ; le sous-système conjugal qui représente la relation du couple. Ces différents sous-systèmes contribuent tous à la création des liens familiaux et chaque membre influence les autres membres. Autrement dit, les propriétés du tout familial découlent des propriétés des relations entre les individus dans la famille (Rutter, 1988) et la qualité d‟une relation influence et est influencée en retour par d‟autres relations. Ainsi, les différents sous-systèmes composant la famille sont interdépendants les uns des autres (Favez et al., 2009; Pinel-Jacquemin & Zaouche-Gaudron, 2009; Stroufe & Fleeson, 1988). De part cette interdépendance, travailler à un niveau où tous les membres sont impliqués nous permet d‟appréhender l‟articulation entre les différents sous-systèmes familiaux ainsi que leurs influences réciproques. En d‟autres termes, nous pouvons considérer l‟influence du fonctionnement familial triadique sur les relations parents – enfant, favorisant ainsi une meilleure compréhension des différents liens qui se créent au sein de ce système (Frosch, Mangelsdorf, & McHale, 2000; Pinel-Jacquemin & Zaouche-Gaudron, 2009). Cette idée est soutenue par la recherche qui a pu, par exemple, montrer que les interactions entre un parent et l‟enfant sont souvent différentes en présence de l‟autre parent, ce qui signifie que ce dernier exerce une influence sur l‟échange entre le premier parent et l‟enfant (Brody & Flor, 1996; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; McHale, 1997). En ce sens, la relation établie par une triade se distingue de celle de chacune des dyades et des monades qui la constitue (Parke, 1988). Travaillant avec la triade familiale, notamment en se basant sur les interactions observées lors d‟une situation impliquant chaque membre de la famille, il nous est dès lors possible d‟apprécier des aspects tels que la part d‟influence de la relation conjugale sur la relation d‟un parent avec son enfant en présence du conjoint, la manière dont les parents se soutiennent mutuellement face à l‟enfant, de même que la manière dont l‟enfant réagit face à tel ou tel parent ainsi que son influence sur eux. En résumé, dans le contexte de la triade familiale, les interactions de l‟enfant avec ses deux parents signifient pour lui de devoir faire face à la dynamique de la relation conjugale qui, 11 qu‟elle soit positive ou négative, influence son développement (Cummings & Davies, 1994a). De même, pour les parents, le passage de la dyade à la triade signifie un changement de rôle, passant de parent à celui de parent et conjoint. La dyade parent – enfant se transforme dès lors en système familial. Le couple conjugal doit donc également faire face aux nouvelles relations parentale et coparentale. Considérer les relations familiales d‟un point de vue triadique nous permet d‟accéder aux différentes relations composant le système familial. En définitif, l‟unité familiale crée une arène de confort pour l‟enfant et les parents, en favorisant un sentiment de sécurité. Par conséquent, son étude permet une compréhension plus fine d‟une part, du développement de l‟enfant et, d‟autre part, du fonctionnement familial, tout en tenant compte des diverses influences qui s‟exercent au sein de ce système. 2.3 Le choix de la méthode observationnelle En raison de la complexité des relations au sein de la triade familiale, notre défi est de réussir à trouver le moyen d‟apprécier le fonctionnement familial de manière objective. Nous cherchons en effet à comprendre le fonctionnement entre trois membres d‟une famille lorsqu‟ils sont tous impliqués dans une tâche commune, c‟est-à-dire « en action ». En ce sens, la méthode observationnelle est particulièrement appropriée à l‟étude des familles, donnant accès aux relations entre les individus plutôt qu‟aux caractéristiques des individus engagés dans ces relations. Observer les familles facilite la découverte de mécanismes associés au développement parental, à celui de l‟enfant (P. A. Cowan & Cowan, 1990) et permet d‟investiguer la dynamique transactionnelle et réciproque dans laquelle ces effets prennent place. L‟observation donne donc accès à un ensemble riche, nuancé et distinct de dynamiques interpersonnelles caractéristiques des interactions du groupe familial (McHale, Kuersten, & Lauretti, 1996). Par ailleurs, en impliquant tous les membres de la famille autour d‟une activité commune, nous pouvons saisir le « tout familial » (P. Minuchin, 1985). Dans ce contexte, chacun des protagonistes exerce une influence sur les autres et l‟observation de l‟ensemble familial nous permet d‟accéder à divers aspects du fonctionnement familial triadique que nous ne pouvons pas mesurer à l‟aide de questionnaires ou d‟entretiens. Nous pouvons en effet appréhender des aspects tels que l‟influence qu‟un parent exerce sur le comportement de l‟autre parent face à l‟enfant, et ainsi estimer l‟impact indirect que ce parent a sur l‟enfant (Parke, 1990). Nous avons dès lors accès aux caractéristiques constitutives du système familial, ces dernières ne 12 pouvant pas être expliquées par les caractéristiques isolées de ce système (Kerig, 2001). En ce sens, la famille représente quelque chose qui dépasse les relations individuelles qui la composent et l‟observation permet d‟étudier ce système dans sa globalité avec ses propriétés spécifiques. Ainsi, recourir à l‟observation afin d‟étudier le fonctionnement familial triadique nous permet de mesurer des échanges plus complexes et subtils que ce que nous pouvons saisir par le biais d‟autres méthodes. Ainsi, en étudiant la triade familiale à l‟aide de l‟observation des interactions, nous nous situons au niveau familial comme définit par McHale et coll. (2001), c‟est-à-dire le niveau qui décrit des processus se produisant lorsque la famille est ensemble comme un groupe. Ces processus sont plus spécifiques, opérationnalisables et vérifiables par l‟observation que si nous nous situions au niveau de l‟ensemble familial, c‟est-à-dire le niveau qui décrit les caractéristiques de la famille en tant que tout, mais qui sont globales, abstraites et difficiles d‟accès. En définitif, lorsque nous nous situons au niveau familial, ce qui est le cas lorsque nous travaillons au niveau des interactions familiales triadiques (interactions mère – père – enfant), l‟observation permet une mesure plus objective et adéquate dans le but d‟approcher le fonctionnement familial. Compte tenu de la complexité du système familial et des diverses influences possibles au sein de ce système, les données observationnelles sont les plus indiquées, car elles permettent de saisir cette complexité (Lindahl, 2001). Ainsi, les interactions systémiques complexes observées peuvent être évaluées scientifiquement, du fait qu‟elles soient considérées dans le contexte d‟un système plus large et circulaire dans lequel la cause et l‟effet sont mutuels, réciproques et bidirectionnels. De plus, les interactions sont révélatrices des ressources et des difficultés dans la communication au sein de la famille (Stern, 1974). La méthode de l‟observation directe des comportements n‟est certes pas plus objective qu‟une autre méthode, mais elle permet d‟étudier la famille en action, ce qui est précisément le but recherché en demandant aux familles de remplir la tâche DCP. Son choix présente des forces concrètes qu‟il s‟agit d‟exposer afin de prendre toute la mesure des implications et des apports de cette méthodologie. Le recours à la méthode observationnelle présente en effet plusieurs avantages lorsque nous nous situons au niveau de la triade familiale. Premièrement, la recherche observationnelle nous donne des informations que nous ne pouvons obtenir autrement car les individus se 13 comportent différemment par rapport à la perception qu‟ils ont d‟eux-mêmes (Gable, Reis, & Downey, 2003; Kerig, 2001; Stoneman & Brody, 1990). Ainsi, seule l‟observation directe permet de capturer leurs comportements indépendamment de l‟évaluation qu‟ils font de leur comportement. Dans ce contexte, la personne extérieure peut obtenir des informations indépendantes et uniques qui s‟ajoutent à celles que les membres de la famille peuvent donner d‟eux-mêmes. Par ailleurs, les familles, mêmes si elles désirent montrer un fonctionnement optimal, n‟arrivent pas à faire semblant que tout fonctionne alors que ce n‟est pas le cas dans leur réalité quotidienne (Lindahl, 2001). Il est donc possible d‟observer des processus négatifs même lorsque la famille est réticente à les montrer. Par exemple, les familles qui ne savent pas résoudre des conflits amicalement sont incapables de simuler une négociation positive dans une situation caractérisée par des interactions entre les membres en vue de réaliser une tâche, quelle que soit la nature de cette dernière. Deuxièmement, se situer au niveau familial permet d‟inclure le père, ce qui contribue à la compréhension des processus familiaux et de leurs effets sur le développement de l‟enfant, ce qui a été attesté par de nombreuses études (P. A. Cowan, Cohn, Cowan, & Pearson, 1996; Lamb, 1997; C. Lewis & Lamb, 2003; Ramchandani & McConachie, 2005). Troisièmement, le fait d‟observer les interactions entre les membres de la famille permet d‟avoir accès aux comportements non-verbaux, les expressions affectives, les événements que les familles ne souhaiteraient pas aborder en raison de la désirabilité sociale (Hartmann & Wood, 1992). Les informations récoltées sont donc plus riches et permettent d‟approcher de manière plus fidèle le fonctionnement familial en tenant compte des différents aspects de la communication humaine. Finalement, l‟observation directe présente un avantage particulier dans le cadre de notre travail en raison de l‟âge de l‟enfant. Nous étudions en effet le fonctionnement familial avec un enfant âgé de trois semaines de vie post-partum. Il ne peut donc ni répondre à des questions, ni remplir des questionnaires. N‟ayant pas accès au langage, ses moyens de communication relèvent avant tout du registre comportemental. Ainsi, l‟observation permet d‟inclure l‟enfant tout en capturant l‟influence qu‟il a sur ses parents ainsi que celle que ces derniers exercent sur lui. En ce sens, le comportement observable du nouveau-né est également une source d‟information pertinence lorsque nous cherchons à étudier les relations familiales. 14 2.4 Synthèse Comme nous l‟avons exposé, le choix de la méthode observationnelle repose sur la complexité des relations familiales. Sachant que les membres d‟une famille et les soussystèmes qui la composent s‟influencent mutuellement, nous avons opté pour une approche permettant d‟appréhender la famille dans son ensemble, comme un tout, où toutes les composantes de ce système sont interdépendantes. Le fait de mettre l‟accent sur les comportements observés au cours des interactions familiales triadiques nous donne accès à l‟aspect non-verbal et affectif des relations familiales. L‟observation des familles nous permet d‟inclure le père au tout début de la période postnatale, ce qui favorise une meilleure compréhension de l‟établissement des relations familiales et de la manière dont les parents gèrent ensemble l‟arrivée de l‟enfant. De même, recourir à l‟observation des familles avec un nourrisson de trois semaines de vie post-partum permet d‟avoir des informations précieuses sur l‟établissement des relations familiales en tenant compte des influences réciproques entre les parents et le nouveau-né. Finalement, la méthode de l‟observation permet de voir apparaître des comportements dysfonctionnels, car ils peuvent difficilement être dissimulés par des comportements faussement positifs. En d‟autres termes, les interactions observées sont peu influencées par le phénomène de désirabilité sociale, du moins lorsque nous sommes en présence d‟une famille en souffrance. Nous avons également une certaine objectivité grâce à l‟évaluation extérieure. Par conséquent, l‟observation directe des familles nous permet d‟inférer, à partir des interactions familiales triadiques, la qualité de l‟établissement des relations familiales. Afin de garantir la plus grande rigueur dans l‟observation des familles, une grande partie de notre travail a été de contextualiser les comportements que nous pouvions attendre de chacun des membres de la famille, dans le contexte de la périnatalité et avec un bébé de 3 semaine post-partum. Les deux chapitres suivants viseront, d‟une part, à définir le fonctionnement familial triadique à la période périnatale et, d‟autre part, à resituer les compétences du nouveau-né. Nous pourrons dès lors mieux comprendre les interactions et influences réciproques entre ces différents sous-systèmes, et ainsi définir de manière objective et rigoureuse les comportements familiaux attendus et observés lors de l‟évaluation des familles au DCP, et décrits dans le manuel « FAAS – DCP ». 15 Chapitre III : Conception du système familial triadique dans le contexte de la périnatalité Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons à établir un système d‟évaluation des interactions familiales triadiques au début de la période postnatale, plus précisément dans la troisième semaine après l‟accouchement. Nous allons donc consacrer ce chapitre à définir le fonctionnement du système familial triadique. Nous nous appuierons dans un premier temps sur le modèle de l‟encadrement, dont ses principes s‟appliquent à l‟ensemble des soussystèmes familiaux, afin de préciser la nature des échanges entre les parents et l‟enfant. Puis, nous présenterons le concept d‟alliance familiale qui nous permettra de qualifier les différents types de fonctionnement familial que nous pouvons observer au niveau triadique au cours du DCP. Nous développerons ensuite les différents sous-systèmes composant l‟unité familiale, leurs attributs ainsi que leurs influences réciproques, tout en les contextualisant au début de la période postnatale. Nous allons dès lors définir les caractéristiques du système familial qui sous-tendent l‟observation des familles au DCP, et qui ont permis la création du système de codage « FAAS – DCP », rendant ainsi possible l‟évaluation de la qualité des interactions familiales triadiques. 3.1 Le modèle de l‟encadrement En se centrant sur la triade familiale d‟un point de vue systémique, nous constatons que comme tout système ouvert3, la famille suit un processus d‟évolution qui va amener progressivement l‟enfant à l‟autonomie. Le modèle de l'encadrement (Fivaz-Depeursinge, Corboz-Warnery, & Keren, 2004; Fivaz-Depeursinge, Fivaz, & Kaufmann, 1982), dans le contexte de la famille, propose une manière de concevoir le développement comme la relation entre un système encadrant, les parents, et un système encadré, l‟enfant. Le rôle du système encadrant est d'aménager un contexte favorable au développement du système encadré. Pour atteindre ce but, ce système encadrant doit répondre à deux conditions : 3 Un système ouvert est un système en interaction avec l‟extérieur, l‟environnement, et peut échanger des informations et être influencé par d‟autres systèmes. 16 - La condition de prédictibilité, qui renvoie à la constance dans le temps au niveau du comportement de ce système hiérarchiquement supérieur (Fivaz-Depeursinge & CorbozWarnery, 2001; Glatigny-Dallay, Lacaze, Loustau, Paulais, & Sutter, 2005). - La condition d'ajustement, qui renvoie à la pertinence du comportement par rapport à la fonction à remplir (Favez, 1991; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; GlatignyDallay et al., 2005). Les parents occupent donc une place hiérarchiquement supérieure, étant donné qu‟ils doivent fournir à l‟enfant des stimulations adaptées et nécessaires à son développement. Les parents exercent donc une influence contextuelle sur l‟enfant et on s‟attend à ce que ce système encadrant soit supérieur par rapport au système encadré au niveau de la prédictibilité et de l‟ajustement. Figure 1 : Modèle de l‟encadrement dans le contexte de la triade familiale Parents Stimulations parentales et coparentales Boucles de feed-backs rétroactifs Signaux du bébé (vocalises, gestes, mimiques, pleurs, etc.) Bébé Dans ce contexte, le but de la relation est de favoriser l'évolution du système encadré (l'enfant) vers l'autonomie, par une adaptation harmonieuse de l'encadrement parental aux nouvelles compétences de l'enfant. Cela suppose que les parents connaissent le système encadré pour pouvoir interpréter correctement les signaux que l‟enfant leur adresse. En ce sens, le système encadrant est lui aussi évolutif et, par conséquent, les deux sous-systèmes s'influencent mutuellement (cf. figure 1). En d‟autres termes, le système familial triadique est co-évolutif et l‟autonomie de chaque membre se développe au sein de ce système d‟encadrement (Hervé, Lamour, Moro, Fivaz-Depeursinge, & Maury, 2000). La co-évolution résulte donc de l‟interaction entre les deux influences que sont celles des parents et celle du bébé. En effet, les comportements du bébé ont aussi une fonction d'induction des comportements parentaux, du fait que par ses signaux, c‟est-à-dire par ses gestes, mimiques, 17 vocalises, ses cris et pleurs, il va renseigner ses parents sur son état physique et affectif, ce qui permettra à ces derniers d‟y répondre en retour de manière adaptée, en s‟ajustant non seulement à son état, mais également à son niveau de développement. Ainsi, les signaux adressés par le bébé permettent aux parents de remplir leur fonction d‟encadrement en l‟aidant à maintenir son niveau d‟attention (Kaplan, Goldstein, Huckeby, Owren, & Cooper, 1995; Lécuyer, Pêcheux, & Streri, 1994; H. Papousek, 2000; M. Papousek, 2007; Smith & Trainor, 2008), ainsi qu‟à réguler ses états physiologiques et affectifs (Fivaz-Depeursinge, Favez, Lavanchy, de Noni, & Frascarolo, 2005; M. Papousek, 2007; Ricard, Cossette, & GouinDécarie, 1999; Tronick, 1989), ce qui facilitera en retour sa participation aux interactions familiales triadiques. Le système familial triadique fonctionne donc par feed-backs réciproques. Si les parents doivent se comporter de manière prédictible, constante et ajustée au niveau de développement de l‟enfant, celui-ci leur adresse des messages sur son état et ainsi, les oriente dans leurs tâches (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001), qu‟elles soient éducatives ou de soins. Nous incluons dans ce modèle de l‟encadrement non seulement la relation parentale, mais également la relation coparentale (cf. figure 1) car cette dernière répond aux mêmes exigences dans le cadre du système familial triadique. Autrement dit, que les parents interagissent individuellement ou conjointement avec leur enfant, ils doivent pouvoir adresser des signaux ajustés et prédictibles. Ce dernier, qu‟il soit en interaction avec l‟un ou l‟autre parent ou les deux, adresse continuellement des signaux pour les renseigner sur son état. Par ailleurs, que ce soit en se centrant sur la relation parentale ou coparentale, la finalité reste inchangée, c‟està-dire permettre au système encadré de se développer vers l‟autonomie. Il est à noter que la relation coparentale permet le bon développement de l‟autonomie dans la mesure ou les partenaires coparentaux s‟adaptent mutuellement au parentage de l‟autre (McHale & FivazDepeursinge, 1999). Finalement, pour pouvoir mener une tâche à bien, les systèmes encadrant et encadré doivent se coordonner et s‟entraider. Une propriété nouvelle émerge donc des interactions entre système encadrant et système encadré, à savoir l'alliance familiale. 18 3.2 L‟alliance familiale Dans la perspective du modèle de l‟encadrement, nous comprenons comment les parents et l‟enfant exercent une influence mutuelle. Dans ce contexte, les interactions triadiques observées entre ces deux systèmes permettent de qualifier le fonctionnement familial. Pour ce faire, nous avons recours au concept d‟alliance familiale (ou alliance triadique) qui, par analogie au concept d‟alliance thérapeutique, correspond à la propriété systémique qui émerge des interactions entre le père, la mère et le bébé et constituerait leur identité en tant que groupe. La coopération entre les systèmes encadrant et encadré permet l‟alliance familiale, autorisant en retour que chacun accomplisse sa tâche respective. Il est à noter que l‟alliance familiale peut être déterminée à partir de l‟observation de la triade familiale, qui constitue la voie privilégiée pour estimer le degré de coordination entre les membres de la famille en vue d‟atteindre un objectif donné, le tout dans un climat chaleureux où des affects, qu‟ils soient positifs ou négatifs, sont partagés. Les ressources et faiblesses des systèmes encadrant et encadré se combinent ainsi en schémas originaux qui engendrent différents types d‟alliances qui qualifient le fonctionnement familial. La notion d‟alliance familiale correspond donc à la capacité de la triade à se coordonner et à créer un contexte favorable à une communication à trois (Fivaz-Depeursinge & Favez, 2006; Frascarolo, Fivaz-Depeursinge, & Favez, 2009). Nous comprenons ainsi que l‟alliance familiale comporte deux facettes qui sont l‟unité père – mère – bébé et les contributions des deux parties, c‟est-à-dire le système encadrant et encadré (FivazDepeursinge & Corboz-Warnery, 2001). Finalement, cette alliance sert de cadre à la réalisation des tâches de développement social et psychologique de la famille (Hervé et al., 2000). Nous retiendrons que la notion d‟alliance familiale permet de concevoir des interactions entre les systèmes dyadiques plutôt que de les additionner, donc d‟appréhender le système familial en tant qu‟unité. Dans ce paradigme, le développement émotionnel de l‟enfant sera facilité lorsque le degré d‟alliance est élevé, c‟est-à-dire qu‟il y a une coordination entre les différents membres de la famille, ainsi qu‟un partage d‟affects. Dans le cas contraire, le développement de l‟enfant sera défavorable (T. Field, 1992; Fivaz-Depeursinge, 2008; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; McHale, 2007a, 2007b; von Klitzing, Simoni, Amsler, & Bürgin, 1999). 19 Ainsi, la situation d‟observation DCP, qui a pour but d‟évaluer le fonctionnement familial triadique, devrait permettre, au travers des interactions observées, de qualifier l‟alliance familiale qui rend compte de la communication à trois (Fivaz-Depeursinge, 2008; FivazDepeursinge et al., 1998) au début du post-partum. 3.2.1 Fonctions pour réaliser un trilogue Grâce à des études microanalytiques, il a été possible de mettre en évidence le fait que les schémas d‟interaction forment une structure hiérarchique très ordonnée, mais souple, comme une sorte de partition musicale (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Frascarolo, Favez, Carneiro, & Fivaz-Depeursinge, 2004). Le cadre triangulaire permet de poser les bases structurales du modèle des alliances familiales élaborées par l‟équipe du CEF. Ainsi, il est possible d‟établir l‟alliance familiale à partir des interactions observées à l‟aide de la situation DCP, en s‟appuyant sur des fonctions de communication à remplir en vue de réaliser un trilogue, c‟est-à-dire un dialogue à trois. Les fonctions décrites ci-dessous représentent les conditions à remplir pour pouvoir réaliser un trilogue, mais également pour des interactions en face à face. Elles sont imbriquées, c‟està-dire que la première fonction doit être remplie pour pouvoir réaliser la seconde fonction et cette dernière doit être remplie pour réaliser la troisième. Initialement, le paradigme du LTP comptait quatre fonctions de communication (ou fonction interactives) et ce modèle a été révisé pour n‟en proposer plus que trois que nous retenons pour la situation d‟observation DCP, à savoir : 1. Participation : Cette fonction fait référence à l‟inclusion des trois membres de la famille, c‟est-à-dire à la disponibilité de chacun envers les autres. Pour indiquer leur disponibilité, les protagonistes de l‟interaction émettent des signaux comportementaux d‟implication dans la tâche, notamment par leur orientation corporelle, et ils créent ainsi un espace propice aux interactions (Frascarolo, Lavanchy, & Favez, 2007). La participation permet donc de déterminer si chacun des membres est inclus ou non dans l‟interaction. Face à des comportements d‟exclusion, nous distinguerons l‟auto-exclusion de l‟hétéroexclusion. Ces deux catégories ne sont pas exclusives dans le sens où l‟auto-exclusion peut amener l‟hétéro-exclusion et inversement. Prenons l‟exemple où le parent tiers (en position d‟observateur de la dyade active) est exclu de l‟interaction entre le parent actif et 20 le bébé. Si cette hétéro-exclusion dure un certain temps, il est fort probable que le parent tiers finisse par ne plus émettre de signaux de disponibilité. Dès lors, il peut se désintéresser en se perdant dans ses pensées, en se tenant à une distance éloignée de l‟interaction en cours. L‟hétéro-exclusion et l‟auto-exclusion se sont alors réalisées simultanément. En vue d‟apprécier cette première fonction de communication, nous répondrons à la question suivante : « Est-ce que les membres de la famille émettent des signaux de disponibilité à interagir ? ». 2. Coopération : Cette fonction permet d‟évaluer le respect mutuel des rôles de tous les membres de l‟interaction. Deux types de rôles sont pris en considération pour évaluer cette fonction. Premièrement, le rôle déterminé par la position hiérarchique au sein du système est considéré, c‟est-à-dire le rôle de parent versus le rôle de l‟enfant. Comme nous l‟avons vu précédemment, les parents doivent remplir une fonction encadrante (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001) et doivent donc présenter des stimulations adaptées et prédictibles au bébé. De son côté, le bébé a pour fonction d‟être suffisamment stimulant et doit émettre des signaux permettant aux parents de s‟ajuster. Ainsi, le respect mutuel de ces rôles déterminés par la position hiérarchique de chacun des membres au sein du système familial permet de créer un contexte optimal pour réaliser la tâche demandée (changer les langes, passer un moment à trois, passer un moment conjugal en présence du bébé). Pour évaluer ce respect des rôles, il est essentiel de se poser les questions suivantes : « Est-ce que les parents proposent des stimulations adaptées à l’âge et à l’état de l’enfant ? » « Est-ce que le bébé est au contraire sur/sous-stimulé ? » « Estce que le bébé est engagé avec ses parents et leur fournit des informations sur son état ? » (Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). Deuxièmement, le respect du rôle attribué par la tâche est évalué, c‟est-à-dire celui de parent actif ou de tiers observateur. Ce deuxième rôle est attribué en fonction de la partie du DCP dans laquelle les protagonistes se trouvent4. Il s‟agit donc d‟observer la capacité de chacun à respecter ces rôles attribués par la tâche. Les réponses aux questions suivantes nous permettrons de déterminer le respect de ce deuxième rôle : « Comment est-ce que les membres de la famille arrivent à s’accorder avec ces divers rôles pour pouvoir créer un partage familial ? » « Le tiers observateur suit-il le jeu co-construit par les membres actifs sans interférer ? » « Les membres actifs co-construisent-ils ensemble un jeu, en faisant preuve de réciprocité, en 4 Les différentes parties du DCP et les rôles associés sont décrits dans le chapitre consacré à la méthode. 21 réalisant des tours de parole et en respectant chacun l’apport de l’autre ? » « Est-ce qu’ils réussissent à se centrer sur une activité commune, à la nourrir et à la faire évoluer ? » (Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). 3. Chaleur : Cette fonction concerne la circulation des affects au sein du triangle primaire (Corboz-Warnery & Fivaz-Depeursinge, 2001; Khazan, McHale, & Decourcey, 2008; McDonald, 1992; McHale, 2007b). Lors d‟un trilogue où tous les membres de la famille remplissent cette fonction, ils sont émotionnellement « interconnectés ». En d‟autres termes, les membres partagent des affects authentiques ainsi qu‟une empathie réciproque. Nous évaluons ici le climat émotionnel global et l‟engagement affectif de chacun. La situation d‟observation DCP présente une tâche de soins, ainsi qu‟un moment de partage à trois impliquant des échanges d‟affects ludiques et un partage de plaisir. Cette fonction permet donc d‟évaluer si les membres échangent des affects authentiques, positifs et réciproques. Bien que des émotions négatives puissent être exprimées, par exemple lorsque le bébé éprouve une douleur physique, ce qui nous importe d‟observer est la validation de cet affect. Nous nous attendons en effet à ce que les parents puissent valider les émotions de leur enfant et qu‟ils puissent l‟aider à se réguler et à supporter la situation. L‟empathie, la validation des affects et l‟échange affectif sont les indices permettant d‟apprécier la fonction de chaleur. Plus précisément, nous devons nous poser les questions suivantes : « Est-ce que le tiers observateur résonne aux affects partagés par le parent actif et le bébé ? » « Le parent actif comprend-il et valide-t-il correctement les émotions du bébé ou des autres membres de l’interaction ? » (Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). En résumé, la fonction de participation nous permet d‟observer si les membres de la famille peuvent être ensemble. Avec la fonction de coopération, il s‟agit de voir s‟ils peuvent agir et co-construire une activité ensemble. Finalement, la fonction de chaleur nous permet d‟apprécier si les protagonistes peuvent ressentir des affects ensemble. La participation et la coordination constituent le contexte d‟interaction dans lequel la chaleur familiale pourra se manifester (Favez, Frascarolo, & Fivaz-Depeursinge, 2006; Frascarolo et al., 2004; Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). Les affects pourront circuler au sein du triangle primaire seulement si les membres sont ensemble, coordonnés et qu‟ils portent leur attention sur un centre d‟intérêt commun. Cependant, et bien que ce contexte favorisant la chaleur familiale soit nécessaire, il n‟est en aucun cas une garantie. 22 3.2.2 Les types d‟alliances familiales Selon la manière dont ces trois fonctions interactives sont remplies, nous pourrons déterminer le type d‟alliance familiale. Ainsi, lorsqu‟elles sont toutes remplies, nous parlerons d‟une alliance « harmonieuse ». Lorsque la fonction de participation est la seule à être remplie, nous parlerons d‟alliance « conflictuelle ». Finalement, si aucune des fonctions n‟est remplie, l‟alliance sera considérée comme « désorganisée ». Ces deux dernières alliances sont appréhendées comme étant des alliances « dysfonctionnelles » alors que l‟alliance « harmonieuse » est considérée comme une alliance « suffisamment bonne ». Ces trois types d‟alliances peuvent être décrits comme suit : 1. L‟alliance harmonieuse : Elle décrit les familles dont les membres travaillent en équipe en vue de réaliser une tâche. Les protagonistes se coordonnent relativement bien, chacun participant à l‟activité (que ce soit une activité ludique ou de soins). Le rôle de chaque membre est respecté. Les parents réussissent à créer, par leurs postures corporelles et leurs attitudes, un contexte d‟interaction favorisant l‟accomplissement de l‟objectif visé. Ce type de famille est caractérisé par un sentiment de cohésion. Les interactions familiales caractérisant l‟alliance harmonieuse présentent plusieurs propriétés. Premièrement, les signaux corporels et les attitudes de chaque membre de la famille indiquent une disponibilité à interagir. L‟orientation de leur corps permet la création d‟un espace d‟interaction accessible à tous et favorise la réalisation d‟une activité commune. L‟orientation de chacun et les distances indiquent clairement qui est engagé dans l‟interaction. Ainsi, le parent actif est suffisamment proche du bébé avec une orientation en face-à-face alors que le tiers observateur est suffisamment en retrait. Lorsque la famille doit passer un moment ensemble à trois, le bébé est orienté entre les parents et chaque protagoniste est proche des deux autres. La fonction de participation est donc pleinement remplie, ce qui nous amène à considérer la fonction de coopération. Ainsi pour cette deuxième fonction, chacun des parent remplit son rôle, à la fois de parent actif versus tiers observateur. Le partenaire actif, par ses invites, donne des signaux sur la (les) personne(s) engagée(s) avec le bébé, tandis que le tiers observateur n‟interfère pas dans les échanges de la dyade active. Les parents respectent également leur rôle d‟encadrant en proposant des stimulations adaptées à l‟âge et à l‟état de l‟enfant, tout en se coordonnant et se soutenant mutuellement. De même, l‟enfant donne des signaux clairs permettant aux parents de s‟adapter à lui. La fonction de coopération est alors remplie. 23 Finalement, au niveau de la chaleur familiale, nous observons une circulation des affects, aussi bien positifs que négatifs. Les échanges émotionnels sont authentiques. Il y a une manifestation de plaisir à travers des échanges de regards et de sourires entre tous les membres de la famille. Lorsqu‟il y a une manifestation d‟affects négatifs, les parents y sont réceptifs et empathiques. La dernière fonction de communication, à savoir la chaleur, se réalise totalement. Les trois fonctions interactives étant réalisées, nous pouvons parler d‟une alliance familiale « harmonieuse ». 2. L‟alliance conflictuelle : Elle décrit les familles qui mettent en scène un conflit, qu‟il soit caché ou non. Bien que le conflit puisse s‟exprimer au sein de la relation parent – enfant, ce cas de figure est relativement rare (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). Le plus souvent, le conflit engendre la division de l‟unité coparentale. Dans une telle situation, les parents s‟impliquent dans la tâche et envoient des signaux de disponibilité à interagir. Ils remplissent donc la fonction de « participation », mais éprouvent des difficultés à se coordonner, ce qui entrave la réalisation de la tâche. Par conséquent, tous les membres de la famille sont corporellement centrés sur un même espace d‟interaction, mais les rôles attribués à chaque parent ne sont pas respectés. Autrement dit, la fonction de « coopération » n‟est pas réalisée, ce qui se traduit par des difficultés de coopération et de négociation autour de l‟activité à réaliser. L‟impression générale est que les parents cherchent chacun à attirer l‟attention du bébé, comme s‟ils étaient en compétition. Les interférences peuvent alors survenir. Cette concurrence entre les parents porte préjudice à l‟élaboration d‟activités communes et à la circulation des affects. Le climat émotionnel est généralement chargé de tensions et des rires inauthentiques peuvent être perceptibles. La fonction de « coopération » n‟étant pas réalisée, la troisième fonction interactive ne peut pas être remplie. Du fait que le conflit peut diviser l‟unité coparentale, il est fréquent d‟observer des parents plus performants lorsqu‟ils interagissent seul avec le bébé que lorsqu‟ils doivent agir conjointement et/ou partager un moment conjugal. 3. L‟alliance désorganisée : Elle décrit les familles présentant des interactions marquées par l‟exclusion. Elle peut être le fait d‟un retrait d‟un membre de la famille de l‟interaction en cours (auto-exclusion) ou d‟une exclusion d‟un membre par les autres (hétéro-exclusion). Ce qui caractérise avant tout ce type de famille est le manque de cohésion. Elle semble morcelée et composée d‟éléments isolés (Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). A divers 24 moments du DCP, certains membres de la famille peuvent montrer un désengagement dans les relations familiales, ce qui se traduit par une orientation corporelle détournée de l‟espace d‟interaction, une expression faciale inanimée et des regards en direction de l‟extérieur des activités partagées par les autres protagonistes. Les signaux de disponibilité à interagir ne sont pas toujours clairs chez les divers protagonistes. La fonction de participation n‟est donc pas remplie et l‟impossibilité de créer un espace d‟interaction compromet les échanges. Dans ce contexte, les rôles attribués au DCP ne sont pas respectés, c‟est-à-dire que la fonction de coopération n‟est pas satisfaite. Il est alors souvent peu aisé de distinguer les différentes parties du scénario. Par conséquent, l‟enfant peine à savoir, à travers les signaux qui lui sont adressés, qui est engagé avec lui. Les parents ne peuvent pas se coordonner malgré leurs efforts et n‟arrivent donc pas à construire une situation où les affects peuvent circuler et être partagées par tous. Bien que des moments d‟échange affectifs puissent se produire, la plus grande partie de la situation DCP est teintée par un manque d‟engagement émotionnel. La fonction de chaleur n‟est également pas remplie. Le scénario DCP est donc marqué par la fragmentation des activités et des affects partagés, l‟exclusion et la désorganisation caractérisant les interactions dans ce type d‟alliance familiale. Selon Frascarolo et coll. (2007), la famille avec une alliance harmonieuse facilite la compréhension des différentes configurations relationnelles à trois. Le bébé recevant des stimulations adéquates comprendra plus aisément la situation qu‟il vit, c‟est-à-dire les rôles de ses parents ainsi que les comportements communicationnels qui en résultent. Il développe ainsi des processus de triangulation qui permettent l‟établissement et le maintien d‟un lien interpersonnel à trois. A l‟inverse, plus la qualité de l‟alliance familiale décroît, plus l‟établissement d‟une relation interpersonnelle à trois est compromis du fait de la dominance de la confusion et de la négativité. L‟alliance familiale permet de rendre compte de la communication à trois. Toutefois, afin de cerner objectivement le fonctionnement familial triadique, il est nécessaire de tenir compte du fait qu‟il est influencé par la qualité des relations parentale, coparentale et conjugale. Les sections suivantes visent à décrire le passage du couple à la famille, afin de mettre en évidence les différents sous-systèmes composant la triade familiale au début de la période postnatale. Nous verrons également la manière dont ces sous-systèmes s‟articulent, s‟influencent et influencent le développement de l‟enfant. Nous serons ainsi en mesure de 25 saisir la complexité du fonctionnement familial triadique dans le contexte de la transition à la parentalité, tout en tenant compte de l‟impact de la qualité des différentes relations sur le système familial. 3.3 Le couple conjugal lors de la transition à la parentalité Le couple conjugal constitue le sous-système formé par les partenaires du couple et il existe, la plupart du temps, bien avant la naissance de l‟enfant. En ce sens, nous pouvons dire qu‟il est à l‟origine de la famille. Le passage du couple à la famille est une période connue sous le nom de « transition à la parentalité ». Elle commence pendant la grossesse avec le développement des liens émotionnels qui se forment avec le bébé qui n‟est pas encore né, et continue pendant un certain temps après l‟accouchement (Lawrence, Cobb, Rothman, Rothman, & Bradbury, 2008; Newman & Newman, 1988; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Perren et al., 2003; von Klitzing et al., 1999). Cette période représente une complexification des relations car le couple conjugal doit faire face à trois nouvelles relations : la relation parentale (la relation d‟un parent avec l‟enfant), la relation coparentale (les deux parents face à l‟enfant) qu‟il s‟agit de conjuguer avec la relation conjugale, et la relation familiale (la famille dans sa totalité) (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; Favez et al., 2009; Frascarolo, Darwiche, & Favez, 2009). Ainsi, avant l‟annonce de la grossesse, le couple est impliqué uniquement dans une relation conjugale, puis chaque parent se prépare à gérer de nouvelles relations avec l‟arrivée de l‟enfant. Le système familial triadique, comme représenté sous la figure 2, est finalement décomposé en sous-systèmes qualitativement différents. Nous parlons dès lors de sous-système conjugal, parental, coparental, et les individus. Ces différents sous-systèmes entretiennent une relation d‟interdépendance mutuelle et s‟influencent donc tous réciproquement (Bonds & Gondoli, 2007; Favez et al., 2009; Talbot & McHale, 2004; Watzlawick, Beavin, & Jackson, 1967). 26 Figure 2 : Le système familial triadique et ses sous-systèmes Enfant Relation parentale Relation coparentale Père Relation parentale Mère Relation conjugale Cette période périnatale constitue donc une période de crise, de changements importants, tant au niveau de la définition des rôles qu‟au niveau des changements pratiques (passage de la dyade conjugale à la triade familiale, aménagements de l‟espace pour accueillir l‟enfant, développement rapide du nourrisson, etc.) (Frascarolo, 2004; Kreppner, 1988). Nous savons actuellement que le passage à la parentalité, c‟est-à-dire du couple conjugal à la triade, est un des ajustements les plus difficiles pour la famille (Suardi, 2005). De nombreuses études ont pu mettre en évidence une baisse de la satisfaction conjugale accompagnée d‟une augmentation des conflits entre les parents (Belsky, Spanier, & Rovine, 1983; Lawrence et al., 2008; Shapiro, Gottman, & Carrere, 2000). Selon les travaux de l‟équipe de Cowan (C. P. Cowan & Cowan, 1995, 2000; Schulz, Cowan, & Cowan, 2006), cette période s‟accompagne également d‟une diminution des échanges positifs entre les conjoints. Pour la plupart des couples, ce déclin atteint un plateau, mais pour d‟autres ce déclin continue (P. A. Cowan & Cowan, 2003; McHale, Kuersten-Hogan, Lauretti, & Rasmussen, 2000; Shapiro et al., 2000). Il faut toutefois noter que la baisse de la satisfaction conjugale est modérée et il existe une continuité entre la période prénatale et postnatale (Perren, Von Wyl, Bürgin, Simoni, & Von Klitzing, 2005; Simoni, Amsler, Von Klitzing, & Bürgin, 1996). Selon Cowan et Cowan (1988; 2003), le déclin de la satisfaction conjugale ne peut pas être seulement attribué au développement normal dans les relations. Ils ont conclu de leurs recherches que les bébés ne génèrent pas de conflit conjugal sévère lorsque ceux-ci n‟étaient pas présents avant la 27 transition à la parentalité. De même, ils concluent que le bébé ne rapproche pas les parents en cas de conflit conjugal. La transition avec ses bouleversements amplifie plutôt les difficultés déjà existantes entre les conjoints (Frosch, Mangelsdorf, & McHale, 1998; Lawrence et al., 2008; Perren, Von Wyl, Bürgin et al., 2005). 3.3.1 Les facteurs liés à la qualité de la relation conjugale Les études de cette dernière décennie ont clairement montré qu‟il y a une grande variabilité dans la manière dont les couples changent entre la grossesse et les premiers mois postnataux (Bradbury, Fincham, & Beach, 2000; Lawrence, Nylen, & Cobb, 2007; Moller, Hwang, & Wickberg, 2008). En effet, certains couples ne rapportent aucun déclin dans la satisfaction conjugale pendant la transition à la parentalité, voire montrent une amélioration, tandis que pour d‟autres cette satisfaction décline (Belsky & Rovine, 1990; Lawrence et al., 2008). Les facteurs souvent rapportés comme influençant la satisfaction conjugale lorsque l‟enfant est né, et pouvant expliquer ces trajectoires différentes, sont : - La satisfaction des deux conjoints en ce qui concerne la répartition des tâches domestiques et les soins à l‟enfant (Belsky, Lang, & Rovine, 1985; Levy-Shiff, 1994; Voydanoff & Donnelly, 1999). Plus la répartition est perçue par les deux parents comme égalitaire, plus les couples rapportent une satisfaction conjugale élevée. - La personnalité de chaque parent (Belsky & Barends, 2002; Belsky & Rovine, 1990; Knauth, 2001). Des aspects de l‟individu tels que le manque d‟estime de soi, la présence d‟anxiété, sont souvent associés à une insatisfaction conjugale (McHale & Rasmussen, 1998). De même, des caractéristiques de la personnalité telles que le contrôle de l‟impulsivité, l‟autonomie, les valeurs, attitudes et perceptions reliées à la parentalité sont des facteurs associés à la qualité de la relation conjugale (Levy-Shiff, 1994). - Les variables démographiques (Belsky & Rovine, 1990; Feldman, Sussman, & Zigler, 2004). Le fait de vivre par exemple loin du lieu de travail ou d‟être éloigné de sa famille d‟origine, peuvent être source de stress pour les parents et ainsi contribuer à la baisse de la satisfaction conjugale et l‟apparition de conflits. 28 - Les caractéristiques de l‟enfant (Belsky & Rovine, 1990; Zeanah et al., 1997). Des études ont mis en évidence que les bébés difficiles, notamment ceux qui pleurent beaucoup et qui sont difficilement consolables, génèrent plus de stress pour les parents, ce qui peut se répercuter sur la qualité de la relation conjugale (Moller et al., 2008; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Schoppe-Sullivan, Mangelsdorf, Brown, & Sokolowsky, 2007). De même, le sexe de l‟enfant joue un rôle dans la satisfaction conjugale. Les couples qui ont une fille auraient plus de risques que ceux qui ont un garçon de connaître une baisse de la qualité de leur relation (Dulude et al., 1999; Morgan, Lye, & Condran, 1988). Ces résultats suscitent toutefois la controverse car certaines études ont mis en évidence le fait que les pères peuvent s‟investir davantage auprès de leur enfant lorsque celui-ci est un garçon, et cet investissement peut alimenter un conflit conjugal (Favez et al., 2002; Frascarolo, Darwiche et al., 2009; McHale, 1995). Une explication possible serait celle du « gatekeeping maternel », qui correspond au contrôle par la mère de l‟implication du père auprès de l‟enfant (Fagan & Barnett, 2003; Schoppe-Sullivan, Brown, Cannon, Mangelsdorf, & Sokolowsky, 2008). L‟investissement paternel auprès d‟un garçon peut être positif pour le couple lorsque la mère lui facilite l‟accès à l‟enfant. Cependant, lorsqu‟elle empêche ou restreint cette implication, qu‟elle dénigre les compétences de son conjoint, la relation conjugale peut s‟en trouver affectée (Cannon, Schoppe-Sullivan, Mangelsdorf, Brown, & Sokolowsky, 2008; Elliston et al., 2008; Schoppe-Sullivan et al., 2008; Talbot & McHale, 2004). Il semblerait donc que le sexe de l‟enfant ait un effet indirect sur la baisse de la satisfaction conjugale, par le biais du « gatekeeping maternel ». - La santé mentale des parents (M. J. Cox, Paley, Burchinal, & Payne, 1999; Oyserman et al., 2000). Lorsqu‟un parent ou les deux présentent des troubles psychiatriques tels que la dépression postnatale ou un état de stress post-traumatique chez la mère, il y a une dégradation de la qualité des relations conjugales et, inversement, lorsqu‟il y a une insatisfaction conjugale, les symptômes psychiatriques sont plus prononcés (Ayers et al., 2007; Beck, 2001; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005). - La qualité des relations conjugales que chaque parent a perçu dans la relation de ses propres parents (Perren, Von Wyl, Bürgin et al., 2005). Il est actuellement reconnu que les parents qui rapportent négativement la relation conjugale de leurs propres parents, rapportent également plus de changements négatifs dans la qualité de leur relation conjugale actuelle. 29 Il est à noter que la stabilité du couple conjugal ne corrèle pas toujours avec un niveau élevé de satisfaction conjugale. En effet, passablement de couples restent ensemble malgré l‟insatisfaction et les interactions négatives qui les caractérisent. Ainsi, il est difficile de lier la qualité de la relation conjugale, perçue par les parents ou observée par un tiers, à la probabilité de divorcer (Carrere, Buehlman, Gottman, Coan, & Ruckstuhl, 2000; Matthews, Wickrama, & Conger, 1996; Rodrigues, Hall, & Fincham, 2006; Stanley, 2003). Par conséquent, certaines familles peuvent être caractérisées par la présence de conflits conjugaux récurrents, et dans ce contexte, nous devons envisager l‟impact possible qu‟une relation conjugale conflictuelle ou harmonieuse peut avoir sur le développement de l‟enfant. 3.3.2 Gestion des conflits conjugaux et répercussions sur le développement de l‟enfant De nombreuses études ont pu mettre en évidence que les couples qui ne sont pas en détresse sur le plan conjugal, c‟est-à-dire qui éprouvent une satisfaction dans leur vie de couple ou qui arrivent à gérer de manière adéquate la présence de conflits, montrent plus de disponibilité et de sensibilité face aux états et besoins de l‟enfant. Dans les mariages heureux, les relations parent – enfant sont caractérisées par des échanges chaleureux et la présence d‟empathie (Gable, Belsky, & Crnic, 1992; Gottman & Notarius, 2002). De même, des études se basant sur les comportements observés ont pu montrer qu‟un niveau élevé d‟interactions positives est associé à une grande satisfaction conjugale. Dans ce cas de figure, les conjoints passent plus de temps ensemble, se comportent entre eux de manière positive et partagent des activités agréables (Gottman, Coan, Carrere, & Swanson, 1998; Gottman & Notarius, 2002; H. K. Kim, Capaldi, & Crosby, 2007; R. L. Weiss, Hops, & Patterson, 1973). Ainsi, plus les couples sont heureux, plus ils sont enclins à réagir positivement et ce, même si un des conjoints se montre négatif face à l‟autre (M. J. Cox et al., 1999; Driver & Gottman, 2004; Jacobson, Folette, & McDonald, 1982). Finalement, les couples qui, avant la naissance de l‟enfant, sont en mesure de discuter d‟un problème manifeste de manière empathique et engagée, ont tendance à montrer ces mêmes qualités après la naissance (Heinicke & Guthrie, 1996; Schoppe-Sullivan et al., 2007). Des auteurs ont par ailleurs postulé que si le conflit entre les parents est géré de manière adéquate, alors l‟enfant peut développer des stratégies constructives de résolution de problèmes et de gestion des conflits interpersonnels dans d‟autres types de relations (Cummings & Davies, 1994a; Fincham, 1998; Goeke-Morey, Cummings, & Papp, 2007; Grynch & Fincham, 1990). 30 A l‟inverse, lorsque les parents sont en souffrance sur le plan conjugal, c‟est-à-dire qu‟ils peinent à gérer de manière adéquate les conflits, la satisfaction conjugale peut s‟en trouver affaiblie et mener à une cristallisation du conflit, ce qui peut être dévastateur pour l‟ensemble des relations familiales. En effet, des conflits mal gérés affectent négativement le bien-être et le bonheur de chaque parent, la communication entre les conjoints s‟en trouvant également affectée (Belsky & Isabella, 1985). Mais il y a également des répercussions néfastes sur le développement de l‟enfant, notamment dans la manière d‟apprendre à gérer et à tolérer les conflits de manière socialement adaptée (Gottman & Katz, 1989; Kitzmann, 2000). Le conflit conjugal peut ainsi avoir un effet direct sur l‟enfant qui, étant exposé aux comportements hostiles et agressifs entre les parents, intègrera progressivement ces comportements dysfonctionnels et cherchera à les imiter (Favez et al., 2009). De plus, les parents ne fournissent pas la sécurité émotionnelle nécessaire à la régulation des états affectifs de l‟enfant, ce qui peut le mener à manifester des comportements de retrait ou d‟évitement pour ne pas s‟engager dans des relations potentiellement marquées par des affects négatifs (Crockenberg, Leerkes, & Lekka, 2007; P. Davies, Cummings, & Winter, 2004; Gottman & Katz, 2002). Le conflit conjugal exerce également une influence indirecte sur le développement de l‟enfant. Certains auteurs ont en effet suggéré qu‟un effet de contagion (« spillover effect ») affecte le développement socio-émotionnel de l‟enfant, dans le sens où les affects générés dans le couple conjugal se transfèrent à la relation parent – enfant (Crockenberg & Leerkes, 2003; Gerard, Krishnakumar, & Buehler, 2006; Krishnakumar & Buehler, 2000; SturgeApple, Davies, & Cummings, 2006). Lorsque les conjoints sont en conflit, le parentage est généralement caractérisé par de l‟irascibilité, de l‟insensibilité, un manque de chaleur et de disponibilité émotionnelle pour l‟enfant, ce dernier pouvant manifester des comportements problématiques (P. Davies, Harold, Goeke-Morey, & Cummings, 2002; Favez et al., 2009). Le conflit modifie également la perception que les parents ont de leur enfant, ayant tendance à le considérer comme étant un bébé difficile (P. Davies, Sturge-Apple, Cummings, & Woitach, 2009; Katz & Gottman, 1996). En définitif, des problèmes d‟adaptation et développementaux, comme la dépression, le retrait social, un trouble du comportement, les problèmes de santé et les difficultés scolaires peuvent être provoqués, dans une certaine mesure, par les conflits conjugaux (Emery, 1982; Gottman & Katz, 1989; Kelly, 2000; Zeanah et al., 1997). Toutefois, il semblerait que l‟impact du 31 conflit conjugal sur le développement de l‟enfant concerne principalement les difficultés d‟adaptation plutôt que le développement d‟une psychopathologie (Reid & Crisafulli, 1990, cité par Favez et al., 2009). Par ailleurs, les travaux de McHale, portant sur le coparentage, ont montré que ce dernier se révèle être est un meilleur prédicteur des difficultés développementales rencontrées par l‟enfant (McHale, 1995, 2007b; McHale, FivazDepeursinge, Dickstein, Robertson, & Daley, 2008; McHale & Kuersten-Hogan, 2004; McHale & Rasmussen, 1998). Comme le soulignent également Frascarolo et coll. (2009) il semblerait que l‟impact de la relation conjugale sur le développement de l‟enfant se fasse par l‟intermédiaire de la qualité du sous-système coparental, ce que nous explicitons dans la section suivante. 3.4 Le sous-système coparental Nous venons d‟exposer en quoi la transition à la parentalité est une période critique pour le couple, et la manière dont cela peut affecter négativement le développement des relations familiales et de l‟enfant lorsque les parents rencontrent des difficultés d‟adaptation. Nous venons également de voir que l‟impact des conflits conjugaux sur l‟enfant n‟est pas direct, mais est à mettre en lien avec le couple coparental. Dès lors, il est important de bien saisir la distinction subtile entre ces deux sous-systèmes. La relation conjugale précède habituellement la relation coparentale. Elle peut se terminer lorsque la relation intime entre les deux conjoints cesse, tandis que la relation coparentale perdure dans tous les cas (P. A. Cowan & McHale, 1996; Schoppe-Sullivan, Mangelsdorf, Frosch, & McHale, 2004). La relation coparentale quant à elle constitue le lien entre les deux partenaires en tant que parents et a donc une trajectoire différente que la relation conjugale. Les relations conjugale et coparentale devraient donc être similaires pour certains aspects et différents pour d‟autres (McHale et al., 2002). La relation coparentale peut se définir comme étant la qualité de coordination entre les conjoints dans leur rôle de parent (Feinberg, Kan, & Goslin, 2009; McHale, 2007b; S. Minuchin, 1998). Cette notion de coparentage (ou relation coparentale) était déjà décrite par Minuchin en 1974, puis a été reprise par d‟autres chercheurs. Nous avons retenu la conception de McHale (1995; 2007b) pour qui le coparentage se réfère au soutien mutuel et à la coordination entre les parents dans leur rôles parentaux. En d‟autres termes, le coparentage 32 concerne l‟ensemble des relations entre les parents par rapport à l‟enfant. On parle d'"alliance coparentale" comme étant la capacité des parents à se soutenir mutuellement, à travailler en équipe pour élever l'enfant ou, d‟une manière plus formelle, comme étant le degré de coordination qu'ils atteignent lorsqu'ils réalisent une tâche commune (McHale, 2007a; McHale & Cowan, 1996; McHale, Kuersten-Hogan, & Rao, 2004). Cette définition du coparentage se base donc sur deux individus (souvent les parents de l‟enfant, mais cette définition peut également être appliquée à d‟autres adultes qui ne sont pas forcément liés en même temps par la relation conjugale et coparentale) et en ce sens peut être comprise comme dyadique, mais elle est implicitement triadique pour deux raisons. Premièrement, le coparentage inclut l‟enfant du fait que l‟interaction des deux parents porte sur ce dernier. Deuxièmement, même lorsqu‟un parent interagit seul avec l‟enfant, il se réfère à l‟autre parent, le tiers absent (McHale et al., 2004; Talbot & McHale, 2004). Par ailleurs, l‟attitude de chaque parent est influencée par la représentation qu‟il a de son conjoint (Suardi, 2005). Finalement, selon McHale et coll. (2002), un coparentage efficace et adéquat se caractérise comme suit : - Il y a un accord en ce qui concerne les stratégies et pratiques éducatives envers l‟enfant. En d‟autres termes, il y a une cohérence entre les parents quant aux pratiques parentales. - Il y a un soutien mutuel entre les conjoints. - Les conjoints se témoignent une confiance réciproque à l‟égard des pratiques éducatives qui sont cohérentes et consistantes pour l‟enfant. Il a en effet été démontré que les enfants qui ont pu expérimenter un tel coparentage ont une trajectoire développementale plus positive que ceux qui n‟ont pas pu en faire l‟expérience (McHale, 1995, 2007b; McHale et al., 2002). Dans le contexte de la vie familiale au début du post-partum, les parents doivent co-construire leurs pratiques éducatives tout en tenant compte de leur conjoint, que ce soit dans les tâches telles que les soins ou dans des moments de jeu, ce qui implique un soutien mutuel, une complicité et une chaleur familiale pour que le coparentage soit optimal. La section suivante nous permettra de mettre en évidence les composantes principales du coparentage. 33 3.4.1 Facteurs, typologie du coparentage et conséquences sur le développement de l‟enfant Le coparentage peut être conceptualisé en trois grands facteurs selon les travaux de McHale et coll. (McHale, 1995, 2007b; McHale & Rasmussen, 1998). Le premier facteur est l‟harmonie, c‟est-à-dire la coopération entre les parents, la chaleur entre les conjoints et la chaleur témoignée à l‟enfant par chaque parent. Le deuxième facteur est l‟hostilité-compétitivité, c‟est-à-dire la compétition entre les parents et la dispute verbale. Le dernier facteur est l‟implication parentale divergente, c‟est-à-dire un investissement parental et une chaleur adressée à l‟enfant différents entre les deux parents. Des résultats similaires ont été mis en évidence par les travaux de l‟équipe du Centre d‟Etude de la Famille (CEF) (Frascarolo, Darwiche et al., 2009), ce qui appuie la pertinence de l‟existence de ces trois facteurs. Finalement, les travaux de McHale et coll. (2002; 1998) ont permis de mettre en évidence la typologie suivante du coparentage, tenant compte des conséquences sur le développement de l‟enfant: 1. Le coparentage « hostile – compétitif » : Un climat d‟hostilité et de compétition règne entre les parents. Les désaccords et la concurrence qui marque ce type de coparentage rendent contradictoires les signaux adressés à l‟enfant, créant ainsi une ambivalence marquée d‟incertitude et de déséquilibre. Le bébé est alors pris dans un processus de triangulation (au sens de Minuchin, 1998), c‟est-à-dire qu‟il est pris dans le conflit entre ses deux parents. Cette déviation du conflit parental sur l'enfant s'observe dans les familles où l'enfant présente une pathologie psychosomatique (Bowen, 1972; S. Minuchin, Rosman, & Baker, 1978). Cette triangulation a des effets destructeurs à long terme et peut constituer un facteur de risque pour l'enfant de développer une symptomatologie externalisée à l'âge préscolaire (par exemple, comportement d‟agressivité), signalant ainsi sa détresse aux parents. En attirant l'attention sur euxmêmes, ces enfants encouragent leurs parents à s'unir autour de lui et détourner leur attention de leur conflit conjugal. Notre travail portant sur des familles avec un bébé de trois semaines de vie post-partum, nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que le coparentage « hostile – compétitif » puisse avoir de tels conséquences sur le développement de l‟enfant, car aucune étude longitudinale n‟a, à ce jour, intégré des mesures sur les interactions familiales triadiques afin d‟établir un lien entre le type de 34 coparentage « précoce » et les conséquences sur le développement de l‟enfant. Il est toutefois possible de dire que les manifestations somatiques liées à un stress consécutif à un climat d‟hostilité sont bien réelles. A titre d‟exemple, le hoquet du bébé peut se comprendre, lorsqu‟il n‟a aucune source physiologique, comme étant une réaction de stress face à l‟environnement immédiat (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004). D‟un point de vue développemental, ces réactions de stress, si elles se perpétuent, peuvent amener l‟enfant à développer une pathologie psychosomatique, entravant de ce fait son bon développement. Finalement, ce type de coparentage est marqué par des attitudes parentales intrusives, sur-stimulantes, chacun cherchant à attirer l‟attention (FivazDepeursinge & Favez, 2006). 2. Le coparentage « dissemblable » : L'enfant est également enfermé dans une dynamique de triangulation. Ce type de coparentage souligne l'importance toute particulière d'étudier l'implication parentale dans un contexte familial, le pattern triadique pouvant se révéler très différent des relations dyadiques parent – enfant (Buhrmester, Camparo, Christensen, Shapiro Gonzalez, & Hinshaw, 1992). Une relation coparentale basée sur un investissement parental différent entre les deux conjoints a une influence négative, mais moins évidente sur le bébé. En effet, lorsqu‟il y a exclusion d‟un des parents de la coopération parentale, il y a un risque accru pour l'enfant de développer une symptomatologie internalisée à l'âge préscolaire (sentiment d'insécurité, d'anxiété et de tristesse), l'enfant apprenant à réagir à des situations stressantes par le retrait. Des troubles externalisés, comme par exemple les comportements agressifs, peuvent également apparaître plus tardivement, lorsqu'un des parents se retire de la vie de famille et que l'enfant ressent un vide relationnel. Là aussi, bien qu‟aucune étude n‟ait permis d‟établir une continuité développementale en partant des réactions du bébé de trois semaines, nous postulons qu‟à cet âge, des réactions de retrait peuvent déjà être perçues, comme par exemple lorsque le nourrisson s‟endort ou se détourne d‟un adulte (synonyme d‟auto-exclusion dans la relation triadique), qui sont considérés comme des comportements de retrait du nourrisson au cours d‟une interaction, lors de l‟examen neuro-comportemental NNNS (Lester & Tronick, 2004). En accord avec les théories développementales, le nouveau-né exposé à ce type de coparentage peut voir cette expérience se répéter, ce qui augmentera le risque, avec le temps, qu‟il développe une symptomatologie. 35 3. Le coparentage « centré sur l’enfant » : Ce coparentage est marqué par une faible coopération entre les parents, un bas niveau de chaleur et d‟antagonisme, ainsi que par une grande centration sur l‟enfant. L‟enfant est le pivot de toute l‟attention des parents et des activités. Sa curiosité et ses initiatives vont diriger les interactions. Les parents sont engagés avec l‟enfant, dans le sens où ils interagissent principalement à travers lui, mais sont déconnectés l‟un de l‟autre (McHale, 2007b). Ce type de coparentage est fréquemment associé à une configuration qui place l‟enfant dans une position où les rôles sont inversés du fait qu‟il adopte un style sur-engagé. Il peut montrer des comportements de provocation, d‟animation, ainsi qu‟une augmentation de l‟engagement visuel, voire effectuer des va-et-vient visuels entre ses parents (Fivaz-Depeursinge, Lopes, Python, & Favez, 2009). Dans cette configuration, l‟enfant est à risque de rencontrer des difficultés au niveau de la régulation émotionnelle (Carlson, Jacobvitz, & Sroufe, 1995), voire de développer des troubles du comportement à l‟âge préscolaire (Fivaz-Depeursinge, Frascarolo, Lopes, Dimitrova, & Favez, 2007; Macfie, Houts, McElwain, & Cox, 2005). Bien qu‟aucune étude ne nous permette d‟établir un lien entre les réactions du nourrisson de trois semaines et ce type de coparentage, nous postulons que des comportements d‟hypervigilance, les pleurs, ainsi que les tensions motrices (hypertonicité) peuvent être des signes de protestation ou d‟inconfort (Chen, Green, & Gustafson, 2009; Lester, Tronick, & Brazelton, 2004), ce qui pourrait traduire un sur-engagement dans les interactions familiales. Le nouveau-né exposé de manière répétée à ce type de coparentage peut donc être à risque de développer une symptomatologie. 4. Le coparentage « harmonieux » : Ce coparentage est caractérisé par la chaleur familiale et la coopération entre les parents. Il est constructif et procure un sentiment de bien-être et de sécurité à l'enfant. Son influence est ainsi positive pour son développement socioémotionnel. Cette chaleur familiale se définit par un coparentage adéquat où les interactions familiales entre tous les membres de la famille sont émotionnellement positives, chaleureuses et soutenantes (McHale & Fivaz-Depeursinge, 1999; McHale & Rasmussen, 1998). La chaleur parentale ainsi que la disponibilité émotionnelle est favorable au bon développement de l‟enfant, notamment au niveau de l‟estime de soi et de l‟autonomie. A l‟heure actuelle, un consensus existe pour dire les composantes positives, tel que la chaleur et la coopération, et les composantes négatives, tel que la compétition et la divergence entre 36 les conjoints quant à l‟investissement parental auprès de l‟enfant, sont deux aspects différents du coparentage qui peuvent coexister. Le coparentage est donc caractérisé par une dimension positive et une autre négative (Frascarolo, Darwiche et al., 2009; McHale & Rasmussen, 1998; Talbot & McHale, 2004). Finalement, il a été démontré que les difficultés comportementales de l‟enfant sont liées à la qualité des relations coparentales, telles que définies ci-dessus. Ainsi, le désaccord entre les parents concernant les pratiques éducatives est un meilleur prédicteur du développement de l‟enfant qu‟une évaluation du conflit au niveau du couple conjugal (Jouriles, Murphy, Farris, & Smith, 1991; McHale & Rotman, 2007). Par ailleurs, il semblerait que ces difficultés chez l‟enfant (trouble psychosomatique, anxiété ou agressivité à l‟âge préscolaire, etc.) soient liées à des caractéristiques du fonctionnement familial, tel que le manque de chaleur et de coopération (McConnell & Kerig, 2002; McHale et al., 2008). De même en se centrant sur l‟expression d‟affects positifs et de chaleur familiale, les résultats de plusieurs études vont dans le même sens, indiquant que certains aspects du développement du jeune enfant ne s‟expliquent que par des variables du niveau familial, et non uniquement par les relations conjugales ou dyadiques parent – enfant (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; Favez, Frascarolo, & Fivaz-Depeursinge, 2006). 3.4.2 Articulation entre le sous-système conjugal et coparental Comme nous venons de le démontrer, l‟impact des conflits conjugaux sur le développement de l‟enfant se fait par l‟intermédiaire du sous-système coparental, ce qui nous indique que les sous-systèmes conjugal et coparental sont étroitement imbriqués. Ainsi, les attitudes de coparentage durant l'enfance sont en partie expliquées par l'harmonie conjugale. Il est actuellement admis que les mariages heureux sont généralement associés à un coparentage soutenant et à un bon pronostic développemental de l'enfant alors que les mariages caractérisés par des tensions, des conflits conjugaux, sont généralement liés à des difficultés de coparentage et au développement de difficultés comportementales chez l'enfant (Gable, Belsky, & Crnic, 1995; McConnell & Kerig, 2002). Certaines études ont suggéré un lien entre le type de coparentage et le sexe de l‟enfant (Gable et al., 1995; McHale, 1995). En ce sens, il a été montré que le conflit conjugal a des répercussions plus visibles chez les garçons, s‟exprimant sous forme de troubles du 37 comportement. Il est à noter que le coparentage diffère également selon le sexe de l‟enfant et les conséquences d‟un conflit conjugal ne sont pas les mêmes pour les filles et les garçons (McHale, 1995). Lors d‟une relation conjugale dysfonctionnelle en présence d‟un garçon, le coparentage est plus hostile et se caractérise par la compétition, la dispute verbale et la centration du jeu sur les parents plutôt que sur les intérêts de l‟enfant. En présence d‟une fille, le coparentage semble d‟avantage être caractérisé par des différences d‟investissement parental (ce qui n‟est pas vérifié pour les garçons), avec un retrait du père. Cette différence doit se comprendre comme un déséquilibre dans l‟attention donnée à l‟enfant par les parents. Les caractéristiques individuelles peuvent apparaître comme des facteurs de protection en atténuant la relation entre le conflit conjugal et le coparentage (Elliston et al., 2008; Talbot & McHale, 2004). En effet, il s‟est avéré que la flexibilité du père joue un rôle modérateur de l‟effet du débordement de la conflictualité conjugale dans la relation coparentale. Autrement dit, le conflit conjugal ne contamine pas la relation coparentale lorsque le père se montre flexible. Cette qualité correspond à des individus ayant une perspicacité élevée, se montrant intéressés et sensibles au point de vue d‟autrui, habiles dans l‟ajustement comportemental aux exigences interpersonnelles changeantes et inconnues (McHale, 2007b; Talbot & McHale, 2004). Finalement, les liens entre le sous-système conjugal et coparental ne sont pas simples et directs, mais ils existent. Une des difficultés à établir ces liens se rapporte aux mesures subjectives utilisées, à savoir les auto-évaluations à l‟aide de questionnaires tel que le « Dyadic Adjustment Scale » (Olson, McCubbing, Barnes et al., 1983, cité par McHale, 1997). En effet, les mécanismes de défense et de protection de soi peuvent être source de biais, d‟autant plus que les individus n‟ont pas toujours accès aux processus cognitifs réels qui les animent (Darley & Latané, 2004; Nisbett & Bellows, 1977). Il peut dès lors y avoir une idéalisation du fonctionnement du couple ou d‟un déni des difficultés (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; McHale, 1997). Malgré les problèmes liés aux mesures des autoquestionnaires, des études ont pu mettre en évidence une corrélation entre le fonctionnement coparental et conjugal (McConnell & Kerig, 2002; McHale, 1995). Par ailleurs, plusieurs auteurs relèvent que le comportement observé dans l‟interaction est une mesure de la détresse du couple plus objective que la détresse évaluée par les conjoints eux-mêmes (Elliston et al., 2008; Fincham, 1998; McHale, Berkman, Kavanaugh, Carleton, & Alberts, 2007), soulignant toute la pertinence de recourir à l‟observation des interactions familiales triadiques. Ainsi, en 38 se basant sur les interactions observées, il a été démontré que des niveaux élevés de négativité exprimés pendant une discussion de couple contaminent la relation triadique dans le sens d‟une négativité familiale et d‟un coparentage moins soutenant (Elliston et al., 2008; Kitzmann, 2000). Le conflit conjugal n‟est donc pas en soi responsable des problèmes observés dans le développement de l‟enfant, mais peut se traduire en une relation coparentale dysfonctionnelle, cette dernière étant liée à l‟ajustement de l‟enfant. McHale et coll. (2002) pensent que la conflictualité dans le couple conjugal se traduit souvent en une conflictualité coparentale. Par conséquent, le coparentage semble être l‟élément médiateur du lien entre la relation conjugale et le parentage (Margolin, 2001), l‟observation des interactions familiales triadiques étant la voie privilégiée pour constater l‟effet médiateur du coparentage (McHale, 2007b; McHale & Rasmussen, 1998). En résumé, les registres conjugal et coparental sont définis comme étant séparés mais interreliés. En ce sens, le couple conjugal peut avoir un impact néfaste pour l‟enfant lorsqu‟il se traduit par un style coparental hostile, caractérisé par la compétition, la critique et la destructivité entre les partenaires. Il en va de même lorsque le coparentage est de type divergent. Les études montrent que le coparentage est responsable de la médiation entre la qualité de la relation de couple et les compétences socio-émotionnelles de l‟enfant. La nécessité de recourir à l‟observation des interactions familiales s‟en trouve renforcé. Nous allons encore définir la relation parentale (cf. figure 2) dans le contexte des premières semaines consécutives à l‟accouchement. 3.5 Le sous-système parental Nous avons beaucoup insisté sur les relations entre les parents, tant au niveau de la relation conjugale que coparentale. Cependant, chaque parent entretient également une relation privilégiée avec l‟enfant, que nous nommons relation parentale (ou sous-système parental). Les comportements de parentage représentent une composante essentielle de l‟évaluation des interactions familiales triadiques et sont composés de signaux et de gestes adressés au bébé. La relation parentale peut être définie comme étant l‟ensemble des comportements que chaque parent individuellement a envers son enfant. Etant donné le contexte précoce dans lequel l‟observation des interactions familiales triadique s‟ancre, nous avons opté pour le concept de parentage intuitif, développé par Papousek et Papousek (1987). En effet, après 39 trois semaines de vie post-partum, les parents sont encore quelque peu inexpérimentés dans leurs pratiques parentales respectives. Par conséquent, la notion de parentage intuitif nous semble correspondre au mieux aux comportements que nous pouvons observer au cours de la situation d‟observation DCP. L‟argument principal qui appuie cette distinction vient du fait que pour Papousek et Papousek, le parentage intuitif est universel et se serait construit tout au long de l‟évolution de l‟espère humaine. Bien que l‟hypothèse de la construction des comportements parentaux intuitifs tout au long de la phylogenèse et de leur transmission génétique soit source de controverse, l‟universalité de ces comportements dans presque toutes les cultures est reconnue (Dayan, Andro, & Dugnat, 2003; Keller, 2007; Lécuyer et al., 1994). Papousek et Papousek (1989; 2002) parlent de comportements parentaux intuitifs (ou parentage intuitif) pour décrire la panoplie des comportements adaptés aux compétences du nouveau-né. Ceux-ci surviennent de manière non apprise, donc innée, et sont généralement ajustés à l‟état d‟éveil du bébé, aux contacts œil à œil entre le bébé et ses parents, ainsi qu‟aux premières communications. Ces comportements constituent un support indispensable aux apprentissages et permettent une communication parent – bébé (Lécuyer et al., 1994; H. Papousek, 2000; M. Papousek, 2007). Ils visent à gérer le bien-être et l‟attention du nourrisson et vont de paire avec la recherche d‟un contact visuel. Dès la naissance, les parents ont des comportements très réguliers : une distance de 40-50cm du visage du bébé pour attirer son attention, une distance de 20-30cm pour la maintenir. Le bébé quant à lui est sensible aux stimulations de ses parents. De la même manière, les parents produisent des signaux adaptés au bébé : les expressions faciales sont exagérées, les productions verbales sont modulées (« baby-talk »). Plus précisément, les productions verbales sont caractérisées par des contours mélodiques qui sont en soi porteurs de signification et sont adaptés à l‟état de l‟enfant. Les parents, comme tous les adultes face à un nouveau-né, utilisent un contour mélodique montant pour stimuler l‟attention et solliciter une réponse du bébé. Ils utilisent un contour en cloche pour maintenir l‟attention et, finalement, utilisent un contour descendant pour calmer un bébé agité (H. Papousek & Papousek, 1991; M. Papousek, Papousek, & Symmes, 1991). Ces comportements permettent donc de susciter l‟attention du bébé, mais également de la maintenir, et permettent également de l‟aider dans la régulation de ses états émotionnels et physiologiques. Ils peuvent alors être compris comme des « signaux de disponibilité à interagir » (Stern, 1981, cité par Fivaz-Depeursinge, 1999). 40 En définitif, les parents doivent s‟ajuster à leur enfant afin de favoriser et de maintenir un contexte d‟échange communicatif. Autrement dit, si le nouveau-né est alerte, reposé, non stressé et si les réponses des parents sont adéquates, des comportements volontaires apparaissent et sont spécifiquement adaptés pour exciter et se moduler aux expressions autonomes d‟intérêt et d‟émotions des parents (Trevarthen & Aitken, 2003). Les parents sentent qu‟ils parlent avec un être humain. Nous comprenons donc que la communication est l‟effet de feed-backs entre le bébé (en tenant compte de ses états et de ses compétences) et ses parents (avec leurs comportements intuitifs). En ce sens, lorsque les parents offrent un partage d‟affects chaleureux et positifs grâce au parentage intuitif, ils permettent à l‟enfant de trouver des repères pour évaluer le monde extérieur et communiquer de manière acceptable (H. Papousek & Papousek, 1987; M. Papousek, 2007), bien que cela ne soit pas chose aisée de le voir à 3 semaines de vie post-partum. Cependant, nous pensons que c‟est l‟entraînement à la communication dans un contexte non seulement dyadique mais également triadique qui permet progressivement au nouveau-né d‟acquérir la possibilité de trouver ses points de repère et de communiquer de manière adéquate avec ses parents. C‟est pourquoi il est essentiel de tenir compte de ces comportements parentaux dans l‟évaluation des compétences communicationnelles triadiques. 3.6 Synthèse Les observations issues de la situation d‟observation DCP ont lieu à trois semaines postpartum et, de ce fait, nous nous situons au cœur de la transition à la parentalité. Il s‟agit d‟une période critique où les parents sont confrontés à l‟enfant réel (et plus à l‟enfant rêvé ou imaginé). Les réaménagements, dont certains ont été amorcés pendant la période prénatale, font donc partie intégrante de la réalité des familles. Elles sont « fraîchement » passées de la dyade à la triade et doivent gérer le stress lié à la venue de l‟enfant tout en s‟adaptant à leurs nouveaux rôles et responsabilités. De nouvelles relations apparaissent, à savoir les relations parentale et coparentale, qui viennent se greffer à la relation conjugale existant déjà avant la grossesse de l‟enfant. L‟ensemble des sous-systèmes composant le système familial exercent une influence réciproque les uns sur les autres. Par ailleurs, les parents, qui ont une position hiérarchique supérieure au sein de ce système, doivent être coordonnés entre eux et fournir un cadre adapté et prédictible nécessaire au bon développement de l‟enfant. 41 Ainsi, l‟avantage résultant du fait d‟appréhender les familles sous l‟aspect de la triade est que nous pouvons avoir une vision holistique du fonctionnement familial en incluant tous les membres. Dans ce contexte, les familles en souffrance peuvent être mieux étudiées et détectées. Par exemple, lorsqu‟un des parents ou les deux vivent une dépression postnatale, ce qui est un des troubles majeurs du début de la période postnatale, ou que la mère connaisse des réactions de stress aigus consécutifs à un accouchement traumatique, qui est un trouble moins fréquent et moins connus mais qui est source de préoccupations grandissantes aux yeux des professionnels de la périnatalité, il est possible de mieux cerner les répercussions et influences que ces troubles peuvent avoir sur les différents sous-systèmes et sur l‟établissement des liens familiaux. Nous savons en effet que ces troubles de la période postnatale peuvent être liés à des conflits conjugaux, qui à leur tour peuvent avoir des répercussions sur le couple coparental (ou non suivant les ressources des conjoints) et sur le développement de l‟enfant. Ainsi, une approche globale, telle que nous l‟avons définie dans ce chapitre, en tenant compte des divers sous-systèmes et de leurs influences réciproques, permet d‟obtenir une vision plus proche de la réalité du quotidien familial et d‟offrir, le cas échéant, une aide mieux adaptée en tenant compte des ressources et faiblesses des différents sous-systèmes familiaux. Tout au long de ce chapitre, nous nous sommes principalement centrés sur les sous-systèmes concernant les parents et avons effleuré le fonctionnement du nouveau-né et ses influences sur le système encadrant (les parents). Nous allons dès lors définir les compétences du nouveauné, en mettant l‟accent sur son registre comportemental, afin de mieux cerner dans quelle mesure il peut exercer une influence sur ses parents et être considéré comme agent à part entière de la communication familiale. Le prochain chapitre sera donc consacré à décrire l‟ensemble des compétences propres au bébé qui peuvent être vues lors de la situation d‟observation DCP et qui interviennent dans l‟évaluation du fonctionnement familial triadique. 42 Chapitre IV : Les compétences du nouveau-né Etudier le système familial triadique nécessite une connaissance et définition des compétences du bébé âgé de 3 semaines de vie post-partum. Cependant, il s‟agit d‟un réel défi, à la fois sur le plan conceptuel et méthodologique, de réussir à établir des connaissances précises et objectives sur les compétences du nourrisson à cet âge. Le nouveau-né vient-il effectivement au monde avec un équipement qui lui permette de communiquer, d‟interagir avec son entourage ? Son cerveau est immature, ses capacités cognitives limitées et son corps fragile. Pendant longtemps, le nourrisson a été considéré comme un « tube digestif », un être réflexe, sans aucune compétence, dénué de sentiments, de sensations (Manzano, 1996). Il viendrait au monde avec un esprit « vide » et ne disposerait pas de l‟équipement lui permettant d‟interagir et de ressentir des émotions (James, 1981, cité par Nagy, 2008). Aujourd‟hui, la recherche démontre le contraire. En effet, le nouveau-né possède un répertoire de compétences qui lui permet d‟être ouvert au monde et d‟interagir. Au cours de ces dernières décennies, les progrès réalisés dans ce champ ont permis de mettre en évidence, notamment grâce aux apports de la neurophysiologie, un ensemble de compétences qui légitiment pleinement le fait de penser que le nourrisson vienne au monde avec la possibilité d‟interagir avec son environnement immédiat. Il dispose donc, dès la naissance, d‟un équipement biologique qu‟il développera sans cesse tout au long de sa croissance (Fiamenghi, 2007; Lécuyer et al., 1994; Trevarthen & Aitken, 2003). Il naît avec des compétences pour solliciter son environnement et y percevoir les signaux qui sont pertinents. Il peut donc interagir avec les adultes et s‟engager dans des échanges communicationnels précoces (Flom & Pick, 2005; Gibson & Pick, 2000). Ainsi, il exerce une influence sur ses parents en leur adressant des signaux pour qu‟ils puissent s‟ajuster en retour et répondre à ses besoins. Nous verrons au cours de ce chapitre que la possibilité pour le bébé d‟adresser des signaux à ses parents, ainsi que la qualité de ceux-ci, dépendent tout deux de ses compétences, tant sur le plan physique que cognitif, émotionnel et social. Par ailleurs, les théories développementales le considèrent aujourd‟hui comme actif, possédant des compétences très riches dès la naissance (Mares, Newman, Warren, & Cornish, 2005; Nagy, 2006, 2008; H. Papousek, 1996) et même in utero. Certains auteurs vont jusqu‟à le considérer comme acteur dans le processus de communication, avec des intentions pour interagir avec ses congénères 43 (Brazelton, Koslowsky, & Main, 1974; Bruner, 1995; Tirassa & Bosco, 2008; Tirassa, Bosco, & Colle, 2006; Trevarthen & Aitken, 2003). Le bébé, grâce à ses compétences, exerce une influence au niveau de la communication familiale et joue un rôle indéniable dans les interactions familiales triadiques. Un exemple emprunté à la clinique permet d‟illustrer ce propos. Les bébés « difficiles » comme décrits par Thomas et Chess (1977) sont des enfants qui expriment beaucoup d‟affects négatifs. Ils présentent une tendance au retrait, à l‟inadaptation, à des réactions intenses et à une humeur négative. Ces bébés peuvent venir à bout des compétences parentales et susciter un sentiment d‟échec s‟accompagnant souvent d‟un sentiment d‟impuissance et de culpabilité (Hsu & Sung, 2008; Kurth, Kennedy, Spichiger, Hösli, & Zemp Stutz, in press; H. Papousek & Papousek, 1992a, 1992b, 2002). Le système familial se trouve ainsi mis dans une situation délicate, comprenant des risques pour le développement futur de l‟enfant, ainsi que pour le fonctionnement familial. De même, si un des parents présente une psychopathologie, cela va affecter le développement tant émotionnel que cognitif du très jeune enfant (Laught, Esser, & Schmidt, 1994; Mäntyamaa, Puura, Luoma, Salmelin, & Tamminen, 2004; Sutter-Dallay, 2007). Nous comprenons donc que les capacités du bébé et les relations familiales sont interconnectés et s‟influencent réciproquement. En d‟autres termes, les sous-systèmes encadrant et encadré interagissent dans le but de maintenir un équilibre familial (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001). Il est à préciser que nous ne prétendons pas que le nouveau-né ait une intention consciente de maintenir cet équilibre, mais plutôt qu‟il prend une part active, dans la limite de ses possibilités, aux interactions familiales triadiques, donc qu‟il devient un partenaire actif de la relation (Nagy, 2008; Rochat, 1999). En ce sens, le bébé participe à la construction des échanges relationnels et au sentiment d‟unité familiale. De même, le développement de ses compétences est façonné et influencé par le contexte social dans lequel il grandit. Les compétences que nous allons décrire dans ce chapitre ont permis d‟adapter le système de codage à la situation d‟observation DCP en fonction du niveau développemental du bébé. Nous tenons à préciser cependant que le développement du bébé présente de grandes variabilités interindividuelles, et que ses capacités évoluent rapidement. Par conséquent, les paragraphes qui suivent servent d‟indication sur les compétences du nouveau-né et sur ce qu‟on peut attendre de lui dans la situation DCP. Par ailleurs, en raison du vide théorique concernant l‟état des connaissances sur les compétences réelles du nouveau-né de trois semaines, certains liens se feront à partir de constats faits pour des bébés plus jeunes ou plus âgés. Du fait que les compétences exposées tout au long de ce chapitre reposent en partie sur 44 des postulats, la prudence est de rigueur, d‟autant plus que le répertoire comportemental évolue rapidement et de manière non linéaire dès le début de la vie postnatale et que les méthodes pour étudier le développement à un âge aussi précoce ne sont pas encore toujours adaptées (Aslin & Fiser, 2005; Doan, 2009; Siegler, 2002; Streri, 1999). Il est à noter également que le découpage théorique sur les capacités du nouveau-né est arbitraire. En effet, la perception, la cognition et les émotions interviennent simultanément et s‟influencent réciproquement. De même, dans une interaction parents – bébé, la plurimodalité des stimulations est nécessaire pour permettre à l‟enfant d‟interagir avec son environnement. L‟argument de l‟intégration intersensorielle va dans ce sens. Elle a été mise en lumière chez le nouveau-né et repose sur l‟idée qu‟une information traitée par une modalité sensorielle peut être influencée par d‟autres modalités (Gentaz & Mazens, 2006; Goldstein, 2009; Soussignan, 2003; B. E. Stein & Meredith, 1993). Par exemple, la vision implique un traitement visuel, mais aussi auditif et moteur. Par ailleurs, les états du nourrisson ont une grande influence sur ses comportements. Les bases théoriques seront donc exposées selon cette perspective. Ainsi, les divers éléments théoriques ne doivent pas être considérés isolément, mais doivent être compris dans une vision holistique lors de l‟observation comportementale du nouveau-né au DCP. 4.1 Les compétences sensorielles et perceptives Les systèmes sensoriels sont les moyens que possède l‟organisme pour prendre connaissance de son environnement et assurent les premiers échanges physiques et sociaux. Les systèmes sensoriels du nourrisson peuvent capter des informations, les traiter et les mémoriser et ce, dès la période fœtale. Les sens du bébé constituent non seulement un moyen d‟accéder au monde physique, mais permettent également les premières interactions sociales (T. Grossmann, Johnson, Farroni, & Csibra, 2007; Slater, 2002; Streri, 1999; Winkler et al., 2003), bien qu‟en raison de son immaturité, ses moyens d‟interagir ne sont pas parfaits et doivent suivre un processus maturationnel. Dans le cadre de la situation d‟observation DCP, les sens tels que la vision, l‟audition permettent au bébé d‟avoir une présence au monde et de prendre part à la situation qui se déroule avec ses deux parents. Les modalités tactiles, olfactives, auditives et visuelles constituent des modes sensoriels par lesquels les objets sont perçus comme des entités 45 structurées et organisées. En ce sens, dans une interaction dyadique ou triadique, la posture, la distance, l‟orientation, le dialogue (verbal) sont des paramètres essentiels à prendre en considération (Frascarolo, Favez, & Besse, 2005), en raison de leurs liens étroits avec les compétences perceptives et sensorielles du nouveau-né. Afin d‟objectiver les comportements auxquels nous pouvons nous attendre lors de l‟observation du nouveau-né au DCP, nous allons développer le niveau de maturation des sens suivants : la vision ainsi que la perception des visages, l‟audition, le toucher (sous son aspect proprioceptif) et l‟olfaction. 4.1.1 La vision Le système visuel fonctionne déjà avant la naissance, mais il n‟est pas totalement mature au tout début de la vie postnatale, la myélinisation des circuits neuronaux n‟étant pas terminée. Chez le nouveau-né, la zone de l‟espace à l‟intérieur de laquelle il peut détecter une information lumineuse se réduit à une ellipse dont l‟axe horizontal est de 60° et l‟axe vertical de 20°. La taille du champ reste inchangée pendant les deux premiers mois de vie, puis s‟accroît rapidement pour approcher celle de l‟adulte, vers la fin de la première année (Fiorentini, 1992; Jeanrot & Jeanrot, 2003). Plusieurs systèmes moteurs sont mobilisés pour répondre à une stimulation visuelle et influencent la qualité de l‟information. Nous retiendrons ici : - L‟accommodation et la convergence binoculaire : avant quatre semaines de vie postpartum, nous n‟observons pas d‟adaptation de la courbure du cristallin à la distance de la cible et le nourrisson n‟a donc pas une image nette de l‟objet. Néanmoins, l‟accommodation est suffisamment précise à un mois pour que la résolution visuelle soit constante sur une large échelle de distances (Horwood, 2003; Lécuyer et al., 1994; Rigaudière, Delouvrier, & Le Gargasson, 2009). Cette accommodation atteint sa valeur maximale vers trois mois. Cette capacité dépendrait plus d‟une amélioration du traitement de l‟information visuelle que du développement moteur. La convergence binoculaire quant à elle permet la fusion des deux images reçues par les rétines, ce qui permet de redonner son unicité à la stimulation visuelle, ainsi que de restituer la profondeur (manquante sur l‟image rétinienne). Cette capacité à faire converger les deux yeux sur une cible est atteinte vers un mois. 46 - Le mouvement des yeux : dès les premières 48 heures le bébé réalise des formes de poursuite visuelle d‟une cible déplacée sur un axe horizontal ou vertical (Alsin, 1987; Ricci, Cesarini et al., 2008; Ricci, Romeo et al., 2008) D‟une manière générale, si la cible est soigneusement choisie (par exemple, le visage de la mère) ainsi que sa vitesse de déplacement, toute stimulation entraîne une poursuite visuelle pratiquement dès la naissance. La poursuite oculaire implique parfois le mouvement de la tête. Le réflexe vestibulo-oculaire, qui est présent dès la naissance, permet au nourrisson de maintenir le regard dans une direction précise malgré les mouvements de la tête compensés par ce réflexe. Le bébé est donc capable, dès la naissance de s‟orienter vers un stimulus, qu‟il soit auditif ou visuel (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004; Sai, 2005; Slater, 2002). Par ailleurs, son système visuel lui permet de voir à une distance de 30cm (Lécuyer et al., 1994; Ricci, Cesarini et al., 2008). En définitif, le monde visuel du bébé semble déjà structuré à la naissance puisqu‟il est capable d‟avoir des mouvements d‟orientation, ainsi que des comportements de fixation, comportements qui ne peuvent être imputables au hasard. Dans le cadre de la situation d‟observation DCP, ses compétences visuelles lui permettront d‟interagir avec ses deux parents, pour autant que ceux-ci se trouvent à une distance appropriée et que leurs stimulations soient ajustées à leur enfant. 4.1.2 La perception des visages Les travaux en neurosciences se sont intéressés à la perception des visages, comme porteurs d‟expressions émotionnelles dans les interactions. Ces travaux montrent la précocité de la préférence du bébé pour les visages humains et, plus généralement, la réponse d‟orientation vers le congénère constitue la première phase de socialisation du jeune enfant (Ricard et al., 1999). Le nouveau-né arrive à distinguer le visage de sa mère par rapport à une femme inconnue, déjà vers 2-3 jours et suit davantage le déplacement d‟un visage que celui d‟un non-visage (T. Field, Cohen, Garcia, & Greenberg, 1984; Johnson, 1990; Pascalis & Kelly, 2009; Turati, Bulf, & Simion, 2008; Turati, Macchi Cassia, Simion, & Leo, 2006). Le bébé est donc sensible au visage humain dès la naissance (Bushnell, 2001; Fantz, 1963; Goren, Sarty, & Wu, 1975; Johnson, 2005; Lagercrantz & Changeux, 2009) et reconnaît très vite après la naissance le visage de sa mère. Brazelton, (1992, cité par Le Camus, 2002) a pu mettre en évidence que le bébé était capable de reconnaître son père déjà au 2-3ème mois de 47 vie postnatale. Cependant, à notre connaissance, il n‟existe pas de recherche à ce jour qui ait cherché à mettre en évidence la recognition du visage du père chez les nourrissons âgés de trois semaines (et plus jeunes). Nous postulons alors que cette capacité s‟exprime également pour ce dernier. Meltzoff et Moore (1997; 1977; 1983) ont observé, chez des bébés âgés de trente-deux heures ainsi que chez des bébés âgés de douze à vingt-et-un jours, la capacité d‟imitation des expressions faciales, tel que l‟ouverture de la bouche ou la protrusion de la langue. Ce constat met en lumière une capacité perceptivo-motrice élaborée, ainsi qu‟une capacité de représentation du fait que le nourrisson doive sélectionner parmi les différentes possibilités d‟expression celle qui correspond au modèle. Cependant, la capacité à interpréter une réaction émotionnelle se développe bien plus tard, au début de la deuxième année (G. Kim & Walden, 2006; Klinnert, 1984; Sorce, Emde, Campos, & Klinnert, 1985; Walden & Kim, 2005). La possibilité d‟imiter des expressions nous semble donc être une compétence favorisant les échanges parents – bébé. Nous reviendrons sur ce point au cours de ce chapitre, lorsque nous aborderons la notion d‟intersubjectivité développée par Trevarthen. Notons également, qu‟à partir de deux mois, le nourrisson préfère regarder un stimulus visuel couplé avec une émission vocale plutôt que le même stimulus couplé avec un autre type de son (DeCasper & Prescott, 2009; Sullivan & Horowitz, 1983; Vouloumanos & Werker, 2004). Nous comprenons donc la nécessité pour le(s) parent(s) d‟utiliser ces deux canaux pour communiquer avec le nourrisson. Nous postulons que dès la naissance, l‟utilisation de plusieurs canaux de communication favorise un meilleur échange avec le nouveau-né. Une récente étude menée par Sai (2005) a pu mettre en évidence que les nouveau-nés sont en mesure de reconnaître le visage de leur mère seulement s‟ils ont pu être exposés au début de la vie postnatale à leur visage couplé à la voix. Dans le cas contraire, cette reconnaissance faciale est retardée. Elle conclut que l‟exposition du nouveau-né à la fois à la voix et au visage attire davantage son attention que lorsqu‟il est exposé au visage seul. De même, le couplage voix – visage permet de déclencher des réponses d‟orientation chez le bébé (Sai, 2005). Ce constat soutient l‟idée que dès la naissance, le nouveau-né est sensible à la pluralité des stimulations qui lui sont adressées, ce qui favoriserait en retour sa participation aux interactions (Trevarthen & Aitken, 2003). 48 4.1.3 L‟audition Le système auditif est fonctionnel bien avant la naissance de l‟enfant. Dès le début de la vie postnatale, les sons ne traversent plus un espace liquide, mais aérien, ce qui complexifie l‟identification sonore. Pourtant, dès les premières heures de vie, le nourrisson est capable de s‟orienter vers une source sonore, en tournant la tête vers la source de la stimulation (Sai, 2005; Streri, 1999). Cette stimulation peut aussi bien être un son émis par un hochet que la voix humaine. Cependant, la durée de la stimulation doit être conséquente pour déclencher une réponse d‟orientation. Nous devons toutefois noter que, rapidement après la naissance, le nouveau-né montre une préférence pour la voix de sa mère par rapport à la voix d‟une autre femme (DeCasper & Fifer, 1987; DeCasper & Prescott, 2009). Il est actuellement reconnu que l‟identification précoce de la voix maternelle est liée à l‟expérience intra-utérine du fœtus (DeCasper & Prescott, 2009; Spence & Freeman, 1996). Par contre, bien qu‟il soit en mesure de discriminer la voix de deux hommes, il ne manifeste pas de préférence pour la voix du père, malgré une exposition répétée à cette dernière (DeCasper & Prescott, 1984). Néanmoins, nous savons également que le nouveau-né peut discriminer la voix d‟un homme de celle d‟une femme et que la transition entre une voix féminine et masculine génère des modifications comportementales (Floccia, Nazzi, & Bertoncini, 2000). Les capacités auditives du bébé le rendent dès lors sensible à la voix de ses parents. Dans la situation d‟observation DCP, une parole émise par le parent, si elle dure assez longtemps, permettra au bébé d‟orienter sa tête vers le parent qui émet une vocalisation, ce qui favorisera l‟interaction. Cependant, s‟il est sur-stimulé, par exemple lorsque les deux parents s‟adressent au bébé en même temps, il ne pourra vraisemblablement pas s‟orienter d‟un côté ou de l‟autre, ce qui peut susciter un état d‟inconfort, voire un désengagement dans l‟interaction en cours. De même, s‟il est sous-stimulé (peu de paroles lui sont adressées, la variabilité des sons émis est insuffisante), il pourra se désintéresser et passer d‟un état de vigilance à un état de somnolence (DeCasper & Fifer, 1987; Lester & Tronick, 2004; Lester, Tronick, & Brazelton, 2004; Prechtl, 1974), voire s‟endormir. A l‟inverse, si le bébé est dans un état de sommeil, il est possible qu‟une stimulation sonore et/ou visuelle et/ou tactile ne suffise pas à l‟aider à atteindre un état de vigilance nécessaire à l‟interaction, ce qui signifierait que le bébé est capable de maintenir son état et qu‟il n‟est pas disposé à interagir. 49 4.1.4 Le toucher Dès les premières minutes de vie, nous observons fréquemment une exploration tactile du corps de l‟enfant par la mère. Ajuriaguerra (1970) parle de « dialogue tonique » permettant des ajustements corporels interactifs entre l‟enfant et la mère et les contacts peau à peau constituent une modalité interactive souvent intimement liée à ce dialogue tonique. Le toucher représente donc un mode privilégié de communication. Le nouveau-né manifeste une grande sensibilité au toucher et l'effet apaisant de son maintien dans les bras d'un adulte est bien connu (Kail & Cavanaugh, 2010). L'effet du toucher sur le nourrisson peut se présenter de deux manières. Le premier effet conventionnel est de l'apaiser. Par ailleurs, une stimulation tactile rythmée peut, si elle est assez rapide (de cinq à six par seconde), l'amener à un état d'éveil actif. Inversement, lorsque l'enfant est irritable, une stimulation tactile rythmée plus lente (trois par seconde) peut avoir sur lui un effet consolateur (Jeliu, 1983). Le toucher facilite donc l‟auto-régulation du nourrisson et l‟aide à se calmer, notamment en situation de stress (Braarud & Stormark, 2006; White-Traut, Schwertz, McFarlin, & Kogan, 2009). Le toucher permet finalement de créer un contact entre le(s) parent(s) et le nourrisson (Ferber, 2004; Hertenstein, Verkamp, Kerestes, & Holmes, 2006; Pelaez-Nogueras et al., 1996). A la naissance, le nouveau-né est par ailleurs capable de ressentir le chaud et le froid. Il est également sensible à la douleur (Delavati & Bergamasco, 1999; Urso, 2007; Weissman, Aranovitch, Blazer, & Zimmer, 2009). Ces données d‟ordre physiologique indiquent que le bébé ressent les choses au niveau de sa peau, ce qui rend le toucher d‟autant plus important dans les interactions parents – nourrisson. 4.1.5 L‟olfaction L‟olfaction est un des moyens qui permet à l‟enfant de faire l‟apprentissage des caractères de la personne qui prend soin de lui. Cette capacité perceptive lui permet en partie de créer des relations privilégiées avec ses parents, donc de savoir reconnaître les personnes familières des autres. Ainsi, l‟odorat joue un rôle considérable dans les interactions mère – enfant (De Broca, 2002; Schaal, 1983) et, d‟une manière générale dans les interactions sociales (Winberg & Porter, 1998). Les expériences menées par Macfarlane (1975) ont démontré que le nourrisson, dès la naissance, est sensible aux odeurs corporelles de sa mère et qu‟il est capable de la discriminer de celle d‟une autre personne (Soussignan, 2003). Concrètement, 50 ces expériences consistent à placer un tampon de chaque côté de la tête du bébé, l‟un contenant les odeurs de la mère et l‟autre celles d‟une autre femme. La majorité des nourrissons orientent leur nez du côté de l‟odeur maternelle, que celle-ci provienne du cou, du sein ou du liquide amniotique (Marlier & Schaal, 2005; Schaal, 1986; Schaal, Marlier, & Soussignan, 1995; Schaal, Marlier, Soussignan, & Jiang, 1996). Cependant, le bébé préfère l‟odeur du liquide amniotique à celle d‟un stimulus neutre seulement entre le deuxième et le quatrième jour de vie post-partum, tandis qu‟à partir du quatrième jour, il préférerait l‟odeur du lait maternel à celle du liquide amniotique. Il semblerait donc que les stimulations prénatales influencent les préférences olfactives du nourrisson, mais celles-ci sont également plastique afin de maximiser l‟adaptation à l‟environnement et à ses contraintes (Marlier & Schaal, 2005; Streri, 1999). Les récents travaux sur la précocité des compétences sensorimotrices suggèrent que le nouveau-né, voire le fœtus, soit capable de traitements sélectifs et de réponses différenciées ou flexibles, adaptées au contexte de la stimulation et de l‟offre environnementale (Schaal et al., 2009; Soussignan & Schaal, 2001). Cette plasticité permet ainsi au bébé de s‟adapter pour les nouveaux apprentissages et dans ce contexte, les capacités olfactives aideraient le bébé à s‟adapter à sa vie postnatale (Porter & Rieser, 2005; Winberg & Porter, 1998). Concerant l‟odorat, la question se pose de savoir de quelle manière le bébé peut-il sentir des odeurs dans le ventre de la mère, alors qu‟il est baigné dans un liquide ? La biologie moléculaire a permis de mieux comprendre le développement du sens olfactif pendant la période prénatale, apportant ainsi une réponse à cette question. De nombreux travaux ont pu mettre en évidence le fait que les récepteurs olfactifs du foetus sont suffisamment matures au cours du troisième trimestre pour permettre la détection d‟un stimulus chimique (Browne, 2008; Schaal, Hummel, & Soussignan, 2004; Winberg & Porter, 1998). Les neurorécepteurs olfactifs et les formations cérébrales de traitement de l‟information olfactive (bulbe olfactif, cortex piriforme, complexe amygdalien) montrent une maturité structurale ainsi qu‟une précocité fonctionnelle déjà entre vingt-quatre et vingt-huit semaines de gestation (Lagercrantz & Changeux, 2009; Soussignan & Schaal, 2001). Ainsi, les substances odorantes se trouvant dans le liquide amniotique sont captées par les récepteurs olfactifs du fœtus. Les odeurs perçues pendant la vie prénatale seraient conservées en mémoire, ce qui expliquerait la réponse discriminante dans les expériences telles que celles menées par Macfarlane. 51 Les odeurs familières, en particulier celles de la mère et certainement celles des autres membres de la famille, peuvent avoir un impact considérable sur la régulation de l‟état d‟alerte du nourrisson dans le sens de l‟apaisement et de l‟aide à l‟auto-régulation (Browne, 2008; Schaal, 1983). Les odeurs familières aident les nouveau-nés à se calmer lorsqu‟ils sont dérangés ou qu‟ils pleurent (Goubet, Strasbaugh, & Chesney, 2007; Rattaz, Goubet, & Bullinger, 2005; Varendi, Christensson, Porter, & Winberg, 1998). Ainsi, les odeurs corporelles des parents peuvent avoir des effets tranquillisants lorsque le bébé est séparé de ses parents pour une période brève ou prolongée. Nous comprenons donc que les odeurs ont un impact sur les interactions parents – enfant, d‟une part car elles permettent une discrimination des personnes et, d‟autre part, du fait qu‟elles peuvent avoir des propriétés calmantes pour le nouveau-né. En ce qui concerne la recognition de l‟odeur du père, aucune étude n‟a pu mettre en évidence une préférence de l‟odeur de ce dernier comparée à celle d‟un autre homme. Néanmoins, nous pensons que la signature olfactive du père soit perçue par le nouveau-né et qu‟il puisse s‟y habituer. Ce dernier est en effet capable de se familiariser à des odeurs environnementales directement après la naissance, d‟en garder une trace en mémoire, voire d‟y manifester une préférence lors d‟une exposition ultérieure (Romantshik, Porter, Tillmann, & Varendi, 2007). Néanmoins, cette capacité serait moins efficace au-delà des deux premières heures de vie postnatale, et une période d‟exposition plus longue semble alors nécessaire pour une familiarisation à l‟odeur en question (Romantshik et al., 2007). Etant donné qu‟au cours du DCP, le nouveau-né est exposé simultanément à l‟odeur de la mère et du père, et malgré la préférence pour l‟odeur maternelle (Lenochova & Havlicek, 2008; Porter & Rieser, 2005), nous pensons qu‟il est également sensible à l‟odeur paternelle et que son exposition prolongée lui permette de progressivement stocker une trace en mémoire de celle-ci. Ainsi, le recours pour le bébé à la modalité sensorielle olfactive peut lui permettre de discriminer les odeurs parentales. En définitif, la détection de l‟odeur du père au cours des premières semaines postpartum peut s‟inscrire dans un processus d‟apprentissage olfactif lui permettant une différentiation du partenaire d‟interaction dans un contexte triadique. Il est donc concevable que cette modalité sensorielle (combinée aux autres modalités) ait un impact sur les interactions familiales observées au cours du DCP. 52 4.2 Les compétences motrices et vestibulaires La motricité conçue comme réponse de l‟organisme aux stimulations de l‟environnement relève des activités sensori-motrices dont les caractéristiques et le fonctionnement sont définis par le niveau d‟intégration biologique qui les sous-tend. La motricité est ainsi un mode d‟interaction manifeste du nouveau-né avec son environnement. La motricité prénatale et néonatale est loin d‟être inorganisée et le répertoire disponible au début de la vie autorise, dans des contextes d‟attention vigile et de soutien postural adapté, la production d‟actions motrices dirigées. Cioni, Ferrari et Prechtl (1989) ont observé des nouveau-nés depuis leur premier jour de vie jusqu‟au quatrième jour. Ils ont pu mettre en évidence une grande variabilité intra et interindividuelle dans les choix de postures préférentielles (Einspieler & Prechtl, 2005). Ce constat de variabilité des postures a également été fait dans une étude menée auprès de bébés prématurés, suivis de la vingt-huitième semaine à la quarante-deuxième semaine d‟âge gestationnel (Prechtl, Fargel, Weinman, & Bakker, 1979). Des études ultérieures ont confirmé la variabilité des postures adoptées par le nouveau-né (Ferrari et al., 2001; Konishi et al., 1994; van Oostenbrugge & Vles, 1995). Par ailleurs, aucune posture spécifique à un état d‟éveil n‟a été mise en évidence. Une posture qui peut nous sembler étrange n‟est donc pas forcément le signe d‟une atteinte d‟ordre neurologique. Les rythmies (mouvements répétitifs et stéréotypés) ont une fonction d‟interaction entre le bébé et les adultes. En effet, des mouvements comme l‟ouverture et la fermeture de la main, l‟extension et la flexion du bras ou de la jambe sont observables dès la première semaine de vie du nourrisson (Adolph & Berger, 2006). L‟occurrence de ces mouvements ne serait pas due au hasard, comme le suggèrent certains auteurs, mais répondrait à un rythme intrinsèque et pourrait avoir une fonction sociale interactive d‟inhibition ou de déclenchement des comportements des adultes (Bacher & Robertson, 2001; Del Giudice, Manera, & Keysers, 2009; Huntington, 2001; S. Robertson, 1982, 1993). En ce qui concerne les actes moteurs, des recherches ont montré l‟existence de conduites intentionnelles du nouveau-né (Adolph & Berger, 2006; Piek, 2006). Par exemple, Butterworth (1986) a filmé le mouvement des bras de nourrissons qui avaient septante-deux heures de vie et a analysé la position de la tête, des mains et de la bouche. Il a constaté que 53 15% des mouvements du bras en direction de la bouche n‟étaient pas dus au hasard, ni le résultat d‟un tâtonnement. Il en conclut que ces mouvements ne sont pas le résultat d‟un réflexe. En ce sens, l‟ouverture préalable de la bouche est le signe d‟une coordination main – bouche qui serait selon lui intentionnelle (G. Butterworth, 2000). Pour produire un geste efficace, certaines conditions préalables de tonus et de posture doivent être remplies. Le tonus musculaire se réfère à la légère tension constante des muscles sains qui contribue à une légère résistance lors du déplacement d‟un membre (Amiel-Tisson & Gosselin, 2009; Lester & Tronick, 2004; Lester, Tronick, & Brazelton, 2004). Le tonus peut être actif et peut être observé lors d‟une activité motrice spontanée, incluant les efforts pour se tenir droit. Le tonus peut également être passif et est observé lors de manipulation du bébé (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004; Sher, 2008). Les tonus actif et passif peuvent être influencés par l‟état du nouveau-né, son niveau de vigilance, sa position (sur le dos, le ventre, porté) ou des effets des réflexes posturaux. Ces deux aspects du tonus doivent être considérés lors de l‟observation des interactions familiales triadique, car le bébé est manipulé lors des soins et peut également montrer une activité motrice spontanée tout au long de la tâche. Nous nous attendons donc à ce que le bébé puisse bouger les bras et les jambes, mais également qu‟il puisse orienter sa tête, malgré le fait que les muscles du cou sont encore relativement faibles. En effet, le maintien de la tête érigée se fait vers deux ou trois mois (Amiel-Tisson & Gosselin, 2009; Lécuyer et al., 1994). Cependant, lorsque le bébé est par exemple couché sur le ventre, il est capable de tourner automatiquement la tête sur le côté (Lester & Tronick, 2004). A la naissance, le tonus musculaire est déjà suffisant pour permettre au bébé de déplacer sa tête latéralement. Par ailleurs, lors d‟un examen neurologique à trois jours post-partum, le bébé qui est dans un état approprié, c‟est-à-dire dans un état d‟éveil, est capable d‟orienter sa tête vers un stimulus visuel et/ou auditif. Si le bébé de trois semaines a la nuque maintenue et qu‟un dialogue affectif s‟installe dans le but de le mettre dans un état de « motricité libérée », nous pouvons observer une inhibition des mouvements désordonnés et l‟émergence d‟un comportement organisé et intentionnel, comportement habituellement obtenu plus tard (Adolph & Berger, 2006; Grenier, 1980, 1981; Mellier & Bullinger, 1999). Dès lors, nous pouvons nous attendre à ce qu‟un nourrisson de trois semaines puisse orienter sa tête. Cependant, la posture et le niveau de vigilance semblent jouer un rôle dans l‟orientation vers un stimulus. Afin de permettre au bébé de réaliser ce type de mouvements lors du DCP, il est installé sur une couchette, inclinée à 10-15° avec les 54 épaules légèrement tenues sur les côtés (ce qui devrait lui permettre d‟orienter la tête sans impliquer le corps entier). L‟inclinaison de la couchette devrait favoriser un accès large à l‟environnement immédiat (il s‟agit dans notre étude des deux parents), tout en favorisant un état de vigilance accru. En raison du développement, propre à chaque bébé, du tonus et des postures, il est nécessaire de s‟assurer au préalable de l‟intégrité fonctionnelle de chaque bébé en évaluant ses capacités toniques et posturales, par exemple à l‟aide d‟un examen neurologique ou neuro-comportemental tel que le NICU Network Neurobehavioral Scale (NNNS5). Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que la maîtrise de la position assise permettait d‟améliorer l‟efficacité de l‟action du bébé, comme la préhension d‟un objet (Adolph & Berger, 2006; Lécuyer et al., 1994; Rochat, 1992; Spencer, Vereijken, Diedrich, & Thelen, 2000; von Hofsten, 1982, 2003). Or le bébé de trois semaines n‟est pas encore capable de maîtriser cette posture, ni la coordination préhension – vision et, par conséquent, ses actes moteurs ne sont pas précis. Toutefois, une inclinaison suffisante permet d‟optimiser son attention visuelle ainsi que ses actes moteurs. Ainsi, plus le nourrisson est incliné, plus il est enclin à interagir avec l‟environnement. Il est bien évident que pour la situation d‟observation DCP, il n‟est pas possible d‟asseoir le nourrisson (en raison de la tâche demandée aux parents dans les deux premières parties), mais nous postulerons qu‟une inclinaison de 10-15° devrait au moins avoir l‟effet de susciter un état d‟éveil propice à l‟interaction. 4.3 Les compétences cognitives Nous avons vu précédemment que le nouveau-né était capable de mouvements d‟orientation et d‟avoir des comportements de fixation, ce qui implique une certaine attention visuelle chez le bébé, ainsi qu‟un niveau de vigilance qu‟il s‟agit maintenant d‟exposer. 4.3.1 L‟attention visuelle ou la réponse d‟orientation Selon Bornstein (1985; 1990), la direction du regard constitue un signal de l‟affectation de l‟attention dans le champ visuel. Lorsque l‟on présente continuellement une information visuelle au bébé, celui-ci s‟y habitue et les fixations du regard dans la direction de 5 Cet outil sera présenté dans le chapitre consacré à la méthode. 55 l‟information présentée diminuent en quantité. Par contre, la présentation d‟informations visuelles nouvelles suscite un regain d‟attention, une remobilisation attentionnelle s‟exprimant par une augmentation de la durée de fixation (de Schonen, 2009; Gentaz & Mazens, 2006). Bien qu‟il n‟existe pas d‟études sur les compétences attentionnelles du nourrisson âgé de trois semaines, les manifestations d‟orientation, de fixation, voire d‟habituation peuvent être comprises comme étant le signe de ces compétences. Par ailleurs, pour reprendre les théories cognitivistes de l‟attention, le niveau attentionnel est dépendant du niveau de vigilance ou d‟éveil du bébé (Camus, 1996; Hamon, 1998). De même, le tonus musculaire est également dépendant du niveau de vigilance, notion qui fait référence à celle de l‟état. C‟est pourquoi il nous semble important de définir cette dernière de manière plus approfondie. 4.3.2 La notion d‟état Cette notion a été introduite par Prechtl et Beintema (1964, cité par Lester & Tronick, 2004) pour décrire des régimes de fonctionnement de l‟organisme. Chacun des états se caractérise par un état tonique et une sensibilité aux signaux extérieurs. Du fait que les réactions du nouveau-né sont liées à son état, il est essentiel d‟observer attentivement l‟état dans lequel il se trouve tout au long de la situation d‟observation DCP. Pour être considérée comme état, la configuration des caractéristiques comportementales et physiologiques doivent durer au moins quinze secondes (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004). Les états qui ont été décrits par Prechtl, Vlach, Lenard et Grant (1967) et affinés par l‟équipe du « Neonatal Intensive Care Unit » (NICU) (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004) sont regroupés en deux catégories, les états de sommeil et les états de vigilance. Les états de sommeil peuvent être décrits comme suit: 1. Etat 1 : Le bébé dort avec une respiration régulière, les yeux fermés. Il n‟y a pas d‟activité spontanée à l‟exception des mouvements de sursaut ou saccadés à des intervalles réguliers. Les stimuli externes génèrent des sursauts avec un certain retard. L‟inhibition des sursauts est rapide et les changements d‟états sont moins probables que dans les autres états. Il n‟y a pas de mouvements oculaires. 56 2. Etat 2 : Le nourrisson est endormi. Les mouvements rapides des yeux peuvent être souvent observés sous les paupières. Il y a un niveau d‟activité relativement bas avec des mouvements aléatoires et des sursauts (ou des équivalents). Les mouvements sont plus calmes et contrôlés que dans l‟état 1. Les stimuli internes et externes génèrent des sursauts qui amènent souvent à un changement d‟état. La respiration est irrégulière, les mouvements de succion s‟alternent avec des moments de pause. Les yeux peuvent s‟ouvrir brièvement. Les états d‟éveil peuvent être décrits comme suit: 3. Etat 3 : Le bébé est somnolent ou à moitié assoupi. Les yeux peuvent être ouverts, mais les paupières sont lourdes. Il y a un niveau d‟activité minimal et le bébé peut être réactif aux stimuli sensoriels mais dans ce cas la réponse est souvent retardée. Les mouvements sont habituellement calmes, bien qu‟il puisse y avoir des sursauts. Le bébé semble stupéfait et est peu réactif même quand les yeux sont ouverts. Cet état est considéré comme transitoire. Il peut également montrer des vocalisations agitées ou des pleurs. Quand cela arrive, il est difficile de distinguer cet état de l‟état 5. Quand il y a des pleurs ou des vocalisations agitées, ce sont les mouvements qui sont bien moins important dans l‟état 3 que dans l‟état 5, et qui permettent de distinguer ces deux états. 4. Etat 4 : Le nourrisson est alerte, les yeux ouverts avec un regard vif et des changements appropriés dans les expressions faciales quand les stimulations sont variées. L‟attention est centrée sur une source de stimulation soit auditive, soit visuelle. L‟activité motrice est minimale. Il peut y avoir un regard vide qui change facilement vers un regard plus vif grâce à une stimulation appropriée. 5. Etat 5 : Les yeux du nouveau-né sont susceptibles d‟être ouverts. L‟activité motrice est considérable avec des mouvements vifs, voire même quelques mouvements de sursauts. Il est réactif aux stimulations externes et il y une augmentation des sursauts ou de l‟activité motrice, mais les réponses discrètes sont difficiles à établir en raison du niveau d‟activité élevé. De brèves vocalisations bruyantes sont possibles dans cet état. Certains nourrissons peuvent passer d‟un état 1, 2 ou 3 directement à l‟état 5. Des pleurs sont possibles, mais sont à distinguer de ceux de l‟état 3 en tenant compte de l‟activité motrice. 57 6. Etat 6 : Cet état est caractérisé par des pleurs forts et intenses, rythmés et soutenus. Ils sont difficiles à arrêter avec une stimulation. L‟activité motrice est élevée. Il est important de distinguer les pleurs ou vocalisations agitées de ceux qui peuvent se produire à l‟état 5, voire 3. Certains nourrissons montrent des épisodes répétés de pleurs ou des vocalisations agitées dans l‟état 5, mais n‟atteignent pas le niveau 6. Lorsque le bébé est dans l‟état 6, l‟intensité et la durée (au moins 15 sec) sont plus conséquentes, ainsi que son indisponibilité. Des pleurs brefs et répétés dans l‟état 5 ne signifient pas que le nourrisson soit passé à l‟état 6. Dans le cadre de la situation d‟observation DCP, ces états relèvent d‟une importance majeure, car ils fournissent un indice quant à la disponibilité du nouveau-né à interagir. 4.4 Les compétences émotionnelles et sociales Dès la naissance, le bébé possède certaines émotions bien différenciées, comme par exemple la détresse, qui est d‟emblée manifeste chez les nourrissons. Dans ses travaux, Field et coll. (1982) ont également pu identifier un certain nombre d‟émotions dont une expression de surprise pendant la passation de certains items de la NBAS de Brazelton. Le nouveau-né vient donc au monde avec la capacité d‟exprimer des émotions (Lagercrantz & Changeux, 2009). Il est bien entendu que ce catalogue des émotions évolue très vite, le bébé en acquérant de plus complexes et subtiles au cours de son développement (émotions dites « secondaires »). Ainsi, les émotions « primaires », présentes dès la naissance, peuvent être comprises comme des signaux qui influenceront les comportements parentaux, modulant ainsi les interactions parents – nourrisson. Le cri constitue de toute évidence le signal le plus évident donné par le nouveau-né dès la naissance. Le cri pouvant exprimer un malaise ou un besoin (Barr, Hopkins, & Green, 2000; Bydlowski-Aidan & Jousselme, 2008; Winnicott, 1971). Wolff (cité par(Thompson, Olson, & Dessureau, 1996) a distingué différents types de cris, dont deux sont particulièrement relevants pour la situation DCP : - Les cris liés à la faim : ils sont graduels et deviennent rythmiques et répétitifs. C‟est pourquoi, dans la situation DCP, le nourrisson doit avoir mangé 30 minutes avant le 58 début afin de favoriser un état approprié pour le bon déroulement des différentes parties du jeu. - Les cris liés à la douleur : ils débutent brusquement et sont arythmiques. Il y a de longues pauses pendant lesquelles la respiration est bloquée. Les cris du bébé étant différenciés, ils déterminent des échanges parents – enfants. Par ailleurs, lorsqu‟un nourrisson pleure, la réponse (des caresses ou des paroles) du parent va l‟aider à se réguler. Nous pouvons dès lors constater une régulation du tonus musculaire (Lester, Tronick, & Brazelton, 2004) et une diminution des cris. Les cris étant le reflet d‟un certain état émotionnel, on peut considérer les émotions de base comme formatrices de circonstances interpersonnelles de la relation du nourrisson avec les autres (Draghi-Lorenz, Reddy, & Costall, 2001; Michelsson, 2001). 4.4.1 Le tempérament Dès la naissance, le nouveau-né possède des émotions primaires, mais il existe une variabilité intra-individuelle dans leurs manifestations. Certains nourrissons sont faciles à consoler, dorment et mangent à des horaires réguliers. D‟autres sont difficilement consolables et ont des dispositions imprévisibles. Ainsi, la manière dont le bébé répond et interagit avec l‟environnement se réfère au tempérament (Ashford & LeCroy, 2009). Le tempérament se définit comme étant les caractéristiques individuelles qui déterminent les réactions affectives, attentionnelles et motrices dans divers contextes et cette réactivité est modulée par des processus d‟auto-régulation (Rothbart, 2004, 2007). En d‟autres termes, les réactions du nourrisson et les mécanismes qui les régulent constituent le tempérament. La réactivité et l‟auto-régulation représentent donc les deux dimensions du tempérament. Les différences individuelles à ces deux dimensions ont une base biologique et sont liées à des facteurs génétiques (Posner, Rothbart, & Sheese, 2007; Rothbart, 2004). Nous savons actuellement que les caractéristiques du tempérament peuvent être vues chez le nouveau-né, voire même chez le fœtus. Concrètement, à la naissance, le nouveau-né peut manifester face à certains stimuli des mouvements d‟évitement et de détresse (Rothbart, 2007). La dimension réactive du tempérament peut être caractérisée par les réactions physiologiques et comportementales du bébé face à des stimuli sensoriels de qualité et 59 d‟intensité variables. Cette réactivité serait présente dès la naissance et reflèterait une caractéristique relativement stable chez le nourrisson (Bradley & Corwyn, 2008; Carnicero, Pereza-Lopez, Salinas, & Martinez-Fuentes, 2000; Putman & Stifter, 2008; Rothbart, Derryberry, & Hershey, 2000). L‟auto-régulation quant à elle est décrite sous l‟aspect du contrôle moteur et attentionnel qui apparaît très tôt lors du développement précoce de l‟enfant (Rothbart, 2004). La capacité d‟orientation attentionnelle constitue une composante déterminante du processus de régulation du fait que l‟attention est orientée, ayant pour effet d‟amplifier au niveau neural les stimuli vers lesquels l‟attention est dirigée, modifiant ainsi l‟expérience affective du bébé (Rothbart, Ahadi, & Evans, 2000; Rothbart & Rueda, 2005). Par conséquent, les habiletés au niveau de l‟orientation de l‟attention vont aider le nourrisson à gérer les émotions négatives et positives, contribuant dès lors au développement du contrôle adaptatif de l‟émotion et du comportement. Le nourrisson est très réactif et son comportement devient, tout au long de son développement, plus contrôlé par les processus de régulation (Calkins, 2005). De plus, le tempérament est influencé par le milieu culturel et les expériences vécues par le bébé (Rothbart & Putnam, 2002). L‟environnement social joue donc un rôle dans l‟expression et le développement de la personnalité de l‟enfant (Ashford & LeCroy, 2009; Rothbart, 2007). Le modèle du « goodness of fit » proposé par Chess et Thomas (1996) permet de rendre compte de l‟impact de l‟environnement sur le développement du tempérament. Plus précisément, cette notion se réfère au degré de correspondance entre les demandes de l‟environnement et le style comportemental du nourrisson. Par exemple, lorsque le bébé est actif et que ses parents sont extravertis, énergiques, et encouragent les jeux physiques ainsi que l‟exploration, il sera plus en adéquation qu‟avec des parents calmes et introvertis, qui s‟attendraient à avoir un enfant qui reste tranquille à observer. Finalement, le tempérament du bébé joue un rôle dans les interactions sociales et influence le fonctionnement social ultérieur de l‟enfant (Calkins, 2005). Par ailleurs, le parentage peut exercer une influence sur le tempérament du nourrisson dans le sens où il peut faciliter ou perturber le développement de l‟auto-régulation (Rothbart, 2007). De même, des études tendent à montrer que des bébés au tempérament difficile (c‟est-à-dire marqués par une grande réactivité, une humeur négative et de l‟irritabilité) sont, d‟une part, à risque de développer des troubles du comportement pendant l‟enfance (Eisenberg et al., 2001; Lawson & Ruff, 2004) et, d‟autre part, davantage sensibles aux pratiques parentales et 60 peuvent être négativement affectés par un parentage sévère (Belsky, 2004; Bradley & Corwyn, 2008; Eisenberg et al., 2003; Gaertner, Spinrad, & Eisenberg, 2008). De plus, le tempérament difficile du nourrisson peut mener à un parentage moins sensible, voire marqué par de l‟hostilité. A l‟inverse, un bébé qui manifeste des émotions positives peut susciter un parentage plus chaleureux, sensible et positif (Kochanska, Friesenborg, Lange, & Martel, 2004). En définitif, le tempérament du nourrisson affecte la qualité du parentage et la relation entretenue avec chaque parent (Hsu & Sung, 2008; Wong, Mangelsdorf, Brown, Neff, & Schoppe-Sullivan, 2009). Nous comprenons dès lors que le tempérament du bébé influence et est influencé par le comportement des parents. Il y a donc une négociation qui s‟opère entre les caractéristiques tempéramentales de l‟enfant et les attentes de son entourage et/ou les exigences de la situation (Hubin-Gayte, 2007). Par conséquent, lors de la situation d‟observation DCP, un nourrisson manifestant une forte réactivité ainsi que des émotions négatives, notamment en pleurant beaucoup et en étant difficilement consolable, peut rendre la tâche plus difficile aux parents, ce qui peut en retour affecter le fonctionnement familial. A l‟inverse, un bébé manifestant une disponibilité et des émotions positives, peut faciliter la réalisation du DCP. 4.4.2 L‟expérience du visage impassible ou « still-face » Les réactions émotionnelles des nouveau-nés de moins de trois mois ont été étudiées grâce à la situation expérimentale du « still-face » (Tronick, Als, Adamson, Wise, & Brazelton, 1978; Tronick & Cohn, 1989; Weinberg & Tronick, 1996). Dans ce setting il est demandé à la mère ou au père d‟adopter un visage inexpressif, immobile au cours d‟une interaction (Stern, 2003; Trevarthen & Aitken, 2003). Le bébé de moins de trois mois va réagir le plus souvent par une succession d‟appels à la communication par des sourires, des vocalisations et des gestes, puis se met progressivement à fixer la mère ou le père. Finalement, il va émettre des signes d‟évitement de contact visuel et de détresse. Ce retrait du nourrisson pourrait être un signe clinique considérable de l‟état dépressif de la mère (Guedeney, 1997), voire du père. Cette expérience a été répliquée avec des bébés âgés entre un mois et demi et deux mois. Les résultats ont pu confirmer qu‟ils sont sensibles au découpage temporel des expressions maternelles au cours d‟un échange communicatif et les bébés âgés de six à douze semaines peuvent anticiper et participer à une conversation syntone, c'est-à-dire une conversation où les 61 sentiments et affects sont en harmonies (Nadel, Carchon, Kervella, Marcelli, & ReserbatPlantey, 1999; Nagy, 2008; Rochat, Striano, & Blatt, 2002). Le nourrisson est donc gêné par les expressions maternelles qui ne sont pas synchronisées aux siennes, qu‟elles soient joyeuses ou non. Dans les familles où une dépression maternelle subsiste, le nouveau-né peut lui aussi développer un état dépressif qui aura des répercussions sur la communication en général (T. Field, 1992; T. Field, Hernandez-Reif, & Diego, 2006). Toutefois, peu d‟études ont répliqués cette expérience avec des nouveau-nés plus jeunes. A notre connaissance, trois études ont procédé à l‟expérience du still-face avec des nouveau-nés âgés de quelques heures jusqu‟à deux, trois ou quatre jours. Il s‟agit d‟une étude menée par Bertin et Striano (2006), la seconde étant menée par Ellsworth (1987, cité par Bertin & Striano, 2006). Dans les deux cas, les auteurs ont pu constater des réponses au visage impassible, mais pas de manière fiable malgré les compétences du nourrisson. La dernière étude, réalisée par Nagy (2008), a toutefois pu mettre clairement en évidence une réponse du bébé au cours de cette procédure. En effet, ces derniers ont montré, face à un visage inexpressif, des modifications au niveau du comportement, du contact visuel et des cris. Cette différence de résultat entre les deux premières recherches et celle de Nagy résulte probablement du fait que, dans les deux premières, les auteurs ont considéré les regards et les sourires, tandis que dans la dernière étude, les cris ont également été pris en compte, couvrant ainsi un plus large répertoire d‟expressions affectives du nouveau-né. Quoi qu‟il en soit, il est possible de dire que le nouveau-né est sensible au visage impassible (Bertin & Striano, 2006; Nagy, 2008). Nous postulons cependant qu‟à la troisième semaine post-partum, ces réactions sont plus nettes qu‟au cours des trois – quatre premiers jours. Les résultats des expériences sur le visage impassible présentent un intérêt clinique. Premièrement, dans le cadre de la situation d‟observation DCP, les familles présentant par exemple une dépression maternelle devraient montrer des interactions de moins bonne qualité et nous devrions voir des comportements, y compris de la part du bébé, différents que dans des familles dites « normales ». Deuxièmement, les efforts que fournit le bébé pour rétablir la communication devraient également se manifester lors des transitions entre les différentes parties du DCP, ainsi qu‟à l‟intérieur de celles-ci lorsqu‟il y a des erreurs dans la communication. Par ailleurs, Fivaz-Depeursinge et coll. (2005) ont, pour cette étude, modifié la situation d‟observation LTP pour y intégrer un segment de la procédure du « still-face ». Au cours de cette nouvelle procédure, il est demandé à un parent de jouer avec l‟enfant en présentant un visage impassible, tandis que l‟autre parent est en position de tiers observateur, 62 mais peut répondre à l‟enfant dans le cas où ce dernier se tourne vers lui. Cette configuration relationnelle correspond à une situation 2 + 1 avec « still-face ». Ces auteurs ont pu mettre en évidence le fait que le bébé fait davantage de tentatives pour rétablir la communication comparativement à la configuration 2 + 1 sans « still-face », à savoir lorsque le parent qui joue avec l‟enfant peut manifester un visage expressif. Le bébé cherche ainsi activement de l‟aide auprès du parent tiers lorsque il est placé dans une situation paradoxale (FivazDepeursinge et al., 2005). Bien que les bébés de cette étude étaient âgés de 4 mois, ce constat nous encourage à penser que le bébé âgé de 3 semaines de vie post-partum peut également manifester des tentatives de rétablissement de la communication au cours de la situation d‟observation DCP. 4.4.3 Intersubjectivité et compétences sociales Le bébé possède des compétences interactionnelles (Lécuyer et al., 1994; Nagy & Molnar, 2004) qui permettent de stimuler et d‟assurer la prise en charge parentale. Ces compétences s‟expriment à la fois par la production de comportements qui sont considérés comme des signaux, et par la sensibilité aux stimuli sociaux. Selon certains auteurs (Gibson & Pick, 2000; Trevarthen, 1979; Trevarthen & Aitken, 2003), le bébé naît social et aurait dès la naissance des intentions de communiquer. Il posséderait également une certaine conscience de soi (Lagercrantz & Changeux, 2009; Meltzoff & Decety, 2003). Pour pouvoir communiquer, le nourrisson doit posséder une certaine conscience individuelle et intentionnelle, ce que Trevarthen et Aitken (2003) appellent subjectivité. Mais le bébé doit également avoir la capacité de montrer par des actes coordonnés que l‟intention est contrôlée. Ils nomment cette capacité « intersubjectivité ». Ces auteurs parlent d‟ « intersubjectivité primaire » pour rendre compte de l'interaction qui se manifeste par l'imitation directe des comportements pendant la première année. Par exemple lorsque le bébé tire la langue pour imiter sa mère ou lorsque la mère imite ses vocalisations nous nous situons dans ce processus d‟intersubjectivité. Elle est le signe que le nouveau-né apprécie activement et de façon consciente les intentions de communication et les sentiments de l‟adulte. Il est à préciser qu‟entre zéro et trois mois le bébé est principalement orienté vers ses congénères et n‟accorde que peu d‟intérêt au monde physique, puis cette tendance s‟inverse. L‟intérêt pour les objets et les personnes sont concurrentiels jusqu‟au neuvième mois de vie. Dans une interaction dyadique, le nourrisson jouerait un rôle tout aussi important 63 que la mère et cette interaction serait d‟ordre affective. Bien que cette position soit contestée par certains auteurs, comme par exemple Schaffer, (1996), nous la retiendrons dans le cadre de la situation d‟observation DCP. Comme nous l‟avons vu précédemment, le nouveau-né est doté d‟un système perceptif qui l‟oriente vers ses semblables. Dès la naissance, il fait sa première expérience sociale, c‟est-àdire la rencontre avec sa mère et/ou son père. Les relations dyadiques, mais également triadiques sont complexes et influencent le développement du tout petit (Belsky, Crnic, & Gable, 1995; Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Perren et al., 2003; Reddy, Hay, Murray, & Trevarthen, 1997). Isabella & Belsky (1991) soutiennent l‟idée que dans le contexte de la dyade, le nourrisson est le partenaire d‟une série d‟échanges qui servent de base à son développement social futur. Plusieurs recherches ont permis de mettre en évidence, dans le cadre d‟une interaction dyadique, que le bébé est engagé dans l‟établissement, le maintien et la régulation de l‟interaction (Fogel, 1993; Nagy, 2008; Tronick, 2003, 2005). Avec le temps, il devient de plus en plus actif et compétent dans ces interactions dyadiques, ce qui nous amène à penser que cet « entraînement » aux interactions se fait déjà dès les premières heures de vie. Toutefois, dès sa naissance, le bébé n‟est pas seulement plongé dans un monde dyadique, à travers la relation mère – bébé (ou père – bébé), mais il est bel et bien immergé dans un monde infiniment plus social qui dépasse largement le contexte de la dyade. En effet, dès sa naissance, il est en contact avec sa mère et son père, éventuellement des frères et sœurs, la famille élargie (c‟est-à-dire les grands-parents, les oncles et tantes, etc.) qui viennent lui rendre visite, sans oublier le personnel soignant. Il expérimente ainsi, dès la naissance, le contact avec une pluralité de personne (Fivaz-Depeursinge, Fitzgerald, Guedeney, & Paul, 2008; Frascarolo, 2004; Schaffer, 1984). 4.4.4 La capacité d‟imitation comme compétence sociale La capacité d‟imitation, comme l‟écrivent Nagy & Molnar (2004), est considérée comme un critère de sensibilité sociale, ainsi que comme une preuve de l‟intersubjectivité primaire (Trevarthen, 1979). Comme nous l‟avons vu dans la partie consacrée à la perception des visages, le nouveau-né possède un potentiel d‟imitation. Mais ce potentiel ne se réduit pas aux seules imitations d‟expressions faciales. Il inclut également le mouvement des bras et des 64 mains, ainsi que les vocalisations (Nagy & Molnar, 2004). Cependant, nous ne retiendrons pas les imitations vocales, car comme le suggère l‟étude longitudinale de Kugiumutzakis (1999, cité par Trevarthen & Aitken, 2003), cette imitation diminue immédiatement après la naissance pour laisser place aux imitations des mouvements buccaux. Le nourrisson utilise ce potentiel d‟imitation dans le but d‟un échange réciproque d‟intentions expressives et arbitraires. Nagy et Molnar (2004) ont observé des nouveau-nés âgés de moins de deux jours afin d‟étudier l‟intentionnalité de l‟imitation réalisée par le bébé. Après avoir suscité et reçu une imitation, ces auteurs s‟arrêtaient et regardaient le bébé qui, après environ deux minutes, relançait la même réponse d‟imitation qu‟au début. Cette réponse est considérée comme une « provocation » par ces auteurs, c‟est-à-dire une invitation à continuer l‟échange. Le nouveau-né recommence le même geste d‟imitation en l‟attente d‟une réponse de l‟adulte. Par des mesures du rythme cardiaque, ces mêmes auteurs ont pu mettre en évidence que non seulement le nourrisson était excité et prêt à l‟action juste avant l‟imitation, mais également qu‟il était attentif au résultat de sa provocation. Cette participation dynamique dans la communication d‟intentions et de sentiments élémentaires confirme que dès la naissance, l‟être humain est motivé à maîtriser l‟interprétation d‟indices interpersonnels au cours d‟interactions. Cette capacité d‟imitation permet de maintenir l‟interaction, la communication en cours. 4.5 Synthèse Nous venons de dresser un portrait des multiples compétences que le nourrisson possède à la naissance, voir déjà pendant la vie intra-utérine. Ces nombreuses capacités font de lui un être capable, pouvant communiquer et interagir avec son environnement direct. Mais dans quel(s) contexte(s) ces aptitudes à la communication s‟expriment-t-elles en premier lieu ? Il va sans dire que le lieu privilégié pour exercer les compétences à la communication est la famille, le bébé vivant ses premières expériences relationnelles avant tout avec ses deux parents. Il est cependant vrai que le nourrisson fera d‟autres expériences tout aussi importantes pour son développement, comme par exemple l‟expérience de la séparation d‟avec ses parents lorsqu‟il est confié aux grands-parents le temps d‟une sortie ou la rencontre avec des congénères lorsqu‟il est confié à une crèche quand ses deux parents travaillent. Mais le théâtre où se joue principalement le développement du bébé est celui de la famille nucléaire et les relations 65 développées avec les parents serviront de bases pour le développement des futures relations. Les moments de communion affective que le bébé vit dans sa famille font parties des fondements de sa socialisation en groupe, ainsi que des représentations des relations sociales (Lavanchy & Fivaz-Depeursinge, 2004). Grâce à l‟exposé des compétences du nouveau-né, nous comprenons mieux dans quelle mesure un enfant de trois semaines peut d‟une part prendre une part active dans un contexte d‟interactions triadiques et, d‟autre part comment il peut exercer une influence sur le système encadrant, c‟est-à-dire ses parents. Le nouveau-né sera donc appréhendé au cours des observations obtenues à la situation expérimentale DCP comme un membre actif, dans la mesure de ses possibilités. Nous avons également pu montrer que le nouveau-né est sensible à son environnement social, soulignant de ce fait l‟enjeu de l‟établissement des relations familiales triadiques. Ainsi, en tenant compte des diverses influences exercées par chaque membre de la famille, de la sensibilité et des compétences du bébé, nous avons une conception théorique complète des interactions familiales adaptée au début de la période postnatale. Finalement, les compétences que nous avons exposées au cours de ce chapitre nous ont permis d‟opérationnaliser de manière objective, dans le système de codage « FAAS – DCP » (annexe 1) les différents comportements susceptibles d‟être montrés par le nourrisson dans les séquences interactionnelles avec un ou les deux parents. La dernière partie théorique sera consacrée à la présentation de deux troubles du post-partum, à savoir la dépression postnatale et les réactions de stress aigu, le but étant de définir dans quelle mesure les interactions familiales peuvent être affectées si une symptomatologie liée à ces deux troubles est présente, ainsi que dans quelle mesure elles se répercutent sur le nouveau-né et le développement de ses compétences. Nous avons en effet le souci d‟établir une situation d‟observation qui ait une portée clinique, permettant ainsi de faire des propositions d‟aide aux familles en souffrance avant que des schémas interactionnels ne se cristallisent et entravent le bon développement de l‟enfant. En ce sens, la dépression postnatale et les réactions de stress aigus constituent une voie privilégiée pour évaluer l‟impact d‟une psychopathologie parentale au niveau des interactions familiales triadiques, du fait que leur symptomatologie se manifeste comportementalement. Nous consacrerons donc nos efforts à mettre en lumière dans quelle mesure ces deux troubles peuvent affecter 66 l‟établissement des relations familiales ainsi que leurs manifestations au cours des interactions familiales observées au DCP. 67 Chapitre V : Les troubles des interactions précoces à la période postnatale Comme nous l‟avons exposé au préalable, il ne fait aucun doute que la transition à la parentalité représente un moment de crise pour le couple. La femme qui met au monde un enfant subit des bouleversements tant au niveau physique qu‟au niveau émotionnel, et les troubles de l‟humeur à la période postnatale représentent la forme la plus fréquente de morbidité maternelle suite à l‟accouchement (Stocky & Lynch, 2000). Ces troubles varient en intensité et comprennent à une extrémité le blues maternel, touchant entre 50% et 80% des mères, qui est un trouble de l‟humeur léger, bref et bénin, et ne constitue pas une préoccupation sérieuse pour la pratique clinique (Sit & Wisner, 2009; Sutter, Lacaze, Loustau, Paulais, & Glatigny-Dallay, 2005). A l‟autre extrémité se trouve la psychose puerpérale bien plus rare et sévère, touchant 0.1% des mères et impliquant souvent une hospitalisation (Seyfried & Marcus, 2003). Entre ces deux extrémités, se trouve la dépression postnatale qui affecte environ 13% des mères (O'Hara & Swain, 1996; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Bien que les taux de prévalence varient en fonction des cultures, il existe un consensus pour dire que le phénomène de dépression postnatale est source de préoccupation en terme de santé publique et constitue un problème majeur pour les professionnels de la périnatalité (Affonso, De, Horowitz, & Mayberry, 2000; O'Hara, 2009). Les recherches actuelles sur la santé mentale des mères au postnatal se centrent principalement sur la dépression. Cependant, nous observons un besoin croissant de prendre également en considération les troubles anxieux, incluant notamment les réactions de stress aigus (ASR), qui peuvent mener à un état de stress post-traumatique (PTSD) et porter préjudice à l‟établissement des relations familiales (Kumar, 1997; White, Matthey, Boyd, & Barnett, 2006). En effet, de nombreux auteurs ont pu constater des taux élevés d‟anxiété chez les mères suite à l‟accouchement, suggérant ainsi que les manifestations anxieuses consécutives à l‟accouchement peuvent mener à une souffrance psychologique significative chez la mère (Matthey, Barnett, Howie, & Kavanagh, 2003; McMahon, Barnett, Kowalenko, & Tennant, 2001; Shear & Mammen, 1995). 68 Nous nous intéressons, dans le cadre de ce travail, à ces deux troubles du post-partum en raison de leur prévalence élevée et de leurs conséquences possibles tant sur le développement de l‟enfant que sur l‟ensemble des membres de la famille. Nous nous appuierons sur leurs manifestations comportementales en vue de valider la portée clinique de la situation d‟observation DCP. En effet, nous pensons que le fonctionnement familial triadique peut être affecté par une symptomatologie dépressive ou de réactions de stress aigu, ce qui devrait être observable lors du DCP. Une partie de notre travail de validation repose donc sur la possibilité de discriminer les familles en souffrances des familles sans symptomatologie. C‟est pourquoi nous allons consacrer ce chapitre à la présentation de la dépression postnatale et des réactions de stress aigu, qui peuvent avoir des répercussions sur l‟établissement des relations familiales en générant de possibles interactions problématiques, tant avec l‟enfant qu‟entre les parents. Le choix de considérer ces deux troubles repose également sur le fait que ce sont des entités qui se chevauchent de par leur symptomatologie commune. Nous verrons en effet que ces deux troubles présentent une comorbidité. Bien qu‟elles puissent être considérées comme des entités spécifiques avec une étiologie qui leur soit propre, ces deux entités cliniques ne s‟excluent pas mutuellement et nous savons qu‟un évènement traumatique peut également mener à une dépression (Olde et al., 2005; Reynolds, 1997). Nous allons donc définir ces troubles à travers leur étiologie, les critères diagnostiques ainsi que les facteurs de risque, afin de mettre en lumière les divers impacts possibles, tant au niveau des relations familiales, qu‟au niveau du développement de l‟enfant. Ainsi, nous tenterons de déterminer au mieux la manière dont les familles peuvent exprimer des symptômes de dépression et/ou de stress aigu par le biais des interactions familiales triadiques. 5.1 La dépression maternelle postnatale Mettre au monde un enfant est un évènement habituellement considéré d‟un point de vue culturel comme source de joie et de bonheur pour les parents. Cependant, la réalité est parfois bien différente et certaines mères n‟éprouvent pas de tels sentiments positifs. Elles peuvent se renfermer sur elles-mêmes, éprouver notamment des sentiments négatifs comme de la tristesse ou de l‟impuissance. Sachant que plus d‟une femme sur dix peuvent être touchée par cette symptomatologie dépressive, nous comprenons que l‟accouchement n‟est de loin pas un évènement heureux pour toutes les femmes. 69 5.1.1 Etiologie de la dépression postnatale La dépression postnatale est un état se manifestant souvent par des symptômes dysphoriques, une labilité émotionnelle, des insomnies, de la confusion, des signes d‟anxiété, des sentiments de culpabilité et dans des cas plus rares, des idées suicidaires. Ce trouble affecte les mères au cours des douze premières semaines post-partum (O'Hara & Swain, 1996; Riecher-Rössler & Rohde, 2005), voire jusqu‟à la fin de la première année (Peindl, Wisner, & Hanusa, 2004). La plupart des recherches estiment que la dépression postnatale touche entre 10% et 15% des femmes (Beck, 2001; Halbreich & Karkun, 2006; Monti, Agostini, Marano, & Lupi, 2008). Toutefois, il s‟avère que la prévalence rapportée par les études varient entre 0.5% et plus de 60% (Halbreich, 2005), ce qui peut être expliqué par de nombreux facteurs, tels que les différences culturelles, socioéconomiques, génétiques, ainsi que par la manière dont les symptômes sont rapportés (Affonso et al., 2000; Halbreich, 2007; Halbreich & Karkun, 2006). Ce constat souligne donc la difficulté de définir une entité sémiologique distincte. La question de savoir si la dépression postnatale est un trouble spécifique ou si elle n‟est pas différente des autres dépressions est sujette à controverse (Dayan et al., 2003), bien qu‟actuellement la spécificité de la dépression postnatale soit écartée (Eberhard-Gran, Eskild, Tambs, Samuelsen, & Opjordsmoen, 2002; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Les chercheurs sont plus proches de l‟idée que cette dépression est similaire à celle rencontrée à d‟autres moments de la vie (Brockington, 2004a, 2004b; Cooper, Campbell, Day, Kennerley, & Bond, 1988). Elle est donc vue comme une dépression non psychotique avec des symptômes et une prévalence comparables aux dépressions qui surviennent à d‟autres périodes de vie (Cooper et al., 1988; D. Murray, Cox, Chapman, & Jones, 1995). Toutefois, il a été noté que davantage de nouvelles dépressions surviennent dans les trois premiers mois post-partum (J. L. Cox, Murray, & Chapman, 1993; Monti et al., 2008), avec un taux trois fois plus élevé d‟apparition de troubles psychiatriques non psychotiques dans les 5 premières semaines suite à l‟accouchement (Cooper et al., 1988). Bien qu‟aucune étiologie spécifique ne puisse être mise en évidence, il est possible qu‟il y ait une vulnérabilité psychoneuroendocrinienne chez certaines mères. Par ailleurs, l‟accouchement et ses changements, ainsi que le stress de la situation périnatale peuvent tout deux agir comme des déclencheurs spécifiques de la dépression postnatale. Le modèle général « vulnérabilité – stress » constitue une perspective étiologique qui allie la vulnérabilité biologique et le stress psychosocial et semble convenir à la dépression au post70 partum. Dans ce contexte, donner naissance à un enfant semble être un stresseur majeur, non seulement dans le sens d‟événements de vie psychosociaux stressants, mais également dans le sens d‟un stresseur biologique (O'Hara, 2001). Par rapport aux stresseurs biologiques, nous savons que le taux d‟oestrogènes est deux cent fois plus élevé, puis revient à la normale quelques jours après l‟accouchement et peut même être inférieur si la mère allaite. Nous savons également que ces hormones peuvent moduler passablement de systèmes neuroendocriniens, tel que le système sérotonergique, noradrénergique, dopaminergique entre autre (Mahe & Dumaine, 2001). Cette chute du taux d‟oestrogènes suite à l‟accouchement peut mener à une labilité de l‟humeur, propre au blues maternel, mais peut également jouer un rôle dans la dépression postnatale, particulièrement lorsque la déficience d‟oestrogènes se maintient pendant l‟allaitement. Malgré ces résultats de recherches suggérant une base biologique à la dépression postnatale, peu de recherches ont pu en dégager des preuves solides (Cooper & Murray, 1998; O'Hara, 1997). En ce qui concerne les stresseurs psychosociaux, la période qui suit l‟accouchement étant source de bouleversements, elle représente un stresseur psychosocial en soi, pouvant déclencher une dépression postnatale (Riecher-Rössler & Rohde, 2005). En effet, la transition à la parentalité est, comme nous l‟avons vu précédemment, une période parfois difficile à gérer et lorsque la mère présente une vulnérabilité, par exemple un passé de dépression ou d‟abus sexuels (Buist, 1998), elle se trouve à risque de développer une dépression postnatale. En définitif, les recherches actuelles indiquent que les influences hormonales semblent jouer un rôle dans l‟apparition de la dépression postnatale, mais les facteurs psychosociaux peuvent être plus importants. Avant de nous pencher sur les facteurs de risques, nous allons exposer les critères diagnostics de la dépression appliqués à la période postnatale afin de définir les manifestations cliniques pouvant interférer au niveau des interactions familiales triadiques. 5.1.2 Les critères diagnostics de la dépression postnatale Malgré le fait que les études sur la dépression sont nombreuses, les classifications internationales rencontrent des difficultés à intégrer la dépression postnatale, ce qui est notamment le cas pour le DSM-IV (APA, 1994) ou la CIM-10 (OMS, 1992)6. Cette difficulté 6 Le code diagnostic du DSM-IV pour la dépression postnatale est le 296.2x. Le code correspondant pour la CIM-10 est le F53. Cependant, la CIM-10 considère qu‟il est généralement possible de classer la dépression postnatale en recourant au diagnostic d‟un trouble mental spécifique, tel que les troubles de l‟humeur F30 – F39 71 est liée à la question de savoir si la dépression postnatale peut être considérée comme un trouble spécifique, donc se distinguant des autres dépressions. Etant donné que les spécialistes considèrent cette dépression comme étant similaire aux autres formes de ce trouble, mais avec une vulnérabilité liée à l‟accouchement et à la transition à la parentalité, le DSM-IV a introduit un nouveau critère nommé « avec début lors du post-partum » et s‟applique au trouble dépressif majeur, troubles bipolaires I et II ou à un trouble psychotique bref. Toutefois, en ce qui concerne la dépression postnatale, nous devons prendre en considération les critères relatifs au trouble dépressif majeur (Edhborg, 2004; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). L‟application du critère « avec début lors du post-partum » signifie que le début de l‟épisode dépressif survient au cours des quatre premières semaines qui suivent l‟accouchement. Les critères diagnostics pour un trouble dépressif majeur, définis par le DSM-IV, sont : A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d‟une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur. Par ailleurs, au moins un des deux premiers symptômes sont présents : 1. L‟humeur dépressive est présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours. Elle est signalée par le sujet (par exemple, se sent triste ou vide) ou observée par les personnes extérieures (par exemple, pleurs). 2. Une diminution marquée de l‟intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités se manifeste pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les personnes extérieures). 3. Une perte ou gain de poids significatif est présente en l‟absence de régime, voire une diminution ou une augmentation de l‟appétit presque tous les jours. 4. Une insomnie ou une hypersomnie est manifeste presque tous les jours. en y associant le code O 99.3 (indiquant l‟association à la puerpéralité). Pour plus de précision sur la comparaison des deux systèmes de classification de la dépression postnatale, nous renvoyons le lecteur à l‟ouvrage de Riecher-Rössler et Rohde (2005). 72 5. Une agitation ou un ralentissement psychomoteur est présent presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6. Une fatigue ou une perte d‟énergie est ressentie presque tous les jours. 7. Un sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) est ressenti presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d‟être malade). 8. Une diminution de l‟aptitude à penser ou à se concentrer ou des indécisions se manifeste presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). 9. Des pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), des idées suicidaires récurrentes sans plan précis, voire une tentative de suicide ou un plan précis pour se suicider peuvent se présenter. B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d‟épisode mixte. C. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d‟autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d‟une substance (par exemple, une substance donnant lieu à un abus, un médicament) ou d‟une affection médicale générale (par exemple, une hypothyroïdie). E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s‟accompagnent d‟une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation, d‟idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d‟un ralentissement psychomoteur. Le DSM-IV indique donc que la dépression postnatale n‟est pas distinguée par ses manifestations, mais par sa durée. Cependant cette définition n‟est pas partagée par tous les spécialistes (Dayan et al., 2003). Il y a en effet des limites aux critères diagnostics de la 73 dépression postnatale. Premièrement, il est reconnu que le risque dépressif ne se réduit pas au quatre premières semaines post-partum et peut s‟étendre jusqu‟à la fin de la première année de vie de l‟enfant (Chaudron et al., 2010; Halbreich, 2005; Holt, 1995; Montgomery et al., 2009; Peindl et al., 2004; Wisner, Perel, Peindl, & Hanusa, 2004). Deuxièmement, la transposition des critères de la dépression majeure à la dépression postnatale est contestable, voire inadéquate par sa sévérité (Godfroid, 1997, cité par Dayan et al., 2003) et peut mener à une sous-estimation de la dépression à la période postnatale (Jolley & Betrus, 2007; Yoshida et al., 1997). En effet, les symptômes sont en général d‟intensité modérée et par exemple, les idées suicidaires sont plutôt rares (Hiltunen, 2003; Hiltunen, Jokelainen, Ebeling, Szajnberg, & Moilanen, 2004; Najman, Andersen, Bor, O‟Callaghan, & Williams, 2000; Sutter et al., 2005). Elles peuvent également présenter des symptômes différents des formes classiques de dépression (Pitt, 1968; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Ces symptômes ne diffèrent pas spécialement des symptômes connus aux troubles de l‟humeur qui ne sont pas liés à l‟accouchement, mais il y a de surcroît une labilité émotionnelle, similaire à celle associée au blues, qui est souvent rapportée (Beck & Indman, 2005; Dennis & Ross, 2006b; Jolley & Betrus, 2007; McCoy et al., 2005). Par ailleurs, être avec un nouveau-né influence le contenu cognitif de la dépression. En effet, les mères déprimées se sentent souvent coupable de ne pas être une mère suffisamment bonne, montrent des signes d‟anxiété, parfois s‟inquiètent de manière irrationnelle du bien-être de leur nourrisson et beaucoup d‟entre-elles rapportent des pensées obsessionnelles, par exemple en ayant l‟idée de blesser leur enfant (T. Field, 2009; Friedman, Resnick, & Rosenthal, 2009; Jennings, Ross, Popper, & Elmore, 1999). Passablement de mères se plaignent également de leur incapacité à avoir des sentiments chaleureux pour leur nouveau-né, ce qui est souvent la raison d‟une demande d‟aide. En résumé, la symptomatologie de la dépression postnatale n‟est pas spécifique mais est influencée par la situation particulière d‟être mère d‟un nouveau-né, ce qui n‟est pas pris en considération dans le DSM-IV. Ainsi, malgré la non spécificité de la dépression postnatale, de meilleurs critères diagnostics pourraient se justifier en raison des spécificités susmentionnées dans les manifestations symptomatiques. En se basant sur les recommandations de RiecherRössler et Rhode (2005), nous devons prendre en considération les manifestations comportementales définies dans le DSM-IV, mais également les spécificités propres à la période postnatale, à savoir, les signes d‟anxiété, l‟incapacité à éprouver des sentiments chaleureux envers le nouveau-né et la labilité émotionnelle. Notons qu‟il est raisonnable de penser que la labilité émotionnelle semble difficile à déceler, compte tenu du cadre 74 expérimental de la situation d‟observation DCP. En effet, la présence de caméras, de cliniciens peut inhiber ce type de manifestation comportementale, d‟autant plus que les mères éprouvent déjà des sentiments forts de culpabilité et de honte qu‟elles peuvent tenter de cacher de peur d‟être séparées de leur enfant et/ou d‟être stigmatisées comme une mère « pas suffisamment bonne » (Ayissi & Hubin-Gayte, 2006; Hiltunen, 2003; McIntosh, 1993). Toutefois, nous pensons que l‟abrasion des affects, le manque de plaisir, le manque d‟engagement peuvent être plus facilement observés, de même que les manifestations d‟anxiété, car elles semblent plus difficiles à cacher et peuvent être manifestes au niveau des interactions avec le bébé et le conjoint (A. D. Cox, Puckering, Pound, & Mills, 1987; Cummings & Davies, 1994b; T. Field, 2009). En effet, la circulation des affects entre les membres de la famille, la sensibilité de chaque parent aux signaux du nourrisson, la qualité des soins apportés à ce dernier (pouvant être influencé par les signes d‟anxiété) sont des dimensions d‟ordre interactionnel qui peuvent être saisies par l‟observation direct des comportements (Kerig, 2001). A l‟heure actuelle, les recherches n‟ont pas pu mettre en évidence une étiologie spécifique de la dépression postnatale, malgré des indices suggérant une spécificité propre à la période qui suit l‟accouchement. La section suivante sera consacrée à la présentation des facteurs de risque pour la mère de développer une dépression, ce qui nous semble être essentiel pour bien cerner dans quelle mesure ce trouble prend forme d‟une part dans le contexte de la périnatalité et, d‟autre part dans le contexte familial. Par ailleurs, la mise en lumière des facteurs de risque associés à la dépression postnatale devrait nous permettre de mieux appréhender les interactions familiales et, par conséquent, d‟envisager des propositions d‟aides plus en adéquation avec la réalité des souffrances psychologiques lors de la transition à la parentalité, ce qui nous semble d‟autant plus important compte tenu du poids des variables psychosociales dans les manifestations de la dépression (Beck, 2001; Boyce & Hickey, 2005; Dennis, 2005). En d‟autres termes, l‟identification des facteurs de risque sont des indices cliniques utiles pour dépister, prévenir et traiter la dépression postnatale (Boyce, 2003; Jardri et al., 2006). 5.1.3 Les facteurs de risque de la dépression postnatale De nombreux facteurs de risques et vulnérabilités ont été dégagés dans diverses métaanalyses, pouvant recenser jusqu‟à plus de 70 facteurs (Karkun et al., 2004, cité par Halbreich, 2005; O'Hara & Swain, 1996). Dans l‟ensemble, les recherches s‟accordent à 75 définir des grands axes regroupant diverses vulnérabilités. Dans le cadre de ce travail, nous retiendrons les facteurs suivants : 1. Les facteurs sociodémographiques 2. Le soutien social 3. Les facteurs psychiatriques 4. Les facteurs obstétricaux 5. Les facteurs biologiques et hormonaux 6. Les facteurs liés au nouveau-né 5.1.3.1 Les facteurs sociodémographiques A l‟heure actuelle, il se dégage un consensus pour admettre le fait qu‟il n‟y a pas d‟association claire entre la dépression postnatale et la plupart des indices sociodémographiques. Un niveau élevé d‟éducation semble être un facteur protecteur selon certaines recherche (Bernazzani, Saucier, David, & Borgeat, 1997; Dennis, Janssen, & Singer, 2004; O'Hara, 1986) et non selon d‟autres (Krause, Ostbye, & Swamy, 2009; D. Murray et al., 1995; O'Hara, Schlechte, Lewis, & Wright, 1991). La question de l‟âge n‟échappe pas à ce manque de cohérence entre les différents résultats de recherche. En effet, certaines études ont montré que le jeune âge et l‟âge avancé accroissent tous deux le risque d‟une dépression chez la mère (Fish, Tadmor, Dankner, & Diamant, 1997; Kumar & Robson, 1984; Warner, Appleby, Whitton, & Faragher, 1996), alors que cette association n‟a pas été mise en évidence dans diverses recherches (Boyce, 2003; Halbreich, 2005; D. Murray et al., 1995). Finalement, le statut professionnel des parents, le statut marital (mariée, divorcée ou séparée, célibataire) n‟ont par ailleurs pas été identifiés de manière fiable comme facteurs de risques (Dayan et al., 2003; D. Murray et al., 1995; Warner et al., 1996; Wickberg & Hwang, 1997). Cependant, le revenu salarial est potentiellement associé à la dépression postnatale (Jadresic, Nguyen, & Halbreich, 2007; Y. K. Kim, Hur, Kim, Oh, & Shin, 2008; O'Hara & Swain, 1996) et des études suédoises ont mis en évidence un lien entre la monoparentalité et le développement de symptômes dépressifs à la période postnatale (Hiltunen, 2003). Il semblerait donc que les variables démographiques peuvent accroître la vulnérabilité qui favoriserait une dépression postnatale, de manière à ce que les symptômes dépressifs se 76 manifestent après la naissance en raison de stress, par exemple en cas de chômage ou de monoparentalité (Jardri et al., 2006; Lane et al., 1997). 5.1.3.2 Le soutien social De nombreuses études tendent à montrer que les facteurs sociaux jouent un rôle important dans l‟apparition des symptômes dépressifs (Boyce & Hickey, 2005; Mancini, Carlson, & Albers, 2007; Miller, 2002; O'Hara & Swain, 1996; Thurtle, 1995). Le soutien social peut se comprendre comme étant autant un soutien concret et pratique, notamment par l‟aide apportée pour les soins au nourrisson, pour les tâches ménagères (Seimyr, Edhborg, Lundh, & Sjogren, 2004), qu‟émotionnel (Boyce & Hickey, 2005; Small, Brown, Lumley, & Astbury, 1994). Il peut être apporté par le conjoint, les amis ou la famille (Cooper & Murray, 1997; Kennedy, Beck, & Driscoll, 2002). En ce qui concerne le conjoint, il y a des preuves considérables sur le fait qu‟une relation conjugale de faible qualité est un prédicteur robuste de la dépression postnatale (Boyce, 2003; Whiffen, 2004). Lorsque les relations conjugales sont marquées par de l‟insatisfaction, des conflits, un manque de communication, le risque pour la mère de manifester des symptômes dépressifs est accru, contribuant également à une plus grande sévérité et continuité des symptômes dépressifs (Dennis & Ross, 2006b; Halbreich, 2004; Jadresic et al., 2007). Dans ce contexte, les pères ont tendance à s‟investir davantage dans leur travail, et les mères déprimées perçoivent en retour un manque de soutien envers elle et le bébé, ce qui peut contribuer au développement de symptômes dépressifs. (Mills et al., 1995, cité par Dayan et al., 2003). Inversement, lorsque le conjoint fait preuve d‟écoute et de compréhension, qu‟il s‟implique dans les soins apportés au nourrisson et les tâches ménagères, le soutien apporté est un facteur protecteur. Les symptômes dépressifs sont moins souvent rapportés et la satisfaction sur le plan relationnel est meilleure (Dennis et al., 2004; Dennis & Ross, 2006b). Il n‟est cependant pas clair si l‟insatisfaction conjugale et/ou les conflits découlent des symptômes dépressifs ou si cette insatisfaction augmente le risque de voir les symptômes apparaître (Boyce & Hickey, 2005). Quoi qu‟il en soit, nous pouvons dire qu‟à la période postnatale, la dépression maternelle est souvent associée à la mésentente conjugale, ce qui implique des répercussions au niveau familial. 77 Finalement, les mères qui ont un réseau social peu étendu peuvent ne pas recevoir suffisamment de soutien, particulièrement au niveau émotionnel, ce qui augmente le risque dépressif. Par ailleurs, pour beaucoup de femmes, le réseau social change avec la venue d‟un enfant et elles ne peuvent donc plus avoir le même accès à leur réseau. La vulnérabilité face à la dépression postnatale peut donc être plus importante avec un soutien social pauvre (Boyce, 2003). 5.1.3.3 Les facteurs psychiatriques Il existe une corrélation élevée entre les symptômes de dépression postnatale évalués au cours des 5 premiers jours qui suivent l‟accouchement et à 4 – 6 semaines post-partum, indiquant que les symptômes présents dès les premiers jours doivent retenir l‟attention des professionnels de la périnatalité (Chabrol & Teissedre, 2004; Hannah, Adams, Lee, & Sandler, 1992). Il y a en effet un lien entre le blues maternel et la dépression postnatale. Ainsi, lorsque la mère présente un blues, elle est plus à risque de manifester des symptômes dépressifs aux alentours de la sixième semaine post-partum. Les antécédents psychiatriques, principalement le fait d‟avoir déjà vécu une dépression, sont reconnus comme un facteur de risque important à la période postnatale (Boyce & Hickey, 2005; O'Hara & Swain, 1996; Sit & Wisner, 2009; Webster, Thompson, Mitchell, & Werry, 1994). Toutefois, les antécédents de troubles bipolaires au sein de la famille de la mère, ainsi que son passé personnel de tels troubles n‟est associé qu‟à la psychose puerpérale, mais pas à la dépression postnatale (Kendell et al., 1987, cité par Hiltunen, 2003). Ce résultat n‟est pas confirmé par l‟ensemble des études, indiquant que le lien entre une histoire psychiatrique familiale et/ou personnelle et la dépression postnatale n‟est pas clairement établi (Dennis & Ross, 2006a; D. Murray et al., 1995). Finalement, la dépression prénatale est également considéré comme un facteur de risque de développer une dépression postnatale (Areias, Kumar, Barros, & Figueiredo, 1996a; Leigh & Milgrom, 2008; Sit & Wisner, 2009). La question de savoir si les facteurs de risques d‟ordre psychiatriques sont pertinents demeure, et des études doivent encore être menées pour mieux cerner les liens entre dépression et passé psychiatrique. Cependant, les symptômes dépressifs pendant la grossesse ainsi qu‟un passé de dépression maternelle devraient être pris en considération dans le dépistage et le traitement de ce trouble. 78 5.1.3.4 Les facteurs obstétricaux Les complications obstétricales sont globalement faiblement associées à l‟accroissement du risque de dépression postnatale et les facteurs rapportés sont souvent divergents. Quelques études ont mis en évidence un lien entre le mode d‟accouchement (notamment en cas de césarienne) et l‟humeur dépressive (Boyce & Todd, 1992). Cependant, cette association n‟est pas détectée par d‟autres études (Y. K. Kim et al., 2008), ce qui peut être expliqué en partie par le fait que les recherches ont souvent ignoré la distinction entre une césarienne planifiée et une césarienne d‟urgence (Carter, Frampton, & Mulder, 2006; Clement, 2001; Edhborg, 2004). Par exemple, une étude suédoise (Ryding, Wijma, & Wijma, 1998b) a comparé les mères en fonction du type de césarienne et les auteurs ont constaté qu‟il n‟y avait aucune différence entre ces deux types d‟accouchement quelques jours après la naissance. Par contre, à un mois post-partum, les mères qui ont eu une césarienne d‟urgence montraient beaucoup plus de symptômes de stress post-traumatique que les mères qui ont eu une césarienne planifiée. Finalement, en tenant compte des deux types de césarienne, il y a une tendance à la considérer comme facteur de risque pour la dépression postnatale, avec un risque accru en cas de césarienne d‟urgence (Breese et al., 2006; Fisher, Astbury, & Smith, 1997; Koo, Lynch, & Cooper, 2003; E. Robertson, Grace, Wallington, & Stewart, 2004). Il faut toutefois être prudent avec ce constat en raison du manque de concordance entre les diverses études sur les variables obstétricales comme facteurs de risque pour la dépression postnatale. En ce qui concerne les autres interventions obstétricales, les résultats sont également contradictoires. Selon certains auteurs, l‟épisiotomie, l‟induction et l‟augmentation du travail ont été associées à l‟apparition de la dépression postnatale mais pas de manière systématique (Bloch et al., 2000; Boyce & Hickey, 2005; Fisher et al., 1997). Par ailleurs, la parité n‟est que partiellement reconnue comme étant un facteur de risque de dépression (BågedahlStrindlund & Monsen-Börjesson, 1998; Miller, 2002; Stowe & Nemeroff, 1995). Finalement, il semblerait que l‟accouchement vécu de manière stressante, suivie d‟un niveau élevé d‟anxiété représente un risque de dépression au post-partum (Bergant, Heim, Ulmer, & Ilmensee, 1999). 79 5.1.3.5 Les facteurs biologiques et hormonaux Les recherches ont également montré des résultats contradictoires sur le rôle des hormones tels que l‟œstrogène, la prolactine ou la progestérone (Hiltunen, 2003). Elles semblent toutefois jouer un rôle dans le sens qu‟elles peuvent accroître la vulnérabilité chez la mère de développer des symptômes dépressifs à la période postnatale (Dayan et al., 2003; Halbreich, 2005). L‟allaitement a été associé aux taux hormonaux, mais également à l‟apparition de symptômes dépressifs. Les mères qui allaitent ont un taux de prolactine plus élevé et montrent moins de signes de dépression que les mères qui n‟allaitent pas (Abou-Saleh, Ghubash, Karim, Krymski, & Bhai, 1998; Breese et al., 2006; Hiltunen et al., 2004). Le fait de ne pas allaiter, par refus ou par impossibilité, est associé à un risque accru de développer une dépression postnatale dans de nombreuses études, bien qu‟à l‟heure actuelle nous ne savons pas si le fait de ne pas allaiter et une cause ou une conséquence de la dépression (Lane et al., 1997; Mancini et al., 2007; Warner et al., 1996). Ainsi, les facteurs hormonaux et biologiques indiquent une tendance à la dépression, bien que des recherches soient encore nécessaires pour confirmer cette affirmation. Il est donc préférable de les considérer comme pouvant accroître la vulnérabilité de voir apparaître des symptômes dépressifs suite à l‟accouchement. 5.1.3.6 Les facteurs liés au nouveau-né Il est de plus en plus admis que le nouveau-né peut contribuer à l‟apparition de symptômes dépressifs chez la mère. Il a en effet été suggéré que le tempérament de l‟enfant ait un impact sur le début de la dépression postnatale chez la mère, particulièrement lorsqu‟il présente une forte irritabilité (Ayissi & Hubin-Gayte, 2006). En ce sens, un tempérament difficile peut se définir au tout début de la vie postnatale en termes d‟émotions négatives, que l‟on peut évaluer directement par le degré d‟irritabilité (Van den Boom, 1994). En tenant compte de ce constat, nous nous appuierons sur le modèle élaboré par Chess et Thomas, qui ont pu mettre en évidence l‟existence de trois patterns comportementaux chez le nouveau-né qui permettent de définir le tempérament et qui se cristallisent vers trois mois (Chess & Thomas, 1989, 1999; Thomas & Chess, 1984). L‟avantage de ce modèle est qu‟il qualifie des styles de 80 comportements réactionnels qui peuvent se manifester au cours des interactions. En définitif, ces patterns ont mis en évidence l‟existence de trois types de bébés : - Les bébés « faciles » : Ils s‟adaptent facilement, dorment bien, ont un rythme régulier, montrent une humeur positive et ont des réactions émotionnelles modérées (Hubin-Gayte, 2007; Thomas & Chess, 1977). - Les bébés « lents à s‟adapter » : Ils s‟adaptent lentement aux nouvelles situations en faisant preuve d‟une résistance passive, mais cette adaptation se fait généralement de manière positive. Ils montrent des réactions émotionnelles modérées qu‟elles soient positives ou négatives (Chess & Thomas, 1999; Lyons-Ruth & Zeanah, 1989; Sigelman & Rider, 2008). - Les bébés « difficiles » : Ils montrent un faible degré d‟adaptabilité, réagissent par des comportements de retrait face à de nouvelles situations ou stimuli, leur humeur est généralement négative et leurs réactions émotionnelles sont d‟une forte intensité (Ashford & LeCroy, 2009; Chess & Thomas, 1999; H. Papousek, 1996; Thomas & Chess, 1977). Les bébés avec un tempérament difficile représentent 10% des situations (Ashford & LeCroy, 2009; Bee & Boyd, 2005; Maziade, 1983). Leur tempérament correspond à celui qui constitue un facteur de risque pour la mère de développer des symptômes de dépression, car leur irritabilité et pleurs fréquents peuvent venir à bout des capacités de parentage intuitif, et ainsi susciter un sentiment d‟échec accompagné de culpabilité (H. Papousek, 1996). Il a également été démontré que les mères déprimées perçoivent les soins comme étant plus difficiles à procurer, le bébé étant tendu et son état se dégradant rapidement (Ayissi & Hubin-Gayte, 2006; Whiffen & Gotlib, 1989). Ces bébés sont irritables et peinent à être apaisés. Dans une étude menée avec des nouveau-nés de 10 jours post-partum, les bébés qui montrent un fonctionnement moteur faible et une grande irritabilité prédisent le début de la dépression postnatale à 8 semaines (L. Murray, Stanley, Hooper, King, & Fiori-Eowley, 1996). Par ailleurs, les pères dont leur conjointe présente des symptômes de dépression postnatale rapportent également que leur enfant est difficile et irritable (Edhborg, 2004). Cependant, nous ne savons pas encore si se sont les symptômes dépressifs de la mère qui suscitent les comportements difficiles du nourrisson ou le contraire. Quoi qu‟il en soit, 81 l‟association entre les symptômes de dépression de la mère et le tempérament difficile de l‟enfant a été relevée dans de nombreuses études, indiquant que le tempérament difficile du nouveau-né doit faire l‟objet d‟une attention toute particulière lorsque nous nous centrons sur l‟influence de ce dernier sur la triade familiale. Par ailleurs, ce constat nous amène à contextualiser la symptomatologie dépressive dans le cadre de l‟observation et de l‟évaluation de la communication mutuelle entre les parents et le nouveau-né. 5.1.4 Conséquences de la dépression maternelle postnatale Lorsque la mère présente des symptômes de dépression postnatale, les conséquences sur le plan familial peuvent se manifester au niveau des interactions précoces, du développement cognitif, émotionnel et comportemental du nouveau-né, et finalement du conjoint. Comme nous l‟avons exposé plus haut, les manifestations psychopathologiques d‟un membre de la famille touchent les autres membres, ou autrement dit, lorsqu‟une partie du système familial est en souffrance, l‟ensemble du système familial peut être affecté par celle-ci. 5.1.4.1 Conséquences au niveau des interactions parent – bébé De manière générale, il a été observé que les nourrissons montrent moins d‟intérêt et d‟attention dans le contexte des interactions dyadiques avec une mère déprimée. Il peut y avoir une baisse remarquable des interactions entre le bébé et la mère, plus particulièrement au niveau des jeux exploratoires. Pour certains enfants, le manque de sensibilité de la mère peut avoir des effets négatifs sur la capacité du bébé à prêter son attention à l‟environnement et à apprendre à partir des objets (Edhborg, 2004). Dans des interactions dyadiques mère – bébé, ces derniers montrent également moins de comportements de jeux à 18 mois comparativement aux bébés de mères non déprimées (Righetti-Veltema, Bousquet, & Manzano, 2003). Les mères déprimées peuvent également se montrer moins efficaces pour structurer l‟environnement de l‟enfant de manière à l‟aider dans une tâche structurée. Elles sont moins en mesure de faciliter les acquisitions de l‟enfant que les mères non déprimées. D‟autre part, les bébés montrent moins de partage affectif et interagissent moins avec leur mère (A. Stein et al., 1991). Les interactions observées à 8 semaines post-partum avec des mères présentant des symptômes dépressifs sont marquées par moins de comportements positifs et davantage de 82 comportements négatifs, une attention moins soutenue, une plus grande irritabilité et moins de sourires (Cohn, Campbell, Matias, & Hopkins, 1990; T. Field, 1998; S. H. Goodman & Brand, 2008). Les interactions sont ainsi marquées soit par de l‟intrusion soit par de l‟évitement (Ayissi & Hubin-Gayte, 2006; Cohn, Matias, Tronick, Connell, & Lyons-Ruth, 1986; O'Hara, 2009). Si nous nous référons au concept d‟encadrement (section 3.1.), nous pouvons dire que les mères déprimées peinent à encadrer leur enfant, c‟est-à-dire qu‟elles peinent à offrir un contexte propice au bon développement de l‟enfant, en ayant de la difficulté par exemple à s‟ajuster aux signaux de ce dernier. Le nourrisson répondrait rétroactivement en adressant moins de signaux. Les interactions deviennent alors moins fréquentes, de moins bonne qualité et marquées par un manque de partage d‟affects et de réciprocité. Toutefois, nous devons tenir compte du fait que ces constats sur les interactions sont basés sur des études menées avec des bébés plus âgés que ceux de la présente étude, les plus jeunes ayant deux mois post-partum (J. H. Goodman, 2008). Nous ne nous attendons dès lors pas nécessairement à ce que le nouveau-né de trois semaines manifeste des comportements rapportés ci-dessus, mais plutôt à ce que ceux-ci surviennent plus tard, lorsque les interactions problématiques perdurent. Certains auteurs suggèrent que la relation mère – enfant développe des caractéristiques stables basées sur l‟histoire des interactions entre la mère et l‟enfant (Weinberg & Tronick, 1998). Les interactions parent – enfant sont influencées par les comportements, les attitudes et le bien-être psychologique de chaque membre au niveau dyadique, mais également triadique. Autrement dit, dans une perspective systémique, ce qui affecte un membre de la famille affecte également les autres membres, que l‟influence soit directe ou indirecte (Klein & White, 1995). La question est donc de savoir quelle est l‟influence des symptômes dépressifs maternels sur les interactions père – bébé. Le soutien émotionnel et concret que le père reçoit et perçoit de la mère facilite sa relation avec le bébé. Les pères qui se sentent soutenus par la mère sont plus positifs et engagés dans leur rôle parental et montrent moins de difficultés d‟adaptation (Fagan & Barnett, 2003; J. H. Goodman, 2004a). Lorsque la mère souffre de symptômes dépressifs, elle peut ne pas être en mesure d‟apporter du soutien et la relation que le père développe avec le bébé peut en souffrir. Inversement, de part le désengagement de la mère, cela peut donner un meilleur accès au père et un plus grand investissement auprès du bébé. Toutefois, très peu de recherches ont pu montrer dans quelle mesure les interactions 83 père – bébé sont affectées par les symptômes dépressifs maternels et comment elles sont influencées. Certaines études ont montré que les interactions père – bébé sont de meilleures qualité que celles que la mère déprimée entretient avec ce dernier, le père étant considéré comme un facteur protecteur des influences négatives des symptômes dépressifs sur l‟enfant (Albertsson-Karlgren, Graff, & Nettelbladt, 2001; Edhborg, 2004; Hossain et al., 1994). Il se peut donc qu‟il compense les interactions affaiblies de la mère. Par contre, d‟autres recherches n‟ont pas pu mettre en évidence de meilleures interactions, ni un effet modérateur du père dans l‟impact des symptômes dépressifs de la mère sur l‟enfant (J. H. Goodman, 2005; Mezulis, Hyde, & Clark, 2004). D‟autres aspects viennent influencer la relation que le père entretient avec le bébé, ainsi que leurs interactions. Par exemple, le stress parental (Leigh & Milgrom, 2008; Milgrom & McCloud, 1996; Zelkowitz & Milet, 1997) et/ou l‟insatisfaction conjugale (Almeida, Wethington, & Chandler, 1999; Erel & Burman, 1995; Lundy, 2002) peuvent également influencer les interactions entre le père et le bébé, le stress éprouvé par le père étant associé à des perceptions négatives de sa relation au bébé (Zelkowitz & Milet, 1997). Plus précisément, le père est plus à risque d‟entretenir un parentage négatif lorsqu‟il sent une insatisfaction sur le plan conjugal (Broom, 1998). Malgré le manque d‟études portant sur les interactions père – bébé dans le contexte de la dépression maternelle postnatale (Mezulis et al., 2004), une récente étude dans le contexte de la périnatalité montre que les interactions entre le père et le bébé sont influencées négativement par les symptômes dépressifs de la mère et il ne compense pas les interactions de la mère déprimée (J. H. Goodman, 2008). En réalité, il semblerait que se soit plus la perception que la mère a de sa relation au bébé qui puisse être le facteur dégradant les interactions entre le père et le nourrisson, et non les interactions que la mère entretient avec l‟enfant. Goodman (2008) précise que les mécanismes qui influencent les interactions du père avec le bébé doivent être encore étudiés afin de mieux comprendre les diverses influences dans le contexte de la dépression maternelle postnatale. Finalement, nous adhérons aux conclusions de Goodman et rejoignons l‟idée selon laquelle les familles sont plus à risque à la période postnatale lorsque la mère est déprimée. Les interactions du père sont influencées négativement par les symptômes dépressifs de la mère et par le stress parental éprouvé, en raison de la souffrance psychologique de sa conjointe. 84 5.1.4.2 Conséquences sur le conjoint et dépression paternelle Lorsque la mère est déprimée, le père a un risque accru de développer également des symptômes de dépression. Ces symptômes peuvent toucher entre 1.2% et 25.5% des pères (Areias et al., 1996b; J. H. Goodman, 2004b; Matthey et al., 2000; Paulson, 2010; Pinheiro et al., 2006; Schumacher, Zubaran, & White, 2008). Parmi les hommes dont leur conjointe vivent une dépression postnatale, l‟incidence de la dépression du père varie entre 24% et 50%, indiquant que le père est à risque de développer un tel trouble si la mère est déprimée, tout du moins entre la quatrième et sixième semaine post-partum (Matthey et al., 2000). La dépression postnatale paternelle n‟est pas un phénomène passager. En effet, une étude a pu mettre en évidence que la moitié des pères déprimés à 6 semaines post-partum l‟étaient encore à 6 mois (Ballard, Davis, & Cullen, 1994), soulignant de ce fait l‟impact que la symptomatologie dépressive paternelle peut avoir sur l‟ensemble des membres de la famille. Les conjoints de mères déprimées rapportent une plus grande insatisfaction conjugale que les conjoints de mères non déprimées. De même, ils rapportent un manque d‟intimité, davantage de stress au niveau professionnel et se perçoivent comme étant moins compétent dans leur rôle parental (Edhborg, 2004). La qualité de la relation conjugale, ainsi que les évènements de vie stressants semblent donc jouer un rôle déterminant dans la survenue de la dépression paternelle à la période postnatale (Kendler et al., 2006, cité par Paulson, 2010). Par conséquent, lorsque le père souffre effectivement d‟une dépression postnatale, il peut être moins sensible et moins engagé dans les interactions, ce qui amplifie le risque pour l‟enfant de développer une psychopathologie externalisée pendant l‟enfance (Paulson, Dauber, & Leiferman, 2006; Ramchandani et al., 2008; Trautmann-Villalba, Gschwendt, Schmidt, & Laucht, 2006). Finalement, que le père manifeste des symptômes de dépression ou non, l‟insatisfaction qu‟il perçoit sur le plan conjugal peut se répercuter au niveau du coparentage et influencer de manière négative le développement de l‟enfant (Gable et al., 1995). Dans le contexte de la dépression maternelle au début du post-partum, que le père soit déprimé où non, il peut se sentir dépassé, voire effrayé par les demandes concrètes et émotionnelles en lien à la symptomatologie maternelle (Clark, 1998, cité par Hiltunen, 2003). Par ailleurs, le risque pour le père de montrer un parentage de moins bonne qualité est d‟autant plus important lorsque le bébé est considéré comme difficile. En effet, il a été démontré que l‟investissement paternel est moindre lorsque le bébé n‟est pas disposé ou qu‟il 85 est « difficile » (K. Grossmann et al., 2002). En ce sens, la qualité du parentage du père peut être affaiblie lorsque le bébé montre un tempérament difficile, ce qui peut être le cas lorsque la mère souffre de dépression postnatale et donc contribuer au développement socioémotionnel défavorable de l‟enfant (Trautmann-Villalba et al., 2006). En d‟autres termes, la dépression maternelle étant liée au tempérament difficile du bébé (L. Murray et al., 1996), il est probable que la conséquence en retour soit que le père se trouve en difficulté au niveau du parentage. Toutefois, il est aussi possible qu‟il puisse apporter à la mère un soutien émotionnel et pratique, s‟engager plus auprès de l‟enfant et prendre une part plus active au niveau des soins, ce qui peut atténuer l‟impact de la dépression maternelle sur le développement de l‟enfant (Dennis & Ross, 2006b; Edhborg, 2004). 5.1.4.3 Conséquences sur le développement de l’enfant Malgré les avis partagés sur les effets modérateurs du père dans le contexte de la dépression maternelle au début du post-partum ou de ses effets négatifs dans les interactions mère/père – bébé, ainsi que le manque de clarté quant aux différents mécanismes en jeu dans les influences au niveau des interactions et relations familiales, il est reconnu que la dépression a un impact négatif sur le développement de l‟enfant. Toutefois, les associations entre la dépression maternelle et les conséquences sur le développement de l‟enfant sont complexes (Cummings & Davies, 1994b; Milgrom, Westley, & Gemmill, 2004). L‟analyse de Hay (1997) montre que pendant la première année post-partum, les enfants de mères déprimées montrent des résultats aux tests d‟intelligence inférieurs à ceux d‟enfants de mères non déprimées. La qualité des interactions entre la mère et le bébé à 2 mois permet de prédire le niveau de développement cognitif à 9 et 18 mois (L. Murray, 1992; Sutter-Dallay, Dequae-Merchadou, Glatigny-Dallay, Bourgeois, & Verdoux, 2008). Il est à noter que le développement cognitif défavorable du nourrisson se constate particulièrement lorsque la mère présente un faible niveau d‟éducation et/ou lorsque le bébé a un faible poids à la naissance (Cornish et al., 2005; Grace, Evindar, & Stewart, 2003; Hay, 1997; Hay & Kumar, 1996). Cependant, le sexe de l‟enfant, les complications obstétricales, les conflits conjugaux ne prédisent pas de manière fiable le développement cognitif du bébé (Cornish et al., 2005; Hay & Kumar, 1996). Bien que nous manquions actuellement de bases solides pour la compréhension des conséquences de la dépression postnatale sur le développement cognitif du bébé, les recherches indiquent que le niveau social et d‟éducation semblent influencer plus 86 nettement les interactions de la mère avec le nourrisson, qui sont marquées par des comportements d‟évitement, d‟hostilité ou d‟intrusion, alors que les symptômes de dépression postnatale ne prédisent pas à eux seuls le développement cognitif défavorable de l‟enfant lorsque la mère provient d‟une classe sociale plutôt aisée (Cohn et al., 1990). Par ailleurs, les réponses maternelles insensibles et non contingentes ne permettent pas au nourrisson d‟apprendre à réguler son attention, ni ses émotions, ce qui peut avoir des répercussions sur le développement cognitif et social (Hay, 1997). Finalement, certaines études suggèrent que la persistance de la dépression maternelle postnatale influence le développement de l‟enfant, dans le sens où plus la dépression dure, plus le développement cognitif sera défavorable (Hiltunen, 2003; Sutter-Dallay et al., 2008). Au niveau du développement comportemental et émotionnel, de nombreuses études ont montré que la dépression maternelle postnatale a des répercussions. Une méta-analyse des études entre 1977 et 1995 a mis en évidence des difficultés d‟adaptation et comportementales (Beck, 1999). Ainsi, entre 12 et 18 mois, les bébés manifestent principalement des troubles du sommeil, de l‟alimentation et des angoisses de séparation, ainsi que des accès de colère (Campbell & Cohn, 1997; L. Murray, 1992). A l‟âge de 5 ans, les enseignantes rapportent plus de troubles tels que l‟hyperactivité, la distractibilité, bien que cela concerne vraisemblablement plus les garçons que les filles de mères qui sont déprimées au début de la période postnatale (Grace et al., 2003; Sinclair & Murray, 1998). La dépression maternelle serait également associée à des effets néfastes sur les jeux physiques et créatifs à l‟école (L. Murray et al., 1999). Il semblerait donc que les répercussions au niveau émotionnel et comportemental concernent principalement les garçons, contrairement aux conséquences cognitives qui affectent de manière similaire les filles et les garçons (Grace et al., 2003). Finalement, les enfants développent plus fréquemment un attachement de type insécure (Dayan et al., 2003). En définitif, les recherches concordent pour dire que la dépression maternelle postnatale est associée à un développement socio-émotionnel défavorable (Anderson, 2009; Oyserman et al., 2000; Zeanah et al., 1997). Proches de la dépression postnatale dans leur étiologie, les réactions de stress aigu consécutives à un accouchement traumatique sont encore peu connues et étudiées. Pourtant, ce trouble fait l‟objet de préoccupations croissantes, car il peut également avoir des répercussions sur l‟ensemble du système familial, ce que nous allons exposer dans les sections suivantes. 87 5.2 Les réactions de stress aigu (« acute stress reactions » ou ASR) suite à un accouchement traumatique L‟accouchement est un événement complexe pouvant susciter une grande variété de réponses psychologiques, aussi bien positives que négatives. Jusqu‟à présent, la plupart des études menées au post-partum, et qui se sont centrées sur le bien-être émotionnel de la mère suite à l‟accouchement, n‟ont pris en considération que la dépression postnatale. Pourtant, ces dernières années, plusieurs auteurs ont attiré l‟attention sur le fait qu‟il y a un taux élevé d‟anxiété chez les mères, indiquant la nécessité d‟étudier les troubles anxieux à la période postnatale (Matthey et al., 2003; McMahon et al., 2001; Shear & Mammen, 1995). Un des troubles anxieux étudié est l‟état de stress post-traumatique (PTSD), son diagnostic pouvant être établi entre la quatrième et sixième semaine post-partum (Stadlmayr et al., 2007). L‟accouchement peut dès lors être un événement potentiellement traumatisant. Des études de cas ont décrit des mères qui exprimaient des symptômes de PTSD suite à un accouchement traumatique (Ballard, Stanley, & Brockington, 1995; Reynolds, 1997), mais très peu d‟études ont été consacrées aux réactions de stress aigu (ASR), qui surviennent dans les premières semaines consécutives à l‟accouchement. Ces réactions sont des précurseurs potentiels d‟un PTSD si elles sont fortes et qu‟elles perdurent au-delà de quatre semaines (APA, 1994; Birmes et al., 2003; Stadlmayr et al., 2007). Il a été démontré que les réactions de stress aigu ont un impact sur le lien mère – bébé (Kumar, 1997) et qu‟elles peuvent être liées au développement d‟une dépression postnatale (Ayers, Joseph, McKenzie-McHarg, Slade, & Wijma, 2008; Czarnocka & Slade, 2000; Gamble, Creedy, Webster, & Moyle, 2002; Reynolds, 1997; Srkalovic Imsiragic, Begic, & Martic-Biocina, 2009; White et al., 2006). L‟étude des réactions de stress aigu revête dès lors d‟un intérêt particulier dans notre recherche. En effet, elles peuvent mener à un état de stress post-traumatique, pouvant affecter les relations familiales, tout particulièrement au niveau des interactions. Nous allons présenter dans cette section les réactions de stress aigu et leurs liens avec l‟état de stress consécutif à un accouchement traumatique. Ceci afin de déterminer l‟impact possible des réactions de stress au niveau des interactions familiales précoces et leurs répercussions sur le long terme. 88 5.2.1 Définition des réactions de stress aigu et les critères diagnostics Lorsque l‟accouchement est vécu de manière traumatisante, les réactions de stress aigu sont considérées comme des réactions normales (Stadlmayr et al., 2007). Ces réactions de stress aigu sont caractérisées par des comportements d‟intrusion, c‟est-à-dire revivre involontairement l‟évènement traumatique par des flash-backs, des cauchemars, des pensées et sentiments incontrôlables et qui sont liés à l‟évènement déclencheur du traumatisme, à savoir l‟événement de l‟accouchement. Elles sont également marquées par l‟évitement, c‟està-dire par les mécanismes qui permettent à la mère de maintenir à distance l‟expérience traumatisante (Creedy et al., 2000; Stadlmayr et al., 2007; White et al., 2006). Les classifications internationales divergent sur les critères à prendre en considération pour le diagnostic des réactions de stress aigus. En effet, comme le souligne Ayers et coll. (2008), la perception subjective de l‟accouchement, qui joue un rôle dans l‟apparition des réactions de stress aigu, correspond mieux aux critères du DSM-IV (APA, 1994) qu‟à ceux de la CIM-10 (OMS, 1992)7. Nous retiendrons donc la définition des critères diagnostics des réactions de stress aigu proposée par le DSM-IV, à savoir : A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents : 1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d‟autrui a pu être menacée. 2. La réaction du sujet à l‟événement s‟est traduite par une peur intense, un sentiment d‟impuissance ou d‟horreur. 7 Le code diagnostic du DSM-IV pour les réactions de stress aigu est 308.3. Le code correspondant pour la CIM10 est le F43.0. Il est à noter qu‟aucune des deux classifications ne mentionnent l‟accouchement en tant qu‟évènement potentiellement traumatisant. Or, les recherches actuelles tendent à considérer que l‟accouchement est différent des autres évènements traumatiques en terme de dépassement des limites physiques et de résonances que cela peut susciter (Ayers et al., 2008). 89 B. Durant l‟événement ou après avoir vécu l‟événement perturbant, l‟individu a présenté trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants : 1. Un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle. 2. Une réduction de la conscience de son environnement (par exemple, « être dans le brouillard ») 3. Une impression de déréalisation 4. Une impression de dépersonnalisation 5. Une amnésie dissociative (par exemple, ne pas réussir à se souvenir d‟un aspect important du traumatisme). C. L‟événement traumatique est constamment revécu, de l‟une (ou de plusieurs) des manières suivantes : images, pensées, rêves, illusions, épisodes de flash-back récurrents, ou sentiment de revivre l‟expérience, ou souffrance lors de l‟exposition à ce qui peut rappeler l‟événement traumatique. D. L‟évitement persistant des stimuli qui éveillent la mémoire du traumatisme (pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens). E. Présence de symptômes anxieux persistants ou bien manifestations d‟une activation neurovégétative (difficultés lors du sommeil, irritabilité, difficultés de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice). F. La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d‟autres domaines importants ou altère la capacité du sujet à mener à bien certaines obligations comme obtenir une assistance nécessaire ou mobiliser des ressources personnelles en parlant aux membres de sa famille de l‟expérience traumatique. 90 G. La perturbation dure un minimum de 2 jours et un maximum de 4 semaines et survient dans les 4 semaines suivant l‟événement traumatique. H. La perturbation n‟est pas due aux effets physiologiques directs d‟une substance ou une affection médicale générale, n‟est pas mieux expliquée par un trouble psychotique bref et n‟est pas uniquement une exacerbation d‟un trouble préexistant. Les symptômes décrits sont semblables à ceux de l‟état de stress post-traumatique, bien que les réactions de stress aigu disparaissent pendant les quatre semaines qui suivent l‟évènement traumatique, tandis que l‟état de stress post-traumatique ne peut être posé qu‟à partir de la quatrième semaine, mais généralement plutôt vers la sixième semaine. Nous comprenons donc que c‟est l‟intensité et la persistance des réactions de stress aigu qui peuvent mener à un état de stress post-traumatique. En effet, nous savons des situations non obstétricales que des réactions de stress aigu de fortes intensité, leur diminution se faisant sur une période prolongée, suggèrent une incapacité précoce à surmonter la situation stressante, ce qui signifie qu‟il y a un risque de chronification (McFarlane, 1988). Ce constat a également été adressé dans une recherche menée dans le contexte obstétrical (Srkalovic Imsiragic et al., 2009). Il est à noter que la plupart des études se fient à des questionnaires et ne prennent pas en compte les critères A, E et F du DSM-IV, ce qui limite les connaissances actuelles sur le phénomène de l‟accouchement traumatique (Alder et al., 2006; Olde, van der Hart, Kleber, & van Son, 2006). Lorsque la mère présente des réactions de stress aigus consécutifs à l‟accouchement, elle peut revivre l‟accouchement, notamment par des flash-backs ou des cauchemars (Bailham & Joseph, 2003; Olde et al., 2006). Elle évite en général le contact avec d‟autres mères ou de parler de l‟accouchement (Riecher-Rössler & Rohde, 2005; Wijma, Soderquist, & Wijma, 1997). Ces mères peuvent manifester une réactivité accrue lorsqu‟elles sont confrontées à des déclencheurs internes ou externes. Elles peuvent également montrer une perte d‟intérêt pour diverses activités et rapporter des troubles du sommeil (White et al., 2006). Elles manifestent généralement des symptômes émotionnels tels qu‟une humeur dépressive, de l‟impatience, ainsi qu‟une perte d‟énergie. Les symptômes d‟anxiété sont souvent présents et associés au développement d‟un état de stress post-traumatique (Bailham & Joseph, 2003; Fones, 1996; Marmar, Weiss, & Metzler, 1997; Soderquist, Wijma, & Wijma, 2009). 91 En définitif, les symptômes des réactions de stress aigu peuvent être rangés en trois catégories tout comme ceux de l‟état de stress post-traumatique, à savoir : - Les symptômes d‟intrusion (critère C) - Les symptômes d‟évitement (critère D) - Les symptômes d‟hyperactivation neurovégétative (critère E) La définition des réactions de stress consécutif à un accouchement traumatique (critère A) prend en compte la dimension subjective du trauma (critère B), à savoir la perception que la mère a de son accouchement. Ainsi, la caractéristique spécifique aux réactions de stress aigu est que la personne présente, pendant ou après l‟événement, des symptômes de dissociation péritraumatique, tels qu‟un sentiment de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle, une réduction de la conscience de son environnement (par exemple, « être dans le brouillard »), une impression de dépersonnalisation (par exemple, « se regarder soimême »), ou une amnésie dans le sens d‟une incapacité à se souvenir d‟un aspect important du traumatisme (George, 2004; Stadlmayr et al., 2007). Les réactions de stress aigu peuvent avoir des conséquences multiples (critère F) et ont une durée limitée (critère G). Toutefois, si ces réactions perdurent, elles peuvent mener à un état de stress post-traumatique (Olde et al., 2006). Cette définition des réactions de stress aigu nous amène dés lors à nous demander quelle proportion de mères peut être affectée par de telles réactions, ainsi que dans quelle mesure elles sont comorbides à la dépression postnatale. 5.2.2 Prévalence et comorbidité Le taux de prévalence de l‟état de stress post-traumatique rapporté dans le contexte de l‟accouchement varie selon les études. La prévalence mesurée se situe entre 2% et 6.9% aux alentours de la sixième semaine post-partum (Ayers & Pickering, 2001; Creedy et al., 2000; Czarnocka & Slade, 2000; Soet et al., 2003; van Son, Verkerk, Van der Hart, Komproe, & Pop, 2005; Wijma et al., 1997). Plusieurs raisons expliquent que le taux de prévalence varie. Premièrement, le choix des outils d‟évaluation ne sont pas toujours les mêmes. Par exemple, l‟étude de Creedy et coll. (2000) utilisent des questionnaires comme l‟IES-R (Impact of Event Scale – Revised), alors que Czarnocka et Slade (2000) ont recours au PSS (Post-traumatic Stress Disorder symptom Scale). Par ailleurs, les cut-offs utilisés ne sont pas toujours comparables. Citons par exemple l‟étude de Stadlmayr et coll. (2007) qui utilisent un cut-off 92 de 9 à l‟IES, alors que Czarnocka et Slade (2000) préfèrent le cut-off de 19. Finalement, la population cible n‟est pas toujours identique. Par exemple, Ayers et Pickering (2001) ont exclu les mères qui ont eu une césarienne planifiée tandis que White et coll. (2006) n‟ont pas opéré cette sélection. Il est donc difficile de pouvoir comparer les résultats des recherches épidémiologiques. Il est toutefois admis que le taux de prévalence se situe aux alentours de 2% vers 6 mois post-partum (Slade, 2006; Stadlmayr et al., 2006). Le problème est identique lorsque nous nous intéressons aux réactions de stress aigus. Ceci est d‟autant plus vrai que très peu d‟études se sont centrées sur ces réactions. Néanmoins, les recherches menées jusqu‟à ce jour rapportent des profils sub-syndromiques suite à un accouchement traumatique. Il s‟agit de mères qui ne présentent pas le profil complet pour un état de stress post-traumatique, donc ne remplissent pas l‟ensemble des critères diagnostics mais plutôt des réactions de stress aigu en éprouvant des symptômes d‟évitement, d‟intrusion ou d‟hyperactivation neurovégétative. Ces mères vivent ainsi une souffrance significative liée à l‟accouchement. Ainsi, dans diverses études, le taux de prévalence des réactions de stress aigu varie entre les recherches. Par exemple, White et coll. (2006) ont trouvé qu‟à six semaines post-partum, 10.5% des mères rencontraient les critères B, C et D du DSM-IV et ainsi présentaient des symptômes à un niveau sub-clinique. De même, 35% des mères ont décrit leur expérience de l‟accouchement comme extrêmement pénible ou traumatisante et 31% de ces mères se sentaient toujours bouleversées par l‟accouchement à deux mois postpartum. Dans l‟étude de Czarnocka et Slade (2000) les auteurs ont trouvé un taux de 24.2% de mères qui étaient partiellement symptomatiques à six semaines post-partum. Soet et coll. (2003) ont mis en évidence un taux de 30.1% de mères qui manifestaient des symptômes de traumatisme à un niveau sub-clinique. Creedy et coll. (2000) ont quant à eux rapporté un taux de 33% de mères qui manifestaient une souffrance cliniquement significative sans remplir l‟ensemble des critères de l‟état de stress post-traumatique. De manière intéressante, deux recherches ont cherché à savoir si l‟expérience de l‟accouchement est traumatisante en soi et ont conclu que 33% – 34% des mères l‟ont vécu de manière traumatique (Creedy et al., 2000; Soet et al., 2003), ce qui pourrait correspondre à des réactions de stress aigu modérées ou sévères. Par conséquent, la prévalence peut aller jusqu‟à 33% – 34%, bien qu‟elle ne soit pas encore clairement établie. La comorbidité entre les symptômes de dépression postnatale et de l‟état de stress posttraumatique a été suggérée par certaines études, que se soit dans le contexte de 93 l‟accouchement (Ayers et al., 2006; DeMier, Hynan, Harris, & Manniello, 1996; Gamble et al., 2002; Leeds & Hargreaves, 2008; Lyons, 1998; Olde et al., 2005; Srkalovic Imsiragic et al., 2009; White et al., 2006), ou dans d‟autres situations potentiellement traumatisantes (Davidson & Fairbank, 1993; Kessler, Sonnega, Bromet, Hughes, & Nelson, 1995). Les symptômes de ces deux troubles peuvent se coproduire à la même période. Czarnocka et Slade (2000) ont par exemple rapporté que sur les huit femmes qui présentaient des symptômes de stress post-traumatique, six présentaient également des symptômes de dépression postnatale. Sur le plan clinique, les symptômes communs aux deux troubles qui sont souvent rapportés peuvent être résumés ainsi (Creedy, 1999; Riecher-Rössler & Rohde, 2005) : - Un état émotionnel négatif comprenant la culpabilité, la honte et la colère. - Un évitement de certaines activités, situation ou personnes. - Une perte d‟énergie et un ralentissement psychomoteur - Des difficultés de sommeil - Des troubles de la concentration En comparant les critères diagnostics du DSM-IV (APA, 1994) pour ces deux troubles, nous constatons le même chevauchement des symptômes. Les résultats de récentes recherches tendent à montrer que la plupart des femmes qui souffrent d‟un accouchement traumatique présentent également des symptômes de dépression. Par exemple, Boudou et coll. (2007) ont rapporté qu‟à six semaines post-partum, 33% des mères présentant des symptômes de stress post-traumatique rencontraient également des symptômes de dépression postnatale. Davies et coll. (2008) ont trouvé à la même semaine post-partum que 41% des femmes présentaient à la fois des symptômes de stress et de dépression postnatale. Finalement, Soderquist et coll. (2006) ont mis en évidence qu‟au cours des onze premiers mois post-partum, 65% des mères rencontraient cette comorbidité, et parmi les femmes qui souffraient de dépression, 22% manifestaient également des symptômes de stress. Ce haut degré de chevauchement a des implications cliniques importantes. En effet, l‟état de stress post-traumatique, ainsi que les réactions de stress aigu, peuvent ne pas être détectés en faveur d‟une dépression postnatale, ce qui a un impact non seulement sur la prévalence actuellement admise, mais également sur l‟aide proposée aux mères en souffrance. Une étude a pu montrer que seulement 2% des mères qui rencontrent les critères diagnostics pour un état de stress post-traumatique avaient reçu ce diagnostic (Taubman-Ben-Ari, Rabinowitz, Feldman, & Vaturi, 2001). Les médecins 94 semblent donc être mieux formés pour détecter une souffrance psychologique liée à la dépression, mais sont moins en mesure de détecter les symptômes de stress post-traumatique. Ce constat peut être mis en lien avec le fait que la littérature est bien plus abondante pour la dépression maternelle postnatale que pour les réactions de stress aigu ou l‟état de stress posttraumatique (White et al., 2006). Ce constat suggère qu‟il y a un risque d‟oublier une proportion conséquente de mères qui souffrent d‟un accouchement traumatique, ainsi que de poser un diagnostic de dépression postnatale erroné. En définitif, il y a des preuves substantielles que les symptômes de réactions de stress aigu présentent une similitude avec ceux de la dépression postnatale et leur prévalence reste encore à être établie en tenant compte des limites méthodologiques des recherches actuelles (Olde et al., 2006; White et al., 2006). Par ailleurs, nous savons qu‟une proportion de femmes, qui n‟est pas encore clairement établie, peut rencontrer une souffrance cliniquement significative, sans pour autant rencontrer le profil complet d‟un état de stress post-traumatique. La nécessité de prendre en compte un groupe sub-clinique, notamment en considérant les réactions de stress aigu, est essentielle afin de mieux cerner les mécanismes en jeu lors d‟un accouchement traumatique, ainsi que son étendue. La proportion de mères souffrant de stress aigu semble toutefois être relativement considérable si nous prenons en compte le fait que les mères en souffrance ne présentent pas uniquement des symptômes dans les trois catégories, c‟est-à-dire l‟intrusion, l‟évitement et l‟hyperactivation neurovégétative, et que la présence d‟une souffrance à l‟une ou l‟autre de ces catégories est source d‟une perturbation cliniquement significative (Slade, 2006). 5.2.3 Durée des réactions de stress aigu et leur influence sur l‟apparition de l‟état de stress post-traumatique La durée des symptômes de réactions de stress aigu est encore peu connue dans le contexte de l‟accouchement traumatique. Nous savons des recherches non obstétricales que les symptômes de l‟état de stress post-traumatique peuvent persister jusqu‟à 50 ans après l‟événement (Engdahl, Dikel, Eberly, & Blank, 1997; Green et al., 1990). Les études de cas menées auprès des mères qui ont eu une expérience négative de l‟accouchement ont pu mettre en évidence la persistance des symptômes jusqu‟à 9 ans après l‟accouchement. Slade (2006) rapporte que des articles de presse portant sur les symptômes de stress post-traumatique suite à un accouchement ont poussé des femmes âgées jusqu‟à 90 ans à écrire à ces journaux pour 95 leur faire part de leur expérience. Il y a donc des indices qui nous poussent à ne pas sousestimer la longévité des symptômes liés au traumatisme de l‟accouchement. Il y a également des preuves indiquant que les femmes qui ont vécu un accouchement traumatisant retardent de manière significative la conception d‟un nouvel enfant, voire ne veulent plus d‟autre d‟enfant, ce qui peut être compris comme un symptôme d‟évitement qui perdure (Czarnocka & Slade, 2000; Gottval & Waldenström, 2002). Au niveau des réactions de stress aigu, ainsi qu‟au niveau des symptômes de l‟état de stress post-traumatique, il y a une baisse progressive normale des symptômes et de leur intensité. Ce déclin dans les manifestations symptomatologiques a été constaté par les rares études qui ont pris en compte la durée et l‟évolution de l‟état de stress post-traumatique (Ayers & Pickering, 2001; Birmes et al., 2003). Par exemple, Ayers et Pickering (2001) ont trouvé une prévalence de 2.8% à six semaines post-partum et de 1.5% à six mois. Bien qu‟il soit encore difficile de dire avec exactitude dans quelle mesure les symptômes diminuent avec le temps, nous savons qu‟une proportion de femmes peut souffrir de la chronicité de l‟état de stress post-traumatique (Olde et al., 2006). Toutefois, la possibilité d‟un rétablissement normal semble être soutenue par les données longitudinales qui montrent une diminution du profil symptomatique de l‟état de stress post-traumatique. L‟étude de Stadlmayr et coll. (Stadlmayr et al., 2007) montre des résultats intéressants concernant les réactions de stress aigus. Ils ont étudié l‟évolution de ces symptômes dans les trois premières semaines consécutives à l‟accouchement, et concluent que les réactions de stress aigu semblent être normales à la première semaine. Toutefois, lorsque ces réactions sont intenses (environ 10% de l‟échantillon), elles ne diminuent pas significativement, suggérant ainsi que les réactions intenses et prolongées perdurent au-delà de la troisième semaine. Par ailleurs, les réactions d‟intensité et de sévérité « moyennes » (environ 40% de l‟échantillon) ne prédisent que partiellement les symptômes à la troisième semaine. Ces mères sont toutefois considérées à risque de développer un état de stress posttraumatique et une attention particulière doit leur être accordée. Par conséquent, la présence de réactions sévères ou modérées doit attirer l‟attention des professionnels de la périnatalité. Ces auteurs insistent également sur le fait que les symptômes d‟évitement et d‟intrusion peuvent osciller, c‟est-à-dire ne pas être de la même importance entre la première et la troisième semaine, ce qui a été soulevé par d‟autres auteurs (Horowitz, 1993; Slade, 2006). Finalement, ces réactions peuvent conduire à l‟état de stress post-traumatique et, dans une étude prospective, il a été montré que le souvenir de l‟accouchement pouvait être source de souffrance deux ans après l‟évènement (Stadlmayr et al., 2006). Notons encore que même si 96 les réactions de stress aigu traumatogènes ne sont pas associées au développement d‟un état de stress post-traumatique, elles interfèrent avec l‟adaptation postnatale précoce, impliquant certainement des séquelles à long terme. En ce sens, il a été montré que toutes les femmes qui rencontrent un problème au niveau de l‟attachement et du lien avec leur enfant ont rapporté des réactions de stress aigus à la fin de la première semaine post-partum (Kumar, 1997). Ce constat est d‟autant plus intéressant qu‟à l‟heure actuelle, les effets à moyen et long terme des réactions de stress aigu ne peuvent être suggérés qu‟indirectement en se basant sur les indices actuels de la teneur prédictive de ces réactions (Brewin, Andrews, Rose, & Kirk, 1999; Stadlmayr et al., 2007). En définitif, les réactions de stress aigu peuvent être source de souffrance, particulièrement lorsque le déclin des symptômes ne s‟opère que légèrement, plaçant la mère dans une situation à risque de développer un état de stress post-traumatique, qui a son tour constitue un risque majeur pour la mère, mais également pour la famille, notamment en raison de la chronicité de ce trouble (Ayers et al., 2007; Soderquist et al., 2006). Nous allons présenter dans quelle mesure des facteurs spécifiques peuvent mener une femme à vivre un accouchement de manière traumatique, soulignant ainsi l‟aspect multidimensionnel de l‟accouchement. 5.2.4 Facteurs de risques des réactions de stress aigu Il y a toute une variété de facteurs de risque qui ont été détectés. Les aspects habituellement considérés incluent un passé de trouble psychiatrique, des réactions de stress post-traumatique préexistantes, des symptômes de dépression pendant la grossesse, les facteurs liés à la personnalité tel que des traits d‟anxiété, ainsi que les facteurs obstétricaux, tel que la primiparité (Czarnocka & Slade, 2000; Soderquist, Wijma, & Wijma, 2002; Stadlmayr, Schneider, Amsler, Burgin, & Bitzer, 2004). Finalement, l‟évaluation cognitive et la perception du soutien ont également été rapporté comme facteur de risque de développer des réactions de stress aigu (Stadlmayr et al., 2001; Wijma et al., 1997). Les facteurs de risques pour la mère de souffrir de réactions de stress aigu ou d‟un état de stress post-traumatique, si ces réactions perdurent, se trouvent être rapportées par la littérature tant sur les accouchements traumatiques que sur d‟autres types de traumas (Olde et al., 2006). Toutefois, un aspect important du traumatisme doit être soulevé. Des études ont clairement 97 montré qu‟il y a une divergence entre l‟évènement traumatique et les réactions de traumatisme (Beck, 2004a; Olde et al., 2006; Stadlmayr et al., 2001; Stadlmayr et al., 2004). La question reste de savoir pourquoi certaines femmes vivent un accouchement de manière traumatique alors que les observateurs extérieurs interprètent l‟évènement comme étant normal ou non problématique. Inversement, lorsqu‟un accouchement est considéré comme hautement traumatique par les observateurs extérieurs, la mère ne développe pas nécessairement des réactions de stress aigu, ni d‟un état de stress post-traumatique. L‟accouchement est donc à considérer comme étant un phénomène multidimensionnel où chaque aspect peut influencer les autres d‟une manière non linéaire et où le vécu subjectif de la mère prend une place considérable (Stadlmayr et al., 2004). Par conséquent, si un évènement est considéré comme pénible par le corps médical, il ne l‟est pas forcément pour la mère si elle le vit de manière positive ou, inversement, un évènement normal pourra être vécu de manière traumatisante si elle n‟arrive pas à l‟accepter et l‟intégrer (Slade, 2006). Les facteurs de risques susceptibles d‟interagir et de mener à des réactions de stress aigu peuvent être regroupés en trois grandes catégories, à savoir la personnalité de la mère et son histoire personnelle, le vécu subjectif de l‟accouchement et les facteurs obstétricaux. 5.2.4.1 La personnalité et histoire personnelle de la mère L‟histoire de la mère peut être source de vulnérabilité face à l‟accouchement. En effet, un passé traumatique marqué par des abus sexuels ou un viol peuvent l‟amener à vivre l‟évènement de l‟accouchement de manière traumatisante (Ayers, Harris, Sawyer, Parfitt, & Ford, 2009; Lev-Wiesel, Daphna-Tekoah, & Hallak, 2009; Menage, 1993; Reynolds, 1997). De même, si un précédent accouchement a été vécu de manière traumatique, le risque de développer des réactions de stress aigu est plus accru (Slade, 2006). En effet, des antécédents d‟abus sexuels ou de viol constituent un facteur de risque de développer des réactions traumatiques suite à l‟accouchement du fait qu‟il est la conséquence directe d‟une activité sexuelle, impliquant le corps dans son ensemble, ce qui est susceptible d‟être particulièrement important dans le vécu de cet évènement. Parfois, les mères peuvent vivre l‟accouchement comme un viol et se sentent impuissante face à la situation (Wijma et al., 1997). Une personnalité anxieuse peut également constituer un risque pour la mère de développer des réactions de stress aigu, voire un état de stress post-traumatique (Soet et al., 2003). En effet, lorsque la mère rencontre des peurs liées à l‟accouchement, tel qu‟une phobie des aiguilles, si elle a peur de la douleur ou si elle est anxieuse par rapport à la santé du bébé, alors elle est 98 susceptible de mal vivre le moment de l‟accouchement et ainsi développer un traumatisme (Creedy et al., 2000; Czarnocka & Slade, 2000; Ryding, Wirfelt, Wängborg, Sjögren, & Edman, 2007; Soet et al., 2003). Wijma et coll. (1997) pensent que l‟anxiété peut amener la mère à percevoir des pratiques médicales comme étant plus menaçantes que ce qu‟elle le sont en réalité et contribuer au sentiment de peur intense. De même, lorsque la mère a des attentes élevées par rapport à l‟accouchement, celles-ci peuvent ne pas être comblées et amener un sentiment négatif (Soet et al., 2003; Waldenström, Hildingsson, Rubertsson, & Radestad, 2004). En ce sens, la mère ressentirait un décalage entre ses attentes et le vécu réel, ce décalage pouvant être traumatisant. Finalement, lorsque la mère présente un passé psychiatrique, comme un passé de dépression ou une dépression prénatale, le risque de développer des symptômes de stress aigu est accru (Ayers et al., 2006; Cohen, Ansara, Schei, Stuckless, & Stewart, 2004; Wijma et al., 1997), comme nous l‟avons également constaté avec la dépression maternelle postnatale (Creedy et al., 2000). 5.2.4.2 Le vécu subjectif de l’accouchement Le vécu subjectif de la mère face à l‟accouchement peut jouer un rôle essentiel dans le développement de réactions de stress aigu (Beck, 2004a; Stadlmayr et al., 2006; Stadlmayr et al., 2007). La perception que la mère a du soutien de la part de l‟équipe médicale (médecin, sage-femme) et/ou du conjoint influence son vécu. Lorsqu‟elle perçoit le corps médical comme étant hostile, lui voulant du mal et qu‟elle ne se sent pas respectée par ceux-ci, elle est à risque de vivre négativement l‟accouchement et de développer une symptomatologie de stress (Czarnocka & Slade, 2000; Stadlmayr et al., 2006; Waldenström, 1999; Waldenström, Borg, Olsson, Sköld, & Wall, 1996; Wijma et al., 1997). Elle peut avoir le sentiment de ne pas avoir été écoutée et que sa souffrance n‟est pas reconnue (Creedy et al., 2000). Si le conjoint n‟est pas présent ou que, selon la mère, il ne peut pas la soutenir, elle peut se sentir abandonnée ou incomprise, ce qui est également potentiellement traumatisant (Czarnocka & Slade, 2000). Par ailleurs, lorsqu‟elle a le sentiment de perdre le contrôle, c‟est-à-dire qu‟elle subit l‟accouchement sans pouvoir agir ni sur ce qui se passe ni sur les décisions, elle peut se sentir démunie et vivre cette expérience de manière particulièrement négative (Ballard et al., 1995; Ford, Ayers, & Wright, 2009; P. Goodman, Mackey, & Tavakoli, 2004; Soet et al., 2003). En ce sens, la mère cherchant à avoir le contrôle sur l‟accouchement, qui est pourtant un évènement incontrôlable, est plus à risque de conserver un vécu négatif et donc de développer des réactions de stress aigu (Ayers et al., 2007). De même, si elle a l‟impression 99 d‟avoir été traitée par le corps médical comme « un bout de viande » ou « un objet qu‟on manipule », elle peut se sentir agressée dans on intégrité physique (Pantlen, 2001, cité par George, 2004). Lorsqu‟elle a le sentiment que l‟équipe médicale n‟est pas compétente, ou qu‟elle ne lui apporte pas les informations souhaitées, notamment en ce qui concerne les explications sur les procédures, le risque de développer des réactions de stress aigu est également accru (Creedy et al., 2000). En ce sens, lorsque la mère éprouve le sentiment que la communication avec le corps médical n‟est pas bonne, elle peut se trouver insatisfaite, incomprise, voire non respectée, rendant possible un vécu traumatique (Boudou et al., 2007; Ford & Ayers, 2009; Menage, 1993; Olde et al., 2006), ou manifester des symptômes de dépression postnatale, particulièrement si elle n‟a pas été informée des raisons de sa souffrance physique en cours de travail (Creedy et al., 2000). Finalement, lorsque la mère ressent une peur pour la survie de l‟enfant, qu‟elle soit liée à des traits d‟anxiété ou aux interventions médicales, cela peut également être source d‟un accouchement vécu de manière traumatique (Olde et al., 2006; Slade, 2006; Soet et al., 2003). Une remarque doit être faite concernant la perception de l‟accouchement. Il n‟y a encore que peu d‟études sur la satisfaction liée à l‟accouchement, mais divers auteurs insistent pour dire qu‟un même évènement peut contribuer à la satisfaction pour certaines mères, ou au contraire mener à une insatisfaction pour d‟autres (Creedy et al., 2000; Salmon & Drew, 1992; Stadlmayr et al., 2001). Par exemple, une mère pourrait être entièrement satisfaite du soutien physique apporté par la sage-femme, alors qu‟une autre mère se sentirait insatisfaite si elle attendait un soutien émotionnel. Nous comprenons donc bien que le vécu subjectif est complexe. Il est, d‟une part, lié aux attentes de la mère et, d‟autre part, influencé différemment, par exemple, selon le degré d‟anxiété présent au moment de l‟accouchement. Ainsi, le vécu subjectif peut mener à différents niveaux de satisfaction. Par conséquent, un même accouchement sera vécu différemment par différentes femmes, ce qui nous pousse à la plus grande prudence quant à l‟impact que les divers facteurs susmentionnés pourront avoir sur l‟apparition ou non d‟un traumatisme. 5.2.4.3 Les facteurs obstétricaux Les facteurs obstétricaux jouent un rôle dans l‟apparition des symptômes de stress aigu. La primiparité a été associée de manière contradictoire à la survenue des réactions de stress aigu. L‟étude de Czarnocka et Slade (2000) montre une association entre la primiparité et le sentiment de contrôle, une plus grande peur pour la santé du bébé, les procédures médicales 100 vécues comme des imprévus. Toutefois, ils n‟ont pas pu trouver d‟association entre la primiparité et une souffrance cliniquement significative au début de la période postnatale, ce qui contraste avec l‟étude de Wijma et coll. (1997). Le type d‟accouchement, à savoir, un accouchement spontané, instrumental (qui nécessite le recours aux forceps/ventouses), une césarienne planifiée ou d‟urgence peuvent, à des degrés divers, contribuer à l‟apparition des symptômes de stress aigu (Ayers et al., 2009; Olde et al., 2006). Lorsque la mère vit une césarienne d‟urgence ou un accouchement instrumental, elle peut rapporter plus d‟émotions et de souvenirs négatifs de cet évènement, comparativement à celles qui ont eu une césarienne planifiée ou un accouchement vaginal normal (Ryding et al., 1998b; Ryding, Wijma, & Wijma, 2000; Soderquist et al., 2002; Soet et al., 2003; Stadlmayr et al., 2004). Cependant, Czarnocka et Slade (2000) n‟ont pas pu mettre en évidence une association entre le type d‟accouchement et l‟apparition de symptômes de stress post-traumatique. Par ailleurs, des études ont montré que les réactions de stress aigu et l‟état de stress post-traumatique sont également associés aux accouchements vaginaux normaux (Soderquist et al., 2002; Srkalovic Imsiragic et al., 2009), bien que l‟association soit plus forte entre les accouchements instrumentaux, les césariennes d‟urgence et l‟apparition de symptômes de stress (Ryding, Wijma, & Wijma, 1998a; Soderquist et al., 2002), comme nous l‟avons également constaté pour la dépression postnatale, particulièrement dans le cas d‟une césarienne d‟urgence (Breese et al., 2006; Fisher et al., 1997; Koo et al., 2003). Les techniques obstétricales facilitant l‟accouchement, c‟est-à-dire l‟épisiotomie (incision du périnée facilitant la sortie de l‟enfant), l‟induction (déclanchement artificiel du travail), l‟application d‟ocytocine (hormone synthétisée permettant de maintenir ou d‟accroître les contractions), ont toutes été associées au risque de développer des réactions de stress aigu, voire un état de stress post-traumatique (Alder et al., 2006; Czarnocka & Slade, 2000; Lyons, 1998; Paul, 2008; Waldenström et al., 1996; Waldenström et al., 2004). La durée de l‟accouchement peut également être un facteur de risque, soit lorsque le travail est très long (Ballard et al., 1995; Nystedt, Högberg, & Lundman, 2005; Srkalovic Imsiragic et al., 2009), soit lorsqu‟il est très court (Beck, 2004a; Stadlmayr et al., 2004). En ce qui concerne la douleur, très courante lors d‟un accouchement, elle n‟est pas nécessairement associée à l‟apparition de symptômes de réactions de stress aigu ou de l‟état de stress post-traumatique, ce qui contraste avec la littérature non obstétricale qui a pu mettre en évidence le fait que la douleur est associée au développement de symptômes de stress post101 traumatique (Olde et al., 2006). Cependant, l‟étude de Reynolds (1997) suggère une relation entre l‟expérience de la douleur et les symptômes de stress au post-partum et Soet et coll. (2003) ont trouvé une association significative entre ces deux variables. Selon Olde (2006), l‟expérience de la douleur n‟est pas nécessairement néfaste, mais si son interprétation est dramatique, elle peut mener à une expérience négative de l‟accouchement et donc avoir des répercussions psychiatriques négatives. Une étude menée par Stadlmayr et coll. (2004) à propos de l‟impact de divers facteurs sur le vécu de l‟accouchement suggère que la douleur et son traitement à l‟aide d‟une péridurale devrait être considérée sous son aspect subjectif, c‟est-à-dire sous l‟angle de la perception de la mère de son accouchement et de sa satisfaction globale quant à cet évènement. Selon ces auteurs, le recours à la péridurale ne prévient pas un vécu négatif, ni n‟augmente la satisfaction. Il se peut même que ce traitement anti-douleur puisse avoir un effet indirect sur le vécu négatif de l‟accouchement en prolongeant la durée du travail et en augmentant le risque de recourir aux ventouses/forceps (Howell, 2001, cité par Stadlmayr et al., 2004). Par ailleurs, la dissociation péritraumatique8 comme conséquence de la douleur et des interventions obstétricales, à différencier de la dissociation normale qui est un processus adaptatif facilitant l‟accouchement au niveau physiologique (Stadlmayr et al., 2007), peut être prédictif des réactions de stress aigu et de stress post-traumatique, que ce soit dans le contexte de l‟accouchement ou non (Birmes et al., 2003; Boudou et al., 2007; van Son et al., 2005). En ce sens, la dissociation péritraumatique, qui est un symptôme de réactions de stress aigu, semble être un prédicteur potentiellement important de l‟état de stress posttraumatique, suggérant que la dissociation soit un symptôme central des réactions de stress aigu (Classen, Koopman, Hales, & Spiegel, 1998; Olde et al., 2005). En d‟autres termes, la dissociation est vue à la fois comme un symptôme des réactions de stress aigu, mais également comme un prédicteur de l‟état de stress post-traumatique. Toutefois, notons qu‟une récente étude n‟a pas pu mettre en évidence un tel lien dans le contexte de la première semaine post-partum. Par conséquent, le rôle de la dissociation dans l‟apparition des symptômes de stress post-traumatique et son importance dans les réactions de stress aigu doivent encore être clarifiés (Olde et al., 2006; Soderquist et al., 2002; Srkalovic Imsiragic et al., 2009). 8 La dissociation péritraumatique correspond à des sentiments tels qu‟un profond sentiment d‟irréalité de l‟événement au moment où il se produit, comme des altérations de la perception, du temps et de l‟espace, tout comme les sentiments de déconnexion de son propre corps, ou des expériences extracorporelles (Stadlmayr et al., 2007). 102 Finalement, un accouchement prématuré, un faible poids à la naissance, un état de santé nécessitant des soins postnataux en néonatologie, ainsi que la séparation de la mère et du bébé en raison des soins, peuvent être associés à l‟apparition de symptômes de stress post-partum (Ballard et al., 1995; Beck, 2004a; Callahan & Hynan, 2002; Paul, 2008; Slade, 2006). En résumé, les facteurs obstétriques objectifs peuvent devenir traumatisants sous certaines conditions. Ainsi, les interventions obstétricales peuvent jouer un rôle dans la perception traumatique de l‟accouchement, mais des facteurs plus personnels et subjectifs jouent un rôle médiateur dans l‟apparition des symptômes de stress aigu, voire de ceux d‟un état de stress post-traumatique (Olde et al., 2006; Stadlmayr et al., 2006; Stadlmayr et al., 2007). En définitif, en concevant l‟accouchement sous un angle multidimensionnel, nous comprenons que les différents facteurs de risques deviennent significatif de par leur accumulation, leurs interactions, ainsi que par la composante subjective liée au vécu de l‟évènement par la mère (Creedy et al., 2000; Ford et al., 2009; P. Goodman et al., 2004; Olde et al., 2006; Stadlmayr et al., 2004). Il n‟y a à l‟heure actuelle aucun modèle des facteurs de risque qui puisse être dégagé en raison du manque d‟études épidémiologiques (Olde et al., 2006; Slade, 2006). Toutefois, nous pensons que les trois grandes catégories de facteurs de risque définis dans ce travail peuvent permettre une meilleure compréhension de l‟apparition des symptômes de stress aigu, de leur chevauchement avec ceux relatifs à la dépression postnatale, ainsi que de leurs conséquences sur le plan familial. 5.2.5 Conséquences des réactions de stress aigu Nous ne savons encore que peu de choses sur les conséquences que les réactions de stress aigu peuvent avoir sur la famille, que se soit au niveau de la relation parentale, du développement de l‟enfant, du conjoint ou de la relation conjugale. A notre connaissance, aucune donnée n‟est disponible concernant les conséquences possibles au niveau de la relation coparentale, ni au niveau des interactions familiales triadiques. Cependant, des études qualitatives admettent qu‟un état de stress post-traumatique peut avoir des conséquences immédiates et à long terme sur l‟ensemble du système familial (Ayers et al., 2006; Ayers et al., 2008; Nicholls & Ayers, 2007; Olde et al., 2006; Wijma, 2006). Nous allons dès lors esquisser les pistes de compréhension qui ont été suggérées par certains auteurs. 103 5.2.5.1 Conséquences sur le lien mère – enfant et sur le développement de l’enfant Nous n‟avons à l‟heure actuelle que peu d‟informations sur le lien que la mère entretient avec son enfant lorsqu‟elle souffre de réactions de stress aigu, voire qu‟elle présente des symptômes de l‟état de stress post-traumatique (Ayers et al., 2007). Contrairement à la dépression maternelle postnatale, où les recherches ont pu montrer son impact négatif sur le développement de l‟enfant, cet aspect commence tout juste à être pris en considération dans le champ du traumatisme consécutif à l‟accouchement (Alder et al., 2006; Slade, 2006). L‟étude de Kumar (1997) apporte un éclairage intéressant. Cet auteur rapporte en effet que les mères qui ont vécu des accouchements douloureux et/ou qui souffrent d‟un trouble psychologique à la période postnatale développent des liens négatifs avec leur bébé. Elles peuvent être indifférentes à leur nourrisson, voire étrangères en le considérant comme « le bébé de quelqu’un d’autre ». Elles peuvent également manifester du ressentiment à l‟égard de leur enfant, de l‟hostilité, des comportements d‟évitement ou de négligence. Dans des cas extrêmes, elles peuvent vouloir faire du mal à leur bébé. Bailham et Joseph (2003) font un constat similaire en suggérant que les mères souffrant d‟un état de stress post-traumatique peuvent éviter tout contact avec leur bébé ou inversement, elles peuvent se montrer hypervigilantes menant à un attachement surprotecteur ou anxieux. De plus, des preuves indirectes soutiennent cette idée. Il y a en effet des études de cas qui ont rapporté des problèmes d‟attachement entre la mère et l‟enfant lorsque cette dernière a manifesté des symptômes de stress suite à un accouchement traumatique (Ayers et al., 2006; Ballard et al., 1995). Dans le contexte des réactions de stress aigu, les symptômes d‟intrusion (flash-backs, réminiscences) et/ou d‟évitement (chercher à éviter tout rappel de l‟évènement traumatique) peuvent entraîner comme conséquence le fait que le bébé devienne un rappel constant du traumatisme (Alder et al., 2006; J. Davies et al., 2008). Des mères ont rapporté des sentiments de culpabilité et de honte face aux sentiments qu‟elles ont à l‟égard de leur bébé, mais certaines se sont également montrées plus distantes, ce qui peut avoir des répercussions sur le développement de la relation mère – enfant (Beck, 2004b; Stadlmayr et al., 2007). En d‟autres termes, la mère souffrant de réactions de stress aigu peut être amenée à éviter les échanges émotionnels afin d‟éviter toute réminiscence de l‟accouchement traumatique (Ballard et al., 1995; Brockington, 2004b; Menage, 1993). Par conséquent, des moments 104 importants pour le développement de la relation mère – enfant, notamment lors de l‟allaitement ou des soins en général, peuvent être compromis, pouvant amener la mère à vivre ceci comme un échec, occasionnant une plus grande souffrance en retour (Ayers et al., 2008). Par exemple, des mères ont rapporté dans le cadre d‟études de cas qu‟elles ont une faible estime de soi, se sentent moins patientes et plus facilement irritables et peinent à éprouver des sentiments positifs et chaleureux pour leur enfant (Allen, 1998; Beck, 2004a; J. Davies et al., 2008). Finalement, un cercle vicieux peut s‟installer dans la relation mère – enfant, et présente le risque de mettre à mal les compétences parentales, que se soit chez la mère où le père (Ayers et al., 2008). Nous pensons par ailleurs qu‟en raison de la comorbidité entre les réactions de stress aigus et la dépression postnatale, il est fort probable qu‟un effet cumulatif ou d‟interaction entre ces deux troubles puisse influencer le développement de l‟enfant, soulignant ainsi la nécessité d‟intégrer les réactions de stress aigu dans l‟étude des troubles des interactions à la période postnatale. De futures recherches sont toutefois nécessaires pour asseoir ce point de vue. Bien que nous ne disposions pas encore d‟études démontrant un développement défavorable de l‟enfant d‟une mère éprouvant des réactions de stress aigu et éventuellement un état de stress post-traumatique avec le temps, il nous est possible de dire que son développement peut être à risque, tout comme l‟ensemble du système familial, les symptômes ayant certainement des répercussions sur les divers membres de la famille (Alder et al., 2006; Ayers et al., 2008; Greenhalgh, Slade, & Spiby, 2000; Nicholls & Ayers, 2007). Il a d‟ailleurs été suggéré que les réactions de stress aigu interfèrent avec l‟adaptation parentale, cette capacité d‟adaptation diminuée chez la mère pouvant mener à un épuisement du réseau familial et en retour générer des conflits dans la relation conjugale (Stadlmayr et al., 2007). 5.2.5.2 Conséquence sur le conjoint et la relation conjugale Lorsque la mère souffre de symptômes de stress, les effets négatifs sur la relation conjugale se rapportent à un dysfonctionnement sexuel et un déclin au niveau de l‟intimité. En effet, la plupart des femmes rapportent avoir des difficultés sexuelles en raison du traumatisme de l‟accouchement et de la peur d‟être à nouveau enceinte (Alder et al., 2006; Ayers et al., 2006; Fones, 1996; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Ces dysfonctionnements dans la sexualité du couple peuvent mener à des conflits conjugaux qui, s‟ils ne peuvent être résolus, peuvent se répercuter sur le développement de l‟enfant et le bien-être du conjoint, voire contribuer à la 105 chronicité et le maintien d‟un trouble de stress post-traumatique (Ayers et al., 2006; Ayers et al., 2007; Gottman, 1993; Slade, 2006; Wenzel, Haugen, Jackson, & Brendle, 2005). Ainsi, la relation conjugale pâtit des difficultés sexuelles (Nicholls & Ayers, 2007) et peut en retour affecter les relations parentale et coparentale (Gable et al., 1995; Margolin, 2001; McHale, 1995), et ainsi porter préjudice au fonctionnement du système familial triadique. D‟un autre point de vue, le manque d‟intimité sexuelle peut affecter la perception que la mère a d‟ellemême, dans le sens d‟une baisse de l‟estime de soi, ne se sentant pas dans la capacité de remplir pleinement son rôle d‟épouse. Une distance dans le couple peut alors se créer, contribuant également à une relation conjugale détériorée, parfois marqué par des sentiments de colère envers le conjoint et d‟un manque de confiance, cristallisant ainsi une communication de faible qualité (Ayers et al., 2006). Ayers et al. (2006) ont rapporté des témoignages de mères qui ont perçu leur conjoint comme soutenant, tandis que d‟autres ont senti un manque de compréhension de leur part. Elles peuvent alors se sentir abandonnées par leur conjoint, tandis que ce dernier se sent également rejeté. Nous comprenons donc toute l‟importance que le soutien entre les parents revêt dans ce contexte. Tout comme pour la dépression maternelle postnatale, Ayers et al. (2006) ont suggéré que le père pourrait prendre une part plus active et compenser les difficultés liées à l‟indisponibilité de la mère (Dennis & Ross, 2006b). En ce sens, un père qui peut s‟investir davantage auprès du nouveau-né, notamment pour les soins, pourrait avoir un effet modérateur sur les conséquences développementales pour l‟enfant. De même, en se montrant soutenant et compréhensif auprès de la mère, il est possible que la relation conjugale s‟en trouve améliorée, de même que la rémission des symptômes de stress aigu facilitée. Toutefois, si le père ne peut pas être soutenant, il est possible que cela amplifie les conséquences sur le développement de l‟ensemble de la famille. Il a d‟ailleurs été suggéré que pour que le conjoint puisse apporter un soutien solide, il est nécessaire que l‟indisponibilité momentanée de la mère face à ses tâches et responsabilités soit explicitée. De plus, il est recommandé d‟activer un réseau de soutien psychosocial afin d‟éviter que le conjoint épuise ses ressources et celles du couple (Alder et al., 2006). Le soutien du conjoint au niveau émotionnel et concret pourrait donc être considéré comme un élément favorable à un meilleur développement de l‟enfant et des relations familiales. Finalement, des résultats contradictoires ont été trouvés concernant l‟apparition, chez le père, de symptômes de stress suite à l‟accouchement traumatique de leur conjointe. Bien qu‟il soit 106 surprenant de penser qu‟un accouchement puisse générer des symptômes de stress pour le père, alors que la souffrance physique est vécue par la mère, il est possible d‟affirmer qu‟une proportion d‟homme est susceptible d‟être affectée par des réactions de stress aigu. En effet, deux études rapportent des taux de prévalence qui, bien qu‟ils diffèrent passablement, rapportent néanmoins que des pères éprouvent des difficultés liées à une symptomatologie de stress post-traumatique (Ayers et al., 2008; Ayers et al., 2007; Skari et al., 2002). Il est possible que le père présente une vulnérabilité permettant l‟expression de ces symptômes, voire qu‟il ait été traumatisé par l‟accouchement et les diverses interventions obstétricales possibles. D‟ailleurs, nous pensons que la présence du père en salle d‟accouchement n‟est pas toujours souhaitable, particulièrement lorsqu‟il n‟est pas préparé à cet évènement, par exemple s‟il n‟a pas suivi les cours de préparation à l‟accouchement (Le Camus, 2004). Il se peut également que lorsqu‟il vit l‟accouchement de sa compagne de manière négative, il développe des symptômes de dépression postnatale (Greenhalgh et al., 2000). Son état affectif peut de ce fait se répercuter sur sa capacité à apporter du soutien (Creedy, 1999). En définitif, le père peut être à risque de développer des symptômes de stress aigu lorsque sa conjointe souffre de ces symptômes. Suivant la sévérité et la persistance de ces symptômes, nous pensons que les répercussions sur l‟ensemble familial peuvent être considérables, ce qui est en accord avec les théories systémiques et les résultats de recherches sur les troubles lors de la transition à la parentalité (Fincham, 1998; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Perren et al., 2003). Le développement de l‟enfant ainsi que celui des relations familiales précoces peuvent être compromis. 5.3 Synthèse Nous avons vu dans ce chapitre que la dépression maternelle ne présente pas réellement d‟étiologie spécifique, bien que certaines particularités propres à la période postnatale aient été relevées (Dennis & Ross, 2006a; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Il en va de même pour les réactions de stress aigu, qui présentent une étiologie similaire à celle de la dépression postnatale ainsi que des manifestations symptomatiques proches (Czarnocka & Slade, 2000; Srkalovic Imsiragic et al., 2009; White et al., 2006). De plus en plus de constats vont par ailleurs dans le sens d‟une comorbidité entre ces deux troubles (Ayers et al., 2008; White et al., 2006). En ce sens, nous avons pu mettre en évidence le fait qu‟entre 33% et 65% des mères qui souffrent de symptômes de stress post-traumatique manifestent également des 107 symptômes de dépression postnatale. De même, parmi les mères déprimées, jusqu‟à 22% d‟entres elles peuvent présenter des réactions de stress aigu. Ce chevauchement des deux troubles des interactions précoces nous a permis de souligner des implications cliniques dans le contexte de la périnatalité. Premièrement, le fait que de nombreuses études n‟aient pas pris en compte l‟évaluation des deux symptomatologies remet en question les taux de prévalence actuellement rapportés. Il est en effet possible que les études rapportant la prévalence de la dépression postnatale sans tenir compte de l‟aspect potentiellement traumatisant de l‟accouchement, détectent des mères souffrant de stress posttraumatique plutôt que de dépression. Compte tenu des limites méthodologiques actuelles, d‟autres recherches sont donc nécessaires pour établir plus précisément la proportion de femmes susceptibles de développer une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu, voire un état de stress post-traumatique (Ayers et al., 2008; Olde et al., 2006; White et al., 2006). Nous comprenons dès lors l‟importance de porter notre attention sur ces deux troubles lorsque nous nous intéressons aux interactions parent – enfant, étant donné que les manifestations cliniques sont susceptibles d‟être appréhendées par les comportements de la mère. Deuxièmement, l‟attention des professionnels de la périnatalité est principalement portée sur la souffrance induite par la dépression postnatale. Par conséquent, les mères souffrant de réactions de stress aigu peuvent ne pas être repérées et donc ne pas recevoir d‟aide (Boudou et al., 2007). Inversement, certaines mères sont considérées comme souffrant de dépression postnatale alors qu‟elles présentent plutôt des réactions de stress aigu, et ne bénéficient par conséquent pas de soins appropriés (Creedy et al., 2000; White et al., 2006). Il est donc nécessaire de prendre en considération ces deux troubles des interactions précoces lorsque nous cherchons à évaluer le bien-être de la mère au début de la période postnatale, de même que lorsque nous voulons appréhender le fonctionnement familial triadique. Nous avons en effet pu montrer que la présence de symptômes de dépression postnatale et/ou de réactions de stress aigu peut avoir des conséquences tant pour la mère, l‟enfant et le conjoint, que pour l‟ensemble du système familial. Si nous occultions l‟un des deux troubles des interactions précoces dans l‟étude du fonctionnement familial triadique au début de la période postnatale, nous prendrions le risque de ne pas détecter une détresse significative pour un certain nombre de familles, voire de l‟interpréter de manière erronée et par conséquent, de ne pas pouvoir apporter une aide en adéquation aux besoins de la famille. Par ailleurs, bien que la trajectoire développementale des enfants de mères déprimées soit bien mieux étudiée que 108 celle des enfants de mères souffrant d‟un stress aigu consécutif à un accouchement traumatique, nous pensons que lorsque la mère présente ces deux symptomatologies, un effet cumulatif peut accroître le risque d‟un développement défavorable de l‟enfant. Ce dernier point est d‟autant plus important compte tenu du fait que les femmes qui ne rencontrent pas le profil complet d‟un état de stress post-traumatique devraient bénéficier d‟un traitement spécifique (Ayers et al., 2008). De même, la dépression postnatale requiert un traitement différent de celui d‟un état de stress post-traumatique (Czarnocka & Slade, 2000). En définitif, considérer ces deux troubles dans l‟étude de l‟établissement des relations familiales au début du post-partum devrait permettre une meilleure compréhension des dysfonctionnements probables dans l‟établissement des relations familiales triadiques, affinant en retour le choix de propositions d‟aides possibles lorsqu‟une détresse est avérée, et minimisant dès lors le risque pour l‟enfant de développer une psychopathologie internalisée ou externalisée. Finalement, nous avons pu esquisser les divers comportements dysfonctionnels qui peuvent se manifester lors des interactions familiales, qu‟elles soient dyadiques ou triadiques. Par conséquent, à l‟aide de la situation d‟observation DCP, nous nous attendons à pouvoir déceler chez les mères déprimées et/ou présentant des symptômes de stress aigu, des manifestations comportementales telles que le retrait ou l‟évitement du contact avec le bébé et/ou le conjoint, un manque de sensibilité et de disponibilité émotionnelle, des expressions faciales renfermées, ce qui devrait péjorer la qualité des interactions observées. Afin de valider ces attentes, nous vérifierons donc que le DCP, à l‟aide de son système de codage, permette effectivement de mettre en lumière un fonctionnement familial altéré par la présence d‟une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu. 109 Chapitre VI : Synthèse de la littérature et problématique Dans le cadre de notre recherche, nous avons pour objectif la construction d‟un nouvel outil qui, dans le contexte particulier de la périnatalité, nous permette de détecter de manière précoce les familles en souffrance. Ceci, d‟une part, afin d‟éviter que des comportements dysfonctionnels ne se cristallisent, favorisant un développement défavorable du nouveau-né et, d‟autre part, afin d‟apporter une meilleure compréhension du fonctionnement familial triadique au début du post-partum ainsi que des nouvelles connaissances sur les compétences du nouveau-né de trois semaines post-partum. Afin de construire ce nouvel outil, nous avons délimité notre champ de recherche autour de quatre axes qui permettent de bien cerner l‟ampleur de la portée de la situation d‟observation « Diaper Change Play » (DCP), à savoir : 1. Le recours à la méthode observationnelle pour appréhender le fonctionnement familial triadique au début de la période postnatale 2. L‟établissement des relations familiales triadiques et le fonctionnement familial précoce dans le contexte de la transition à la parentalité, en tenant compte des différents soussystèmes qui composent la triade et de leurs influences réciproques 3. Les compétences interactionnelles du nouveau-né de trois semaines de vie post-partum et son influence sur son environnement immédiat (les parents) 4. L‟impact de la dépression postnatale et des réactions de stress aigu sur l‟établissement des relations familiales et le développement de l‟enfant. Le choix d‟étudier le fonctionnement familial à la troisième semaine post-partum réside dans le fait de pouvoir prévenir la cristallisation de comportements dysfonctionnels, mais également dans le fait que cette période représente un moment clé pour une action préventive ou thérapeutique car les professionnels de la périnatalité sont encore en contact avec les familles. 110 Nous allons présenter dans ce chapitre ce que la revue de la littérature nous a permis de synthétiser autour de ces quatre axes, en deux parties : la première partie, incluant la présentation des trois premiers axes, nous permettra de comprendre les choix sous-tendus dans la création du DCP et de son système de codage et répondra à la question du « quoi », à savoir qu‟est-ce que nous observons, dans quel contexte et de quelle manière. La deuxième partie, centrée sur le dernier axe, nous permettra de préciser la visée clinique du paradigme expérimental DCP, à savoir à qui il est destiné (autant dans l‟utilisation par les professionnels que pour cibler les familles à qui le proposer) et dans quel but (dans la perspective d‟une prévention primaire, ou autrement dit, pour une détection et une intervention précoces). A la suite de quoi, nous exposerons notre problématique ainsi que les questions théoriques qui en découlent. 6.1 L‟étude et la conceptualisation du système familial triadique au début de la période postnatale En s‟intéressant à la transition à la parentalité, nous nous situons à la période où le couple devient une famille et doit gérer de nouvelles relations, à savoir la relation parentale et coparentale qui viennent s‟ajouter à la relation conjugale (Frascarolo, Darwiche et al., 2009). Il s‟agit donc d‟un moment de crise pour le couple, dans le sens où il doit faire face à de nombreux réaménagements et s‟adapter à de nouvelles responsabilités. Pour certains parents, ce défi peut être difficile à surmonter, mettant la famille à risque de développer des patterns de communication dysfonctionnels, constituant en retour un risque pour le développement de l‟enfant (Dulude et al., 1999; Fivaz-Depeursinge, 2008; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005). Dès lors, il nous est paru nécessaire de pouvoir appréhender l‟établissement des relations familiales au tout début du post-partum, et pour ce faire nous avons opté pour l‟étude de la triade. En effet, le système familial triadique exerce une influence unique et spécifique sur le développement de l‟enfant, et cet environnement constitue le lieu privilégié où l‟enfant va apprendre et développer ses compétences sociales (Favez et al., 2009). Ainsi, étudier la triade familiale nous permet d‟avoir une meilleure compréhension du développement de l‟enfant (M. J. Cox & Paley, 2003; Fivaz-Depeursinge, 2003). De même, en incluant le père nous pouvons mieux comprendre les processus familiaux tout en portant une attention particulière à l‟influence qu‟il exerce auprès de l‟enfant (C. Lewis & Lamb, 2003; Ramchandani & McConachie, 2005). 111 6.1.1 Les apports de la méthode observationnelle dans l‟étude de la triade familiale Initialement, la question de savoir comment appréhender le système familial s‟est posée. Il est rapidement apparu que la méthode observationnelle était indiquée à ce but et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, contrairement à l‟utilisation de questionnaires ou d‟entretiens, l‟observation directe des comportements permet une certaine objectivité de nos mesures du fait que nous pouvons accéder aux comportements en eux-mêmes plutôt qu‟à la perception que les parents ont de leurs comportements (Gable et al., 2003; Kerig, 2001). Deuxièmement, nous pouvons intégrer le nouveau-né de trois semaines de vie post-partum qui, bien qu‟il ne possède pas encore la capacité de recourir au langage, dispose d‟un éventail de compétences lui permettant de communiquer par ses comportements. L‟observation de ces comportements dans le contexte triadique permet de prendre en considération les influences réciproques qui s‟exercent entre lui et ses parents. Finalement, impliquer tous les membres de la famille autour d‟une activité commune, revient à observer la famille en action. Nous pouvons accéder aux différents sous-systèmes familiaux qui, rappelons-le, sont interdépendants (Favez et al., 2009; Pinel-Jacquemin & Zaouche-Gaudron, 2009; Talbot & McHale, 2004). Ainsi, nous pouvons appréhender la complexité du système familial, autant que l‟articulation entre les différents sous-systèmes. 6.1.2 Le fonctionnement familial triadique et composition du système familial Au cours des trois premières semaines post-partum, la famille est fraîchement constituée et il a été nécessaire de contextualiser le fonctionnement familial triadique précoce. Avant la naissance de l‟enfant, les conjoints entretiennent une relation conjugale. L‟arrivée de l‟enfant s‟accompagne des premiers échanges postnataux avec ce dernier. Le modèle de l‟encadrement permet de définir les échanges entre les parents (le système encadrant) et le nouveau-né (le système encadré). Les parents ont pour mission d‟encadrer l‟enfant afin de favoriser son développement vers l‟autonomie (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; FivazDepeursinge et al., 2004). Pour ce faire, ils doivent montrer des comportements adaptés à l‟état du bébé et à ses compétences. De même, ils doivent lui adresser des signaux prédictibles. Le bébé, quant à lui, va adresser des signaux à ses parents, ce qui les renseigne sur son état physique et affectif et, en retour leur permettre d‟adapter leurs comportements. 112 L‟alliance familiale émergera finalement du degré de coordination entre le système encadrant et encadré (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001; Frascarolo, Suardi, LavanchyScaiola, & Favez, 2007). Cette alliance permet dès lors de qualifier le fonctionnement familial et se décline en trois grande catégories : l‟alliance harmonieuse qui marquée par l‟inclusion de tous les membres de la famille, une bonne coordination et une circulation des affects ; l‟alliance problématique qui est marqué par la présence d‟un conflit (caché ou non), un manque de coordination et une tension portant préjudice à la circulation des affects ; l‟alliance désorganisée qui est caractérisée par l‟exclusion d‟un ou plusieurs membres de la famille, un manque de cohésion et une circulation difficile ou impossible des affects. Ainsi, l‟alliance harmonieuse est considérée comme fonctionnelle, tandis que les deux autres catégories de l‟alliance sont qualifiées de dysfonctionnelles (Frascarolo, Lavanchy et al., 2007). Nous devons souligner le fait que le fonctionnement familial est influencé par la qualité de la relation parentale, coparentale et conjugale. Ces sous-systèmes présentent une relation d‟interdépendance et contribuent tous à la création des relations familiales. Nous savons que le couple conjugal peut connaître une baisse au niveau de la satisfaction et une diminution des échanges positifs (Lawrence et al., 2008; Schulz et al., 2006). Toutefois, ce déclin atteint un plateau pour la plupart des couples, alors que pour d‟autres, l‟insatisfaction s‟accentue davantage, ce qui peut être dévastateur pour l‟ensemble de la famille (P. A. Cowan & Cowan, 2003). Cependant, il semblerait que l‟impact des conflits conjugaux sur le développement de l‟enfant se fasse par le biais de la relation coparentale (Frascarolo, Darwiche et al., 2009). Cette dernière se définit comme étant la relation qu‟entretiennent les deux parents en ce qui concerne l‟enfant. Elle implique donc une cohérence entre les parents par rapport aux pratiques parentales, un soutien mutuel et une confiance réciproque quant aux pratiques éducatives (McHale et al., 2002). Ainsi, le désacord entre les parents quant aux pratiques éducatives semble être un meilleur prédicteur du développement de l‟enfant que le conflit conjugal (McHale, 2007b). Finalement, la relation parentale influence également le devenir de l‟enfant. Etant donné que nous nous situons au cœur du premier mois post-partum, les parents sont encore peu habitués aux pratiques parentales. Néanmoins, ils disposent d‟une panoplie de comportements innés et adaptés aux compétences du bébé (par exemple, modulation de la voix, adaptation des distances pour favoriser un contact œil à œil), permettant une communication parent – bébé (H. Papousek & Papousek, 2002; M. Papousek, 2007). Ces comportements permettent de réguler et maintenir l‟attention du bébé, ainsi que ses états internes et revêtent donc d‟une importance particulière au niveau des interactions parent – 113 enfant. En définitif, il est nécessaire de tenir compte des différents sous-systèmes et de leurs influences réciproques dans l‟étude du fonctionnement familial au niveau triadique. 6.1.3 Le rôle du nouveau-né dans les interactions familiales triadiques Nous avons établi que le nouveau-né de trois semaines de vie post-partum possède un éventail de compétences qui lui permet d‟interagir et d‟adresser des signaux à ses parents. En effet, il dispose déjà dès la naissance de ses cinq sens sur lesquels il va pouvoir s‟appuyer pour traiter l‟information provenant de son environnement immédiat. Néanmoins, le traitement d‟une modalité sensorielle est influencé par les autres modalités (Gentaz & Mazens, 2006; Goldstein, 2009). Ainsi, la perception intermodale lui permet d‟organiser l‟information de ses cinq sens pour en former un tout, ce qui lui lui donne accès au monde physique ainsi qu‟aux premières interactions sociales (Slater, 2002). Par ailleurs, il est en mesure de discriminer des visages et d‟imiter des expressions faciales (Johnson, 2005; Lagercrantz & Changeux, 2009; Meltzoff & Moore, 1997). Notons encore que cette capacité d‟imitation est considérée comme un critère de sensibilité sociale (Nagy & Molnar, 2004), constituant également une preuve d‟instersubjectivité primaire, c‟est-à-dire l‟interaction manifestée par l‟imitation directe des comportements (Trevarthen & Aitken, 2003). Le nourrisson peut également déplacer sa tête lattéralement autorisant ainsi les réponses d‟orientation (Lester & Tronick, 2004). Toutefois, l‟expression de ses compétences dépend de son niveau de vigilance et à son état (endormi, éveillé ou en pleurs), ce qui influence sa participation aux interactions. Le tempérament du nouveau-né, qui se réfère à la manière dont le bébé répond et interagit avec l‟environnement (Ashford & LeCroy, 2009), peut déjà se manifester à la naissance. Le bébé peut en effet montrer des comportements d‟évitement et de détresse face à certains stimuli (Rothbart, 2007). Le tempérament exerce une influence sur la qualité du parentage (Hsu & Sung, 2008; Kochanska et al., 2004), bien qu‟en retour ce dernier influence également le tempérament du nourrisson (Rothbart, 2007). En définitif, il est admis que le nouveau-né de trois semaines de vie post-partum possède de nombreux moyens pour interagir. En accord avec le modèle de l‟encadrement, nous constatons qu‟il possède des capacités lui permettant de remplir sa fonction de système encadré. En effet, il est en mesure de pouvoir adresser des signaux à ses parents qui leurs permettent en retour de s‟adapter à son état et à ses besoins. Il peut donc être considéré 114 comme participant aux interactions, justifiant dès lors son inclusion dans l‟évaluation du fonctionnement familial triadique. 6.1.4 Conclusions La revue de la littérature portant sur la méthode observationnelle, le système familial triadique dans le contecte de la périnatalité et les compétences du bébé, nous a servi de base à la création d‟un système de codage afin de délimiter le cadre de nos observations au cours du « Diaper Change Play » (DCP). Etant donné que nous ne disposons à l‟heure actuelle d‟aucun modèle du fonctionnement familial au cours du premier mois post-partum cette étape fut nécessaire afin de garantir la meilleure objectivité possible quant au regard à porter sur les interactions familiales triadiques précoces que nous observons à l‟aide du DCP. Nos observations du fonctionnement familial prendront dès lors en compte les différents soussystèmes qui composent la triade, tout en considérant le nourrisson comme étant capable d‟interagir avec ses deux parents. Toutefois, un fonctionnement familial harmonieux peut être mis en péril dans certaines circonstances. En effet, la transition à la parentalité étant un moment de crise pour les familles, certaines d‟entres elles peuvent être particulièrement à risque, notamment lorsque la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de réactions de stress aigu. Il nous est donc nécessaire de pouvoir bénéficier d‟un outil nous permettant de déceler les familles qui éprouvent une telle souffrance afin de leur proposer des solutions d‟aide adaptées. 6.2 Le contexte hospitalier comme lieu privilégié pour la détection des familles en souffrance Bien que la situation d‟observation présente un intérêt certain pour l‟étude du développement de l‟enfant, ainsi que pour combler le vide théorique existant par rapport à l‟étude de la triade familiale au début de la période postnatale, elle a avant tout été pensée dans le cadre hospitalier. Etant donné que les professionnels de la périnatalité ont accès aux familles au cours des trois premières semaines post-partum, il leur est possible de détecter une souffrance psychologique (Alder et al., 2006; Watt et al., 2002). Au-delà de cette période, ces mêmes professionnels n‟ont plus accès aux familles et il devient difficile, voire impossible 115 d‟intervenir, plaçant ainsi la famille à risque de cristalliser des comportements dysfonctionnels, ce qui constitue en retour un risque pour l‟enfant de développer une psychopathologie (Favez et al., 2009; Oyserman et al., 2000). En créant la situation d‟observation DCP, nous pensons pouvoir offrir aux professionnels de la périnatalité un outil permettant de détecter les familles en souffrance et ainsi, d‟exercer une prévention primaire en agissant avant l‟apparition d‟un trouble psychopathologique, voire de proposer une aide le cas échéant. Etant donné que la dépression postnatale constitue une préoccupation croissante en terme de santé publique (Affonso et al., 2000) et que les réactions de stress aigu, pouvant mener à un état de stress post-traumatique, est un trouble comorbide, nous avons choisi de prendre en considération ces deux troubles des interactions précoces, ce qui a été suggéré notamment par Ayers et coll. (2006). Cependant, comment ces deux troubles se manifestent au niveau des interactions familiales triadiques ? Quels impacts ont-ils sur le fonctionnement familial et le développement de l‟enfant ? Notre revue de la littérature permet d‟apporter un éclairage à ces questions. 6.3 La dépression postnatale et les réactions de stress aigus : leurs manifestations et leurs conséquences au sein de la triade familiale En passant en revue les facteurs de risques de ces deux troubles, ainsi que leurs conséquences sur la triade familiale, nous avons souligné toute la complexité liée à la compréhension des mécanismes sous-jacents et à la manière dont la dépression postnatale et/ou les réactions de stress aigu influencent non seulement les individus, mais également chacun des soussystèmes, et donc le fonctionnement familial dans sa totalité. Ainsi, une mère qui présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de réactions de stress aigu sera moins à même de répondre de manière satisfaisante aux signaux de son enfant, et la relation parentale qu‟elle entretient avec lui pourra s‟en trouver péjorée. Dans le même sens, la relation conjugale pourra être affectée, se traduisant par une insatisfaction ressentie par les conjoints et un déclin de leur intimité. Dès lors, la manière dont le père répondra à ces symptômes, selon son degré de vulnérabilité, influencera en retour sa propre relation à son enfant. En effet, il a été démontré que certains pères développent à leur tour une dépression ou des symptômes de stress, ce qui peut aggraver le risque pour l‟enfant de développer une psychopathologie (Ayers et al., 2007; Nicholls & Ayers, 2007; Spector, 2006). A l‟inverse, ils peuvent avoir un rôle modérateur, atténuant les effets de la dépression maternelle sur le développement de l‟enfant (Ayers et al., 2006; Hossain et al., 1994). Finalement, l‟enfant, de par son 116 tempérament, va exercer une influence sur la qualité du parentage, voire du coparentage (Gable et al., 1995; H. Papousek, 1996; Wong et al., 2009). Son influence peut contribuer à des difficultés dans l‟établissement des liens avec chaque parent, particulièrement lorsqu‟il présente un tempérament difficile (Ayissi & Hubin-Gayte, 2006). Nous comprenons dès lors que les mécanismes d‟influence de la dépression maternelle et des réactions de stress aigu sur l‟ensemble des membres de la famille et sur son fonctionnement sont complexes et doivent encore être clarifiés. En effet, l‟influence que chaque membre de la famille a au niveau de l‟établissement des relations familiales, ainsi que sur la qualité des relations de chaque sous-système, de même que la trajectoire développementale de l‟enfant dans le contexte des deux troubles postnataux qui ont retenu notre attention, doivent encore être étudiés car les résultats de recherches peinent à trouver un modèle explicatif satisfaisant. Néanmoins, nous opterons pour la position qui consiste à penser que la dépression maternelle et les réactions de stress aigu placent toutes deux la famille dans une situation critique pour l‟établissement de relations familiales stables et chaleureuses (Alder et al., 2006; J. H. Goodman, 2008; Greenhalgh et al., 2000; Perren et al., 2003; Slade, 2006; Soderquist et al., 2006). Dès lors, le fonctionnement familial devrait être de moins bonne qualité dans les familles où la mère présente des symptômes dépressifs et/ou de stress aigu. Dans le cadre de la situation d‟observation DCP, nous devons donc être attentifs aux manifestations cliniques telles que les signes d‟anxiété, les expressions faciales froides, le manque de plaisir à réaliser les soins et à être ensemble, ainsi que l‟incapacité à entrer en résonance affective avec le nouveau-né et le conjoint. En ce sens, nous pensons que les émotions négatives, l‟évitement dans les contacts, le manque de disponibilité et de partage, la présence de conflit entre les parents, peuvent être autant d‟aspects qui peuvent se manifester lors des interactions familiales triadique. Par ailleurs, l‟insatisfaction conjugale est liée à la dépression et aux réactions de stress aigu, et par conséquent, la qualité de la relation conjugale étant potentiellement diminuée, elle peut influencer les interactions observées au niveau du système familial triadique (Lauretti & McHale, 1997, cité par McHale et al., 2002). Du fait que la qualité de la relation est le meilleur prédicteur de l‟investissement du père auprès de l‟enfant (Coley & Chase-Lansdale, 1999; Egeland & Carlson, 2004), nous nous attendons à ce qu‟il se montre moins engagé. Cependant, le fait qu‟il puisse compenser en s‟investissant davantage auprès de l‟enfant et qu‟il puisse soutenir la mère au niveau émotionnel et concret nous pousse à penser d‟une part que cet effet modérateur peut se voir lors des interactions et, 117 d‟autre part que lorsqu‟il ne peut pas être considéré comme soutenant, la famille est plus à risque de montrer des interactions dysfonctionnelles, donc place l‟enfant et la famille à risque pour le développement des relations familiales (C. P. Cowan, Cowan, Pruett, & Pruett, 2007). Par conséquent, la situation d‟observation DCP semble fournir un cadre privilégié pour observer les dysfonctionnements au sein de la famille lorsque la mère présente une symptomatologie postnatale. 6.4 Problématique et questions théoriques Dans le but d‟appréhender le fonctionnement familial triadique au début de la période postnatale, nous avons créé un système de codage appliqué à la situation d‟observation DCP, qui tienne compte d‟une part de la complexité du système familial et, d‟autre part de l‟impact du nouveau-né dans les interactions familiales observées. Nous proposons donc une étude de validation de cet outil autour de quatre questions de recherches. Notre système de codage « FAAS – DCP » comporte neuf dimensions qui permettent de qualifier les interactions familiales observées, avant d‟établir l‟alliance familiale. Nous devons donc établir la cohérence de ces dimensions, à savoir si elles contribuent toutes à l‟évaluation du fonctionnement familial. Nous chercherons donc à vérifier la fiabilité de notre échelle. En d‟autres termes, nous voulons nous assurer que notre construction théorique du fonctionnement familial soit pertinente. Ensuite, nous souhaitons vérifier l‟objectivité liée à l‟utilisation du manuel, c‟est-à-dire savoir si différents évaluateurs portent un regard similaire quant au fonctionnement familial, tout en s‟appuyant sur le système de codage « FAAS – DCP ». Nous chercherons donc à établir la fidélité inter-juges de notre outil, afin de nous assurer d‟une compréhension partagée de la manière d‟évaluer les familles. Sans quoi, notre outil devrait être remanié afin de garantir une utilisation adéquate dans l‟étude du fonctionnement familial triadique. Concrètement, nous allons établir dans quelle mesure un consensus se dégage lorsque plusieurs juges évaluent les mêmes familles aux neuf dimensions interactives du « FAAS – DCP » ainsi qu‟à l‟attribution de l‟alliance familiale. Puis, nous chercherons à savoir si ce que nous mesurons à l‟aide de la situation d‟observation DCP et de son système de codage nous permet réellement de qualifier le fonctionnement 118 familial. Nous postulons que le fonctionnement familial triadique à trois semaines tel qu‟observé au DCP est comparable à celui évalué à trois mois grâce à la situation d‟observation « Lausanne Trilogue Play » (LTP). Etant donné que la situation d‟observation DCP et son sytème de codage sont inspirés du LTP et de son propre système de codage « FAAS », nous allons déterminer dans quelle mesure nos évaluations sont similaires à trois semaines et à trois mois. Des études ont montré la stabilité de l‟alliance familiale entre la grossesse et la fin de la première année post-partum (Carneiro et al., 2006; Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006). Dès lors, nous nous attendons à ce que l‟alliance familiale établie à l‟aide du DCP s‟inscrive dans cette stabilité, le fonctionnement familial devant alors être comparable à celui mis en évidence au LTP. Nous chercherons ainsi à établir la validité prédictive du système de codage relatif au DCP. Finalement, et afin de répondre au besoin croissant de disposer d‟un outil fiable permettant de dépister, de prévenir et de proposer une aide aux familles en souffrance, nous chercherons à vérifier que la situation d‟observation DCP et son système de codage nous permette leur identification. Sachant que la dépression postnatale et/ou les réactions de stress aigu ont un impact sur les relations familiales, nous postulons que les familles où la mère présente l‟une ou l‟autre de ces symptomatologie, voire les deux, devraient montrer un fonctionnement familial de moins bonne qualité. En d‟autres termes, nous devrions être en mesure de mettre en évidence des interactions familiales triadiques détériorées lorsque la mère présente une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu, comparativement aux familles où la mère ne présente aucun symptôme. Nous chercherons ainsi à établir la validité critérielle du système de codage propre au DCP. 119 Chapitre VII : Méthode Comme nous l‟avons mentionné dans notre introduction, ce travail de validation de la situation d‟observation DCP s‟ancre dans le contexte de deux études. Il s‟agit de l‟étude SESAM-L, dont le requérant principal est le Dr. Stadlmayr, ainsi que d‟une ancienne recherche menée à l‟hôpital régional de Breitenbach par le même médecin. Afin de mettre en lumière les étapes successives qui ont abouti au présent travail, nous présenterons les contextes dans lesquels ces deux projets de recherche s‟inscrivent, ce qui nous permettra d‟ancrer la construction de notre méthodologie, que nous présenterons en détails dans ce chapitre. La première étude, menée à Breitenbach, est elle-même issue d‟un autre projet de recherche intitulé « Geburtserleben & Geburtsverarbeitung » (FNS-N° 3200-049741.96) et qui a été mené entre 1997 et 2000 à la maternité de Bâle. Ce dernier avait pour but d‟étudier l‟impact d‟une psychopathologie parentale sur le développement précoce de l‟enfant ainsi que sur la famille. L‟étude « Geburtserleben, Geburtsverarbeitung & früheste Eltern-Kind-Beziehung » (« Ethikkommission Beider Basel EKBB », Studie 250/00), menée à l‟hôpital de Breitenbach entre 2001 et 2003, est une prolongation de ce projet de recherche, et avait comme objectif d‟étudier le vécu de la mère de son accouchement. L‟hypothèse étant que ce vécu subjectif pouvait affecter d‟une part, les interactions mère – enfant et, d‟autre part, les interactions familiales. Elle a été soutenue par les fondations « Mutterhilfe » et « Florindon9 », toutes deux basées à Zürich. Afin de compléter les instruments utilisés dans le cadre de la première étude, le Dr. Stadlmayr a intégré, dans le cadre de ce deuxième projet, des situations d‟observation dont le « Diaper Change Play » (DCP), qu‟il a lui-même élaboré afin d‟observer le fonctionnement familial précoce. Ainsi, dans cette recherche exploratoire, le fonctionnement familial a pu être comparé au vécu subjectif de la mère de son accouchement, en prenant en considération l‟apparition d‟une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu. Le but de cette recherche était alors de créer une méthodologie pour évaluer les interactions familiales avec un nourrisson de trois semaines de vie post-partum dans le contexte hospitalier. 9 Pour plus de détails sur les fondations Mutterhilfe et Florindon et leurs missions, nous renvoyons le lecteur aux adresses Internet suivantes : http://www.mutterhilfe.ch et http://www.florindon-foundation.ch 120 Quant à l‟étude SESAM-L, elle est un sous-projet du projet national de recherche SESAM (Swiss Etiological Study of Adjustment and Mental Health) initié en 2005 et qui s‟est interrompu le 30 septembre 2009 en raison de problèmes de recrutement. Il s‟agissait d‟un projet de recherche multicentrique et interdisciplinaire qui avait pour but d‟identifier les paramètres complexes du développement psychique humain tout au long de la vie et ce, depuis la grossesse. Ainsi, la découverte de liens entre les conditions socioéconomiques, les facteurs génétiques et biologiques, l‟histoire de la grossesse, les facteurs psychologiques des parents et grands-parents, et le développement bio-psycho-social à long terme de l‟enfant en constituaient les domaines de recherche. En 2008, chacun des sous-projets a été réexaminé, dont l‟étude en cours « SESAM – Teilstudie L – Triadic Family Functioning (TFF) - an integrated psychosomatic approach to obstetrics and infant development », qui est encore soutenue par le Fond National Suisse (SESAM-L, FNS-N° 105314-127121). Elle se déroule à la clinique de la maternité de l‟hôpital de l‟Ile à Berne et poursuit les mêmes objectifs que la recherche menée à Breitenbach, à savoir de comprendre comment le vécu subjectif de la mère de l‟accouchement peut affecter le développement de l‟enfant ainsi que le fonctionnement familial et ce, en tenant compte de l‟apparition d‟une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu. Néanmoins l‟étude SESAM-L permet d‟approfondir l‟étude du fonctionnement familial en analysant les changements au niveau triadique entre la grossesse, les premières semaines et mois du post-partum et les premières années de vie de l‟enfant. Ainsi, bien que ces deux projets partagent des points d‟évaluation identiques, l‟étude SESAM-L intègre des instruments supplémentaires pour divers points de mesure, dont une évaluation neuro-comportementale du nouveau-né à trois semaines post-partum à l‟aide du « NICU Network Neurobehavioral Scale » (NNNS) ainsi que la situation d‟observation « Lausanne Trilogue Play » (LTP) à trois mois post-partum. Le présent travail, dont l‟objectif principal est la validation de la situation d‟observation DCP, est né au sein du projet SESAM-L. Les données issues de l‟étude exploratoire menée à Breitenbach, à savoir les vidéos des familles, ont été utilisées afin d‟affiner la méthodologie du DCP, et pouvoir ensuite l‟appliquer à la recherche en cours. Ainsi, avant d‟entreprendre le travail de validation de ce nouveau paradigme expérimental, nous avons opéré des modifications à la méthodologie de base (setting du DCP et manuel de codage) pour répondre aux besoins de l‟étude SESAM-L. Par ailleurs, étant donné que ces deux projets partagent des instruments et des points de mesure identiques, nous avons combiné leurs données respectives 121 afin de répondre à deux de nos questions de recherche, tout en gagnant en puissance statistique. Dans ce chapitre, nous allons dès lors présenter les deux échantillons issus des études Breitenbach et SESAM-L, que nous décrirons sous l‟angle des facteurs sociodémographiques et obstétricaux. Nous mettrons également en perspective les caractéristiques des données issues de la fusion de ces deux échantillons. Ensuite, nous présenterons notre variable contrôle, à savoir l‟état de santé des nouveaux-nés, ainsi que les instruments qui ont permis de la mesurer. Puis nous exposerons les différentes étapes de la construction de la situation d‟observation DCP ainsi que de l‟élaboration du manuel de codage « FAAS – DCP ». Finalement, nous présenterons les variables (instruments et procédures) retenues pour le travail de validation de notre système de codage, les considérations éthiques, avant de conclure sur nos questions de recherches opérationnalisées. 7.1 Population et échantillonage Dans cette section, nous allons présenter les deux échantillons qui découlent des recherches de SESAM-L et de Breitenbach, et qui permettront de répondre à nos questions de recherche. Concrètement, l‟échantillon SESAM-L nous permettra de répondre à la question de la validité prédictive et l‟échantillon Breitenbach à l‟établissement de la fidélité inter-juges. La fusion des données provenant de ces deux échantillons nous permettra de répondre aux deux questions de recherche restantes, à savoir celle portant sur la fiabilité de la structure du système de codage et celle portant sur la validité critérielle. Dans un premier temps, nous allons présenter les variables sociodémographiques et obstétricales que nous avons retenues et qui nous permettront de décrire nos deux échantillons, ainsi que les critères d‟inclusion/exlusion. Nous terminerons ensuite cette section en présentant les caractéristiques descriptives propre à la combinaison des deux échantillons. 7.1.1 Les variables sociodémographiques et obstétricales En vue de décrire nos deux échantillons et de nous assurer de leur représentativité, nous avons retenus certaines variables sociodémographiques et obstétricales qui, par ailleurs, nous permettrons d‟étudier la constitution des groupes clinique et contrôle, nécessaires à la vérification de la validité critérielle. Les variables retenues sont les suivantes : 122 1. Âge de la mère 2. Âge du père (uniquement pour l‟échantillon issu de l‟étude SESAM-L) 3. Niveau de formation Ces trois premières variables sont d‟ordre sociodémographiques et ont été récoltées au cours du dernier trimestre de la grossesse. Elles permettent de nous assurer que nous n‟avons pas inclus des familles en situation sociale précaire ou des familles dont l‟âge d‟un parent est extrême (trop jeune ou trop âgé), qui sont en général considérées comme « à risque », tant au niveau du développement de symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu (Alder et al., 2006; Beck, 2001; Boyce & Hickey, 2005; Czarnocka & Slade, 2000; Dennis & Ross, 2006b; Kumar & Robson, 1984; Stadlmayr et al., 2004) qu‟au niveau de l‟établissement des relations familiales (Bigras & Paquette, 2000; C. P. Cowan et al., 2007). 4. Parité (primiparité ou multiparité) 5. Durée de la grossesse 6. Provocation des contractions 7. Injection d‟ocytocine 8. Recours à une péridurale 9. Recours à une épisiotomie 10. Type d‟accouchement 11. Sexe de l‟enfant 12. Poids de l‟enfant Les variables 4 à 12 sont d‟ordres obstétricales et nous permettent de décrire les caractéristiques médicales entourant l‟accouchement. Elles nous servirons également à vérifier l‟impact que ces facteurs peuvent avoir sur le développement d‟une symptomatologie chez la mère et l‟impact sur le fonctionnement familial à trois semaines post-partum. En effet, la littérature rapporte ces variables comme étant des facteurs de risque potentiels pour le développement de symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu chez la mère, ainsi que pour la création des liens familiaux (Beck, 2004b; Fisher et al., 1997; Ryding et al., 1998b; Soderquist et al., 2002; Stadlmayr et al., 2004). Ainsi, lors de l‟évaluation des familles à l‟aide du DCP, ces variables nous permettront de mieux cerner les divers facteurs d‟influence propres à la périnatalité et à la transition à la 123 parentalité, que ce soit pour l‟étude préliminaire de l‟échantillon que pour l‟attribution au groupe. 7.1.2 Les critères d‟inclusion/exclusion Les critères d‟inclusion/exclusion sont identiques pour les deux échantillons retenus dans cette étude. Les critères d‟inclusion sont les suivants : 1. Les familles sont germanophones 2. Les femmes peuvent être primipares ou multipares 3. Les mères doivent être âgées de 16 ans au moins au moment du recrutement 4. Un accord parental est nécessaire quant à la participation de l‟enfant Les critères d‟exclusion sont : 1. Une grossesse durant moins de 28 semaines, car dans ce cas nous sommes en présence d‟une population à risque, le bébé étant un grand prématuré 2. Une maladie grave et/ou mortelle détectée chez l‟enfant 7.1.3 Description des échantillons et des données fusionnées Dans cette section, nous allons exposer les caractéristiques de nos deux échantillons. Lorsque cela sera possible, nous comparerons nos données avec les statistiques nationales qui sont les plus proches du moment où les données ont été récoltées, afin de mettre en évidence la représentativité des familles vivant la transition à la parentalité en Suisse. Dans la même perspective, nous terminerons en présentant les nouvelles caractéristiques issues de la fusion de nos données. 7.1.3.1 L’échantillon SESAM-L (n = 12) Toutes les parturientes ont accouché entre les mois d‟avril et septembre 2008. L‟âge des femmes varie entre 26 ; 7 ans et 39 ; 5 ans au moment du recrutement ( x = 33 ; 4 ans, sx = 3.70). L‟âge moyen de la mère est plus élevé que la moyenne nationale de 31 ans établie par 124 l‟Office Fédérale de la Statistique (OFS)10. Par ailleurs, l‟histogramme ci-dessous nous indique que 4 femmes ont plus de 35 ans (33.3%), ce qui a indéniablement contribué à augmenter l‟âge moyen étant donné la petite taille de cet échantillon. Soulignons encore que la proportion des mères de 35 ans et plus est en augmentation ces dernières années et s‟élève à 28.8%, ce qui peut expliquer en partie la forte proportion de cette tranche d‟âge au sein de notre échantillon. Par rapport aux pères, l‟âge varie entre 28 ; 5 ans et 40; 5 ans ( x = 34 ; 5 ans, sx = 3.80). Figure 3 : Répartition des âges des parturientes de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 5 Occurence 4 3 2 1 0 25;0 27;6 30;0 32;6 35;0 37;6 Âge de la mère Concernant le niveau de formation, la figure 4 met en évidence la surreprésentation des familles où les deux parents ont un niveau de formation universitaire (50% de l‟échantillon). Nous constatons également que dans 16.7% des cas, un des parents possède une formation universitaire et que dans 33.3% des cas, les deux ont une formation de niveau CFC. Finalement, aucune famille n‟est constituée d‟un parent sans formation. Nous sommes donc en présence d‟un échantillon caractérisé par un niveau socio-économique élevé. 10 Les données sont disponibles auprès de l‟OFS. Voir le document « Naissances vivantes selon l‟âge de la mère et indicateur conjoncturel de fécondité » à l‟adresse Internet suivante : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/01/06/blank/key/02/01.html 125 Figure 4 : Statut socioprofessionnel des familles de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 7 6 Occurence 5 4 3 2 1 0 2 CFC 1 Uni, 1 CFC 2 Uni Au niveau des grossesses, la moitié des parturientes étaient primipares et l‟autre moitié multipares. Elles attendaient toutes un seul enfant. La durée de gestation a été de 37 à 41 semaines dans 75% des cas contre 91.9% au niveau national, et au-delà de 41 semaines dans 16.7% des cas contre 0.6% au niveau national pour l‟année 2008 (Berrut, 2010). Une seule grossesse a duré moins de 37 semaines (8.3%), et a mené à un accouchement prématuré (7.5% au niveau national). L‟âge de la parturiente concernée était de 30 ; 6 ans. Il semblerait donc que notre échantillon soit surreprésenté par les naissances après le terme. Cependant, la comparaison des naissances après le terme est compromise, étant donné que les critères appliqués à notre recherche et ceux de l‟OFS diffèrent légèrement. En effet, nous considérons les accouchements après le terme après la 41ème semaine de gestation, tandis que l‟OFS établit ce seuil au-delà de la 42ème semaine. Or, les parturientes concernées dans notre échantillon ont accouché au début de la 42ème semaine et ne peuvent par conséquent pas être considérées comme des accouchements après le terme selon le seuil de l‟OFS. Finalement, au vu de la faible taille de notre échantillon, l‟occurrence unique d‟un accouchement prématuré ne nous permet pas de conclure que les naissances prématurées soient surreprésentées. Par rapport aux interventions médicales pratiquées lors des 12 accouchements, 4 ont nécessité une application de prostaglandines11 (33.3%). En cours d‟accouchement, une injection d‟ocytocine (Syntocynon) en vue de maintenir les contractions fut nécessaire pour 4 11 Prostaglandines : hormones produites par les cellules de nombreux organes (appareil génital, artères, bronches, reins, etc.). Elles agissent localement et ne passent pas dans le sang. Leur action est puissante et rapide. Dans le cadre d‟un accouchement, elles sont utilisées en vue de provoquer le travail en raison de leur action sur le col de l‟utérus. 126 parturientes (33.3%), mais cela ne concernait pas forcément les mêmes femmes qui avaient reçu des prostaglandines. En effet, une seule femme s‟est vue appliquer des prostaglandines pour provoquer le déclanchement du travail, ainsi que d‟une injection de Syntocynon. Une péridurale a été appliquée dans 66.7% des cas. Par ailleurs, le recours à l‟épisiotomie concernait 25% des accouchements et est donc très proche du taux national de 25.5% (Schwab & Zwimpfer, 2007). Toutefois, n‟ayant pas de statistiques précises quant au nombre d‟épisiotomies pratiquées pour l‟année 2008, nous nous référons au taux calculé pour la période 2004, ce qui limite la comparaison compte tenu du fait que le recours à cette pratique obstétricale diminue ces dernières années (Schwab & Zwimpfer, 2007). Il est donc possible que le taux actuel soit inférieur à celui que nous avons à disposition. Par ailleurs, la faible taille de l‟échantillon limite également le regard que nous pouvons porter sur le recours à l‟épisiotomie. Figure 5 : Répartition des types d‟accouchement des parturientes de l‟échantillon SESAM-L (n = 12) 7 6 Occurence 5 4 3 2 1 0 Accouchement spontané Forceps/ ventouses Césariene planifiée Césariene d'urgence La figure ci-dessus illustre le fait que les accouchements spontanés représentent 50% de l‟ensemble des accouchements, et les accouchements instrumentaux (forceps et/ou ventouses) 16.7%. Une césarienne fut planifiée (8.3%), tandis que 3 autres furent pratiquées en urgence (25%). Au total, les césariennes représentent 33.3% de l‟échantillon, ce qui est légèrement supérieur au taux de 29% rapporté au niveau national (Hässig, Adams, Zwimpfer, & Schwab, 2007). Cependant, ce taux se rapportant à l‟année 2004, nous avons comparé le taux de notre échantillon à celui du canton de Berne pour l‟année 2008. Il ressort que le taux de césariennes 127 pratiquées dans ce canton est de 32.6%12 et par conséquent, notre taux de 33.3% est plus proche, bien qu‟encore légèrement supérieur. Notons encore que l‟âge moyen des femmes qui ont subi une césarienne est de 33 ; 4 ans, ce qui est plus élevé que l‟âge moyen de 31 ; 9 ans pour les parturientes bernoises qui ont accouché par césarienne sur l‟ensemble de l‟année 2008. A nouveau, la prudence est de rigueur quant à ces comparaisons en raison de la taille de notre échantillon. Finalement, les parturientes ont donné naissance à 10 garçons (83.3%) et à 2 filles (16.7%). La répartition des sexes n‟est pas équilibrée, ce qui contraste nettement avec les taux rapportés par l‟OFS13 de 51% de garçons et 49% de filles nés en Suisse. Notre échantillon est donc surreprésenté par la naissance de garçons. 7.1.3.2 L’échantillon Breitenbach (n = 32) Toutes les femmes ont accouché entre août 2001 et mai 2002. L‟âge des parturientes de l‟échantillon est compris entre 21 ; 11 ans et 38 ; 2 ans ( x = 30 ; 7 ans, sx = 4.43). L‟âge moyen de 30 ; 7 ans est quasi identique à l‟âge moyen de 30 ; 5 ans établi par l‟OFS au niveau national pour l‟année 2004 (Schwab & Zwimpfer ; 2007). Néanmoins, l‟âge diffère sensiblement par rapport à celui obtenu pour l‟échantillon SESAM-L ( x = 33 ; 4). Notons toutefois que nous ne disposons pas de l‟âge de 3 des 32 femmes de cet échantillon. 12 Les données sont fournies par l‟OFS et peuvent être téléchargées à l‟adresse Internet suivante : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/14/04/01/data/01.Document.127609.xls 13 Les données sont disponibles auprès de l‟OFS. Voir le document « Naissances vivantes selon le sexe » à l‟adresse Internet suivante : http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/01/06/blank/data/01.html 128 Occurence Figure 6 : Répartition des âges des parturientes de l‟échantillon Breitenbach (n = 29) 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 20;0 22;6 25;0 27;6 30;0 32;6 35;0 37;6 Âge de la mère L‟histogramme ci-dessus nous permet de constater que 3 femmes sont âgées de moins de 25 ans (10.4%), 21 ont un âge compris entre 25 ans et 35 ans (72.4%) et finalement 5 sont âgées de plus de 35 ans (17.2%). L‟impact du nombre de femmes ayant plus de 35 ans semble être contrebalancé par la présence d‟un nombre relativement équivalent de parturientes de moins de 25 ans, nous rapprochant ainsi de la moyenne nationale. Figure 7 : Statut socioprofessionnel des familles de l‟échantillon Breitenbach (n = 32) 25 Occurence 20 15 10 5 0 1 CFC, 1 sans CFC 2 CFC 1 Uni, 1 CFC 2 Uni En ce qui concerne le niveau de formation, la figure ci-dessus nous indique qu‟une seule famille (3.3%) présente un niveau de formation relativement faible. Nous constatons cependant que cet échantillon est surreprésenté par les familles où les deux parents sont en 129 possession d‟un CFC. En effet, elles constituent 68.8% de l‟échantillon. Les familles où au moins un parent a suivi une formation universitaire, ainsi que celles où les deux parents ont un niveau de formation universitaire représentent respectivement 18.8% et 9.4% de l‟échantillon. Nous constatons également que la répartition des différents niveaux de formation contraste nettement avec l‟échantillon SESAM-L. Il est possible que la surreprésentation du niveau de formation de type CFC dans l‟échantillon SESAM-L et de la formation de niveau universitaire dans SESAM-L, soit la résultante d‟une particularité géographique. Par rapport aux grossesses, 37.5% des parturientes étaient primipares et 62.5% multipares. Toutes ont accouché d‟un seul enfant. La grossesse a duré plus de 41 semaines dans 25% des cas, entre 37 et 41 semaines dans 62.5% des cas. Quatre grossesses (12.5%) ont duré moins de 37 semaines et ont donc conduit à des naissances prématurées. Nous constatons que le taux de prématurité est supérieur à celui observé au niveau national en 2004, à savoir 9% des accouchements (Hässig et al., 2007). Par ailleurs, l‟échantillon Breitencach présente un taux de prématurité plus élevé que celui de SESAM-L, bien que, rappelons-le, l‟occurrence unique d‟une naissance prématurée ne nous permette guère de faire des comparaisons. En ce qui concerne les procédures obstétricales, une application de prostaglandines fut pratiquée pour 6 parturientes (18.8%) en vue de provoquer les contractions. Pendant l‟accouchement, 9 femmes (28.1%) ont reçu une injection d‟ocytocine (Syntocynon) pour maintenir les contractions. Aucune femme n‟a reçu les deux traitements. Par ailleurs, le recours à la péridurale s‟est produit pour 4 femmes (12.5%). Il est intéressant de constater une différence remarquable entre l‟hôpital de Breitenbach et la maternité de l‟hôpital de l‟Île quant au recours à la péridurale. En effet, sur les 12 femmes qui ont accouché à la maternité de Berne, 8 ont reçu une péridurale, tandis que sur les 32 femmes de l‟hôpital de Breitenbach, seulement 4 ont en reçu une, ce qui peut refléter une différence de pratiques au sein des hôpitaux, le recours à la péridurale semblant être plus fréquent à Berne. Une épisiotomie fut nécessaire pour 3 des accouchements (9.4%). Nous retrouvons un écart considérable avec le taux d‟épisiotomie au niveau national (25.5%), de même qu‟avec le taux relatif à l‟échantillon SESAM-L (25%). Le taux rapporté de l‟échantillon SESAM-L est quasi identique à celui du taux national alors que le recours à l‟épisiotomie semble moins fréquemment utilisé dans l‟échantillon Breitenbach, renforçant ainsi le constat d‟une différence de pratique entre l‟hôpital régional de Breitenbach et la clinique de la maternité de l‟hôpital de l‟Île à Berne. 130 Figure 8 : Répartition des types d‟accouchement pour l‟échantillon Breitenbach (n = 32) 25 Occurence 20 15 10 5 0 Accouchement spontané Forceps/ ventouses Césariene planifiée Césariene d'urgence Par rapport aux types d‟accouchements (cf. figure 8), 68.8% étaient des accouchements spontanés, 6.3% ont nécessité l‟utilisation des ventouses et/ou forceps. Il y a eu autant de césariennes planifiées que non planifiées, à savoir 12.5% pour chacun des types. En d‟autres termes, les césariennes représentent 25% de l‟échantillon. Le taux rapporté étant inférieur au taux national de 29%, nous avons cherché à le comparer au canton de Soleure entre 2001 et 2002. Cependant, la seule information disponible est que ce canton a enregistré le 5ème taux le plus élevé pour la période 2003 par rapport à l‟ensemble des cantons (Schwab & Zwimpfer, 2007), correspondant à environ une femme sur deux14. Par conséquent, il semblerait que la fréquence d‟apparition des césariennes diffère de la proportion rapportée par l‟OFS. Finalement, les parturientes ont donné naissance à 15 garçons (46.9%) et 17 filles (53.1%). Au niveau national, le taux de garçons était de 51.5% pour l‟année 2002. Nous constatons donc que les filles sont légèrement surreprésentées dans cet échantillon, à l‟inverse de l‟échantillon SESAM-L marqué par une nette surreprésentation des naissances qui ont donné vie à des garçons (83.3%). 14 Voir communiqué de presse de l‟OFS daté du 12 août 2005 (N° 0351-0507-40) 131 7.1.3.3 Caractéristiques des données fusionnées à partir des deux échantillons (n = 44) En définitif, par rapport aux statistiques obtenues sur le plan national, plusieurs constats peuvent être tirés. Premièrement, l‟âge des parturientes est plus élevé pour l‟échantillon SESAM-L, tandis qu‟il est quasi identique en ce qui concerne l‟échantillon Breitenbach. Par ailleurs, la propention de mères de 35 ans ou plus dans l‟échantillon SESAM-L reflète vraisemblablement l‟augmentation constatée depuis plusieurs années de cette catégorie de parturientes. Deuxièmement, il semblerait que les naissances prématurées soient plus fréquentes dans l‟échantillon Breitenbach. Cependant, nous ne pouvons pas nous positionner quant au taux rapporté dans l‟échantillon SESAM-L, étant donné l‟occurrence unique de ce cas de figure et la taille restreinte de l‟échantillon. Troisièmement, le recours à l‟épisiotomie est moins fréquent pour l‟échantillon Breitenbach, mais est quasi identique pour l‟échantillon SESAM-L. Des différences de pratiques entre les hôpitaux de Breitenbach et de Berne semblent se dégager. Quatrièmement, en ce qui concerne la répartition du mode d‟accouchement, les césariennes sont surreprésentées dans l‟échantillon SESAM-L, mais correspondent au taux relevé au niveau cantonal. Par ailleurs, les césariennes sont moins fréquemment pratiquées à l‟hôpital de Breitenbach. Cinquièmement, la répartition des sexes est plutôt homogène pour l‟échantillon Breitenbach, mais les garçons sont largement surreprésentés dans l‟échantillon SESAM-L. Relevons encore que la distribution du niveau socioprofessionnel diffère entre l‟échantillon Breitenbach et SESAM-L, dans le sens d‟une surreprésentation du niveau de formation CFC dans le premier et des formations universitaires dans le second. Nos deux échantillons présentent donc des spécificités propres, mais malgré leur petite taille, les données sociodémographiques et obstétricales sont dans l‟ensemble comparables à celles obtenues à partir de la population. Cependant, certaines caractéristiques statistiques changent lorsque nous fusionnons les données provenant des deux échantillons. Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques principales des deux échantillons, ainsi que celles issues du regroupement. 132 Tableau 1 : Résumé des données descriptives de le l‟échantillon SESAM-L et Breitenbach et caractéristiques issues de la fusion des données SESAM Breitenbach Données combinées (n = 12) (n = 32) (n = 44) Occurrence Fréquence Occurrence Fréquence Occurrence Fréquence Niveau de formation 1 CFC, 1 sans formation 0 0 1 3.1 1 2.3 2 CFC 4 33.3 22 68.8 26 59.1 1 formation universitaire, 1 CFC 2 16.7 6 18.8 8 18.2 2 formations universitaires 6 50 3 9.4 9 20.5 Moins de 37 semaines Entre 37 et 41 semaines 1 9 8.3 75 4 20 12.5 62.5 5 29 11.4 65.9 Plus de 41 semaines 2 16.7 8 25 10 22.7 Oui 8 66.7 4 12.5 12 27.3 Non 4 33.3 28 87.5 32 72.7 Oui 3 25 3 9.4 6 13.6 Non 9 75 29 90.6 38 86.4 Spontané 6 50 22 68.8 28 63.6 Forceps / Ventouses 2 16.7 2 6.3 4 9.1 Césarienne planifiée 1 8.3 4 12.5 5 11.4 Césarienne d'urgence 3 25 4 12.5 7 15.9 Fille 2 16.7 17 53.1 19 43.2 Garçon 10 83.3 15 46.9 25 56.8 Durée de la grossesse Péridurale Episiotomie Type d'accouchement Sexe de l'enfant La dernière colonne du tableau ci-dessus nous indique qu‟en fusionnant les données, la répartition des différents niveaux de formation devient plus homogène. Néanmoins, la proportion de familles avec un niveau de formation de type CFC reste dominante (59.1%), suivie par les familles où les deux parents exercent une profession universitaire (20.5%). La tendance à la dominance de ces deux niveaux de formation demeure donc en fusionnant les données. En ce qui concerne les données obstétricales, nous pouvons relever que le nombre de naissances prématurées (11.4%) reste plus élevé que la moyenne nationale. En définitif, la tendance à la surreprésentation du taux de prématurité de l‟échantillon Breitenbach demeure, 133 même lorsque nous combinant les données provenant des deux études. Lorsque nous présentions les deux échantillons, nous avons mis en évidence des différences de pratiques entre l‟hôpital de Berne et celui de Breitenbach en ce qui concerne le recours à la péridurale et à l‟épisiotomie. Nous constatons que malgré le fait de réunir les données de l‟échantillon Breitenbach avec celles de SESAM-L, le recours à la péridurale reste important, avec une fréquence d‟apparition de 27.3%. Par ailleurs, la fréquence d‟apparition dans notre nouveau jeu de données de la pratique de l‟épisiotomie (13.6%) reste inférieure au taux national (25.5%). Il semblerait donc que l‟occurrence de cette intervention obstétricale, proche du niveau national dans l‟échantillon SESAM-L, soit contrebalancée par sa faible occurrence dans l‟échantillon Breitenbach. De même, le taux de césariennes, qu‟elles soient faites en urgence ou planifiées, est de 27.3%, donc proche du taux au niveau national (29%). Par conséquent, le recours à ce type d‟accouchement, plus fréquent à Berne qu‟à Breitenbach, tend à s‟équilibrer dans nos données fusionnées. Finalement, la surreprésentation des garçons nés dans l‟étude menée à Berne diminue considérablement pour s‟approcher du taux national de 51%. En effet, le nouveau taux est de 56.8% de garçons, mais ce taux rest encore supérieur aux statistiques de l‟OFS. Par conséquent, la nouvelle base de données reste caractérisée par une plus grande proportion de garçons. Notons encore que l‟âge moyen des mères ( x = 31 ; 4 ans, sx = 4.36) tend à être plus élevé que celui établi au niveau national (entre 30 ; 5 ans en 2004 et 31 ; 0 en 2008). Il semblerait que l‟effet constaté de l‟augmentation de l‟âge des parturientes ces dernières années aient eu un impact sur les nouvelles données. Plus précisément, le nombre de parturientes ayant 35 ans ou plus se retrouve en proportion majoritairement dans l‟étude en cours par rapport à l‟étude antérieure. Par conséquent, l‟âge moyen tend à être plus élevé, bien qu‟en fusionnant les données cet âge soit comparable à ce qui est rapporté dans la population. 7.2 Contrôle de l‟état de santé du nourrisson Afin de vérifier l‟intégrité physique des nouveaux-nés, nous avons procédé, dans nos deux échantillons, à l‟examen de leur état de santé. Cette démarche a été nécessaire pour nous assurer que les nourrissons soient tous en mesure de participer aux interactions. En effet, le répertoire de compétences propres au nouveau-né peut être diminué dans le cas d‟une atteinte neurologique ou d‟un état de santé nécessitant des soins particuliers. Pour évaluer leur état de santé, nous nous sommes basés à la fois sur le poids de l‟enfant et le score d‟Apgar, pour nos 134 deux échantillons, ainsi que sur le « NICU Network neurobehavioral Scale » (NNNS) pour les nouveaux-nés de l‟échantillon SESAM-L. Le score d‟Apgar permet d‟évaluer la viabilité des bébés à la naissance. Il est compris entre 0 (ce qui signifie l‟arrêt cardiaque) et 10 (état normal), et se calcule sur la base d‟une note allant de 0 à 2 attribuée aux signes observables chez le nouveau-né, à savoir, la fréquence cardiaque, la respiration, le tonus musculaire, la réponse des pieds au stimuli et la couleur de la peau (cf. tableau 2). Dans le cadre de notre travail, nous avons retenu le score calculé 5 minutes après l‟accouchement. Dans l‟échantillon Breitenbach (n = 32), tous les nouveaux-nés ont obtenu un score compris entre 9 et 10, ce qui signifie que les nourrissons étaient viables, en bonne santé et ne nécessitaient pas de soins spécifiques. Le poids moyen était de 3351 grammes (sx = 425,30). Rappelons que nous avons également 4 naissances prématurées. Parmi celles-ci, nous avons un poids moyen de 2732 grammes (sx = 488,83), s‟étandant de 2250 grammes à 3380 grammes. Plus précisément, parmi ces quatre enfants nés prématurément, deux avaient un poids inférieur à 2500 grammes, seuil à partir duquel le bébé est considéré comme ayant un faible poids (Matsuo, 2005). Ils pesaient 2250 et 2490 grammes. Néanmoins, tous ces nouveau-nés ont eu un score d‟Apgar entre 9 et 10 et leur santé physique n‟était donc pas en danger. Par rapport aux nouveau-nés de l‟échantillon SESAM-L, les constats sont similaires. En effet, tous les bébés ont également obtenus un score entre 9 et 10, signifiant à nouveau que tous étaient viables suite à l‟accouchement. Le poids moyen était de 3191 grammes (sx = 459,69), le poids minimum étant de 2275 grammes et le poids maximum de 3765 grammes. Un seul enfant est né avec un faible poids, mais a été retenu dans notre travail en raison de son score d‟Apgar à 9. Tableau 2 : Critères pour l‟attribution du score d‟Apgar Scores attribués Signes observés chez le nouveau-né Fréquence cardiaque Respiration 0 1 2 Aucun < 100/min > 100/min Aucun Faibles pleurs et respiration Pleurs vigoureux et souffle superficielle respiration régulière Tonus musculaire Flasque Réponse des pieds aux stimuli Aucune Couleur de peau Bleu: pâle 135 Légère flexion des membres Faible mouvement Corps rose, doigts et orteils bleus Bonne flexibilité Pleurs vigoureux et respiration régulière Rose partout L‟examen NNNS a quant à lui été développé initialement pour les nourrissons à risque (exposés aux drogues ou prématurés par exemple), mais peut être utilisé avec des nourrissons en bonne santé (Lester & Tronick, 2004). Il comporte une évaluation de l‟intégrité neurologique et du fonctionnement comportemental, incluant la détection de signes de sevrage, ainsi que les signes généraux de stress. Cet examen inclut l‟évaluation de l‟organisation comportementale, des réflexes neurologiques, du développement moteur et du tonus musculaire (Lester & Tronick, 2004; Lester, Tronick, & Brazelton, 2004). Chaque nourrisson est ainsi évalué à l‟aide de 103 items qui sont codés juste après la passation. La durée de l‟examen est variable en raison des différences d‟états chez les bébés. Administré à 3 semaines post-partum, le NNNS permet d‟avoir une mesure de contrôle sur le développement neuro-moteur du bébé, afin de nous assurer que tous puissent être observés de la même manière dans la situation d‟observation DCP. Il en ressort que les 12 nouveau-nés évalués ont montré une excellente attention face aux stimulations visuelles et/ou auditives adressées par l‟examinateur et, de manière générale, ils ont manifesté un état de vigilance soutenue. Toutefois, il a fallu fournir un certain effort pour maintenir un intérêt chez les nourrissons, ce qui peut s‟expliquer par leur niveau de développement, mais également par le fait qu„ils aient tous été passablement sollicités lors d‟évaluations précédant le NNNS. Par ailleurs, ils se sont montrés peu irritables et lorsqu‟une consolation était nécessaire, les tentatives de l‟examinateur pour apaiser les états internes étaient généralement bien accueillies. Les capacités d‟auto-régulation étaient donc largement satisfaisantes. Ensuite, l‟ensemble de la motricité évaluée a révélé une légère tendance à l‟hypertonicité, mais ce constat s‟explique par le fait que d‟autres manipulations aient été effectuées avant cet examen. Quoi qu‟il en soit, tous les nouveaux-nés ont présenté des mouvements souples au niveau des jambes et des bras et la tonicité musculaire permettait à chaque fois de provoquer un déplacement latéral de la tête. L‟examen des réflexes a mis en évidence certaines réponses asymétriques. Ce constat n‟est pas inquiétant compte tenu du fait que certaines réponses asymétriques sont normales suivant le niveau développemental et c‟est bien plus la persistance d‟une asymétrie sur un côté qui est vue comme un signe de préoccupation quant à l‟intégrité neurologique du nouveau-né (Boukydis, Bigsby, & Lester, 2004). Or, les asymétries constatées étaient isolées et ne caractérisaient donc pas l‟ensemble des réflexes évalués. Aucune atteinte neurologique n‟a pu être détectée. Finalement, aucun signe de stress ou de sevrage n‟a été manifeste, indiquant qu‟aucun enfant n‟a été sous l‟influence de substances addictives au cours de la vie fœtale, telles que la cocaïne ou l‟alcool (Lester & Tronick, 2004; Lester, Tronick, LaGasse et al., 2004). 136 En définitif, les différents constats effectués sur la santé des 44 nouveau-nés examinés révèlent que tous étaient en bonne santé au moment des évaluations, ils ont donc tous été retenus pour ce présent travail. 7.3 Structure de la situation d‟observation DCP Au cours de cette section, nous allons exposer le contexte dans lequel le setting de base de la situation d‟observation DCP a été construit, puis nous décrirons les différentes étapes qui ont mené à son développement actuel, ainsi qu‟à l‟élaboration du système de codage « FAAS – DCP ». Nous consacrerons également une partie à la présentation du traitement des données obtenues lors de la passation du DCP, qui constitue une étape préalable mais néanmoins nécessaire avant l‟évaluation des interactions familiales triadiques. Finalement, nous terminerons par exposer la nouvelle consigne qui a été proposées aux familles. 7.3.1 Contexte de la création du setting de base du DCP La création d‟une situation d‟observation des interactions familiales précoces a été concrétisée par le Dr. Stadlmayer pour le projet de recherche mené à Breitenbach en 2001 et décrit plus haut. Rappelons que cette étude visait à vérifier que le vécu subjectif de la mère de son accouchement pouvait affecter d‟une part, les interactions mère – enfant et, d‟autre part, les interactions familiales. Ainsi, il fallut créer une méthodologie permettant d‟évaluer les interactions familiales, dans le contexte hospitalier, avec un nourrisson de 3 semaines de vie post-partum. Le Dr. Stadlmayr s‟est appuyé sur une méthodologie observationnelle existante (le « Lausanne Trilogue Play » ou LTP), qu‟il a adaptée de manière à ce qu‟elle puisse s‟appliquer aux interactions familiales à 3 semaines post-partum. En effet, plusieurs constats l‟ont mené à ce résultat. D‟une part, et malgré la nécessité, pour les professionnels de la périnatalité, de bénéficier d‟un outil permettant de venir en aide aux familles au moment où ils sont encore en contact avec elles, une telle mesure des interactions familiales précoces n‟existait pas. De plus, les chercheurs qui travaillent avec les bébés de 3 mois s‟accordent à dire que les difficultés devraient pouvoir être repérées plus tôt. Du point de vue des familles, c‟est également dans les premières semaines qui suivent l‟accouchement qu‟elles sont le plus susceptibles de venir chercher du soutien, pour des questions d‟allaitement ou de nutrition principalement. Par conséquent, le Dr. Stadlamyr y a vu un moment privilégié pour une 137 détection et une intervention précoces, d‟où son intérêt de construire un outil d‟observation des interactions familiales adapté au post-partum, avec un nourrisson de 3 semaines. La méthodologie existante qui paraissait la plus appropriée fut celle développée par l‟équipe du Centre d‟Etude de la Famille (CEF) à Prilly sur le LTP. Néanmoins, cette situation d‟observation avait été pensée pour des familles avec un bébé de trois mois post-partum. Au vu de l‟ampleur du développement des compétences du bébé entre trois semaines et trois mois, le LTP n‟était pas directement transposable au premier mois postnatal. Selon le Dr. Stadlmayr, l‟observation de la participation du bébé à trois semaines est plus difficile par rapport à celui de trois mois. De surcroît, il craignait que, face à une situation ludique, les parents ne préfèrent adopter une attitude plus calme face à leur enfant, compliquant dès lors la possibilité d‟observer la participation de l‟enfant au niveau des interactions triadiques. Il a pressentit la nécessité de contextualiser la tâche dans une activité pratique, se rapprochant du quotidien des familles, afin d‟éviter que les parents ne soient trop passifs devant leur enfant, ce qui aurait compromis la possibilité d‟évaluer les interactions familiales triadiques. Ainsi, contrairement au LTP, où la famille est observée dans une situation de jeu principalement, le Dr. Stadlmayr a intégré dans le DCP le contexte des soins, permettant de poser un cadre favorisant une implication active des parents, et donc d‟avoir en retour une meilleure visibilité quant à la participation de l‟enfant. Les interactions ainsi facilitées devraient dès lors être plus aisément observables. La structure en quatre parties du LTP a été conservée, mais les deux premières parties ont été adaptées en introduisant la notion de soins apportés au nouveau-né par le biais du changement de langes, créant ainsi la situation d‟observation « Diaper Change Play ». En définitif, le DCP est une situation qui dure environ 15 minutes15. Elle est divisée en quatre parties par analogie au LTP (cf. figure 9). La structure de chaque partie se définit comme suit : Partie I : Un parent commence l‟activité tandis que l‟autre parent reste en position de tiers observateur. Durant cette phase, le parent actif déshabille l‟enfant, voire commence à changer les langes du bébé. Pendant ce temps, le parent en position 15 La durée moyenne a été calculée à partir de l‟échantillon de l‟étude « Breitenbach » (n = 32). 138 de tiers reste en retrait tout en observant de manière attentive les interactions en cours dans la dyade active (parent actif – bébé). Partie II : Les rôles des parents s‟inversent. Le parent qui était en position de tiers observateur devient actif et inversement. Le parent actif termine donc le changement de langes et doit rhabiller le bébé. Le parent en position de tiers doit à son tour suivre attentivement l‟activité entre le parent actif et l‟enfant. Notons qu‟aucune indication n‟est donnée pour déterminer quel parent initie la partie I. Ils doivent donc se concerter pour se mettre d‟accord sur qui va commencer. Il s‟agit du premier moment privilégié pour observer comment les parents se coordonnent pour mener cette tâche à bien. Partie III : C‟est le moment où un partage à trois peut se réaliser. Les deux parents doivent être ensemble avec le bébé. Vu l‟âge précoce du bébé, on s‟attend à voir des comportements comme des caresses, des sourires adressés à l‟enfant, des comptines ou tout autre comportement adapté à son état physiologique et émotionnel, ainsi qu‟à son niveau de développement. Partie IV : Il est proposé aux parents de discuter ensemble sur le retour à la maison ou sur des activités quotidiennes à venir. Bien entendu, ils sont libres de choisir un tout autre thème de discussion. On attend du bébé qu‟il puisse être attentif au discours des parents, voire à ce qu‟il s‟endorme. Vu ses capacités visuelles limitées, il ne peut certainement pas suivre du regard ce qui se passe, par contre, il est en mesure d‟entendre la conversation de ses parents et, grâce à ces stimulations sonores il est possible qu‟il reste dans un état d‟alerte. Du côté des parents, on s‟attend à ce qu‟ils puissent être orientés l‟un vers l‟autre plutôt que « centré sur le bébé » tout en étant attentif aux états de leur enfant, sans pour autant que la discussion soit mise à mal. Ils doivent donc gérer un double agenda : être investi dans une situation conjugale tout en n‟écartant pas leur rôle de parent en veillant au bienêtre de leur enfant. 139 Figure 9 : Configuration relationnelle des quatre parties du DCP16 7.3.2 Modifications du setting de base La structure des parties n‟a subi aucune modification entre l‟étude menée à l‟hôpital régional de Breitenbach et l‟étude SESAM-L. Par contre, le setting a été remanié en partant des divers constats faits sur la base des enregistrements vidéo des familles de la première étude. Premièrement, la table à langer a été totalement remaniée. En effet, la première couchette était posée à plat sur une table et fixée au centre sur un axe rotatif. Pour l‟étude SESAM-L, le bébé est placé dans une couchette (cf. figure 10) qui est fixée sur une table ronde par mesure de sécurité, et qui dispose d‟un rebord incurvé afin que le nourrisson ne puisse pas glisser. Cette couchette peut être inclinée à 10-15°, ce qui favorise chez l‟enfant un état facilitant le trilogue (Rochat, 1992; von Hofsten, 1982). Cette couchette étant fixée sur la table, un dispositif permet de la faire pivoter vers un parent ou l‟autre afin de réaliser les parties I et II. Elle a été élaborée en France auprès de l‟entreprise « Thouveny orthopédie », qui a également réalisé le siège LTP (présenté plus loin) de notre étude. Il s‟agit de l‟entreprise compétente pour la réalisation de ce matériel spécifique et est recommandée par le Centre d‟Etude de la Famille (CEF). 16 Les photos sont tirées de l‟étude menée à Breitenbach 140 Figure 10 : Vue latérale et aérienne de la couchette utilisée dans le cadre de l‟étude SESAM-L Deuxièmement, la table et les chaises ont également été modifiées. Pour la première étude, les parents sont assis sur des chaises fixes avec accoudoir autour d‟une table carré, ce qui rend parfois difficile une bonne orientation corporelle en vue de constituer l‟espace d‟interaction. Cet espace géographique est défini par la position et l‟orientation des corps de chaque parent par rapport au bébé, créant ainsi un espace commun permettant de mettre en scène les activités partagées. Dans le cadre de l‟étude SESAM-L, nous avons opté pour une table ronde en vue de faciliter la création de l‟espace d‟interaction. Les parents sont assis sur une chaise sans accoudoir et pivotante afin de faciliter leurs mouvements lors du changement de langes. Finalement, le matériel propre au changement de langes n‟a pas été modifié. Entre les parents se trouve donc le matériel pour changer leur enfant, à savoir : une poubelle, ainsi qu‟un lange propre, du talc et des serviettes qui sont agencés sur une deuxième table. Quatre caméras sont disposées dans la salle, ce qui permet d‟avoir différents angles de vue (cf. figure 11). 141 Figure 11 : Vue aérienne du setting du DCP et du positionnement des caméras C4 Légende : Table 2 Table 1 : Table sur laquelle la couchette est fixée. P Table 2 : Table sur laquelle le matériel nécessaire au changement des langes est disposé. Parent 2 P : Poubelle. Couchette Parent 1 Couchette : Fixée sur la table 1 C1 : Caméra 1. Permet d‟avoir une vue générale des deux parents. Le bébé est vu de dos. C2, C3 : Caméra 2 + 3: Permet de voir les visages et les bustes des deux parents en gros plan. C2 C1 C3 Table 1 C4 : Caméra 4 : Permet de voir le bébé en gros plan. La figure ci-dessous (cf. figure 12) permet de voir concrètement le résultat des modifications du setting de base. 7.3.3 Montage numérique Avant de pouvoir évaluer les familles, il nous a été nécessaire d‟opérer un traitement numérique des bandes vidéo. En effet, les interactions familiales ont été filmées par quatre caméras et nous avons donc quatre sources d‟information distinctes. Les différents angles de vue nous permettent d‟optimiser la qualité des comportements observés en ayant une vue du bébé, de chaque parent séparément ainsi qu‟une vue d‟ensemble des deux parents et du bébé. Nous pouvons dès lors atteindre un niveau d‟observation d‟une grande précision. En effet, il nous est par exemple possible, grâce aux différents angles de vue, d‟observer simultanément l‟expression faciale de la mère, du père et du bébé, ce qui affine considérablement nos analyses. La figure ci-dessous (cf. figure 12) montre la compression des images issues de nos quatre caméras. Le logiciel Adobe Premiere Element 4.0 © a été utilisé en vue de réaliser les montages vidéo, à savoir fusionner les quatre images en une seule. Pour ce faire, une attention particulière a été mise sur la synchronisation de toutes les images entre elles afin de permettre une évaluation correcte des interactions. De plus, chaque séquence vidéo de nos caméras a été 142 superposée aux autres séquences avec une précision d‟une milliseconde. Cette opération fut nécessaire pour pouvoir comparer les images entre elles, donc la synchronie des différents comportements capturés par les quatre caméras. En définitif, les codeurs peuvent ainsi voir sur la même image le visage de chaque parent, le nouveau-né ainsi qu‟une vue générale, rendant de ce fait l‟évaluation des interactions plus fine. Ainsi, le montage vidéo a duré en moyenne quatre heures par famille (n = 12) et par situation d‟observation (DCP et LTP). Les bandes vidéo issues de l‟étude menée à Breitenbach (n = 32) n‟ont pas été modifiées car le montage avait déjà été effectué antérieurement. Il est à noter que, pour cet échantillon, les montages vidéo ne contiennent que deux images, à savoir une vue d‟ensemble de la situation et une vue du bébé (cf. figure 9), l‟évaluation des interactions étant par conséquent plus générale. Figure 12 : Enregistrement vidéo et synchronisation des images issues des quatre caméras 7.3.4 Le manuel « FAAS – DCP », ses dimensions interactives et les catégories de l‟alliance familiale Ce manuel, inspiré du manuel FAAS (« Family Alliance Assesment Scale ») développé pour la situation LTP, a été conçu pour évaluer le fonctionnement familial à trois semaines postpartum. Une première version du manuel « FAAS – DCP » a été élaborée dans le cadre d‟un 143 travail de Master (Delévaux, Jorgensen, Lavanchy, & Favez, 2006). Sur cette base, un groupe de travail a été mis sur pied avec l‟aide de la fondation « Mutterhilfe » à Zürich. Ce groupe était constitué de trois cliniciennes expérimentées dans l‟évaluation et l‟intervention auprès des familles rencontrant des difficultés en période de transition à la parentalité, et du doctorant en charge du travail de validation du système de codage appliqué à la situation d‟observation DCP. Le groupe s‟est rencontré pendant près de deux ans à raison d‟une fois par mois en vue d‟affiner les critères d‟évaluation du « FAAS – DCP ». Le Dr. Stadlmayr, à l‟origine de la création de la situation d‟observation DCP, a également participé à plusieurs de ces séances. Au cours de ces séances, des tentatives de codage de plusieurs familles ont permis de dégager les forces, imperfections et limites de la version du manuel testée. Tout au long de ces rencontres, diverses modifications du système de codage « FAAS – DCP » ont été opérées jusqu‟à ce que les différents membres de ce groupe de travail aient estimé qu‟il était pertinent de recourir au système de codage en l‟état pour évaluer le fonctionnement familial triadique. Ainsi, onze versions du manuel ont été testées, la dernière étant celle retenue dans le cadre de ce travail. Le système de codage comporte, en définitif, neuf dimensions interactives qui peuvent être résumées comme suit : 1. Les signaux de disponibilité à interagir : Nous observons les signes corporels, les expressions faciales, les attitudes montrant une disponibilité à interagir. En ce qui concerne le bébé, nous prenons en compte son état d‟éveil. 2. L’orientation des regards : Nous observons si les regards des parents sont orientés dans l‟espace d‟interaction (défini par l‟espace géométrique de la position des 3 membres de la famille), et si un contact visuel s‟établit avec le bébé. 3. L’inclusion/exclusion des partenaires : Nous observons si tous les membres de la famille sont inclus ou non, ou s‟il y a des comportements d‟exclusion (auto- ou hétéro-exclusion) de la part des parents. 4. La coordination coparentale : Nous observons la présence de soutien et de coopération entre les parents, de conflits ou d‟interférences. 144 5. L’organisation des rôles : Nous observons le respect ou non des rôles attribués par la consigne (au niveau des distances que chaque parent adopte avec le bébé, ainsi que de son implication dans la tâche). Le nourrisson est considéré comme actif par ses signaux adressés aux parents (gestes, babilles, pleurs, etc.). 6. Le « parental scaffolding » : Nous évaluons la qualité des stimulations parentales adressées au bébé, ainsi que la qualité des soins prodigués. 7. Les activités partagées et co-construites : Nous observons si les parents arrivent à coconstruire une activité en tenant compte des signaux du bébé. 8. La « sensitivity » : Nous observons si les parents valident et régulent les affects du bébé. 9. La chaleur familiale : Nous observons la tonalité affective des interactions pour évaluer l‟harmonie du climat émotionnel. Nous cherchons ici à savoir si les affects circulent bien et s‟ils sont partagés de manière authentique. Pour chacune de ces dimensions interactives (au DCP, mais aussi au LTP), il s‟agit d‟attribuer une note allant de 5 à 1, 5 représentant le fonctionnement le plus optimal, 1 le plus dysfonctionnel. Ces notes sont attribuées sur la base de critères établis à partir des concepts théoriques, représentant ce que nous pouvons attendre comme comportements dans cette période de transition. Etant donné que la situation DCP se divise en 4 parties, une note est attribuée pour chaque partie sur chaque dimension (donc 4 notes par dimension). De plus, un code « A », est utilisé lorsque la famille ne peut pas être évaluée à une dimension pour une partie donnée (lors de problèmes techniques par exemple). La transformation et l‟utilisation du code « A » seront présentées dans la section consacrée à la présentation des résultats. La deuxième étape de l‟observation des familles consiste à établir l‟alliance familiale. Bien que cette étape soit indépendante de la première, le travail effectué pour « scorer » une famille sur chaque dimension permet de réunir des indices objectifs pour qualifier le type d‟alliance. Il y a au total 6 catégories qui sont regroupées en alliances fonctionnelles (alliances coopératives), problématiques (alliances compétitives) et dysfonctionnelles (alliances désordonnées) et qui peuvent être décrit comme suit : 145 1. L’alliance coopérative harmonieuse : Il y a une bonne coordination entre les parents, les rôles sont respectés. Il y a un sentiment de cohésion familiale et les affects circulent bien. 2. L’alliance coopérative stressée : A la différence de l‟alliance coopérative harmonieuse, il y a des désajustements observés (par exemple au niveau des orientations corporelles, des signaux adressés au bébé (sur ou sous stimulants)). Les interactions sont moins fluides et par moments, les activités co-construites peinent à se réaliser, à être alimentées et soutenues. 3. L’alliance compétitive cachée : Il y a la mise en scène d‟un conflit qui entraîne la division de l‟unité coparentale. Les parents montrent des difficultés à se coordonner. Il y a des interférences et les rôles ne sont pas respectés. 4. L’alliance compétitive exprimée : Le conflit est ouvertement exprimé (notamment à travers la discussion conjugale), mais ce cas de figure est relativement rare, notamment du fait que la famille sait qu‟elle est observée. 5. L’alliance désordonnée exclusive : Il y a des comportements d‟exclusion, un manque d‟engagement, des attitudes d‟indifférence, ainsi qu‟un non respect des rôles. Les parents ne sont pas connectés l‟un vis-à-vis de l‟autre ou vis-à-vis du bébé. 6. L’alliance désordonnée chaotique : Il y a une confusion dans la situation. Les parents sont totalement inadéquats face au bébé, que ce soit au niveau des stimulations apportées, ou au niveau de la validation et régulation de ses états affectifs et physiologiques. La tâche ne peut être réalisée et les échanges sont marqués par une discontinuité relationnelle. L‟évaluation complète d‟une famille au DCP prend environ 2h30. Pour une présentation complète du système de codage « FAAS – DCP », nous renvoyons le lecteur à l‟annexe 1. 146 7.3.5 La consigne du DCP La consigne a été élaborée dans un premier temps par le Dr. Stadlmayr pour l‟étude menée à Breitenbach. Sur la base des enregistrements vidéo ainsi que de la consigne préexistante pour le LTP (élaborée par l‟équipe du CEF), elle a été améliorée pour l‟étude SESAM-L. En définitif, la consigne est donnée comme suit : « Nous allons vous demander de passer un moment en famille avec [prénom de l’enfant]. Essayez de faire comme vous faites d'habitude. La situation se déroulera en quatre parties. I. Pendant la première partie, l'un de vous commence à changer X et l'autre est simplement présent. C‟est vous qui décidez qui commence. Il s‟agira de déshabiller votre enfant comme vous le faites habituellement à la maison et de commencer le changement des langes, tout en communiquant17 le plus possible avec votre enfant. L‟autre est tout simplement présent et suit attentivement ce qui se passe. II. Ensuite, après quelques minutes, comme vous le sentez, vous changerez les rôles. Celui qui était simplement présent continue à changer les langes tandis que celui qui a commencé le changement de langes devient observateur en étant simplement présent et en suivant attentivement ce qui se passe. III. Puis, quand vous avez fini de changer les langes de votre enfant, vous passerez un moment ensembles avec [prénom de l’enfant]. Il/elle doit rester, si possible, sur la couchette. IV. Ensuite, quand le moment à trois sera terminé, vous discuterez entre vous et ce sera au tour de [prénom de l’enfant] d'être simplement présent(e). Comme sujet de conversation, nous vous proposons de discuter de votre retour à la maison ou de ce que vous pensez faire dans les jours qui suivent. Bien entendu, si vous le souhaitez, vous pouvez discuter de tout autre chose. C‟est un moment de détente, comme il pourrait arriver à la maison quand vous discutez entre vous avec votre enfant à côté de vous, sans que vous ayez besoin de vous en occuper. 17 Ou : en étant le plus possible en contact avec votre enfant, par exemple en lui parlant, en le caressant ou autre. 147 Donc l‟activité consiste à déshabiller l‟enfant, le changer et le rhabiller, puis de passer un moment les trois ensembles et finalement de discuter entre vous avec [prénom de l’enfant] à vos côtés. Vous pouvez commencer dès que vous êtes prêts. Pour chaque partie, vous pouvez choisir la position de la couchette : soit orientée vers le père, soit orientée vers la mère, soit placée au milieu entre vous. Le tout doit durer environ 10-15min. Comme je vous l‟ai déjà mentionné, nous vous demandons de rester assis sur votre chaise pour des raisons techniques de prises de vue. Avez-vous des questions? Moi je serai là derrière, dans l‟autre salle. Vous m'appelez ou vous me faites signe dès que vous avez fini ou s'il y a un problème ». Notons que la consigne ci-dessus a été traduite en allemand18 étant donné que les familles sont toutes germanophones. La consigne traduite se trouve dans l‟annexe 2. En amont de la consigne, au moment de présenter l‟activité DCP aux familles, nous avons estimé important d‟éclaircir les points suivants afin de garantir une meilleure compréhension de leur part du fonctionnement de la tâche. Premièrement, nous montrons aux parents le fonctionnement de la couchette et les incitons à tester le matériel en les invitant à incliner et à orienter la couchette. Deuxièmement, nous montrons brièvement les caméras aux parents, mais sans insister sur ce point, sauf en ce qui concerne la caméra qui filme leur bébé. Il a en effet été judicieux d‟expliquer aux parents qu‟ils doivent rester assis pour des raisons de prises de vue, sans quoi il nous est impossible de filmer le bébé de face (caméra 4). Dans le cadre de l‟étude SESAM-L, la consigne est enregistrée, ce qui garantit un meilleur codage des familles. Il nous est en effet possible de nous assurer que tous les éléments de la consigne et le fonctionnement du matériel a été clairement explicité aux parents. Dans le cas contraire, nous pouvons en tenir compte sur la manière d‟évaluer les familles lors du DCP. Malheureusement, pour des raisons logistiques, la consigne n‟a pas pu être filmée pour les 32 familles de l‟étude menée à Breitenbach. 18 La traduction a été effectuée par le Dr. W. Stadlmayr. 148 7.4 Instruments et procédures retenues pour la validation du système d‟évaluation DCP Pour réaliser le travail de validation de la situation d‟observation DCP et de son manuel de codage, nous avons retenu comme instruments une autre situation d‟observation (LTP), ainsi que deux questionnaires (EPDS et IES-R) pour évaluer les symptômes de dépression postnatale ainsi que les réactions de stress aigu. Pour le calcul de la fidélité inter-juges, trois juges ont été formés à l‟observation des familles au DCP, ainsi qu‟à l‟utilisation du manuel de codage. 7.4.1 La situation d‟observation LTP Cette situation permet l‟observation du fonctionnement familial et la détermination de l‟alliance familiale lorsque le bébé est âgé de trois mois post-partum (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001). Il s‟agit d‟une situation d‟observation semi-structurée où l‟on invite les membres de la famille à jouer tous ensemble comme ils le feraient spontanément à la maison. Le but est d‟observer le partage d‟affects positifs et la régulation des affects négatifs. Le jeu se déroule en 4 parties, centrées exclusivement sur des activités ludiques où les parents jouent à tour de rôle avec le bébé, puis les trois ensembles, avant de clôturer la tâche par une discussion conjugale en présence de l‟enfant. Le fonctionnement familial à trois mois postpartum est évalué à partir du manuel « Family Alliance Assessment Scale » (Lavanchy, Cuennet, & Favez, 2006) sur la base de 10 dimensions interactives (échelle de Lickert en 5 points) : 1. Les signaux de disponibilité à interagir, 2. L‟orientation des regards, 3. L‟inclusion des partenaires, 4. La coordination coparentale, 5. L‟organisation des rôles, 6. Le « parental scaffolding », 7. L‟engagement de l‟enfant, 8. Les activités partagées et co-construites, 9. La « sensitivity » et régulation des affects par les parents, 10. La chaleur familiale. 149 L‟alliance familiale est déterminée de la même manière qu‟au DCP, sa définition étant identique. La durée du jeu est d‟environ 15 minutes. La passation du LTP nous permettra de vérifier la validité prédictive (troisième question de recherche). 7.4.2 Les questionnaires Nous avons retenu deux questionnaires qui permettront l‟établissement post-hoc du groupe clinique et du groupe contrôle, nécessaires à la vérification de la validité critérielle (quatrième question de recherche). A travers ces outils, nous cherchons à identifier les familles où la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu. Ils sont tous deux remplis par les mères à la troisième semaine post-partum. 7.4.2.1 L’ « Edinburgh Postnatal Depression Scale » (EPDS) Ce questionnaire est un outil psychométrique internationalement reconnu dans l‟aide au dépistage de la dépression postnatale (J. L. Cox, Holden, & Sagovsky, 1987) et peut être utilisé au tout début du post-partum (Jardri, 2004). Il s‟agit d‟un questionnaire auto-rapporté, adressé à la mère, qui comporte 10 items mesurant les symptômes tels que la tristesse, la peur, l‟anxiété, le blâme, les idées suicidaires, le sentiment d‟incapacité et les difficultés liées au sommeil. Les réponses sont notées de 0 à 3. Le score global est calculé par addition des scores obtenus, s‟étendant de 0 à 30. Il peut également être un bon instrument pour identifier les femmes qui vivent une réaction de stress post-traumatique suite à l‟accouchement, notamment grâce à trois items qui mesurent l‟anxiété (Brouwers, van Baar, & Pop, 2001; Jomeen & Martin, 2005). Il est à noter toutefois que l‟EPDS seul ne suffit pas à poser un diagnostic de dépression postnatale, mais permet de suggérer un risque dépressif (Halbreich, 2005). La littérature suggère plusieurs seuils pour mettre en évidence les femmes présentant des symptômes de dépression postnatale. Nous utilisons pour cette étude un cut-off ≥ 10 pour détecter les femmes à risque dépressif (White et al., 2006). Le temps de passation est d‟environ 5 minutes. 150 7.4.2.2 L’ « Impact of Event Scale – Revised » (IES-R) Il s‟agit d‟un questionnaire auto-rapporté permettant de détecter une symptomatologie d‟état de stress post-traumatique. Il comporte 22 items et l‟individu doit répondre sur une échelle de Lickert en 5 points. Il mesure 3 groupes de symptômes : l‟intrusion, l‟évitement et l‟hyperactivité neurovégétative (D. S. Weiss & Marmar, 1997). Ce questionnaire permet de dépister les réactions de stress aigus qui peuvent mener à un état de stress post-traumatique. Certains auteurs recommandent son utilisation dans le cadre de la périnatalité (Lyons, 1998). L‟étude de Stadlmayr et coll. (2006) propose d‟utiliser un cut-off ≥ 12 pour détecter à 3 semaines post-partum les femmes qui sont à risque de développer des réactions de stress aigus traumatogènes. Dans le cadre de notre étude, l‟IES-R n‟est administré qu‟à la mère, à 3 semaines post-partum, afin de détecter les accouchements traumatisants générant des réactions de stress aigus, en utilisant le cut-off susmentionné (Stadlmayr et al., 2006). Le temps de passation est d‟environ 5 minutes. De même que pour l‟EPDS, l‟IES n‟est pas un test diagnostic et ne permet donc que de suggérer la présence de symptômes liés aux réactions de stress aigus. 7.4.3 La formation des juges au système de codage au DCP Afin d‟établir de fidélité inter-juges deux psychologues cliniciennes ont été formées à l‟observation des familles au DCP et à l‟utilisation du manuel « FAAS – DCP ». Pour ce faire, 5 enregistrements ont été utilisés pour former ces deux juges séparément. Puis, les deux juges ont évalué 21 familles en attribuant des scores aux dimensions interactives du « FAAS – DCP » et en établissant une catégorie de l‟alliance familiale. Chacune des juges a effectué ce travail sans se concerter mutuellement, afin d‟éviter toute influence dans la manière d‟appréhender les familles. En parallèle, la personne qui a formé les deux cliniciennes a également évalué les 21 mêmes familles. Nous avons donc des données de 3 juges sur 21 familles, ce qui nous permet le calcul de la fidélité inter-juges. Finalement, au moment de réaliser les codages, aucun juge n‟avait connaissance des autres données relatives aux familles, notamment par rapport à la présence ou non de symptômes 151 dépressifs et/ou de stress aigu, aux accouchements, etc. Ainsi, aucun juge n‟a pu être influencé par ces informations relatives à la situation de chaque famille. 7.4.4 Points de mesure Les différents instruments administrés aux familles des deux échantillons qui sont retenus dans le cadre de notre travail de validation sont résumés dans le tableau ci-dessous. Notons cependant que la formation des juges au système de codage « FAAS – DCP » ne figure pas dans ce tableau car cette procédure a été réalisée à posteriori, une fois les données récoltées. Tableau 3 : Points de mesure et instruments pour l‟échantillon Breitenbach et SESAM-L Breitenbach (n = 32) SESAM-L (n = 12) Mesures 3 semaines pp 3 semaines pp 3 mois pp DCP Mère - père – enfant Mère - père – enfant - EPDS Mère Mère - IES-R Mère Mère - LTP - - Mère - père – enfant Ainsi, l‟échantillon Breitenbach nous permettra d‟établir la fidélité inter-juges sur la base de 21 familles sélectionnées aléatoirement dans ce jeu de données. L‟échantillon SESAM-L nous permettra de répondre à la question de recherche portant sur la validité prédictive. Finalement, en combinant les données provenant de nos deux échantillons, nous obtiendrons un ensemble de données plus conséquent (n = 44) qui nous permettra de répondre aux deux questions de recherche restantes, à savoir la fiabilité du système de codage et la validité critérielle. 7.5 Considérations éthiques Dans le cadre des deux études susmentionnées, la confidentialité du traitement de données ainsi que l‟anonymat des familles ont été garanties. Toutes les familles participant à la recherche ont été informées avant de signer leur accord de participation quant aux diverses 152 procédures d‟évaluation et à l‟utilisation des données récoltées. Elles pouvaient à tout moment décider de ne plus participer et demander la destruction des documents. La première étude, menée entre 2001 et 2003 a été soumise aux règles d‟éthiques de la commission d‟éthique des deux Bâles (« Ethikkommission Beider Basel EKBB »). L‟étude en cours est quant à elle soumise aux règles de la commission d‟éthique du canton de Berne (« Kantonale Ethikkommission Bern (KEK) »). 7.6 Opérationnalisation des questions de recherche Afin de nous assurer du bien fondé du recours au système de codage « FAAS – DCP », qui représente l‟essence même de ce travail de validation, nous avons formulé nos questions de recherche autour de 4 axes, que nous allons présenter dans cette section. 1. La fiabilité et la cohérence interne du système de codage « FAAS – DCP » : Nous chercherons à savoir si l‟évaluation des familles aux dimensions interactives est cohérente avec la catégorie de l‟alliance attribuée et par conséquent si ces dimensions reflêtent le construit théorique du fonctionnement familial. La question opérationnalisée est la suivante : Q1 : Nos dimensions interactives contribuent-elles toutes à l‟attribution de l‟alliance familiale ? 2. La fidélité inter-juges : Nous chercherons ensuite à évaluer le degré d‟accord entre trois juges quant aux scores attribués aux mêmes familles, pour les dimensions interactives ainsi que pour l‟alliance familiale. Si les évaluateurs donnent des scores similaires, nous obtiendrons un degré d‟accord au moins suffisant, garantissant dès lors la pertinence de recourir au système de codage « FAAS – DCP » pour la suite du travail de validation. Cette étape constitue donc un pré-requis à l‟étude de la validité (Howell, 2008). Notre question peut s‟opérationnaliser comme suit : Q2 : Les trois juges donnent-ils des scores similaires aux dimensions interactives et à l‟alliance familiale pour une même famille ? 3. La validité prédictive : L‟alliance étant stable entre la grossesse et la fin de la première année (Carneiro et al., 2006 ; Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006), nous nous 153 attendons à ce que le fonctionnement familial évalué au DCP et au LTP converge. Nous chercherons dès lors à démontrer que l‟alliance familiale attribuée au DCP à trois semaines post-partum est similaire à celle attribuée au LTP à trois mois post-partum, de même que pour les scores aux dimensions interactives communes aux deux situations d‟observation. Notre question opérationnalisée est la suivante : Q3 : Les familles obtiennent-elles des scores similaires aux dimensions interactives et à l‟alliance familiale entre le DCP et le LTP ? 4. La validité critérielle : Dans l‟idée que le système de codage nous permette un dépistage précoce des familles à risque, nous allons estimer dans quelle mesure le fonctionnement familial triadique serait affaibli parmi les familles où la mère rencontre des symptômes de dépression postnatale et/ou des réactions de stress aigu. En d‟autres termes, nous nous attendons à ce que les familles où la mère obtient un score symptomatique au questionnaire EPDS (cut-off ≥ 10 ; White et al., 2006) et/ou IES-R (cut-off ≥ 12 ; Stadlmayr et al., 2006) montrent des interactions dysfonctionnelles, tandis que les familles où la mère obtient un score inférieur aux cut-offs susmentionnés devraient montrer des interactions fonctionnelles. Notre dernière question s‟opérationnalise alors de la manière suivante : Q4 : Les familles où la mère obtient un score supérieur à 10 à l‟EPDS et/ou supérieur à 12 à l‟IES-R montrent-elles des interactions dysfonctionnelles comparativement aux familles où la mère n‟atteint pas ce seuil symptomatique ? 154 Chapitre VIII : Le traitement des scores (données brutes) issus des dimensions interactives du « FAAS – DCP » et des alliances familiales Comme décrit lors de la présentation du manuel de codage et de ses dimensions interactives, chaque famille obtient une note par partie et par dimensions, ce qui correspond à un total de 36 scores. Afin de simplifier les analyses, les scores ont été sommés par partie, ce qui nous permet de réduire le nombre de scores à 9 par famille, soit une note par dimension. Cette opération est à la base du traitement des scores, donc s‟applique quelque soit la question de recherche envisagée. Le traitement des données manquantes, représenté par un code « A » dans le manuel, fait l‟objet de deux approches différentes en fonction de nos questions de recherche. La section suivante aura pour objectif de présenter nos choix et procédures pour leur traitement. Par la suite, nous présenterons également la manière dont nous avons traité et transformé les différentes catégories de l‟alliance familiale afin de pouvoir les utiliser dans nos analyses statistiques. 8.1 Le traitement des données manquantes (code « A ») Lorsque les familles (n = 44) ont été évaluées à l‟aide du manuel, certaines parties du DCP n‟ont pas pu être codées, ce qui a généré des données manquantes. La principale raison est d‟ordre technique. Il est arrivé qu‟une caméra soit défectueuse ou que la prise du son ne soit pas optimale. D‟autre part, certaines modifications du setting (cf. section 7.3.2.) n‟ont pas toujours été concluantes. Par exemple, le fait d‟avoir remplacé les chaises fixes par des chaises pivotantes dans le but de faciliter les orientations corporelles a généré des grimaces corporelles qui pouvaient être imputées au setting. Une dernière raison à l‟existence de ces données manquantes est que certaines familles n‟étaient pas en mesure, pour divers motifs, de remplir les exigences minimales liées à la situation d‟observation DCP (notamment en ne respectant pas les rôles donnés par la consigne), ce qui revêt d‟une certaine pertinence 155 clinique. Cependant, un seul code a été donné pour tous les cas de figures susmentionnés, à savoir le code « A ». Afin de pouvoir inclure le code « A » dans nos analyses, il a été nécessaire de lui attribuer une valeur. Afin de s‟assurer de la pertinence du choix de la technique de transformation (qui peut être soit la moyenne des notes obtenues par la famille aux autres parties de la dimension, soit une note de zéro), nous devons nous assurer que la présence de données manquantes est totalement aléatoire, c‟est-à-dire qu‟elles sont indépendantes des autres valeurs (Zoonekynd, 2004). Une régression logistique a donc été menée pour chaque dimension interactive, afin de vérifier si la présence d‟une donnée manquante dépend ou non de la présence d‟autres données manquantes. Concrètement, chaque dimension a été insérée dans la régression logistique en tant que variable dépendante avec les autres dimensions comme prédicteurs (ou variables indépendantes), ce qui a conduit à réaliser 9 régressions. Tableau 4 : Régression logistique sur les dimensions interactives avant transformation des données manquantes χ2 Dimensions FAAS omnibus Dimension 1 2 2 DL Sig. R de Cox & Snell R de Nagelkerke 9.642 8 0.291 0.197 0.272 Dimension 2 11.765 8 0.162 0.235 0.334 Dimension 3 15.196 8 0.055 0.292 0.423 Dimension 4 14.174 8 0.077 0.275 0.399 Dimension 5 15.455 8 0.051 0.296 0.429 Dimension 6 15.185 8 0.056 0.292 0.423 Dimension 7 15.475 8 0.051 0.297 0.43 Dimension 8 7.87 8 0.446 0.164 0.233 Dimension 9 15.24 8 0.055 0.293 0.424 Les résultats de la régression logistique montrent que le modèle n‟est pas ajusté et qu‟aucun lien significatif n‟existe entre le fait d‟avoir une donnée manquante à une dimension et les scores aux autres dimensions. Toutefois, avoir une donnée manquante aux dimensions 3, 5, 6, 7 et 9 peut être expliqué jusqu‟à 42 – 43% par les scores aux autres dimensions. Malgré ce 156 pourcentage élevé de la variance, nous faisons confiance aux valeurs du χ2 omnibus, c‟est-àdire sur l‟aspect aléatoire de l‟apparition des codes « A ». Ainsi, nous pouvons confirmer que les raisons générant des données manquantes sont aléatoires et, par conséquent, le choix de la méthode de traitement de ces données est libre. Nous avons dès lors retenus deux méthodes de traitement de ces données, en fonction de nos questions de recherche. 8.1.1 Transformation des codes « A » par la moyenne Pour les questions de recherche 1 (fiabilité), 3 (validité prédictive) et 4 (validité critérielle), nous avons opté pour attribuer à chaque donnée manquante un score égal à la moyenne des scores obtenus par la famille aux autres parties de la dimension. Ainsi, les données manquantes transformées nous permettent de rester au plus proche de ce que la famille aurait pu obtenir si elle avait pu être évaluée. Une fois cette transformation effectuée, nous avons sommé les scores des parties, pour chaque dimension. Nous obtenons finalement une nouvelle matrice où chaque famille reçoit un total de 9 scores pouvant aller de 4 à 20, à savoir un score par dimension interactive. 8.1.2 Le remplacement du code « A » par la valeur zéro Pour notre 2ème question de recherche, la fidélité inter-juges, notre objectif étant de vérifier que les différents juges évaluent les mêmes familles de manière comparable, nous avons estimé préférable d‟attribuer une note de 0 à chaque score A, permettant ainsi de rendre compte du degré d‟accord entre les juges par rapport à l‟utilisation du manuel, et ce, indépendamment du fonctionnement familial. Ainsi, pour cette hypothèse, les scores obtenus varient de 0 à 20 pour chaque dimension interactive. Différentes raisons sous-tendent ce choix. Globalement, notre intérêt est porté sur la compréhension et l‟utilisation du manuel plus que sur le fonctionnement familial. Ainsi, il est intéressant de savoir si les juges ont tous été amenés à noter le code A en cas de problèmes d‟ordre techniques ou liés au setting, ou si certains juges ont tout de même donné une autre note. De plus, la note 0 prend ici un sens clinique. En effet, ce score peut également être compris comme reflétant le fait qu‟une famille n‟a pas réussi à remplir les exigences 157 minimales de la tâche, par exemple en n‟étant pas en mesure de passer un moment conjugal en présence du bébé. Dans ce cas, la partie IV ne sera pas présente et aucun score ne sera attribué pour chaque dimension. Dans ce cas, la note 0 pourrait signifier que la famille n‟a pas pu montrer le fonctionnement attendu. Il est dès lors nécessaire de saisir dans nos analyses cette dimension clinique qui peut se cacher derrière le code « A ». Finalement, si nous nous basons sur la moyenne des scores que la famille a obtenue aux autres parties pour une même dimension, nous obtiendrons certainement des valeurs différentes selon les juges, ce qui tendrait à réduire notre degré d‟accord. De plus, si nous remplaçons le code « A » par la moyenne, notre score est basé sur une inférence à partir de ce qui aurait pu être observé, ce qui est intéressant pour nos 3 autres questions de recherche. Cependant, nous ne serions plus centrés sur la manière d‟évaluer des différents juges, mais sur le fonctionnement familial supposé, ce qui gommerait la pertinence clinique de la valeur 0. 8.2 La transformation des catégories de l‟alliance familiale Afin de pouvoir traiter statistiquement les catégories de l‟alliance familiale, nous leur avons attribué les scores suivants : A Alliance coopérative harmonieuse = 1 B Alliance coopérative stressée = 2 C1 Alliance compétitive cachée = 3 C2 Alliance compétitive exprimée = 4 D1 Alliance désordonnée exclusive = 5 D2 Alliance désordonnée chaotique = 6 Cette transformation permet de conserver la valence clinique de chaque catégorie de l‟alliance familiale, et a été opérée de manière identique à toutes les questions de recherche. Cependant, au vu de la taille de nos échantillons, et afin de gagner en puissance statistique, nous avons regroupé les alliances en deux catégories, soit les alliances fonctionnelles (A et B) et dysfonctionnelles (C1 à D2). Concernant les validités prédictive (Q3) et critérielle (Q4), nous avons également exploré les résultats obtenus avec 3 catégories d‟alliance (fonctionnelles (A et B), problématiques (C1 et C2) et dysfonctionnelles (D1 et D2)) afin d‟observer si nos résultats allaient dans le même sens. De même, pour la fiabilité du système de codage (Q1), nous avons opté pour les 3 catégories de l‟alliance, afin d‟établir la capacité de prédiction des 158 dimensions interactives à un nombre raisonnable de catégories. Pour la fidélité inter-juges (Q2), nous avons à conserver les 6 catégories d‟alliance, afin de vérifier si les juges comprennent ces catégories d‟alliance de manière similaire. 159 Chapitre IX : Question de recherche 1 : Fiabilité du système de codage « FAAS – DCP » (n = 44) Cette section est consacrée à l‟étude de la fiabilité du système de codage « FAAS – DCP » et permettra de répondre à notre première question de recherche. En effet, chaque dimension interactive ayant été construite théoriquement en tant que composante permettant de qualifier le fonctionnement familial, il s‟agira de vérifier l‟homogénéité de nos dimensions, autrement dit, si elles contribuent toutes à l‟évaluation du fonctionnement familial. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la distribution des scores en fonction des trois catégories de l‟alliance familiale (fonctionnelle, problématique et dysfonctionnelle). Ceci nous permettra d‟appréhender si l‟attribution d‟une alliance en fonction des scores obtenus aux dimensions interactives serait cohérente (plus les scores sont bas, plus nous tendons vers une alliance dysfonctionnelle). En d‟autres termes, nous cherchons à savoir si les scores aux dimensions interactives permettent de prédire l‟attribution de l‟alliance familiale. Pour ce faire, nous allons recourir à une analyse discriminante. Ensuite, nous conduirons une analyse en composante principale (ACP) en vue d‟établir la cohérence interne des 9 dimensions interactives (α de Cronbach), et vérifierons ainsi si la structure issue de ces dimensions est cohérente avec notre construit théorique. 9.1 Analyse discriminante et pouvoir de prédiction des dimensions interactives L‟évaluation d‟une famille dans le cadre de la situation d‟observation DCP se base dans un premier temps sur l‟appréciation des interactions familiales en fonction des 9 dimensions interactives, ce qui sert de base à l‟établissement de l‟alliance familiale dans un deuxième temps. La question est de savoir si les scores que les familles obtiennent aux dimensions sont consistants avec l‟attribution de l‟alliance, c‟est-à-dire si les 9 dimensions interactives permettent de prédire l‟appartenance à l‟une ou l‟autre des catégories de l‟alliance. Les alliances familiales se subdivisent en 6 catégories, mais ont été recodées en 3 catégories pour cette question de recherche. Les alliances A et B sont considérés comme étant fonctionnelles, C1 et C2 comme étant problématiques et finalement D1 et D2 comme étant dysfonctionnelles. Finalement, les dimensions interactives sont considérées comme les prédicteurs de l‟appartenance aux trois catégories de l‟alliance familiale. 160 Etant donné que nous travaillons avant tout avec des données ordinales, il serait préférable de recourir à une statistique non-paramétrique. Cependant, il n‟existe aucune version nonparamétrique de l‟analyse discriminante (A. Field, 2005). C‟est pourquoi nous devons avant tout vérifier que les conditions préalables à l‟utilisation de cette analyse soient remplies. Le cas échéant, la précision du test pourra être compromise, et les résultats seront à considérer avec précaution. Les conditions préalables à l‟analyse discriminante sont les suivantes : 1. Les observations doivent être indépendantes les unes des autres 2. L‟échantillon doit être tiré aléatoirement de la population 3. La distribution des scores aux dimensions interactives pour chaque groupe (à savoir les différentes catégories de l‟alliance) doit suivre une loi normale, pour que la condition de normalité multivariée puisse être remplie 4. L‟homogénéité des variances doit pouvoir être observée entre les groupes, ainsi que l‟homogénéité des matrices de covariance Notre échantillon de données remplit clairement les deux premières conditions, chaque famille ne pouvant pas influencer le fonctionnement familial d‟une autre et ayant été sélectionnées parmi une population tout-venante. La section qui suit va nous permettre de nous positionner par rapport aux deux dernières conditions, afin de savoir quelle valeur nous pouvons accorder aux résultats de l‟analyse discriminante. 9.1.1 Analyse préliminaire des distributions des scores aux dimensions interactives dans les trois catégories de l‟alliance familiale Les résultats du test de normalité de Kolmogorov-Smirnov et du test d‟homogénéité des variances de Levene sont présentés dans les tableaux 5 et 6. Ils nous indiquent d‟une part, que la distribution des scores aux dimensions interactives ne suit pas une loi normale dans les catégories « alliances fonctionnelles » et « problématiques » et, d‟autre part, que les variances ne sont pas homogènes entre les trois catégories de l‟alliance pour 2 des 9 dimensions. Plus précisément, les scores à la dimension « Organisation des rôles » sont les seuls à être distribués normalement dans chaque catégorie de l‟alliance familiale (D(22) = 0.177, p > 0.05 ; D(12) = 0.179, p > 0.05; D(10) = 0.181, p > 0.05) et, par conséquent, la normalité multivariée n‟est pas respectée. Par ailleurs, les variances ne sont pas homogènes entre les groupes pour la dimension 1 « Signaux de disponibilité à interagir » (F(2,41) = 5.255, p < 161 0.05) et la dimension 4 « Coordination coparentale » (F(2,41) = 3.855, p < 0.05). De même, malgré la violation de la normalité multivariée, qui peut nous faire croire à tort à l‟homogénéité des matrices de covariance, le test de Box nous révèle également que cette condition d‟homogénéité n‟est pas respectée (p < 0.05). Tableau 5 : Test de normalité de Kolmogorov-Smirnov sur la distribution des scores aux dimensions interactives au sein des catégories de l‟alliance familiale Test de normalité de Kolmogorov-Smirnov (n = 44) dim. 1 dim. 2 dim. 3 dim. 4 dim. 5 dim. 6 dim. 7 dim. 8 dim. 9 Alliances fonctionnelles Alliances problématiques Statistique Degré de liberté Sig. 0.205 0.190 0.194 0.171 0.177 0.189 0.175 0.232 0.194 Statistique Degré de liberté Sig. 0.228 0.181 0.153 0.281 0.179 0.143 0.211 0.295 0.263 Statistique Alliances Degré de dysfonctionnelles liberté Sig. Tableau 6 : 22 22 0.017 0.038 22 22 22 0.03 0.092 0.07 22 12 12 12 12 12 0.086 0.20 0.20 0.01 0.20 0.20 10 0.20 22 12 12 10 10 0.116 0.075 0.191 12 0.147 0.005 0.021 0.238 0.251 0.219 0.181 0.182 0.163 0.155 10 22 0.039 0.076 0.003 0.031 12 0.2 22 0.23 10 10 10 10 10 0.20 0.20 0.20 0.20 0.144 Test d‟homogénéité des variances sur la distribution des scores aux dimensions interactives au sein des catégories de l‟alliance familiale Test de Levene dim. 1 dim. 2 dim. 3 dim. 4 dim. 5 dim. 6 dim. 7 dim. 8 dim. 9 Statistique de Levene Degré de liberté 1 Degré de liberté 2 Sig. 5.255 0.157 1.302 3.855 0.557 0.153 0.254 0.889 0.395 2 2 2 2 2 2 2 2 2 41 41 41 41 41 41 41 41 41 0.029 0.577 0.859 0.777 0.009 0.855 0.283 0.357 0.681 Etant donné que nos données ne remplissent pas toutes les conditions préalables à l‟analyse discriminante, la précision du test semble compromise et les résultats obtenus seront à considérer avec précaution. Cependant, comme le suggèrent certains auteur (Brace, Kemp, & 162 Snelgar, 2006), si nos analyses sont en mesure de dégager une classification précise, le recours à l‟analyse discriminante peut être acceptable. 9.1.2 Examen de l‟analyse discriminante Nous allons à présent décrire les prédicteurs, puis les fonctions discriminantes, afin de mettre en évidence le degré de précision des prédictions faites à partir des dimensions interactives pour attribuer une catégorie de l‟alliance familiale aux différentes familles évaluées. Arrêtonsnous d‟abord un instant sur les caractéristiques descriptives de nos 9 prédicteurs. Tableau 7 : Données descriptives des scores aux dimensions interactives du « FAAS – DCP » selon les catégories recodées de l‟alliance familiale Statistiques de groupe dim. 1 dim. 2 dim. 3 dim. 4 dim. 5 dim. 6 dim. 7 dim. 8 dim. 9 Alliances fonctionnelles (n =22) x sx Alliances problématiques (n = 12) x sx Alliances dysfonctionnelles (n = 10) x sx Echantillon total (n = 44) x sx 16.27 1.58 14.14 2.34 17.14 1.70 15.27 2.16 15.45 2.61 17.18 2.22 17.09 2.22 18.18 1.79 17.00 2.09 14.50 3.26 12.58 2.39 13.08 2.50 10.92 1.08 11.50 2.07 16.25 2.05 13.83 1.70 16.67 2.39 12.08 2.50 11.00 2.11 11.10 2.56 10.60 2.37 12.60 1.96 12.50 2.46 14.00 2.11 10.60 1.96 13.70 1.89 10.50 1.51 14.59 3.05 13.02 2.65 14.55 3.44 13.48 2.65 13.70 2.99 16.20 2.45 14.73 3.32 16.75 2.64 14.18 3.56 Il ressort du tableau 7 que les scores moyens diminuent entre les alliances fonctionnelles et problématiques, ainsi qu‟entre les alliances problématiques et dysfonctionnelles. Ce constat est cohérent avec le construit théorique sous-jacent à l‟élaboration du système de codage. En effet, plus les familles montrent des interactions dysfonctionnelles, plus leurs scores aux dimensions interactives seront bas et inversement. Notons toutefois qu‟en ce qui concerne les dimensions 4 « Coordination coparentale » et 5 « Organisation des rôles », les scores moyens diminuent entre les alliances fonctionnelles ( xCoordination = 15.27 ; xOrganisation = 15.45) et problématiques ( xCoordination = 10.92 ; xOrganisation = 11.50), mais deviennent plus élevés pour 163 les alliances dysfonctionnelles ( xCoordination = 12.60 ; xOrganisation = 12.50), bien que ces derniers restent plus bas que les scores moyens pour les alliances fonctionnelles. Deux explications sont possibles. Premièrement, il est probable que les familles marquées par la présence d‟un conflit manifestent des interférences, ce qui engendre en retour un non respect des rôles. En revanche, les familles aux alliances dysfonctionnelles peuvent présenter un retrait et ainsi donner le sentiment que les rôles sont mieux respectés en montrant moins d‟interférences, ce qui expliquerait que les scores soient plus élevés à ces deux dimensions au sein des familles qui présentent une alliance dysfonctionnelle. Deuxièmement, il est également possible que cette augmentation des scores soit imputable à une limite linguistique. En effet, l‟évaluateur qui a codé les familles ne maîtrisait pas totalement le suisse-allemand, ce qui a pu générer des confusions dans l‟interprétation de certains comportements qui relèveraient plus de l‟interférence que du non respect des rôles, pouvant ainsi expliquer pourquoi les familles avec une alliance dysfonctionnelle obtiennent des scores plus élevés aux deux dimensions par rapport aux familles qui ont une alliance problématique. Tableau 8 : Tests d‟égalité des moyennes des groupes et statistique de Wilks dim. 1 dim. 2 dim. 3 dim. 4 dim. 5 dim. 6 dim. 7 dim. 8 dim. 9 Λ de Wilks 0.52 0.78 0.35 0.48 0.64 0.73 0.36 0.54 0.33 F 18.73 5.77 37.49 22.13 11.73 7.53 36.54 17.49 41.03 df1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 df2 41 41 41 41 41 41 41 41 41 Sig. 0.000 0.000 0.000 0.002 0.000 0.006 0.000 0.000 0.000 Néanmoins, le tableau ci-dessus nous indique que pour chaque prédicteur, il y a une différence significative parmi les scores moyens dans les différentes catégories de l‟alliance. En effet, les tests d‟égalité des moyennes des groupes montrent que les catégories de l‟alliance diffèrent significativement à chaque dimension interactive (p < .05 pour chaque dimension). Il semble donc opportun de poursuivre nos analyses avec l‟ensemble des prédicteurs. Notons toutefois que la valeur λ de Wilks est plutôt élevée pour les dimensions 2 (λ = 0.78) et 6 (λ = 0.73), qui correspondent respectivement aux dimensions « Orientation des regards » et « Parental Scaffolding ». Elles sont donc les moins discriminantes. A l‟inverse, les dimensions 9 (λ = 0.33), 3 (λ = 0.35) et 7 (λ = 0.36), qui correspondent respectivement aux 164 dimensions « Chaleur familiale », « Inclusion/exclusion des partenaires » et « Activités partagées et co-construites », sont celles qui discriminent le mieux les différentes catégories de l‟alliance. L‟analyse discriminante a permis de mettre en évidence l‟existence de deux fonctions discriminantes. La valeur de la fonction 1 diffère significativement selon les catégories de l‟alliance (χ2 = 82, df = 18, p < 0.05). La fonction 2 présente des caractéristiques similaires à la première (χ2 = 21.02, df = 8, p < 0.05). La discrimination entre les groupes se fait donc sur la base de deux dimensions implicites. Il nous reste à savoir quels sont les prédicteurs qui contribuent le plus aux deux fonctions discriminantes. Tableau 9 : Corrélations combinées intra-groupes entre les prédicteurs et les fonctions discriminantes Matrice de structure dim. 9 dim. 3 dim. 7 dim. 1 dim. 8 dim. 6 dim. 2 dim. 4 dim. 5 Fonction 1 0.69 0.66 0.64 0.44 0.42 0.27 0.26 0.42 0.33 Fonction 2 -0.14 0.07 0.25 0.38 0.36 0.27 0.09 -0.67 -0.40 Notons que les prédicteurs, à savoir nos 9 dimensions interactives, ont été ordonnés dans le tableau ci-dessus en fonction du poids de leurs corrélations dans les fonctions discriminantes. Il ressort donc que toutes les dimensions, à l‟exception des dimensions 4 (« Coordination coparentale ») et 5 (« Organisation des rôles »), contribuent à la fonction discriminante 1, donc à discriminer les familles fonctionnelles des problématiques. Plus précisément, les dimensions 9 « Chaleur familiale » (r = 0.69), 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (r = 0.66) et 7 « Activités partagées et co-construites » (r = 0.64) sont les plus corrélées avec la fonction 1. Ce constat est en partie cohérent avec la notion de fonction pour réaliser un trilogue (cf. chapitre 3). En effet, la circulation des affects et le partage commun des activités sont respectivement des aspects des fonctions « Coopération » et « Chaleur » et les familles aux alliances problématiques, donc marquées par la présence d‟un conflit, ne remplissent pas ces fonctions. Par conséquent, il est logique que ces dimensions interactives contribuent le plus à discriminer ces deux catégories de l‟alliance familiale. Cependant, la présence d‟exclusion concerne plutôt la fonction « Participation », qui est la première fonction à ne pas 165 être remplie chez les familles dysfonctionnelles, donc désordonnées. Il est donc curieux de constater que cette dimension ne permette pas une meilleure discrimination des familles problématiques et dysfonctionnelles (r = 0.07). Une explication vient du fait que les familles conflictuelles présentent souvent des comportements d‟interférences, ce qui peut générer de l‟exclusion, particulièrement lorsqu‟ils sont nombreux et prononcés. Il s‟en suit que les familles caractérisées par l‟une ou l‟autre de ces alliances présenteraient des scores pas suffisamment distincts pour que la dimension 3 (« Inclusion/exclusion des partenaires ») puisse les discriminer. Néanmoins, cette dimension interactive contribue à discriminer les alliances fonctionnelles et dysfonctionnelles, ce qui est cohérent avec la théorie sous-jacente à la construction des dimensions interactives. Par rapport aux dimensions 1 « Disponibilité à interagir » (r = 0.44) et 8 « Sensitivity » (r = 0.42), leur contribution est modeste, mais leur corrélation est proche de celle établie pour la fonction 2, avec une corrélation respective de r = 0.38 et r = 0.36. Il semblerait donc que ces deux dimensions discriminent autant les familles qui ont une alliance fonctionnelle de celles avec une alliance problématique, de même qu‟elles permettent de discriminer les familles qui ont une alliance problématique de celles qui ont une alliance dysfonctionnelle. Par conséquent, moins les membres de la famille montrent de la disponibilité et de l‟empathie pour les affects du bébé, plus le fonctionnement familial est péjoré, ce qui est à nouveau cohérent avec la construction théorique des dimensions interactives du « FAAS – DCP ». Ce constat est également valable pour la dimension 6 « Parental Scaffolding », bien que sa contribution soit plus modeste par rapport aux dimensions 1 et 8. Finalement, la dimension 2 « Orientation des regards » est celle qui contribue le moins à discriminer les différentes catégories de l‟alliance. Par rapport à la fonction 2, il est intéressant de constater que les deux dimensions qui contribuent le plus à discriminer les alliances problématiques des dysfonctionnelles sont « Coordination coparentale » (r = -0.67) et « Organisation des rôles » (r = -0.40). Leur corrélation est négative, ce qui s‟explique par le fait que les familles aux alliances dysfonctionnelles obtiennent des scores meilleurs que les familles problématiques à ces deux dimensions (cf. tableau 7). Bien que ces corrélations soient négatives, il est cohérent de retrouver ces deux dimensions pour discriminer les alliances problématiques des dysfonctionnelles. En effet, si nous nous référons aux fonctions pour réaliser un trilogue, nous savons que les familles aux alliances problématiques peinent à se coordonner et ne remplissent pas la fonction de « Coopération ». Les familles aux alliances dysfonctionnelles sont marquées par un manque de cohésion ainsi que par des exclusions et ne peuvent donc pas 166 réaliser la fonction de « Participation ». Par conséquent, le manque d‟organisation et de coordination semblent être des prédicteurs propices pour discriminer les familles qui montrent un fonctionnement problématique ou dysfonctionnel. En d‟autres termes, ces dimensions permettent de discriminer les familles fonctionnelles des autres, ce qui est à nouveau cohérent avec la construction théorique de notre système de codage et constituent des prédicteurs probants pour discriminer les familles, au même titre que les dimensions associées à la fonction 1. Tableau 10 : Précision des prédictions faites à partir des fonctions discriminantes Résultats du classement a Classes d'affectation prévues Alliances Original Effectif Fonctionnelles % Fonctionnelles Problématiques Dysfonctionnelles Total 21 1 0 22 Problématiques 1 10 1 12 Dysfonctionnelles 0 2 8 10 Fonctionnelles 95.5 4.5 0 100 Problématiques 8.3 83.3 8.3 100 0 20 80 100 Dysfonctionnelles a. 88.6% des observations originales classées correctement Finalement, le tableau ci-dessus nous indique un degré de 88.6% de précision quant à la possibilité de prédire correctement l‟appartenance à une catégorie de l‟alliance familiale à partir des deux fonctions discriminantes. Plus précisément, nous constatons que les alliances fonctionnelles sont classées avec le plus d‟exactitude (95.5%), tandis que les plus mal classées sont les alliances dysfonctionnelles (80%). En d‟autres termes, les alliances dysfonctionnelles sont mal classées une fois sur cinq. Néanmoins, il est rassurant de voir que nous risquons de nous tromper en les classant comme problématiques, mais en aucun cas comme fonctionnelles. Finalement, les familles aux alliances problématiques sont correctement classées dans 83.3% des cas avec un risque équiprobable de les classer incorrectement dans les alliances fonctionnelles et dysfonctionnelles, à savoir dans 8.3% des cas. 167 En définitif, les fonctions discriminantes sont suffisamment précises pour permettre une discrimination fiable des familles aux alliances fonctionnelles par rapport à celles qui ont une alliance problématique ou dysfonctionnelle. Ce résultat est encourageant, d‟autant plus si nous partons du principe que les familles à risque pour l‟établissement des relations familiales sont celles qui obtiennent une alliance problématique ou dysfonctionnelle. Etant donné que la classification est suffisamment précise, les résultats de l‟analyse discriminante sont satisfaisants, malgré la violation de la normalité multivariée et de l‟homogénéité des matrices de covariance. En d‟autres termes, nous pouvons conclure que les prédicteurs, à savoir les 9 dimensions interactives, permettent tous de prédire l‟appartenance à l‟une ou l‟autre des catégories de l‟alliance. Cette analyse nous permet de croire en la construction de ce système de codage qui démontre une congruence entre les dimensions interactives et l‟établissement de l‟alliance. Néanmoins, il nous reste à établir la cohérence interne de ces dites dimensions. 9.2 Analyse exploratoire des facteurs sous-jacents aux dimensions interactives et cohérence interne Bien que l‟analyse discriminante soit un cas particulier de l‟analyse en compostante principale (ACP), nous devons recourir à cette deuxième statistique afin d‟établir la cohérence interne des dimensions interactives. Cette démarche nous permettra de déterminer le nombre de composantes pertinentes à l‟évaluation du fonctionnement familial. Sur la base des composantes issues de l‟ACP, nous déterminerons la cohérence interne des dimensions constituant chacune d‟elle à l‟aide du α de Cronbach. 9.2.1 Analyse en composante principale et détermination des composantes L‟analyse en composante principale (ACP) avec rotation oblique a été retenue, car nous nous attendons à ce que les facteurs sous-jacents puissent être corrélés, c‟est-à-dire que les composantes puissent représenter un même construit théoriquement censé. Afin de vérifier que toutes nos dimensions interactives soient pertinentes et puissent être utilisées pour l‟analyse en composante principale, nous avons procédé à une analyse des corrélations des dimensions entre elles. Ainsi, la matrice de corrélation (annexe 3) nous indique que les dimensions interactives corrèlent bien entre elles, mais pas parfaitement. Elles sont toutes supérieures à .05 et inférieures à .90 (A. Field, 2005). Le déterminant D = .001 168 confirme le fait que toutes les dimensions interactives corrèlent plutôt bien entre elles et qu‟aucune corrélation n‟est particulièrement grande. Dès lors, toutes nos variables peuvent être retenues pour l‟ACP. Selon le critère de Kaiser, (une valeur entre .8 et .9 est très bonne), l‟indice de Kaiser-Mayer-Olkin (KMO = .851) nous laisse penser que les patterns de corrélations sont compacts et l‟ACP devrait fournir des facteurs distincts et fiables. Finalement, le test de sphéricité de Barlett montre que la matrice de corrélation n‟est pas une matrice d‟identité, c‟est-à-dire que les dimensions corrèlent bien entre elles et ne sont pas indépendantes les unes des autres. Ainsi, une ACP avec rotation oblique est recommandée. Tableau 11 : Total de la variance expliquée selon les facteurs Composante Valeurs propres initiales Extraction Somme des carrés des facteurs retenus Somme des carrés des facteurs retenus pour la rotation (a) % de la % Total variance cumulés Total % de la variance % cumulés Total % de la variance % cumulés 1 5.33 59.22 59.22 5.33 59.22 59.22 4.91 2 1.13 12.59 71.81 1.13 12.59 71.81 3.39 3 0.87 9.68 81.49 4 0.46 5.09 86.58 5 0.37 4.10 90.68 6 0.34 3.75 94.43 7 0.20 2.18 96.60 8 0.18 2.05 98.65 9 0.12 1.35 100.00 Méthode d’extraction : Analyse en composantes principales. a Lorsque les composantes sont corrélées, les sommes des carrés des facteurs retenus ne peuvent pas être additionnées pour obtenir une variance totale. L‟ACP avec rotation oblique (oblimin) (cf. tableau 11) a mis en évidence deux facteurs avec une valeur propre supérieure ou égale à 1 après extraction, expliquant près de 72% de la variance totale. Le premier facteur explique à lui seul près de 60% de la variance totale, tandis que le deuxième facteur explique près de 13% de la variance. Le premier facteur se réfère à la structure verbale et non-verbale des interactions et regroupe les dimensions suivantes : 1. Disponibilité à interagir, 8. Sensitivity, 6. Parental scaffolding, 7. 169 Activités partagées et co-construites, 2. Orientation des regards, 9. Chaleur familiale, 3. Inclusion/exclusion des partenaires. Il englobe donc les ajustements corporels, la qualité des stimulations adressées au bébé, ainsi que le partage d‟activités et d‟affects. Nous avons donc nommé ce premier facteur : « engagement et partage ». Le second facteur se réfère quant à lui au fonctionnement conjugal et coparental et regroupe les dimensions suivantes : 4. Coordination coparentale et 5. Organisation des rôles. Il comprend les aspects liés à la manière dont les parents se coordonnent et se soutiennent tout en s‟adaptant au contexte. Nous avons donc nommé ce facteur : « ajustement conjugal et coparental ». Finalement, les deux facteurs sont moyennement corrélés (r = .48), ce qui nous conforte dans la confiance que nous pouvons accorder aux facteurs issus de l‟ACP avec rotation oblique (oblimin). 9.2.2 Cohérence interne des composantes Nous venons de dégager deux composantes sous-jacentes aux 9 dimensions interactives. Il reste encore à établir la cohérence interne de chacune de ces composantes, par le biais du calcul de l‟α de Cronbach (A. Field, 2005). Tableau 12 : Statistique de l‟α de Cronbach pour la composante 1 Statistiques de total des éléments 1. Disponibilité à interagir 2. Orientation des regards 3. Inclusion/exclusion des partenaires 6. Parental scaffolding 7. Activités partagées et co-construites 8. Sensitivity 9. Chaleur familiale Moyenne de l’échelle si suppression de l’élément Variance de l’échelle si suppression de l’élément Corrélation complète des éléments corrigés Carré de la corrélation multiple Alpha de Cronbach si suppression de l’élément 89.43 218.530 .748 .639 .895 91.00 240.930 .575 .462 .912 89.48 211.651 .718 .620 .899 87.82 239.315 .659 .538 .905 89.30 202.539 .867 .778 .881 87.27 229.645 .733 .674 .898 89.84 199.114 .832 .754 .885 α de Cronbach = .910 170 Nous constatons premièrement que les corrélations totales corrigées sont toutes supérieures à .3. La valeur minimale est r = .575 et la valeur maximale est r = .832, ce qui nous indique que toutes les dimensions contribuent à la mesure globale de la composante. Par ailleurs, les valeurs pour le α de Cronbach lorsque nous enlevons une dimension interactive sont toutes proches de α = .910. En effet, les valeurs oscillent toutes entre .881 et .912. Toutefois, si nous supprimions la dimension 2 « Orientation des regards » la valeur serait α = .912. Autrement dit, cette dimension tendrait à diminuer la fiabilité de la composante « engagement et partage ». Etant donné que la valeur globale est déjà très bonne et que l‟augmentation est minime si nous excluons la dimension 2, nous n‟avons aucune raison de vouloir exclure ou modifier ladite dimension. Finalement, nous pouvons constater que la cohérence interne de la première composante issue de l‟ACP est très bonne et que toutes les dimensions contribuent positivement à la fiabilité générale. Tableau 13 : Statistique de l‟α de Cronbach pour la composante 2 Statistiques de total des éléments 4. Coordination coparentale 5. Organisation des rôles α de Cronbach = .840 Moyenne de l’échelle si suppression de l’élément 13.70 Variance de l’échelle si suppression de l’élément 8.957 Corrélation complète des éléments corrigés .730 Carré de la corrélation multiple .532 13.48 7.046 .730 .532 Concernant la deuxième composante, nous constatons à nouveau que la corrélation totale corrigée est supérieure à .3. Elle est même très bonne (r = .730), donc nos deux dimensions interactives contribuent à la mesure globale de la composante « ajustement conjugal et coparental ». Notre cohérence interne pour cette dernière, bien que moins élevée que celle de la première composante, est plutôt bonne (α = .840). Nous pouvons dire que cette deuxième composante est également fiable. 9.3 Discussion des résultats Dans ce chapitre, nous nous sommes employés à établir dans quelle mesure les scores aux dimensions interactives permettaient de prédire l‟appartenance à l‟une ou l‟autre des catégories de l‟alliance. Si la construction de notre système de codage et la structure 171 factorielle qui s‟en dégage reflètent bien notre construit théorique, les scores aux dimensions devraient prédire l‟appartenance aux catégories de l‟alliance. L‟analyse discriminante, bien que non optimale en raison des deux conditions de distribution non respectées (normalité et homogénéité), nous a permis de mettre en évidence l‟existence de deux fonctions discriminantes qui prédisent significativement l‟appartenance aux catégories de l‟alliance familiale, respectivement χ2 = 82, df = 18, p < 0.05 et χ2 = 21.02, df = 8, p < 0.05. Les dimensions 4 « Coordination coparentale » et 5 « Organisation des rôles » sont les prédicteurs qui contribuent le plus à discriminer les alliances problématiques des dysfonctionnelles (fonction 2), tandis que les autres dimensions sont associées à la fonction 1, qui discrimine les alliances fonctionnelles des problématiques. Finalement, les dimensions permettent de classer correctement les familles avec une alliance fonctionnelle dans 95.5% des cas, les alliances problématiques dans 83.3% des cas et finalement, les alliances dysfonctionnelles dans 80% des cas. Bien qu‟en ce qui concerne la prédiction des alliances dysfonctionnelles, nous avons une chance sur cinq de nous tromper, l‟impact que cette erreur pourrait revêtir est à relativiser car ces familles seraient classées dans les alliances problématiques, mais en aucun cas dans les alliances fonctionnelles. D‟un point de vue clinique, les alliances problématiques et dysfonctionnelles représentent toutes deux des familles à risque au niveau du développement des relations familiales triadiques, de même que l‟enfant est à risque dans son développement (Frascarolo, Suardi et al., 2007). Nous avons donc un risque minime (4.5%) de ne pas détecter des dysfonctionnements au niveau des interactions familiales. Ainsi, le fait de pouvoir différencier avec précision les familles fonctionnelles des autres s‟avère pertinent et congruent avec le construit théorique relatif au système de codage « FAAS – DCP » et nous autorise à conclure que nos dimensions sont de bons prédicteurs de l‟alliance familiale, et contribuent donc de manière cohérente à l‟établissement de cette dernière. Ensuite, nous avons réalisé une analyse exploratoire afin de déterminer l‟existence de composantes sous-jacentes aux neuf dimensions. L‟analyse en composante principale a permis de dégager deux composantes, nommées « engagement et partage » et « ajustement conjugal et coparental » qui ont toutes deux montré une bonne ou très bonne consistance interne (respectivement, α = .910 et α = .840). Les deux composantes montrent une corrélation moyenne (r = .48), ce qui est congruent avec la théorie. La première composante représente une mesure des interactions au niveau familial, tandis que la seconde concerne plus une mesure du fonctionnement conjugal et coparental. La recherche a pu mettre en évidence 172 que la qualité de la relation conjugale influence le type d‟interaction familiale (Elliston et al., 2008; McHale et al., 2007; McHale et al., 2002). Il n‟est donc pas surprenant que ce qui est mesuré au niveau du fonctionnement conjugal puisse influencer la mesure du fonctionnement familial et inversement. Bien qu‟aucune étude n‟ait pu mettre en évidence un lien entre la conjugalité, la coparentalité et l‟alliance familiale, il a été souvent relevé que les comportements observés dans les interactions peuvent révéler une détresse dans le couple (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; Fincham, 1998; McHale, 1997; McHale et al., 2007). Une relation d‟interdépendance entre le système familial et le fonctionnement conjugal serait possible, tout du moins cliniquement pertinent. Le premier facteur regroupe la majorité des dimensions interactives et reflète différents aspects du fonctionnement familial, à savoir : les indices corporels physiques indiquant une disponibilité à interagir et l‟inclusion des membres de la famille (dimensions 1, 2 et 3) ; la qualité de parentage intuitif (dimensions 6 et 8); les échanges cognitifs et affectifs (dimensions 7 et 9) entre les membres de la famille. Ce regroupement des dimensions est cohérent avec le concept théorique du parentage intuitif qui est défini comme étant la qualité des stimulations parentales et de la régulation des affects (H. Papousek & Papousek, 1989, 2002; Stern, 2003). En ce sens, la qualité de cet encadrement parental comprend non seulement la richesse et la variété des stimulations proposées, ainsi que leur adaptation et prédictibilité, mais également les réponses affectives, la régulation et la validation des affects du nouveau-né (Stern, 1999). Dans le contexte des interactions familiales triadiques, ces comportements permettent au nouveau-né de participer aux activités, donc d‟enrichir en retour les échanges, pour autant que tous soient disponibles (Fivaz-Depeursinge & CorbozWarnery, 2001). Par conséquent, cela permet aux affects de circuler entre tous les membres de la famille. Nous pouvons donc penser que ce facteur est une mesure de l‟engagement de chaque membre de la famille et de la qualité des échanges affectifs et cognitifs. Toutefois, l‟implication envers l‟enfant est une des facettes du coparentage (McHale, 2007b; McHale & Rasmussen, 1998), alors que ce dernier est plutôt considéré dans la deuxième composante. Cette divergence avec le concept théorique de coparentage peut s‟expliquer par la nature de la tâche. En effet, les activités sont centrées sur les soins, c‟est-à-dire le changement des langes. Ce contexte favorise plutôt l‟expression de comportement de parentage intuitif plutôt que de coparentage. Par ailleurs, le fait que l‟évaluation des familles se fasse à 3 semaines postpartum, peut laisser penser qu‟il est trop tôt pour parler de coparentage et que le concept de parentage serait plus approprié (J. McHale, communication personnelle, 12 avril 2010). Ainsi, 173 l‟engagement de chaque parent relèverait, dans notre contexte, du parentage et non du coparentage, ce qui est soutenu par la structure de notre composante « engagement et partage ». Toutefois, l‟existence de la deuxième composante, comme nous le verrons cidessous, laisse penser que la notion de coparentage reste pertinente, mais pourrait être reconceptualisée dans le contexte des soins avec un bébé de 3 semaines. Par rapport à la composante « ajustement conjugal et coparental », le regroupement des dimensions 4 et 5 est également cohérent avec la théorie. En effet, les relations conjugales et coparentales sont similaires, bien que distincts sous certains aspects (McHale et al., 2002). Les registres conjugal et coparental au sein d‟une famille représentent deux registres différents mais toutefois reliés entre eux (Suardi, 2005), ce qui va dans le sens de la corrélation élevée entre les deux dimensions (r = .730, p < .001). De part leur interdépendance, un conflit entre les parents peut entraîner une dégradation des interactions tant au niveau coparental que conjugal. A l‟inverse, une famille n‟étant pas en proie à un conflit devrait être susceptible de montrer un soutien mutuel dans les activités coparentales et conjugales. Ainsi, comme l‟ont souligné Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery (2001), les familles qui présentent un conflit, ce qui se voit généralement bien dans l‟évaluation de la dimension 4 « coordination coparentale », peuvent également montrer des déformations dans l‟organisation des rôles (dimension 5), d‟où le regroupement de ces deux dimensions en un facteur nommé « ajustement conjugal et coparental ». Ce facteur relève d‟une importance toute particulière, compte tenu du fait qu‟en période de transition à la parentalité, le passage du couple à la triade familiale se caractérise par une baisse de la satisfaction conjugale accompagnée d‟une augmentation des conflits entre les partenaires (Belsky et al., 1983; Lawrence et al., 2008; Shapiro et al., 2000) et d‟une diminution des échanges positifs entre les partenaires (C. P. Cowan & Cowan, 2000; Schulz et al., 2006). A partir de ces deux composantes, nous avons tenté de créer une typologie en les combinant comme suit : 1. Composantes 1 et 2 élevées : Nous sommes en présence de familles caractérisées par une disponibilité et une inclusion de tous les membres en vue de permettre des échanges affectifs et cognitifs, une bonne adaptation des parents aux capacités et à l‟état de l‟enfant, ainsi qu‟un soutien mutuel entre les parents. 174 2. Composante 1 élevée et composante 2 basse : Cette configuration correspond à des familles qui pourraient être suffisamment engagées dans les interactions afin de favoriser et/ou maintenir les échanges, mais le contenu de ces échanges est conflictuel, entraînant ainsi la division de l‟unité coparentale, voire du couple conjugal. Toutefois, la qualité des stimulations adressées au nouveau-né et la capacité de chaque parent à valider et répondre à ces affects peuvent être adéquats. 3. Composantes 1 et 2 basses : Nous sommes en présence de familles qui ne peuvent pas s‟engager dans des interactions familiales triadiques, ce qui est caractérisé par des exclusions de certains membres de la famille. Par ailleurs, les parents n‟arrivent pas à se soutenir mutuellement, se désengagent de la situation, voire montrent de l‟indifférence l‟un par rapport à l‟autre. De même, ils peinent généralement à s‟adapter au contexte de la tâche et à subvenir aux besoins du bébé. Cette typologie est congruente avec celle de l‟alliance familiale proposée par FivazDepeursinge & Corboz-Warnery (2001). Nous pouvons donc être confiant quant à la structure du système de codage « FAAS – DCP ». En effet, les dimensions sont regroupées en composantes théoriquement cohérentes et contribuent toutes positivement à l‟évaluation de l‟alliance familiale. Les données issues du codage des familles selon les dimensions interactives sont donc fiables et pertinentes. 175 Chapitre X : Question de recherche 2 : La fidélité inter-juges (n = 21) Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la fidélité inter-juges, à savoir si plusieurs experts évaluent de manière similaire une même famille. La question est de savoir si, en s‟appuyant sur le système de codage « FAAS – DCP », différents cliniciens ont la même compréhension des familles. Ainsi, la fidélité inter-juges nous permettra d‟objectiver le degré d‟accord possible entre les différents évaluateurs qui ont apprécié les interactions observées pour les mêmes familles. Cette étape est cruciale pour l‟établissement de la validité de ce système de codage. 10.1 Le choix des indices de mesure du degré d‟accord et leurs seuils Afin d‟estimer le degré d‟accord entre les juges, nous avons le choix entre plusieurs méthodes statistiques et allons présenter dans cette section celles qui nous ont paru propices à l‟établissement de la fidélité inter-juges. 10.1.1 Le coefficient de concordance de Kendall Le coefficient de concordance de Kendall (W), permet de mesurer le niveau de consensus dans l‟opinion d‟un groupe de juges, compte tenu d‟un seuil de confiance. Autrement dit, ce coefficient de concordance est une mesure du degré d‟accord entre plusieurs juges, lorsque le nombre de juges dépasse 2 (Howell, 2008). La statistique W varie entre 0 et 1. Plus ce coefficient est proche de 1, plus le degré de consensus entre les juges est élevé. Bien qu‟il ne s‟agisse pas d‟un coefficient de corrélation standard, il peut pourtant s‟interpréter comme une statistique familière, dans la mesure où nous pouvons considérer que ce coefficient est fonction du coefficient moyen de Spearman calculé sur les classements de tous les couples possibles de juges. Hays (1981, cité par Howell, 2008) conseille de rendre compte de W, mais d‟ensuite le transformer en rs pour l‟interprétation. Le W a bien l‟avantage d‟être compris entre 0 et 1, ce qui n‟est pas le cas pour rs, mais il n‟est lié à aucune signification intuitive, contrairement à rs. Donc, sachant que k = 3 (k étant le nombre de juges), nous pouvons calculer rs grâce à la formule suivante : 176 rs = kW – 1 k–1 Ainsi, les seuils d‟interprétation du coefficient rs proposés par Howell (2008) sont : Une corrélation ≥ 0.80 = très forte Une corrélation entre 0.75 et 0.80 = fort Une corrélation entre 0,6 et 0.75 = moyenne Une corrélation < 0.6 = faible Ainsi, la faiblesse du coefficient W étant liée à son interprétation, il doit être transformé en un coefficient de corrélation. Or, avec la corrélation de Spearman, les scores entre 2 juges peuvent être fortement corrélés, sans pour autant que les juges soient d‟accord entre eux. Une corrélation élevée pourrait indiquer tant un degré d‟accord que de désaccord. C‟est pourquoi nous tiendrons également compte dans nos analyses du coefficient de corrélation intra-classe (ICC), présenté ci-dessous. 10.1.2 Le coefficient de corrélation intra-classe (ICC) Vu la faiblesse du coefficient W nous avons décidé de recourir également au calcul des coefficients de corrélation intra-classe (ICC). Ce coefficient a l‟avantage de tenir compte de la variabilité entre les juges (Howell, 2008), ou autrement dit, des différences dues aux juges. De plus, les ICC étant communément utilisés, cela nous permettra de comparer nos résultats à ceux d‟études analogues, portant sur le LTP, ce que nous présenterons dans la discussion de nos résultats. Les seuils établis par Ebel (1951) permettront d‟interpréter les ICC. Ils sont définis comme suit : Une ICC < 0.4 = degré d‟accord faible. Une ICC entre 0.4 et 0.75 = degré d‟accord moyen. Une ICC ≥ à 0.75 = degré d‟accord fort. 177 En définitif, nous allons prendre en compte la recommandation formulée par Siegel et Castellan (1988) sur la nécessité d‟utiliser le coefficient de concordance W de Kendall en présence de trois juges. Ces coefficients W seront donc présentés avec leur transformation en rs, puis mis en lien avec les ICC, dans le but de garantir une meilleure lecture du degré d‟accord entre les juges. 10.2 Le degré de concordance selon le W de Kendall Le degré de concordance a été calculé pour les 9 dimensions interactives ainsi que pour l‟alliance familiale et sont présentés dans le tableau ci-dessous. Tableau 14 : Coefficients W et rs pour les dimensions interactives et l‟alliance familiale Dimension 1 Dimension 2 Dimension 3 Dimension 4 Dimension 5 W de Kendall 0.87 0.85 0.89 0.84 0.82 rs 0.81 0.78 0.84 0.76 0.73 Dimension 6 Dimension 7 Dimension 8 Dimension 9 Alliance familiale W de Kendall 0.84 0.75 0.85 0.85 0.85 rs 0.76 0.62 0.77 0.77 0.78 Les valeurs de W vont de .75 à .89, ce qui intuitivement laisse à penser que le degré de concordance entre les juges est satisfaisant, voir bon selon les dimensions. Les valeurs rs varient entre .62 et .84. Nous remarquons alors, qu‟à travers cette transformation, les valeurs diminuent sensiblement. 10.2.1 Le degré d‟accord moyen La dimension 7 « Activités partagées et co-construites » est celle qui présente la corrélation la plus faible (W = .75 ; rs = .62), ce qui signifie que les juges ont montré le degré d‟accord le moins bon, bien qu‟acceptable. Toutefois, ce résultat indique que cette dimension devrait être retravaillée, en vue d‟améliorer le degré d‟accord. 178 La dimension 5 « Organisation des rôles » montre également un consensus acceptable (W = .82 ; rs = ,73). Elle semble donc montrer un degré d‟accord plus satisfaisant que celui de la dimension 7. Là aussi, il semblerait qu‟il soit souhaitable de considérer cette dimension avec prudence. 10.2.2 Le degré d‟accord fort à très fort Les dimensions 2 « Orientation des regards », 4 « Coordination coparental », 6 « Parental scaffolding », 8 « Sensitivity », 9 « Chaleur familiale » montrent des coefficients de concordance W entre .84 et .86, ainsi que des corrélations rs entre .76 et .78. Le degré d‟accord est appréciable entre les trois juges, vu que les corrélations sont relativement fortes. Il semblerait donc que ces dimensions puissent être utilisées pour l‟évaluation des familles au DCP. La dimension 1 « Disponibilité à interagir » (W = .87 ; rs = .81) et 3 « inclusion/exclusion des partenaires » (W = .89 ; rs = .84) montrent un consensus très fort. Les indices permettant de coder ces deux dimensions étant principalement des indices physiques (p. ex : orientation corporelle, détournement de la tête, attitude d‟indifférence), ces résultats peuvent refléter une plus grande objectivité chez les codeurs. 10.2.3 Le degré d‟accord à l‟alliance familiale Le degré d‟accord entre les juges (W = .85 ; rs = .78) montre un consensus satisfaisant, ce qui signifie que la définition des différentes catégories de l‟alliance semble être appropriée pour la situation du DCP. En ce sens, les juges paraissent avoir la même compréhension du fonctionnement familial triadique. 10.3 Le degré d‟accord selon les corrélations intra-classe (ICC) Après une première analyse sur la fidélité inter-juges, nous constatons des résultats plutôt encourageants. Toutefois, pour avoir réellement confiance à propos du degré d‟accord entre nos trois experts de l‟évaluation des interactions familiales, nous devons encore procéder au calcul des ICC. 179 Tableau 15 : Coefficients de corrélation intra-classe (ICC) des dimensions interactives et de l‟alliance familiale Dimension 1 Dimension 2 Dimension 3 Dimension 4 Dimension 5 ICC 0.82 0.75 0.82 0.67 0.74 Intervalle de confiance [0.66 - 0.92] [0.55 – 0.88] [0.67 - 0.92] [0.44 - 0.84] [0.54 - 0.88] Dimension 6 Dimension 7 Dimension 8 Dimension 9 Alliance familiale ICC 0.82 0.66 0.77 0.75 0.76 Intervalle de confiance [0.66 - 0.91] [0.43 – 0.83] [0.59 - 0.89] [0.56 - 0.88] [0.56 - 0.88] Le tableau 15 nous indique que les ICC vont de .66 (degré d‟accord moyen) à .82, ce qui va dans le sens du consensus satisfaisant voire bon mis en évidence lors calcul du W de Kendall et du coefficient rs. 10.3.1 Le degré d‟accord moyen Les juges montrent un degré d‟accord moyen pour les dimensions 4 « Coordination coparentale » (ICC = .67), 5 « Organisation des rôles » (ICC = .74) et 7 « Activités partagées et co-construites » (ICC = .66). Il semblerait donc que ces dimensions devraient être améliorées, dans le sens où des indices de codage plus précis et adaptés à la situation du DCP devraient être développés. En effet, lorsque nous regardons les intervalles de confiance (IC), le degré probable d‟accord réel entre les juges se situe dans une tranche large pouvant aller d‟un degré d‟accord moyen à fort (dimension 7, [.43 – .83] ; dimension 4, [.44 – .84] ; dimension 5, [.54 – .88]). Ces dimensions doivent donc être considérées avec prudence. Lorsque nous comparons les coefficients ICC (et leur IC), aux coefficients W et rs pour ces dimensions, nous nous apercevons que la dimension 7 (rs = .62 ; ICC = .66 ; IC : [.43 – .83]) reste celle qui montre le degré d‟accord le plus faible, ce qui souligne d‟avantage la nécessité d‟affiner les critères de cette dimension. 180 En ce qui concerne le consensus à la dimension 5, il s‟améliore (ICC = .74) par rapport au degré de concordance (W = .82, rs = .73 ; ICC = .74 ; IC : [.54 – .88]). Bien que l‟ICC soit satisfaisant, l‟IC montre que la valeur réelle probable peut varier entre .54 et .88, ce qui signifie que la prudence est de mise quant à son utilisation pour évaluer le fonctionnement familial. Par contre, le consensus baisse pour la dimension 4 (W = .84 ; rs = .76 ; ICC = .67 ; IC : [.44 – .64]). Toutefois, le degré d‟accord reste acceptable, voire satisfaisant, si l‟on se réfère aux ICC obtenus par McHale et coll. (2007) au CFRS (instrument similaire, mais adressé à des familles avec un bébé de 3 mois post-partum). En effet, par rapport aux dimensions du « Verbal Sparing » et « Competition » où les coefficients ICC varient entre .66 à .89 (McHale et al., 2007) et qui sont des indices de conflit coparental (donc en lien avec notre dimension), il est possible de dire que les valeurs obtenues dans notre cas indiquent un accord satisfaisant. Cette dimension devrait quand même être considérée avec prudence, vu l‟étendue de l‟IC ([.44 – .84]). En définitif, malgré des degrés d‟accord plutôt satisfaisants, ces trois dimensions peuvent être affinées afin de générer un consensus plus fort, ce qui est suggéré par nos IC. 10.3.2 Le degré d‟accord fort Les dimensions 1 « Disponibilité à interagir » (ICC = .82), 2 « Orientation des regards » (ICC = .75), 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (ICC = .82), 6 « Parental scaffolding » (ICC = .82), 8 « Sensitivity » (ICC = .77), 9 « Chaleur familiale » (ICC = .75) montrent des corrélations fortes, ce qui signifie que le degré d‟accord entre les trois juges est élevé. En tenant compte des IC, nous remarquons que l‟étendue des valeurs réelles probables pour le degré d‟accord se situe entre .55 (dimension 2) et .92 (dimensions 1 et 3). Le degré d‟accord probable entre les 3 experts oscille entre moyen et fort. En comparant avec les coefficients W et rs, nous nous apercevons que les dimensions 1 (W = .87, rs = .81, ICC = .82, IC = [.66 – .92]) et 3 (W = .89, rs = .84, ICC = .82, IC : [.67 – .92]) montre un consensus fort quel que soit l‟indice statistique utilisé. Ainsi, ces dimensions peuvent être utilisées de manières fiables. Les dimensions 2 (W = .85, rs = .78, ICC = .75, IC = [.55 – .88]), 6 (W = .84, rs = .76, ICC = .82, IC = [.66 – .91]), 8 (W = .85, rs = .77, ICC = .77, IC = [.59 – .89]) et 9 (W = .85, rs = .77, 181 ICC = .75, IC = [.56 – .88]) peuvent être considérées comme satisfaisantes dans l‟ensemble, car elles présentent toutes des ICC entre 0,75 et 0,82. Notons toutefois que le consensus révélé par l‟ICC pour la dimension 6 est plus élevé que celui indiqué par le coefficient rs. Pour le reste des dimensions les valeurs entre l‟ICC et rs sont proches. Finalement, il faut être attentif au fait que les valeurs réelles peuvent probablement se situer dans une fourchette plus large indiquant que le consensus réel est probablement moyen ou fort. 10.3.3 Le degré d‟accord à l‟alliance familiale Nous obtenons un consensus fort entre les trois experts par rapport à l‟attribution de l‟alliance familiale (ICC = .76, IC = [.56 – .88]). Notre degré d‟accord se situe en réalité entre .56 et .88, indiquant que ce consensus varie entre moyen et fort. Lorsque nous comparons ce résultat aux coefficients W (.85) et rs (.78), le même constat d‟un consensus important entre les juges peut se faire. Nous pouvons en conclure que les catégories de l‟alliance semblent être appropriée pour la situation du DCP car différents évaluateurs peuvent avoir une compréhension similaire du fonctionnement d‟une même famille. 10.4 Discussion des résultats En considérant à la fois les coefficients de concordance de Kendall (W), de corrélation moyen de Spearman (rs), ainsi que les coefficients de corrélation intra-classe (ICC), il ressort que le degré d‟accord aux différentes dimensions varie légèrement selon l‟indice que nous regardons, bien que dans l‟ensemble le niveau de consensus soit comparable selon les différentes techniques de calcul. Tous ces coefficients montrent une même tendance, allant vers un accord entre les juges. De plus, si nous comparons nos ICC à ceux obtenus au LTP (Favez, Lavanchy, Cuennet, Frascarolo, & Despland, 2006), nous nous apercevons que dans l‟ensemble, nous obtenons des valeurs similaires (cf. tableau 16). 182 Tableau 16 : Comparaison des ICC entre la situation DCP et LTP 10.4.1 ICC DCP ICC LTP dimension 1 0.82 0.82 dimension 2 0.75 0.63 dimension 3 0.82 0.73 dimension 4 0.67 0.78 dimension 5 0.74 0.92 dimension 6 0.82 0.81 dimension 7 0.66 0.87 dimension 8 0.77 0.70 dimension 9 0.75 0.80 Degré d‟accord moyen : dimensions 4, 5 et 7 Selon les résultats obtenus, 3 dimensions présentent un degré d‟accord moyen. Il s‟agit des dimensions 4 « Coordination coparentale », 5 « Organisation des rôles » et 7 « Activités partagées et co-construites ». Une remarque générale peut être adressée pour ces trois dimensions, et concerne la barrière de la langue. En effet, avec un bébé de 3 semaines, les activités partagées, le soutien entre les parents, la présence de conflits, le respect ou non respect des rôles se manifestent plus par des échanges verbaux entre les parents que par des attitudes physiques. En ce sens, lors des soins ou de la discussion conjugale, le contenu du discours est pris en considération. Le fait qu‟un des juges n‟était pas familiarisé au suisseallemand et qu‟un second n‟avait pas une compréhension optimale de cette langue a pu être source de variabilité entre les juges. Ainsi, des divergences ont pu émaner en raison de cette limite linguistique. La dimension 7 « Activités partagées et co-construites » est celle où les 3 juges présentent le degré d‟accord le plus faible, bien que cela puisse être considéré comme acceptable. Une explication possible à la faiblesse de cette dimension serait liée à la nature de la tâche. Le moment du changement de lange peut rendre plus difficile l‟observation d‟une coconstruction et d‟un partage des activités, comparativement à la situation d‟observation LTP. Il a été constaté à plusieurs reprises que le parent qui change le bébé est plus concentré sur la tâche que sur les signaux du bébé, pouvant donner le sentiment au codeur que le(s) parent(s) 183 actif(s) ne partage(nt) pas forcément l‟activité avec le bébé ou n‟entre(nt) pas en contact avec lui. Il semblerait que l‟attention du parent actif se porte principalement sur les soins et que le moment de partage se fasse dans un deuxième temps, c‟est-à-dire lorsque le changement de langes est terminé. L‟aspect du partage de l‟activité et de la co-construction pendant les deux premières parties peut donc laisser place à une part interprétative chez les évaluateurs. Ainsi, la manière de considérer les comportements de partage et de co-construction peut être une source de désaccord entre les juges à cette dimension. Il est donc possible que les critères définissant le partage des activités et la co-construction ne soient pas adaptés à la situation DCP. En effet, les critères sont inspirés du manuel FAAS pour le LTP (qui correspond à une situation de jeu et non de soins, avec un nouveau-né de trois mois et non de 3 semaines). Bien que cette dimension fût remaniée pour être cohérente avec la situation où les parents interagissent avec un bébé de trois semaines, la description des comportements attendus de la part des parents reste succincte. Il semble donc judicieux de fournir des critères plus objectifs pour réduire la part de variabilité due aux juges, donc améliorer la fidélité inter-juges. Par rapport à la dimension 5 « Organisation des rôles », le degré d‟accord est sensiblement meilleur que pour la dimension 7. Bien qu‟il puisse être considéré comme satisfaisant, il faut noter que cette dimension présente une lacune dans sa définition. En effet, outre le critère de la distance corporelle, il y a celui de l‟implication de chacun dans son rôle. Ce dernier aspect n‟a pas été opérationnalisé dans la grille de codage, ce qui laisse une part de subjectivité plus importante dans l‟évaluation des familles à cette dimension. Cette lacune peut donc expliquer que le consensus soit relativement « faible » comparativement aux autres dimensions. Une autre explication à la faiblesse du consensus pour la dimension 5 vient du fait que certaines familles ont dû, pour des raisons liées à l‟état du bébé, modifier le setting de base (par exemple, prendre le bébé dans les bras pour le calmer, voire se lever avec), ce qui rend difficile une compréhension commune du respect des rôles et des distances. Il y a donc une source probable de variabilité, qui semble tout de même avoir été plutôt bien contrôlée dans la manière d‟appréhender ce cas de figure19. Mais elle pourrait certainement être encore mieux contrôlée par une définition plus claire de la manière de coder les familles à cette dimension lorsque le bébé n‟est pas dans un état propice aux interactions (pleurs, sommeil). En effet, ces 19 Pour plus de détails, voir le préambule au codage des dimensions du « FAAS – DCP » dans l‟annexe 1. 184 états ne sont pas rares avec un nouveau-né de 3 semaines et l‟adaptation au rôle implique souvent une réorganisation du setting, ce qui devrait être mieux opérationnalisé à l‟avenir. Finalement, la nature de la tâche peut également jouer un rôle dans l‟évaluation de cette dimension. Lors du changement de langes, le parent actif peut solliciter l‟aide du parent tiers (par exemple en lui demandant la crème), voire le parent tiers propose spontanément son aide. Ce type de comportement semble spécifique et adapté aux soins. Bien qu‟il est stipulé que ces comportements ne sont pas à sanctionner dans la cotation, il est possible qu‟en fonction du contexte de l‟interaction, un même comportement soit perçu comme un non respect du rôle, voire une interférence, ou au contraire, comme une implication adéquate dans son rôle qui pousserait le parent tiers à sortir de la position d‟observateur. Cette part de subjectivité, assumée par le manuel de codage, peut donc être source de divergence entre les juges. Par conséquent, un évaluateur pourra par exemple sanctionner le non respect du rôle soit comme une interférence (donc dans la dimension 4) et non comme non respect du rôle, tandis qu‟un autre sanctionnera ce même comportement en le considérant comme un non respect du rôle (donc dans la dimension 5), et non comme une interférence. Ainsi, un même comportement peut être considéré de différentes manières, ce qui est incontestablement source de variabilité entre différents évaluateurs. Bien que le consensus puisse être considéré comme satisfaisant pour la dimension 4 « Coordination coparentale », il est préférable de considérer cette dimension avec prudence. En effet, les écarts importants entre les coefficients W, rs et les ICC, indique que cette dimension peut probablement montrer un degré d‟accord moyen, ce qui est soutenu par l‟idée que les comportements d‟interférences ont pu être sujets à des compréhensions diverses selon les juges (principalement dans l‟interprétation d‟un comportement comme interférence et/ou non respect du rôle). Par ailleurs, l‟impact de la limite linguistique citée plus haut, est d‟autant plus important à cette dimension. En effet, les conflits, les interférences verbales peuvent être subtils et échapper à l‟attention d‟un, voire de deux des trois juges. Par conséquent, il semble plausible d‟imaginer qu‟avec un panel de juges ayant toutes et tous une compréhension parfaite du suisse-allemand, nous aurions obtenu un consensus plus fort. Il est à noter que cette remarque s‟applique également à la dimension 7. 185 Les commentaires adressés aux dimensions 4, 5 et 7 s‟avèrent refléter les difficultés rencontrées par le groupe de travail de la fondation « Mutterhilfe » lors de la phase d‟adaptation du manuel FAAS au DCP (cf. section 7.3.4.). En effet, lorsque les cliniciennes (qui n‟étaient pas nos expertes pour le calcul de la fidélité inter-juges) ont évalué des familles dans la situation d‟observation DCP, les faiblesses liées aux dimensions susmentionnées furent les principales sources de confusion, voire d‟incompréhension. Malgré les modifications (basées en partie sur les remarques de ces cliniciennes expérimentées), cette « zone grise » dans la compréhension de ces dimensions interactives demeure. En comparant les ICC de ces dimensions à celles du LTP (cf. tableau 16), nous constatons que notre degré d‟accord est plus faible au DCP, ce qui va dans le sens des constats déjà faits et nous incite à améliorer les critères de ces dimensions. 10.4.2 Degré d‟accord satisfaisants : dimensions 2, 8 et 9 Il est surprenant de constater que le consensus pour la dimension 2 « Orientation des regards » ne soit pas plus élevé et donc plus proche des autres dimensions qui ont des critères qualifiés de plus objectifs (principalement d‟ordre physique, donc peu sujet à interprétation), à savoir les dimensions 1 « Disponibilité à interagir » et 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001). Une explication possible à ce résultat est que le comportement visuel du nouveau-né est probablement difficile à évaluer et nécessite une certaine expérience de l‟observation des nouveaux-nés (expérience que nous pouvons acquérir, par exemple, avec la pratique du NNNS). Deux des trois juges n‟avaient qu‟une expérience réduite de l‟observation du comportement des nouveaux-nés. Bien que la formation au codage des familles ait inclu des explications sur les comportements visuels attendus et la manière de les coter, ce manque d‟expérience a pu diminuer le degré d‟accord, laissant une part de subjectivité plus importante. Malgré ce phénomène, la dimension 2 n‟en reste pas moins satisfaisante du point de vue de la fidélité inter-juges, d‟autant plus si nous prenons en considération le fait que notre ICC est meilleure que celui obtenu au LTP (cf. tableau 16). Un autre aspect surprenant concerne les dimensions 8 « Sensitivity » et 9 « Chaleur familiale ». En effet, ces dimensions font référence à des aspects d‟ordre affectif (validation des affects du bébé, partage d‟affects à trois, etc.), ce qui est par définition, plus difficilement quantifiable, donc plus facilement sujets à interprétation. De plus, en raison des limites 186 linguistiques, nous aurions pu nous attendre à ce que le niveau affectif soit perçu de manière différente, donc à ce qu‟une plus grande variabilité entre les trois juges subsiste. Par rapport à la dimension 8 « Sensitivity », qui concerne la validation et la régulation des affects du bébé, il semblerait que les comportements parentaux de validation et de régulation aient été clairement définis et soient bien adaptés au DCP, laissant ainsi peu de place au doute quant à la qualité de l‟empathie manifestée par les parents au bébé. Du fait que cette régulation passe par des gestes physiques plutôt que par la parole (principalement lorsque le bébé est dans un état de pleurs, ce qui n‟est pas rare au DCP), le consensus peut s‟obtenir plus aisément entre différents évaluateurs. Notons également que notre degré d‟accord est sensiblement meilleur que celui obtenu au LTP (cf. tableau 16), nous incitant ainsi à penser que l‟adaptation des critères à la situation d‟observation DCP est adéquate. En ce qui concerne la dimension 9 « Chaleur familiale », bien que le contenu du discours soit important (tout comme pour la dimension 4), il est possible que le climat affectif global soit perceptible autrement qu‟à travers le discours. Par exemple, les conflits, les reproches ou les paroles tendres et affectueuses sont souvent accompagnées par des attitudes qui renseignent autant que le discours sur le climat affectif et la circulation des émotions dans la famille (la présence de sourires partagés entre les parents, la douceur des gestes, etc.). Quoi qu‟il en soit, il est possible d‟affirmer que malgré le biais de la langue, cette dimension dégage un consensus satisfaisant, comparable à celui obtenu au LTP (cf. tableau 16). 10.4.3 Degré d‟accord fort : dimensions 1, 3 et 6 Les dimensions 1, 3 et 6 sont celles où la concordance entre les juges est la plus forte. Il est intéressant de constater que ces trois dimensions font appel à des indices très objectifs, souvent principalement d‟ordres physiques et moins émotionnels. Pour la dimension 1 « Signaux de disponibilité à interagir », nous tenons compte des postures corporelles, des expressions faciales et de l‟attitude générale des participants pour coter la famille. Dans la dimension 3 « Inclusion/exclusion des partenaires », ce sont les comportements de retrait, les détournements corporels, les attitudes de passivité ou d‟indifférence qui sont pris en considération. Finalement, par rapport à la dimension 6 « Parental scaffolding », ce sont l‟adéquation et la variété des stimulations, la manière de s‟adresser au bébé, la qualité des soins, qui sont évaluées. Ainsi, la définition de critères clairs et aisément repérables, qui sont 187 également moins sujets à interprétation, peut expliquer le consensus élevé entre les juges. Notons également que les ICC sont identiques ou très proches entre le DCP et le LTP pour les dimensions 1 et 6. L‟ICC de la dimension 3 indique par contre que le degré d‟accord est meilleur au DCP. Ceci peut s‟expliquer par le fait que les critères d‟exclusion ont été plusieurs fois retravaillés avant d‟être intégrés dans le système de codage « FAAS – DCP ». Etant donné les critères plus précis qu‟à l‟origine, le consensus plus élevé semble refléter l‟adéquation entre ceux-ci et la réalité des observations faites des interactions familiales au cours du DCP. Par rapport à la dimension 1, une remarque concernant le setting de base du DCP mérite d‟être soulevée. En effet, celui-ci n‟était pas totalement adapté à la tâche en fonction principalement de la stature des parents (par exemple, les chaises avec accoudoirs et la hauteur de la table faisaient que souvent un des parents était décalé par rapport au bébé et à son conjoint car il n‟avait pas suffisamment de place pour s‟installer correctement). En raison de cet inconvénient, la disponibilité à interagir a souvent été évaluée de manière globale. Bien qu‟aucune mention ne figure dans le manuel par rapport à cet inconvénient, l‟accent sur ce point a été mis lors de la formation des différents experts au codage des interactions familiales à l‟aide du manuel « FAAS – DCP ». Il est possible qu‟avec un setting plus adapté, le consensus aurait été encore plus élevé, puisque cela faciliterait l‟identification de ce qui peut être considéré comme des désajustements corporels. Bien que le setting ait été modifié pour les familles de l‟échantillon SESAM-L, afin d‟être plus en adéquation, tant avec la nature de la tâche, qu‟avec l‟âge du bébé, de nouvelles difficultés évoquées plus haut (cf. section 8.1.) pour coder ces familles ont été générées. Il sera judicieux d‟intégrer cet aspect dans une future version du manuel de codage « FAAS – DCP ». 10.4.4 L‟alliance familiale : un degré d‟accord fort Quelque soit l‟indice mesurant le degré d‟accord entre nos 3 juges, nous avons obtenu un consensus fort entre les juges lorsqu‟il s‟agit d‟attribuer les alliances familiales. Cependant, considérant que des patterns interactionnels spécifiques existent au début du post-partum (liés par exemple à l‟adaptation des parents au rôle parental tout en le conjuguant avec le rôle de conjoint), il nous semblerait possible d‟adapter la définition des catégories d‟alliance en intégrant ces patterns. D‟autres études seront nécessaires en vue d‟identifier ces patterns et les intégrer dans une adaptation de la définition des alliances à la période périnatale. 188 10.5 Synthèse Au vue des résultats obtenus dans le cadre de nos différentes analyses, nous pouvons considérer que, pour toutes les dimensions interactives, ainsi que pour l‟alliance familiale, nous obtenons une fidélité inter-juges satisfaisante, d‟autant plus si nous prenons en considération les valeurs des ICC obtenus dans d‟autres études, notamment celles de McHale et coll. (2007) et de Favez et coll. (2006) et que nous les comparons aux nôtres. Toutefois, nos analyses ont mis en évidence un consensus moyen aux dimensions 4 « Coordination coparentale », 5 « Organisation des rôles » et 7 « Activités partagées et co-construites », indiquant qu‟elles peuvent être améliorées. Nos interprétations nous ont conduits sur quelques pistes à explorer afin d‟y remédier, que nous allons exposer ici. Premièrement, la remarque générale portant sur les limites linguistiques nous pousse à penser qu‟il serait judicieux de reconduire le calcul de la fidélité inter-juges avec un panel d‟experts ayant le même niveau de compréhension du suisse-allemand. Par ailleurs, le manuel de codage étant rédigé en français, il serait également utile d‟envisager une passation du DCP auprès de familles francophones. Ceci permettrait que des juges francophones puissent évaluer ces dernières. En ce sens, une traduction du manuel en allemand serait également nécessaire en vue de reconduire l‟étude de la fidélité sur une population germanophone avec des experts de langue allemande. Cependant, la traduction nécessitant un travail de validation en soi, une évaluation par des experts maîtrisant le français sur la base du manuel « FAAS – DCP » sur un échantillon de familles s‟exprimant dans cette langue pourrait diminuer la part de variabilité liée au biais linguistique et donc contribuer à l‟établissement d‟un consensus plus objectif et vraisemblablement encore meilleur que celui que nous avons établi. Ainsi, nous devrions obtenir un degré d‟accord plus élevé à l‟ensemble des dimensions, mais particulièrement aux trois dimensions susmentionnées, ainsi qu‟à l‟attribution de l‟alliance familiale. Deuxièmement, en ce qui concerne les dimensions 4 et 5, nous avons pu mettre en évidence une difficulté à attribuer certains comportements à un signe d‟interférence ou de non respect du rôle. Lors des évaluations, il s‟est avéré parfois difficile de bien distinguer ces deux aspects. Nous proposons dans un premier temps de repenser le concept d‟interférence à la période postnatale, avant d‟aborder la redéfinition de la notion de respect du rôle. Ainsi, nous espérons pouvoir apporter des pistes permettant de mieux distinguer ces deux dimensions, et 189 ainsi faciliter leur cotation. En ce sens, nous souhaitons repenser les interférences de manière à ce que la cotation des familles soit moins sévère et prenne mieux en compte les réaménagements que les parents doivent encore effectuer. En effet, le manuel de codage précise que, pour la dimension 4, les comportements d‟interférence sont sanctionnés même s‟ils se veulent soutenants. Bien que nous soutenions l‟idée que les interférences ont un impact sur la qualité de la coordination entre les parents, et donc sur la fluidité des interactions, nous pensons néanmoins que ce critère soit trop exigent pour les familles évaluées au DCP. Celles-ci étant « fraîchement » constituées, il nous paraît normal d‟observer des interactions moins fluides et marquées par plus d‟interférences qu‟à trois mois (lors du LTP). Les parents ne sont pas encore totalement familiarisés avec les changements liés à la venue de l‟enfant. Ils peuvent être dans une phase où ils cherchent encore leurs marques pour faciliter les échanges au niveau triadique. Par ailleurs, nous savons que les pères passent moins de temps avec leur enfant, notamment en ce qui concerne les soins (Besnard, Joly, & Verlaan, 2009; Lee, Vermon-Feagans, Vasquez, & Kolak, 2003). Evaluer les familles à un moment où les parents doivent redéfinir leur fonctionnement et où le père n‟est pas toujours totalement familiarisé avec les soins, constitue un aspect particulièrement important du début du post-partum et contribue au manque de fluidité des interactions, particulièrement lors des deux premières parties du DCP. Par conséquent, nous proposons de distinguer deux types d‟interférence. Le premier type concernerait des comportements d‟interférences qui n‟auraient pas de but fonctionnel, qui seraient à priori soutenant mais n‟apportant ou ne facilitant pas le bon déroulement des interactions. Le deuxième type concernerait les interférences que nous qualifierons de « fonctionnelles ». Nous proposons de ne pas considérer ces dernières comme des interférences. En effet, l‟expérience du visionnement des familles au DCP nous a rendu attentif au fait que certains comportements qui, bien que saccadant l‟activité, facilitaient en retour la suite des échanges. Par exemple lorsqu‟un parent en position de tiers observateur fait de la place sur la table à langer, cela peut permettre à l‟autre parent de continuer la tâche plus aisément et de manière plus fluide. En revanche, un parent qui manifesterait ce même comportement alors qu‟il n‟y a aucun besoin apparent de faire de la place sur la table pourrait gêner l‟interaction en cours, notamment en détournant l‟attention de l‟autre parent, ce qui serait considéré comme une interférence à sanctionner. En définitif, nous proposons de relativiser le poids du manque de fluidité au niveau des interactions et de mettre davantage l‟accent sur le soutien entre les parents, même si ce dernier peut être par moment quelque peu maladroit. Nous pensons que cette clarification pourrait également avoir un impact positif sur 190 la compréhension de la dimension 5 car permettrait de mieux délimiter ce qui relève du non respect des rôles et de l‟interférence. Par rapport à la dimension 5, nous avons évoqué une limite liée setting qui gêne l‟évaluation des interactions familiales triadiques observées. Il n‟a en effet pas été rare d‟observer des situations où le bébé pleurait passablement, ce qui suscitait chez le(s) parent(s) des comportements tels que prendre l‟enfant dans les bras, se lever avec et marcher. Par conséquent, l‟évaluation des distances n‟était plus possible. Bien que ce constat soit relevé dans le manuel de codage, il serait judicieux d‟introduire également des précisions plus spécifiques à la grille de codage. Nous proposons dès lors d‟introduire le cas de figure où le setting doit être modifié en raison de l‟état du bébé, en précisant que le critère des distances n‟est plus valable. Nous mettrions dès lors en avant le fait que cette nouvelle configuration relationnelle qui découle de l‟état du bébé serait adaptée. Le critère de l‟implication serait alors suffisant pour accorder une note à la famille. Néanmoins la définition de l‟implication reste sommaire dans le présent manuel. Il serait donc nécessaire d‟opérationnaliser davantage cette notion. Nous estimons en effet indispensable de définir différents degrés d‟implication, particulièrement en ce qui concerne le parent tiers (celui du parent actif étant plus explicite, nous ne voyons pas forcément l‟utilité d‟ajouter des précisions). En ce sens, définir les comportements qui pourraient être compris comme étant de la participation tout en observant la dyade active constitue une piste à explorer. Des aspects tels que la fatigue pourraient alors être pris en considération. Nous savons par exemple que les premières semaines qui suivent l‟accouchement sont source d‟une grande fatigue pour les parents, notamment en raison des changements liés au rythme du nouveau-né (par exemple pour l‟allaitement), de la fatigue physique liée à l‟accouchement, ainsi que des réaménagements (Cheng & Li, 2008; Elek, Hudson, & Fleck, 2002; Gay, Lee, & Lee, 2004; Hunter, Rychnovsky, & Yount, 2009). Par conséquent, il n‟est pas rare de voir des parents bailler ou donner l‟impression d‟être ailleurs, ce qui peut être imputable à la fatigue normale constatée chez beaucoup de familles, notamment au cours du premier mois post-partum. Le fait d‟être en position de tiers en cas de fatigue marquée peut placer le parent dans une situation où le maintien de son attention est source de variations. Il peut dès lors développer des stratégies pour maintenir son intérêt dans la situation, notamment en cherchant à aider le parent actif ou en entrant en contact avec le bébé. Ces aspects devraient donc être pris en considération dans la définition de l‟implication. Cette opérationnalisation devrait permettre une meilleure compréhension du respect des rôles 191 et ainsi contribuer à une clarification des comportements qui relèvent d‟une interférence ou d‟un non respect du rôle attribué. Troisièmement, nous avons constaté que les parents sont souvent concentrés sur le changement de langes, donnant l‟impression qu‟il n‟y a pas de partage, compliquant l‟évaluation des interactions observées pour la dimension 7. Il s‟avère nécessaire de mieux définir les comportements attendus. La description de cette dimension semble être encore trop imprégnée du contexte de jeu tel qu‟il est proposé au LTP. Des signes plus subtils comme des pauses entre chaque étape du changement de langes, des moments de massages aux jambes (comportement souvent observé dans le cadre de notre étude), un balayage visuel plus ou moins régulier du parent actif en direction du bébé, sont autant de signes comportementaux qui pourraient être intégrés dans la définition du partage des activités au cours des deux premières parties du DCP. En affinant les critères d‟observation pour cette dimension afin d‟évaluer les interactions familiales triadiques, nous devrions pouvoir réduire la part interprétative qui subsiste actuellement dans le manuel de codage « FAAS – DCP ». Soulevons encore un point en ce qui concerne la dimension 1 « Signaux de disponibilités à interagir ». Nous avons évoqué au cours du chapitre VIII un problème lié au nouveau setting, à savoir le fait d‟avoir intégré des chaises pivotantes, générant ainsi des grimaces corporelles. Nous suggérons soit de revenir à une configuration où les chaises ne peuvent plus pivoter, soit d‟intégrer cet aspect dans le manuel. Dans ce dernier cas, il serait judicieux de contrebalancer l‟importance des grimaces corporelles par la qualité de l‟engagement au niveau des expressions faciales et des regards. En d‟autres termes, conserver les chaises pivotantes implique une redéfinition des critères corporels pour qualifier la disponibilité à interagir. Rappelons néanmoins que cette difficulté liée au setting n‟a pas affecté le calcul de la fidélité inter-juges, puisque celui-ci se base sur les données provenant de l‟échantillon Breitenbach et les modifications sont venues par la suite. Etant donné l‟impact possible de ce paramètre dans la compréhension de la manière d‟évaluer les familles à la dimension 1, il est nécessaire d‟apporter une modification, soit au niveau du setting, soit au niveau du manuel de codage, ceci afin de garantir un niveau optimal de compréhension partagé par divers cliniciens. Finalement, les diverses pistes évoquées par rapport aux améliorations possibles laissent entrevoir des apports appréciables quant à la définition de l‟alliance familiale. Nous avons en effet souligné l‟intérêt de futures recherches pour mettre en évidence des patterns 192 interactionnels spécifiques au début de post-partum. Des aspects tels que le soutien entre les parents pourraient s‟avérer plus en adéquation que la coordination pour évaluer le fonctionnement familial triadique à la troisième semaine post-partum. Néanmoins, la définition actuelle de l‟alliance reste pertinente et permet une compréhension amplement partagée pour qualifier le fonctionnement familial triadique précoce. Bien que certaines améliorations puissent être apportées au manuel « FAAS – DCP », tant au niveau des dimensions interactives qu‟au niveau de l‟alliance familiale, nous pouvons conclure que la fidélité inter-juges établie dans notre étude est largement satisfaisante. Par conséquent, les données récoltées à l‟aide du manuel de codage peuvent être utilisées pour la suite de notre travail de validation. En effet, nous pouvons avoir confiance dans la construction de ce système de codage et ainsi aller plus loin dans la recherche d‟une validation de notre système d‟évaluation des interactions familiales rattachée à la situation d‟observation DCP. 193 Chapitre XI : Question de recherche 3 : La validité prédictive (n = 12) Dans ce chapitre, nous vérifierons s‟il existe un lien entre le fonctionnement familial à 3 semaines et à 3 mois, respectivement sur la base des interactions familiales issues du DCP et du LTP. La stabilité de l‟alliance familiale, et donc du fonctionnement familial, ayant été démontrée entre la période prénatale et la première année post-partum (Carneiro et al., 2006; Favez, Frascarolo, & Carneiro, 2003; Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006), nous cherchons à vérifier si le fonctionnement observé au DCP s‟inscrit dans cette perspective ou non. En ce sens, nous allons comparer les dimensions interactives communes au DCP et au LTP ainsi que les alliances familiales issues des deux situations d‟observation afin de déterminer si l‟évaluation des interactions familiales diverge ou non entre nos deux points de mesure. Une remarque d‟ordre méthodologique doit néanmoins être adressée concernant le recours aux dimensions interactives. Si nous nous référons aux résultats de l‟analyse en composante principale (ACP) exposée au chapitre IX, nous aurions pu pour cette comparaison nous baser sur les deux composantes que nous avions respectivement nommées « engagement et partage » et « ajustement conjugal et coparental » plutôt que sur les 9 dimensions interactives. Cependant, en adoptant cette démarche, nous aurions travaillé sur une information résumée. Or, nous cherchons précisément à vérifier si chacune des dimensions permet une mesure comparable à celle faite au LTP, et ainsi à nous assurer que les diverses facettes du fonctionnement familial que nous évaluons relèvent bien du fonctionnement familial triadique tel qu‟il est conçu au LTP, situation d‟observation largement éprouvée par diverses recherches. Nous avons donc opté pour travailler avec des informations détaillées provenant des dimensions, ce qui nous permettra de caractériser la pertinence de chaque dimension en déterminant avec précision si les évaluations sont similaires entre le DCP et le LTP. 11.1 Analyse exploratoire des dimensions interactives et de l‟alliance familiale Le système de codage « FAAS » du LTP comprend 10 échelles, alors que le système de codage « FAAS – DCP » n‟en comprend que 9. Comme présenté dans la méthode (section 7.3.), nous avons réadapté le manuel FAAS pour le DCP. Ainsi, la dimension 7 du LTP 194 intitulée « engagement de l‟enfant » n‟a pas été reprise pour le DCP. En effet, lors de la création de notre système de codage, cette dimension a été intégrée dans la dimension « disponibilité à interagir » afin de contrebalancer l‟impact que pourrait avoir la variabilité des états physiologiques et émotionnels chez un nouveau-né de 3 semaines. Ainsi, pour des raisons liées au développement du nourrisson, nous avons simplement considéré les différents états possibles du bébé comme des signaux de disponibilité, selon la définition des états proposée par Lester et coll. (2004). Finalement, nous avons exclu de nos analyses la dimension « engagement de l‟enfant », propre au LTP, les dimensions interactives restantes étant considérés comme comparables. Figure 13 : Boîtes à moustaches des scores aux dimensions interactives communes au DCP et LTP 20 Disponibilité à interagir 18 Orientation des regards 16 Inclusion/ex clusion des partenaires 14 12 20 Coordination coparentale 18 Organisation des rôles 16 Parental scaffolding 14 12 10 10 15 8 8 6 Scores DCP (3 semaines) Scores DCP (3 semaines) Scores LTP (3 mois) Scores LTP (3 mois) Moment 20 18 Activités partagées et coconstruites 16 Sensitivity 14 Chaleur familiale 12 10 8 Scores DCP (3 semaines) Scores LTP (3 mois) Nous constatons sur la figure 13 que toutes nos boîtes à moustaches présentent une asymétrie plus ou moins prononcée, ce qui nous encourage à recourir par la suite à des tests non paramétriques afin d‟estimer si une différence de scores existent entre les évaluations des interactions familiales au DCP et au LTP. Notons également la présence d‟une donnée extrême pour la dimension 2 « Orientation des regards » au LTP, indiquant qu‟une famille 195 (L005) a obtenu un score nettement inférieur aux autres, sans pour autant que cela soit aberrant. En effet, en regardant en détail les interactions observées chez la famille L005, nous avons pu constater des échanges dysfonctionnels, particulièrement au niveau des regards, bien que les scores aux autres dimensions reflètent également des difficultés dans d‟autres niveaux des interactions. Cette donnée extrême correspond dès lors à une réalité clinique et nous pouvons la conserver pour nos analyses. Le deuxième constat que nous pouvons faire à partir des boîtes à moustaches est que pour plusieurs dimensions interactives, les scores médians issus des dimensions interactives au LTP sont supérieurs à ceux du DCP. En effet, pour les dimensions 1 « Disponibilité à interagir » (MédDCP = 15.5, MédLTP = 17.5), 2 « Orientation des regards » (MédDCP = 12, MédLTP = 15.5), 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (MédDCP = 15.5, MédLTP = 16.5), 4 « Coordination coparentale » (MédDCP = 13, MédLTP = 15), 5 « Organisation des rôles » (MédDCP = 14, MédLTP = 15.5), 7 « Activités partagées et co-construites » (MédDCP = 13, MédLTP = 15), 9 « Chaleur familiale » (MédDCP = 13.5, MédLTP = 15), nous avons un écart entre 1 et 3.5 points allant dans le sens d‟un score plus élevé au LTP. Par contre, pour les dimensions 6 « Parental scaffolding » (MédDCP = 16.5, MédLTP = 15) et 8 « Sensitivity » (MédDCP = 18, MédLTP = 17.5), nous constatons une baisse du score médian entre le DCP et le LTP, l‟écart en faveur du DCP variant entre .5 et 1.5. Les écarts constatés entre les scores médians au DCP et au LTP, quel que soit leur direction, ne semblent être réellement marqués que pour la dimension 2. Pour les autres dimensions, ils semblent être acceptables. Figure 14 : Représentation graphique des alliances familiales en 2 et 6 catégories entre le n=1 6 5 4 3 2 1 0 Alliance familiale en 2 catégories Catégories de l'alliance DCP et le LTP n=1 n=1 n=1 n=3 1 2 n=4 DCP LTP n=1 Amélioration de l'alliance (n = 1) 3 2 Alliances fonctionnelles stables (n = 6) 1 0 1 DCP 196 2 LTP Alliances dysfonctionnelles stables (n = 5) Concernant la stabilité de l‟alliance familiale (en 6 catégories), les résultats de la figure 14 nous indiquent que nous avons une stabilité parfaite entre les alliances au DCP et au LTP pour 8 familles, soit pour 66.7% de notre échantillon. L‟alliance est plutôt stable pour une famille (qui passe de l‟alliance 1 au DCP à l‟alliance 2 au LTP), elle s‟améliore pour deux familles (16.7% de l‟échantillon) et se détériore pour une famille (8.3% de l‟échantillon). En regroupant les alliances familiales en deux catégories, soit les alliances fonctionnelles (1) et dysfonctionnelles (2), nous constatons qu‟une seule famille montre un fonctionnement familial réellement meilleur en passant de la catégorie dysfonctionnelle à fonctionnelle. 50% des familles (n = 6) montrent une stabilité dans l‟alliance en restant fonctionnelle dans les deux situations et 41.7% (n = 5) restant dysfonctionnelles. A ce stade de nos analyses, nous pouvons légitimement penser que les scores aux dimensions interactives et les alliances sont plutôt stables. 11.2 Répartition des scores aux 9 dimensions interactives entre le DCP et le LTP Nous avons pu constater (cf. figure 13) des différences entre les scores aux dimensions interactives obtenus au DCP et ceux du LTP. Toutefois, afin de s‟assurer que ces différences ne soient pas significatives, nous allons recourir à la statistique non paramétrique de Wilcoxon pour échantillons pairés. Si nos différences entre les scores au DCP et LTP sont significatives, cela reflèterait une divergence dans la distribution des scores entre les deux situations d‟observation. Dans le cas contraire, nous pourrions conclure que les scores sont stables entre le DCP et le LTP. Pour rappel, ce test porte sur la médiane et non la moyenne, ce qui nous intéresse tout particulièrement dans notre cas de figure, étant donné que les scores aux dimensions interactives sont considérés comme des variables ordinales. De même, nous calculerons la taille de l‟effet sur la base des recommandations de Field, en recourant aux seuils établis par Cohen (A. Field, 2005) pour son interprétation. Les seuils sont les suivants : r = 0.1 = effet petit r = 0.3 = effet moyen r = 0.5 = effet grand 197 Tableau 17 : Résultats au test de Wilcoxon pour échantillons pairés et taille de l‟effet Test des rangs signés de Wilcoxon (n = 12) Rangs positifs Rangs Ex aequo négatifs Signification exacte (bilatérale) taille de l'effet r a 0.090 -0.35 a 0.080 -0.36 b 0.948 -0.02 b 0.965 -0.02 a 0.500 -0.16 Z Dimension 1 DCP – LTP 8 2 2 -1.740 Dimension 2 DCP – LTP 7 4 1 -1.788 Dimension 3 DCP – LTP 4 7 1 -0.089 Dimension 4 DCP – LTP 5 6 1 -0.090 Dimension 5 DCP – LTP 5 3 4 -0.775 Dimension 6 DCP – LTP 3 9 0 -2.139 b 0.033 -0.44 Dimension 7 DCP – LTP 4 7 1 0.000 c 1.000 0.00 Dimension 8 DCP – LTP 5 5 2 -0.974 a 0.385 -0.20 Dimension 9 DCP – LTP 4 6 2 -0.157 b 0.910 -0.03 (a) Basé sur les rangs négatifs (b) Basé sur les rangs positifs (c) Somme des rangs positifs et négatifs égaux Dans un premier temps nous pouvons observer que dans l‟ensemble, nous avons peu de scores ex aequo, variant entre 0 et 4 selon la dimension interactive. Cela signifie que pour chaque dimension nous avons très peu de familles qui ont un score identique aux deux situations. Toutefois, pour la dimension 5 « Organisation des rôles » le nombre d‟ex aequo est plutôt conséquent (soit 33.3% de l‟échantillon). Notre analyse portant avant tout sur les différences entre les scores, le nombre d‟ex aequo, pour toutes les dimensions, représente le nombre de familles exclues des analyses. Par rapport à la dimension 1 « Disponibilité à interagir », nous constatons que 8 familles (66.7% de l‟échantillon) ont un score meilleur au LTP, tandis que seulement 2 familles ont un score meilleur au DCP (16.7% de l‟échantillon). Etant donné que la statistique de Wilcoxon est basé sur les rangs négatifs, nous pouvons dire que l‟augmentation du score entre le DCP et le LTP n‟est pas significative (Z = -1.74, p > .05, r = -0.35), ce qui nous amène à penser que les scores sont plutôt similaires entre les deux situations et que les différences constatées à l‟aide des boîtes à moustaches sont d‟importance moyenne compte tenu de la taille de l‟effet. 198 En d‟autres termes, même si la différence des scores entre le DCP et le LTP à cette dimension interactive n‟est pas significative, l‟effet de cette différence est plutôt moyenne. Pour la dimension 2 « Orientation des regards », nous avons 7 familles (58.3% de l‟échantillon) qui ont obtenu un score meilleur au LTP, tandis que 4 ont obtenu un score inférieur par rapport au DCP (33.3% de l‟échantillon). De nouveau, l‟amélioration des scores entre le DCP et le LTP n‟est pas significative (Z = -1.79, p > .05, r = -0.36) et l‟importance de la différence des scores est moyenne. En ce qui concerne la dimension 3 « Inclusion/exclusion des partenaires », nous avons 4 familles (33.3% de l‟échantillon) qui ont obtenu un score meilleur au LTP, alors que 7 familles (58.3%), à savoir la majorité de notre échantillon, ont eu un score meilleur au DCP. Etant donné que la statistique de Wilcoxon est basée cette fois sur les rangs positifs, nous pouvons dire qu‟il n‟y a pas de diminution significative des scores entre le DCP et le LTP (Z = -0.09, p > .05, r = -0.02). Le calcul de la taille de l‟effet renforce l‟idée que la différence des scores entre le DCP et le LTP est quasi nulle. La dimension 4 « Coordination coparentale » montre la même tendance que la dimension 3, à savoir que la majorité des familles de notre échantillon ont eu un score meilleur au DCP (50% de l‟échantillon), alors que 41.7% ont au contraire eu un score meilleur au LTP. Toutefois, la diminution des scores entre le DCP et le LTP n‟est pas significative (Z = -0.09, p > .05, r = 0.02). A nouveau, selon la taille de l‟effet calculée, la différence des scores est quasi nulle. La tendance s‟inverse pour la dimension 5 « Organisation des rôles », c‟est-à-dire que la majorité des familles ont obtenu un score meilleur au LTP. En effet, 5 familles (41.7% de l‟échantillon) ont montré cette amélioration tandis que 3 familles (25%) ont montré un meilleur score au DCP. Notons également que nous avons un nombre relativement élevé d‟ex aequo à cette dimension, ce qui signifie que pour 4 familles (33.3%) le score a été identique aux deux situations. Ce constat est encourageant si nous tenons compte du fait que nous recherchons une stabilité des scores entre nos deux situations d‟observation. Finalement, nous n‟observons pas d‟amélioration significative des scores entre le DCP et le LTP (Z = -0.78, p > .05, r = -0.16). La taille de l‟effet obtenue renforce l‟idée que la différence des scores est faible et ne revêt donc aucune importance. 199 Nous observons pour la dimension 6 « Parental scaffolding » que la plupart des familles, à savoir 9 familles (75% de l‟échantillon), ont montré une baisse des scores entre le DCP et le LTP. Il n‟y a eu aucun ex aequo, donc aucune famille n‟a obtenu le même score aux deux situations. Il s‟agit de la seule dimension qui n‟a aucun ex aequo. Nous avons donc une diminution significative du score entre le DCP et le LTP (Z = -2.14, p < .05, r = -0.44). Cependant, la taille de l‟effet nous informe que, malgré une différence statistiquement significative, le manque de stabilité des scores entre les deux situations n‟est que d‟une importance moyenne, indiquant que ce manque de stabilité peut être acceptable. Par rapport à la dimension 7 « Activités partagées et co-construites », nous constatons que 7 familles (58.3% de l‟échantillon) ont obtenu un score meilleur au DCP alors que 4 familles (33.3%) ont obtenu un score meilleur au LTP. Toutefois, la différence des scores entre ceux qui ont eu une amélioration et ceux qui ont eu une diminution est égale. En d‟autres termes, il y a eu moins de familles qui ont montré une amélioration des scores, mais cette amélioration est tout aussi grande que la diminution des scores pour les autres familles. La statistique de Wilcoxon est donc basée sur une différence allant tant vers une amélioration que vers une diminution. Finalement, la différence des scores n‟est pas significative entre le DCP et le LTP (Z = 0, p > .05, r = -0.00). La taille de l‟effet nous indique que la différence des scores est nulle entre nos deux situations d‟observation. Pour la dimension 8 « Sensitivity », nous avons autant de familles qui montrent une amélioration des scores (41.7% de l‟échantillon) qu‟une diminution (41.7%). Toutefois, la différence des scores est plus importante pour les familles qui ont montré une diminution. Ainsi, la statistique de Wilcoxon est basée sur la somme des rangs négatifs, donc sur l‟amélioration des scores entre le DCP et le LTP. Finalement, cette augmentation des scores n‟est pas significative (Z = -0.97, p > .05, r = -0.20), ce qui est renforcé par la valeur de la taille de l‟effet. La dernière dimension (« Chaleur familiale ») montre une tendance inverse. En effet, nous avons 6 familles (50% de l‟échantillon) qui ont obtenu des scores meilleurs au DCP. A nouveau, la diminution des scores entre le DCP et le DCP n‟est pas significative (Z = -0.16, p > .05, r = -0.03). Finalement, en tenant compte de la taille de l‟effet, nous constatons que la différence des scores entre nos deux situations d‟observation est quasi nulle. 200 En définitif, aucune de nos dimensions, à l‟exception de la dimension 6, ne montre de différence significative entre les scores obtenus au DCP et au LTP, que se soit vers une amélioration ou vers une détérioration du score, ce qui nous permet de penser que nos dimensions interactives montrent des scores stables entre les deux situations d‟observation. 11.3 Répartition des alliances familiales en deux catégories entre le DCP et le LTP Nous avons pu mettre en évidence graphiquement que nos catégories de l‟alliance familiale, ainsi que l‟alliance recodée en 2 catégories, étaient plutôt stables. Toutefois, nous devons vérifier que la différence d‟alliance observée dans notre échantillon ne soit pas significative. Vu la petite taille de notre échantillon, nous avons opté pour porter nos analyses sur les alliances familiales recodées en deux catégories, à savoir, les alliances fonctionnelles (les alliances coopératives A et B) et les alliances dysfonctionnelles (les alliances conflictuelles C1 et C2 et les alliances exclusives D1 et D2). En effet, grâce à cette transformation de l‟alliance en deux catégories plutôt que 6, nous gagnons en puissance statistique. Nous cherchons donc à savoir si les alliances diffèrent significativement entre les deux situations d‟observation. Tableau 18 : Tableau croisé des alliances en deux catégories entre le DCP et le LTP Alliance Alliance dysfonctionnelle Total fonctionnelle au LTP au LTP Alliance fonctionnelle au DCP Alliance dysfonctionnelle au DCP Total Observé Effectif théorique % au sein des alliances familiales au DCP Observé Effectif théorique % au sein des alliances familiales au DCP Observé Effectif théorique % au sein des alliances familiales au DCP 6 3.5 0 2.5 6 6 100 0 100 1 3.5 5 2.5 6 6 16.67 83.33 100 7 7 5 5 12 12 58.33 41.67 100 Le tableau 18 nous permet de voir la distribution des alliances entre les deux situations DCP et LTP. Nous constatons que pour les alliances fonctionnelles, celles qui le sont au DCP le restent au LTP. Par contre, dans les alliances dysfonctionnelles, 83.3% des alliances restent 201 dysfonctionnelles, mais 16.7% deviennent fonctionnelles, ce qui correspond à la famille que nous avons mis en évidence graphiquement précédemment. Nous constatons également que pour nos quatre cellules nous avons un effectif théorique inférieur à 5. Ainsi, malgré la petite taille de notre échantillon, nous pouvons recourir à la statistique du Khi-carré de McNemar (χ2) en appliquant un test exact de signification (Brace et al., 2006), afin de déterminer si les deux distributions de l‟alliance familiale diffèrent ou non entre nos deux situations d‟observation, en garantissant la meilleure puissance statistique possible. Les résultats ainsi obtenus montrent qu‟il n‟y a aucune différence significative entre l‟alliance familiale recodée en deux catégories au DCP et au LTP, χ2(1) = 0, p exact > 0.05. Nous pouvons donc conclure que nous avons une stabilité de l‟alliance entre sa mesure au DCP à 3 semaines post-partum et celle effectuée à 3 mois post-partum à l‟aide du LTP. L‟association entre les alliances aux deux situations est forte, Φ = 0.845, ce qui signifie que l‟alliance au DCP explique 71% de la variance au type d‟alliance familiale au LTP. Nous avons donc un lien très fort entre nos deux évaluations de l‟alliance, ce qui indique une forte stabilité du fonctionnement familial au cours des trois premiers mois qui suivent l‟accouchement de l‟enfant. 11.4 Exploration de la stabilité de l‟alliance familiale recodée en trois catégories Bien que notre échantillon soit petit (n = 12), nous allons tenter d‟identifier la même stabilité de l‟alliance lorsqu‟elle est recodée en 3 catégories, à savoir : - Alliance harmonieuse (A + B) = alliance fonctionnelle - Alliance compétitive (C1 + C2) = alliance problématique - Alliance désordonnée (D1 + D2) = alliance dysfonctionnelle Nous obtenons ainsi une table de contingence à 3 entrées. Toutefois, cette analyse est exploratoire car, comme nous l‟indique le tableau ci-dessous, les neuf cellules de notre table ont un effectif inférieur à 5. De plus, parmi ces cellules, 4 ont un effectif théorique inférieur à 1. Nos analyses auront donc une faible puissance statistique et nous devrons à nouveau recourir à un test de signification exact afin de palier au mieux à ce manque de puissance. 202 Tableau 19 : Tableau croisé des alliances en trois catégories entre le DCP et le LTP Alliance Observé fonctionnelle au Effectif théorique DCP % au sein des alliances familiales au DCP Alliance Observé problématique Effectif théorique au DCP % au sein des alliances familiales au DCP Alliance Observé dysfonctionnelle Effectif théorique au DCP % au sein des alliances familiales au DCP Total Observé Effectif théorique % au sein des alliances familiales au DCP Alliance fonctionnelle LTP 6 3.5 Alliance problématique LTP 0 0.5 Alliance dysfonctionnelle LTP 0 2 Total 100 0 0 100 1 1.5 0 0.2 1 0.7 2 2 50 0 50 100 0 2.3 1 0.3 3 1.3 4 4 0 25 75 100 7 7 1 1 4 4 12 12 58.3 8.3 33.3 100 6 6 Nous pouvons constater que toutes les familles qui ont une alliance familiale fonctionnelle au DCP, ont également une alliance fonctionnelle au LTP, ce qui concorde parfaitement avec l‟analyse faite lorsque nous avons recodé l‟alliance en deux catégories. Par contre, parmi les deux familles qui ont obtenu une alliance problématique au DCP (16.7% de l‟échantillon), une montre une amélioration de l‟alliance qui devient fonctionnelle au LTP, tandis que la famille restante montre une dégradation en passant dans la catégorie dysfonctionnelle. La famille montrant une amélioration de l‟alliance correspond à celle qui passait d‟une alliance dysfonctionnelle à fonctionnelle lorsque l‟alliance était recodée en deux catégories. Le passage de l‟alliance problématique à dysfonctionnelle ne se voyait pas dans le précédent tableau (cf. tableau 18). Finalement, au sein des familles qui ont obtenu une alliance dysfonctionnelle au DCP (33.3% de l‟échantillon), nous constatons qu‟une famille obtient une alliance problématique au LTP (25% des familles avec une alliance dysfonctionnelle au DCP), tandis que le 75% des familles restent dans une alliance dysfonctionnelle au LTP. Ainsi, nous constatons des mouvements de l‟alliance qui n‟étaient pas perceptibles avec la variable « alliance familiale en 2 catégories ». 203 Vu que notre table de contingence contient 3 entrées, nous ne pouvons pas recourir à la statistique de McNemar, mais à celle de McNemar-Bowker avec un test de signification exact (Brace et al., 2006). Ces nouvelles analyses démontrent qu‟il n‟y a aucune différence significative entre l‟alliance familiale recodée en trois catégories au DCP et au LTP, χ2(2) = 1, p exact > 0.05. Nous pouvons donc conclure que nous avons une stabilité de l‟alliance entre sa mesure au DCP à 3 semaines post-partum et celle effectuée à 3 mois post-partum à l‟aide du LTP, même lorsque nous augmentons le nombre de catégories de cette dernière. L‟association entre les alliances aux deux situations est forte (V de Cramer = 0.658), ce qui signifie que l‟alliance au DCP explique 43.3% de la variance au type d‟alliance familiale au LTP. Comparativement au lien trouvé lorsque l‟alliance est recodée en deux catégories, nous observons une baisse de la force du lien entre nos deux variables, ce qui est tout à fait normal compte tenu des changements d‟alliance mis en lumière grâce aux trois catégories. Malgré les faiblesses de notre test (le nombre de cellules avec des effectifs théorique inférieur à 1), nous pouvons conclure qu‟un lien fort existe entre nos deux évaluations de l‟alliance, ce qui indique à nouveau une forte stabilité du fonctionnement familial au cours des trois premiers mois qui suivent l‟accouchement de l‟enfant. 11.5 Discussion des résultats Nous avons pu montrer, dans un premier temps, à l‟aide de représentations graphiques, que les scores médians issus des dimensions interactives communes aux deux systèmes de codage étaient supérieurs au « FAAS » par rapport à ceux du « FAAS – DCP », à l‟exception des dimensions 6 « Parental scaffolding » et 8 « Sensitivity ». Bien que ces différences de scores médians ne soient pas significatives pour l‟ensemble de nos dimensions, à l‟exception de la dimension 6, nous pouvons interpréter l‟augmentation des scores comme signifiant une meilleure qualité des interactions observées, ce qui est pertinent avec les théories développementales. En effet, nos évaluations se font dans le contexte de la transition à la parentalité (Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Perren et al., 2003), donc en période de crise pour le couple conjugal, notamment en raison de la redéfinition des rôles (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; Frascarolo, Darwiche et al., 2009). Ainsi, les interactions familiales observées à trois semaines peuvent être de moins bonne qualité qu‟à trois mois en raison du facteur temps. Sachant que le fonctionnement familial se développe au cours de cette période de transition, il n‟est pas surprenant que les parents soient plus adaptés à leur enfant, à leurs nouveaux rôles après trois mois de vie à trois. En ce sens, ils seraient plus « entraînés » à 204 montrer des interactions familiales fluides, adaptées, riches et variées qu‟à trois semaines, où ils sont au cœur de la période de crise autour de la périnatalité. Il est clair qu‟à trois mois nous nous situons également dans ce contexte de crise, mais le fonctionnement familial est déjà plus éprouvé et une certaine expérience relationnelle s‟installe au sein de la famille, les parents étant plus familiers avec leurs rôles et avec leur enfant. C‟est pourquoi, l‟amélioration des scores médians pour la majorité des dimensions relève d‟une cohérence d‟un point de vue développemental. Notons toutefois que l‟amélioration des scores n‟est pas spectaculaire, ce qui indique que les interactions familiales observées sont légèrement de meilleures qualités au LTP par rapport au DCP, sans pour autant être révélateur d‟un changement significatif dans le fonctionnement familial. Ce constat est supporté par nos résultats indiquant que nos différences de scores médians ne sont pas significatives. Autrement dit, nous observons une stabilité dans nos scores médians, même si le fonctionnement familial est plus éprouvé à trois mois. L‟évolution des interactions familiales au cours du temps relève donc d‟un processus qui s‟étend sur une période plus où moins longue englobant et dépassant nos deux points de mesure. La période de la transition à la parentalité débutant généralement avec l‟annonce de la grossesse (Deave, Johnson, & Ingram, 2008; Newman & Newman, 1988) et se terminant au-delà de la première année post-partum (Belsky & Rovine, 1990; Lawrence et al., 2008), nous nous situons donc avec nos deux situations d‟observation au centre d‟une réorganisation intense des rôles dans la famille (Belsky et al., 1985; Dulude et al., 1999; Nyström & Öhrling, 2004). Nous comprenons dés lors que l‟amélioration constatée des scores existe est s‟inscrit dans une perspective développementale, tout en restant modeste en raison du contexte de réorganisation des rôles et d‟adaptation à l‟enfant commun à nos deux situations d‟observation. Cependant, la baisse des scores aux dimensions 6 et 8, diminution statistiquement significative uniquement pour la dimension 6, est en contradiction avec ce qui vient d‟être dit. Une explication possible est que le codeur ait été influencé par la manière de coter les familles à ces deux dimensions au DCP lors de l‟évaluation au LTP. En ce sens, il est possible qu‟il ait été trop sévère pour les deux dimensions portant sur les stimulations parentales adressées au bébé et leur adaptation, en évaluant ces dernières avec un regard propre à ce que nous pourrions voir avec un bébé de trois semaines plutôt qu‟avec un regard propre à ce qui serait réellement attendu à trois mois. En effet, le développement conséquent des compétences du bébé au cours des trois premiers mois indique que les stimulations parentales à trois mois sont 205 différentes de celles adressées à un bébé de trois semaines. Ce biais n‟ayant pas pu être contrôlé, il serait judicieux de répliquer cette étude afin de maîtriser cet effet probablement dû à l‟évaluateur et à sa grille de lecture des interactions parents – enfant. Finalement, nous pouvons conclure que les dimensions interactives communes aux deux situations permettent de mesurer des interactions familiales triadiques de manière similaire et les scores que les familles obtiennent aux DCP et LTP s‟inscrivent dans la logique de la stabilité du fonctionnement familial (Favez, Frascarolo, Carneiro et al., 2006; FivazDepeursinge et al., 1996; Gable et al., 1995). En ce qui concerne la stabilité propre à l‟alliance familiale, nous avons pu constater que nos familles, dans l‟ensemble, ont montré un fonctionnement familial similaire entre le DCP et le LTP. Nous avons pu identifier un groupe de familles pour qui l‟alliance est restée fonctionnelle stable, ainsi qu‟un groupe avec une alliance dysfonctionnelle stable. Ces deux groupes correspondent à ceux identifiés par Favez et coll. (2003), qui ont étudié l‟alliance entre la période prénatale et postnatale sous les dénominations suivantes : « high stable » et « low stable ». Toutefois, la catégorie « high to low », correspondant à une bonne alliance familiale à la période prénatale qui se dégrade au postnatal, ne se retrouve pas dans notre échantillon. Par contre nous avons une famille qui montre une amélioration entre nos deux points de mesure, ce qui pourrait représenter un groupe potentiel que nous nommerons « low to high ». Cette amélioration pourrait être le fruit d‟un effet thérapeutique du setting expérimental, ainsi qu‟à l‟alliance de travail établie entre les familles et les chercheurs de l‟équipe SESAM-L de l‟hôpital de l‟Île de Berne, bien que cette compensation soit exceptionnelle, tant au niveau de notre étude, qu‟au niveau des connaissances scientifiques actuelles (Fivaz-Depeursinge et al., 1996; Frascarolo, Gertsch-Bettens, Fivaz-Depeursinge, & Corboz-Warnery, 1997). En comparant nos résultats à ceux des études susmentionnées, nous constatons que l‟alliance est fortement stable, ceci même lorsque nous comparons cette stabilité à l‟étude faite par Fivaz-Depeursinge et coll. (1996) portant uniquement sur la période postnatale. Cette stabilité sensiblement meilleure dans notre étude est encourageante, mais soulève néanmoins une question, à savoir l‟impact lié au fait que le même évaluateur ait codé les familles aux deux situations. Il est possible que la mémoire de ce dernier ait joué un rôle dans l‟attribution des alliances, mais également pour l‟attribution des scores aux dimensions interactives, bien que les évaluations des familles se soient faites avec un peu plus de deux mois d‟intervalle entre le DCP et le LTP. L‟idéal aurait été que deux évaluateurs 206 différents puissent coder les familles, chacun pour une situation d‟observation donnée, ce qui n‟a pas pu être possible. Cette limite de notre étude nous pousse à la prudence quant à la forte stabilité mise en évidence. Toutefois, malgré la limite susmentionnée, nous pouvons croire en la stabilité de l‟alliance familiale. D‟autres études devront cependant être menées en vue de confirmer de tels résultats, ce qui est d‟autant plus nécessaire vu la taille très restreinte de notre échantillon. 11.6 Synthèse Toutes nos analyses ont mis en évidence une stabilité dans le fonctionnement familial, quel que soit la manière de considérer l‟alliance familiale (en deux ou trois catégories). Ainsi, nous pouvons légitimement penser que la situation d‟observation DCP et le système de codage associé, permettent une évaluation des interactions familiales comparable à celle effectuée au LTP à trois mois. Nous pouvons ainsi accepter l‟idée que nous mesurons des comportements interactifs similaires et, par conséquent, que nous sommes en possession d‟un instrument d‟évaluation précoce des interactions familiales triadiques qui peut être mis en lien avec le fonctionnement familial ultérieur, à trois mois tout du moins. Le fait que les évaluations effectuées sur les mêmes familles à deux moments différents soient proches, nous permet finalement de répondre positivement à notre question de recherche, et ainsi de mettre en évidence une validité prédictive satisfaisante. Ainsi, ce que nous mesurons à l‟aide du DCP et de son système de codage relève du même domaine que ce que nous mesurons au LTP, à savoir le fonctionnement familial triadique. Toutefois, en prenant en compte une limite d‟ordre méthodologique, il serait encore possible d‟affiner nos observations. En effet, lorsque nous avons comparé les scores issus des dimensions communes au DCP et au LTP, nous avons constaté que les scores étaient meilleurs au LTP, bien que les différences ne soient pas significatives et l‟effet de ces différences plutôt faible. Les apports théoriques concernant la transition à la parentalité au début du post-partum nous ont permis d‟expliquer cette légère amélioration de manière clinique, c‟est-à-dire en admettant qu‟elle puisse être attribuable au développement des familles, dans le sens où les interactions sont de meilleure qualité avec le temps, c‟est-à-dire avec l‟expérience relationnelle qui s‟installe. Il nous semble dès lors consistant d‟imaginer 207 que le facteur temps permette d‟observer des interactions familiales triadiques de meilleure qualité à trois mois, étant donné que les parents et l‟enfant sont plus habitués à interagir et que la communication familiale est davantage entraînée. Par ailleurs, l‟enfant se développe rapidement et son répertoire de compétences et déjà plus éprouvé pour participer activement aux interactions, contribuant à l‟observation d‟interactions plus fluides et plus aisément observables. Néanmoins nous ne pouvons pas exclure l‟hypothèse que cette différence puisse résulter, en partie du moins, de la manière dont les familles sont évaluées à l‟aide des manuels de codage respectifs aux deux situations d‟observation. Ainsi, il serait judicieux de vérifier dans quelle mesure cette augmentation pourrait être attribuable à un effet lié aux deux systèmes de codage. Cela nous permettrait par la suite de clarifier la part d‟amélioration du fonctionnement familial liée aux familles, qui seraient mieux « rôdées » à trois mois, et la part résultant du l‟utilisation des manuels de codage. En effet, d‟un point de vue développemental, il est essentiel de pouvoir déterminer, dans les changements observés entre 3 semaines et 3 mois, la part qui relève du développement des familles et la part qui est imputable aux systèmes de codage du DCP et du LTP. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure d‟apporter une réponse claire à cette question car cela va au-delà des limites méthodologiques de notre étude. Afin d‟estimer l‟effet probable lié aux instruments, il nous semble nécessaire de mener des recherches plus approfondies. En ce sens, nous pourrions d‟une part bénéficier d‟un regard plus objectif quant à la stabilité de l‟alliance familiale au cours des premiers mois post-partum et, d‟autre part, nous pourrions obtenir des informations quant à l‟évolution du fonctionnement familial en tenant compte de ces diverses facettes. Nous serions ainsi en mesure d‟intégrer ces changements dans la stabilité du fonctionnement familial observé au cours de la première année qui suit la naissance de l‟enfant. 208 Chapitre XII : Question de recherche 4 : La validité critérielle (n = 44) L‟objectif de ce chapitre est de vérifier si l‟évaluation des familles au DCP permet de les discriminer selon la présence ou non de symptômes de dépression postnatale maternelle et/ou de réactions de stress aigus consécutifs à l‟accouchement. Compte tenu du fait que l‟évaluation du fonctionnement familial triadique se fait au tout début du post-partum, il est cliniquement avantageux de savoir si notre nouvelle situation d‟observation, étayée par son système de codage, permet d‟identifier les familles caractérisée par une symptomatologie dépressive, qui constitue un des problèmes majeurs de la périnatalité (Harding, 1989; O'Hara & Swain, 1996; Perren, von Wyl, Burgin et al., 2005; Stocky & Lynch, 2000; Wisner et al., 2006). Nous avons également inclu les symptômes de réactions de stress aigus car nous savons actuellement que des événements psychologiques et/ou physiologiques tels que l‟accouchement peuvent être source de stress, menant soit à des symptômes dépressifs (Boyce & Hickey, 2005; Gaynes et al., 2005), soit à des réactions de stress aigus (ASR) qui peuvent mener à un stress post-traumatique (PTSD) et dont la symptomatologie est proche de celle de la dépression postnatale (Ayers et al., 2008; McMahon et al., 2001; White et al., 2006). Il existe effectivement une comorbidité entre ces deux troubles interactionnels (Alder et al., 2006; Beck, 2004b; Kumar, 1997) qui justifient le regroupement des familles avec des symptômes de dépression et/ou de stress aigus en un groupe clinique, en supposant que les interactions familiales triadiques soient de moins bonnes qualités que pour les familles du groupe contrôle. Pour répondre à cette question de recherche, nous nous appuyons sur les données provenant des échantillons SESAM-L (n = 12) et Breitenbach (n = 32). Nous travaillons donc à partir des interactions familiales triadiques observées au DCP pour 44 familles. Comme présenté dans la méthode, les groupes clinique et contrôle ont été établis post-hoc, sur la base de deux questionnaires d‟auto-évaluation, l‟IES-R et l‟EPDS. Tous deux ont été administrés à la mère à la troisième semaine post-partum. Ainsi, un score supérieur ou égal à 10 à l‟EPDS signale la présence d‟une symptomatologie dépressive. De même, un score à l‟IES-R supérieur ou égal à 12 est considéré comme reflétant le signe de réactions de stress aigu. Les familles où la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu ont alors constitué le groupe clinique, et les familles où la mère a obtenu un score inférieur aux cut-offs établi 209 aux questionnaires forment le groupe contrôle. Avant de vérifier notre question de recherche à proprement parler, nous allons présenter les caractéristiques de nos deux groupes à travers une analyse exploratoire, en tenant compte des facteurs obstétricaux et sociodémographiques ainsi qu‟en cherchant à vérifier leur impact éventuel sur l‟appartenance au groupe. Puis nous pourrons comparer les dimensions interactives ainsi que les alliances familiales entre nos deux groupes, afin de vérifier la capacité de notre système de codage à discriminer les familles cliniques et contrôles. 12.1 Analyse exploratoire des groupes Sur la base des scores obtenus aux questionnaires IES-R et EDPS, nous obtenons une répartition inégale des symptômes de dépression postnatale et de stress aigus. Les familles se subdivisent en un groupe clinique qui représente 43,2% (n = 19) de l‟ensemble des 44 familles et un groupe contrôle représentant le 56.8% restant (n = 25). Figure 15 : Répartition des familles selon une symptomatologie maternelle dépressive 30 50 25 20 40 Occurence Occurence et/ou de stress aigu 15 10 5 0 30 20 10 0 sans symptômes avec symptômes sans symptômes Répartition des scores à l'IES-R avec symptômes Répartition des scores à l'EPDS La figure ci-dessus nous indique que les symptômes de dépression postnatale représentent 9% de notre échantillon (n = 4), ce qui s‟inscrit dans la fourchette des taux de prévalence rencontrés dans la littérature (O'Hara & Swain, 1996; Riecher-Rössler & Rohde, 2005). Parmi ces 4 mères qui présentent des symptômes de dépression, deux présentent également des symptômes de stress aigu. Il y a donc une comorbidité pour la moitié des mères qui présentent des symptômes dépressifs. Notons qu‟il aurait été intéressant de constituer un groupe caractérisé par cette comorbidité, mais en raison de la petite taille de notre jeu de données, nous n‟avons pas suffisamment de familles dans cette situation pour constituer un troisième groupe. Par conséquent, nous n‟avons pas opéré de distinction entre les familles où la mère 210 présente les deux symptomatologies et celles marquées par une symptomatologie dépressive ou de stress aigu. Sur les 17 mères qui présentent des symptômes de stress aigus, nous avons donc 15 mères qui présentent ces symptômes sans comorbidité avec ceux de la dépression postnatale, soit 79 % du groupe clinique. Nous pouvons donc conclure que notre groupe clinique est surreprésenté par les mères avec des symptômes de stress aigu consécutifs à l‟accouchement. Notons également que sur l‟ensemble de notre échantillon, les femmes avec un profil symptomatique de stress aigu représente 38.6% des femmes, ce qui est plus élevé que les taux obtenus dans des études comme celle de Creedy et coll. (2000) qui ont rapporté un taux de 33% entre 4 et 6 semaines post-partum, ou celle de Soet et coll. (Soet et al., 2003) qui ont quant à eux rapporté un taux de 30.1% pour la même période. Une explication possible de ce taux élevé pourrait venir du fait que les familles qui sont plus disposées à participer à une recherche clinique sont également celles qui peuvent être le plus en souci face à l‟accouchement à venir et, par conséquent, verraient dans leur participation à la recherche une manière de se rassurer. Il s‟agirait donc de ces mêmes familles où la mère vivrait des réactions de stress suite à l‟accouchement, probablement en raison d‟une anxiété ou d‟un stress pendant la période prénatale, ce qui est associé aux manifestations de stress aigu au début du post-partum (Bailham & Joseph, 2003; Marmar et al., 1997; Soderquist et al., 2009; Wijma et al., 1997). Une deuxième explication de cette surreprésentation pourrait venir de l‟utilisation des cut-offs établis dans une autre étude (Stadlmayr et al., 2007), qui ne discrimineraient peut-être pas suffisamment bien les femmes avec un profil symptomatique de celles qui ne présentent pas de réels symptômes. Par ailleurs, il est également possible que le simple recours aux questionnaires ne permette pas d‟identifier avec précision les femmes qui présentent une symptomatologie, qu‟elle soit dépressive ou de stress aigu, et qu‟il serait judicieux de recourir à des entretiens en complément afin de garantir une meilleure précision dans le dépistage de ces symptômes (Ayers et al., 2008; Jardri, 2004). Finalement, il est possible que notre taux de prévalence ne soit pas une surreprésentation compte tenu du fait qu‟il manque encore à l‟heure actuelle des données solides sur les taux réels de prévalence de ces symptômes (Olde et al., 2006; Soderquist et al., 2009). Par ailleurs, nous savons que les réactions de stress aigu diminuent généralement avec le temps. Or, les taux rapportés par la littérature se réfèrent généralement à la sixième semaine, voir au-delà. Ainsi, les taux de prévalence peuvent être plus élevé plus nous nous rapporchons de 211 l‟accouchement (Stadlmayr et al., 2007). De ce fait, la proportion de mères souffrant de symptômes de stress aigu peut être supérieure à celle rapporté par les recherches actuelles dans le domaine obstétrical en raison du moment de l‟évaluation, ce qui est cohérent avec le constat fait par d‟autres recherches sur le traumatisme de l‟accouchement, montrant qu‟une proportion importante de femmes vivent des réactions de stress aigu, mais ces réactions diminuent avec le temps, sauf lorsqu‟elles sont intenses et sévères (Ayers & Pickering, 2001; Stadlmayr et al., 2007). 12.1.1 Comparaison des groupes Dans le groupe clinique, l‟âge des parturientes varie entre 21 ; 11 ans et 38 ; 0 ans au moment du recrutement ( x = 33 ; 2 mois, sx = 4.4), tandis qu‟il varie entre 24 ; 6 ans et 39 ; 6 ans pour le groupe contrôle ( x = 33 ; 7 mois, sx = 4.4). La différence d‟âge entre les groupe n‟est pas significative, t(39) = -0.31, p > 0.05 et la taille de l‟effet est quasi nulle, r = 0.05. Le tableau de la page suivante (cf. tableau 20) nous indique que la répartition du niveau de formation est similaire dans nos deux groupes, bien que les familles dont un parent est en possession d‟une formation universitaire et l‟autre d‟une formation de type CFC soient plus représentées dans le groupe contrôle. De même, nous avons une famille avec un faible niveau de formation uniquement pour le groupe contrôle. Par rapport à la parité, 36.8% des parturientes sont primipares dans le groupe clinique et 44% dans le groupe contrôle. Nous avons donc plus de femmes primipares dans notre groupe contrôle. Toutefois, la répartition semble similaire dans nos deux groupes. En ce qui concerne la durée de la grossesse, 79% des parturientes du groupe clinique ont eu une grossesse entre 37 et 41 semaines, tandis que 56% des parturientes du groupe contrôle ont eu une durée de grossesse similaire. Par ailleurs, nous avons plus de grossesses de plus de 41 semaines dans le groupe contrôle (32%) que dans le groupe clinique (15%). Il semblerait que la durée de la grossesse diffère entre nos deux groupes dans le sens d‟une plus grande répartition des grossesses au-delà du terme dans le groupe contrôle. Par rapport aux variables obstétricales « déclanchement du travail », qui consiste en l‟application de prostaglandines pour provoquer les contractions, « injection d‟ocytocine », 212 « épisiotomie » et « péridurale », nous constatons que la fréquence d‟apparition de ces interventions médicales est similaire dans nos deux groupes. Tableau 20 : Caractéristiques du groupe clinique et contrôle (n = 44) Groupe clinique (n = 19) Occurrence Fréquence Groupe contrôle (n = 25) Occurrence Fréquence Niveau de formation 1 CFC, 1 sans formation 0 0 1 4 2 CFC 1 formation universitaire, 1 CFC 2 formations universitaires 13 68.4 13 52 2 10.5 6 24 4 21.1 5 20 Primipares 7 36.8 11 44 Multipares 12 63.2 14 56 Moins de 37 semaines 2 10.5 3 12 Entre 37 et 41 semaines 15 79 14 56 Plus de 41 semaines 2 10.5 8 32 Oui 5 26.3 5 20 Non 14 73.7 20 80 Oui 6 29.5 7 28 Non 13 70.5 18 72 Oui 6 31.6 6 24 Non 13 68.4 19 76 Oui 3 15.8 3 12 Non 16 84.2 22 88 Spontané 11 57.9 17 68 Forceps / Ventouses 3 15.8 1 4 Césarienne planifiée 2 10.5 3 12 Césarienne d'urgence 3 15.8 4 16 Fille 7 36.8 12 48 Garçon 12 63.2 13 52 Parité Durée de la grossesse Déclanchement du travail Injection d'ocytocine Péridurale Episiotomie Type d'accouchement Sexe de l'enfant 213 Le type d‟accouchement semble se répartir de manière similaire par rapport aux césariennes, qu‟elles soient planifiées (10.5% des types d‟accouchement dans le groupe clinique et 12% dans le groupe contrôle) ou pratiquées en urgence (15.8% des types d‟accouchement dans le groupe clinique et 16% dans le groupe contrôle). Par contre, il semblerait que les accouchements instrumentaux, c‟est-à-dire ceux où le recours aux forceps/ventouses fut nécessaire, diffèrent entre nos deux groupes. En effet, ce mode d‟accouchement représente 15.8% des accouchements dans le groupe clinique alors qu‟il représente 4% des accouchements dans le groupe contrôle. Finalement, les naissances spontanées semblent se répartir de manière similaire entre nos groupes (57.9% des accouchements dans le groupe clinique et 68% dans le groupe contrôle). La répartition du sexe de l‟enfant semble également différer entre nos groupes. En effet, nous avons en effet une plus grande représentation des garçons dans le groupe clinique (63.2%) alors que dans le groupe contrôle, la répartition est plus égalitaire (52% de garçons). 12.1.2 Impact des facteurs obstétricaux et sociodémographiques sur l‟appartenance au groupe Dans cette section, nous allons déterminer si l‟appartenance à un groupe est influencée par les variables obstétricales ou sociodémographiques, qui peuvent potentiellement constituer des facteurs de risque pour développer des symptômes de dépression (Boyce & Todd, 1992; Breese et al., 2006; Edwards, Porter, & Stein, 1994; Jadresic et al., 2007; Koo et al., 2003) et/ou de stress aigu (Ayers et al., 2009; Creedy et al., 2000; Paul, 2008; Stadlmayr et al., 2004). En d‟autres termes, nous allons chercher à savoir si nos deux groupes possèdent des caractéristiques spécifiques d‟un point de vue obstétrical et sociodémographique. Nous avons donc, dans un premier temps, cherché à savoir si la fréquence d‟apparition des divers facteurs se distribuait de manière similaire dans nos deux groupes ou non. 214 Tableau 21 : Valeurs χ2 des facteurs obstétricaux et socioprofessionnels Niveau Parité formation Degré de liberté Durée gross. Décl. travail Inject. Ocyt. Périd. Episio. Type accou. Sexe enfant 3 1 2 1 1 1 1 3 1 χ2 2.25 0.23 3.04 0.25 0.07 0.31 0.13 1.90 0.55 Sig. (bilatéral) 0.75 0.63 0.25 0.72 0.80 0.58 1 0.64 0.46 Le tableau 21 nous indique qu‟aucune de nos variables ne diffère significativement entre le groupe clinique et contrôle, ce qui va dans le sens d‟études antérieures qui ont échoué à mettre en lien la présence de symptômes dépressifs et/ou de stress aigu avec ces facteurs (Ballard et al., 1995; Boyce & Hickey, 2005; Czarnocka & Slade, 2000; Y. K. Kim et al., 2008; Miller, 2002; L. Murray & Cartwright, 1993). Notons qu‟il y a à l‟heure actuelle des données contradictoires sur l‟impact des facteurs sociodémographiques et obstétricaux dans le développement des symptômes de dépression postnatale et de stress aigu. L‟accouchement étant un processus multidimensionnel, il nous est paru plus pertinent de regrouper nos diverses variables obstétricales en une nouvelle variable représentant le nombre d‟interventions nécessaires en cours d‟accouchement, comme suggéré dans l‟étude de Boyce et coll. (1992). Le but visé étant de s‟assurer que le cumul des interventions n‟ait pas joué un rôle sur l‟appartenance au groupe. Nous avons donc, dans un premier temps, regroupé le nombre d‟interventions obstétricales pour créer une variable en 3 catégories, nommée « nombre d‟interventions médicales » (1 = 0 intervention médicale ; 2 = 1 à 2 interventions médicales ; 3 = 3 interventions médicales ou plus). La relation entre le nombre d‟interventions médicales et l‟appartenance au groupe clinique ou contrôle n‟est pas significatif, χ2(2) = 1.652, p exact > 0.05. L‟association est très faible, Φ = 0.19. Nous avons ensuite recodé cette variable en deux catégories (1 = 0 à 2 interventions médicales ; 2 = 3 interventions médicales ou plus), et le constat reste le même. Il n‟y a donc aucune relation entre le nombre d‟interventions médicales et l‟appartenance au groupe, χ2(1) = 0.124, p exact > 0.05. L‟association entre nos deux variables est cette fois quasi nulle, Φ = 0.05. 215 Nous avons ensuite voulu nous assurer que le recours à une césarienne n‟ait pas influencé l‟appartenance au groupe clinique. A nouveau, nous n‟observons aucune relation significative, χ2(1) = 0.015, p > 0.05. Cette association est par ailleurs quasi nulle, Φ = 0.02. Il en va de même en ce qui concerne le recours aux forceps/ventouses χ2(1) = 1.816, p > 0.05, avec une association faible, Φ = 0.2. Dès lors, nous constatons que le nombre d‟interventions médicales, l‟accouchement par césarienne, ainsi que la parité, ne semblent pas influencer l‟appartenance au groupe clinique et contrôle, ce qui revient à dire que la présence ou non des symptômes de dépression et/ou de stress aigu ne semble être liée à ces aspects de l‟accouchement. Il est également possible que les interventions médicales, le type d‟accouchement et la parité n‟aient pas affecté négativement le vécu de l‟accouchement de la mère de manière à expliquer l‟appartenance au groupe clinique. Ce constat va dans le sens de travaux qui ont pu mettre en évidence l‟importance de facteurs tels que le soutien perçu par la mère de l‟entourage médical, c‟est-àdire des sages-femmes et médecins (Maggioni, Margola, & Filippi, 2006; van Son et al., 2005; Waldenström, 1999; Waldenström et al., 1996) et du conjoint (Cigoli, Gilli, & Saita, 2006; Klaus, Kennel, Robertson, & Sosa, 1986; Lemola, Stadlmayr, & Grob, 2007) dans le vécu émotionnel de l‟accouchement chez la mère (Stadlmayr et al., 2004). Quoi qu‟il en soit, nous pouvons légitimement penser que l‟appartenance au groupe clinique ne peut s‟expliquer par les variables retenues dans notre présente étude. En d‟autres termes, le développement des symptômes ne s‟explique pas par la seule présence d‟événements médicaux potentiellement traumatogènes et dépend plutôt de facteurs émotionnels tels que le vécu subjectif de l‟accouchement, ou sociaux tels que le soutien perçu en cours de travail ou après. Dans ce contexte, si le DCP, étayé par son système de codage, permet de détecter les familles où la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu, l‟importance clinique en serait d‟autant plus marquée. En effet, compte tenu des connaissances actuelles contradictoires sur l‟impact des événements médicaux, le manque de connaissances sur les taux de prévalence de la dépression et des réactions de stress aigus, de leur comorbidité et de leur évolution, un outil permettant d‟évaluer les familles au tout début du post-partum, sans opérer de distinction entre les divers troubles des interactions, mais en se centrant sur leurs répercussions au niveau familial, devrait permettre un dépistage des familles en souffrance. 216 En d‟autres termes, si la validité critérielle se révèle être satisfaisante, nous pourrions légitimement penser qu‟à l‟aide du DCP, nous serions en mesure d‟appréhender l‟impact multidimensionnel de l‟accouchement sur l‟établissement des liens familiaux triadiques, donc de venir plus facilement en aide auprès des familles à risque, grâce à une compréhension plus globale, intégrant les diverses facettes pouvant mener à un trouble du post-partum. 12.2 Comparaison des dimensions interactives entre le groupe clinique et contrôle Dans cette section, nous allons chercher à découvrir si certaines dimensions interactives diffèrent significativement ou non entre nos deux groupes. Etant donné que la dépression postnatale et les réactions de stress aigu sont perçues comme des troubles de l‟interaction, nous nous attendons à ce que les interactions familiales triadiques soient moins bonnes dans le groupe clinique, où les mères présentent des symptômes de dépression et/ou de stress aigu à la suite de l‟accouchement. Les boîtes à moustaches représentées ci-dessous (cf. figure 16) montrent que pour la plupart des dimensions, le score médian est supérieur pour le groupe contrôle. La différence des scores est graphiquement marquée pour les dimensions 2 « Orientation des regards » (Médclin = 12, Médcontr = 14), 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (Médclin = 13, Médcontr = 16), 7 « Activités partagées et co-construites » (Médclin = 13, Médcontr = 16), 8 « Sensistivity » (Médclin = 16, Médcontr = 18) et 9 « Chaleur familiale » (Médclin = 12, Médcontr = 16). La différence entre le groupe clinique et contrôle semble moins marquée pour les dimensions 1 « Disponibilité à interagir » (Médclin = 15, Médcontr = 16), 4 « Coordination coparentale » (Médclin = 12, Médcontr = 13), 6 « Parental scaffolding » (Médclin = 16, Médcontr = 17). Le score médian est identique aux deux groupes pour la dimension 5 « Organisation des rôles » (Médclin = 14, Médcontr = 14), indiquant que vraisemblablement, les familles ont montré des interactions de qualité comparable dans les deux groupes. Finalement, nous constatons également la présence de données extrêmes et aberrantes pour la dimension 1, ce qui signifie que certaines familles du groupe contrôle ont obtenu des scores très bas par rapport au reste du groupe, à savoir des scores inférieurs à 12. Il est fort probable que la présence de ces scores puisse être imputée aux limites du setting. Pour plus de détails sur ce sujet, nous renvoyons le lecteur au chapitre portant sur le traitement des données manquantes générées par le système de codage « FAAS – DCP » (cf. section 8.1.). 217 Figure 16 : Scores aux dimensions interactives selon le groupe 20 Dimension 1 20 Dimension 4 Dimension 5 Dimension 2 18 Dimension 3 16 Dimension 6 18 16 14 14 12 31 10 12 5 35 12 8 10 6 8 clinique contrôle clinique 20 contrôle Dimension 7 Dimension 8 Dimension 9 18 16 14 12 10 8 clinique contrôle Ces représentations graphiques, qui sont pour la plupart asymétriques, nous suggèrent que dans l‟ensemble, les scores diffèrent entre les deux groupes pour la plupart des dimensions interactives. Il s‟agit dès lors de vérifier si nos différences sont statistiquement significatives ou non. Nous allons donc recourir à la statistique non-paramétrique unilatérale de Kolmogorov-Smirnov pour déterminer si nos scores sont ou non plus élevés dans le groupe contrôle. De même, nous calculerons la taille de l‟effet à nouveau en recourant aux seuils établis par Cohen (A. Field, 2005) pour son interprétation. Pour rappel, les seuils sont les suivants : r = 0.1 = effet petit r = 0.3 = effet moyen r = 0.5 = effet grand 218 Le tableau ci-dessous (cf. tableau 22) nous indique que seulement deux dimensions diffèrent significativement entre le groupe clinique et le groupe contrôle. Il s‟agit de la dimension 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » (Z = 1.16, p < 0.05, r = –0.29) et de la dimension 9 « Chaleur familiale » (Z = 1.28, p < 0.05, r = –0.31). En d‟autres termes, ces deux dimensions permettent de discriminer les familles cliniques des familles non cliniques. L‟importance de cet effet est plutôt modérée. En ce qui concerne la dimension 3, la différence entre les scores est expliquée à 8.5% par l‟appartenance au groupe. De même, la différence des scores pour la dimension 9 est expliquée à 9.6% par l‟appartenance au groupe. En définitif, bien que nous constatons une différence significative entre le groupe clinique et contrôle pour les dimensions susmentionnées, l‟importance de cette différence est plutôt restreinte. Tableau 22 : Statistique non-paramétrique de Kolmogorov-Smirnov et taille de l‟effet dim. 1 dim. 2 dim. 3 dim. 4 dim. 5 Dim. 6 dim. 7 dim. 8 dim. 9 Score z Z de KolmogorovSmirnov -1.02 -0.55 -1.91 -1.64 -1.35 -1.31 -1.76 -1.66 -2.03 0.77 0.67 1.16 0.81 0.75 0.75 0.89 0.98 1.28 Sig. (unilatéral) 0.14 0.26 0.04 0.15 0.18 0.20 0.10 0.06 0.02 r (taille de l'effet) -0.15 -0.08 -0.29 -0.25 -0.20 -0.20 -0.27 -0.25 -0.31 Pour les dimensions 1 « Disponibilité à interagir » (Z = 0.77, p > 0.05, r = –0.15), 2 « Orientation des regards » (Z = 0.67, p > 0.05, r = –0.08), 5 « Organisation des rôles » (Z = 0.75, p > 0.05, r = –0.18), et 6 « Parental scaffolding » (Z = 0.75, p > 0.05, r = –0.20), nous n‟observons pas de différences significatives entre nos groupes. De même, l‟importance de la différence des scores est quasiment nulle pour la dimension 2 et faible pour les autres dimensions. Cela signifie d‟une part, que ces dimensions ne permettent pas de discriminer les familles cliniques des familles contrôle et, d‟autre part, que les différences de scores ne relèvent pas d‟une importance particulière. Toutefois, bien que la différence des scores ne soit pas significative, la taille de l‟effet relève d‟un certain intérêt pour les dimensions 4 « Coordination coparentale » (Z = 0.81, p > 0.05, r = –0.25), 7 « Activités partagées et co-construites » (Z = 0.89, p > 0.05, r = –0.27) et 8 « Sensitivity » (Z = 0.98, p > 0.05, r = –0.25). Ainsi, la différence des scores est d‟une importance presque moyenne expliquant entre 6.3% (dimension 4 et 8) et 7.3% (dimension 7) 219 l‟appartenance au groupe. Cet effet est relativement restreint, sans pourtant être nul, indiquant donc que les différences observées peuvent avoir un certain intérêt d‟un point de vue clinique. Finalement, seules les dimensions 1, 2, 5 et 6 ne relèvent pas d‟une quelconque pertinence pour détecter des familles où la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu. 12.3 Comparaison des alliances familiales entre le groupe clinique et contrôle Selon notre question de recherche, nous nous attendons à ce que la répartition des alliances familiales soit différente entre le groupe clinique et contrôle, dans le sens d‟une plus grande représentation des alliances dysfonctionnelles dans le groupe clinique, et par conséquent, d‟une plus grande représentation des alliances fonctionnelles dans le groupe contrôle. 12.3.1 Comparaison des alliances familiales recodées en deux catégories La répartition des alliances familiales semble bien distincte entre nos deux groupes (cf. figure 17). Au sein du groupe clinique, nous avons 13 familles (68.4% des alliances du groupe) qui ont obtenu une alliance familiale dysfonctionnelle, tandis que pour le groupe contrôle, 9 familles (36% des alliances du groupe) ont obtenu une alliance dysfonctionnelle. Ainsi, nous constatons que la proportion des alliances dysfonctionnelles est presque deux fois plus importante pour le groupe clinique. Figure 17 : Répartition des alliances familiales (2 catégories) entre le groupe clinique et contrôle 30 25 20 alliance dysfonctionnelle 15 alliance fonctionnelle 10 5 0 clinique contrôle 220 Il semblerait donc que l‟attribution de l‟alliance à partir des interactions familiales triadiques observées au DCP soit différente en présence d‟une famille où la mère rapporte des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu par rapport à une famille où aucun symptôme n‟a été rapporté par la mère. La distribution de l‟alliance familiale diffère significativement entre nos deux groupes, χ2(1) = 4.54, p < 0.05, ce qui signifie que la distribution des alliances familiales est différente en fonction de nos groupes. En d‟autres termes, les alliances familiales permettent de discriminer nos deux groupes, du fait que nous avons une plus grande proportion d‟alliances dysfonctionnelles dans le groupe clinique comparativement au groupe contrôle. Toutefois, l‟association entre l‟alliance familiale et l‟appartenance à un groupe est plutôt modérée, Φ = – 0.32. L‟appartenance à un groupe n‟est finalement expliquée qu‟à 10.3% par le type d‟alliance familiale. Ainsi, malgré une différence significative dans l‟attribution de l‟alliance en fonction du groupe, l‟effet de cette différence est moyen, ce qui indique que nos alliances ne discriminent que modérément les familles où la mère présente des symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu. Ceci peut s‟expliquer par le fait qu‟au sein du groupe contrôle, nous avons une proportion conséquente d‟alliances dysfonctionnelles, soit 36% des alliances du groupe. Nous aurions pu nous attendre à une proportion moins marquée compte tenu l‟absence de symptômes rapportés par les mères du groupe contrôle. Nous avons en effet plus d‟un tiers des familles qui présentent un fonctionnement familial dysfonctionnel, ce qui constitue un taux élevé lorsque nous tenons compte des taux de prévalence des psychopathologies parentales habituellement rapportés dans la littérature spécifique à la transition à la parentalité. 12.3.2 Comparaison exploratoire des alliances familiales recodées en trois catégories Malgré la faible taille de notre échantillon, il est intéressant de voir comment se distribue l‟alliance familiale lorsqu‟elle est recodée en trois catégories. En effet, malgré la perte de puissance statistique, d‟où l‟aspect exploratoire des analyses subséquentes, il est cliniquement recommandé de différencier un fonctionnement familial compétitif (alliance problématique) d‟un fonctionnement désorganisé (alliance dysfonctionnelle) lorsque nous tentons de mieux cerner l‟impact que les symptômes de dépression et/ou de stress aigu peuvent avoir au niveau interactionnel. 221 Figure 18 : Répartition des alliances familiales (3 catégories) entre le groupe clinique et contrôle 30 25 20 alliance dysfonctionnelle 15 alliance problématique alliance fonctionnelle 10 5 0 clinique contrôle Au sein du groupe clinique, nous avons 6 familles qui ont obtenu une alliance familiale fonctionnelle (31.6%), 6 une alliance problématique (31.6%) et 7 une alliance dysfonctionnelle (36.8%). La répartition des trois catégories de l‟alliance semble plutôt homogène pour les familles cliniques. Ainsi, une faible majorité des familles du groupe clinique présentent un fonctionnement caractérisé par l‟exclusion d‟un ou de plusieurs membres de la triade. Par contre, il y a autant de familles qui montrent un fonctionnement fonctionnel que conflictuel. Dans le groupe contrôle, 16 familles ont obtenu une alliance fonctionnelle (64%), 6 une alliance problématique (24%) et 3 une alliance dysfonctionnelle (12%). Il y a donc une faible représentation du fonctionnement familial d‟exclusion. Toutefois, le fonctionnement conflictuel est relativement conséquent, représentant presque un quart des familles du groupe ne présentant pourtant aucun symptôme de dépression et/ou de stress aigu. Finalement, nous avons une large majorité des familles qui présentent un bon fonctionnement triadique. La distribution de l‟alliance familiale diffère significativement entre nos deux groupes, χ2(2) = 5.31, p exact < 0.05, ce qui va dans le sens du constat fait précédemment. Ainsi, la répartition des alliances fonctionnelles, problématiques et dysfonctionnelles n‟est pas identique entre nos deux groupes. Autrement dit, l‟évaluation de l‟alliance familiale au DCP permet de discriminer les familles cliniques des familles contrôles. Toutefois, l‟association entre le type 222 d‟alliance familiale et l‟appartenance au groupe reste modérée, V de Cramer = 0.35, bien que très légèrement meilleure que lorsque nous considérons l‟alliance familiale en deux catégories. Concrètement, l‟attribution de l‟alliance familiale est expliquée à 12.3% par l‟appartenance au groupe. Notre variance expliquée est donc sensiblement meilleure que précédemment, mais elle reste toujours très modérée. 12.4 Discussion des résultats Suite à nos analyses, nous avons pu constater que les dimensions 3 et 9, portant respectivement sur la présence ou non de comportements d‟exclusion (« Inclusion/exclusion des partenaires ») et sur la circulation des affects entre les trois membres de la famille (« Chaleur familiale ») diffèrent significativement entre nos deux groupes. Plus précisément, les comportements de retrait, le manque d‟engagement avec le bébé, qui sont des symptômes communs à la dépression postnatale (T. Field, 1998, 2009; Mezulis et al., 2004; L. Murray, Kempton, Woolgar, & Hooper, 1993; O'Hara, 2009) et aux réactions de stress aigu (Bailham & Joseph, 2003; Ballard et al., 1995; Beck, 2004b; J. Davies et al., 2008), peuvent générer des interactions familiales caractérisées par des exclusions. En effet, la mère peut par exemple se tenir en retrait dans des moments d‟échange à trois (partie III du DCP). Elle peut également ne pas vouloir entrer en interaction avec son enfant ou le toucher « du bout des doigts », quel que soit la partie, ce qui peut être le cas si le bébé est déclencheur d‟un rappel traumatique de l‟accouchement pour la mère, dans quel cas la mère manifesterait des symptômes d‟évitement (Ballard et al., 1995; Brockington, 2004b; J. Davies et al., 2008; Fones, 1996). De même, une apathie, le manque de confiance en soi, peut mener à un désengagement des interactions de la part de la mère, que ce soit avec le bébé ou le mari (Cohn et al., 1986; Halbreich, 2005; Riecher-Rössler & Rohde, 2005; Tronick & Weinberg, 1997). La labilité émotionnelle, l‟irritabilité, les affects de tristesse peuvent être des symptômes communs qui expliquent une moins bonne circulation des affects au sein de la triade familiale (Beck, 2004b; Cohn et al., 1986; J. Davies et al., 2008; Edhborg, 2004; Jolley & Betrus, 2007). En effet, la tristesse, l‟émoussement affectif peuvent être perçues par le biais de la dimension « Chaleur familiale », notamment en évaluant la concordance des affects entre les membres de la famille. Toutefois, la taille de l‟effet nous a montré que l‟importance de la différence des scores n‟était que modérée pour les deux dimensions susmentionnées. Il est possible que l‟impact des 223 symptômes maternels sur les interactions familiales soit contrebalancé par le père. En effet, lorsque ce dernier peut venir en soutien auprès de la mère, que ce soit au niveau émotionnel ou dans les soins apportés au bébé, il peut modérer l‟effet des symptômes dépressifs de la mère, tout du moins si ce soutien est perçu par cette dernière (Dennis & Ross, 2006b; Small et al., 1994). Un père soutenant pourrait constituer un facteur protecteur, ce qui rendrait les manifestations des symptômes au niveau des interactions moins visibles et, par conséquent, contribuerait à une différence de scores moins marquée entre nos deux groupes pour ces dimensions. Le fait que les facteurs obstétricaux et sociodémographiques n‟expliquent pas l‟appartenance au groupe clinique ou contrôle indique également que le père, mais aussi le réseau social élargi (comprenant les amis, la famille de chaque parent, les professionnels de la santé, etc.) peuvent jouer un effet modérateur (Cigoli et al., 2006; Maggioni et al., 2006; Perren et al., 2003; Stadlmayr et al., 2001). Ainsi, l‟impact de l‟environnement social peut expliquer, en partie du moins l‟importance modérée des différences de scores aux dimensions interactives. Toutefois, l‟effet modérateur éventuel du père sur la manifestation des symptômes dans les interactions familiales triadiques peut expliquer, en partie du moins, le fait que nous n‟avons pas observé de différences significatives pour les dimensions restantes. En effet, les symptômes de dépression postnatale et/ou de stress aigu chez la mère, incluent des comportements tels que des expressions faciales renfermées et froides, un manque de sensibilité, un état d‟irritabilité, des regards orientés vers l‟enfant moins fréquents, la sousstimulation, des difficultés dans le parentage, un manque de synchronie dans les interactions et une incapacité à détecter les signaux du bébé (Cohn et al., 1986; Edhborg, 2004; S. H. Goodman & Brand, 2008; O'Hara, 2009; Paul, 2008; Reynolds, 1997; Tronick & Weinberg, 1997). Ainsi, les dimensions « Disponibilité à interagir », qui évalue notamment les expressions faciales, « Orientation des regards » où l‟on observe la qualité des regards échangés, « Coordination coparentale » où l‟on cherche notamment la présence de conflits, d‟interférences dans les activités des autres membres de la triade, « Parental scaffolding », où l‟on regarde la qualité des stimulations parentales, « Activités partagées et co-construites » où l‟on évalue la synchronie des interactions et la perception des signaux du bébé de la part des parents, « Sensitivity » ou l‟on évalue la perception et la validation des affects du bébé par les parents, devraient toutes différer significativement entre nos deux groupes. L‟effet modérateur du père peut donc expliquer que nos scores ne diffèrent pas significativement, car à toutes nos dimensions, les comportements interactifs du père ont autant de poids que ceux de la mère et 224 du bébé dans l‟attribution des scores. Cependant, nous avons pu mettre en évidence des effets modérés dans les différences de scores pour nos dimensions « Coordination coparentale », « Activités partagées et co-construites » et « Sensitivity », ce qui indique que vraisemblablement, une différence de score entre une famille clinique et une famille contrôle à ces dimensions relève d‟une importance d‟un point de vue clinique. Il est dès lors possible qu‟avec un échantillon plus conséquent, nous aurions pu trouver des différences significatives à ces dimensions. Finalement, les dimensions « Disponibilité à interagir », « Orientation des regards », « Organisation des rôles », « Parental scaffolding » ne permettent pas de différencier nos deux groupes. Il s‟agit principalement d‟indices d‟évaluations concrets, c‟est-à-dire principalement basé sur l‟évaluation d‟indices physiques tels que l‟orientation corporelle, le respect des distances au niveau du haut du corps, etc. Malgré le constat surprenant que les expressions faciales, relevant pourtant d‟un aspect émotionnel, ne puissent discriminer nos groupes, nous formulons l‟hypothèse que les familles se distinguent au niveau des interactions triadiques au DCP, sur un versant émotionnel et affectif et non sur des aspects purement physiques. Par rapport aux alliances familiales, nous avons pu mettre en évidence une différence significative dans leur attribution en fonction des groupes. Ce constat suggère que l‟évaluation globale, issue de l‟analyse préliminaire des interactions familiales aux dimensions interactives, est pertinente pour distinguer les familles où la mère présente des symptômes de dépression et/ou de stress aigu. En ce sens, ces symptômes peuvent avoir des répercussions émotionnelles sur les autres membres de la famille (Almeida et al., 1999; Ayers et al., 2008; Klein & White, 1995; Larson & Almeida, 1999; Sit & Wisner, 2009; Wijma, 2006), ce qui reflèterait un moins bon fonctionnement familial global. Ainsi, les divers symptômes maternels ayant un impact sur le fonctionnement familial peuvent être mis en évidence à l‟aide de l‟observation des familles au DCP. Toutefois, l‟association modérée entre l‟attribution de l‟alliance familiale et l‟appartenance au groupe peut à nouveau être expliquée par un éventuel effet modérateur du père, voir du réseau social élargi. Cependant, la présence d‟un nombre élevé de familles caractérisées par un fonctionnement problématique, donc par des conflits parentaux et/ou conjugaux, ne supporte pas cette idée. Il est dès lors possible que la transition à la parentalité, tout particulièrement au début du post-partum, soit caractérisée par des difficultés sur le plan conjugal et coparental (Belsky et al., 1983; Lawrence et al., 2008; Shapiro et al., 2000) et une baisse de la qualité des échanges relationnels positifs entre 225 les conjoints (C. P. Cowan & Cowan, 1995, 2000; Schulz et al., 2006). Dans ce contexte, il semble très difficile de pouvoir discriminer des interactions problématiques liées aux symptômes de dépression et/ou de stress aigu, de celles propres à la période de la transition à la parentalité. Cependant, le fait que l‟évaluation globale du fonctionnement familial soit concordante avec l‟idée que les dimensions interactives permettent, à priori, de mieux discriminer les familles de nos deux groupes sur des aspects émotionnels et affectifs, nous encourage à envisager par la suite une évaluation qui mette l‟accent sur ces derniers aspects. Toutefois, le fait d‟avoir un nombre conséquent d‟alliances familiales caractérisées par l‟exclusion dans notre groupe clinique est rassurant. En effet, les divers symptômes propres aux symptômes de dépression postnatale et à ceux des réactions de stress aigu, ainsi que leurs symptômes communs, sont source d‟exclusion, que ce soit le retrait de la mère, ou liées par exemple à des comportements d‟hypervigilance, d‟évitement ou d‟intrusion, rendant plus difficile l‟inclusion du père dans les interactions triadique (Alder et al., 2006; Lowe, 1996). Ce dernier point est d‟autant plus important que ces symptômes sont caractéristiques des réactions de stress aigu, précurseur d‟un potentiel état de stress post-traumatique, ce qui concerne la majorité des mères du groupe clinique. En effet, 17 mères (89.5% du groupe clinique) présentent des symptômes de réactions de stress aigu, ce qui constitue la grande majorité de ce groupe. Il n‟est donc pas étonnant que les alliances exclusives soient également bien représentées dans ce groupe (36.8%). Finalement, que ce soit pour l‟attribution des scores aux dimensions interactives que pour celle de l‟alliance, plusieurs limites doivent être adressées. Premièrement, la difficulté à trouver des scores significativement différents et pertinents entre nos deux groupes, ainsi que le lien modéré entre l‟alliance familiale et l‟appartenance au groupe, peut venir de la barrière linguistique. En effet, l‟évaluateur ne maîtrisant que partiellement le suisse-allemand, il est probable que cela ait généré un codage différent. Cet aspect est d‟autant plus important car, dans une évaluation clinique du fonctionnement familial, les comportements verbaux et nonverbaux relèvent de la même pertinence. Par conséquent, une partie des informations fournies à l‟aide de la situation d‟observation DCP a pu être omise en raison du manque de connaissance linguistique. Les dysfonctionnements peuvent se révéler tant au niveau comportemental qu‟au niveau du contenu du discours, ce dernier point ayant pu échapper à l‟évaluateur. 226 Une deuxième limite est d‟ordre méthodologique. Dans le cadre de cette étude, la dépression postnatale paternelle n‟a pas été évaluée. Il est actuellement établi que les pères sont à risque de développer une dépression postnatale si la mère en souffre (Paulson, 2010), le taux de prévalence variant entre 1.2% et 25.5% suivant les études (Areias et al., 1996a, 1996b; Matthey et al., 2000; Pinheiro et al., 2006; Schumacher et al., 2008). Ainsi, nous ne savons pas si des pères présentent de tels symptômes, que ce soit dans le groupe clinique ou contrôle. Nous pouvons donc penser que la difficulté à discriminer nos familles découle en partie du manque de contrôle des symptômes paternels éventuels. Troisièmement, le dépistage des symptômes a été effectué par des questionnaires autorapportés. Or, la difficulté liée au dépistage de la dépression postnatale est connue. En effet, les taux de prévalence varient beaucoup selon les études, et dans notre cas, nous n‟échappons pas à cette règle, étant donné le nombre important de femmes rapportant des symptômes de stress aigu. Il y a un manque de spécificité et de sensibilité des outils de dépistage (Halbreich, 2005). De même, la définition des troubles du post-partum, leur chevauchement les uns avec les autres, ainsi que leur distinction doit encore être affinée par de futures recherches. Nous pouvons donc légitimement penser que l‟établissement du groupe clinique devrait reposer sur une base plus solide, notamment à l‟aide d‟entretien structurés comme proposé par Halbreich (2005). Un argument allant dans ce sens est le constat fait dans d‟autres études indiquant que l‟utilisation unique de questionnaires a tendance à sur-représenter les symptômes (Ayers et al., 2009; Jardri, 2004; L. Murray & Carothers, 1990). Ainsi, la pertinence de l‟établissement du groupe clinique et contrôle est limitée compte tenu des biais inhérents aux auto-évaluations et au manque de connaissances sur les catégories diagnostics des troubles de la périnatalité, particulièrement en ce qui concerne les symptômes de stress aigu. Quatrièmement, peu d‟études ont cherché à définir de quelle manière les réactions de stress aigus et les états de stress post-traumatiques se manifestent au niveau des interactions parent – bébé (Czarnocka & Slade, 2000; Slade, 2006). Dans ce contexte, il est difficile d‟appréhender de manière optimale les interactions dysfonctionnelles associées aux symptômes de stress aigus. Elles ont été déduites à partir des symptômes communs avec la symptomatologie dépressive (Stadlmayr et al., 2004; White et al., 2006). Par conséquent, il est probable que cette approche ne permette pas réellement de différencier les familles cliniques des familles contrôles en se basant sur l‟observation des interactions triadiques. Il est nécessaire de mieux définir l‟entité clinique propre aux réactions de stress aigu afin d‟améliorer considérablement 227 la capacité de discriminer les familles à l‟aide de la situation d‟observation DCP, étayée de son système de codage. Par ailleurs, contrairement aux diverses recherches menées dans le domaine de la transition à la parentalité, nous n‟avons constaté qu‟un faible recoupement entre les symptômes de dépression postnatale et ceux de stress aigu (Czarnocka & Slade, 2000; White et al., 2006), malgré la présence de deux items mesurant l‟anxiété et qui sont corrélés aux symptômes de stress (Brouwers et al., 2001; Ross, Gilbert Evans, Sellers, & Romach, 2003). En effet, nous n‟avons observé que deux mères présentant des symptômes pour ces deux troubles. Ainsi, il est d‟autant plus probable que notre groupe clinique constitue une entité spécifique encore peu connue, ce qui peut contribuer aux difficultés de discriminer les familles au DCP lorsque nous sommes en présence de mères qui ont des symptômes de stress aigu sans symptômes dépressifs. Finalement, la taille de notre échantillon étant faible, cela a vraisemblablement contribué à la difficulté de différencier les familles à partir des dimensions interactives et au faible lien entre l‟alliance familiale et l‟appartenance au groupe. De futures recherches portant sur des échantillons plus conséquents sont donc recommandées. 12.5 Synthèse Nous avons pu mettre en évidence le fait que l‟évaluation des familles à l‟aide du système de codage « FAAS – DCP » lors de la situation d‟observation DCP, ne permet que partiellement la discrimination des familles cliniques. Toutefois, certaines dimensions interactives, prenant en compte des aspects émotionnels et affectifs, peuvent mettre en évidence des différences dans les interactions, bien que l‟effet de ces différences soit modéré. De même, l‟attribution de l‟alliance familiale permet de différencier les familles cliniques des familles contrôle, mais l‟association entre alliance familiale et l‟appartenance au groupe est modérée. Cependant, le fait que les familles se distinguent au niveau de l‟alliance familiale et au niveau de certaines dimensions interactives est plutôt encourageant. En effet, nous pouvons, grâce à une évaluation globale et portée sur des aspects émotionnels et affectifs, distinguer en partie les familles. Ainsi, la validité critérielle de la situation d‟observation DCP et de son système de codage n‟est que partielle, mais constitue un premier pas dans ce sens. Il faut donc considérer les résultats de cette présente étude avec prudence et il est nécessaire de pouvoir répliquer la 228 procédure, en tenant compte des différentes limites que nous venons d‟évoquer. Finalement, une évaluation plus globale des familles, par exemple en attribuant un score total par dimension sans distinguer les parties du jeu, pourrait contribuer à une évaluation plus en adéquation avec les manifestations cliniques des familles en souffrance. En ce sens, les évaluations détaillées parties par parties avant d‟attribuer l‟alliance familiale, peuvent avoir comme désavantage d‟être trop précises, ce qui peut mener à la perte d‟une vision globale et ainsi, complexifier une évaluation basée sur l‟expérience clinique. Nos résultats supportent ainsi l‟idée qu‟en se basant sur un niveau d‟observation plus global, notamment au niveau des affects, nous pouvons bénéficier d‟une évaluation plus en accord avec la réalité clinique des familles. Finalement, des recherches futures devraient intégrer l‟impact du soutien social, que ce soit du conjoint, des amis, de la famille de chaque parent sur l‟apparition des symptômes et sur les interactions observées. En effet, cet aspect n‟étant pas pris en compte dans notre étude, il est difficile d‟estimer si le peu de différences significatives et leur importance modérée est liée à des aspects d‟ordre psychosociaux. Cet aspect devra donc être investigué dans le futur. 229 Chapitre XIII : Conclusions générales Ce travail de recherche, mené à la maternité de l‟hôpital de l‟Ile à Berne, s‟inscrit dans le cadre de l‟étude SESAM-L, qui est un sous-projet du pôle de recherche national SESAM (Swiss Etiological Study of Adjustment and Mental Health), et qui vise à comprendre comment le vécu subjectif de l‟accouchement peut affecter le fonctionnement familial ainsi que le développement de l‟enfant. Elle s‟inspire de l‟étude exploratoire menée à Breitenbach qui visait à mettre en évidence des répercussions éventuelles du vécu subjectif de l‟accouchement sur les interactions familiales précoces, tout en considérant l‟apparition d‟une symptomatologie dépressive et/ou de réactions de stress aigu. C‟est dans ce cadre qu‟un nouveau paradigme expérimental, le « Diaper Change Play » (DCP), a été initialement pensé par le Dr. Stadlmayr. Sur cette base, l‟étude SESAM-L, qui cherche de plus à analyser les changements au niveau triadique entre la grossesse, les premières semaines et mois postpartum et les premières années de l‟enfant, a nécessité un remaniement de ce paradigme expérimental. Ainsi l‟objectif principal du présent travail a été d‟apporter un outil d‟évaluation des interactions familiales précoces à partir de la situation d‟observation DCP. La volonté d‟apporter une nouvelle méthodologie a été guidée par plusieurs motivations. Premièrement, nous souhaitions approcher les relations familiales triadiques au cours du premier mois postpartum, c‟est-à-dire à un moment clé de l‟établissement des relations familiales, à savoir dans la période où les familles sont fraîchement constituées et où les premiers échanges relationnels s‟opèrent. Nous souhaitions ainsi pouvoir apporter un outil qui puisse s‟adresser à divers professionnels de la périnatalité. Plus précisément, ce setting expérimental a été pensé avant tout dans le contexte hospitalier, ceci afin de permettre une détection précoce des familles en souffrance, lorsque ces professionnels sont encore en contact avec ces dernières. Notre pensée a donc été orientée par le souci d‟apporter un moyen de prévention primaire lorsque les familles vivent la crise de la transition à la parentalité. Deuxièmement, nous souhaitions pouvoir apporter un paradigme expérimental qui permette de combler un vide théorique entourant la périnatalité et la constitution des relations familiales entre la grossesse et le troisième mois post-partum, qui est la période jusqu‟ici de prédilection pour étudier les relations familiales triadiques. En apportant un moyen d‟accroître les connaissances 230 scientifiques sur le phénomène de la transition à la parentalité, nous pourrions également venir en aide aux familles de manière plus appropriée. Finalement, en fournissant un moyen fiable d‟observer les interactions familiales, nous pourrions avoir accès à des informations inédites quant aux compétences du nouveau-né de trois semaines, et donc apporter un éclairage différent qui permette de saisir certains aspects de son développement. Nous avons en définitif cherché à fournir un outil d‟évaluation qui soit pertinent autant dans le domaine de la recherche que de la clinique. Le but de ce présent travail a dès lors été de valider le système d‟évaluation des familles sur la base des interactions familiales observées au DCP. La revue de la littérature nous a permis de mettre en évidence que la transition à la parentalité est une période de crise pour les parents car de nombreux réaménagements ont lieu et de nouveaux rôles s‟ajoutent à la relation conjugale. Cependant, la modélisation du système familial précoce fut ardue car les connaissances actuelles portent soit sur la grossesse, soit sur le développement des relations dès le troisième mois post-partum. Ainsi, certains concepts tels que le coparentage ont été intégrés au fonctionnement familial au cours du premier mois post-partum, sans pour autant affirmer avec certitude qu‟ils reflètent certaines spécificités liées à la périnatalité. Par ailleurs, nous avons pu mettre en évidence que le nouveau-né possède des compétences riches et variées dès la naissance pour communiquer. Néanmoins, très peu d‟études correspondent à l‟âge qui nous intéresse, c‟est-à-dire la troisième semaine post-partum. A nouveau, les compétences du bébé ont été inférées à partir de résultats concernant des nouveaux-nés soit plus jeunes, soit plus vieux. Tenant compte du développement rapide des compétences du bébé, il est fort possible que certains aspects de son répertoire comportemental soient quelques peu différents que ce qui a été mis en évidence par la théorie. Finalement, notre travail visant à offrir un outil de prévention, nous nous référons à deux troubles des interactions précoces, la dépression postnatale et les réactions de stress aigu. Le premier est un trouble largement étudié, tandis que le second est depuis peu source de préoccupations à la fois pour les professionnels de la périnatalité et les chercheurs. Dans les deux cas, la théorie nous a permis de mettre en évidence une comorbidité des deux troubles et nous a apporté des indications sur leurs manifestations au niveau des interactions familiales triadiques. Cependant, peu de données sont disponibles, ce qui limite par conséquent notre compréhension de leur impact au niveau du système familial triadique au début de la vie postnatale. En définitif, conceptualiser le fonctionnement familial précoce dans la situation d‟observation DCP, que se soit sous l‟angle de la structure du système familial, sous l‟angle de l‟impact et du rôle que joue le nouveau-né dans les interactions, ou 231 sous l‟angle du dépistage des symptômes de dépression et de stress aigu, fut un véritable défi. Cet exercice nous a néanmoins permis de contextualiser de la manière la plus objective possible, la façon d‟appréhender les familles avec un bébé de trois semaines de vie postpartum. De plus, les constats que nous venons d‟évoquer nous ont confortés dans l‟idée de développer un setting expérimental qui, nous l‟espérons, pourra permettre à l‟avenir de dépasser les limites des connaissances empiriques actuelles. La première question de recherche avait pour objectif d‟établir la fiabilité du système de codage « FAAS – DCP ». Le but visé était alors de vérifier sa structure, en mettant en évidence une adéquation entre sa construction actuelle et le construit théorique sous-jacent. Nous avons ainsi pu confirmer le fait que l‟évaluation des interactions familiales sur la base des dimensions interactives du « FAAS – DCP » permettait de prédire correctement la classification dans les catégories regroupées de l‟alliance familiale, à savoir les alliances fonctionnelle, problématique et dysfonctionnelle. Le risque de classer incorrectement les familles est acceptable, d‟autant plus que les alliances concernées sont les dysfonctionnelles qui, une fois sur cinq, peuvent être considérées à tort comme problématiques. Ce risque est dès lors acceptable étant donné que les familles aux alliances problématiques ou dysfonctionnelles sont considérées comme étant à risque de développer des relations familiales altérées, avec des conséquences possibles sur le développement de l‟enfant. Finalement, nous avons pu mettre en évidence l‟existence de deux composantes regroupant nos dimensions, la première reflétant l‟engagement et le partage, la seconde l‟ajustement conjugal et coparental. Ces deux composantes nous ont permis de créer une typologie de l‟alliance familiale congruente avec le concept théorique d‟alliance familiale. Toutefois, la difficulté à distinguer les alliances problématiques des dysfonctionnelles, couplée au constat que l‟implication auprès de l‟enfant, qui est une facette du coparentage, ne se retrouve pas dans la dimension de l‟ajustement conjugal et coparental, nous pousse à penser que ce concept devrait probablement être repensé afin de mieux correspondre à la réalité des familles dans le contexte de la périnatalité. Néanmoins, nous avons pu mettre en évidence une bonne consistance interne aux deux composantes, nous autorisant à penser que toutes les dimensions interactives contribuent à l‟établissement de l‟alliance familiale, et sont donc pertinentes pour l‟évaluation du fonctionnement familial. La deuxième question de recherche avait pour objectif d‟établir la fidélité inter-juges, étape nécessaire à la validation du système de codage en vue de son utilisation, que ce soit dans le 232 contexte de la clinique ou de la recherche. La pertinence de la construction du système de codage ayant été établie, il est nécessaire de nous assurer que différents cliniciens aient une compréhension partagée de l‟évaluation du fonctionnement familial sur la base du manuel « FAAS – DCP ». Sans quoi, l‟ensemble du système de codage devrait être remanié. Nos analyses confirment que les différents juges ont montré un bon degré d‟accord pour évaluer les familles, tant au niveau de l‟attribution des scores aux dimensions interactives qu‟à l‟établissement de l‟alliance familiale. Toutefois, pour les dimensions interactives 4 « Coordination coparentale », 5 « Organisation des rôles » et 7 « Activités partagées et coconstruites », le degré d‟accord était satisfaisant, mais également révélateur d‟une amélioration possible en vue d‟accroître le consensus, ce qui est encourageant. Nous avons par ailleurs proposé quelques pistes à explorer en vue d‟améliorer le degré de compréhension possible pour un panel de cliniciens ou de chercheurs. En définitif, nous avons pu répondre positivement à notre deuxième question de recherche en affirmant que le consensus entre les juges est largement suffisant, ce qui nous conforte dans la confiance que nous pouvons accorder à l‟utilisation du système de codage « FAAS – DCP » et des données qu‟il génère, d‟autant plus que ce degré d‟accord est comparable à ceux obtenus pour des instruments tels que le LTP (Favez, Lavanchy et al., 2006) ou le CFRS de McHale et coll. (2007). La troisième question de recherche avait pour but de vérifier la validité prédictive du DCP. Nous sommes partis du constat mis en exergue dans le cadre des travaux portant sur le « Lausanne Trilogue Play » (LTP) que l‟alliance familiale est stable entre la grossesse et la première année qui suit la naissance de l‟enfant. Par conséquent, nous avons postulé que si le fonctionnement familial s‟inscrivait dans cette stabilité, notre mesure du fonctionnement familial serait comparable à celui évalué grâce au LTP. Nous avons donc cherché à comparer les scores que les familles ont obtenus aux dimensions interactives communes au DCP et au LTP, de même que les alliances familiales attribuées sur la base des deux situations d‟observation. La comparaison s‟est alors portée sur le fonctionnement familial à trois semaines et à trois mois post-partum. Nous avons pu mettre en évidence une stabilité dans le fonctionnement familial, de même que les dimensions interactives communes permettent une évaluation similaire des interactions familiales triadiques. Nous avons également constaté que les scores au LTP étaient dans l‟ensemble légèrement meilleurs qu‟au DCP. Cette amélioration, bien que s‟inscrivant dans la continuité du développement du fonctionnement familial, peut signifier que les parents sont plus habitués à interagir à trois lorsque nous les évaluons à trois mois comparativement à trois semaines, où les interactions sont dans 233 l‟ensemble légèrement moins fluides. Cependant, la question de savoir quelle part de cette amélioration est attribuable à l‟évolution des familles et celle imputable aux propriétés des deux instruments demeure. D‟autres recherches devront être menées afin d‟éclaircir ce point. Néanmoins, nous avons tout de même pu répondre positivement à notre question de recherche, indiquant que nous obtenons une mesure similaire du fonctionnement familial de celle faite au LTP, instrument largement éprouvé, tant au niveau de la recherche qu‟au niveau de la clinique. Notre dernière question de recherche avait de plus une portée clinique. En effet, le but visé était de chercher à savoir si la situation d‟observation DCP, étayée par le système de codage « FAAS – DCP » permettait de discriminer les familles où la mère présente des symptômes de dépression et/ou de réactions de stress aigu des familles où la mère ne présente aucune symptomatologie. Nous avons donc cherché à établir la validité critérielle de notre système de codage sur la base des interactions observées au DCP. Nous n‟avons pu confirmer que partiellement cette dernière question de recherche. Plus précisément, nous avons pu mettre en évidence que les dimensions interactives 3 « Inclusion/exclusion des partenaires » et 9 « Chaleur familiale » permettent de discriminer les familles cliniques et contrôles, bien que cet effet discriminant soit modéré. D‟autres dimensions, ne différant pas significativement entre les deux groupes, ont toutefois révélé qu‟elles avaient un certain intérêt d‟un point de vue clinique. Il s‟agit des dimensions 4 « Coordination coparentale », 7 « Activités partagées et co-construites » et 8 « Sensitivity ». Nous en avons conclu que l‟évaluation des familles au DCP permettait une discrimination des familles sur un versant émotionnel plutôt que sur la base d‟indices physiques. Par ailleurs, nous n‟avons pas pu mettre en évidence un lien quelconque entre les facteurs sociodémographiques et obstétricaux et la présence de symptômes de dépression postnatale et/ou de réactions de stress aigu. Ce constat suggère que des aspects tels que le vécu subjectif de l‟accouchement, le soutien perçu du corps médical pendant le travail, ainsi que le soutien émotionnel et pratique fournit par le conjoint sont plus probants pour expliquer l‟apparition de ces troubles des interactions précoces (Lemola et al., 2007; O'Hara, 2009). Nous avons dès lors avancé l‟hypothèse selon laquelle un effet modérateur du père pouvait contribuer à diminuer la possibilité de discriminer les familles marquées par une souffrance psychologique, de part le fait qu‟en l‟incluant dans la situation DCP, sa participation, si elle est perçue comme soutenante par la mère, peut favoriser l‟expression d‟un fonctionnement familial de meilleure qualité. Finalement, l‟alliance familiale s‟est avérée être un moyen acceptable pour différencier les familles d‟un point de 234 vue clinique. Néanmoins, la méthodologie employée pour répondre à notre dernière question de recherche présente des limites, contribuant vraisemblablement à la difficulté rencontrée pour établir cette dernière validité. Plus précisément, nous nous sommes basés uniquement sur des questionnaires pour constituer nos groupes, de même que la dépression postnatale du père n‟a pas été prise en compte, ce qui a pu biaiser la constitution des groupes. Les cut-offs établis sont peut-être à reconsidérer et il aurait été souhaitable de pouvoir recourir à des entretiens cliniques en vue de mieux cerner les familles dont la mère souffre des symptômes en question. Le fait de ne pas avoir pris en compte les aspects tels que le soutien perçu ou le vécu subjectif de l‟accouchement contribuent certainement à ne pas saisir entièrement ce qui se joue au cours du premier mois post-partum au niveau du système familial triadique. Ces différents aspects devront dès lors être pris en considération dans les prochaines recherches. Ceci est d‟autant plus indiqué que le groupe clinique de notre étude fut majoritairement représenté par des mères rencontrant des symptômes de stress aigu, qui peuvent en partie être expliqués par un vécu subjectif traumatique de l‟accouchement. Dès lors, nous suggérons de suivre les recommandations de Stadlmayr et coll. (2007) et d‟intégrer ces différents points dans les prochaines études dans le contexte de la périnatalité. Ce travail de recherche comporte cependant quelques limites que nous allons exposer. Premièrement, nous pouvons mettre en évidence une difficulté liée à la langue. En effet, les familles ayant toutes été recrutées dans des régions germanophones (Breitenbach et Berne), il n‟a pas toujours été aisé pour l‟évaluateur, dont la compréhension du suisse-allemand n‟était pas optimale, de bien saisir le contenu du discours entre les parents. L‟accès parfois restreint aux comportements verbaux a dès lors certainement joué un rôle dans la manière d‟évaluer les familles, ce qui a pu contribuer à faire apparaître, voire accroître, les difficultés rencontrées à certaines dimensions, particulièrement celle de la « Coordination coparentale ». En effet, la présence éventuelle d‟un conflit, bien que manifeste au niveau du comportement non verbal, a été moins aisément identifiable au niveau des échanges verbaux, de même que sa résolution n‟a peut-être pas toujours été correctement perçue. Nous pensons donc que des faiblesses relevées au niveau de certaines dimensions interactives pourraient être moins marquées et qu‟il soit possible que ce biais ait contribué à générer des classements erronés lorsque nous cherchions à établir si les dimensions interactives permettaient de prédire l‟attribution de l‟alliance familiale. Il est en effet probable qu‟en raison de la barrière linguistique, l‟évaluateur ait été en mesure d‟identifier des fonctionnements problématiques et dysfonctionnels sans pour autant bien saisir les particularités qui y sont associées. En ce sens, 235 l‟accès restreint au discours a probablement contribué à confondre les familles caractérisées par un conflit de celles marquées par de l‟exclusion. Il serait donc intéressant de reconduire les évaluations faites sur les 44 familles de nos deux échantillons par un évaluateur maîtrisant parfaitement le suisse-allemand, afin d‟observer l‟impact de la langue sur l‟observation des familles dans certaines dimensions. Cependant, le manuel de codage ayant été rédigé en français, la difficulté se retrouverait pour le codeur qui, s‟il n‟est pas parfaitement bilingue, pourrait être confronté à une difficulté de compréhension des différentes dimensions et comportements attendus. Comme nous l‟avons soulevé, la traduction en allemand du manuel de codage nécessiterait à son tour un travail de validation avant de pouvoir être utilisé à d‟autres fins. Dès lors, nous suggérons que cette étude puisse être à nouveau menée auprès de familles francophones, ce qui nous permettrait très certainement d‟améliorer sensiblement les différentes validités établies au cours de ce travail. La deuxième limite concerne le choix de la méthode pour évaluer le fonctionnement familial. En effet, recourir à la méthode observationnelle comporte des désavantages qui doivent être pris en considération car ils délimitent la portée conceptuelle et clinique de l‟observation directe des interactions familiales. Tout d‟abord, recourir à l‟observation est coûteux en temps et en énergie. Dans le cadre de notre étude, l‟évaluation des interactions familiales nous a pris environ 2h30 par famille. Cette méthode demande également passablement d‟efforts de la part du chercheur pour la formation des professionnels à la passation d‟une situation d‟observation et au codage des interactions familiales observées. De plus, l‟observation des familles est coûteuse en logistique, car nous avons notamment besoin d‟un laboratoire, de caméras et de matériel pour le setting. Par ailleurs, le fait que nos observations se fassent dans un contexte donné, à savoir un laboratoire, est un choix qui a souvent été critiqué de par son manque de validité écologique. En effet, dans la mesure où les données interactionnelles sont influencées par le contexte dans lequel elles sont récoltées, la généralisabilité de ces découvertes à d‟autres contextes d‟interaction familiale, vraisemblablement plus représentatif, est potentiellement compromis. Le laboratoire est une situation originale qui peut mettre les familles dans une situation moins confortable qu‟à la maison. De même, dans le contexte du laboratoire, les adultes ont plus tendance à vouloir montrer de « bons comportements » qu‟à la maison. Néanmoins, les comportements et patterns qui discriminent les familles en souffrance de celles qui ne sont pas dans cette situation sont généralement les mêmes que ceux qui sont apparents à la maison (Jacob, Tennenbaum, & Krahn, 1987). En ce sens, même si une certaine forme de désirabilité sociale existe lorsque nous évaluons les relations familiales par 236 l‟observation directe des comportements, cette désirabilité est moindre car les individus ne peuvent pas montrer des comportements meilleurs que ceux qu‟ils montrent dans la vie de tous les jours. Malgré ces désavantages, nous pensons que recourir à une situation d‟observation pour approcher les relations familiales reste la voie privilégiée pour l‟étude du fonctionnement familial, d‟autant plus que, de par la nature même de la tâche que nous proposons, c‟est-à-dire le changement de langes, nous postulons que nous nous rapprochons de la réalité du quotidien de chaque famille. En effet, le fait de devoir prodiguer des soins et la manière de les prodiguer nous semble être peu soumis à des variations de contexte, bien qu‟une influence du setting expérimental subsiste. Par ailleurs, les coûts liés à ce choix nous semblent être le prix à payer pour garantir une mesure objective et scientifique des relations familiales dans un contexte triadique. Le recours à la méthode observationnelle étant très coûteux en temps, cela nous amène à considérer une troisième limite de notre étude, qui concerne la taille de l‟échantillon. Etant donné que l‟évaluation des familles est un procédé chronophage, la taille de notre échantillon n‟a guère pu être augmentée, car nous n‟avions pas la possibilité de recourir à des forces supplémentaires. Initialement, nous pensions tout de même avoir un échantillon plus conséquent, ce qui nous aurait notamment permis d‟accroître la puissance statistique des différentes analyses que nous avons effectuées, mais un autre facteur a joué un rôle dans le recrutement des familles. En effet, le recrutement des familles pour l‟étude en cours, menée à l‟hôpital de l‟Île à Berne, a démarré avec un an de retard, à savoir en septembre 2008. La raison de ce retard provient des nombreuses modifications que la commission d‟éthique des deux Bâle a demandées de faire par rapport à l‟étude principale SESAM-A. L‟impact direct pour l‟étude SESAM-L découle du fait qu‟utilisant un grand nombre de questionnaires et points de mesure en commun avec l‟étude principale, elle ne pouvait démarrer avant l‟approbation de la commission d‟éthique reçue pour cette dernière, afin de garantir leur synchronisation. De plus, la clinique de la maternité de l‟hôpital de l‟Ile s‟étant engagée à recruter les familles pour les deux études, nous étions dépendants de l‟approbation de la commission d‟éthique pour l‟étude SESAM-A. Par ailleurs, un certain nombre de questionnaires, qui devaient être élaborés par les personnes travaillant au projet principal, étaient nécessaires à la réalisation de notre projet, qui avait alors besoin de l‟appui logistique de Bâle. Ainsi, les premières données issues de l‟étude SESAM-L n‟ont été disponibles qu‟à partir du mois de mai 2008, nous limitant alors dans la possibilité d‟intégrer un nombre plus conséquent de familles pour réaliser ce travail de validation du paradigme expérimental DCP. 237 En définitif, la faible taille de l‟échantillon qui en résulte limite la portée de nos analyses et contribue certainement aux difficultés que nous avons rencontrées dans le cadre de la validité critérielle, qui visait à discriminer, sur la base des dimensions interactives, les familles où la mère rencontre des symptômes de dépression postnatale et/ou de réactions de stress aigu de celles où la mère n‟en présentait pas. A l‟issue de ce travail et au regard des différentes conclusions auxquelles nous sommes arrivés, plusieurs constats et propositions peuvent être soulevés. Premièrement, nous avons souligné une difficulté à distinguer certains comportements relevant du registre des interférences ou du non respect des rôles, et qui correspondent à des aspects évalués aux dimensions 4 « Coordination coparentale » et 5 « Organisation des rôles ». D‟une part, dans le cadre de l‟étude de la fiabilité du système de codage, nous avons pu mettre en évidence une difficulté à prédire correctement l‟attribution des alliances familiales problématiques et dysfonctionnelles, de même que les deux composantes issues de l‟analyse en composante principale ont révélé que l‟implication auprès de l‟enfant n‟était pas associé à la dimension « ajustement conjugal et coparental », mais à la dimension « engagement et partage ». Ce double constat, qui se rapporte au concept de coparentage, nous encourage à en reconsidérer la définition, de manière à ce qu‟elle puisse être adaptée au premier mois post-partum. D‟autre part, c‟est également pour les dimensions portant sur le coparentage (4) et le respect des rôles (5) que le panel d‟experts a rencontré le plus de difficultés à dégager un consensus. Finalement, en amont des constats de notre étude, le groupe de travail formé avec la participation de la fondation « Mutterhilfe », qui avait pour objectif de tester les différentes versions du système de codage, s‟est également trouvé confronté à cette difficulté. Nous en concluons que la définition proposée par McHale et coll. (2002) du coparentage ne concorde pas entièrement avec le fonctionnement coparental observé lors des interactions au cours du DCP. Etant donné que l‟alliance coparentale prénatale est corrélée avec l‟alliance familiale à trois mois, nous pensons qu‟une forme de coparentage existe également à trois semaines postpartum et qu‟il est par conséquent nécessaire à l‟évaluation de l‟ensemble du système familial. De ce fait, il nous semble important de pouvoir reconsidérer le concept de coparentage au premier mois postnatal. En ce sens, plutôt que de considérer le degré de coordination entre les parents en vue de réaliser une tâche, nous suggérons de mettre l‟accent sur le soutien mutuel entre ces derniers. Nous n‟excluons pas la coordination, qui est une fonction essentielle pour réaliser un trilogue 238 (Fivaz-Depeursinge & Corboz-Warnery, 2001), mais nous pensons que le degré de coordination auquel nous pourrions nous attendre à trois semaines n‟est pas identique à celui auquel nous pouvons nous attendre à trois mois, ni au cours du dernier trimestre de la grossesse. En effet, les premières semaines qui suivent l‟accouchement constituent l‟épicentre des réorganisations tant psychiques que pratiques pour les parents. Ils ne sont pas encore habitués au bébé et l‟explorent encore. Par ailleurs, les stratégies parentales sont encore intuitives et par conséquent, il leur faut du temps pour trouver un équilibre dans leurs nouveaux rôles et ainsi s‟ajuster mutuellement aux pratiques du conjoint. Nous pensons donc que la recherche d‟un équilibre au sein du système familial est un processus évolutif au centre de la périnatalité qui ne s‟exprime pas de manière identique dans le temps. En effet, au moment de la rencontre avec leur bébé, les parents peuvent ressentir un décalage entre l‟image qu‟ils s‟étaient construite de l‟enfant pendant la grossesse et le nouveau-né qui possède son propre tempérament. La coordination coparentale observée à 3 semaines pourrait alors différer de celle observée au prénatal ou à trois mois, en raison de l‟adaptation concrète que vivent les parents, nous amenant ainsi à redéfinir certaines facettes du coparentage à cette période. Le fait d‟avoir observé des interactions moins fluides, bien que le climat familial soit chaleureux et que les parents se témoignent du soutien, nous encourage dans cette voie. Nous suggérons dès lors de concevoir le coparentage comme étant une forme de coordination avant tout caractérisée par le soutien mutuel ainsi que par une confiance réciproque dans la recherche d‟une coopération fluide. Cette distinction permet d‟intégrer le fait que les parents ne sont pas toujours coordonnés entre eux, et nous pourrions dès lors accorder une place plus importante aux stratégies mises en œuvre pour réparer ces erreurs de coordination. Nous suggérons ainsi de parler d‟un « coparentage précoce » où, plus que le degré de coordination atteint, notre attention serait portée sur les stratégies manifestées pour atteindre un certain degré de coordination permettant la réalisation d‟une tâche commune au niveau familial, avec les marques de soutien entre les parents qui y sont associés. Dans cette perspective, une conception des interactions moins fluides, riches et variées au cours du premier mois post-partum est cohérente avec deux constats que nous avons fait au cours de cette recherche. Le premier constat se rapporte à l‟observation d‟une famille sur les douze de l‟échantillon SESAM-L, qui a montré un fonctionnement familial meilleur à trois mois. Nous pensons qu‟elle pourrait représenter un groupe potentiel de familles que nous nommons « low to high ». Il est fort probable que cette famille ait rencontré passablement de 239 difficultés dans l‟adaptation précoce aux nouveaux rôles et qu‟à trois mois, cette même famille ait pu trouver suffisamment ses marques pour montrer un fonctionnement plus fluide. Par ailleurs, dans leur étude, Favez et coll. (2003) ont rapporté un groupe de famille dont le fonctionnement s‟est dégradé entre le prénatal et le postnatal et qu‟ils nomment « high to low ». Ainsi, les premiers mois post-partum sont le théâtre de bouleversements qui peuvent affecter les familles au niveau du coparentage. Alors que certaines surmontent les défis liés à la venue de l‟enfant, d‟autres n‟y arrivent pas. Le deuxième constat porte sur la comparaison des dimensions interactives communes au DCP et au LTP. L‟augmentation des scores au LTP pourrait refléter un fonctionnement familial plus entraîné à trois mois, indiquant que les parents ont une expérience relationnelle au niveau triadique suffisante pour qu‟un coparentage tel qu‟initialement conçu dans notre recherche puisse s‟exprimer dans les interactions familiales observées. En définitif, concevoir un « coparentage précoce » permettrait une meilleure définition de notre dimension interactive 4 « Coordination coparentale » et contribuerait également à clarifier l‟évaluation des interactions à la dimension 5 « Organisation des rôles ». Cette nouvelle définition du coparentage va dans le sens des propositions de modifications des critères propres à ces dimensions que nous avons exploré lors de l‟établissement de la fidélité inter-juges. Par ailleurs, nous supposons que nous pourrions obtenir une fiabilité encore meilleure que celle que nous avons établie. Il n‟est pas exclu qu‟en opérant cette redéfinition, le DCP étayé du système de codage « FAAS – DCP » puisse en retour mieux discriminer les familles qui éprouvent une souffrance psychologique au tout début du post-partum de celles qui vivent la crise de la transition à la parentalité sans rencontrer une symptomatologie quelconque. Le deuxième constat qui peut être fait à partir des conclusions tirées de nos questions de recherche est en partie lié à ce qui vient d‟être dit et concerne l‟évolution des familles entre la troisième semaine et le troisième mois post-partum. Bien que convaincus que la légère augmentation des scores soit le reflet d‟interactions familiales plus éprouvées, donc plus fluides, nous ne sommes pas en mesure d‟affirmer que cette augmentation ne soit imputable qu‟à ce qui vient d‟être dit en raison d‟un possible effet lié aux systèmes de codage propres au DCP et au LTP. Afin de répondre à cette question, nous suggérons de repenser la méthodologie utilisée pour l‟étude de la stabilité de l‟alliance familiale. Deux perspectives s‟offrent à nous. La première serait de reconduire l‟expérience en y intégrant une mesure 240 supplémentaire, la passation d‟un questionnaire auto-rapporté tel que l‟échelle de coparentage de McHale. Ainsi, en administrant ce questionnaire à trois semaines en parallèle du DCP, et à trois mois en parallèle du LTP, nous pourrions comparer les différences obtenues aux deux passations du questionnaire et les mettre en lien avec celles observées au niveau des interactions familiales triadiques. Par conséquent, si une différence comparable entre les deux passations de l‟échelle de coparentage et l‟évaluation résultant des deux situations d‟observation peut être mis en évidence, nous pourrions conclure à une évolution au niveau du couple coparental, ce qui confirmerait l‟hypothèse d‟un développement des familles et donc, du coparentage. Nous pourrions alors vérifier la pertinence du concept de « coparentage précoce » que nous proposons. Toutefois, l‟échelle de coparentage étant actuellement validée en français pour des familles avec un bébé âgé de 30 mois, et bien qu‟il ait été suggéré que son utilisation puisse se faire plus tôt (Frascarolo, Dimitrova et al., 2009), rien ne nous garantit que son utilisation soit appropriée pour atteindre le but que nous cherchons à atteindre à trois semaines post-partum. Ceci nous amène à notre deuxième perspective, qui serait d‟intégrer une mesure des interactions pendant la grossesse à l‟aide du LTP prénatal. Ainsi, nous aurions trois points de mesure, l‟un au dernier trimestre de la grossesse, le second à la troisième semaine post-partum avec le DCP et finalement le dernier à trois mois avec le LTP. Nous pourrions ainsi obtenir des informations plus précises et détaillées quant à l‟évolution des différentes facettes du fonctionnement familial à l‟aide des dimensions interactives. La comparaison des changements entre la grossesse et la troisième semaine post-partum, couplée à la comparaison des différences entre la troisième semaine et le troisième mois, permettrait certainement d‟avoir un regard plus objectif quand au degré d‟évolution du système familial. En ce sens, nous pourrions nous attendre à observer une diminution des scores entre le LTP prénatal et le DCP, accompagnée d‟une augmentation de ces mêmes scores entre le DCP et le LTP postnatal, ce qui constituerait également un argument supplémentaire en faveur d‟un coparentage précoce. Toutefois, la stabilité du fonctionnement familial ayant été éprouvée, nous pensons que ces variations sont d‟un intérêt certain pour comprendre l‟évolution que vit le système familial au cours de la transition à la parentalité et ce, afin de mieux cerner les mécanismes qui permettent cette stabilité dans le temps. Finalement, quelle que soit l‟option retenue par rapport aux deux perspectives que nous venons de présenter, il nous semble important d‟insister sur un point en particulier. Il serait souhaitable qu‟au moins deux évaluateurs différents puissent évaluer les interactions familiales, ceci afin d‟éviter un éventuel biais de rappel. En effet, nous avons soulevé ce point 241 lors de l‟étude de la stabilité du fonctionnement familial et il n‟est pas impossible que malgré le temps écoulé entre les évaluations au DCP et au LTP, l‟évaluation des familles au LTP ait été contaminée par un rappel de celle faite au DCP. Ainsi, afin de garantir une meilleure objectivité quant à l‟étude de stabilité du fonctionnement familial et du développement possible de la qualité des interactions familiales triadiques, nous recommandons vivement de recourir à une évaluation opérée par deux codeurs différents entre le DCP et le LTP. Etant donné la bonne fidélité inter-juges, nous estimons qu‟en procédant ainsi, nous pourrions obtenir des résultats fiables pour déterminer dans quelle mesure les interactions familiales s‟améliorent avec l‟expérience et s‟inscrivent dans la stabilité de l‟alliance au début du postpartum. Néanmoins, malgré toutes les limites que nous avons évoquées et les pistes suggérées pour de futures améliorations en ce qui concerne le système de codage « FAAS – DCP », nous pensons disposer d‟un outil prometteur pour l‟avenir. En effet, nous avons pu répondre positivement à nos trois premières questions de recherche, ce qui nous indique que le système de codage a été élaboré de manière cohérente avec le construit théorique, que différents cliniciens partagent une compréhension commune quant à comment évaluer les familles à trois semaines post-partum, et finalement qu‟il mesure un fonctionnement familial similaire à celui estimé sur la base du LTP et de son système de codage « FAAS ». Par conséquent, nous pouvons affirmer que notre setting expérimental est pertinent pour évaluer le fonctionnement familial, tout du moins à des fins de recherche. Par ailleurs, la dernière question de recherche a été partiellement validée. En effet, l‟évaluation des familles à partir des interactions familiales triadiques observées grâce au DCP répond bien à certaines de nos attentes. Il est en effet possible d‟identifier les familles en souffrance en considérant la circulation des affects ainsi que divers aspects émotionnels, tel que la labilité émotionnelle ou les expressions faciales renfermées. De même, ces familles obtiennent significativement plus fréquemment une alliance dysfonctionnelle, ce qui est cohérent avec les constats faits par plusieurs études, à savoir que la dépression postnatale et/ou les réactions de stress aigu ont un impact sur l‟ensemble du système familial. Par ailleurs, le choix de ces deux troubles des interactions pourrait également expliquer pour quelles raisons nous n‟avons pas pu discriminer les familles sur la base des dimensions interactives. En effet, la dépression postnatale est un trouble actuellement repensé en raison des récentes avancées, afin de combler certains manques du DSM-IV (Wisner, Moses-Kolko, & Sit, 2010), de même que les réactions de stress aigu pouvant mener à un état de stress post-traumatique sont étudiées depuis peu et de 242 nombreuses études sont encore nécessaires pour comprendre les mécanismes pouvant mener à un accouchement traumatique, ainsi que les conséquences sur le système familial (Ayers et al., 2008; Soderquist et al., 2009). De plus, nous ne connaissons actuellement pas exactement l‟impact du père au niveau familial dans ce contexte. Il peut tout aussi bien compenser auprès de l‟enfant les manques de la mère en s‟investissant davantage, comme il peut entretenir un parentage négatif. Ces divers aspects ont également pu jouer un rôle dans la difficulté que nous avons rencontrée à mettre en évidence la capacité de différencier les familles en souffrance sur la base des évaluations faites grâce au DCP. Nous ne pouvons donc pas infirmer que le DCP relève d‟un intérêt clinique. Les résultats sont encourageants du fait que nous pouvons distinguer une souffrance psychologique sur la base d‟une évaluation globale portée sur les aspects émotionnels et affectifs. Il serait cependant possible d‟envisager un remodelage du manuel vers une simplification du codage. En effet, l‟évaluation proposée requiert d‟évaluer la famille pour chacune des dimensions et ce pour chaque partie. Nous obtenons donc une évaluation détaillée qui semble être pertinente dans des perspectives de recherche. Une version simplifiée, en réduisant l‟évaluation à une note par dimension sur l‟ensemble de la situation plutôt que par partie, pourrait s‟avérer plus efficace à des fins cliniques. La situation d‟observation DCP semble finalement être un outil intéressant à proposer aux professionnels de la périnatalité travaillant notamment dans le cadre hospitalier. L‟avantage de cette démarche holistique et de pouvoir offrir un espace aux familles, tout en intégrant un père dans sa souffrance potentielle ou dans sa capacité à se montrer soutenant pour la mère et investi auprès du nouveau-né, ce qui permettrait de mieux cerner les signes de souffrance et ainsi apporter une aide appropriée. Dans la perspective d‟une prévention primaire, le cadre hospitalier nous semble particulièrement propice pour répondre au besoin exprimé de pouvoir intervenir avant que les professionnels de la périnatalité ne perdent le contact avec les familles. En effet, les médecins, sages-femmes, infirmier-ère-s et psychologues étant en contact avec les parents, ils pourraient dès lors être plus outillés afin de détecter une souffrance chez la mère et/ou chez le père. Le recours au DCP pourrait ainsi s‟avérer utile pour révéler des dysfonctionnements au niveau familial, mais également pertinents à des fins thérapeutiques. Nous inspirant d‟une pratique du Centre d‟Etude de la Famille, utilisant le LTP dans le but de venir en aide aux familles en souffrance (Frascarolo, Fivaz-Depeursinge et al., 2009), nous pouvons entrevoir des possibilités futures allant dans le sens d‟une prévention primaire au début du post-partum, à l‟aide du DCP. En effet, à partir des enregistrements 243 effectués au LTP, l‟équipe du CEF propose une évaluation thérapeutique, en utilisant notamment le vidéo-feedback, le questionnement circulaire ainsi que d‟autres techniques reconnues dans le cadre de la thérapie familiale. Nous pensons que de telles perspectives peuvent également s‟offrir avec le DCP dans le contexte hospitalier. En effet, sur la base du visionnement avec les parents, de diverses séquences interactives, nous pourrions exercer une action thérapeutique à plusieurs niveaux. Il nous serait non seulement possible de venir en aide auprès du couple afin que ce dernier puisse trouver des stratégies de communication efficaces, dans un climat chaleureux et soutenant. Nous pourrions également leur apporter un soutien par rapport aux soins, voire une aide pour entrer en communication avec leur enfant. Prenons le cas de figure où le père serait peu familiarisé aux soins et la mère peu encline à lui laisser de la place pour le changement de langes. En les confrontant à une difficulté dans leur pratique coparentale, nous pourrions alors la retravailler avec eux grâce au visionnement de séquences cliniquement pertinentes. De nouveaux schémas de communication pourraient dès lors être explorées avec la famille, ce qui permettrait d‟éviter que certains comportements dysfonctionnels ne se cristallisent. Il est probable que le DCP puisse offrir d‟autres applications intéressantes, notamment auprès d‟une population que nous n‟avons pas évoquée, à savoir les parents adolescents. Nous encourageons ainsi, dans de futures recherches, à explorer les différentes pistes qu‟ouvrent le setting expérimental DCP, que ce soit sur le plan de la clinique comme sur celui de la recherche, tout en créant des ponts entre ces deux domaines. Ceci afin de contribuer, sur le plan empirique, à développer nos connaissances actuelles sur le phénomène de la transition à la parentalité et, sur le plan clinique, à offrir un outil adapté aux réalités des familles et à leurs besoins. 244 Bibliographie Abou-Saleh, M. T., Ghubash, R., Karim, L., Krymski, M., & Bhai, I. (1998). Hormonal aspects of postpartum depression. Psychoneuroendocrinology, 23(5), 465-475. Adolph, K. E., & Berger, S. A. (2006). Motor development. In D. Kuhn & R. S. 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