La Littérature engagée Exercices en classe
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La Littérature engagée Exercices en classe
L E S M O T S D U C E R C L E N °8 / D O S S I E R T H É M A T I Q U E © G A L L I M A R D La Littérature engagée Exercices en classe Une des missions de l’école est de former des élèves citoyens, capables d’autonomie : quelle littérature plus que les textes engagés permet mieux de comprendre à quel point écrire peut être dangereux et précieux, à quel point existe cet horrible danger de la lecture. 1. L’étude de la littérature engagée invite tout d’abord à entamer un travail interdisciplinaire avec le cours d’histoire, permettant d’établir le contexte (L’affaire Calas, l’affaire Dreyfus, La Révolution, l’Occupation) dans lequel s’inscrit l’œuvre, ce qui lui a donné naissance, la cause qu’elle défend. Qui écrit, pourquoi ? Pourquoi certains ont-ils choisi de ne pas écrire ? Écrire suffisait-il alors ? Et peut-on aujourd’hui comprendre et apprécier une œuvre engagée indépendamment de son contexte historique ? 2. À partir de documents on peut rechercher s’il y avait d’autres moyens (affiches, discours, photos de guerre ou de famine par exemple) pour dire son engagement. Et que faire de ces textes qui refusent l’engagement et qui collaborent avec le pouvoir ? 3. Il pourrait également être intéressant de faire une étude comparative des cibles de la littérature engagée : les figures du pouvoir (le roi, le tyran, l’ennemi), les notions (l’intolérance, la dictature, la guerre), et de leurs modes de représentation. Comment figurer le mal ? 4. Face à ces cibles se tient le public : pour quel lecteur écrit-on ? Apparaît-il dans le texte ? Est-il victime ou complice ? Et comment de Job et Prométhée à Gavroche, la littérature a-t-elle représenté les révoltés ? 5. L’engagement n’est bien entendu pas seulement le fait de la littérature : on peut comparer la force du texte et donc sa réception, à celle des images : des tableaux (Guernica étant l’exemple le plus célèbre) ou des films (le cinéma d’Eisenstein, de Chaplin, de Ken Loach, de Michael Moore : dans ce domaine aussi, plus qu’ailleurs peut-être, la censure frappa). Où finit alors l’engagement où commence la propagande ? 6. Pourquoi ne pas se pencher sur les traditions de chansons engagées (de la Marseillaise au Chant des partisans, de l’Internationale aux chants révolutionnaires en général), sur le rassemblement et la reconnaissance que peut susciter la mélodie. On peut se demander dans quel contexte elles sont nées, ce qu’elles ont pu symboliser, provoquer et ce qu’aujourd’hui elles disent, et à qui, interroger la musique elle-même. 7. On peut également confronter les positions d’auteurs non engagés sur une question et celle d’auteurs engagés, en retrouvant notamment les textes des contrerévolutionnaires aux dandys, aux poètes qui rejettent l’engagement ou en dénoncent l’inanité, en font un «déshonneur des poètes» (B. Péret). 8. La littérature de la résistance pose la question de la matérialité même du texte, ou comment une époque de lutte donne naissance à ses formes propres (tracts, affiches, poèmes appris par cœur, écrits circulants sous le manteau). 9. Il peut être intéressant, au sujet de la censure, de retracer son histoire en faisant prendre conscience des motivations qui peuvent pousser une époque à exclure du champ du tolérable un certain nombre d’œuvres, en montrant que ce regard évolue et qu’aujourd’hui encore elle existe et dénonce ainsi son infinie variabilité comme sa puissance. 10. On peut aussi étudier la nécessité dans l’histoire de la littérature engagée : peut-on, doit-on en écrire aujourd’hui, à quel sujet, comme s’y prendre ? 11. Et faire ainsi écrire en classe une nouvelle, un poème engagés : le contexte scolaire n’abolit-il pas la possibilité de l’engagement ? À qui adresser ces textes ? L’écriture est tout à fait propice dans ce cas à soulever toutes ces questions, et paraît nécessaire à une compréhension «vivante» de cette littérature singulière et collective à la fois. 12. Dans l’optique de la littérature d’idées et de l’étude de l’argumentation, on peut étudier des formes littéraires, certains poèmes d’Hugo par exemple, où l’argumentation et la critique politique se mêlent à la rhétorique du poème. 13. L’étude de la rhétorique du slogan ou du mot d’ordre («écraser l’infâme») permet elle aussi de saisir comme l’engagement se nourrit de formes brèves et incisives, pour frapper, pour marquer, pour mimer l’action. http://www.cercle-enseignement.com/