ATD Info 2 - Ligue des droits de l`Homme

Transcription

ATD Info 2 - Ligue des droits de l`Homme
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
ATD Quart Monde constate que la grande pauvreté se traduit de plus en plus par
des cas de discriminations “invisibles” car non reconnues ni condamnables :
langage décomplexé, présomption d'incapacité, etc. Face à ce constat, elle étudie
(en lien avec la Halde) la reconnaissance d'un nouveau critère de discrimination,
lié à la grande pauvreté.
Parce que les droits économiques et sociaux sont indivisibles des droits civils et
politiques, la LDH a souhaité s'associer avec ATD Quart Monde pour poser et ouvrir ce débat (qui pose nombre de questions juridiques, mais pas seulement) auprès d'un plus large public. Et participer à changer les regards et les mentalités...
Théâtre-forum et débat
jeudi 21 AVRIL
20 h 30
à la Maison des associations
de Royan (rue Paul Doumer)
Une soirée proposée
par la Ligue des Droits de l'Homme de Royan
Avec ATD Quart Monde France
Et Arc-en-Ciel Théâtre (Poitou-Charentes)
Royan et Pays royannais
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
ATD saisit la HALDE
L'association ATD Quart Monde étudie avec la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations) la
possibilité et faisabilité d'introduire un nouveau critère de discrimination : la grande pauvreté.
Elle a pu être entendue par le Comité consultatif de la HALDE en septembre 2010, à l'occasion d'une autre
saisine, cette fois de la ville de la Courneuve concernant les discriminations territoriales (liées au territoire
d'appartenance).
Ci dessous le verbatim de l'audition d'ATD, qui permet de comprendre les motivations et les enjeux de cette
démarche.
Paris, 27/09/2010
AUDITION DU MOUVEMENT ATD QUART MONDE PAR LE COMITE
CONSULTATIF DE LA HALDE
Bruno Tardieu (délégué national du mouvement ATD Quart Monde)
Un phénomène profond, ancien et qui n’est pas nommé.
La grande pauvreté a de multiples causes et de multiples formes. Depuis Joseph Wresinski et la définition qu’il a introduite au CES
et à l’ONU en 1987, définition qui rejoint celle d’Amartya Sen, nous savons dire qu’elle est un cumul durable de non accès aux
droits fondamentaux qui entraînent une perte de possibilité de se relever par soi même. Cette définition est reprise dans l’article L.
115-1 du Code de l’action sociale et de la famille, issue de la loi de 1998 contre les exclusions.
Wresinski avait introduit dans les années 1970 une notion très rejetée à l’époque et bien connue aujourd’hui : l’exclusion sociale. Ce
faisant il introduisait le fait que les personnes très démunies vivent non seulement la précarité dans tous les domaines mais aussi
qu’elles sont exclues par les autres. Ainsi de la même manière que le racisme n’est pas seulement le problème des personnes qui le
subissent, la pauvreté n’est pas seulement le problème des pauvres, elle est à la fois cause et conséquence de l’exclusion qui entretient une détérioration des images mutuelles, de l’image que les pauvres ont d’eux-mêmes. Nous sommes pris dans une relation de
bienfaiteur à bénéficiaire où les bénéficiaires deviennent obligés et finissent par être jugés apathiques ou ingrats. Les historiens montrent que cette exclusion sociale des très pauvres est aussi ancienne que l’histoire et que les stéréotypes les concernant sont ancrés
dans nos cultures.
L’apparition de la notion de discrimination, portée haut par la Halde dans notre pays, a permis de qualifier dans la sphère morale et
juridique de tels actes pour plusieurs catégories d’humains subissant également des stéréotypes et des préjugés qui ont des conséquences graves de refus de biens ou de services.
Mais pour les pauvres, il semble que nos sociétés aient du mal à se rendre à l’évidence, tant les préjugés sont ancrés. On parle de
« discrimination indirecte, systémique, invisible ». Plus généralement les mots racismes, xénophobie, sexisme, homophobie
condamnent dans le langage de tous les jours des comportements néfastes. Et la loi les interdit. En ce qui concerne le rejet des personnes démunies, il n’y a pas de mots, nous sommes dans le non-dit ou dans l’euphémisme. Ce non-dit rend le phénomène d’autant
plus humiliant pour les personnes démunies, et non assumé par les autres. Aussi on ne dira pas qu’on les rejette parce qu’ils sont
pauvres mais parce qu’ils sont fainéants, ou sans volonté, ou délinquants, ou maltraitant leurs enfants, ou non coopératifs (voir aussi
l’étude de l’Institut Montaigne). La Grande Bretagne parle de plus en plus de Povertyism en suivant les travaux de la fondation
Rowntree. Mais la France reste muette.
Or la discrimination envers les populations démunies s’est intensifiée depuis une dizaine d’années. On n’hésite plus à les présenter
comme un poids pour la société dont elles profiteraient, les parents étant considérés comme néfastes pour leurs enfants, les jeunes
systématiquement délinquants.
Cette stigmatisation ordinaire bat en brèche :
le droit à l’éducation quand des enfants et des jeunes ne peuvent apprendre, tant l’image qu’on leur renvoie d’eux-mêmes et de leur
milieu leur fait honte, et leur orientation est trop souvent biaisée vers des filières destinées aux enfants handicapés.
le droit au logement quand certains habitants refusent la construction de logements sociaux dans leur quartier et que les pouvoirs
Dossier d’information n°2
publics laissent faire;
le droit au travail quand on refuse d’embaucher quelqu’un à cause du lieu où il habite ;
le droit à la santé quand certains refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU ;
le droit à un soutien du travail social quand celui-ci devient contrôle ;
le respect de la citoyenneté quand la démocratie ignore les difficultés de vie des plus démunis et se construit sans leur apport pourtant essentiel.
Une mobilisation civique et politique d’envergure est devenue nécessaire pour refuser le racisme latent anti-pauvre. Nous avons
estimé que la Halde pouvait être notre alliée dans ce combat.
Deux années d’approches entre ATD Quart Monde et la Halde.
Le 11 Avril 2008, nous rencontrons le président de la Halde et son directeur général. Louis Schweitzer considère notre demande
comme délicate sur le plan juridique, mais reconnait que la position courageuse de la Halde sur la CMU est bien une dénonciation
de discrimination sur le statut social. Il demande à ce que nous lui écrivions après avoir fait un travail dans nos 50 ans d’archives
pour présenter des exemples pour lancer une réflexion plus globale. Il imaginait qu’une étude pourrait alors être confiée au comité
consultatif pour montrer que l’exclusion et la grande pauvreté provoquent des discriminations, pas au sens juridique, mais au sens
usuel du terme.
Après quelques mois de travail, nous saisissons donc la Halde par une lettre à son président le 10 Décembre 2008 présentant un projet d’étude portant sur l’interrelation entre grande pauvreté, stigmatisation et discrimination. Ce projet comportait plusieurs exemples
dont plusieurs issus d’un rapport de 1992 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur la grande pauvreté,
dont le rapporteur était le délégué général d’ATD Quart Monde.
Ce document, ci-joint, comportait aussi une analyse juridique des textes existants, une réflexion sociologique sur la difficulté des
très pauvres et des autres à regarder en face ce phénomène de discrimination, ainsi que des échos d’autres travaux du même ordre
dans d’autres pays. Il citait par exemple le projet de principes directeurs « Extrême pauvreté et droits de l’homme : les droits
des pauvres » (section 2 – chapitre B – Discrimination et stigmatisation) présenté, à l’assemblée générale de l’ONU, le 21 août
2006 (ref : A/HRC/Sub.1/58/L.16) : « La discrimination affectant les personnes vivant dans l’extrême pauvreté doit être sanctionnée
en tant que violation des droits de l’homme. Ainsi, la stigmatisation des pauvres et de leurs associations, groupements, quartiers ou
lieux d’habitation et leur qualification comme personnes sans droits, dangereux, violents et autres caractéristiques négatives doivent être considérées comme des formes de discrimination. La discrimination des pauvres fondée sur leur image, leur habillement,
leur aspect physique ou tout autre motif ayant un lien avec leur situation d’extrême pauvreté constitue une violation des droits de
l’homme. L’État, les organismes internationaux et les autres acteurs concernés ont l’obligation de critiquer et combattre la stigmatisation des pauvres et de promouvoir une image équilibrée et juste des personnes qui se trouvent en situation d’extrême pauvreté.»
La lettre proposait à la Halde de faire une étude comportant
1) Une analyse des situations rapportées à travers les nombreux écrits de l’association dans les domaines de
l’accès au logement, l’éducation des enfants, du vivre ensemble, de la formation professionnelle des jeunes et
de l’accès à l’emploi.
2) L’élaboration d’une démarche permettant l’observation et l’analyse croisée des discriminations subies. La
démarche de croisement des pratiques et des savoirs serait élaborée avec les personnes et les institutions
concernées.
Le 10 février 2009, lors d’une rencontre avec monsieur Marc Dubourdieu, directeur général de la Halde, et des membres de son
équipe, la question est posée à nouveau de la pertinence d’introduire la notion de discrimination pour cause de pauvreté. Les critères
existants dans le Code pénal devraient suffire. Un accord est trouvé non pas pour une étude approfondie en croisant des perspectives
comme nous le suggérions, mais pour une pré-étude aux frais d’ATD Quart Monde pour amener des situations de discrimination non
couvertes par les critères existants, des situations étayées, actuelles pour lesquelles les personnes étaient prêtes à témoigner.
Nous nous sommes donc mis au travail.
Ce fut difficile, et cela a demandé un très grand courage aux personnes concernées. Trois personnes sont décédées entre temps, monsieur Didier Loiseau vivant dans un quartier délaissé de Bretagne, madame Danielle Montoni et son frère Philippe Malys, dont la
mise à l’écart d’une commune, le rejet et le cumul de discriminations a fait qu’ils se sont laissés mourir.
Mesdames Lanciaux et Garsmeur ici présentes ont vécu deux de ces situations. Une en tant que victime directe, l’autre en tant qu’assistante sociale, assistant impuissante à une discrimination.
La Halde peut lancer un message fort à notre société en condamnant la discrimination envers les pauvres.
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
Les textes existent déjà sur la discrimination pour origine sociale.
Au cours de ces deux années et demie, nous avons aussi beaucoup consulté. Il nous apparait que l’absence d’un critère de discrimination pour origine sociale dans le Code pénal ne devrait pas arrêter la Halde dans son intérêt pour cette problématique.
Le droit positif existe. Le Pacte international sur les droits civils et politiques ratifié par la France, interdit dans son article 26 les
discriminations fondées sur les situations de fortune. Le Pacte international sur les droits économiques sociaux et culturels interdit
également cette discrimination dans la jouissance de ces droits. L’article 14 de la CEDH contient une liste de motifs prohibés de
discrimination parmi lesquelles « l’origine sociale », « la fortune ou toute autre situation » Beaucoup demandent la ratification du
protocole additionnel 12 pour rendre l’application de cet article plus facile en France.
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant également ratifiée par la France comporte les mêmes éléments. Le 12
Juin 2009, le Comité international des droits de l’enfant dans ses observations faites à la France concernant son respect de cette
convention (observation 28 à 33, 80 et 81) salue la création de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour
l'égalité) mais exprime « sa préoccupation face à la stigmatisation, notamment dans les médias ou à l’école, de certains groupes
d’enfants, en particulier les enfants vulnérables et les enfants vivant dans la pauvreté. » « Il recommande à l’Etat de prendre des
mesures pour remédier à l’intolérance et à la stigmatisation dont sont victimes les enfants, en particulier les adolescents, au sein de
la société, notamment dans les médias et à l’école… »
A l’occasion du 20ème anniversaire de cette convention nous avons remis un mémoire au Président de la République étayant ces remarques du Comité et lui demandant de soutenir la lutte contre la discrimination envers
les enfants et les jeunes défavorisés. Nous avons à notre tour demandé que la France ratifie le protocole additionnel 12 de la CEDH.
La Halde a déjà agi sur ce terrain.
En prenant des positions courageuses sur le refus de soins aux bénéficiaires de la CMU, la Halde a montré
qu’elle pouvait utiliser des textes au-delà de la liste des critères du Code pénal.
La Couverture Maladie Universelle a été une grande victoire pour notre pays, et un exemple dans le monde.
ATD Quart Monde a beaucoup œuvré pour cette victoire. Les retours en arrière dus aux égoïsmes et au rejet
ordinaire des pauvres sont inacceptables.
Tout comme sont inacceptables les constructions de logements sociaux qui sont stoppés par ce même rejet ordinaire, les refus d’embauche, les soutiens sociaux qui se transforment en contrôles, la prolifération impunie
de ce qu’on appelle du « mobilier anti-SDF », et les orientations excessives de l’Education nationale d’enfants
défavorisés vers les circuits du handicap, par exemple les orientations en SEGPA sont accompagnés de dossiers de la CDAPH , Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, ce que les parents ne
savent même pas.
L’action de la Halde concernant la CMU a été nécessaire puisque qu’elle a amené à la prise de conscience récente du législateur quant à l’inadaptation de la législation française pour lutter contre ces discriminations. En
témoigne la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et
aux territoires, à propos de l'accès aux soins des bénéficiaires de la CMU. Le législateur vient d'ajouter à la
liste des discriminations illicites pour le refus de soins la prise en considération du statut d'assuré social, c’est
le nouvel article L. 1110-3 du code de la santé publique : « Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l'un des motifs visés au premier alinéa de l'article 225-1 duCode pénal ou au motif
qu'elle est bénéficiaire de la protection complémentaire ou du droit à l'aide prévus aux articles L. 861-1 et L.
863-1 du Code de la Sécurité sociale, ou du droit à l'aide prévue à l'article L. 251-1 du Code de l'action sociale et des familles)
La discrimination pour origine sociale n’est pas impossible à sanctionner par des juridictions.
C’est ce que montrent les travaux du professeur Diane Roman sur la jurisprudence québécoise relative aux refus de louer des logements aux prestataires de l’aide sociale, refus motivés par l’insolvabilité présumée des candidats locataires. La jurisprudence a
conduit à considérer que toute discrimination fondée sur le statut de bénéficiaire de l’aide sociale, sans vérification élémentaire de la
solvabilité réelle de la personne, constitue non seulement une violation de la Charte des droits et libertés de la personne, mais également une violation du droit au logement.
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La Halde sera entendue.
Ainsi nous apprécions que vous nous receviez dans le cadre d’un groupe de travail qui doit travailler aussi sur la discrimination à
l’adresse. Mais nous considérons que l’adresse n’est qu’un aspect de la question, une manière de ne pas nommer le véritable problème. Nous vous demandons de conseiller à la Halde de condamner la discrimination pour origine de pauvreté, et nous sommes prêts à
continuer les travaux avec vous pour encadrer cette notion, en listant les aspects visibles de la pauvreté qu’il serait interdit d’utiliser
pour refuser un bien ou un service (adresse, être bénéficiaire de l’aide sociale, avoir été dans une institution de l’aide à l’enfance,
avoir un nom de famille connu des services sociaux, les prénoms qui gênent l’embauche etc…). Cette affirmation permettrait aux
plus démunis d’oser relever la tête, de retrouver l’honneur et aux autres de savoir que des actes qui semblent banals sont extrêmement graves car ils contribuent à faire durer la misère et à faire croire que la misère est une fatalité.
Nos concitoyens sont de plus en plus réceptifs à la discrimination, prêts à la refuser, notamment grâce aux initiatives et au travail de
la HALDE pour en démonter les mécanismes quotidiens. Les jeunes qui se préparent dans toute l’Europe à marquer la journée
mondiale du refus de la misère s’affirment prêts à refuser l'apartheid social dû à la pauvreté. La lutte contre la discrimination est un
progrès de notre démocratie qui doit s'enraciner avec les plus pauvres pour réellement entraîner tout le monde. Une délibération de la
part de la Halde pour le 17 octobre serait un signe fort.
Notre société a tendance à vénérer les plus forts, les plus performants, à faire honte aux plus fragiles, à éliminer le maillon faible. La
Halde peut jouer un rôle important : affirmer le refus de la discrimination envers les plus faibles serait un pas important pour notre
civilisation.
Nous allons maintenant vous présenter les situations que nous avons rassemblées.
Véronique Davienne (Déléguée nationale adjointe du mouvement ATD Quart Monde)
1 - Un groupe familial composé d'une femme de 59 ans, Danielle et de son fils adulte, Johnny, 37 ans, du frère de Danielle, Philippe
57 ans et de sa compagne, Denise, 55 ans : 4 personnes adultes, très démunies, dont certaines ne savent ni lire ni écrire, qui vivent
dans un logement de fortune depuis longtemps, sur un terrain qu'elles possèdent en indivision avec leur tante, le terrain étant dans
la famille depuis 4 générations.
Ce terrain,bien situé dans la ville, est convoité par un promoteur qui veut le racheter à la famille pour y construire du logement.
Nous serons au courant de tout ce qui suit car un comité de citoyen se mobilise autour de cette famille pour la soutenir.
Une promesse de vente est signée avec une clause selon laquelle la vente ne pourra être effective qu'à condition que les membres de
cette famille soient au préalable relogés. La mairie propose une maison inhabitée située sur une île et à laquelle on n'accède qu'en
barque. Cette proposition choque profondément la famille qui ne se sent pas respectée.
Pendant un an, la famille n'entend parler de rien. Approche l'échéance de la promesse de vente, des propositions sont faites qui ne
correspondent pas aux besoins ni aux moyens de la famille : en étage sans ascenseur, loyer trop élevé.
Après bien des péripéties, il est convenu que la famille pourra disposer d'appartements à loyers abordables dans le futur immeuble,
mais il faut une solution transitoire.
Celle-ci est trouvée par le promoteur : il s'agit de trois caravanes installées sur le haut de la ville, à la lisière de la forêt, à 3 km du
centre ville. Aucun des membres de la famille n'a de voiture ni même ne conduit.
Trois d'entre eux sont de santé fragile : Philippe a été greffé d'un rein et a besoin de soins réguliers, Denise a un glaucome, Danielle
globalement de santé fragile, souffre d'arthrite. Un médecin fera un courrier attestant que les conditions d'installation de la famille
sont incompatibles avec la santé de Philippe.
Aucune visite du site n'est organisée avec la famille qui ira voir toute seule le lieu de sa future installation.
Au moment de la signature de la vente, le notaire refuse que Danielle soit accompagnée alors que c'est son droit.
L'engagement de relogement a bien été écrit dans l'acte notarié, mais au bout de 6 mois le notaire refusait toujours de transmettre une
copie de l’acte de vente aux membres de la famille. Il a fallu le courrier d’un avocat pour obtenir finalement transmission de ce document : en moins d’une semaine.
Les ouvriers sont déjà sur le terrain et, dès l'appel téléphonique de chez le notaire, ils se mettent à mûrer la cabane comme s'il s'agissait d'une expulsion alors qu'il s'agit d'une vente, sans que la famille ait eu le temps de récupérer toutes ses affaires ; ses animaux
domestiques resteront encore un temps sur le terrain car rien n'a été prévu pour leur transfert.
Les 4 personnes s'installent donc dans ce lieu éloigné de tout où elles découvrent, contrairement aux engagements par oral du promoteur :
que les gravats du terrain n'ont pas été retirés
que les gazinières des caravanes ne fonctionnent pas
que deux chauffages sur trois ne fonctionnent pas
que l'électricté est le seul équipement installé mais avec des fils qui traînent par terre
qu'il n'y a pas d'installation de sanitaires
qu'il n'y a pas d'eau : ni citerne, ni eau courante.
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
C'est un article dans la presse informée par le comité qui décidera le promoteur à faire un minimum d'installation.
Comment ne pas se sentir méprisé ? Le promoteur aurait-il fait de même avec un autre propriétaire d'un terrain qu'il convoitait ?
Au plan de la situation sociale, le comité découvre progressivement que les services sociaux ont laissé cette famille dans un abandon
total au regard même de ses droits. C'est lui, le comité, qui a entamé, poursuivi et fait aboutir des démarches qui n'étaient pas faites
et qui étaient du ressort des services sociaux. Ainsi :
Johnny, qui était sans ressources, a pu devenir allocataire du RMI. Danielle percevait le RMI mais grâce à une demande qui datait
seulement de la promesse de vente : pour la rendre solvable dans la perspective de son relogement ? Avant, ça ne valait pas la peine ?
Pareillement, Philippe a pu renouveler sa pension d'invalidité.
Denise qui avait pourtant fait une démarche elle-même pour obtenir des ressources s'était entendu répondre qu'elle n'avait droit à rien
du fait de la pension d'invalidité de Philippe. Démarche faite par le comité : elle a obtenu l'AAH (allocation adulte handicapé).
Tous ont pu obtenir leur droit à la CMU dont aucun ne bénéficait jusqu'alors, y compris Philippe malgré ses problèmes graves de
santé et son hospitalisation pour greffe d'un rein, de telle sorte qu'une procédure de saisie-arrêt était lancée sur sa pension d'invalidité
pour le forfait hospitalier.
Ces personnes avaient donc des droits avérés mais non effectifs, faute des démarches faites par les professionnels qui en ont la charge.
Comment comprendre de pareilles négligences professionnelles autrement que par les préjugés qui permettent de s'autoriser à traiter
différemment les gens lorsqu'ils sont pauvres ? Par exemple, la personne du CCAS en charge du RMI a refusé de monter voir cette
famille, bien connue des services sociaux pourtant comme étant très démunie, en disant que « ça sentait mauvais dans la caravane ».
Si nous récapitulons cette histoire douloureuse et scandaleuse, plusieurs acteurs sont concernés (et je n'ai pas tout raconté !)
le promoteur, personne privée, qui reloge finalement la famille dans des conditions totalement indignes qui ne respectent ni ses désirs ni ses besoins.
le notaire qui, voyant la fragilité de cette famille, aurait dû la conseiller et la soutenir davantage, lui transmettre rapidement les actes
la concernant, accepter que Danielle soit accompagnée, ce qui était son droit.
le service social de l'hôpital qui ne fait pas le nécessaire pour que Philippe bénéficie de la CMU
le service social de la mairie qui laisse cette famille à l'abandon alors que tout une série de démarches qui lui assureraient des sécurités matérielles sont de son ressort
De négligences en abandons, cette famille, tout du long, n'aura pas été traitée comme elle l'aurait été si elle avait été moins pauvre,
elle se serait d'ailleurs sans doute plus défendue. Pour compléter cette histoire de discriminations successives et cumulées, il faut
ajouter que, dans cette situation, l'état physique et moral des membres de cette famille s'est détérioré à vive allure, les infirmières qui
montaient régulièrement faire des soins en témoignent. Ils vivent avec révolte ce sentiment d'abandon : natifs de la commune, ils se
croyaient citoyens comme les autres et ils découvrent que ce n'est pas vrai. Danielle et Philippe en sont morts, à quelques semaines
d'écart. Denise est hospitalisée, devenue dépendante.
2 – Une rue composée de 9 pavillons en location a été construite il y a 2 ans sur une ancienne décharge publique.
Sont logées là plusieurs personnes qui viennent d'une cité d'urgence de l'abbé Pierre vouée à démolition et qui a été mûrée au fur et à
mesure des relogements. D'autres habitants ont vécu à la rue, ont leurs enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, vivent des minima
sociaux, sont soutenus par une association pour leur accès au logement... Il s'agit donc dans toute la rue d'habitants très modestes.
Les pavillons comportent des malfaçons, ce qui est courant dans les maisons neuves, mais dans cette rue, les réparations traînent ou
même ne sont pas faites malgré les réclamations des locataires à leur bailleur.
En outre, il semble que la construction soit de conception et de qualité médiocres et trop vite faite : ainsi, les terrasses qui servent de
toit fuient et donnent de l'humidité et des moisissures dans les logements.
Un monsieur explique qu'il n'a pas eu de chauffage pendant deux hivers. Une autre locataire confirme qu'elle n'avait pas de chauffage en arrivant et que son bébé en est tombé malade. Une autre a été sans chauffage en décembre et janvier. L'une est restée sans eau
chaude pendant une semaine.
Les habitants ont l'impression d'être logés dans des logements pas terminés et que le bailleur ne se dépêche pas de finir.
Les abords extérieurs pareillement ne respectent pas les habitants :
le début de la rue n'est pas goudronné (depuis 2 ans !)
il n'y a pas d'éclairage public (une infirmière qui vient tous les jours soigner une habitante est tombée dans le noir)
il n'y a pas vraiment de trottoir, seulement des poteaux de bois qui délimitent un passage devant les maisons et qui sont dangereux
dans le noir
le square voisin n'est pas entretenu.
Les abords des maisons non plus.
Pourtant le quartier mitoyen, plus récent, lui, bénéficie de l'éclairage public. Ainsi que le stade juste à côté.
Les habitants ne peuvent pas s'empêcher de penser qu'on considère qu'ils ne valent pas la peine des mêmes attentions que les autres.
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Ils sont logés, c'est déjà ça ! Il semble ne pas y avoir les mêmes exigences de rigueur professionnelle que pour d'autres.
3 – Concernant l'école
Les enfants pauvres à l'école sont victime couramment de petites discriminations, insidieuses mais répétitives qui les bloquent dans
leur envie d'apprendre.
Mathieu (10 ans), dont la famille habite un quartier mal réputé, se fait appeler M. Cafard par son maître parce que des cafards seraient sortis de son cartable. A deux reprises le maître va vider le cartable et le balancer dans le couloir ou même dehors.
Il reçoit aussi par son maître et par l'infirmière la réflexion qu'il faudrait que ses habits soient lavés parce qu'il sent mauvais : la maman estime que c'est à elle que ces réflexions devraient être faites et non à son fils et que ces personnes de l'école ne se permettraient
pas une telle liberté avec des enfants d'autres milieux. Les habits sont lavés mais sèchent mal et donc « sentent ».
Johnny, mal perçu à l'école car issu d'une famille pauvre, est rejeté et sa réputation est faite : lorsqu'il apporte un gâteau de pâtissier
à partager à l'école, seuls 3 enfants acceptent d'en prendre, les autres n'ont pas faim, et plus terrible, la même scène de refus se produit dans la salle des professeurs : les enseignants ne veulent pas y goûter lorsqu'ils savent que ce gâteau a été apporté par Johnny.
Une maman propose régulièrement d'accompagner les sorties scolaires de son enfant, mais sa proposition est à chaque fois déclinée
et elle constate que ce sont toujours les mêmes mamans, des dames « bien », qui s'entendent bien avec la maîtresse, qui accompagnent la sortie.
4 – Mme Gaëtane L. a vécu en foyers depuis l'âge de 15 ans puis au début de son mariage. Avec sa famille, elle vit un parcours d'errance pour se loger : foyers, logement insalubres, propriétaires indélicats qui ne tiennent pas leurs promesses. A plusieurs reprises,
les loyers sont payés mais le bail n'est que verbal, ainsi va s'accrocher à elle une étiquette de squatteuse. Les seules propositions des
partenaires de la famille (mairie, travailleurs sociaux) sont que la famille aille en centre d'hébergement, ils ne la croient pas capables
d'habiter d'emblée un logement autonome : c'est la présomption d'incapacité. Comme la famille refuse cette solution qu'elle a déjà
connue à maintes reprises, elle se fait reprocher son manque de collaboration. Et personne ne la soutient dans sa recherche de logement.
A 3 reprises, elle va trouver un logement libre et un propriétaire d'accord pour signer un bail. Deux fois, après qu'ils en aient averti la
personne chargée de les accompagner dans leurs démarches de logement, les propriétaires se rétractent.
La 3è fois, la famille décide de ne pas en parler à leur accompagnatrice et la signature du bail ira jusqu'au bout.
Gaëtane L. (militante du mouvement ATD Quart Monde)
J'ai essayé de rencontrer le maire à deux reprises sans succès. La première fois je venais lui demander des conseils pour obtenir l'assistance des services sociaux, mais il m'a dit qu'il ne pouvait rien faire. La 2ème fois, je suis venue le jour de la permanence pour le
voir mais il a à nouveau refusé de me recevoir. Il m'a même menacée d'envoyer les services sociaux si je continuais à venir réclamer.
J'ai déjà des enfants placés, je ne veux pas que l'on me prenne mon dernier.
Après, j’ai fait connaissance d’ATD Quart Monde. Et ensuite je suis retournée voir le Maire accompagnée par une personne d'ATD
Quart Monde, d’un autre milieu, et là comme par hasard, j'ai été très bien reçue. Comme quoi, il y a un truc !
La dame du CAL-PACT chargée de nous aider à trouver un logement a fait échouer à deux reprises une possible signature de bail.
La 3ème fois je ne lui ai rien dit et la signature du bail s'est faite sans problème. Le propriétaire nous a dit plus tard que heureusement qu'il n'avait pas eu au téléphone avant la dame du CAL-PACT, sinon il n'aurait jamais accepté de nous louer. Elle lui a dit plus
tard qu'on n’était pas capables de tenir un logement, qu'on allait le rendre indécent.
Véronique Davienne (Déléguée nationale adjointe du mouvement ATD Quart Monde)
5 – Un presbytère de 150 m2 est à louer. Le comité économique paroissial (CEP) cherche un locataire.
Lui est présentée la candidature d'une famille : une femme et 7 enfants qui vivent dans un logement reconnu insalubre, de 4 pièces.
Le logement est visité, le dossier est rempli avec toutes les pièces, le CEP est d'accord.
La dame pose son préavis dans son ancien logement.
Les derniers papiers sont envoyés, le président du CEP en accuse réception.
15 jours plus tard, le CEP revient sur son accord : il ne veut plus louer à cette famille « qui présente un risque d'insolvabilité élevé ».
Nous voyons là une décision discriminatoire :
le montant de l'APL auquel aura droit la famille dépasse le montant du loyer, il sera versé directement au propriétaire comme l'est
toujours l'APL
la famille bénéficie en outre d'une garantie de loyer par le Fonds de solidarité logement.
Il s'agit donc d'une insolvabilité présumée à cause de la pauvreté de la famille, mais non vérifiée et en l'occurrence fausse.
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
Finalement la famille a eu quand même la location parce que le président d’Habitat et Humanisme, Bernard Devert, a donné sa caution d’Habitat et Humanisme, ce qui n’est pas dans leur pratique.
Huguette Garsmeur (assistante sociale )
Ce qui est terrible c'est que tout semble avoir basculé parce que la personne du Conseil Economique Paroissial a vu Mme D. (lors de
la visite de l'ancien presbytère). Cette femme seule et ses 7 enfants portent sur eux tous les signes visibles d'une vie de grande pauvreté. Les enfants sont bien éduqués, ont tous été scolarisés mais c'est vrai qu'ils sont très "libres".
Mais ce qui est encore plus terrible, c'est qu'aujourd'hui ils doivent à nouveau déménager.
Le problème ne vient pas du loyer car il est toujours payé (ce n'est pas étonnant puisque le montant des APL seul suffisait à payer le
loyer et qu'il est versé directement au propriétaire) mais des charges qui sont bien trop élevées. Comme c'est un ancien presbytère,
les plafonds sont hauts et il est très difficile de chauffer le logement efficacement. Au départ, la pose de faux plafonds et la recherche d'un financement pour ces travaux étaient prévues mais quand le comité économique paroissial est revenu sur sa décision de
louer à Mme D. toutes ces démarches ont été arrêtées et n'ont malheureusement jamais été reprises.
Aujourd'hui, c'est Mme D et ses enfants qui subissent les conséquences de cette situation car le coût des charges ne permet plus à la
famille de gérer son budget. Un nouveau déménagement est au programme.
Dans la délégation ATD Quart Monde auditionnée par le comité consultatif de la Halde étaient également présents Abraham
Hamzawi, juge au tribual administratif, qui a rédigé le premier dossier d’ATD Quart Monde, et Célia Clément-Demange,
juriste, qui a rédigé le deuxième dossier.
Dossier d’information n°2
Revue de presse
“ La pauvreté, une discrimination comme les autres “
Communiqué de presse ATD, du 10 décembre 2008
Atd Quart Monde saisit la Halde
En ce jour du 60ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, ATD Quart Monde souhaite rappeler à tous que la misère aujourd'hui entraîne la violation de nombre de ces droits fondamentaux pour ceux qui en sont
victimes.
À la demande de Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations, ATD Quart
Monde saisit aujourd'hui la HALDE afin de chercher les discriminations auxquelles sont soumis les plus pauvres dans
notre société.
De fait, si l'opinion publique est consciente qu'être pauvre en France aujourd'hui ne permet souvent pas d'accéder à un
logement ou à des soins, on ne réalise pas forcément que l'état de pauvreté conduit à la mise à l'écart des individus concernés. Nous constatons tous les jours que les injustices et stigmatisations subies par les familles très pauvres vont bien
au-delà des difficultés économiques.
Les familles très pauvres sont, a priori, l'objet de tous les soupçons. De mauvais traitements, tout d'abord. C'est ainsi que
leur comportement avec leurs enfants est examiné à la loupe, ce qui aboutit à des placements plus fréquemment que dans
d'autres milieux.
D'un comportement asocial. C'est ainsi qu'on voit tel bailleur refuser un logement au motif que, compte tenu de l'origine
de la famille, elle pourrait constituer une gêne pour le voisinage.
Les exemples sont nombreux. Nous espérons par cette saisine que la HALDE pourra mettre au jour ces discriminations
afin de tenter d'y trouver ensemble des solutions.
« Le discours anti-pauvres se banalise »
Entretien avec Pierre Saglio, président d’ATD-Quart Monde. 15 octobre 2009.
Extrait du site du magazine Alternatives Economiques
Cette journée mondiale du refus de la misère s’inscrit dans un contexte de grave crise économique. Comment
voyez-vous la situation des plus démunis ?
Vu du côté des plus pauvres, hélas, on aurait presque envie de dire « la crise, elle ne date pas d’hier », la pauvreté, son
cortège de privations, de souffrances et d’humiliations, on la connaît malheureusement depuis longtemps. L’appel aux
défenseurs des droits de l’homme de Joseph Wresinski, c’est octobre 1987... Maintenant, nous constatons une stigmatisation de plus en plus forte des plus pauvres, de plus en plus de discriminations et un climat de suspicion généralisée qui
s’installe. Le discours anti-pauvre s’est banalisé. Il est d’autant plus nécessaire de s’unir pour exprimer notre refus de la
misère.
Quels sont les signes de ce discours ?
Prenons le domaine de l’enfance. Cette année, on célèbre les 20 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant. Le comité des droits de l’enfant - qui dépend des Nations Unies - a remis en juillet un texte d’observations au gouvernement français qui s’est empressé de le passer sous silence... Ce texte souligne par exemple sa préoccupation devant
la stigmatisation de certains groupes d’enfants, notamment à l’école, dans les médias ou par la police et demande à l’Etat
d’y mettre fin. De même, il demande que la politique de protection de l’enfance veille à renforcer les liens des enfants
avec leurs parents et s’inquiète du projet de loi de réforme de l’adoption : que va en faire le gouvernement ? De son côté,
l’école devient de plus en plus sélective, elle ne remplit plus son rôle vis-à-vis des plus pauvres. Prenons l’exemple de
l’assouplissement de la carte scolaire ou la suppression des Réseaux d’aides spécialisées aux enfants en difficulté
(Rased) ; c’est une véritable catastrophe. Les familles démunies nous disent : « nous on ne veut pas que nos enfants restent entre eux ». Vous croyez qu’ils vont inscrire leurs enfants dans les établissements les plus cotés ? Que cherche-ton ? Mettre tous ces gamins dont on ne veut pas dans un coin, à part ?...
Ce n’est pas valable uniquement pour les enfants
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
Non bien sûr. Tout le monde sait que la densité de la pauvreté augmente, ce qui veut dire que les plus pauvres ont de
plus en plus de mal à vivre et que l’écart avec le reste de la population se creuse. Nous devons être nombreux à rappeler
que nous voulons mesurer les progrès de notre société aux progrès des plus fragiles. Or, aujourd’hui, le gouvernement le
refuse et n’a d’autre ambition que de les protéger à minima. Prenons l’exemple du revenu de solidarité active (RSA). Le
passage du Rmi au RSA s’est très bien passé administrativement parlant, c’est vrai. En revanche, les plus démunis n’ont
pas gagné un centime de revenu de plus. En outre, dans certains départements, on demande aux travailleurs sociaux de
concentrer leurs efforts d’accompagnement sur ceux qui peuvent rejoindre l’emploi, les autres...
L’une des préoccupations majeures des plus démunis, reste le logement. Où en est-on dans ce domaine ?
Contrairement à ce que peuvent dire d’autres associations, mon sentiment c’est que le Droit au logement opposable est
une avancée. On a franchi une première étape. On peut faire émerger des dossiers vraiment prioritaires. C’est bien ! Bien
sûr, maintenant il faut s’attaquer au plus dur, à l’offre de logement pour que chacun ait un toit, un chez soi, adapté à ses
besoins et ses moyens. Le comité des droits de l’enfant dénonce d’ailleurs le manque d’ambition politique du gouvernement pour mettre en œuvre le DALO. Pourtant, il y a urgence : un million de personnes vivent hébergées chez un tiers...
Des familles sont chassées de partout, vivent d’hôtel en hôtel, et ça entraîne des dépenses faramineuses pour des situations de vie inacceptables. Au passage, je m’interroge aujourd’hui sur les opérations de démolition-reconstruction : on
ne sait pas vraiment si l’on reconstruit autant de logements pour les plus démunis et ces opérations traînent en longueur.
Des familles entières vivent dans des cités murées totalement à l’abandon. C’est indigne.
Propos recueillis par Louis Maurin. Extrait du site du magazine Alternatives Economiques.
Le dernier rapport de Versini
Lettre d'information du réseau enfance et éducation (15/11/2010)
La Défenseure des enfants Dominique Versini a rendu son dernier rapport, sa fonction étant prochainement engloutie
dans une seule référence à la défense des droits. Elle s'inquiète de la pauvreté des enfants, s'alarmant notamment des
conséquences sur leur santé, leur parcours scolaire ou leurs mauvaises conditions de logement. "Il y a huit millions de
personnes pauvres dont deux millions d'enfants" qui vivent avec moins de 950 euros par mois, selon les chiffres de l'Insee, rappelle Dominique Versini dans un entretien avec l'AFP.
Selon son rapport, "les enfants pauvres subissent des inégalités croissantes dans l'accès aux soins ce qui tend à créer une
médecine à deux vitesses". La Défenseure y note par exemple une "insuffisante mobilisation au niveau de la périnatalité,
alors qu'il y a une sur-vulnérabilité des familles" à ce moment-là. De plus, explique le rapport, à défaut de se rendre chez
des médecins de villes qui n'acceptent pas tous les patients sous couverture médicale universelle (CMU), "les enfants
fréquentent de plus en plus les urgences hospitalières, ce qui crée une discontinuité dans leurs parcours de soins". L'une
des conséquences est "le risque de surpoids chez les enfants et les adolescents en situation de précarité (qui) est multiplié
par trois".
Par ailleurs, 17% des enfants touchés par le saturnisme (qui se transmet via l'ingestion de peinture au plomb) vivent dans
une famille bénéficiant de la CMU, relève aussi le rapport.
Mme Versini souligne aussi le manque de logements sociaux, déplorant une "absence de volonté politique" de faire appliquer la loi qui oblige les communes de plus de 5.000 habitants à avoir 20 % de logements sociaux. Ce déficit de logements sociaux "bloque les familles dans les centres d'hébergement d'urgence et de réinsertion sociale (CHRS), voire
dans des petits hôtels avec des durées de séjour longues (de 18 mois à 2 ou 3 ans)". Cette situation "a une incidence indiscutable sur le parcours scolaire des enfants" qui ne peuvent se consacrer à leur scolarité avec le minimum requis de
sérénité.
Dominique Versini propose donc notamment un "plan santé enfant et adolescent", une meilleure application de la loi
SRU obligeant la construction de logements sociaux, la création de modes de garde "adaptés" à tous les horaires et revenus, et prône la réduction du nombre de placements d'enfants en institution pour cause de précarité.
Dossier d’information n°2
La pauvreté aujourd'hui
7,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté soit 13 % de la population française
(le taux est deux fois plus élevé dans les zones urbaines sensibles).
Le seuil de pauvreté = 949 euros par mois
Définition = 60% du niveau de vie médian de la population (norme européenne)
Sur ces 7,8 millions, la moitié a un niveau de vie inférieur à 773 euros mensuels
(ces chiffres valent pour 2008 ; pas de plus récent)
6 % de la population française ne disposent pas de complémentaire de santé, le plus souvent
des travailleurs « trop pauvres » pour payer une mutuelle mais « pas assez » pour bénéficier de
la couverture maladie universelle complémentaire.
Un tiers des personnes percevant le RMI ont renoncé à un soin dans l’année pour raison financière (source : enquête DIRES oct 07)
En 2002, l’Europe s’était fixée pour objectif d’éradiquer la pauvreté en 2010 ! Il est loin
d’être atteint, puisque 16 % des européens vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté.
Le nombre de “travailleurs pauvres” est passé de 1,7 million en 2005 à 1,9 millions en 2007,
soit 6,7% du total des salariés (source : Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion
sociale, rapport 2009/2010)
Fin 2008, 3,3 millions de personnes sont allocataires de l’un des dix minima sociaux
(Drees 0510)
Le RSA (revenu de solidarité active) au 1er janvier 2011 :
466,99 euros pour une personne seule sans enfant
700,49 euros pour un couple sans enfant ou une personne seule avec un enfant.
L’illettrisme concerne 3,1 millions d'adultes en France. Dans les zones urbaines sensibles, le
taux d'illettrisme est de 18 %, soit le double de la moyenne nationale selon l'Agence nationale
de lutte contre l'illettrisme.
… Sur le territoire de la communauté d'agglomération de Royan Atlantique, 22 % des personnes sont en situation de précarité, c'est-à-dire 16 000 habitants sur 75 000 (source : Sud
Ouest, propos de Jean-Pierre Tallieu, président de la communauté d'agglomération)
Grande pauvreté : discrimination ou injustice ?
Les 18 cas de discrimination pénalement poursuivis
Une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi, dans un domaine visé par la loi, comme
l’emploi, le logement, l’éducation, etc.
18 critères de discriminations sont prohibés par la loi :
âge, sexe, origine, situation de famille, orientation sexuelle, mœurs, caractéristiques génétiques, appartenance vraie ou
supposée, à une ethnie, une nation, une race, apparence physique, handicap, état de santé, état de grossesse, patronyme, opinions politiques, convictions religieuses, activités syndicales.
« Une inégalité ou un critère de sélection, de rémunération, de mutation qui n’est pas prohibé par la loi, crée une situation
certes injuste mais qui ne peut pas être traitée dans le cadre du régime juridique des discriminations. Ce sont d’autres règles
de droit qu’il faut alors mobiliser comme le droit du licenciement, le droit disciplinaire, le droit administratif. Ainsi des situations de favoritisme individuel, de différence de droit liée au statut, de mésentente ou encore d’exigence abusive ne sont
pas visées par le droit des discriminations lorsqu’elles ne sont pas fondées sur un critère prohibé par la loi dans un domaine visé par la loi. »
POUR ALLER + LOIN
Vient de sortir...
"Le Principal, il nous aime pas". L’École à l’épreuve de la mixité sociale, par Régis Felix (Chronique sociale, Ed.
Quart-Monde, 2011)
Contacts...
Ligue des Droits de l’Homme (LDH) – Section de Royan et du pays Royannais
Maison des associations – 61 bis rue Paul Doumer 17200 Royan
Courriel. [email protected]
Site internet : http://www.ldh-france.org/section/royan/
Blog : http://ldhroyan.over-blog.com/
Réunions mensuelles et permanences
le 1er lundi de chaque mois, à 18 h 30 à la maison des associations, 61 bis rue Paul Doumer, Royan
ATD QUART MONDE (national)
33 rue Bergère, 75009 Paris
http://www.atd-quartmonde.fr/
Sites internet...
HALDE
http://www.halde.fr/
Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale
http://www.onpes.gouv.fr/
L'observatoire des inégalités
http://www.inegalites.fr/