LEÇON N˚ 20 : Racines n-ièmes d`un nombre
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LEÇON N˚ 20 : Racines n-ièmes d`un nombre
LEÇON N˚ 20 : Racines n-ièmes d’un nombre complexe. Interprétation géométrique. Applications. Pré-requis : – Représentation d’un nombre complexe dans le plan R2 muni d’un repère orthonormé direct ; – Formes trigonométrique et exponentielle d’un nombre complexe, en particulier : r = r′ iθ ′ iθ′ re = r e ⇔ θ ≡ θ′ [2π] ; – Groupe cyclique, similitude directe et son écriture complexe. Dans toute la leçon, et sauf mention contraire, n désigne un entier naturel non nul, et Z un nombre complexe non nul s’écrivant sous forme exponentielle Z = R eiθ . Un nombre complexe z quelconque sera toujours écrit z = r eiα sous forme exponentielle. 20.1 Racines n-ièmes d’un nombre complexe 20.1.1 Cas général Problème : Il s’agit de trouver z ∈ C tel que z n = Z, c’est-à-dire résoudre l’équation complexe z n = Z d’inconnue z ∈ C. On trouve alors : 1 n r = Rn r = R θ 2π z n = Z ⇔ rn einα = R eiθ ⇔ ⇔ nα ≡ θ [2π] α≡ , n n d’où les solutions suivantes : ∀ k ∈ {0, . . . , n − 1}, 1 θ zk := R n ei( n + 2kπ ) n . Théorème 1 : L’équation complexe z n = Z admet n racines distinctes. Son ensemble solution est donné par o n 1 θ i( n + 2kπ ) n n , k ∈ {0, . . . , n − 1} . Sn = R e démonstration : L’existence des racines est donnée par ce qui précède le théorème. L’unicité de chaque solution vient de l’égalité modulo 2π/n : en effet, avec les notations données, on a que pour tous k ∈ {0, . . . , n − 1}, zk+n = zk . Racines n-ièmes d’un nombre complexe 2 Définition 1 : Les nombres zk définis ci-dessus sont appelés racines n-ièmes de Z. On note leur ensemble Sn . Exercice : Résoudre dans C l’équation z 3 = √ 3 + i. Solution : Il suffit de remarquer que √ √ | 3 + i| = 3 + 1 = 2 √ π arg( 3 + i) = , 6 et d’où les trois solutions suivantes : π 1 zk = 2 3 ei( 18 + ∀ k ∈ {1, 2, 3}, 2kπ ) 3 . ♦ 20.1.2 Racines n-ièmes de l’unité Définition 2 : On désigne l’ensemble des racines n-ièmes de l’unité par o n 2kπ Un = ei n , k ∈ {0, . . . , n − 1} . Remarque 1 : On a donc que tout complexe z ∈ Un vérifie z n = 1. Théorème 2 : Les racines n-ièmes d’un nombre complexe Z sont exactement les produits de l’une d’entre elles avec les racines n-ièmes de l’unité. Autrement dit, si z ∈ C est tel que z n = Z, alors o n 2kπ Sn = z ei n , k ∈ {0, . . . , n − 1} . démonstration : Soit z ∈ C vérifiant z n = Z. Alors pour tout k ∈ {0, . . . , n − 1}, on a z ei 2kπ n n = z n e|i2kπ {z } = Z. =1 Théorème 3 : (Un, ·) est le seul sous-groupe multiplicatif de C∗ d’ordre n. De plus, il est isomorphe à (Z/nZ, +). démonstration : Sous-groupe : 2kπ – Si k = 0, alors ei n = 1, donc 1 ∈ Un . – Soient z, z ′ ∈ Un . Alors z · z ′ = ei = ei 2kπ n · ei 2k′′ π n 2k′ π n ∈ Un , – Soit z ∈ Un . On remarque que si z ′ = ei −2kπ n = ei 2(k+k′ )π n avec k ′′ ∈ {0, . . . , n − 1} k + k ′ ≡ k ′′ [n]. , alors z · z ′ = 1, de sorte que z −1 = z ′ ∈ Un . Racines n-ièmes d’un nombre complexe 3 Unicité : Soit G un tel sous-groupe, c’est-à-dire un sous groupe multiplicatif de C∗ d’ordre n. Si z ∈ G, alors z n = 1 (car G est justement d’ordre n), donc z ∈ Un , ou encore G ⊂ Un . Puisque G et Un ont le même cardinal, il vient que G = Un . Isomorphie : On considère l’application suivante : f : (Z/nZ, +) −→ (Un , ·) 2kπ k 7−→ ei n . On détermine que f (0) = ei 2·0π n =1 f (k + k ′ ) = ei et 2(k+k′ )π n = ei 2kπ n · ei 2k′ π n = f (k) · f (k ′ ), de sorte que f soit un morphisme de groupes. On montre de plus qu’il est injectif : f (k) = f (k ′ ) ⇔ ei 2kπ n = ei 2k′ π n ⇔ 2kπ 2k ′ π ≡ [2π] ⇔ k ≡ k ′ [n] ⇔ k = k ′ . n n Enfin, grâce au point précédent, on sait que |Z/nZ| = |Un |, donc f est un isomorphisme. Corollaire 1 : (Un, ·) est un groupe cyclique. démonstration : Découle directement du fait que (Z/nZ, +) l’est. Proposition 1 : Les générateurs de Un sont les ωk = ei entre eux. 2kπ n , où k ∈ {0, . . . , n −1} et n sont premiers n o (n−1)·2π 2π 2·2π 1, ei n , ei n , . . . , ei n = {1, ω1 , ω12 , . . . , ω1n−1 }, donc ω1 est un générateur de Un . Soit alors k ∈ {0, . . . , n − 1}. On a démonstration : Un = ωk est un générateur de Un ′ ∃ k ′ | (ωk )k = ω1 ⇔ ei ⇔ 2kk′ π n ⇔ kk ′ ≡ 1 [n] ⇔ ∃ k ′ , u | kk ′ + un = 1 ⇔ k ∧ n = 1, Bézout d’où le résultat. Exemple avec U6 : – 5∧6=1 et – 2∧6=2 et 2π = ei n 5π 5π 4π 3π 2π π hei 3 i = {1, ei 3 , ei 3 , ei 3 , ei 3 , ei 3 } = U6 ; 2π 2π 4π hei 3 i = {1, ei 3 , ei 3 } 6= U6 ; Définition 3 : Un générateur de Un est appelé racine primitive n-ième de l’unité. Racines n-ièmes d’un nombre complexe 4 20.2 Interprétation graphique On se place dans un plan P. Définition 4 : Soient M0 , . . . , Mn−1 ∈ P. Ces points constituent les n sommets d’un polygone régulier s’il existe un point Ω et une rotation de centre Ω et d’angle 2π/n envoyant Mk sur Mk+1 (pour k ∈ {0, . . . , n − 2}) et Mn−1 sur M0 . Proposition 2 : Soit M ∈ P le point d’affixe Z. Les racines n-ièmes de Z se situent sur un même 1 cercle de centre O (origine du repère) et de rayon R N . De plus, si n = 2, elles sont diamétralement opposées ; n > 3, elles forment les sommets d’un polygone régulier. 1 θ démonstration : Notons Mk le point d’affixe zk = R n ei( n + 2kπ ) n pour k ∈ {0, . . . , n − 1}. Soit un tel k. Alors on vérifie que OMk = |zk | = R , de sorte que les racines n-ièmes de Z soient effectivement 1 situées sur un même cerlce de centre O et de rayon R n . 1 n De plus, lorsque n = 2, le calcul nous permet d’affirmer que arg(z0 ) = θ/n et arg(z1 ) = θ/n + π, donc les racines sont diamétralement opposées. Enfin, lorsque n > 3, on vérifie que pour tout k ∈ {0, . . . , n − 2}, on ait 2π zk ei n = zk+1 2π zn−1 ei n = z0 , et d’où le résultat attendu. Proposition 3 : Les racines n-ièmes de Z se déduisent de celles de l’unité par une similitude de centre 1 O, de rapport R n et d’angle θ/n. démonstration : On rappelle que f : z 7−→ az avec a ∈ C∗ est l’écriture complexe de la similitude 1 θ de centre O, de rapport |a| et d’angle arg(a). Soit alors a = R n ei n ∈ C∗ , qui est une racine n-ième de Z (k = 0). D’après le théorème 2, les autres racines de Z se déduisent de celle-ci par multiplication avec les racines n-ièmes de l’unité, notées précédemment ωk . On a donc Sn = {a · 1, a · ω1 , . . . , a · ωn−1 } = {f (ω0 ), f (ω1 ), . . . , f (ωn−1 )}, et chaque racine n-ième de Z est donc bien l’image d’une racine n-ième de l’unité par la similitude annoncée. 20.3 Applications 20.3.1 Factorisation Exercice : Factoriser dans C le polynôme défini par P (z) = z 4 + 1. π Solution : z 4 = −1 = ei(−π) , donc pour k = 0, . . . , 3, on a zk = ei(− 4 + π π 2kπ ) 4 , P (z) = (z − e−i 4 )(z − ei 4 )(z − ei 3π 4 ce qui donne )(z − ei 5π 4 ). ♦ Racines n-ièmes d’un nombre complexe 5 20.3.2 Somme et produit des racines n-ièmes de l’unité z n = 1 ⇔ z n − 1 = 0 ⇔ (z − ω0 )(z − ω1 ) · · · (z − ωn−1 ) = 0 ⇔ z n − (1 + ω1 + · · · + ωn−1 ) z n−1 + · · · + (−1)n ω1 · · · ωn−1 = 0. En particulier, on en déduit que n−1 X ωk = 0 n−1 (−1) et k=0 n−1 Y ωk = 1. k=0 20.3.3 Caractérisation d’un triangle équilatéral Exercice : Montrer que ABC est équilatéral si et seulement si b + ja + j 2 c = 0 (ou c + ja + j 2 b = 0). Solution : On considère la rotation R de centre A et d’angle π/3. Alors deux cas se présentent : Si R (C) = B, alors π ⇔ ⇔ ⇔ (b − a) = ei 3 (c − a) 2 (j = ei 2 b−a+j c−j a=0 b + (−1 − j 2 )a + j 2 c = 0 2π 3 π ⇒ −j 2 = ei 3 ) (1 + j + j 2 = 0) 2 b + ja + j c = 0. Si R (B) = C, on procède de la même manière pour trouver l’autre égalité. ♦ 20.3.4 Pentagone régulier à la règle et au compas 2π Exercice : On pose ρ = ei 5 . P 1. Montrer que 4k=0 ρk = 0 ; 1 2. Montrer que ρ + est racine du polynôme X 2 + X − 1 ; ρ 2π ; 3. En déduire une expression de cos 5 4. En déduire une construction à la règle et au compas d’un pentagone régulier. Solution : 1. On utilise l’application 2 ci-dessus, ou la somme des cinq premiers termes d’une suite géométrique. 2. On factorise l’expression de la première question par ρ2 6= 0, on simplifie les deux membres par à la question. 1 ρ2 et ce qui reste répond ) > 0 par le calcul direct (on connaît ρ !). Ensuite, on sait que ce nombre est 3. On détermine d’abord que ρ + ρ1 = 2 cos( 2π 5 la racine positive du polynôme X 2 + X − 1. Après calcul, on détermine alors que cos 2π 5 = √ 5−1 . 4 Pour « construire » une telle longueur, il suffit alors de tracer un triangle rectangle dont les côtés adjacents à l’angle droit √ mesurent respectivement 1/2 et 1/4. Le théorème de Pytagore nous assure alors que l’hypothénuse mesure 5/4. On sait aussi construire 1/4, et faire une différence de mesures à la règle et au compas, ce qui nous donne notre construction de cos( 2π ). 5 4. On place d’abord le point d’abscisse 1, noté M0 . Ensuite, on place le point A d’abscisse cos(2π/5) et son projeté M1 sur le cercle unité C parallèlement à l’axe des ordonnées. Il suffit ensuite de reporter sur la mesure M0 M1 sur le cercle pour obtenir les trois autres points M2 , M3 et M4 . Voici la figure illustrant cette question : Racines n-ièmes d’un nombre complexe 6 b M1 C M2 A | b √ b M0 + 5/4 −1/4 M3 M4 ♦