GESTION DES FLUX ET CREATION DE NOUVELLES

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GESTION DES FLUX ET CREATION DE NOUVELLES
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
GESTION DES FLUX
ET
CREATION DE NOUVELLES
FRONTIERES
De l’enjeu sécuritaire à l’enjeu politique
Retour sommaire général
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
SOMMAIRE
1ère partie : CONSTAT
INTRODUCTION........................................................................................................... 4
I - LA NECESSITE DE GERER LES FLUX .............................................................. 5
11 - Une pression migratoire de plus en plus forte ....................................................... 5
111 – Le phénomène historique de l’immigration en France ................................... 6
112 – L’immigration au cœur de l’actualité.............................................................. 7
12 - Une mobilité accélérée .......................................................................................... 9
13 - La quête d’un Eldorado ....................................................................................... 10
14 - Les contradictions du système et la récupération politique ................................. 11
141 – Une immigration davantage subie que choisie… ......................................... 11
142 – …mais qui continue à alimenter une main-d’œuvre bon marché ................. 12
II – UNE INDISPENSABLE ET CONTINUELLE ADAPTATION ....................... 14
21 - Des frontières physiques en évolution................................................................. 14
22 - Une frontière juridique : les accords de Schengen .............................................. 14
23 – L’apparition de frontières virtuelles.................................................................... 15
231 - Les consulats, postes frontière avancés ......................................................... 15
232 – Des contrôles en amont des listes de passagers ............................................ 16
233 - Des contrôles dans le pays de départ ............................................................. 16
234 - De nouvelles frontières intérieures ................................................................ 17
24 – Le recours abusif au droit d’asile........................................................................ 18
25 - Les premières réponses à la gestion des flux....................................................... 19
251 - Une gestion plus rigoureuse des visas ........................................................... 19
252 - De nouveaux outils promus par l’Europe : EURODAC, SIS et VIS ............ 19
253 - Le développement des programmes d’aide au contrôle ................................ 21
254 - Le renforcement des programmes européens en faveur des pays d’origine.. 22
255 - L’introduction programmée de la biométrie.................................................. 24
256 - Le renforcement de la lutte contre les filières ............................................... 24
257 - La rationalisation des procédures d’éloignement .......................................... 27
III – DES CONTRADICTIONS DEMEURENT ....................................................... 29
31 – L’illusion « légal/illégal » ................................................................................... 29
32 - Une illustration de l’ambiguïté : le pragmatisme de la politique pénale ............. 29
33 – Des mesures d’adaptation à envisager et des ambiguïtés à surmonter ............... 31
2nde partie : PROPOSITIONS
I – UN DOSSIER D’ACCES AU SERVICE PUBLIC ............................................. 32
11 - Situation d’anonymat administratif des résidents illégaux.................................. 32
12 - La quête du « papier » administratif, première étape vers la reconnaissance...... 33
13 - Recensement indirect des résidents illégaux ....................................................... 33
14 – Des papiers pour les sans-papiers ....................................................................... 34
II – ADHESION PAR LE TRAVAIL EN FONCTION DE QUOTAS.................... 36
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III – INFORMATION ET CONTROLE ....................................................................36
31 - Traçabilité ............................................................................................................37
32 - Centralisation et croisement des données ............................................................37
33 - Lutter contre le travail dissimulé .........................................................................38
34 – N écessité d’une coopération des services de lutte contre l’immigration
clandestine...................................................................................................................39
341 - Formation à la lutte contre l’immigration irrégulière ....................................39
342 - Création d’une police et d’un service central de l’immigration ....................39
CONCLUSION..............................................................................................................41
ANNEXE 1: Auditeurs du GDS 4 ....................................................................42
ANNEXE 2 : Experts rencontrés .....................................................................43
ANNEXE 3 : Références bibliographiques .....................................................45
ANNEXE 4 : Acronymes et abréviations ........................................................47
ANNEXE 5 : Les accords de Schengen............................................................49
ANNEXE 6 : Les mesures SARKO vues par le journal Le Monde .................51
ANNEXE 7 : Le système d’information sur les visas VIS..............................53
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INTRODUCTION
Les flux de populations et de marchandises entre Etats ou territoires sont sans doute
aussi anciens que l’histoire de l’humanité. La puissance politique s’est longtemps
exprimée dans ce domaine par le contrôle relativement aisé d’une frontière terrestre ou
maritime, même si celles-ci ont toujours été plus ou moins perméables. L’évolution et la
facilitation des moyens de transports et de communication ont profondément transformé
ces données, modifiant les rapports entre Etats et favorisant les échanges humains,
scientifiques, commerciaux et industriels qui sont devenus des éléments indispensables
de croissance et de prospérité des économies modernes.
Dans le contexte actuel de libéralisation et d’accélération des échanges, l’Union
européenne (UE) doit faire face à une pression migratoire toujours plus forte, générée
par la multiplication des crises régionales (conflits afghan, irakien…) ou par une
situation économique dégradée (Afrique, Europe orientale…). L’immigration est
devenue, depuis quelques années, une des préoccupations majeures de l’Europe,
notamment dans le cadre de l’élargissement, l’Union déplaçant le contrôle de ses
frontières extérieures vers des pays considérés parfois comme moins expérimentés,
voire moins rigoureux en la matière.
Outre les frontières géographiques qui se sont considérablement étendues, de nouvelles
frontières sont apparues : juridiques avec la Convention d’application de l’accord de
Schengen en 1990, virtuelles (visas) ou déportées (contrôle dans les pays de départ ou
de transit). Combinée à l’extension de ces espaces géographiques et juridiques, la
problématique des flux migratoires est rendue d’autant plus complexe qu’elle recouvre
le champ de l’immigration irrégulière qui est par nature très difficile à appréhender.
L’UE doit pourtant apporter une réponse rapide et efficace à la gestion de ces flux ainsi
qu’à l’évolution des filières migratoires.
En France la gestion des flux de personnes a souvent constitué un sujet de
préoccupation important et sensible. L’ordonnance du 2 novembre 1945 a reconnu à
l’Etat le monopole de l’introduction de la main-d’œuvre étrangère par la création de
l’Office national d’immigration (ONI). Cette volonté d’aider l’immigration répondait
aux besoins en force de travail qu’exigeait cette période de reconstruction.
Cependant, avec les périodes de ralentissement économique, la contraction du marché
de l’emploi et le changement de nature de l’immigration, alimentée par des individus
venus non plus seulement pour travailler avec une perspective de retour au pays mais
désormais pour beaucoup avec le projet de s’installer définitivement ; l’immigration est
désormais un enjeu politique. La pression migratoire devenue plus forte, il était
important de développer une politique cohérente, faisant coïncider les besoins et surtout
les possibilités d’un pays en termes d’accueil et d’intégration. Ce sont d’ailleurs les
difficultés rencontrées par notre modèle d’intégration (emploi, école, logements,
acceptation de l’autre) qui conduisent à s’interroger aujourd’hui sur la pertinence de
notre politique migratoire.
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PREMIERE PARTIE
CONSTAT
I - LA NECESSITE DE GERER LES FLUX
Entre une immigration zéro peu réaliste et une liberté totale de circulation, la nécessité
d’une gestion des flux migratoires n’est pas contestée par la classe politique. Celle-ci
s’accorde dans son ensemble pour instaurer un flux conforme aux intérêts de la France,
d’aucuns étant favorables au rétablissement d’une immigration de travail et à davantage
de contrôles de l’immigration familiale.
On ne peut cependant pas passer sous silence la position de ceux qui, bien que ne
représentant qu’une frange de l’opinion, s’opposent activement à cette approche.
Certaines associations, comme le Groupe d’information et de soutien des immigrés
(GISTI) ou « Droits devant », militent pour une ouverture totale des frontières, la liberté
de circuler, de vivre et de travailler dans le pays de son choix. La notion même de flux
appliquée aux migrants est contestée. Ces associations considèrent qu’il s’agit d’une
somme de cas individuels et non d’un flux collectif globalisé. Cette approche peut
paraître contestable : en effet de même que l’intérêt général n’est pas la somme des
intérêts particuliers, la réponse apportée à un problème de société ne peut pas être
calibrée sur les cas individuels les plus désespérés.
S’il apparaît nécessaire aujourd’hui au plus grand nombre de gérer les flux migratoires,
cette préoccupation est pourtant récente, étroitement liée à la situation conjoncturelle du
marché du travail ; dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les prévisions à
long terme sont hasardeuses.
11 - Une pression migratoire de plus en plus forte
La France a connu durant le 20ème siècle plusieurs périodes de forte immigration mais
l’immigration récente semble poser à terme des problèmes nouveaux. Les solutions
ayant permis l’intégration des premiers migrants ne paraissent plus adaptées. De
nombreux pays de l’UE connaissent les mêmes difficultés à gérer les populations
immigrées ou issues de l’immigration.
L’histoire récente de l’immigration en France peut s’articuler autour de deux dates
charnières :
- 1945, année des ordonnances définissant les conditions d’accès à la nationalité
française ainsi que les conditions d’entrée et de séjour des étrangers ;
- 1974 qui marque la fin de l’immigration de main-d’œuvre.
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111 – Le phénomène historique de l’immigration en France
De fait, la France a toujours été considérée comme une terre d’accueil pour les
étrangers. On peut cependant situer le premier recours important à l’immigration au
milieu du 19ème siècle. Aux débuts de la révolution industrielle, la France subit les
conséquences démographiques des guerres napoléoniennes ; la population rurale
demeure ancrée dans les campagnes. En outre, les révolutions de 1830 et 1848 ont
entraîné la reconnaissance de certains droits sociaux au prolétariat ouvrier.
L’immigration est libre et régulée par l’offre de travail. L’augmentation de la population
étrangère est rapide et le nombre d’étrangers recensés en 1851 est de 379 000 sur une
population de 36 millions d’habitants, soit 1,05%. La conjonction d’une forte croissance
économique et d’une faible démographie va faire de la France un pays d’immigration,
une exception en Europe.
Les mouvements de population à partir de la seconde moitié du 19ème siècle conjuguent
exode rural et immigration vers les villes industrielles, où apparaissent les premières
discriminations entre nationaux et étrangers, tandis que, dans les campagnes, la
définition de l’étranger reste très locale et à géométrie variable (celui qui n’est pas du
« pays », au sens de terroir, sans lien avec sa nationalité). Les sentiments xénophobes
occasionnés par ces mouvements de population conduiront les gouvernements à prendre
en réaction des mesures restrictives tendant à :
- tester diverses solutions administratives concernant l’identité des personnes
nomades et leur accès aux villes (remplacer le marquage au fer rouge des seuls
repris de justice par des solutions administratives basées sur des papiers
d’identité pour les vagabonds et ouvriers itinérants, procédures de délivrance
d’autorisations de voyager, de passeports intérieurs, premiers tests de
recensement et « d’encartement » de la population urbaine avec des papiers
d’identité),
- réguler l’accès au travail (par des livrets de travail),
- formaliser les techniques d’actions des polices dans les villes.
Néanmoins, le concept de séjour illégal n’est pas encore formalisé par l’administration
de l’époque, au sens où nous l’entendons depuis lors. Ces mesures ne freinent que
faiblement ce mouvement alimenté par la forte demande de main-d’œuvre. En 1876, le
nombre d’étrangers est de 801 000 sur une population totale de 38 millions d’habitants,
soit 2,1%. Dès cette époque, le recours aux immigrés est perçu par les ouvriers français
comme un instrument de précarisation de leur situation. Des manifestations sanglantes
conduiront les gouvernements à de nouvelles mesures restrictives.
La population étrangère continue cependant de progresser et atteint 1 159 000 personnes
en 1911 (la population française est alors de 39 millions d’habitants). De 1915 à 1918,
440 000 étrangers sont recrutés pour soutenir l’économie de guerre. L’immigration va
se mondialiser avec, pour la première fois, le recours aux hommes originaires de
l’empire colonial.
A la fin de la Première Guerre mondiale, la reconstruction du pays et la forte baisse de
la population active constituent de nouveau un contexte favorable à l’immigration. Dans
les années 1920, 300 000 étrangers entrent chaque année sur le territoire. La population
étrangère double en dix ans et représente 6,6% de la population totale estimée à 41
millions en 1931.
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La crise de 1929 conduit à réglementer plus strictement l’accès au séjour et les
premières reconduites à la frontière sont effectuées. Cela n’empêchera pas la France
d’accueillir 500 000 réfugiés espagnols à partir de 1936.
Le contexte de 1945 est favorable à une immigration de travail pour reconstruire les
infrastructures et compenser les pertes de guerre. Les besoins en main-d’œuvre
immigrée sont estimés à 1,5 millions d’individus sur cinq ans. Il est largement fait
recours à la main-d’œuvre maghrébine, s’appuyant sur la libre circulation reconnue aux
populations originaires d’Afrique du Nord.
Dans les années 1960, la croissance va nécessiter le recours à de nouvelles populations
et on assiste à une augmentation de l’immigration en provenance des anciennes colonies
d’Afrique.
Face à la progression du chômage consécutive au choc pétrolier de 1973, le
gouvernement français suspend, le 3 juillet 1974, l’immigration de main-d’œuvre.
Néanmoins, 100 000 personnes par an continuent à entrer en France sous l’effet
combiné des demandes d’asile et du regroupement familial. En effet, un arrêt du Conseil
d’Etat en date du 8 décembre 1978 a ouvert à la famille d’un ressortissant étranger
régulièrement installé en France la possibilité d’immigrer légalement, sur la foi des
données provenant de l’état civil du pays d’origine. Paradoxalement, alors que le
chômage continue d’augmenter, des besoins de main-d’œuvre subsistent dans certains
emplois délaissés par la population française.
112 – L’immigration au cœur de l’actualité
En 1999, la population immigrée régulière est estimée à 4 400 000, dont 2 000 000
d’Européens, 1 300 000 Maghrébins, 400 000 d’Afrique subsaharienne et 700 000
d’autres régions du monde.
L’« aspiration migratoire » a laissé place à la pression migratoire. L’enjeu pour l’Etat
consiste désormais à maîtriser ce flux.
La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 et les bouleversements géopolitiques qui
suivront contribueront à ouvrir en Europe de l’Est une nouvelle source de candidats à
l’immigration. La France et l’Europe occidentale ne sont plus « protégées » de
l’immigration par le « rideau de fer » et par le contrôle des frontières exercé naguère par
le bloc communiste. Parallèlement, l’ouverture progressive du « rideau de bambou »
que constituait le contrôle des frontières par la Chine offre des perspectives de
migration à plus d’un milliard d’individus.
La dislocation du bloc communiste a rendu perméable les frontières orientales de
l’Europe. Les pays de l’Est sont devenus une source et un lieu de passage des migrants.
Parallèlement, la pression démographique en Afrique, conjuguée à des crises
économiques et politiques latentes, a amplifié le flux d’immigrants potentiels sur la
frontière méridionale de l’Europe. Cet afflux massif d’immigrants n’est pas sans poser
de sérieux problèmes d’accueil et d’intégration.
Les chiffres publiés par les différents organismes chargés du recensement des
migrations illustrent la réalité de cette pression migratoire. L’Office international de
migration (OIM) estime entre 700 000 et deux millions le nombre de personnes
franchissant chaque année les frontières internationales avec l’aide de passeurs. Environ
500 000 personnes pénètrent illégalement, chaque année, aux Etats-Unis, au Canada, en
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Australie et en Nouvelle-Zélande. En ce qui concerne l’Union européenne, ce nombre
serait de l’ordre de 500 000 personnes1.
Selon le premier rapport de l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de
l’intégration, publié le 8 novembre 2004 et qui réunit pour la première fois les chiffres
du ministère de l’intérieur, des affaires étrangères, de la santé et de l’éducation
nationale, le nombre des nouveaux immigrants légaux permanents provenant de pays
hors de l’UE a augmenté de 28% entre 2001 et 2003, ce qui représente 30 000
personnes en plus, le principal motif de leur venue en France étant le regroupement
familial.
Selon ce rapport, les étrangers ayant reçu un premier titre de séjour d’une durée au
moins égale à un an, s’élèvent à 173 000 personnes en 2003, contre 156 000 en 2002,
soit une hausse de 11%. Dans ce total, les Européens ne représentent que 21% mais
connaissent la plus forte croissance relative avec une augmentation de 13,6%, leur
motivation principale étant le travail, puis la famille et enfin la simple visite. Les
étrangers extra-communautaires représentent 136 000 personnes en 2003, contre
123 700 en 2002 et 106 500 en 2001.
Les différentes sources ne s’accordent pas sur les chiffres mesurant l’accroissement du
nombre des immigrés pour la simple raison qu’il est très difficile de connaître la réalité
des retours au pays. Ainsi, alors que l’INED fait état de 65 000 migrants réguliers – en
variation de solde - chaque année depuis vingt-cinq ans, le rapport du MISILL au
Parlement sur les premières délivrances d’un titre de séjour donne le chiffre de 217 000
étrangers venus s’installer en France pendant l’année 2003, contre 125 000 en 1995, ce
nombre étant en augmentation constante. Le nombre de ceux qui repartent est estimé à
moins de 20% des entrants2.
Il faut ajouter à ce flux de migrants réguliers les immigrants « irréguliers »3. Parmi ces
derniers, il est possible de distinguer deux catégories :
- le clandestin, entré irrégulièrement et se maintenant sans aucun titre sur le
territoire ;
- l’irrégulier, entré légalement sur le territoire et s’y maintenant illégalement. Il
est souvent entré sur le territoire légalement, sous des statuts divers (touriste,
étudiant, contrat saisonnier, demande d’asile, etc.). C’est la non sortie du
territoire qui fait de lui un irrégulier.
Il est par nature très difficile de comptabiliser les flux irréguliers. On constate qu’en
2002 comme en 2003 le nombre des « demandeurs d’asile déboutés » a atteint près de
80 000 personnes qui, dans leur immense majorité, ne repartent pas et deviennent des
« sans-papiers » en France. En outre, il est permis de penser que de nombreux
clandestins ne figurent ni parmi les demandeurs d’asile déboutés ni parmi les personnes
s’étant vu refuser un titre de séjour. Ils demeurent a priori totalement inconnus des
pouvoirs publics et seule une approche statistique, au demeurant difficile, pourrait
permettre d’en évaluer le nombre.
1
Activité qui générerait un chiffre d’affaires annuel de 5 milliards d’euros, plaçant l’immigration
clandestine au troisième rang des activités de criminalité organisée après les commerces illégaux de
drogue et d’armes.
2
« Immigration, où en est-on ? », Maxime Tandonnet, « Politique » du 9 janvier 2005.
3
Considérant que la dernière opération de régularisation des sans-papiers initiée en 1997 a permis de
recenser 140 000 demandeurs couvrant une période d’une dizaine d’années, l’INED évalue
l’accroissement annuel des sans-papiers à 14 000.
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En France, après une immigration d’origine nord-africaine stabilisée aujourd’hui en
termes de flux, les flux d’immigrants d’Afrique Noire (+ 7,14% / an) et de Chine (+
18% entre 2002 et 2003) constituent le gros des arrivants. Les ressortissants de pays de
l’ancien bloc communiste (Roumanie, Ukraine, ex-Yougoslavie, etc.), mais aussi de
pays n’ayant auparavant aucun lien direct avec notre pays, comme l’Afghanistan, le Sri
Lanka, ou de pays asiatiques sont également représentés. De flux de « voisinage » ou
liés au passé colonial du pays d’accueil, on assiste maintenant à une immigration à
« long rayon d’action ».
Les facteurs d’accélération des migrations sont souvent les mêmes :
- conflits régionaux, troubles sociaux et politiques, dégradation de
l’environnement socio-économique, faiblesse des revenus, absence de
perspectives poussant les populations à l’exil ;
- développement des moyens de transports internationaux, faiblesse des contrôles
frontaliers ou vide juridique dans les pays de transit, contradictions dans les
dispositifs législatifs et administratifs des pays de destination ;
- existence d’une offre d’emplois peu qualifiés, accès facile à l’éducation et aux
prestations sociales, présence d’une communauté déjà établie de même origine,
absence de contrôles d’identité, regroupement familial.
Ces flux posent plusieurs problèmes :
- économiques : prise en charge sociale de ces immigrants (logements,
scolarisation, prestations sociales, santé…)
- financiers : Hans-Werner Sinn, directeur du CES-Ifo de Munich (Center for
economics studies - institute for economic research), met en évidence le coût de
l’immigration : « la redistribution vers des immigrants étant en majorité des
travailleurs non qualifiés, tout au moins des personnes gagnant un salaire
inférieur à la moyenne dans le pays d’accueil, même si eux-mêmes et leurs
employeurs paient des impôts et des cotisations sociales, … ils ont ainsi payé
moins en impôt qu’ils n’ont reçu sous la forme de transferts sociaux et
d’utilisation des infrastructures publiques. Ce gain peut être interprété comme
une véritable prime à l’immigration » ;
- sociaux : intégration difficile de ces populations, de culture très différente,
regroupées en véritables « communautés », échappant à l’action des
administrations et parfois difficilement acceptées par la population d’origine.
Dans une période de chômage, l’arrivée de travailleurs étrangers est en effet
souvent ressentie comme une menace à la sécurité de l’emploi. La précarité de
ces populations immigrées, leur marginalisation dans des cités ghettos, leur
difficulté parfois à trouver un travail stable, une reconnaissance sociale ou un
logement favorisent l’éclosion d’une délinquance renforçant la méfiance voire
l’hostilité d’une partie de la population. L’aspect sécuritaire a pris une place
prépondérante dans le discours politique et est devenu indissociable de la
question de l’immigration.
12 - Une mobilité accélérée
A la fin du 20ème siècle, la mondialisation s’est traduite par une accélération des
échanges favorisés par la modernisation des moyens de transports et la réduction de leur
coût. Les flux migratoires empruntent prioritairement les axes de circulation qui se sont
développés au cours des dernières décennies :
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transport aérien : le développement des aéroports autour de Paris est une
illustration de l’augmentation du trafic aérien. Le premier aéroport parisien situé
au Bourget en Seine-Saint-Denis est aménagé en 1915. En 1945, l’aéroport
d’Orly est ouvert à son tour ; il est agrandi en 1971. Un nouvel aéroport est
ouvert en 1974 à Roissy. La capacité est déjà insuffisante et des études sont en
cours pour l’ouverture d’un troisième aéroport. Les filières d’immigration
choisissent des vols directs ou, lorsque ceux-ci sont trop sensibles, des vols en
transit par des pays moins rigoureux en termes de contrôle. Par exemple, les
Chinois prennent des vols pour la Corée ou Singapour où des faux papiers leur
sont fournis pour changer de nationalité ;
transport ferroviaire : la voie ferroviaire est très utilisée, souvent en
complément d’autres moyens de transport. Les personnes originaires des
Balkans, de Turquie ou d’autres origines, après avoir franchi les frontières
italiennes, prennent des trains grandes lignes pour remonter jusqu’en GrandeBretagne, pays très attractif ; l’existence d’une gare dans une ville proche de la
frontière constitue un élément favorable à l’immigration irrégulière ;
transports terrestres : la voie terrestre a toujours été utilisée par les immigrants
car aucune frontière terrestre n’est parfaitement étanche. Le développement des
Transports internationaux routiers (TIR) a favorisé le passage de clandestins au
milieu des marchandises, malgré les innovations technologiques mises en place
au fil des ans pour détecter leur présence dans les camions ou containers.
Ainsi, les flux humains se sont diversifiés et amplifiés depuis une cinquantaine
d’années. Jusqu’au milieu du 20ème siècle, sauf guerre ou événement de grande ampleur,
on naissait et on vivait dans un espace géographique relativement restreint. Ce n’est
désormais plus le cas.
Plusieurs causes sont à l’origine de cette évolution :
- le travail devenu synonyme de mobilité, tant pour l’obtention d’un emploi que
pour son exercice ;
- la démocratisation des moyens de transport à long rayon d’action, la baisse de
leur coût et la possibilité pour le plus grand nombre de se rendre à l’autre bout
de la planète. Ainsi se mêlent dans les flux de passagers des touristes, des
hommes d’affaires, des voyageurs en simple transit, des migrants, des
travailleurs frontaliers, etc. Les immigrants clandestins s’insèrent dans ces flux
de manière quasi inextricable, situation dont profitent les passeurs. A titre
d’illustration : en 1990, les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle ont
accueilli 46,9 millions de passagers ; dix ans plus tard, ce chiffre était de 73,6
millions, soit une progression de plus de 56% du trafic.
13 - La quête d’un Eldorado
Les pays en situation économique défavorable ont souvent une pyramide
démographique déséquilibrée avec une forte population jeune, sans travail et sans
perspectives d’avenir. A cette situation s’ajoutent souvent une désertification des sols,
des conflits ou des troubles armés qui sont autant de menaces au respect des droits de
l'homme. En outre, ces jeunes ont une vision idéalisée de l’Europe. Ils pensent y trouver
un Eldorado susceptible de leur procurer une vie meilleure pour eux et leur famille,
voire leur village. Cette représentation tronquée de l’opulence du monde occidental est
véhiculée par les images, notamment celles de la télévision. Les jeunes subissent
également une pression sociale qui les incite à tenter leur chance loin de leur pays.
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Avant d’être un Eldorado, la France est aussi dépositaire de liens historiques avec
nombre de pays d’origine des migrants. Ces liens sont souvent renforcés par la
contribution des ressortissants de ces pays aux conflits dans lesquels la France était
engagée. Pour l’immigré, la France est tout à la fois l’héritière du Siècle des Lumières,
le pays des Droits de l’Homme et l’ancienne puissance coloniale. La Cour des comptes
dans son rapport de 2004 sur l’accueil des immigrants et l’intégration des populations
issues de l’immigration relève que « le caractère fortement assimilationniste de la
colonisation française fait de l’ex-métropole une référence obligée, dans tous les sens du
terme. Il existe ainsi, dans les populations concernées, le sentiment d’un droit moral
d’entrée sur le territoire français ».
D’autre part, les fonds rapatriés au pays sont sans commune mesure avec les salaires
locaux, entretenant aussi fortement ce mythe de l’« Eldorado » où une certaine aisance,
au regard de la pauvreté répandue dans ces régions, est possible et même quasi-certaine.
Les difficultés de la vie clandestine, du chômage, de la précarité, voire de l’exclusion,
sont minimisées. La connaissance des dispositifs sociaux comme l’accès aux soins pour
tous, à travers la CMU, la scolarisation gratuite des enfants, les allocations familiales et
le RMI, pour ceux qui parviennent à être régularisés à travers la naissance d’enfants
dans le pays d’immigration, le regroupement familial… attire ces populations. Tout cela
tend à renforcer cette vision irénique d’une réalité pourtant difficile.
Cette recherche d’avantages ne touche pas que les pays du tiers-monde. Dans son article
déjà cité, Hans Werner Sinn souligne que les différences de salaires, mais surtout le
niveau élevé des prestations sociales, jouent également comme des aimants pour les
populations des nouveaux pays membres de l’UE. Cela risque de provoquer la montée
du chômage en Europe de l’Ouest par l’effet d’éviction dû à ces nouveaux entrants sur
le marché du travail. L’Europe n’a que peu d’années devant elle pour trouver une
solution à ce problème.
14 - Les contradictions du système et la récupération politique
141 – Une immigration davantage subie que choisie…
Le débat sur l’immigration est devenu depuis longtemps un vrai sujet de politique
intérieure. Ainsi, début janvier 2005, l’UMP a proposé de repenser la politique
d’immigration de la France et a abordé le délicat sujet des quotas. Sans récuser
totalement cette approche, le Gouvernement a pour sa part choisi d’articuler sa réflexion
selon trois axes visant à faciliter l’accueil des étrangers en France :
- le premier consiste à « développer, à l’échelle européenne, une coopération avec
les pays d’origine et les pays de transit », à l’image de ce qui a été lancé dans le
cadre des programmes PHARE, CARDS… et en dépit du relatif succès
rencontré par ces dispositifs ;
- le second point consiste à définir avec les pays d’origine « les métiers ou
formations qui correspondent à nos besoins et aux leurs ». Là encore, on
retrouve la politique de l’immigration de travail qu’a connue la France durant les
trois-quarts du 20ème siècle. Mais cette immigration a très vite été complétée par
les regroupements familiaux grossissant le nombre d’étrangers en France, ceuxci ne correspondant pas nécessairement aux critères de choix en matière de
travail. L’immigration dans ces conditions est plus subie que choisie. Ainsi
chaque année, 200 000 étrangers s’installent légalement en France, la plupart
d’entre eux venant dans le cadre du regroupement familial et grossissant à terme
les rangs des demandeurs d’emploi ;
12
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
-
le troisième consiste à « adapter la durée des titres de séjour aux besoins ». Cela
signifie que l’étranger n’a plus nécessairement vocation à s’intégrer mais vient
sur le territoire national pour une période limitée.
En attendant, la priorité du MISILL reste la lutte contre l’immigration illégale.
L’objectif fixé pour l’année 2005 est de 20 000 reconduites à la frontière alors que
15 000 avaient été réalisées en 2004. Pour l’atteindre, les places dans les centres de
rétention administrative (CRA)4 seront portées à 1600, ce qui équivaut à une durée
moyenne théorique de séjour en CRA avant expulsion de 29 jours, la durée moyenne
constatée étant de l’ordre d’une dizaine de jours. Enfin, un plan de lutte contre
l’immigration devrait être lancé, prévoyant notamment la création d’une agence centrale
de l’immigration regroupant tous les services de l’Etat concernés. Parallèlement, le
recours à la biométrie pour lutter contre la fraude documentaire devrait renforcer
l’efficacité de l’action des pouvoirs publics.
142 – …mais qui continue à alimenter une main-d’œuvre bon marché
A contrario, de nombreuses associations, le plus souvent subventionnées par l’Etat,
apportent leur soutien matériel ou juridique aux sans-papiers présents sur le territoire
national, les considérant comme des victimes du système et non comme des
délinquants.
Selon ces organisations, les migrants sont en effet victimes de la globalisation à
l’origine des inégalités. Les frontières sont ouvertes au capital, à la technologie, à
l’information et, dans une certaine mesure, à la main-d’œuvre nécessaire au Nord, mais
ces frontières deviendront infranchissables pour ceux qui ne correspondent pas aux
critères imposés par le marché.
Ainsi le marché global attire vers son centre des personnes devenues nécessaires pour
une période limitée et pour des emplois difficilement délocalisables. Dans le même
temps, l’emploi se déplace vers la périphérie pour amoindrir les coûts comme le
montrent les « maquiladoras » d’Amérique latine, avec leur main-d’œuvre infantile
et/ou féminine ou, moins loin aujourd’hui, avec les délocalisations dans les nouveaux
Etats de l’UE, première étape vers une production dans des pays émergents comme la
Chine et l’Inde.
Anna Almiron, dans un article publié en juillet 2004 par le comité Pajol, illustre les
dérives auxquelles conduisent les logiques d’économie de marché. Elle prend l’exemple
des plantations de fraises de Huelva en Espagne, mais qui pourrait s’appliquer aux
arboriculteurs, maraîchers ou vignerons français. Une grande quantité de fraises y est
produite. Elle alimente le marché européen et est contrôlée par les plus grandes
multinationales de commerce. Cette culture utilise les deniers publics et requiert de
grandes quantités d’eau et produit une grande masse de déchets industriels. Or, les
plants de fraises sont achetés en Californie à des prix élevés (il n’y a pratiquement pas
d’espèces locales). Les fertilisants sont achetés auprès des grandes multinationales nordaméricaines comme Monsanto. Les abeilles pour accélérer la pollinisation sont achetées
en Israël. Au final, le coût et les dommages écologiques sont évidents. Elle constate
également une évolution de la main-d’œuvre, essentiellement féminine, qui était
d’abord constituée de travailleuses salariées de la région puis a été remplacée, petit à
petit, par une main-d’œuvre masculine moins chère, immigrée, en provenance
d’Afrique, puis par une main-d’œuvre féminine encore moins chère et plus maniable
4
Les CRA sont au nombre de 23 dont 19 en métropole.
13
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
venue des pays de l’Est de l’Europe. Anna Almiron conclut qu’à travers ce cas « on
peut observer clairement les tendances du marché mondial du travail, en particulier la
flexibilité et la féminisation du travail précaire ».
Le système actuel de gestion des flux repose sur des contradictions ou les engendre.
Une confusion courante consiste à assimiler « immigration » et « délinquance ». S’il est
exact que le pourcentage d’étrangers mis en cause dans les statistiques de la délinquance
est supérieur à la proportion d’étrangers dans la population vivant sur le sol national,
ceci doit être pondéré par plusieurs éléments.
D’une part les étrangers sont, par définition, les seuls concernés par la réglementation
sur le séjour. En second lieu les étrangers, auteurs de crimes et de délits autres que ceux
liés à la législation sur le séjour, ne sont pas majoritairement en situation irrégulière. Au
contraire, la population étrangère en situation irrégulière vit dans la clandestinité et
s’abstient a priori de commettre tout acte répréhensible, suivant en cela les conseils des
associations immigrationnistes. Plus préoccupante sans doute est la délinquance
commise par des ressortissants français issus de l’immigration. Non décelable
statistiquement, cette délinquance pose le problème de l’« intégration » plus que celui
de l’« immigration ».
Une autre contradiction est liée à l’emploi. On pourrait penser qu’un pays dont 10% de
la population active est au chômage ne peut pas offrir d’emplois à des étrangers. Or la
situation n’est pas aussi simple. De nombreuses sources montrent que l’emploi des
immigrés en situation irrégulière est une réalité. Certains secteurs de l’économie sont de
gros « consommateurs » de cette main-d’œuvre. L’association Droits devant soutient
que 95% des étrangers sans papier travaillent… Cette même association dénonce un
système d’exploitation des sans-papiers contraints à la clandestinité et au silence pour se
maintenir sur le territoire. L’exploitation des clandestins précarise par contrecoup la
situation des travailleurs en situation régulière.
Enfin, il est paradoxal de constater, comme l’indique le GISTI, que si les étrangers en
situation irrégulière n’ont pas de papiers, ils ne sont pour autant pas sans droits. La Cour
des Comptes parle de quasi-statut de l’étranger en situation irrégulière et recense les
domaines dans lesquels ces personnes bénéficient de droits en matière :
- de protection sociale avec le bénéfice de l’aide sociale à l’enfance, de l’aide
médicale d’Etat,
- de droit à la scolarisation des enfants,
- d’emploi avec des mesures protectrices par rapport aux employeurs.
La Cour des comptes relève d’ailleurs le paradoxe de la coexistence de textes réprimant
l’aide au séjour irrégulier et de textes apportant aide et assistance aux étrangers en
situation irrégulière.
14
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
II – UNE INDISPENSABLE ET CONTINUELLE ADAPTATION
21 - Des frontières physiques en évolution
La frontière peut être définie comme la délimitation d’un territoire géographique où
s’exerce une souveraineté. Elle est à la fois une limite et un lieu de passage. En tant que
limite, elle a une fonction de régulation, une fonction de différenciation et une fonction
de relation avec le voisinage. En tant que lieu de passage, elle peut être ouverte ou
fermée.
Les postes frontières sont également des lieux de régulation de la circulation des
personnes.
Or, la construction européenne complexifie cette notion de frontière5. En effet, l’Europe
repose sur une souveraineté partagée. On voit donc coexister des frontières nationales et
des frontières communautaires.
S’agissant des frontières communautaires, la nature des relations avec les pays
limitrophes est déterminée pour une grande part par leur vocation à rejoindre ou non
l’UE. Dans un cas, la frontière sera gérée selon une stratégie d’intégration progressive
des valeurs de l’Union ; dans l’autre cas, on maintiendra l’obligation des visas.
22 - Une frontière juridique : les accords de Schengen
Du point de vue de l’immigration, l’approche territoriale n’est pas suffisante pour
appréhender les différentes situations se présentant pour franchir la frontière. Ainsi, une
frontière juridique a été créée par les accords de Schengen.
Schengen est le nom d’un village viticole du Luxembourg où fut signé, le 14 juin 1985,
l’accord qui porte ce nom. La Convention d’application des accords de Schengen,
signée à Dublin le 15 juin 1990, a créé deux types de frontières :
- les frontières intérieures entre les Etats ayant adhéré à Schengen,
- les frontières extérieures entre un Etat appliquant les accords de Schengen et un
autre Etat.
Ces accords ont permis l’harmonisation des conditions d’entrée et de leur modalité.
L’entrée en Europe ne peut se faire qu’à travers des postes frontières habilités
« Schengen ». Ils ont institué une coopération policière et judiciaire par la mise en place
des fichiers SIS (Système d’information Schengen) et SIRENE (demandes
d’informations supplémentaires lors des entrées nationales). Le SIS permet le stockage
de données sur les ressortissants, objets et véhicules pour une consultation automatisée
de la part des autorités compétentes. Ainsi les échanges d’informations sur les
personnes et objets recherchés sont accélérés. Le système contient plus de 10 millions
de données. Grâce au SIS, la police d’un Etat membre peut lancer en quelques minutes
un avis de recherche sur une personne ou un véhicule à travers toute l’Europe. Elle peut
également confronter le signalement d’une personne interpellée avec les données
contenues dans le SIS et être immédiatement informée des poursuites éventuelles dont
5
Tout le monde a en mémoire la célèbre expression du général de Gaulle qui voyait l’Europe de l’Atlantique à l’Oural.
L’élargissement progressif de l’Europe nous rapproche petit à petit de cette vision. De fait, depuis le 1er mai 2004, l’Europe a près
de 1 000 km de frontières terrestres avec la Russie, 1470 avec la Biélorussie, 741 avec l’Ukraine, 654 avec la Roumanie, 151 avec la
Serbie et 1000 avec la Croatie. De même, les frontières maritimes se sont allongées de 5 746 km entre la mer Baltique et la mer
Méditerranée.
15
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
cette personne fait l’objet (mandat d’arrêt ou avis de recherche). De fait, chacun des
pays est responsable pour les autres, et le système d’évaluation est collectif.
En outre, une « liste négative » de pays a été établie. Pour les ressortissants de ces pays,
un visa unifié (visa Schengen) est exigé. L’inclusion ou pas d’un pays dans cette liste
répond à des critères politiques, traduisant la capacité de ces Etats à maîtriser leur
émigration.
La base de données EURODAC a été mise en place. Cette base informatisée permet de
consulter les empreintes digitales des demandeurs d’asile. Elle permet ainsi d’éviter le
dépôt de demandes d’asile dans deux ou plusieurs pays. Elle pourra être étendue aux
immigrants illégaux ou non identifiables.
Certains pays, non membres de l’UE, ont rejoint Schengen, comme la Norvège et
l’Islande (en mai 1999, ils ont signé un accord particulier pour appliquer la libre
circulation dans le cadre de l’Union nordique avec le Danemark), ou la Suisse en
octobre 2004.
A l’inverse, l’espace Schengen possède une frontière extérieure avec le Royaume-Uni et
l’Irlande, entre l’Espagne et Gibraltar, entre la France et ses territoires non européens et
même sur le territoire africain avec des enclaves espagnoles comme celles de Ceuta et
Melilla.
Quant aux nouveaux adhérents de l’Union européenne, ils s’engagent à appliquer les
accords de Schengen, mais ceux-ci ne sont pas encore mis en œuvre. Pour cela, il faut
refaire un nouveau Système informatique Schengen (SIS 2) qui devrait être opérationnel
d’ici 2006-2007. La mise en œuvre doit s’accompagner d’une dotation financière prévue
par l’article 35 de l’acte d’adhésion. De même, des aménagements sont prévus pour le
petit trafic frontalier ; en 2003, un visa particulier a été établi pour les Russes se rendant
dans l’enclave de Kaliningrad.
Enfin, les contrôles aux frontières intérieures peuvent être rétablies en cas d’événements
particuliers présentant des risques de troubles à l’ordre public, comme par exemple lors
de réunions du G8 pour faire face aux débordements des alter-mondialistes, lors de
manifestations sportives susceptibles d’être perturbées par des « hooligans » ou d’être la
cible d’actes terroristes.
23 – L’apparition de frontières virtuelles
Si la frontière géographique ne recouvre pas toujours la frontière juridique, on
s’aperçoit qu’il existe de nouvelles frontières que l’on peut qualifier de virtuelles.
Celles-ci ne correspondent pas nécessairement avec le lieu où se situe l’autorisation ou
le refus d’entrée sur le territoire. On s’oriente de plus en plus vers la notion de contrôles
déportés.
231 - Les consulats, postes frontière avancés
Concrètement, pour un ressortissant étranger d’un pays soumis à visa, la frontière
commence dans son pays d’origine, lorsqu’il fait la démarche en vue de l’obtention
d’un visa. Même si cette obtention ne lui confère pas automatiquement le droit d’entrer
puisqu’il doit être en mesure de fournir la preuve qu’il remplit toutes les conditions au
moment du passage de la frontière, il est évident que l’absence du dit visa lui interdit a
priori toute tentative de franchissement réel de la frontière. Or, l’une des étapes de la
délivrance des visas consiste à consulter le fichier SIS. Cette base de données
16
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
informatique constitue une véritable frontière virtuelle, puisqu’elle permet, en théorie,
de répertorier tous les individus indésirables dans l’espace Schengen.
En 2003, les postes diplomatiques et consulaires français ont instruit près de 2,5
millions de demandes et délivré plus de 2 millions de visas, ce qui représente 20% de
l’ensemble des visas délivrés par tous les pays adhérents Schengen.
La vigilance des postes consulaires au moment de la délivrance de visas est d’une
importance primordiale car elle conditionne la régularité des étrangers sur le territoire et
leur bonne intégration. Cette vigilance renforcée doit permettre de réduire le nombre
d’étrangers qui se maintiennent sur le territoire à l’expiration de la validité de leur visa6.
232 – Des contrôles en amont des listes de passagers
Le droit maritime permettait traditionnellement de contrôler les passagers de navires de
croisière ou de transport de marchandises, mais non les ferries, à partir de la liste de
passagers et d’équipage que le capitaine du navire adresse au port de destination avant
l’arrivée. Ces listes étaient passées au SIS avant le contrôle effectué à l’arrivée.
Les mesures adoptées par les Etats-Unis après le 11 septembre 2001, imposant la
transmission de la liste des passagers des transporteurs aériens à destination de ce pays,
ont finalement été reprises, en avril 2004, par une directive du Conseil qui demande aux
Etats-membres d’obliger les transporteurs aériens à transmettre ces listes aux autorités
avant la fin de l’enregistrement. Il s’agit de bloquer les individus indésirables avant leur
départ. Ce dispositif présente l’avantage de réduire le nombre de renvois ainsi que le
coût des rétentions administratives. Mais au-delà de la lutte contre l’immigration
clandestine, cette mesure vise à assurer la sécurité des vols et à éviter l’intrusion sur les
territoires nationaux de membres d’organisations terroristes.
Cette directive devra être transposée dans les droits nationaux des Etats membres au
plus tard en septembre 2006.
233 - Des contrôles dans le pays de départ
Initié par les Britanniques et les Français à l’occasion de l’ouverture du tunnel sous la
Manche, ce procédé permet aux autorités du pays d’arrivée de venir effectuer les
contrôles d’entrée sur le territoire du pays d’origine ou de transit.
Ainsi, dans le cadre de protocoles liés aux accords transmanche, les policiers
britanniques peuvent procéder à des contrôles au terminal de Sangatte, au sein d’une
zone territorialement définie avec les pouvoirs juridiques nécessaires, tout comme les
policiers français en Angleterre.
Ce genre de coopération a été étendu à d’autres sites (les ports de la Manche et de la
mer du Nord, en vertu du traité du Touquet entre la France et le Royaume-Uni de février
2003) ; il se pratique ailleurs, avec ou sans accord, entre les gardes frontières belges,
néerlandais et britanniques.
Cette approche devrait se généraliser avec les pays du pourtour méditerranéen afin de
mieux gérer les flux migratoires en provenance d’Afrique et éviter les afflux de
naufragés sur les îles de Lampedusa et Pantelleria, en provenance de Libye, ou sur les
îles Canaries en provenance du Maroc.
6
Les Etats-Unis, dans une démarche il est vrai de prévention de l’introduction de terroristes sur le territoire américain, ont un
système perfectionné qui, à partir d’une empreinte relevée scannée au consulat à Paris, permet en quelques minutes un échange avec
les officiers d’immigration et l’envoi par ceux-ci de photos et d’informations concernant le demandeur.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Cette nouvelle forme de contrôle est une des principales actions ciblées par le
programme de mesures de lutte contre l’immigration illégale par voie maritime qui a été
adopté au conseil JAI du 27 novembre 2003.
234 - De nouvelles frontières intérieures
Comme nous l’avons vu, bien qu’étant en situation irrégulière et donc en infraction au
regard de la législation française, les étrangers en situation irrégulière ont accès aux
services sociaux. Ils peuvent bénéficier de soins grâce à l’Aide médicale d’Etat (AME)
destinée aux personnes ne remplissant pas les conditions de stabilité au regard du séjour
ou du logement. En effet, seule une minorité de personnes sans domicile fixe est prise
en charge par l’AME, le solde étant composé d’étrangers en situation irrégulière. Cet
accès aux soins pourrait constituer l’un des « guichets » permettant d’avoir une
meilleure connaissance « macroscopique » de l’immigration clandestine, étant bien
évidemment exclus que les institutions médico-sociales soient transformées en
auxiliaires de police.
AME
2000
Bénéficiaires
2001
2002
2003
73.300 125.400 153.600 170.000
2004
-
Budget initial (M€)
75
53
61
233
233
Dépenses finales (M€)
NS
410
506
579
-
Source : Compte rendu des débats à l'Assemblée Nationale et au Sénat
En outre, quelques réseaux utilisent la faille de notre système législatif en matière de
soins pour obtenir un titre de séjour. En effet, l’article L 313-11 du Code de l’entrée et
du séjour des étrangers en France de février 2005, reprenant l’ordonnance de 1945,
modifiée par la loi n° 98-349, prévoit l’attribution, de plein droit, d’une carte de séjour
temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger dont l’état de santé
nécessite une prise en charge médicale immédiate. Ainsi, contre une somme oscillant
entre 2 500 et 3 000 euros, des étrangers, le plus souvent d’origine africaine, recourent à
ce procédé avec la complicité d’une personne de même sexe et de même origine,
réellement malade, qui se présente au rendez-vous médical en lieu et place du sanspapiers. Le certificat médical délivré par le médecin est ensuite envoyé en préfecture où
le médecin inspecteur de la DDASS, qui reçoit les certificats médicaux par courrier, se
prononce au simple vu du dossier médical ; à la préfecture de police de Paris, le
médecin chef convoque le patient et émet un avis après cet entretien. La carte de séjour
temporaire peut être renouvelée jusqu’à l’obtention d’une carte de séjour d’une année.
De même, le système scolaire permet d’accueillir des enfants en situation irrégulière,
qu’ils soient mineurs isolés ou enfants de clandestins : 10 000 écoliers, collégiens ou
lycéens seraient concernés. Ces jeunes, qui sont menacés d’expulsion dès qu’ils
deviennent majeurs et n’ont pas effectué les démarches de régularisation, bénéficient du
soutien du corps enseignant, de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) et
des élèves eux-mêmes, l’ensemble étant relayé par le réseau Education sans frontières.
Dans ce domaine, les spécialistes s’alarment de la forte augmentation du nombre de
mineurs isolés pris en charge au titre de l’assistance éducative par différentes
structures d’accueil. Ceux-ci sont, remarquent-ils, le plus souvent régularisés, mais ils
deviennent alors un vecteur d’immigration en faisant venir, à leur tour, d’autres
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
personnes de leur région (adultes ou mineurs). En fait, ils soupçonnent des filières
d’exploiter ces facilités pour faire venir en France des enfants, souvent vendus par leur
propre famille.
Enfin, l’accès au travail est, en principe, conditionné par la possession d’un titre de
séjour autorisant le travail sur le territoire national. Or, les faits montrent que certains
secteurs d’activité (BTP, agriculture, hôtellerie-restauration et confection) font
largement appel à la main-d’œuvre clandestine. C’est le cas du bâtiment où de
nombreuses sociétés ont recours à des travailleurs non déclarés et souvent sans-papiers,
la plupart étant originaires de Turquie ou de pays africains, mais aussi dans la
restauration, la sécurité privée, la confection ou l’agriculture. Nombreux seraient les
inspecteurs du travail chargés de contrôler les chantiers estimant qu’il n’est pas de leur
ressort de sanctionner les infractions au titre du séjour et ne souhaitant pas s’ériger en
policiers, laissant de fait le champ libre à de nombreuses fraudes et à la précarisation des
travailleurs clandestins. Il convient de noter, toutefois, que malgré ces conditions
considérées comme inacceptables par les opinions occidentales, ces réfugiés
économiques font vivre leur famille restée au pays. Ils se contentent du peu d’argent
qu’ils gagnent, dépensent très peu sur place et envoient leurs « économies » au pays (ils
représentent une clientèle intéressante pour les organismes de transferts de fonds
comme en témoignent les campagnes de presse régulières de Western Union à
l’intention des communautés expatriées).
24 – Le recours abusif au droit d’asile
Se pose, dans de nombreux cas, le délicat problème des demandeurs d’asile. Il revient
à la puissance publique de déterminer si la sécurité du demandeur est véritablement
mise en péril dans son pays, en raison de son opinion ou de son action engagée contre le
pouvoir en place, en raison de l’instabilité résultant d’un conflit. C’est ainsi que la
totalité des Tchétchènes ayant demandé l’asile en France l’obtiennent, alors qu’un grand
nombre d’entre eux ne sont que des réfugiés économiques, quand ils ne sont pas liés à
des clans mafieux. Ils ont anticipé l’adhésion de certains pays d’Europe centrale pour
entrer ainsi en Europe. Ces dernières années, le nombre de demandeurs d’asiles
tchétchènes a fortement augmenté en Pologne.
La demande d’asile est aussi un des moyens utilisés par les clandestins qui pénètrent sur
le territoire via des filières et qui, une fois arrivés, déposent aussitôt une demande. Ce
moyen détourné a été très utilisé par les réseaux des Balkans au profit des Serbes,
Monténégrins ou Kosovars.
La procédure comporte deux étapes : le dépôt de la demande auprès de l’OFPRA et
ensuite, en cas de refus, l’examen du dossier devant la Commission des recours des
réfugiés. Si cette procédure peut paraître stricte, puisque l’étranger ne peut pas travailler
durant l’instruction de son dossier mais perçoit un subside lui permettant de se
maintenir sur le territoire, il n’est pas rare qu’à l’issue de la période d’examen du
dossier, le demandeur se soit volatilisé ou ait amorcé une intégration le rendant
inexpulsable en fait sinon en droit. Cette situation a cependant singulièrement changé
depuis 2003 avec la réforme de l’OFPRA qui a permis de ramener à un peu plus de
deux mois le délai d’instruction et de résorber le stock des dossiers en attente. Le
phénomène d’engorgement s’est ainsi temporairement déplacé vers la commission de
recours des réfugiés (CRR), le stock des dossiers (47 746 à la fin 2004) équivalant au
flux des entrées (51.707 recours enregistrés en 2004). Il devrait être résorbé d’ici 2006
compte tenu de l’augmentation des moyens mis à la disposition de la CRR.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Pour éviter l’engorgement de notre appareil juridique, les demandes d’asile déposées à
la frontière à Roissy sont traitées rapidement. Les personnes sont placées en zone
d’attente, le temps de l’examen de leur dossier par le bureau de l’OFPRA. S’ils ne sont
pas admis, ils sont remis dans l’avion à destination du pays d’où ils venaient.
Dans son dernier rapport, le Haut Comité aux réfugiés (HCR) révèle que le nombre de
demandeurs d’asile entrés en 2004 dans les pays industrialisés est arrivé à son plus bas
niveau depuis seize ans mais reste encore très élevé en France, première destination
d’asile au monde. Avec 368 000 personnes ayant cherché asile dans 38 pays d’Europe,
en Amérique du Nord et dans certaines régions d’Asie, le nombre de demandeurs a
baissé de 22%, alors que dans le même temps la France a enregistré 61 600 demandes
(baisse de 2,4% seulement) supplantant ainsi les Etats-Unis qui ont accueilli 52 400
réfugiés.
25 - Les premières réponses à la gestion des flux
De fait, la gestion des flux migratoires devrait consister à autoriser et réguler l’entrée et
le séjour sur le territoire national afin de rendre beaucoup moins attractif le recours à
des filières clandestines et supprimer ensuite la surexploitation au travail des personnes
en situation irrégulière.
Depuis quelques années, le gouvernement français a pris la mesure des risques de
déstabilisation encourus par la présence non quantifiée de clandestins sur le territoire
national. Outre l’impossibilité d’intégration, l’emploi de ces personnes non déclarées
représente une menace pour certains secteurs de l’économie comme le bâtiment. C’est
pourquoi un certain nombre de mesures a d’ores et déjà été adopté pour tenter de
quantifier le nombre d’étrangers sur le territoire national et notamment les étrangers en
situation irrégulière.
En effet, de nombreux organismes étaient chargés de la collecte ou du traitement des
chiffres de l’immigration, comme l’INSEE, l’INED ou encore l’OFPRA, l’OIM, le
MISILL mais aucun organisme ne mettait, jusqu’à présent, ses données en cohérence
avec celles des autres. C’est dans cet esprit qu’a été créé, en juillet 2004, l’Observatoire
statistique de l’immigration et de l’intégration auprès du Haut Conseil à l’intégration
(HCI). Celui-ci a rendu son premier rapport en novembre 2004.
251 - Une gestion plus rigoureuse des visas
Les postes consulaires ont un rôle très important à jouer dans la délivrance des visas.
Ceux-ci constituent un poste avancé dans la maîtrise des flux migratoires et sont
confrontés régulièrement à des tentatives de fraude qui incluent de nouvelles tâches
administratives d’authentification et de vérifications de documents.
C’est dans ce contexte que, depuis le 1er janvier 2003, la France applique le paiement
des frais de dossier en début de procédure. Cette politique a eu pour effet de réduire
sensiblement les demandes de visas (-17,5%). Elle permet surtout d’éviter des
demandes à répétition ou fantaisistes.
252 - De nouveaux outils promus par l’Europe : EURODAC, SIS et VIS
* Le système EURODAC
L’objectif d’EURODAC était de créer un système communautaire de comparaison des
empreintes digitales des demandeurs d’asile et des immigrants clandestins afin de
faciliter l’application de la convention de Dublin, signée le 15 juin 1990 par tous les
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Etats membres, qui permet de déterminer l’Etat responsable de l’examen d’une
demande d’asile.
Quinze ans plus tard et après plusieurs décisions du Conseil dont la dernière date du 28
février 2002, le système EURODAC permet effectivement aux Etats membres
d’identifier les demandeurs d’asile ainsi que les personnes ayant franchi irrégulièrement
une frontière extérieure de la Communauté. En comparant les empreintes, les Etats
membres peuvent vérifier si un demandeur d’asile ou un ressortissant étranger se
trouvant illégalement sur son territoire a déjà formulé une demande dans un autre Etat
membre.
Le système EURODAC se compose d’une unité centrale gérée par la Commission
européenne, d’une base de données centrale informatisée d’empreintes digitales et de
moyens électroniques de transmission entre les Etats membres et la base de données
centrale.
En règle générale, l’unité centrale :
- traite les demandes de comparaison dans les 24 heures (sauf en cas d’urgence)
en suivant l’ordre dans lequel les demandes lui sont parvenues,
- doit établir, quatre ans après le début de l’activité d’EURODAC, des statistiques
concernant, entre autres choses, le nombre de personnes reconnues comme
réfugiées dans plusieurs Etats membres, le nombres de réfugiés qui ont déposé
une nouvelle demande d’asile auprès d’un autre Etat membre.
* Le système d’information Schengen (SIS)
Le SIS, mis en service en 1995 conformément à la convention de Schengen, est un
système informatisé regroupant et diffusant sur l’ensemble de la zone des quinze pays
signataires, la majorité des fiches de recherche ou de surveillance des personnes,
véhicules, objets ou documents émis par ces derniers et en cours de validité. A ce jour,
il s’agit d’une version SIS déjà modifiée, le SIS 1 Plus, dont la France a la charge.
Ce système est composé de trois parties principales :
- un système central d’information Schengen (appelé C.SIS) implanté dans
Strasbourg ;
- quinze systèmes nationaux d’information Schengen (N.SIS), liens entre les
fichiers nationaux et le C.SIS. Le N.SIS France est situé et géré par le MISILL,
place Beauvau à Paris ;
- quinze bureaux SIRENE, interfaces humaines entre les unités de terrain
nationales et leur SIS respectif. Le bureau SIRENE France est implanté au sein
de la DCPJ/SCCOPOL à Nanterre.
En juin 2002, à la suite d’une décision du Conseil, la Commission européenne a été
chargée de la direction et de la mise en œuvre du programme SIS II, un système
informatisé plus performant et plus adapté aux besoins opérationnels que le système
actuel. Le SIS II, contrairement au SIS 1 Plus, n’est pas une version améliorée du SIS
original, mais une version totalement nouvelle qui doit être fonctionnelle en 2007 et qui
a deux objectifs principaux :
- permettre au système d’être plus performant en le dotant de technologies
récentes et modernes et en lui ajoutant des fonctionnalités nouvelles et
multiples ;
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
-
accueillir les nouveaux Etats membres de l’espace Schengen (le système initial
n’ayant pas été conçu pour autant d’utilisateurs, bien que le SIS 1 Plus puisse
recevoir trente pays).
Le SIS II devra être évolutif, flexible, fiable, uniforme, économique et fortement
sécurisé. La France, qui gère le C.SIS, avait proposé d’améliorer la version SIS 1 Plus
existante, en affirmant pouvoir obtenir les mêmes résultats que le SIS II pour un coût
bien inférieur. Sa proposition avait été rejetée, la Commission ne souhaitant pas que la
France reste maître d’œuvre de ce système.
Le C SIS II devrait être implanté dans Strasbourg ; un site de secours sera créé à
Salzbourg (Autriche). Aucune décision n’a été prise pour définir à qui incomberait la
responsabilité de la gestion stratégique de ces deux sites. Trois solutions sont cependant
possibles : la France, une agence européenne ou Europol. Il est prévu que le projet de
base légale du SIS II soit soumis au Conseil en mars 2005.
La situation actuelle du programme SIS II est la suivante : le groupe de travail
SIS/SIRENE du Conseil de l’UE en charge du suivi de ce dossier a, devant le peu
d’informations sur l’évolution du programme SIS II, demandé à la Commission
européenne de lui faire régulièrement un compte rendu détaillé de l’avancée des
travaux. Les éléments de réponse donnés montrent l’embarras des services de la
Commission car les travaux ne semblent pas avancer très vite.
* Le système d’information sur les visas (VIS)
La Commission européenne a déposé une proposition de règlement tendant à la mise en
place d’ici 2007 d’un système d’échanges d’informations sur les visas de court séjour.
L’objectif est de faciliter un examen plus rapide et plus efficace des demandeurs de visa
et des décisions prises sur ce sujet. Les autorités pourront ainsi savoir si le demandeur
de visa a déjà présenté une requête similaire aux autorités consulaires d’un autre pays et
connaître, le cas échéant, les raisons du refus de délivrance. Une base de données
centrale européenne baptisée « système d’information sur les visas » (VIS) serait
connectée aux bases nationales des pays membres de l’espace Schengen. Le VIS
comprendra des informations biométriques ainsi que les éventuels antécédents
judiciaires des demandeurs. La durée de conservation prévue des données est pour
l’instant de cinq ans, conformément aux règles européennes relatives à la protection de
la vie privée. Bien que cette possibilité soit permise en raison de la compatibilité des
standards utilisés par les deux applications, le VIS ne serait pas connecté avec le fichier
EURODAC qui centralise les empreintes digitales de tous les demandeurs d’asile au
sein de l’UE. Son développement fait l’objet de l’annexe 7.
253 - Le développement des programmes d’aide au contrôle
Dans sa communication « Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des Etats
membres de l’Union européenne » du 7 mai 2002, la Commission européenne propose
de développer une politique commune visant à assurer « la sécurité intérieure de
l’espace commun de libre circulation ». Ces propositions, qui vont au-delà de la simple
lutte contre l’immigration illégale, ont été reprises dans le Plan pour la gestion des
frontières extérieures des Etats membres de l’Union, approuvé par le Conseil JAI le 13
juin 2002 et soutenu par le Conseil européen de Séville des 21 et 22 juin suivant. Ce
plan définit les cinq composantes essentielles d’une politique commune :
- un corpus commun de législation. Ce manuel commun, élaboré dans le cadre de
la coopération intergouvernementale Schengen et intégré dans le cadre
institutionnel et juridique de l’Union à la suite de l’entrée en vigueur du traité
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
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d’Amsterdam, est actuellement l’instrument de base en matière de contrôle des
frontières extérieures de l’Union européenne ;
un mécanisme commun de concertation et de coopération internationale. En
novembre 2003, la Commission européenne a présenté un projet de règlement
créant « l’Agence européenne des frontières ». Ses missions seront de
coordonner la coopération opérationnelle entre les Etats membres en matière de
gestion des frontières extérieures mais aussi de les assister pour la formation des
gardes-frontières nationaux. Elle sera chargée également de l’évaluation des
risques et du suivi de l’évolution de la recherche dans le domaine des contrôles
et surveillances. Elle devra assister les Etats dans des situations exigeant une
aide opérationnelle. Enfin, elle apportera son appui pour des opérations de retour
conjointes ;
une évaluation commune et intégrée des risques. Cette mission incombera à
l’Agence européenne des frontières à la place du centre d’analyse des risques
situé en Finlande (Finnish Risk Analysis Center - RAC). Il s’agit d’apprécier les
risques d’immigration clandestine aux frontières extérieures sachant que ce
phénomène est particulièrement réactif, voire proactif, aux mesures adoptées par
l’Union ;
un personnel formé à la dimension européenne et des équipements inter
opérationnels ainsi qu’un partage du coût entre les Etats membres dans la
perspective de la création d’un corps européen de gardes-frontières. La
formation des instructeurs nationaux sera assurée par l’Agence à la place du
centre autrichien pour la formation des garde-frontières (Austrian Center for
Border Guard Training - ACT). De par leur situation géographique, les Etats
membres ne sont pas égaux dans la gestion de leurs frontières. Aussi est-il prévu
de mutualiser les moyens par le financement de matériels ou de services. C’est
déjà le cas du système intégré de surveillance extérieure SIVE (système de
surveillance des côtes espagnoles) ou de SPATIONAV (système français de
surveillance des espaces sous juridiction nationale et des approches maritimes).
D’ores et déjà des partenariats ont été lancés avec certains pays de manière à les
familiariser avec les procédures Schengen d’entrée sur le territoire de l’UE et pratiquer
avec eux des échanges au quotidien. C’est ainsi que Nicolas Sarkozy, alors MISILL,
avait initié une coopération avec la Roumanie, en 2002, lorsque l’afflux d’immigrants
clandestins roumains en France, des mineurs pour la plupart, avait jeté une ombre sur
les relations entre les deux pays. Un centre de coordination a été créé, à Oradea (au
Nord-Ouest de la Roumanie), pour contrôler, d’une part, les frontières roumaines pour
l’accès à l’UE et, d’autre part, pour mutualiser la coopération avec les partenaires
européens et de préparer la Roumanie à entrer dans l’UE en 2007. La coopération s’est
traduite par la présence, durant un an de spécialistes français du contrôle des frontières.
Mais, outre les Français qui devraient revenir pour deux séjours de deux mois en 2005,
des spécialistes allemands et autrichiens ont séjourné dans ce centre, des Italiens, des
Espagnols et des Britanniques y sont attendus. C’est également par ce centre d’Oradea
que transitent, depuis mars 2003, toutes les demandes de renseignements des policiers
aux frontières roumains à leurs homologues européens (plus de 3000 demandes ont été
transmises en 2004).
254 - Le renforcement des programmes européens en faveur des pays d’origine
Dès 1999, à l’occasion du Conseil européen de Tampere, les Etats membres se sont
engagés à combattre à sa source l’immigration clandestine afin d’établir une gestion
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
plus efficace des flux migratoires en étroite collaboration avec les pays d’origine ou de
transit. Il s’agit de programmes communautaires destinés à aider lesdits pays, soit à
conserver leur propre population sur leur sol, soit à lutter plus efficacement contre les
filières clandestines en protégeant mieux leurs frontières.
On peut citer les programmes PHARE, programmes communautaires de coopération
créés par une décision du Conseil de décembre 1989. Les pays bénéficiaires sont
actuellement la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. Ces programmes, qui s’effectuent
dans le cadre d’une convention de jumelage, portent sur l’aide aux institutions dans les
domaines de l’agriculture, de l’environnement, des finances, de la justice, des affaires
intérieures et des affaires sociales ainsi que sur l’aide aux investissements pour :
- se mettre au niveau des normes et standards de l’Union,
- procéder à des modifications structurelles dans le cadre d’une politique
régionale,
- soutenir la création d’emplois par les PME,
- participer à la réalisation des grandes infrastructures.
Ainsi, la Bulgarie bénéficie d’un programme PHARE pour le développement d’un
système d’information judiciaire (2,4 millions d’euros), la Roumanie de plusieurs
programmes pour la modernisation des structures et des pratiques de la gendarmerie
roumaine (1,5 million d’euros), la mise en place d’un système de surveillance et de
contrôle de la mer Noire (700 000 euros) dans le cadre d’une coopération policière et
judiciaire (0,5 million d’euros) et la Turquie pour la gestion de ses frontières (1,5
million d’euros) et le renforcement de la professionnalisation de la « Jandama » turque
(2,12 millions d’euros).
Les programmes CARDS ou programmes d’assistance à la reconstruction, au
développement et à la stabilité des Balkans occidentaux concernent l’Albanie, la
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Serbie, le Monténégro, le Kosovo et la Macédoine. Il
s’agit d’établir un cadre légal d’ensemble pour la coopération entre l’Union européenne
et les Balkans occidentaux et la mise en œuvre d’un programme intégré de
reconstruction et de développement économique. La participation de chaque pays est
subordonnée au respect de critères touchant à la démocratie, l’état de droit et aux droits
de l’homme.
Cette assistance s’inscrit dans le cadre du pacte de stabilité dans cette zone. Parmi les
objectifs spécifiques, outre la reconstruction et la stabilisation de la région, on peut citer
la création d’un cadre institutionnel et législatif en soutien de la démocratie, de l’état de
droit, des droits de l’homme et des minorités, le développement et les réformes
économiques orientées vers l’économie de marché. Un montant de référence pouvant
aller jusqu’à 5,5 milliards d’euros a été prévu sur la période 2000-2006 pour les
dépenses au titre de ce programme et pour des aides macro financières aux pays de la
région. Le programme CARDS est également destiné à renforcer la capacité
administrative (institutional building) des pays des Balkans, par la formation des cadres
(police et justice), en se préoccupant des problèmes transfrontaliers sur la région, par la
mise en place d’une politique commune en matière de visas, d’un réseau d’experts et
d’actions de formation des dirigeants.
Pour l’heure, l’Albanie bénéficie d’une mission d’assistance policière (6 millions
d’euros), laquelle a été prolongée - PACEMA II (7,8 millions).
D’autres programmes sont mis en œuvre à l’intention de pays sensibles en termes
d’immigration, comme le Maroc qui bénéficie d’un soutien dans la gestion de ses
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
frontières maritimes dans le cadre du programme MEDA ou encore l’Asie centrale, par
le biais du programme TACIS (BOMCA/CADAP), qui cherche à améliorer la gestion
de ses frontières et la lutte contre les stupéfiants (la route des migrants emprunte
naturellement celle de la drogue), le coût de programme s’élevant à 77 millions d’euros.
255 - L’introduction programmée de la biométrie
Les méthodes scientifiques d’identification et d’authentification des personnes à partir
de données biométriques (empreintes digitales, iris, empreintes génétiques, voix…)
progressent à grande vitesse et leur application dans les domaines des cartes d’identité,
titres de voyage, de séjour est désormais sur le point d’être adoptée par de nombreux
Etats.
L’identification d’un individu a d’abord présenté un intérêt dans la science criminelle.
On pense immédiatement à Alphonse Bertillon, inventeur de l’anthropométrie judiciaire
dont les applications ont duré près d’un siècle. L’identification sur la base des
empreintes digitales a complété l’anthropométrie et depuis quelques années est apparue
l’identification à partir de l’ADN.
Les finalités de la police scientifique sont d’une part d’identifier un individu à partir de
traces ou parties du corps retrouvées sur les lieux d’un crime, d’autre part de constituer
des archives en vue de confondre les récidivistes.
La loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration
(MISEFEN) modifie l’ordonnance du 2 novembre 1945 en disposant que « les
empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers qui
sollicitent la délivrance auprès d’un consulat où à la frontière extérieure de la zone
Schengen (…) peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement
automatisé (…) ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en
cas de délivrance d’un visa ».
L’application de la biométrie à la gestion des flux permettra, à la source, dans les
consulats, d’identifier un demandeur de visa et de l’empêcher d’utiliser plusieurs
identités, de vérifier à l’entrée sur le territoire la concordance des identités de l’entrant
et du titulaire du visa et enfin de vérifier l’identité d’une personne entrée légalement et
qui se maintient illégalement.
L’une des entraves à l’exécution des mesures de reconduite à la frontière est la non
reconnaissance par les consulats de leurs ressortissants démunis de papiers. La
biométrie permettra d’apporter la preuve formelle de l’identité et donc de la nationalité
des individus démunis de passeports ; elle facilitera en outre le processus de reconduite
à la frontière.
Enfin, les applications biométriques semblent indispensables dans la construction du
système d’information communautaire sur les visas (VIS) et dans la gestion du fichier
communautaire des demandeurs d’asile (EURODAC).
256 - Le renforcement de la lutte contre les filières
• Des filières insaisissables
Les mafias ukrainiennes ont saisi aussitôt l’opportunité de l’adhésion de certains pays
de l’Est pour organiser de nouvelles filières. C’est ainsi qu’elles ont eu recours à de la
« main-d’œuvre » lituanienne, spécialisée dans la fabrication de faux papiers pour faire
passer leurs migrants.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Ces réseaux sont très structurés, extrêmement cloisonnés et donc particulièrement
difficiles à démanteler intégralement.
L’exemple le plus parfait semble être celui des filières chinoises qui acheminent leurs
« clients » par différentes voies (aériennes, terrestres ou maritimes), leur font franchir
plusieurs frontières en s’appuyant sur des passeurs locaux et sur une diaspora bien
implantée dans tous les territoires traversés jusqu’à l’arrivée où les clandestins sont
accueillis. Ces filières d’immigration sont particulièrement bien structurées et efficaces.
Peu de « têtes de serpent » - nom donné aux chefs de ces réseaux - sont tombées. Les
clandestins sont « absorbés» par la diaspora. Ils sont exploités, le plus souvent par leurs
coreligionnaires, jusqu’au paiement intégral de leur passage. Le milieu chinois restant
très fermé en raison des menaces qui pèsent sur la sécurité de membres de la famille
restés au pays, seules quelques rares affaires de racket et de séquestration ont
jusqu’alors défrayé la chronique.
D’autres communautés, fortement implantées dans le territoire national, offrent des
possibilités d’accueil à leur population, notamment lorsqu’elles souhaitent s’installer.
Ainsi, de nombreuses sociétés de BTP, créées par des Turcs, emploient une maind’œuvre non déclarée et le plus souvent en situation irrégulière.
Dans tous les cas, les filières d’immigration sont très fluctuantes et anticipent ou
s’adaptent à toutes les mesures prises par les pouvoirs publics pour les endiguer. Il est
difficile, voire impossible, aux services de police de connaître le chemin emprunté par
un clandestin pour se rendre en France, celui-ci pouvant être différent d’un jour sur
l’autre.
Lorsque les trajets empruntent la voie aérienne directe, les clandestins aboutissent à
Roissy ou à Orly où ils font l’objet d’une mesure de non-admission. On en dénombre
entre 15 000 et 20 000 par an à Roissy (12 625 à la mi-décembre 2004). Trois mille
Chinois ont été renvoyés à partir de Roissy en 2004 ; les concernant, il est apparu que
certains transitaient par la Corée ou Singapour et changeaient de nationalité au passage
en utilisant des faux papiers. De ce fait, la PAF a décidé en 2003 d’augmenter de plus
de 40% les contrôles dits « en porte d’avion » afin de connaître le lieu de départ des
passagers qui détruisent leurs papiers durant le vol. Ces contrôles sont effectués sur des
vols sensibles, en provenance d’Afrique Noire, de Hongkong… En effet, sur 100 non
admis, 30 sont de nationalité indéterminée. Pour échapper à ces contrôles, certains
Chinois déclarent être en transit et vouloir aller à Lomé. Ceux-ci connaissent en effet les
procédures et savent qu’ils ne sont pas censés être contrôlés lorsqu’ils sont en transit ;
ils changent ensuite de zone internationale. Caracas et Mexico semblent être aujourd’hui
des destinations de transit privilégiées par les Chinois. Toujours concernant les filières
chinoises, le démantèlement, en janvier dernier à Paris, d’une filière d’immigration
clandestine entre la Chine et la France a permis de constater que cette filière empruntait
un chemin original et nouveau passant par des pays d’Afrique où les contrôles sont
moins rigoureux. C’est ainsi qu’une centaine de clandestins ont été acheminés en France
ou en Italie, moyennant quelque 15 000 euros par passage.
Les flux par voie terrestre sont difficiles à appréhender par définition. Aucune frontière
n’est réellement étanche.
26
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
•
L’OCRIEST, un des acteurs de la coordination opérationnelle
Créé par le décret n° 96-691 du 6 août 1996, l’Office central pour la répression de
l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) fait partie de
la sous-direction de la lutte contre l’immigration irrégulière de la direction centrale de la
police aux frontières (DCPAF). Il compte 86 fonctionnaires dont la moitié sont officiers
de police judiciaire à compétence nationale. Il est envisagé dans un proche avenir que
son effectif dépasse les 100 fonctionnaires.
Les infractions pour lesquelles l’OCRIEST est compétent doivent être relatives :
- à l’aide, à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’étrangers sans titre ;
- à l’emploi des étrangers dépourvus d’autorisation de travail ;
- aux faux et usage de faux documents destinés à favoriser les infractions
susmentionnées.
L’OCRIEST possède deux vocations :
- une vocation d’organe d’administration centrale ;
- une vocation de service de police judiciaire.
Relativement à sa vocation de police judiciaire, l’OCRIEST doit :
- procéder au démantèlement des filières et des organisations criminelles
d’immigration irrégulière, notamment celles de type mafieux (passeurs,
logeurs…) ;
- lutter contre toutes structures organisées employant des étrangers sans titre
(concernant le travail illégal, une baisse de l’activité dans ce domaine est
constatée) ;
- être tenu informé, voire même éventuellement saisi, des affaires importantes
traitées sur le plan national ou international ; à ce titre, il développe la
coopération internationale, notamment avec le SCTIP et le réseau des attachés
de sécurité intérieure (ASI) ;
- centraliser, traiter, exploiter la documentation relative au domaine de
l’immigration irrégulière et la rétrocéder aux services déconcentrés de police, de
gendarmerie, des douanes et aux administrations concernées.
La lutte contre les filières, contre les réseaux, constitue donc l’activité majeure de
l’OCRIEST.
L’immigration clandestine repose en grande partie sur des filières qui sont mises en
place par des réseaux criminels. Sans chercher à être exhaustif, on citera les réseaux
chinois, afghans, pakistanais, sri lankais. On notera aussi l’apparition de filières
lituaniennes convoyant, via la Pologne, des ressortissants ukrainiens en transit vers
l’Angleterre
Ces réseaux sont de plus en plus structurés et très réactifs. Ils savent utiliser
l’implantation des communautés, des mafias ou les capacités d’accueil locales des
diasporas. En liaison avec des commanditaires qui ne se déplacent que très rarement ou
avec d’autres réseaux, ils se professionnalisent. Ils disposent ainsi de passeurs, de
logeurs, à l’instar de l’affaire dévoilée à Goussainville où 28 clandestins étaient logés
dans un pavillon pour 10 euros par jour et par personne.
Plus le voyage est organisé (il peut parfois durer deux à trois mois), plus il est cher. La
plupart du temps, l’essentiel du passage est payé par la famille qui reste au pays : une
partie avant le départ et le solde par le travail dissimulé du clandestin.
27
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
En 2004, à l’occasion de ses opérations de police judiciaire, l’OCRIEST a démantelé
15 filières et mis 187 personnes en garde à vue (respectivement 19 et 214 en 2003). En
tout état de cause, et quel que soit le regard posé sur la question de l’immigration, la
lutte contre les filières doit constituer une priorité forte de l’action des pouvoirs publics.
257 - La rationalisation des procédures d’éloignement
Chaque année, les services de la PAF refusent l’entrée à près de 35 000 personnes non
admises sur le territoire national. Parallèlement, ils contribuent à l’application des
arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) dont le taux d’exécution,
d’environ 20%, reste encore singulièrement faible7.
En effet, beaucoup d’étrangers ne sont pas reconductibles. C’est le cas des Kurdes, des
Palestiniens ou encore des Somaliens du fait de la situation dans leur pays ; c’est aussi
le cas des Indiens, des Egyptiens, des Marocains et des Algériens, du fait du manque de
coopération de leur pays d’origine. Sur l’ensemble des demandes de reconduites
formulées, seules 20% aboutissent à la délivrance d’un laissez-passer consulaire (LPC)
de la part des autorités marocaines tandis qu’il est de 46% de la part des autorités
algériennes qui se montrent plus coopératives. Toutes nationalités confondues, le taux
de délivrance des LPC est de moins de 30% depuis 2001.
On assiste néanmoins à une montée en puissance de l’administration pour faire face au
défi que représente les procédures d’éloignement des ESI. Pour cela, les bureaux des
étrangers des préfectures ont dû être étoffés, des pôles de compétence ont été créés dans
les zones sensibles (Pas-de-Calais, Paris…), la coordination entre l’administration
centrale et les services déconcentrés a été renforcée. Le ministère des affaires étrangères
intervient auprès des ambassades concernées pour améliorer le taux de délivrance des
LPC
Un plan de remise à niveau ou de construction de centres de rétention administrative
(CRA) a été lancé8. Beaucoup de travail reste cependant à faire, le problème n’ayant
jamais été appréhendé depuis plus de 20 ans.
L’objectif des reconduites des ESI est fixé à 20 000 pour 2005. Un décret en date du 29
juillet 2004 a introduit dans le code de justice administrative une disposition applicable
à compter du 1er janvier 2005 prévoyant que le tribunal administratif territorialement
compétent, dans le cadre des recours formés par les étrangers placés en CRA, sera
désormais celui du lieu d'implantation du centre dans lequel se trouve le requérant lors
de l'introduction de la requête, et non plus le tribunal du lieu d’interpellation. Sachant
que les ESI sont placés dans les centres disposant de place, souvent dans un
département éloigné de celui du lieu d’interpellation, cette mesure devrait pouvoir
accélérer la procédure. L’accroissement de la capacité d’accueil des centres de rétention
devrait également faciliter la tache des forces de police chargées des escortes,
particulièrement consommatrices en temps et en personnel.
La PAF constitue la cheville ouvrière du dispositif avec une implantation dans 43
départements. Au niveau central, un bureau de l’éloignement reçoit les réquisitions
7
Les APRF prononcés et exécutés étaient respectivement de 49 017 et 9 352 en 2003 et de 64 221 et
13 069 en 2004.
8
Voir le décret modifié n°2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention
administrative
28
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
préfectorales et organise la mise en route ; une unité nationale d’escorte composée de
150 personnes est chargée de la reconduite.
Pour assister les préfets, un Centre national d’assistance a été créé. L’assistance
juridique est assurée par la DLPAJ et l’assistance matérielle par une cellule de la
DCPAF : présentation des dossiers au consulat (un interlocuteur par consulat), etc. Dans
tous les cas, cette politique d’éloignement coûte très cher sans qu’il soit possible à ce
stade d’en connaître le montant.
Dans le même esprit de rationalisation des procédures et de facilitation des reconduites
à la frontière, le pôle de compétence en matière de lutte contre l’immigration
clandestine de la région parisienne, qui avait été créé en janvier 2004, a été chargé d’une
nouvelle mission en janvier 2005. Il s’agit pour lui de déterminer l’identité et la
nationalité réelles d’étrangers, en situation irrégulière sur le territoire national,
multirécidivistes de droit commun qui, pour éviter leur reconduite à la frontière,
dissimulent systématiquement leur identité.
Après avoir été présentées à divers consulats selon les nationalités dont elles avaient fait
état, ces personnes sont placées en rétention administrative, souvent à l’issue de leur
libération de la Maison d’arrêt de la santé9. Elles sont remises en liberté après le refus
des consulats de délivrer un laissez-passer et viennent grossir le nombre des clandestins.
Cette nouvelle mission se révèle donc très importante et a été confiée à des
fonctionnaires des RG de la préfecture de police rattachés au pôle de compétence en
matière de lutte contre l’immigration clandestine.
Lorsque les identités ont pu être établies, à l’issue d’un travail d’investigation complet
et qu’un laissez-passer a été délivré sous cette identité par la représentation consulaire,
les éléments sont communiqués au fichier automatisé des empreintes digitales
(FAED)et au STIC de la police judiciaire afin de permettre une identification ultérieure
en cas de récidive.
9
En France, l’irrégularité du séjour et de l’entrée sur le territoire constitue un délit pénalement sanctionné
(jusqu’à 1 an de prison), de même que la soustraction à une mesure d’éloignement - le fait de s’opposer,
par exemple en refusant de monter dans l’avion, à l’exécution de cette mesure - (jusqu’à 3 ans de prison).
Les étrangers incarcérés pour ces seuls délits représentent le quart des étrangers détenus en France,
lesquels sont très largement sur-représentés au sein de la population carcérale (25%). En 2001, 4 295
étrangers étaient en prison pour infraction à la législation pour les étrangers (ILE). (Source Anafé association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers)
29
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
III – DES CONTRADICTIONS DEMEURENT
31 – L’illusion « légal/illégal »
Il existe une conjonction de situations et d’acteurs dont le comportement fait fluctuer les
perceptions et nécessite de réévaluer la simple opposition entre le légal et l’illégal.
Dans les faits, il y a un entre-deux : l’illégalité peut être soit réprimée, soit tolérée, ce
qui rend caduque toute vision manichéenne des situations.
Ce flou est illustré dans les cas suivants qui donnent à l’étranger en situation irrégulière
l’impression trompeuse d’être du bon côté de la frontière entre le légal et l’illégal :
- tolérance au séjour illégal : lors de contrôles d’identité, les infractions au
séjour régulier ne sont pas systématiquement prises en compte par les forces de
l’ordre qui anticipent l’issue « favorable » de l’évaluation de l’opportunité des
poursuites par des magistrats débordés et qui préfèrent donc faire l’économie du
constat et de la procédure ;
- acceptation implicite du travail illégal : le résident légal doit naturellement
subvenir à ses besoins, même si son titre de séjour ne lui permet pas de
travailler. La capacité de subsistance sans travailler d’un résident étranger n’est
guère vérifiée ;
- acceptation collective de la non application des mesures d’éloignement : il
n’existe pas de garantie que les demandeurs d’asile déboutés quittent
effectivement le territoire européen, tout particulièrement lorsque les individus
sont introuvables ou lorsque les ambassades étrangères ne les reconnaissent pas
comme étant leurs nationaux ;
- prise en charge collective implicite : les illégaux sont pris en charge par
l’administration sans considération de leur condition de séjour. Ainsi, un
résident régulier bénéficie de la couverture médicale universelle tandis que
l’aide médicale d’Etat bénéficie aux immigrants irréguliers ou clandestins.
A l’opposé, ce flou donne aussi à l’ESI l’impression trompeuse qu’il ne peut pas
accéder au droit et qu’il subit des discriminations administratives. Des associations
dénoncent ainsi les difficultés, pour des irréguliers présents sur le territoire depuis plus
d’une dizaine d’années, de bénéficier de la procédure de régularisation « au fil de
l’eau », à la discrétion des préfets.
Les pratiques et les perceptions sont donc très nuancées et il est illusoire de réfléchir sur
le simple schéma « légal/illégal ».
Notons néanmoins que cette tolérance mise en évidence supra ne s’applique qu’aux
irréguliers effectivement présents sur le territoire européen et ne bénéficie absolument
pas aux aspirants à l’immigration. Il existe donc une distinction de fait entre les
candidats à l’immigration irrégulière, qui sont refoulés selon les règles strictes, et ceux
qui ont surmonté l’étape initiale d’installation sur le territoire européen. En d’autres
termes, poser le pied sur le territoire européen, au-delà de la ligne frontière, c’est
surmonter l’étape initiale et s’installer dans une situation ambiguë.
32 - Une illustration de l’ambiguïté : le pragmatisme de la politique pénale
Malgré toutes les mesures de renforcement prises, souvent sous la pression de l’opinion
publique des pays d’accueil, mais aussi par nécessité, on sait qu’une approche
uniquement et strictement sécuritaire n’est pas suffisante et est loin de répondre aux
30
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
enjeux de notre époque. Le risque du « tout répressif » n’a d’ailleurs pas échappé aux
ministres de l’intérieur européens eux-mêmes : en marge du sommet européen de
Séville (juin 2002) largement consacré au thème de l’immigration, le ministre français
recommandait ainsi de « ne pas passer d’un excès de laxisme à une Europe forteresse,
qui ne pourrait pas fonctionner de toutes façons ». L’accent est donc mis sur la détection
aux frontières et sur le démantèlement des filières : les migrants illégaux interpellés en
France, ne sont ainsi pas poursuivis pour cette seule infraction10, pourtant prévue par le
code pénal, mais sont simplement reconduits à la frontière. Cette dépénalisation de
l’entrée et du maintien illégal sur le territoire national, sauf lorsqu’il se conjugue à
d’autres délits, a été quasiment imposée par des contraintes internes et décidée par
pragmatisme, le nombre d’immigrés clandestins interpellés11 dépassant largement la
capacité d’incarcération du système pénitentiaire français. On voit donc là toutes les
limites du système uniquement répressif pour réguler les flux clandestins.
Pour autant, le risque d’expulsion existe bel et bien chez le clandestin, le contraignant à
« cacher son existence » dans tous les aspects de sa vie courante, renforçant ainsi son
lien avec l’illégalité : à l’illégalité de sa présence sur le territoire national s’ajoute en
effet l’obligation qui s’impose à lui de recourir notamment au travail clandestin, avec
toutes les conséquences que cela induit sur le plan social : absence de versements de
cotisations sociales, d’impôts, concurrence déloyale vis-à-vis d’entreprises vertueuses,
aide à l’économie souterraine voire mafieuse, etc. Sans compter bien sûr, pour le
clandestin lui-même, la sous rémunération et la dépendance totale vis-à-vis de son
employeur, favorisant ainsi les abus et l’exploitation humaine. Ne pouvant se passer de
soins, la fraude à la sécurité sociale ou à la couverture médicale universelle (CMU) est
également inévitable.
Allant au terme de cette analyse, l’Espagne a ainsi engagé la régularisation de près de
700 000 immigrés illégaux12 occupant un emploi, pensant ainsi « assainir » la situation
comme ses comptes sociaux, malgré le risque « d’appel d’air » que cela peut constituer
pour les populations des pays d’origine et qu’il ne faut pas minimiser : la gestion des
« stocks », dans ce domaine, peut, on l’a vu par exemple en Grande-Bretagne, avoir un
impact direct sur l’importance des flux à venir. Le succès de cette opération ne semble
cependant pas, pour l’instant, au rendez-vous, de nombreux petits patrons espagnols
employant cette main-d’œuvre faisant pression pour empêcher une déclaration de leurs
employés afin d’échapper eux-mêmes aux charges sociales et à la fiscalité tandis que
des bandes mafieuses vendent de faux certificats de travail.
On touche là du doigt toute l’ambiguïté de cette situation qui profite aussi indirectement
à certains secteurs de l’économie. A défaut de connaître l’impact réel de l’immigration
illégale sur l’économie des pays d’accueil, la question de savoir si les gouvernements
européens sont réellement prêts à payer le prix de son éradication est très incertaine.
10
« Compte tenu du rôle respectif des autorités administratives et judiciaires, la loi du 11 mai 1998
indiquait, dans son exposé des motifs, qu'un étranger en situation irrégulière devait normalement être
reconduit à la frontière. Aussi, l'éloignement des étrangers en situation irrégulière étant assurée par la
procédure de reconduite à la frontière, il convient d'exercer les poursuites pénales visant à l'interdiction du
territoire, en cas de réitération de l'entrée et du séjour irrégulier ou lorsque les étrangers en situation
irrégulière ont aussi commis une autre infraction de nature correctionnelle ou criminelle ou faisant l'objet
de recherches judiciaires ou de convocations en justice pour d'autres causes. » Circulaire de politique
pénale JUS - D - 99 - 30176 C du 17 novembre 1999
11
On dénombrait en 2003, en France métropolitaine, 66 062 personnes mises en cause dans des délits à la
police des étrangers.
12
La population totale de clandestins en Espagne est estimée à 1,7 million de personnes.
31
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
33 – Des mesures d’adaptation à envisager et des ambiguïtés à surmonter
Il semble illusoire de fonctionner en « légal/illégal ». En conséquence, il faut sans doute
sortir d’une perception manichéenne du sujet pour tenter d’organiser la cohabitation
avec les illégaux.
Comment en effet comprendre les mesures de gestion des flux migratoires si les
immigrants en situation irrégulière sont tolérés sur le territoire européen ? Il est
remarquable que l’indispensable et permanente adaptation des politiques (accords de
Schengen, gestion rigoureuse des délivrances de visas et du droit d’asile, renforcement
européen des contrôles des frontières extérieures et de la lutte contre les filières) ne se
focalise pas sur les résidents illégaux qui cohabitent avec la population régulière sur le
territoire. Autrement dit, les mesures d’adaptation énumérées dans les chapitres
précédents s’intéressent davantage à la régulation des flux entrant qu’à la résorption des
« stocks » constitués par la masse des clandestins maintenus dans une situation ambiguë
et précaire. C’est également une façon de reconnaître que les étrangers qui sont
parvenus à rentrer illégalement dans la « forteresse Europe » ont gagné la partie compte
tenu de la très faible probabilité qu’ils ont de faire l’objet d’une mesure d’éloignement.
Des propositions nouvelles doivent donc être trouvées pour expliciter en quoi les
illégaux adhèrent à notre société et en quoi il est tolérable de cohabiter avec eux. Il
s’agit donc de surmonter :
- l’ambiguïté de la relation vis-à-vis de l’administration,
- l’ambiguïté face au travail,
- l’ambiguïté des comportements à adopter à l’encontre de ceux qui enfreignent
les valeurs de la République et de l’Union européenne.
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
DEUXIEME PARTIE
PROPOSITIONS
I – UN DOSSIER D’ACCES AU SERVICE PUBLIC
Le paradoxe réside dans le fait que les résidents illégaux vivent dépouillés de papiers
administratifs valides alors qu’ils adhèrent aux processus administratifs mis en place par
les pays hôtes :
- ils sont en contact effectif avec l’administration pour faire valoir leurs droits
fondamentaux (« sans papier mais pas sans droit ») ;
- leur objectif est d’obtenir une régularisation de leur situation administrative.
Cette situation paradoxale n’aide pas à la mesure du phénomène « résidence illégale ».
Il convient de réfléchir aux modifications à apporter à nos outils statistiques, de
recensement et de collecte de données pour avoir une approche de la réalité de
l’immigration irrégulière qui soit :
- globale, avec une finesse d’analyse de niveau départemental ou à défaut
régional,
- anonyme.
Le dossier d’accès au service public s’inscrit dans un processus de connaissance du
phénomène de l’immigration, notamment clandestine, et en aucun cas de contrôle des
individus. Une connaissance aussi précise que possible de l’immigration clandestine
apparaît comme un préalable à l’établissement d’une véritable politique migratoire.
C’est une nécessité de toute politique publique de pouvoir être évaluée dans ses causes
et dans ses effets : envisagerait-on par exemple de conduire une politique de sécurité
routière en ignorant le nombre de tués et de blessés sur nos routes ?
11 - Situation d’anonymat administratif des résidents illégaux
Le constat peut être fait que les résidents illégaux ne possèdent pas de titre administratif
valide, à l’exception éventuelle des trafiquants qui utilisent des identités multiples dont
l’une est véridique.
Plusieurs scénarii conduisent à l’absence de papiers administratifs pour un résident
illégal:
- fraude documentaire des filières d’immigration illégale, le voyageur étant
porteur d’un titre contrefait lorsqu’il se présente à la frontière européenne ;
- disparition des documents d’identité (passeport, visa) lors du transport vers le
territoire européen, dans l’objectif de rendre difficile la détermination de la
nationalité d’origine du résident et ainsi rendre inopérante toute mesure
d’éloignement du territoire européen ;
- péremption du titre de séjour temporaire, sans que son titulaire quitte le territoire
européen ;
- confiscation des documents par l’employeur dans le cadre du travail forcé.
Les premiers scénarii cités ci-dessus correspondent à une tactique volontaire des sanspapiers qui dissimulent leur identité afin de ne pas se faire expulser, tandis que le
33
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
dernier scénario correspond à une situation subie où le résident illégal peut imaginer
recouvrer sa liberté et ses papiers avec la disparition de ses liens d’exploitation, dont
notamment le proxénétisme.
Paradoxalement, ces résidents illégaux ont accès, comme on l’a déjà vu, à des services
publics :
- aide médicale d’Etat,
- ouverture de comptes bancaires,
- réduction tarifaire sur les transports en commun,
- scolarisation des enfants.
En outre, l’illégalité du séjour n’est pas incompatible avec l’accès à certaines prestations
sociales ou familiales.
12 - La quête du « papier » administratif, première étape vers la reconnaissance
Le « papier », même incarné par un faux document, semble être le sésame des résidents
illégaux, qu’ils souhaitent intégrer frauduleusement le système de protection sociale ou
qu’ils souhaitent simplement échapper à une mesure d’éloignement. C’est ce qui fait
prospérer le marché de la fraude documentaire et du recel de titres administratifs divers
(permis de conduire, cartes vitale, …) conduisant parfois les résidents illégaux à entrer
en relation avec l’administration.
Un indicateur de cette recherche documentaire est constitué par les autorisations
provisoires de séjour fournies aux demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur
dossier. Cette autorisation de séjour constitue un titre administratif provisoire qui donne
un répit légal au postulant. Mais n’est-elle pas également le seul titre de reconnaissance
des individus postulants ? Il est possible que cette quête du « papier » administratif, audelà des avantages sociaux qu’il laisse entrevoir, puisse être vue comme la
reconnaissance d’une identité validée par l’administration.
Une autre motivation de cette recherche de documents administratifs par les résidents
illégaux consiste également à prendre date avec l’administration afin d’obtenir un
justificatif de présence sur le territoire utilisable ultérieurement dans un éventuel
processus de régularisation au fil de l’eau, accordée généralement après une dizaine
d’années de présence sur le territoire.
13 - Recensement indirect des résidents illégaux
Les résidents illégaux n’ont pas d’existence administrative en tant que telle et ne sont
pas reconnus dans les statistiques sociales : ils ne sont par exemple pas pris en compte
dans le dimensionnement des infrastructures publiques (hôpitaux, écoles, habitats …).
Comment donc estimer le stock et les flux de résidents illégaux ?
Alimentent en fait le stock de résidents illégaux :
- les résidents entrés sur le territoire européen légalement mais qui y résident
toujours après péremption de leur titre de séjour ;
- les résidents entrés illégalement sur le territoire européen et qui y résident
toujours.
Réduisent en revanche le stock de résidents illégaux :
- les résidents illégaux qui quittent le territoire européen ou qui décèdent;
- les résidents illégaux qui changent de statut : les réfugiés, les régularisés et les
naturalisés.
34
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Différents indicateurs peuvent contribuer à l’évaluation des variations du stock de
résidents illégaux :
- indicateurs dérivés de la pression migratoire telle que mesurée dans les consulats
européens (taux de refus de demandes de visa, taux de seconde demande de visa
après premier visa accordé) ;
- données centralisées par les pouvoirs publics (statistiques de la police aux
frontières et des préfectures : refus d’entrée, reconduites à la frontière, …) ;
- données des opérateurs de transport (nombre de billets de transport, proportion
de billets de transport retour non consommés) ;
- comptabilité des résidents qui quittent l’état d’illégalité ou qui recourent au
service de l’état civil (régularisation, mariage, décès, naissance,…).
Le dénombrement des résidents illégaux quittant le territoire européen n’en reste pas
moins une gageure.
D’autres indicateurs peuvent contribuer à l’évaluation du nombre de résidents illégaux :
- statistiques d’interpellations de résidents illégaux, statistiques d’occurrence de
résidents illégaux dans la population carcérale, statistiques de travail clandestin ;
- nombre de déboutés du droit d’asile qui sont supposés avoir quitté le territoire
européen par leurs propres moyens ;
- nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat ;
- écart entre la consommation de services et les estimations tirées du recensement
de la population générale (par exemple, écart entre la population d’enfants
scolarisés dans une zone et la population d’enfants issus de foyers recensés dans
cette zone), volume d’affaires des commerçants sur les produits de première
nécessité, nombre de courriers délivrés par La Poste par rapport au nombre
officiel d’habitants.
Néanmoins, les résultats de l’agrégation des indicateurs ci-dessus en une analyse
multicritères pour évaluer la population de résidents illégaux demeurent incertains mais
cette approche ne doit pas être négligée.
14 – Des papiers pour les sans-papiers
Sur le modèle nordique, un registre de la population pourrait être créé en mairie pour
recenser l’ensemble des nationaux et des résidents non nationaux. L’inscription dans ce
registre pourrait être utilisée comme condition nécessaire à l’accès aux services publics.
En raison de son caractère contraignant, et sans doute peu opérationnel, cette solution ne
semble pas devoir être retenue. L’inconvénient de ce registre est qu’il n’inciterait pas les
irréguliers qui veulent rester cachés de l’administration à se faire enregistrer.
En revanche, partant de l’idée qu’il existe un quasi-statut du clandestin et comme le
souligne le GISTI qu’un sans-papier n’est pas sans droit, il pourrait être envisageable de
créer une carte permettant de faciliter l’accès des clandestins aux services publics. Cette
carte ne constituerait en rien la reconnaissance d’un droit au séjour mais permettrait de
sortir de l’hypocrisie qui entache les relations entre pouvoirs publics et sans-papiers.
Cette carte d’accès au service public (CASP !) serait une sorte de carte Vitale des droits
de l’homme.
Pour l’administration, cet outil lui permettrait d’avoir une meilleure connaissance de la
réalité de l’immigration irrégulière et de mesurer la consommation de services par cette
population, notamment dans les domaines sanitaires et scolaires. Elle permettrait en
outre aux agents de l’administration d’avoir une relation avec cette population plus
35
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
confiante et en définitive plus conforme à notre conception de la dignité et des droits de
l’homme.
Pour le clandestin, ce serait le début d’une reconnaissance de son existence et de son
identité. Cette carte lui garantirait l’exercice en toute quiétude des droits que notre
démocratie doit garantir à toute personne. Par ailleurs, ce dispositif pourra servir de
support à une demande de régularisation en attestant la date d’entrée sur le territoire et
la continuité du séjour.
Le fait de donner des papiers aux sans-papiers constituerait un acte politique fort et
contribuerait à amoindrir les passions qui se cristallisent autour de cette question.
D’aucuns y verront du byzantinisme mais la France ne comptera plus ni sans papiers ni
clandestins mais uniquement des résidents irréguliers qui resteront soumis au risque
d’une expulsion.
Très concrètement, les conditions permettant la mise en œuvre d’un tel dispositif
pourraient être les suivantes :
-
aucune des données personnelles issues de ce système d’identification ne pourra
être utilisée pour des mesures administratives, policières ou judiciaires
susceptibles de porter préjudice aux personnes qui y seraient enregistrées ;
parallèlement la détention de la CASP ne confère aucun droit au séjour ;
-
l’organisme gestionnaire du système d’information et responsable de la CASP
pourrait être l’ANAEM (ex-OMI) ou le cas échéant l’une des grandes
associations oeuvrant en faveur des populations immigrées. Outre le
gestionnaire, d’autres structures pourraient être habilitées à la délivrance de la
CASP en utilisant par exemple une liaison Internet avec le serveur central de
l’application ;
-
lors de la délivrance de la CASP, le clandestin fournira son identité, sa
nationalité et sa date de naissance selon une simple forme déclarative. Compte
tenu de la confidentialité attachée au système mais sachant également que ces
informations pourront servir ultérieurement à une procédure de régularisation,
l’intéressé n’aura aucun intérêt à faire une fausse déclaration qui irait par ailleurs
à l’encontre de la reconnaissance de son identité ;
-
pour empêcher d’une part la délivrance de cartes multiples à un même titulaire et
d’autre part l’utilisation par plusieurs utilisateurs de la même carte, il conviendra
d’enregistrer un paramètre biométrique du titulaire sur la base centrale
(empreintes palmaires par exemple) et de faire figurer une photo d’identité et un
numéro identifiant unique sur la carte. Il est même envisageable, pour éviter
toute utilisation « répressive » de la CASP, que celle-ci ne fasse figurer que ces
deux éléments sans mentionner les données d’état civil.
La CASP pourrait à l’instar de la carte Vitale faire l’objet d’une validation annuelle sur
des bornes interactives. Le cas échéant, et sous le contrôle de l’organisme chargé de la
gestion du dispositif, la carte pourrait servir à la délivrance d’un sauf-conduit permettant
au résident irrégulier un voyage de courte durée dans son pays d’origine, notamment
pour des raisons familiales ou humanitaires.
L’adoption d’un tel dispositif pourrait également modifier la problématique du travail
des immigrants irréguliers. Il serait en effet intéressant d’étudier dans quelle mesure il
ne pourrait pas être utilisé pour éradiquer le travail dissimulé des actuels sans-papiers en
autorisant les détenteurs de la CASP à travailler dans des secteurs d’activité délaissés
36
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
par notre population active et ou les besoins vont s’accroître, notamment les aides à la
personne.
II – ADHESION PAR LE TRAVAIL EN FONCTION DE QUOTAS
Depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam en 1999, la politique d'immigration
ne relève plus de la compétence des seuls Etats membres. L'Union européenne,
construite sur le principe de libre circulation des marchandises, des biens, des services
et des personnes à l'intérieur de ses frontières, érige, en ce qui concerne les étrangers
extracommunautaires, des barrières de plus en plus infranchissables à ses frontières,
visant à la "sécurisation" de son territoire.
Parallèlement, depuis ces dernières années, les immigrés sont de nouveau "convoités".
C'est la redécouverte de "l'immigré utile" : informaticiens en Allemagne, saisonniers
agricoles en Espagne ou en France, etc. Cette ouverture sélective des frontières a
produit, pour l’heure, des effets pervers. Elle ne semble destinée qu'à satisfaire les
besoins de l'économie, les étrangers restant soumis à des restrictions importantes en
matière de droit au séjour, de regroupement familial, etc. Cette législation répressive a
abouti, en particulier, à la production et à la reproduction de situations inextricables. Les
sans-papiers sont l'illustration vivante de ce phénomène qui maintient dans un état de
vulnérabilité et dans l'illégalité un volet de main-d'œuvre utile à de nombreux secteurs
de l'économie (BTP, commerce, gardiennage, etc.).
Dans le cadre du débat engagé sur une politique d’immigration ciblée en fonction des
besoins du marché du travail, il conviendrait tout d’abord de distinguer l’accès au travail
des ressortissants de l’Union (soumis pour les nouveaux Etats membres à des
dispositions transitoires), de celui des étrangers à l’Union. On peut considérer qu’il
serait possible de procéder à des régularisations au titre des règles de séjour pour un
certain nombre d’étrangers en situation irrégulière, dès lors qu’ils sont en mesure
d’apporter la preuve d’une activité effective dans les branches concernées par la
politique des quotas. Cependant, on doit considérer, contrairement à une idée reçue, que
le bilan socio-économique d’une immigration motivée par les tensions du marché du
travail n’est pas nécessairement positif. Ce bilan a été fait en Allemagne (article de
Sociétal). Il dépend notamment du niveau de rémunérations (les bas salaires sont peu
assujettis aux charges sociales et à l’impôt), de la durée de séjour et des niveaux de
transfert financier à l’étranger. Il resterait à évaluer les aspects positifs au titre des effets
induits non « monétarisables » sur le marché du travail et sur la démographie en général.
III – INFORMATION ET CONTROLE
On peut faire aujourd’hui deux constats :
- pour un Etat membre, la notion de frontières a singulièrement évolué. Malgré
l’existence d’une multiplicité de frontières intérieures à la « Grande Europe »
(deux exemples : Schengen et non-Schengen, statut transitoire de certains Etats),
il y a eu un transfert de l’essentiel des missions de contrôle aux frontières
extérieures de l’Union ;
- du fait des disparités de situations individuelles des ressortissants et des non
ressortissants séjournant en situation régulière sur le territoire européen au
regard des règles d’accès au marché du travail, aux différents services publics et
de circulation, la question de la politique de contrôle de police et de contrôle
administratif devrait être repensée pour s’adapter à l’évolution de la nature de
l’Europe et à la croissance de la mobilité qu’elle a générée.
37
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Il faudrait donc considérer que seule une politique globale de contrôle, mobilisant
l’ensemble des services de l’Etat et des acteurs publics, serait de nature à garantir
l’efficacité d’un dispositif complexe, dans des domaines aussi variés que le marché du
travail, l’accès aux soins, à l’éducation et aux services sociaux. C’est donc une véritable
révolution culturelle puisqu’il s’agit de convaincre les différents acteurs des services
publics concernés de participer collectivement à une politique globale de contrôle,
conditions sine qua non des progrès initiés par l’UE.
31 - Traçabilité
La possibilité de reconstituer a posteriori les migrations est potentiellement à portée de
main d’un point de vue purement technique dans la mesure où :
- la plupart des opérateurs de transports maritimes et aériens sont dotés de
systèmes d’information puissants,
- les règles de sûreté du transport aérien exigent une gestion nominative des listes
de passagers,
- des banques de données partagées à finalité commerciale existent et se
développent.
D’ores et déjà, les forces de police ont un accès à ces données aux points
d’embarquement et peuvent effectuer un pré-ciblage susceptible d’améliorer la mise en
œuvre des procédures d’éloignement.
La traçabilité des individus est favorisée par la centralisation et le croisement des
données nominatives. L’acceptation de cette possibilité, techniquement facilement
réalisable, pose cependant un problème au regard du traitement des données
personnelles et de la protection de la vie privée que la CNIL ne manquera pas de
souligner.
32 - Centralisation et croisement des données
Actuellement, de multiples fichiers possèdent des éléments d’information sur les
étrangers présents sur le territoire national, qu’ils soient en situation régulière ou non.
Un croisement des fichiers visas, AGDREF, OFPRA et sociaux devrait permettre, tout
en respectant les droits fondamentaux de chacun, de connaître de manière plus précise le
nombre d’étrangers vivant en France et de cerner leur situation administrative afin
d’apporter les réponses adaptées. Ce croisement de fichiers ne semble pas aujourd’hui
envisagé, en raison d’incidences sur les libertés individuelles, les résultats de ces
requêtes pouvant être détournés de leur seule finalité informative.
Néanmoins, des croisements de fichiers sont courants dans la sphère économique. C’est
ainsi que des fichiers d’adresses de clients sont échangés entre acteurs de la vente par
correspondance, que les opérateurs de transports ont obligation de fournir des listes de
passagers et que les gestionnaires de cartes de fidélité conservent l’historique de
transactions passées.
Alors qu’il paraît naturel de fournir son identité à un commerçant à l’occasion d’une
transaction ou de dévoiler sa vie privée à son banquier (patrimoine, sources de revenus,
état de santé), il est difficile d’accéder a priori aux indices qui permettraient de
quantifier l’activité des illégaux.
38
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Alors que les fichiers divers sont présents, il est impossible aujourd’hui d’effectuer,
même à titre exceptionnel, des rapprochements de fichiers qui permettraient d’extraire
les statistiques et les corrélations qui trahissent les activités illégales.
Il convient de réfléchir aux modifications à apporter à notre outil statistique et à la
collecte des données pour avoir une approche globale (avec une finesse d’analyse du
niveau du département ou à défaut de la région) et anonyme de la réalité de
l’immigration irrégulière. Cette démarche s’inscrit dans un processus de connaissance
du phénomène et en aucun cas de contrôle des individus.
Il est ainsi surprenant que le fichier de l’état civil tenu par l’INSEE ne collecte pas
d’information sur la nationalité détenue à la naissance. Si cette information était
collectée, le croisement du fichier AGEDREF et du fichier de l’etat-civil permettrait
d’avoir une connaissance du nombre de naissances liées à l’immigration clandestine.
33 - Lutter contre le travail dissimulé
Le MISILL a décidé de doter l’Etat d’une structure répressive inédite chargée de lutter
contre le travail dissimulé, le travail « au noir », qui trouve pour une part sa source dans
l’immigration irrégulière. Le travail dissimulé n’est certes pas l’apanage des sanspapiers mais constitue un champ d’investigation à ce jour peu exploité pour lutter contre
l’immigration clandestine13.
Baptisée « Office central de lutte contre le travail illégal » (OCLTI), cette structure
s’attaquera de front aux trois grandes familles de délits et crimes que sont :
- le travail dissimulé et les fraudes aux heures supplémentaires non déclarées ;
- les fausses sous-traitances et les trafics de main-d’œuvre entre chefs d’entreprise
évoluant dans le secteur du bâtiment ;
- les traitements humains dégradants et les conditions d’hébergement contraires à
la dignité humaine qui en découlent.
Selon l’INSEE, le coût du travail illégal pour la collectivité nationale pèse au moins 4%
du produit intérieur brut (PIB), soit plus de 60 milliards d’euros. En moyenne, 10 000
procès-verbaux sont dressés chaque année pour un volume de quelque 18 000
infractions portées à la connaissance de la Délégation interministérielle à la lutte contre
le travail illégal (DILTI).
Cet office sera rattaché à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Le
choix de la gendarmerie pour sa direction se justifie par le fait qu’outre son constat de
50% des infractions annuelles en ce domaine, elle bénéficie d’une forte implantation
dans les zones d’emplois saisonniers, plus particulièrement touchées par le phénomène.
Comme tout office central, l’OCLTI aura une compétence opérationnelle nationale et il
sera chargé « d’animer et de coordonner » la lutte contre les infractions relatives au
travail illégal. Spécialisés dans les affaires économiques et financières, les groupes
opérationnels qui le composeront seront projetés n’importe où en France, en appui
d’enquêteurs locaux, afin d’élucider les affaires les plus complexes.
L’office sera dirigé par un officier supérieur de la gendarmerie assisté d’un commissaire
de police. Outre gendarmes et policiers, il bénéficiera du concours d’agents du fisc, des
douanes, d’inspecteurs du travail, de l’URSAFF. Il sera en outre complémentaire de
13
En 2003, l’OMI a recensé 509 dossiers de contribution spéciale (article L341-7 du code du travail)
relatifs à 1 201 infractions. Ces chiffres apparaissent modestes au regard d’une population d’immigrés
clandestins pouvant être estimée à plusieurs centaines de milliers de personnes.
39
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
l’activité de l’OCRIEST, l’office spécialisé de la PAF, davantage orienté vers la lutte
contre les filières d’immigration clandestine.
En décidant une telle création, le gouvernement français confirme sa volonté de lutter
contre le travail dissimulé, et notamment celui lié à l’immigration clandestine.
34 – La coopération des services de lutte contre l’immigration irrégulière
La gestion et le contrôle des frontières constituent des missions spécifiques qui
requièrent expérience et professionnalisme. Des progrès, culturels notamment, sont
cependant nécessaires pour améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration
clandestine.
341 - Formation à la lutte contre l’immigration irrégulière
Le gouvernement français a décidé d’intensifier la lutte contre l’immigration irrégulière
en passant, en 2005, de 15 000 à 20 000 le nombre effectif des reconduites à la frontière.
L’application de cette mesure nécessite une bonne connaissance des textes législatifs et
réglementaires propres à ce domaine ainsi qu’un engagement déterminé de tous les
acteurs concernés. Pour aboutir au renforcement de l’action des unités et à
l’amélioration de leur efficacité dans le traitement des procédures, la gendarmerie
nationale a décidé de mettre en place un dispositif de formateurs relais immigration
irrégulière (FRIIr).
Formés avec la participation de membres du corps préfectoral, de directeurs de
préfecture chargés des étrangers, de magistrats judiciaires et administratifs, de
fonctionnaires de la direction zonale de la PAF et de chefs de centre de rétention
administrative (CRA), les FRIIr, outre leurs propres missions opérationnelles, seront
chargés de dispenser une instruction adaptée aux militaires des unités des compagnies et
de l’escadron départemental de sécurité routière.
Au niveau du département, l’officier désigné entretiendra des liaisons privilégiées et
régulières avec les magistrats du parquet, les juges des libertés et de la détention, le chef
du bureau des étrangers de la préfecture, les responsables départementaux de la PAF,
des douanes, des RG, de l’inspection du travail, de l’URSAFF et les chefs de district des
autoroutes.
Cette démarche volontariste pourrait également s’appliquer à l’ensemble des
administrations qui ont à connaître et à traiter cette priorité gouvernementale. Il pourrait
être particulièrement opportun entre autres de renforcer le rôle de la douane dans le
dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière qui est autant un sujet économique
que de sécurité.
342 - Création d’une police et d’un service central de l’immigration
Le gouvernement étudie actuellement la création « d’une véritable police de
l’immigration » et « d’un service central » regroupant toutes les administrations
concernées par la lutte contre l’immigration irrégulière. Il entend faire en sorte que
l’immigration irrégulière recule considérablement dans le pays.
Cette police de l’immigration regrouperait les différents services impliqués dans la lutte
contre l’immigration clandestine, la police, les douanes, la gendarmerie. « Je proposerai
la création de pôles d’immigration où les services administratifs des préfectures seront
réunis avec les effectifs de sécurité, police et gendarmerie. Je proposerai un service
central de l’immigration pour que toutes les capacités du ministère des affaires sociales,
du ministère des affaires étrangères, du ministère de l’intérieur, du ministère de la santé
40
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
soient réunis dans une seule main », a ainsi énuméré Dominique de Villepin. Il faut
souhaiter que ce projet aille également à son terme.
Que faudrait-il faire pour surmonter les désillusions, les contradictions, de l’état actuel ?
Les propositions énumérées supra se veulent plus nuancées et pragmatiques qu’une
approche binaire du légal et de l’illégal qui se révèle inapplicable. Elles visent en tout
cas à mieux connaître la réalité des flux migratoires et à les contrôler de manière
efficace tout en s’inscrivant dans le respect des libertés individuelles et des droits de la
personne humaine.
41
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
CONCLUSION
La gestion des flux d’immigration, nécessaire pour assurer la pérennité d’un système
social et économique ainsi qu’à l’identité d’une nation ou d’une « union », dès lors que
la pression migratoire augmente et devient forte, comme c’est le cas en Europe depuis la
fin du 19ème siècle, se heurte à une double exigence aux aspects parfois contradictoires :
• l’indispensable rigueur de la lutte contre l’immigration clandestine, gage d’une
maîtrise minimum du flux, avec des mesures coercitives visant à empêcher ou
décourager cette immigration sauvage et à rechercher et renvoyer dans leurs
pays d’origine ceux qui se sont établis illégalement sur le territoire ;
• et l’attention particulière portée par les pays démocratiques à la dignité de la
personne humaine, fut-elle en infraction avec les lois du pays, avec des droits
inaliénables (santé, éducation des enfants, asile, etc.) qui peuvent fausser la
perception de l’enjeu réel de cette tentative de maîtrise des flux : l’intérêt, le plus
souvent économique, de l’individu peut alors passer, dans l’esprit de beaucoup
et par une perversion du raisonnement, comme supérieur à l’intérêt collectif.
Ce dernier est pourtant de la responsabilité totale de la sphère politique.
Pour autant, il faut bien convenir qu’une société moderne, qui se réclame des droits de
l’homme, ne peut rester totalement sourde et aveugle aux drames humains et à la
précarité que peuvent engendrer, même indirectement, les mesures qu’elle prend à bon
droit pour préserver l’intérêt collectif de ses membres. C’est pourquoi le seul aspect
sécuritaire et coercitif, pourtant indispensable, ne suffit pas, ni d’ailleurs les mesures en
amont imaginées dans certains pays de départ (développement, partenariat, etc.). Une
troisième voie reste en conséquence à explorer pour surmonter cette contradiction.
Il s’agit sans contexte d’une voie étroite, parfois à la limite du paradoxe et susceptible
évidemment d’être utilisée pour contourner la règle commune, comme le sont d’ailleurs
déjà largement les règles actuelles, mais elle renforce a contrario la légitimité des
mesures coercitives existantes ou à venir en donnant l’image d’une société ferme mais
respectueuse de la dignité de l’homme, gérant d’une manière sereine et dépassionnée le
difficile problème de l’immigration massive. Restera à convaincre l’ensemble des
populations du bien-fondé de cette politique, ce qui n’est pas la moindre des difficultés
compte tenu des a priori et des fantasmes véhiculés par l’image de l’immigré. C’est là
toute la grandeur de l’action politique.
42
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 1
AUDITEURS DU GDS 4
Pascal
AUDIAT
Chirurgien-dentiste à Boulogne (92)
Denis
BIGOT
Chef d’état-major régional des services
pénitentiaires du ministère de la justice à
Bordeaux (33)
Loïc
CHANCERELLE
Colonel de gendarmerie, commandant en
second de l’EOGN de Melun (77)
Martine
CHAPELOT
Commissaire divisionnaire à la DCRG de
Paris (75)
Jacky
DURAND
Journaliste au quotidien Libération à Paris
(75)
Philippe
LAFOIX
Colonel de gendarmerie, chef du centre de
renseignement et d’opérations de la DGGN à
Paris (75)
Yves
LASMARTRES
Directeur de cabinet du maire de Montluçon
(03)
Pascal
LELARGE
Directeur régional de l’équipement Bretagne
à Rennes (35)
Daniel
LEMAITRE
Contrôleur général de François Charles
Oberthur Fiduciaire à Chantepie (35)
Mustapha
MESLI
Chef du cabinet de la direction générale de la
sûreté nationale (Algérie)
Olivier
PAQUETTE
Commissaire divisionnaire, adjoint au sousdirecteur de la circulation et des services
spécialisés de la préfecture de Paris (75)
Joëlle
RAYET
Adjointe au haut fonctionnaire de la défense
au ministère des affaires étrangères
Frédéric
ROUSSEAU
Responsable de programmes chez EADS à
Saint-Quentin-en-Yvelines (78)
Galdéric
SABATIER
Sous-préfet de Barcelonnette (04)
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 2
ENQUETES DE TERRAIN
EXPERTS RENCONTRES
Jean-Claude
AMARA
Porte-parole de Droits devant et président de
l’OFPRA
Christophe
BEGARD
Lieutenant de gendarmerie (DGGN / bureau
de la coopération policière institutionnelle)
Christophe
CARESCHE
Député, adjoint au maire de Paris
Olivier
CLOCHARD
Doctorant à MIGRINTER (Migrations
internationales : espaces et sociétés)
Pierre
DEBUE
Directeur de la DCPAF
Nathalie
FERRE
Présidente du GISTI
Jean-Pierre
GAURY
Magistrat à la DILTI
Marie
GEORGE
Agent de la CNIL, spécialiste des questions
européennes
François
GIQUEL
Vice-président de la CNIL, conseiller maître
à la Cour des comptes
Yann
GREARD
Commissaire principal, adjoint du chef de
l’OCRIEST
François
HERAN
Directeur de l’INED
Jean
de L’HERMITE
Conseiller pour les affaires juridiques au
cabinet du MISILL
Jean-Loup
KUHN
Directeur de l’OFPRA
Thierry
MARIANI
Député, conseiller régional PACA
MIKOWSKI
Avocat
Sylvie
MOREAU
Chef de service à la direction de la
population et des migrations
André
NUTTE
Directeur de l’OMI
44
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Patrick
RENISIO
Chef de la division Asie de l’OFPRA
Charlotte
ROTMAN
Journaliste au quotidien Libération
Bernard
SCHMELTZ
Chef de service à la DLPAJ
Pierre
VENERE
Commandant de police, chef d’état-major de
l’OCRIEST
Donald
WELLS
Consul général des USA
Pénélope
WILKINSON
Vice-consul des USA
45
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 3
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
¾ L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour
des étrangers en France.
¾ La loi du 11 mai 1998, dite RESEDA, relative à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile.
¾ La loi du 26 novembre 2003 dite Misefen relative à la maîtrise de l'immigration,
au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
¾ L'accord du 14 juin 1985, signé à SCHENGEN, instituant le " libre
franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des états
membres et la libre circulation des marchandises et services ".
¾ La convention d'application de l'accord de SCHENGEN, signée le 19 juin
1990, entrée en vigueur le 26 mars 1995.
¾ Le traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997.
¾ Le traité de Nice signé le 26 février 2001.
¾ Rapport de la Cour des comptes sur l’accueil des immigrants et l’intégration
des populations issues de l’immigration, novembre 2004.
¾ Mission d'étude des législations de la nationalité et de l'immigration : rapports
au Premier ministre, Patrick WEIL, La Documentation française, 1997.
¾ Les migrations internationales, La documentation française, mars – avril 2002.
¾ Immigration, marché du travail, intégration, Commissariat général du plan, La
documentation française, novembre 2002.
¾ Histoire de la carte nationale d’identité, Pierre Piazza, Editions Odile Jacob,
2004.
¾ Le défi de l’immigration : la vérité – les solutions, Editions François-Xavier de
Guibert, 2004.
¾ Elargissement, immigration : quels risques ? Sociétal n° 44, 2ème trimestre, Hans
Werner Sinn.
¾ Immigrés : l’Europe entre accueil et rejet, Le Monde, Dossiers et Documents, 910 juin 2002.
¾ Zones d’attente et demande d’asile à la frontière : le renforcement des contrôles
migratoires ? Revue Européenne des Migrations Internationales, n° 2, pp.157189.
¾ Faut-ouvrir les frontières ? Catherine de Wenden, Presses de Sciences Po, 1999.
46
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
¾ Comment penser les frontières en cette fin de XXe siècle ? Malcolm Anderson.
¾ Approches comparées des polices en Europe : la coopération policière
transfrontalière, moteur de transformations dans l'appareil de sécurité français,
Azilis Maguer.
¾ La politique migratoire de la France durant les vingt dernières années,
Emmanuel Ma Mung, directeur de recherche au CNRS, MIGRINTER.
¾ Gibraltar sous l'œil espagnol : un mur de caméras a été érigé pour faire
barrage à l'immigration africaine, François Musseau.
¾ La Pologne et son Est, Nouveaux Mondes n° 9, automne 1999, pp. 241-258,
Gilles Lepesant.
¾ L’application territoriale du droit communautaire : disparition et résurgence de
la notion de frontière, Jean-Louis Dewost.
¾ Les frontières extérieures de l’Europe, Agnès Pinault, Bruxelles, 14 novembre
2004.
¾ Histoire de la carte nationale d’identité, Pierre Piazza, Editions Odile Jacob,
2004.
47
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 4
ACRONYMES ET ABREVIATIONS
AGDREF
Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en
France
AME
Aide médicale d’Etat
ASI
Attaché de sécurité intérieure
CARDS
Community Assistance to Reconstruction, Development and Stability
CMU
Couverture médicale universelle
CNIL
Commission nationale informatique et liberté
CRA
Centre de rétention administrative
DCPAF
Direction centrale de la police aux frontières
DDASS
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DILTI
Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal
DLPAJ
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques
DOM
Département d’outre-mer
ESI
Etranger en situation irrégulière
EURODAC
Système européen automatisé d’identification d’empreintes digitales
des demandeurs d’asile et des immigrants clandestins
FCPE
Fédération des conseils de parents d’élèves
FRIIr
Formateurs relais immigration irrégulière
GISTI
Groupe d’information et de soutien des immigrés
HCI
Haut conseil à l’intégration
HCR
Haut comité aux réfugiés
INED
Institut national des études démographiques
INSEE
Institut national des statistiques et des études économiques
JAI
Justice et affaires intérieures
LPC
Laissez-passer consulaire
MISILL
Ministère de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
OCLTI
Office central de lutte contre le travail illégal
OCRIEST
Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de
l’emploi d’étrangers
OFPRA
Office français de protection des réfugiés et apatrides
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
OIM
Office international de migration
ONG
Organisation non gouvernementale
ONI
Office national d’immigration
PME
Petite et moyenne entreprise
RG
Renseignements généraux
RMI
Revenu minimum d’insertion
SIS
Système d’information Schengen
SCTIP
Service de coopération technique internationale de police
SGCI
Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de
coopération économique européenne
SGDN
Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de
coopération économique européenne
SIRENE
Supplément d’information requis à l’entrée nationale
SIVE
Système de surveillance des côtes espagnoles
SPATIONAV
Système français de surveillance des espaces sous juridiction
nationale et des approches maritimes
STIC
Système de traitement des infractions constatées
TIR
Transport international routier
UE
Union européenne
UMP
Union pour un mouvement populaire
URSAFF
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et
allocations familiales
VIS
Système d’information sur les visas
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 5
ACCORDS DE SCHENGEN
Le 14 juin 1985, la République fédérale d’Allemagne, la France, la Belgique, le
Luxembourg et les Pays-Bas signaient à Schengen (une ville du Luxembourg) un accord
relatif à la suppression graduelle des contrôles de personnes aux frontières intérieures
entre les Parties contractantes.
Convention d’application de l’Accord de Schengen
Le 19 juin 1990, aux fins de la mise en œuvre de l’Accord de Schengen, était signée la
Convention d’application de l’Accord de Schengen (Convention de Schengen). La
Convention prévoit des mesures compensatoires qui visent à garantir, suite à la
suppression des contrôles aux frontières intérieures, un espace unique de sécurité et de
justice. Elles portent notamment sur
•
•
•
•
•
l’harmonisation des dispositions concernant l’entrée et les séjours de courte
durée d’étrangers dans "l’espace Schengen" (visa Schengen uniforme);
l’asile (détermination de l’État membre responsable du traitement de la demande
d’asile);
les mesures de lutte contre le trafic de drogue transfrontière;
la coopération policière (poursuite) et
l’entraide judiciaire.
La Convention de Schengen est entrée en vigueur le 1er septembre 1993 mais c'est
seulement le 26 mars 1995, date à laquelle ses dispositions ont été appliquées dans la
pratique, c’est-à-dire depuis que les conditions techniques et juridiques nécessaires ont
été créées (par exemple création de bases de données et des autorités nécessaires pour
assurer la protection des données à caractère personnel) qu'elle a été "mise en vigueur"
dans un premier temps entre les Parties à l'Accord de Schengen plus l’Espagne et le
Portugal. Depuis 1995, l’Italie, la Grèce, l’Autriche, le Danemark, la Finlande et la
Suède ont adhéré à la Convention qui, cependant, n’entrera en vigueur que le 25 mars
2001 pour les trois pays scandinaves. En 1996, des accords de coopération Schengen
ont été conclus avec les membres de l’Union nordique des passeports qui ne font pas
partie de l’Union européenne (Norvège et Islande). La pleine application des accords de
Schengen est également prévue pour le 25 mars 2001 pour la Norvège et l’Islande.
Suite à l’entière suppression des contrôles aux frontières intérieures, le titulaire d’un
visa commun peut séjourner pendant la durée de validité de son visa, toutefois sans
dépasser trois mois au maximum sur une période de six mois, dans les 15 pays
Schengen susmentionnés.
Objets de réglementation de la Convention
La Convention d’application de l’Accord de Schengen prévoit notamment ceci:
•
•
les ressortissants des pays Schengen peuvent franchir les frontières intérieures
de ces pays à n'importe quel endroit sans être soumis à un contrôle,
les ressortissants d’États tiers qui sont titulaires d’un visa Schengen non limité
dans sa validité géographique (séjours pour visite ou affaires de trois mois
maximum par semestre ainsi que visas de transit et de transit aéroportuaire) sont
50
INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
•
•
•
•
•
•
•
autorisés, dans le cadre de la validité et de l’objet de leur visa, à séjourner
également dans d’autres pays membres appliquant la Convention (Allemagne,
Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Islande,
Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Suède); au passage des
frontières intérieures, ils ne sont pas eux non plus soumis à des contrôles (cette
disposition ne s’appliquera au Danemark, à la Finlande, à l’Islande, à la Norvège
et à la Suède qu’à partir du 25 mars 2001),
tous les ressortissants d’États tiers qui sont munis d’un titre de séjour en cours
de validité et séjournent donc légalement dans un pays Schengen sont autorisés à
voyager avec un passeport valide sans visa pendant trois mois au maximum par
semestre dans les autres pays Schengen,
l’harmonisation des politiques de visa entre les pays membres (liste commune
des États tiers dont les ressortissants doivent être titulaires d’un visa),
des contrôles aux frontières extérieures en fonction de critères uniformes,
l'accès des pays membres au Système d’Information Schengen (SIS) qui
regroupe des données concernant les personnes et le matériel de l’ensemble de
l’espace Schengen,
la coopération étroite en matière policière et judiciaire,
la lutte commune contre la criminalité en matière de stupéfiants,
des règles de compétence pour l’exécution des procédures d’asile (remplacées
entre-temps par les dispositions en grande partie identiques de la Convention de
Dublin.
Schengen et l’Union européenne
Le Protocole intégrant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne annexé
au Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 a permis d’intégrer la coopération de
Schengen dans l'Union européenne avec effet à compter du 1er mai 1999.
L’acquis de Schengen (l’Accord de Schengen et les réglementations qui en découlent) et
son développement ont été pour une grande part transférés sous la compétence de la
Communauté européenne. Des dispositions spéciales sont prévues pour le RoyaumeUni, l’Irlande et le Danemark: le Royaume-Uni et l’Irlande ne sont pas Parties à
l’Accord de Schengen; ils peuvent, avec l’accord du Conseil de l’Union européenne,
reprendre entièrement ou en partie l’acquis de Schengen et participer à son
développement. Le Danemark décide au cas par cas s’il participe au développement de
l’acquis sur la base du droit international et s’il veut appliquer dans son droit national le
droit communautaire adopté sans sa participation.
Les accords de coopération entre les pays Schengen et la Norvège et l’Islande ont été
remplacés, sur la base du Traité d’Amsterdam, par des accords d’association avec
l’Union européenne de contenu très similaire.
Pour les citoyens de l’Union européenne et les ressortissants d’États tiers vivant en
Europe, l’Accord de Schengen est synonyme d’une circulation visiblement plus libre
assortie d’une plus grande sécurité à l’intérieur de l’espace Schengen comme aux
frontières extérieures.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 6
« LES MESURES SARKO »
Vues par « Le Monde »
La durée maximale de rétention administrative des étrangers passe de 12 à 60
jours.
Le projet de loi sur l'immigration est désormais fin prêt. Examiné depuis huit jours par
le Conseil d'Etat, il est également étudié par la Commission nationale consultative des
droits de l'homme (CNCDH), qui s'en est saisi mardi 8 avril. Cette version finale, dont
Le Monde a pu se procurer une copie, réforme la loi Chevènement en durcissant un
nombre important de ses dispositions. Le projet, "second volet d'une réforme
d'ensemble" sur l'asile et l'immigration, affiche clairement son objectif dès son
préambule : "combler des failles dans le dispositif de contrôle des flux migratoires".
Rétention : c'est le changement majeur de la réforme. Le délai pendant lequel un
étranger peut être placé en centre de rétention en vue de son éloignement – qui est
actuellement de 12 jours – passe à 30 jours. Cette durée pourra être prolongée de 9 jours
par le juge si l'éloignement n'a pu être exécuté "par défaut de délivrance" d'un laisserpasser du consulat, par absence d'un moyen de transport ou dans l'attente d'un "vol
groupé".
"En cas d'urgence absolue ou d'une menace d'une particulière gravité à l'ordre public"
ou si l'étranger a dissimulé ou détruit ses papiers permettant l'identification de son pays
d'origine, la rétention pourra encore être prolongée de 30 jours, ce qui la porte, dans ce
cas, à 60 jours. Le ministre justifie cet allongement, dans l'exposé des motifs de la loi,
par un alignement sur les pratiques des autres pays européens, dont la plupart ont un
délai de rétention supérieur à 60 jours. "Cette mesure est indispensable si notre pays
veut restaurer, aux yeux des filières, sa crédibilité dans sa capacité à maîtriser les flux
migratoires", indique le texte.
Attestation : les justificatifs d'hébergement nécessaires aux autorisations de séjour en
France pendant moins de trois mois, seront désormais plus difficiles à obtenir.
Jusqu'alors, les attestations étaient obtenues auprès de la mairie sur simple déclaration
d'identité et présentation d'un justificatif de logement. Désormais, le maire pourra
évaluer si les "conditions matérielles d'un hébergement normal" sont remplies avant
d'accorder l'attestation et la refuser s'il juge le logement inadéquat ou s'il suspecte un
"détournement de procédure".
Pour mieux exercer son "contrôle", le maire pourra faire appel aux services de l'Office
des migrations internationales (OMI). Jusqu'alors gratuite, l'attestation sera désormais
payante. Certains élus locaux avaient protesté contre l'absence de contrôle possible sur
les précédents certificats d'hébergement, à qui ils reprochaient d'être des "attestations de
complaisance".
Visas : cet autre verrou à l'entrée sur le territoire est également durci. Les consulats et
ambassades seront appelés à relever et à mémoriser par un traitement informatique les
empreintes digitales de tout étranger non communautaire désirant un visa de tourisme.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
Un relevé d'empreintes, avec constitution d'un fichier, sera également pratiqué sur les
étrangers contrôlés à la frontière et dépourvus de papiers en règle, afin de "parfaire le
dispositif de contrôle de l'entrée des étrangers depuis la demande de visa (...) jusqu'à
l'arrivée sur le territoire", commente l'exposé des motifs.
Séjour : les conditions d'obtention de titres de séjour se font, elles aussi, plus dures et
rendent plus précaires un certain nombre de situations. Pour les étrangers titulaires d'une
carte temporaire et désirant obtenir une carte de résident (de 10 ans), le délai d'attente
passe de trois à cinq ans et ils devront prouver leur bonne "intégration". Cette condition
sera également exigée des sans-papiers présents en France depuis plus de dix ans,
régularisés par la loi.
Regroupement familial : cette disposition qui permet à un étranger de faire venir sa
famille est restreinte. Ainsi, les étrangers entrant au titre du regroupement familial
n'auront plus droit automatiquement à la carte de résident mais recevront une carte
temporaire avant de pouvoir prétendre, là encore au bout de cinq ans, à la carte de
résident, "sous réserve de l'intégration satisfaisante (...) dans la société française".
Devrait être ainsi pris en compte un "faisceau d'indices" d'intégration comme la
scolarisation, l'apprentissage de la langue, le suivi d'une formation, la participation à la
vie associative ou le suivi d'un contrat d'accueil et d'intégration.
Le bénéfice du regroupement familial pourra dorénavant être refusé aux enfants nés en
France mais repartis au pays sans leurs parents avant l'âge de 12 ans. Cette "pratique qui
tend à se développer" serait à "l'origine de difficultés d'intégration", justifie le texte
ministériel. Pour toute demande de regroupement, l'OMI communiquera au maire le
dossier pour avis. Enfin, en cas de rupture de la vie commune, la préfecture pourra
retirer ou refuser de renouveler la carte de séjour temporaire à l'étranger ayant rejoint
son conjoint.
Mariages : un sort particulier est réservé aux mariages mixtes ouvrant droit à une
régularisation. Pour "renforcer la lutte contre -leur- utilisation frauduleuse", la durée de
vie commune nécessaire à l'étranger marié à un Français sera désormais de deux ans et
non plus d'un an. Les mariages célébrés à l'étranger devront se faire en présence des
deux époux, pour la publication des bancs comme pour la transcription sur les registres
de l'état civil français, afin de permettre un contrôle plus strict des autorités consulaires.
Pour les mariages sur le sol français, le maire pourra demander ses papiers à l'étranger
et surseoir à la célébration pendant un mois en cas de séjour irrégulier. Jusqu'alors, il ne
pouvait s'opposer à la célébration. Durant ce délai, renouvelable une fois, le sanspapiers sera invité à se présenter à la préfecture. Cette dernière pourra saisir le procureur
s'il "existe des indices sérieux" de suspicion de mariage blanc. Une nouvelle infraction
passible de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende est introduite afin
de condamner toute personne qui "organise, contracte ou tente de contracter un
mariage simulé".
Paternité : la même suspicion est organisée contre les "paternités de complaisance".
Tout parent d'enfant français avait jusqu'alors droit à une carte de résident à partir du
moment où il pouvait prouver qu'il exerçait l'autorité parentale, même partiellement, ou
qu'il subvenait aux besoins de l'enfant. Le projet de loi rend les deux obligations
cumulatives "depuis la naissance de l'enfant ou au moins -depuis- deux ans".
Sylvia Zappi
© Le Monde 2003
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
ANNEXE 7
LE SYSTEME D’INFORMATION SUR LES VISAS
(VIS)
Le VIS est un système commun qui permettra l'échange de données concernant les visas
entre les Etats membres. La proposition de la Commission européenne décrivait deux
étapes principales : la saisie et l’actualisation de données relatives aux visas et la
consultation de ces données au lieu et au moment où ces informations sont utiles, par
exemple lors de contrôles aux frontières extérieures ou de contrôles de police opérés à
l’intérieur de l’espace Schengen, par voie électronique. Les empreintes digitales seront
certainement retenues comme outil d’identification biométrique.
Par conséquent, le VIS s’attachera à :
- faciliter la lutte contre la fraude ;
- contribuer à l'amélioration de la coopération consulaire et à l'échange
d'informations entre autorités consulaires centrales ;
- faciliter les contrôles aux postes frontières ou aux bureaux d'immigration ou de
police ;
- contribuer à la prévention du «visa shopping» ;
- faciliter l'application de la Convention de Dublin ;
- fournir une assistance dans le cadre des procédures de renvoi de citoyens de
pays tiers ;
- contribuer à l'amélioration de la gestion de la politique commune des visas et de
la sécurité intérieure ;
- participer au combat contre le terrorisme.
Le développement du VIS se fera sur la base d'une plate-forme technique commune
avec le système d'information de Schengen de deuxième génération (SIS II) que la
Commission européenne est en train de développer. Le système d'information sur les
visas repose sur une architecture centralisée et comprend un système d'information
central, "le système central d'information sur les visas" (CS - VIS), une interface dans
chaque État membre, dite "l'interface nationale" (NI - VIS), qui assure la connexion
avec l'autorité centrale nationale compétente de l'État membre concerné, et
l'infrastructure de communication entre le système central d'information sur les visas et
les interfaces nationales. Les infrastructures nationales sont adaptées et/ou développées
par les États membres.
Le système aurait la capacité de connecter au moins 27 Etats membres,
12 000 utilisateurs VIS et 3 500 postes consulaires du monde entier. L'étude se fonde
sur le postulat que 20 millions de demandes de visa seraient traitées annuellement. La
gendarmerie, dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière, a estimé
opportun d’être reliée au VIS. Une étude réalisée par ses soins a estimé le besoin global
des unités de gendarmerie à 778 appareils de consultation.
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INHES - 16ème SNE – 2004/2005 - GDS n° 4 : « Gestion des flux et création de nouvelles frontières »
A titre indicatif le planning du VIS est le suivant :
- 1er novembre 2004 : début des travaux ;
- 28 février 2005 : fourniture des interfaces ICD (compter deux mois
supplémentaires de validation) ;
- juin 2005 : fin de la phase 1 ;
- septembre 2006 : fin de la phase 2 ;
- juin 2007 : fin du raccordements des systèmes nationaux.
Le démarrage de l’application VIS est prévu fin 2006 ; seules les données
alphanumériques et la photographie seront disponibles. Les données biométriques
(empreintes digitales) devraient être accessibles fin 2007. Le choix de la société retenue
pour conduire le projet, normalement STERIA HP (une plainte a été déposée contre la
procédure d’appel d’offres), conditionnera le respect du calendrier et la définition des
spécifications. Le retard à prévoir est évalué de trois à six mois. Le coût global de mise
en œuvre et de gestion jusqu’en 2013 du VIS est estimé à 153 millions d’euros.