LA VENGEANCE DANS LA PEAU

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LA VENGEANCE DANS LA PEAU
Date : 09/10 OCT 15
Page de l'article : p.118
Journaliste : Marie Rogatien /
Jeanne de Ménibus
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
OJD : 408389
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R E C I T
ALZHEIMER
POUR LE MEILLEUR
par cène ancienne
•*• * *
L'INTERLOCUTRICE,
de Geneviève Peigne,
Le Nouvel Attila,
104 p., 16 €.
ROMAN
E T R A N G E R
LA VENGEANCE DANS LA PEAU
* * * JE M'APPELLE BLUE,
de Solomonica de Winter, Liana Levi,
224 p., IS C, traduit de l'anglais
(Etats-Unis) par Jean-Luc Ocf romont.
lue ne parle plus. Elle s'est
arrêtée le jour ou Ollie, son père,
j> est mort tors d'un braquage. A
13 ans. la petite fille gaie, choyée
par ses parents, est devenue une ado solitaire
dissimulant derrière le silence sa haine envers
le monde, sa toxico de mère, Daisy, et surtout
James - l'escroc par qui le drame est arrivé.
Jugée « limitée » par les professeurs,
maltraitée par les autres élèves, incompnse
par Daisy, elle se réfugie entre les pages
du Magicien d'Oz, dernier cadeau que lui
a offert son père. Comme Dorothy, l'héroïne
du roman de L Frank Baum Blue rêve de
trouver une paire de chaussons en argent
pour rentrer chez elle : une arme pour tuer
L E
James et retrouver sa vie d'avant Raison
pour laquelle, après l'école, et parfois même
au beau milieu de la nuit, elle déambule
dans la rue et suit l'assassin. Seul Charlie,
le jeune épicier avec qui elle partage
sa passion pour le pays d'Oz, semble pouvoir
la détourner de son projet meurtrier.
Style rapide et bondissant, des mots qui
fusent et se bousculent comme dans la tête
encombrée de Blue : construit sous la forme
d'une confession écrite a un medecin,
ce superbe roman sous tension explore les
affres de la vengeance Celle d'une petite
fille attachante, écorchee par la vie, à qui
l'on pardonne volontiers ses débordements.
Jusqu'au retournement final, ou, pris
dans les filets d'un auteur manipulateur
(Solomonica de Winter, quel nom '),
on ne peut que se moquer de nous-mêmes.
" " ~ - - : E - P A C E
A la mort de sa mère,
atteinte d'alzheimer,
Geneviève Peigné
découvre dans sa
bibliothèque 23 polars
annotés de sa main :
bribes de phrases
ou commentaires,
griffonnés dans
les marges ou au
cœur des dialogues
d'Exbrayat, de
Simenon ou d'Agatha
Christie, comme un
journal de bord tenu
MARIE ROGA1IEN
D E
institutrice. Sa fille
en tire un récit
bouleversant et
exceptionnel, à plus
d'un titre. D'abord, par
l'éclairage direct qu'il
offre sur la maladie,
donnant à lire la peur,
la souffrance
abyssale, mais aussi
la résistance de
l'esprit au bord
du gouffre. Ensuite,
par le travail stylistique
accompli par l'auteur
sur le matériau brut,
pour ressusciter la
disparue. Enfin, par
l'hommage vibrant
rendu par l'ensemble
à la littérature, ce
refuge où converser
avec des compagnons
de papier et
trouver les mots qui
sublimeront la
maladie : « l'écran
sera/ce soir/toujours
noir ».
JEANNE DE MENIBUS
N I C O L A S
U N C E M U T H
UNE VIE EN INSTANTANÉS
C
est la vie d'une femme, de 1908 à 1983, courant sur 500 pages.
Pas n'importe quelle vie d'ailleurs : celle d'Amory day, l'un des
plus beaux personnages féminins jamais créés par l'auteur
d'ifr? Anglais sous les tropiques. Photographe amateur, d'abord,
professionnel ensuite, dont le pere fou après son passage en
France durant la Grande Guerre a voulu la tuer par amour, et dont
la soeur fantasque excelle dans la musique, Amory court, voyage,
de Berlin en 1931 au Vietnam de l'offensive du Têt. Elle a aimé, été
aimée, a fréquenté la haute société comme la zone, frayé avec
des gays excentriques, observé, restitué (en photo), a réussi et
; a échoué. C'est une vie bien remplie qu'elle raconte peu de temps
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avant de mourir, gentiment exilée dans un modeste cottage de lile de
Barrandale en Ecosse. Boyd tient sa plume avec une intelligence redoutable, et beaucoup de tendresse. Son roman, émaillé de photos en noir et
blanc qui prennent une relève étonnamment réussie, est sans
aucun doute l'un de ses plus grands. Lin peu mélo, un peu romanesque, sommes-nous tentés de dire, comme si ce terme était
lui-même devenu désuet. Cè n'est évidemment pas le cas, et les
multiples vies d'Amory day se dévorent d'une traite. On repose
le livre émerveillé, en remerciant l'auteur pour autant de grâce.
LES VIES MULTIPLES D'AMORY GLAY, de William floyd.
Seuil, 517 p, 22,50 E. Traduit de l'anglais par Isabelle Perrin.
LIANALEVI 0914945400507