La grande soif des Etats-Unis, Vincent Croissard, AgroParisTech, 02

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La grande soif des Etats-Unis, Vincent Croissard, AgroParisTech, 02
SYNTHESE TECHNIQUE
LA GRANDE SOIF DES ÉTATS-UNIS
COISSARD Vincent
Février 2010
AgroParisTech – ENGREF Centre de Montpellier
B.P.7355
34086 MONTPELLIER Cedex 4
Tél. : (33) 4 67 04 71 00
Fax : (33) 4 67 04 71 01
MEEDDM
Bureau de la législation sur l'eau
20 avenue de Ségur
75302 PARIS Cedex 07
Tél. : (33) 1 42 19 12 70
La Grande soif des États-Unis
RÉSUMÉ / ABSTRACT
MOTS-CLÉS :
Gestion des ressources en eau, transferts d'eau, eaux transfrontalières, exportation d'eau, ÉtatsUnis, Canada, Mexique.
RÉSUMÉ :
En raison des sécheresses successives, de l'augmentation des besoins en eau des agriculteurs et
des grandes agglomérations ainsi que de la baisse des niveaux des nappes phréatiques, les ÉtatsUnis, et plus particulièrement les États de l'Ouest, sont confrontés à un manque d'eau chronique et
doivent importer des quantités importantes d'eau. De plus, comme les États-Unis partagent des
eaux transfrontalières avec le Canada et le Mexique, ils sont tenus de gérer une partie de leurs
ressources avec leurs voisins. Cette synthèse dresse un état des lieux de la situation aux ÉtatsUnis et met en lumière les relations politiques qui existent sur le continent nord-américain. Cette
étude expose ensuite les accords et oppositions qui peuvent exister entre les différents pays, leurs
origines, leurs résolutions et leur statut actuel. Enfin, sachant que les ressources en eau
transfrontalières et les transferts massifs d'eau sont des enjeux cruciaux pour les Américains, nous
étudions les différentes stratégies américaines développées selon que les États-Unis sont situés
en aval ou en amont.
KEYWORD:
Water resources management, water transfers, transboundary water, water exports, United-States,
Canada, Mexico.
ABSTRACT:
Due to successive droughts, increases in domestic and agricultural water demand, and aquifer
lowering, the United States, and particularly the Western States, is confronted with chronic water
shortage and wants to import large amounts of water. Moreover, as the United States shares
transboundary water with Canada and Mexico, the Americans have to manage some water
resources with their neighbours. This study reviews the current situation in the United States and
highlights their geopolitical relations with their neighbours. This study also exposes the agreements
and the disputes which exist or existed between the different countries, their origins, their
resolution and their present status. Finally, considering transboundary water resources and water
transfers are essential issues for the Americans, we analyse if the American strategies depend on
whether they are upstream or downstream.
a
La Grande soif des États-Unis
LEXIQUE
ALENA : Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA : North American Free Trade
Agreement)
ARQEGL : Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs (GLWQA : Great Lakes Water
Quality Agreement)
BWT : Boundary Water Treaty (TEL : Traité des eaux limitrophes)
CDWR : California Department of Water Resources
CMI : Commission mixte internationale (IJC : International Joint Commission)
IBWC : International Boundary and Water Commission (CILA : Comisión Internacional de Límites
y Aguas)
IJC : International Joint Commission (CMI : Commission mixte internationale)
IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change (GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat)
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce)
GIEC : Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (IPCC : Intergovernmental
Panel on Climate Change)
GIRE : Gestion intégrée de la ressource en eau
GLWQA : Great Lakes Water Quality Agreement (ARQEGL : Accord relatif à la qualité de l'eau
dans les Grands Lacs)
NAFTA : North American Free Trade Agreement (ALENA : Accord de libre-échange nordaméricain)
TEL : Traité des eaux limitrophes (BWT : Boundary Water Treaty)
TFC : Traité du fleuve Columbia (CRT : Columbia River Treaty)
b
La Grande soif des États-Unis
SOMMAIRE
RÉSUMÉ / ABSTRACT..................................................................................................................... a
LEXIQUE .......................................................................................................................................... b
SOMMAIRE .......................................................................................................................................c
INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1
ÉTAT DES LIEUX DE LA SITUATION AUX ÉTATS-UNIS ................................................................ 1
o Situation hydrographique des États-Unis................................................................................... 1
o L'influence possible du changement climatique......................................................................... 1
o Les usages de l'eau aux États-Unis ........................................................................................... 2
o Y a-t-il une reelle crise de l'eau aux États-Unis ?....................................................................... 2
o Le marché des droits d’eau aux États-Unis ............................................................................... 3
o La gestion intégrée des ressources en eau aux États-Unis....................................................... 4
o Le partage de l'eau entre États étatsuniens ............................................................................... 5
LES TRANSFERTS D'EAU ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA ......................................... 5
o La gestion des eaux communes américano-canadiennes ......................................................... 5
o Les transferts d'eau actuels au sein des États-unis et du Canada ............................................ 5
o Les projets de tranferts d'eau massifs entre les États-Unis et du Canada................................. 5
o De la nécessité des transferts massifs d'eau ............................................................................. 6
Une opposition parfois forte au sein même des États-Unis ...................................................... 6
Transferts massifs et production agricole.................................................................................. 7
Des coûts trop élevés pour les agriculteurs .............................................................................. 7
o La position canadienne vis-à-vis des transferts d'eau ............................................................... 8
o L'ALENA oblige-t-il le canada à exporter son eau ?................................................................... 8
L'eau, bien commun ou marchandise ? .................................................................................... 8
Les obligations de l'ALENA et du GATT en termes d'exportation ............................................. 9
Stratégie canadienne de protection de sa ressource ................................................................ 9
LES TRANSFERTS D'EAU ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE MEXIQUE ..................................... 10
o Le systeme institutionnel et les relations americano-mexicaines............................................. 10
o Le conflit à propos de l'All-American Canal (AAC)................................................................... 10
o La dette hydrique du Mexique envers le Texas.........................................................................11
o Vers un renforcement du pouvoir des États-Unis ?...................................................................11
LE RAPPORT DE FORCE AMONT / AVAL......................................................................................11
o L’héritage historique et un pays d’amont bénéficiaire du partage .............................................11
o L’importance de l’utilisation de l’eau......................................................................................... 12
o La sécheresse, cause majeure des conflits d’usages ?........................................................... 12
ANNEXES...........................................................................................................................................i
BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................................................xi c
La Grande soif des États-Unis
INTRODUCTION
Que ce soit pour les activités agricoles, industrielles ou domestiques, l’eau est un bien
indispensable que les États-Unis se sont efforcés de mobiliser au mieux au cours du temps. Ainsi,
malgré des conditions climatiques extrêmes, c’est grâce à l’irrigation que l’Imperial Valley est
devenue aujourd’hui l’une des plus riches régions agricoles des États-Unis. Cependant, l’eau n’est
pas un bien inépuisable et les États-Unis sont désormais confrontés à des tensions croissantes
quant aux usages de l’eau. Ainsi, ils se doivent de trouver de nouvelles ressources en eau ou de
faire des choix politiques qui tiennent compte du caractère limité des ressources en eau. L’objectif
de cette synthèse technique est de dresser un état des lieux de la situation dans laquelle se
trouvent les États-Unis et de voir en quoi les transferts massifs d’eau sont ou non une solution aux
enjeux auxquels sont confrontés les États-Unis.
ÉTAT DES LIEUX DE LA SITUATION AUX ÉTATS-UNIS
o SITUATION HYDROGRAPHIQUE DES ÉTATS-UNIS
Si l'on étudie la situation hydrographique globale des États-Unis, on constate qu'ils font partie des
pays les mieux dotés en eau (4ème rang mondial) avec 2 800 km3/an de ressources en eau
renouvelable, soit 9 000 m3/an par habitant (FAO, 2009). Cependant, ces ressources sont très
variablement réparties sur le territoire américain (voir Carte 1 en annexe). Ainsi, si l'on prend la
répartition des précipitations totales, on passe de plus de 1 000 mm/an dans certains États du SudEst (Alabama, Louisiane, Mississippi, Tennessee) à moins de 250 mm/an dans les États arides de
l'Ouest (Arizona, Colorado, Nevada, Nouveau Mexique, Wyoming). Il en résulte que certains États
de l'Ouest américain sont marqués par une rareté physique de l'eau1 et cherchent constamment de
nouvelles ressources. À cette rareté globale de l'eau dans l'Ouest américain s'ajoutent d'importants
phénomènes de sécheresse. Depuis 1999, l'Ouest des États-Unis connaît une sécheresse
chronique qui a un impact majeur sur les ressources en eau de cette région (voir Carte 2 en
annexe). Il en résulte une baisse significative des niveaux des réservoirs de l'Ouest des États-Unis,
à l'image du lac Mead, le plus important réservoir des États-Unis avec une capacité de 35 km3. Son
niveau a baissé de plus de 37 m depuis 1998, son niveau de remplissage atteignant seulement
40% en novembre 2009. La situation des aquifères n'est pas meilleure. L'exemple de l'aquifère de
l'Ogallala, aussi connu sous le nom d’aquifère des Grandes Plaines, le plus grand aquifère des
États-Unis avec ses 450 000 km2 de superficie, est révélateur de la situation dans l'Ouest
américain. Cet aquifère permet l'irrigation de la plupart des parcelles des Grandes Plaines (soit
27% des surfaces irriguées américaines) et alimente 82% des habitants vivant dans la zone
d'expansion de l'aquifère. Depuis les années 1950 et le développement très rapide de l'irrigation, le
sur-pompage continuel de l'aquifère de l'Ogallala a eu pour conséquence une diminution de son
volume de près de 10%, son niveau baissant de plus de 30 m dans plusieurs régions du Texas
(McGuire, 2007).
o L'INFLUENCE POSSIBLE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Comme l’indiquent les travaux du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Évolution du
Climat), la situation hydrique des États-Unis a profondément évolué au cours du XXème et devrait
encore évoluer sous les effets du réchauffement climatique (Bates et al., 2008). Ainsi, bien que de
1901 à 2005 les précipitations annuelles ont globalement augmenté dans l’Amérique du Nord, le
Sud-Ouest connaît une sécheresse régionale chronique depuis 1979. Des études ont également
constaté une augmentation de la fréquence des fortes précipitations sur l'ensemble du territoire
sans que cela soit forcément dû au changement climatique (Kundel et al., 2003). Enfin, il a été
montré que l'évapotranspiration effective a crû au cours du XXème siècle dans les régions sèches
des États-Unis (Golubev et al., 2001).
1
On considère qu'un bassin est soumis à un stress hydrique si les disponibilités en eau par habitant sont inférieures à
1 700 m3/an/hab et à un stress hydrique grave si elles sont inférieures à 1 000 m3/an/hab (Revenga et al., 2000).
1
La Grande soif des États-Unis
Compte tenu des évolutions déjà observées au cours du XXème siècle et des modèles développés
par la communauté scientifique, les membres du GIEC ont conclu que l’Ouest des États-Unis sera
grandement touché par le réchauffement climatique. Ainsi, il est fortement probable que les
précipitations vont diminuer à l'Ouest alors qu'elles vont globalement augmenter sur le reste du
territoire. De plus, la variabilité temporelle des précipitations sera amplifiée ce qui aggravera les
sécheresses. En effet, une étude réalisée sur le maïs irrigué dans l'Illinois a montré qu'une
réduction de 15% des précipitations associée à un doublement de l'écart-type des précipitations
quotidiennes était équivalente à une réduction de 25% des précipitations sans évolution de l'écarttype (Eheart et Thornil, 1999). Parallèlement à la baisse des précipitations, les membres du GIEC
ont prévu une baisse du débit des fleuves de l'Ouest américain en raison d'une diminution du
manteau neigeux des montagnes de l'Ouest. Il en résulte que le changement climatique sera une
contrainte supplémentaire sur les ressources en eaux dans l'Ouest des États-Unis.
o LES USAGES DE L'EAU AUX ÉTATS-UNIS
Alors que les prélèvements d'eau aux États-Unis ont plus que décuplé entre 1900 et 1980, ils sont
en légère baisse depuis 1985 pour atteindre environ 540 km3 en 2005. Le Tableau 1 en annexe
présente les volumes prélevés des quatre principaux secteurs utilisateurs d'eau aux États-Unis. On
constate que les deux secteurs les plus consommateurs sont l'énergie (49%) et l'irrigation (31%).
Les prélèvements du secteur énergétique ont légèrement augmenté entre 2000 et 2005 (+3%),
alors que les prélèvements pour l'agriculture ont fortement diminué entre 2000 et 2005 (-8%) pour
atteindre le total des prélèvements des années 1970. On constate enfin que la distribution d'eau
collective pour l’usage domestique et les petites entreprises (11%) a connu une augmentation
constante ces dix dernières années alors que le secteur des industries fortes consommatrices
d'eau ayant leur propre ressource (4%) a vu sa consommation fortement baisser ces vingt
dernières années (-30%). A noter enfin que la consommation d'eau par habitant a diminué de 15%
au cours des cinquante dernières années (Kenny et al., 2009 ; Lasserre et Descroix, 2003).
En étudiant la répartition des consommations d'eau des différents États, on constate que les
régions les plus dépourvues en ressources hydriques (l'Ouest des États-Unis) sont celles qui
consomment le plus d'eau. Ainsi, l'exemple de la Californie est le plus révélateur puisque cet État
consomme plus de 70 km3 d'eau par an, soit 12,5% de la consommation américaine totale, alors
que la Californie ne représente que 4% du territoire. En termes de population, la Californie
représente certes 12% de la population américaine mais la forte densité de population n'explique
pas tout : l'usage domestique de l'eau ne représente que 12% des prélèvements alors que
l'irrigation en représente 60%.
L'importance des centres urbains dans l'Ouest des États-Unis doit tout de même être prise en
compte car les villes du désert telles que Las Vegas et Phoenix ont eu des croissances
démographiques rapides, notamment grâce à la mobilisation des ressources en eau. Ainsi, Las
Vegas est passée de 40 000 habitants en 1950 à 1,7 millions aujourd'hui et Phoenix de 106 000 à
3,5 millions. L'alimentation en eau de ces villes, longtemps fondée sur le pompage des aquifères,
constitue actuellement un problème majeur pour les municipalités. De plus, certaines villes du
désert ont des consommations démesurées par rapport à leurs ressources. C'est le cas par
exemple de la ville de Palm Spring dans laquelle la consommation moyenne d'un foyer est
d'environ 5 300 L/jour (DWA, 2009).
o Y A-T-IL UNE REELLE CRISE DE L'EAU AUX ÉTATS-UNIS ?
L'idée que l'Ouest américain va être confronté à une grave crise de l'eau n'est pas nouvelle puisque
dès 1967 le sénateur de l'Utah, Frank Moss, en faisait état. Cependant, des opinions divergentes
se sont rapidement exprimées, comme c'est le cas avec le professeur Gilbert White, de l'Université
du Colorado. Ce dernier affirmait qu'il n'y avait pas de manque d'eau qui freinait la croissance
économique du pays. Selon lui, on pouvait concevoir que les États-Unis étaient confrontés à un
manque d'eau seulement dans la perspective de développer l'agriculture irriguée mais que cette
question était avant tout une question de politique nationale. Cependant, on ne peut ignorer que
même si l'agriculture irriguée ne représente que 3% du PIB en Californie, elle n'en demeure pas
moins vitale pour l'économie, que ce soit pour l'industrie agro-alimentaire, les emplois privés ou
2
La Grande soif des États-Unis
encore les services dans les communautés rurales. Une des alternatives aux transferts massifs
d'eau interbassins serait la reconversion des exploitations irriguées dans l'agriculture pluviale ou
l'élevage extensif. Ce processus a d'ailleurs d'ors et déjà débuté puisque certains agriculteurs
texans et californiens préfèrent vendre leurs droits d'eau aux villes et se reconvertir (Lasserre,
2005b).
L'idée d'une crise imminente de l'eau a été relayée par de nombreux modèles prévisionnels. Si le
principe de précaution suggère qu'il vaut mieux prévoir le pire que l'ignorer, il convient tout de
même de mesurer les limites des prévisions. Les planificateurs ont souvent procédé par
extrapolation en projetant la demande future à partir du taux de croissance du passé récent. Ainsi,
le premier plan de l'agence de l'eau californienne (CDWR) de 1957 ne prévoyait pas la diminution
de la croissance de la population californienne (Lasserre et Descroix, 2003). En 1994, la version du
plan n'a guère changé. Selon l'agence, les problèmes en 2020 et les politiques pour y remédier
seront les mêmes qu'en 1994 (même type de culture, pas de pratiques d'économie d'eau par les
populations urbaines, pas de recyclage de l’eau, poursuite du pompage des nappes). Cela se
traduit, comme en 1957, par une prévision d'une augmentation rapide de la demande en eau d'ici
2020. De fait, il y a une surestimation des besoins ce qui a contraint les analystes à revoir leurs
prévisions à la baisse (pour la Californie, baisse de 41% entre les besoins prévus en 1967 et les
besoins effectivement nécessaires en 1996). Enfin, il faut noter qu'il existe un parti pris en faveur
de la croissance aux États-Unis et qu'en conséquence les agences favorisent la poursuite de
l'expansion. Il y a ainsi aux États-Unis et plus particulièrement en Californie la doctrine selon
laquelle « la croissance, c'est bon, et une croissance massive, c'est mieux » (Bocking, 1972).
o LE MARCHÉ DES DROITS D’EAU AUX ÉTATS-UNIS
Le droit américain de l'utilisation de l'eau fait coexister deux systèmes très différents : le droit de
riveraineté et le droit de première appropriation (Lasserre, 2006 ; Sax et al., 2006).
Les États-Unis ont hérité du système de common law de l’Angleterre le droit de riveraineté
(riparian right) qui permet à tout propriétaire d'une parcelle bordée d'un cours d'eau d’utiliser la
ressource dans les limites d'un usage raisonnable. Cette doctrine a tout d’abord été développée en
Europe et reposait initialement sur l’idée que chaque propriétaire terrien riverain d’une rivière devait
bénéficier du libre-écoulement de l’eau (natural flow doctrine). Ce droit permettait aux riverains de
prélever l’eau uniquement pour les besoins domestiques et le bétail (common use), sous réserve
de ne pas polluer l’eau, ni d’en réduire l’écoulement. Cette doctrine fut ensuite modifiée lors de la
Révolution industrielle pour permettre aux propriétaires de faire un usage raisonnable de l’eau
(reasonable use) pour irriguer les champs, c'est-à-dire un usage qui ne remette pas en cause les
droits des propriétaires situés en aval. Dans la pratique, le droit d'usage est rarement quantifié et
en cas de conflit, un arbitrage juridique ou institutionnel est nécessaire. De par sa nature, le droit de
riveraineté est inaliénable puisqu’il fait partie intégrante du droit de propriété et il implique que le
droit d'usage se limite aux parties de la propriété effectivement dans le bassin versant. Enfin, la
relation entre les propriétaires qui découle du droit de riveraineté est une relation de parité et non
de priorité : lorsque la ressource en eau devient insuffisante, l’ensemble des utilisateurs doit réduire
sa consommation dans les mêmes proportions.
Le droit de première appropriation (prior appropriation) est quant à lui hérité des mineurs d'or et
d'argent et s’est plus particulièrement développé à partir de 1848, lorsque des gisements d’or ont
été découverts en Californie et au Nevada. Si les premiers gisements d’or étaient situés sur les
rives des fleuves, les suivants en étaient éloignés et nécessitaient par conséquent d’importantes
dérivations d’eau pour pouvoir être exploités. Le droit de première appropriation repose ainsi sur
deux principes :
− une personne physique ou morale ne devrait pas voir ses intérêts remis en cause parce
qu'elle n'est pas riveraine d'une ressource en eau ;
− le droit de riveraineté ne maximise pas, au sens économique du terme, la valeur des
usages de l'eau car aucune obligation de mise en valeur de l'eau n'incombe aux
riverains d'une ressource en eau : aucun objectif de profit économique n’est présent
dans la doctrine du droit de riveraineté.
3
La Grande soif des États-Unis
Le droit de première appropriation ne lie donc pas propriété du sol et droit d'usage. Un droit
d'appropriation peut être formulé par quiconque sur un volume donné et une hiérarchie
chronologique est mise en place (first in time, first in right) : il existe ainsi les senior rights qui
prévalent sur les junior rights. Enfin, ce droit est cessible par vente ou par contractualisation et est
aliénable s'il n'est pas prouvé que l'eau est utilisée de façon bénéfique (use it or lose it). Comme
aucune référence n'est faite au bassin versant, l'eau peut être extraite et utilisée à des centaines de
kilomètres de là.
Le droit de riveraineté est particulièrement répandu dans les États de l'Est américain qui sont
soumis à d’importantes précipitations alors que le droit de première appropriation est présent dans
la majorité des États de l'Ouest (Arizona, Colorado, Idaho, Montana, Nevada, Nouveau-Mexique,
Utah, Wyoming). Pour compliquer quelque peu la situation, des États tels la Californie ont adopté
un régime mixte. Lors de son admission au sein des États-Unis en 1850, la Californie a adopté le
droit de riveraineté en témoignage de sa volonté d’intégration à l’Union. Cependant, dès l’année
suivante les mineurs firent pression pour que le droit de première appropriation soit reconnu par la
législature, ce qui fut le cas officiellement en 1855 lors du jugement par la Cour Suprême de
l’affaire Irwin vs Phillips. De nombreux conflits étant nés en raison de la cohabitation des deux
droits, la prééminence du droit de riveraineté fut rappelée en 1886 et un amendement fut ajouté à
la constitution pour rappeler que tout usage de l'eau devait être raisonnable et bénéfique. Les droits
de riveraineté prévalent ainsi sur les droits de première appropriation mais ils doivent être rentables
et raisonnables (de même que les droits de première appropriation). Enfin, en cas de sécheresse,
tous les bénéficiaires de droits doivent se répartir les efforts à réaliser (CaEPA, 2007).
La séparation entre les droits sur l’eau et les droits sur la terre a facilité les transferts d’eau dans
l’Ouest des États-Unis et chaque État a développé son propre système institutionnel pour régir ce
marché. Par exemple, le système repose sur un service d’ingénierie de l’État en Arizona, au
Nouveau-Mexique et dans l’Utah alors que le Colorado a recours à des tribunaux de l’eau (water
courts) pour résoudre les conflits. En Californie, lors des périodes de grandes sécheresses,
certains transferts sont exécutés via une banque d’eau de sécheresse sous tutelle de l’État qui
rachète des droits auprès d’agriculteurs pour les réaffecter à d’autres utilisations. La plupart des
transferts sont temporels, non seulement en raison des restrictions liées aux droits d’eau, mais
aussi car les propriétaires ne souhaitent pas concéder un transfert permanent de leur droit d’eau
(Meinzen-Dick et Ringler, 2008).
o LA GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU AUX ÉTATS-UNIS
Pour tout ce qui a trait aux questions de l’eau, les États sont très indépendants vis-à-vis du
gouvernement fédéral puisque ce sont eux qui gèrent l’allocation des ressources. L’État fédéral
n’intervient que dans le cas où la ressource est internationale. Cela se traduit par l’absence
d’organisme spécifique de gestion de l’eau à l’échelle des bassins hydrographiques puisque ces
derniers recouvrent la plupart du temps plusieurs États. Les initiatives sont laissées aux villes de se
regrouper ou non pour la gestion et la protection des ressources hydriques du bassin (OIEau,
2007). Le bassin versant pour lequel la gestion intégrée de la ressource en eau (GIRE) est la plus
avancée est la région des Grands Lacs. A contrario, la GIRE est quasiment absente dans les
bassins de l’Ouest des États-Unis, région où de nombreux conflits d’usage relatifs aux ressources
hydriques existent. Il est donc légitime de savoir si l’absence GIRE est à l’origine des situations
conflictuelles liées à l’eau. Selon Gabrielle Bouleau2 (2009), ce n’est pas l’absence de GIRE qui est
à l’origine des conflits liés à l’eau dans l’Ouest des États-Unis mais plutôt l’héritage de fortes
asymétries dans la répartition des pouvoirs, notamment en raison du système des droits de
première appropriation et de la force politique de ceux qui possèdent ces droits. C’est cette même
répartition asymétrique des pouvoirs qui explique que la GIRE n’a pas pu se mettre en place dans
cette région. Ainsi, il semble que ce soit plutôt un rééquilibrage des pouvoirs qui passerait par la
remise en cause du droit de première appropriation qui permettrait de résoudre une partie des
conflits et de mettre en place une gestion plus intégrée plutôt que la GIRE elle-même qui résoudrait
les conflits.
2
Gabrielle Bouleau est ingénieur chercheur en socio-politique de l’eau au sein de l’UMR G-Eau, Cemagref de
Montpellier.
4
La Grande soif des États-Unis
o LE PARTAGE DE L'EAU ENTRE ÉTATS ÉTATSUNIENS
Le partage des eaux du Colorado est un des exemples de partage de l'eau aux États-Unis. Sept
États du bassin du Colorado se répartissent de façon fixe les eaux du Colorado (voir Tableau 2 en
annexe). Cette répartition immuable a été décidée lors du Colorado River Compact de 1922 et lors
du Boulder Canyon Project Act de 1928. Les volumes répartis sont des maxima qu'aucun État ne
peut légalement dépasser et ce partage est la seule approche quantitative à l'échelle du bassin
versant. Cependant, aucun organisme ne contrôle les prélèvements effectivement réalisés ni ne
remet à jour les volumes alloués. Chaque État gère ainsi ses prélèvements, sans coordination avec
ses voisins, sauf lorsqu'il s'agit d’attraire l’État voisin devant les tribunaux pour une ponction d'eau
trop importante, comme ce fut le cas en 1963 entre l'Arizona et la Californie. A noter qu'avec le
Mexican Water Treaty de 1944, 1,85 km3 sont réservés pour le Mexique, soit 9% du débit théorique
(Bureau of Reclamation, 2008).
LES TRANSFERTS D'EAU ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Pris dans l'absolu, les volumes d'eau renouvelable aux États-Unis et au Canada sont
comparables : 2 800 km3/an pour les USA et 2 850 km3/an pour le Canada (FAO, 2009).
Néanmoins, rapportée au nombre d'habitants, la ressource au Canada est bien plus importante
(85 700 m3/an/hab contre 9 000 m3/an/hab). Ce rapport de un à dix explique la convoitise des
États-Unis sur l'eau du Canada.
o LA GESTION DES EAUX COMMUNES AMÉRICANO-CANADIENNES
Dès le début du XXème siècle, des mécanismes de coopération bilatéraux ont été mis en place pour
favoriser les négociations entre les États-Unis et le Canada sur les gestions des ressources
partagées. La question du partage des eaux transfrontalières et de surface américano-canadiennes
répond ainsi à des modalités précises encadrées par quatre traités, trois conventions et trois
accords spécifiques (voir Encadré 1 en annexe pour plus de détails). Parmi ces textes, trois d'entre
eux sont le plus souvent pris comme référence dans la gestion des eaux bilatérales. Il s'agit du
Traité des eaux limitrophes de 1909, du Traité du fleuve Columbia de 1961 et de l'Accord relatif à la
qualité de l'eau dans les Grands Lacs de 1978. Les modalités d'application de ces textes sont
supervisées par la Commission mixte internationale (CMI), organisme binational prévu par le Traité
de 1909 dans le but d'arbitrer et de régler les différends concernant la gestion des ressources
(Mikaïl, 2007).
o LES TRANSFERTS D'EAU ACTUELS AU SEIN DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA
Les transferts d'eau inter ou intra-bassins sont une réalité déjà ancienne aussi bien aux États-Unis
qu'au Canada. Le Canada est actuellement le pays qui transfère le plus d'eau entre bassins
versants, cela dans le but de réaliser de grands bénéfices économiques par la vente d'énergie aux
États-Unis (Hurley, 2006). Ainsi, en tenant compte des transferts intra et interbassins, les débits de
transferts au Canada sont de 4 450 m3/s alors qu'ils ne sont que de 840 m3/s aux États-Unis (Quinn
et al., 2003). Cependant, les transferts massifs canadiens concernent des fleuves éloignés des
régions habitées, dérivent peu d'eau en proportion et s'opèrent sur des distances plus courtes
qu'aux États-Unis, souvent moins de 40 km, au plus 120 km, alors qu'aux États-Unis les transferts
dépassent facilement les 250 km pour les usages agricoles et urbains (Lasserre, 2005c). Les
Tableaux 3 et 4 situés en annexe présentent les principales dérivations d'eau dans les deux pays.
o LES PROJETS DE TRANFERTS D'EAU MASSIFS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
Les discours sur les transferts massifs d'eau du Canada vers les États-Unis trouvent leurs origines
dans des différends internes aux États-Unis. En effet, en 1963, la Cour Suprême des États-Unis
limite à 5,4 km3/an les prélèvements de la Californie dans le fleuve Colorado alors que cette
dernière en prélève déjà 6,4 km3 en 1963. La Californie fait alors campagne pour que des volumes
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La Grande soif des États-Unis
supplémentaires soient transférés dans le Colorado, ce qui lui permettrait, de facto, d'augmenter la
quantité d'eau qu'elle pourrait prélever. Un projet est alors soutenu par le Bureau of Reclamation3
pour transférer 10,5 km3/an d’eau du fleuve Columbia vers le fleuve Colorado grâce à un canal de
1 450 km de long. Les États du Nord Ouest s’opposent farouchement à ce transfert qui implique
une diminution importante de leur ressource et plaident pour que les eaux transférées proviennent
du Canada. Cette position déplace ainsi le problème de la question des transferts d'eau du
Columbia à celle du transfert des eaux du Canada vers le Colorado. Un autre transfert d'eau massif
fut envisagé un temps au cœur des États-Unis. Il s'agit de transférer 15,4 km3/an d'eau du
Mississippi vers le Texas. Ce projet suscite de même une vive opposition en raison de son coût
(l'eau doit franchir une dénivellation de plus de 1 000 m) et en raison de la diminution des
ressources que cela entraîne pour la Louisiane et l'Oregon. Cette dernière opposition a été résolue
en proposant que les eaux transférées proviennent du Canada (Lasserre, 2005b).
C'est dans ce contexte d'opposition à la dérivation des fleuves américains, que de nombreux
projets d'exploitation des eaux du Canada ou des eaux communes des Grands Lacs ont vu le jour
(voir Tableau 5 en annexe). Ces projets se caractérisent par le gigantisme au niveau des volumes
transférés et des distances parcourues. En effet, il faut souligner que dans les années 1960,
l'énergie était encore bon marché, les déficits publics n'étaient pas encore un réel problème et la
gestion de l'eau reposait uniquement sur une approche d'accroissement de l'offre. Le plus
important des projets est sans conteste le projet NAWAPA (North American Water and Power
Alliance). Il prévoyait l'acheminement de 310 km3/an depuis l'Alaska et le nord-ouest du Canada,
l'ennoiement de 800 km de la vallée des Rocheuses au Canada, la construction de 240 réservoirs
(dont le réservoir Yukon-Takama d'une capacité de 3 500 km3, soit 75% du lac Michigan) et de
plusieurs barrages de plus de 300 m de haut (dont le barrage Chitina qui devait culminer à 543 m).
Ce projet fut finalement abandonné mais il fut à l'origine d'autres projets moins ambitieux.
Au cours des années 1980, face au coût des différents projets, l'intérêt des transferts d'eau massifs
s'est peu à peu déplacé des eaux de surface canadienne vers les eaux communes des Grands
Lacs. Ainsi, entre 1976 et 1982, le Corps des ingénieurs de l'Armée américaine (US Army Corps of
Engineers) prévoyait de transférer 8,8 km3/an d'eau du lac Michigan et/ou des rivières Arkansas et
Missouri pour restaurer l'aquifère Ogallala. Cependant, ce projet fut aussi abandonné en raison de
son coût et de son impact sur le niveau des lacs Michigan et Huron (baisse du niveau prévisible de
22 cm) (Lasserre, 2005b).
o DE LA NÉCESSITÉ DES TRANSFERTS MASSIFS D'EAU
Une opposition parfois forte au sein même des États-Unis
Si les projets de dérivation d'eau canadienne ont permis de résoudre les oppositions face aux
projets de transferts d'eau entre États étasuniens, des voix se sont dès le départ élevées contre les
importations d'eau depuis le Canada. En effet, certains, certes peu nombreux, estimaient que les
transferts massifs d'eau n'étaient qu'une approche repoussant les problèmes dans le temps.
L'économiste James Crutchfield déclara ainsi en 1971 qu'un refus du Canada envers les
dérivations d'eau forcerait les États-Unis à adopter une gestion plus efficace de leurs ressources
actuelles en eau. De même William Bowen estimait qu'il fallait envisager une décélération de
l'accroissement de la demande en eau. Bowen insiste d'ailleurs sur le fait que, puisque l’eau est
une ressource pour les secteurs agricoles et industriels, elle n'est plus seulement un bien vital mais
aussi un bien économique et c'est alors son faible coût qui est à l'origine du gaspillage de l'eau
(Bocking, 1972 ; Bowen, 1965).
Au cours des années 1980, l'intérêt des projets continentaux s'est peu à peu déplacé du Canada
vers les Grands Lacs car il semblait plus prometteur d'éviter un conflit bilatéral. Cependant, on a
alors vu une farouche opposition des États américains des Grands Lacs envers les projets de
3
Le Bureau of Reclamation est une agence fédérale fondée en 1902 pour « reconquérir » l’Ouest des États-Unis. Cette
agence a considéré pendant des décennies que les problèmes de l’Ouest pouvaient se résoudre par la construction
de barrages, à tel point qu’aujourd’hui la quasi-totalité des sites pouvant accueillir un barrage a été aménagée
(Espeland, 1998).
6
La Grande soif des États-Unis
transferts, pour des raisons environnementales mais aussi politiques. En effet, les États du NordEst ont subi un important déclin industriel au profit des États de l'Ouest et ne voulaient pas par
conséquent donner leur eau à des entreprises qui avaient quitté leur région. Les États des Grands
Lacs ont alors signé en 1985 la Charte des Grands Lacs qui a créé un processus de consultation
avant tout projet de transferts massifs (Lasserre, 2005a). Cependant, la Cour Suprême ayant
rappelé que les États fédéraux n'étaient pas compétents en matière de commerce, les États des
Grands Lacs ont fait pression auprès du gouvernement fédéral pour que soit inscrite en 1986 dans
le Water Resources Development Act4 (WRDA) la décision d'« interdire tout transfert d'eau des
Grands Lacs (…) à moins que ce transfert soit approuvé par le gouverneur de chacun des États
des Grands Lacs ». Cette décision a été réaffirmée dans le WRDA de 2000. De plus, afin de
rassurer l'opinion publique et du fait que l'autorité de la CMI ne s'appliquait pas au lac Michigan (ce
lac est entièrement sur territoire américain), les gouverneurs des États des Grands Lacs ainsi que
les premiers ministres du Québec et de l'Ontario ont signé en 2005 le Pacte des Grands Lacs
(Great Lakes Compact) qui est encore plus contraignant dans la gestion des usages de l'eau des
Grands Lacs. Cependant, ce Pacte introduit une exception concernant l'eau contenue dans des
récipients de volume inférieur à 5,7 gallons (~21,6 L), ce qui crée, selon certains juristes, un
précédent favorable à l'exportation massive d'eau vers les États-Unis en provenance des Grands
Lacs (Lydersen, 2008). En effet, si l’eau contenue dans un récipient est considérée comme une
marchandise au sens de l’ALENA ou des accords du GATT, alors restreindre les exportations à des
contenants de volume inférieur à 5,7 gallons doit reposer sur des arguments de sécurité ou de
santé publique. Dès lors qu’il est possible d’exporter de l’eau dans un récipient, certains juristes y
voient alors un précédent favorable à l’exportation d’eau via des conteneurs de plus de
10 000 gallons (Kucinich, 2008).
Transferts massifs et production agricole
Selon Frédéric Lasserre, l'une des idées répandues est que les transferts massifs d'eau aux ÉtatsUnis ont permis l'expansion de la production agricole. Cependant, il faut noter qu'une part non
négligeable des terres irriguées de l'Ouest américain est affectée à des cultures de faible valeur
ajoutée (luzerne, riz, coton) parfois très consommatrices en eau (riz, coton). Ces cultures étaient
auparavant exploitées dans l'est et le sud des États-Unis. L'eau distribuée à un coût fortement
inférieur à son coût de revient a permis aux agriculteurs de l'Ouest américain de réaliser
d'importants bénéfices au détriment des agriculteurs du Nord et du Sud. L'accès à une eau très
subventionnée dans le l'Ouest a ainsi permis d'accroître considérablement les rendements à
l'hectare mais aussi de faire chuter les coûts de production (Lasserre, 2005b). Ainsi, dès 1960 des
observateurs soulignaient qu'un rationnement de 10% de l'usage agricole d'eau au profit des
industries et des villes aurait un impact économique faible (Bocking, 1972).
Des coûts trop élevés pour les agriculteurs
L'un des points clés des transferts d'eau reste le coût de ces projets. En effet, lors de l'émergence
du projet de détournement d'une partie des eaux du Columbia vers le Colorado, le prix moyen de
l'eau utilisée en agriculture était de 0,5 c$/m3. Le coût de revient du projet avait été estimé à
l'époque entre 2,4 et 8,8 c$/m3 alors que des chercheurs avaient montré que les agriculteurs de
l'Arizona n'accepteraient pas d'eau dont le prix était supérieur à 0,8 c$/m3. Cette situation n'a guère
évolué puisqu'en 2000, le coût de revient ou d'acquisition de l'eau pour la région urbaine de Los
Angeles était compris entre 24 et 32 c$/m3 alors que non loin les fermiers de l’Imperial Valley ne
payaient que 1,2 c$/m3 l'eau acheminée par l'aqueduc du Colorado. Cette situation pourrait
cependant évoluer dans un contexte de pression croissante des utilisateurs urbains, des industries,
des grandes agglomérations et parfois des États et du gouvernement fédéral pour une réattribution
des eaux. Ainsi, dans le cadre d'accords avec de grandes agglomérations, des agriculteurs cèdent
leurs droits d'eau tout en réalisant des profits sans commune mesure avec ce que peut leur
rapporter leur profession (Hanemann, 2002 ; Lasserre, 2005b).
4
WRDA est le nom qui est donné aux lois votées par le Congrès américain relative à la gestion de l’eau.
7
La Grande soif des États-Unis
o LA POSITION CANADIENNE VIS-À-VIS DES TRANSFERTS D'EAU
Initialement, une quantité importante d'hommes politiques canadiens étaient favorables aux
exportations d'eau vers les États-Unis. En 1965, le premier ministre canadien Lester Pearson, puis
Jean Chrétien en 1969 ont affirmé que le Canada exporterait de l'eau pour résoudre les problèmes
de ressources en eau de leur voisin. Cependant, dès cette époque, des voix se sont élevées contre
cette vision, comme ce fut le cas en 1965 lorsque le ministre des Affaires du Nord s'est
farouchement opposé à toute dérivation des eaux canadiennes vers les États-Unis. Beaucoup
d'hommes politiques ont vu dans la possibilité d'exporter de l'eau une importante source de
revenus. Cependant, le professeur Arleight Laycock, dans un premier temps fervent défenseur des
dérivations d'eau, a dû reconnaître qu'il était très peu probable que les États-Unis acceptent
d'acheter l'eau canadienne à un prix qui permette seulement de couvrir les coûts d'exploitation
(Bocking, 1972). La Colombie-Britannique, le Québec, Terre-Neuve et l'Ontario ont promu à divers
degrés les exportations d'eau vers les USA. Ainsi, le gouvernement provincial de ColombieBritannique souhaitait exporter de grande quantité d'eau vers la Californie mais un changement de
majorité en 1991 a entraîné un moratoire sur les exportations qui s'est transformé en interdiction en
1996. Au niveau national, les déclarations politiques de plusieurs responsables politiques du Parti
Libéral canadien (au pouvoir de 1963 à 1979, de 1980 à 1984 et de 1993 à 2006) attestent que ce
parti est plus en faveur des projets d'exportations massives d'eau vers les États-Unis que les
Conservateurs (Lasserre, 2005b).
Pour ce qui est de l'opinion publique canadienne, cette dernière est réservée voire franchement
hostile aux exportations massives d'eau. Cette réaction est en bonne partie due à la crainte de voir
les États-Unis avoir la mainmise sur la souveraineté canadienne en matière d'eau confisquée. De
plus, beaucoup de Canadiens ont du mal à admettre que leur eau soit utilisée en raison de la
gestion dispendieuse et à court-terme des Américains. Ainsi, dès 1986, marquée par le débat sur le
libre-échange et accordant plus d'importance aux idées écologistes, l'opinion publique canadienne
a commencé à prendre une position nette à l'encontre des exportations d'eau (Lasserre, 2005b).
En 2008, selon un sondage pour le Conseil des Canadiens, 88% des Canadiens refuseraient les
exportations d'eau (Conseil des Canadiens, 2008). De cette forte sensibilité aux usages de l'eau
est né le débat sur le statut juridique de l'eau pour savoir si cette dernière était un bien commun ou
une marchandise.
o L'ALENA OBLIGE-T-ELLE LE CANADA À EXPORTER SON EAU ?
Avant de signer le traité de l'ALENA en 1992, le Canada était pratiquement parvenu à protéger ses
ressources en eau douce. En 1988, les Conservateurs, alors au pouvoir, ont proposé deux lois
pour interdire les détournements et les exportations massives d'eau. Cependant, la dissolution des
Communes ne permit pas le vote des lois et ces dernières furent abandonnées. Une clause
exemptant l'eau aurait alors pu être insérée dans l'accord de libre-échange, mais cela ne fut jamais
fait sans que l'on sache véritablement pourquoi, alors que les pommes de terre et les rondins de
bois en ont été exemptés (Hurley, 2006). Le gouvernement canadien s'est tout de même efforcé de
démontrer que l'eau n'était pas couverte par les dispositions de l'ALENA. Ainsi, un mois avant
l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange, une déclaration des trois pays signataires a été
rendue publique. Cette déclaration visait à montrer que tant que l'eau est dans son état naturel, elle
n'est pas objet de commerce et sort par conséquent du cadre de l'ALENA. Cependant, cette
déclaration fait l'objet d'un vif débat entre juristes car n'ayant pas été pas été signée (et encore
moins ratifiée) elle ne lierait en rien les trois signataires du traité de l'ALENA (Lasserre, 2005a).
L'eau, bien commun ou marchandise ?
L'une des clés du problème est de savoir si l'eau est un bien commun ou une marchandise. Si l'eau
embouteillée est une marchandise, l'eau sous toutes ses formes ne l'est pas forcément. Selon les
normes juridiques et la jurisprudence américaine, l'eau (y compris celle présente dans les
aquifères) demeure un bien, quel que soit son état. Cependant, cette vision n'affecte pas le droit
canadien ni n'impose de lecture des dispositions de l'ALENA. Si l'eau est mentionnée dans
l'énumération des produits couverts par le GATT (« Eaux, y compris les eaux minérales
naturelles... »), le gouvernement canadien affirme qu'il est ainsi fait référence aux produits dérivés
8
La Grande soif des États-Unis
de l'eau (en bouteille ou sous forme de glace) et non à l'eau dans son état naturel. Cependant,
plusieurs juristes désapprouvent cette interprétation (Lasserre, 2005a). La définition de l’eau
comme bien public et non comme marchandise semble néanmoins partagée par les
gouvernements américains et canadiens puisqu’en 1985 dans la Charte des Grands Lacs ou en
2005 dans le Great Lakes Compact, les deux gouvernements associent l’eau des Grands Lacs à
un bien public (Public Trust) partagé par tout le monde et dont les gouvernements ont la charge de
réguler dans l’intérêt de tous (Scanlan, 2006).
Les obligations de l'ALENA et du GATT en termes d'exportation
Si le Canada entamait un processus d'exportation d'eau et dans le cas où cette dernière serait
reconnue comme marchandise, il lui serait par la suite impossible de les restreindre aisément. En
effet, l'article XI du GATT, repris par l'ALENA, interdit toute restriction quantitative aux exportations
d'un produit destinées à l'un des partenaires de cet accord. De plus, l'article 314 de l'ALENA interdit
la mise en place d'une taxe d'exportation si une taxe équivalente n’est pas perçue sur le produit
lorsqu'il est destiné à la consommation intérieure du pays exportateur. Enfin, selon l'article 315 de
l'ALENA, le Canada peut décider de restreindre les exportations d'eau vers une Partie uniquement
si cela ne diminue pas la proportion d'eau allouée à cette Partie par rapport à l'approvisionnement
total. Autrement dit, si les exportations d'eau vers les Etats-Unis débutent, ces derniers se voient
allouer une part des ressources hydriques canadienne à perpétuité (Lasserre, 2005a).
L'accord du GATT prévoit que des mesures de protection des ressources épuisables peuvent être
prises par les États à condition qu'elles ne soient pas discriminatoires et qu'elles ne constituent pas
une mesure de protectionnisme déguisé. Ainsi, cette clause, reprise par l'ALENA, implique que le
Canada ne peut restreindre les exportations sous ce prétexte sans restreindre de son côté sa
consommation intérieure (Morin, 2004). Cependant, compte tenue de son abondance, des juristes
pourront faire valoir que le terme « épuisable » (exhaustible) ne devrait pas être appliqué aux eaux
de surface. En revanche, le fait que seulement 1% des eaux des Grands Lacs se renouvelle
chaque année fournit un argument recevable pour justifier la fragilité de leur écosystème. De plus,
lors du procès Reformulated Gasoline en 1996, la Cour Suprême a reconnu que le caractère
renouvelable d'une ressource ne l'empêchait pas d'être épuisable.
Stratégie canadienne de protection de sa ressource
A la lecture de ce qui précède, on peut constater que les textes juridiques peuvent faire l'objet
d'interprétations très variées selon la lecture des différents juristes. Sachant cela, le gouvernement
d'Ottawa a alors adopté une stratégie aussi bien juridique que politique. Le gouvernement a ainsi
amené les dix provinces canadiennes à signer en 1999 un accord interdisant les transferts d'eau en
dehors des frontières. Comme le commerce est du ressort du gouvernement fédéral, c'est par une
approche environnementale que les provinces ont adopté ces lois d'interdiction. La stratégie du
gouvernement canadien repose ainsi sur le pari politique que les provinces ne reviendront pas sur
leurs lois d'interdiction de transferts massifs d'eau. On peut au passage noter, que l'approche
environnementale est partagée par les États-Unis puisque la Cour Suprême a précisé que, si les
États ne peuvent légiférer sur le commerce (qui est du ressort du gouvernement fédéral), ils
pouvaient définir un cadre légal reposant sur le bien être public et la protection de l'environnement
(Fritz et McKinney, 1994 ; Petrella, 2009).
Les eaux frontalières (voir Carte 3 en annexe), quant à elles, sont sous l'autorité fédérale d'après le
traité sur les eaux limitrophes du 1909. L'article II du traité prévoit la souveraineté totale de l'État
d'amont pour les eaux qui coulent à travers la frontière et l'article III prévoit qu'aucune dérivation
des eaux limitrophes à proprement parlées ne pourra s'effectuer sans l'accord des deux
gouvernements et de la CMI. Les gouvernements américains et canadiens ont tiré partie de ces
articles pour fixer en 2002 des normes de gestion pour ces eaux, notamment de ne pas modifier
unilatéralement le niveau des Grands Lacs et de ne pas altérer durablement les eaux limitrophes.
Elle interdit ainsi tout transfert en dehors des bassins hydrographiques frontaliers. On constate que
le gouvernement s'est de nouveau placé dans le champ de la protection de l'environnement plutôt
que dans le champ commercial (Lasserre, 2005a). Enfin, les gouvernements américain et canadien
9
La Grande soif des États-Unis
ont convenu en 1999 que toute question sur la légitimité et les impacts de transferts massifs d'eau
devait être renvoyée vers la CMI. A ce titre, la CMI a estimé en 2000 que l'eau n'était pas objet de
commerce dans son état naturel et que les dispositions de l'ALENA n'empêchaient pas le Canada
et les États-Unis de prendre les mesures nécessaires pour protéger les ressources. Enfin, la CMI
estime surtout que l'ALENA n'a pas préséance sur les décisions de la CMI car cette dernière a été
créée spécifiquement dans le but de régir les eaux limitrophes (CMI, 2000).
LES TRANSFERTS D'EAU ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE MEXIQUE
Si l'on compare les ressources en eau aux États-Unis et au Mexique, on constate que le Mexique a
une ressource en eau moins abondante que son voisin septentrional. En effet, avec 409 km3/an de
ressource en eau, le Mexique dispose de 2,4 fois moins de volume d'eau par habitant que les
États-Unis (3 800 m3/an/hab contre 9 000 m3/an/hab – FAO, 2009). De plus, avec seulement
637 m3/an/hab de ressource en eau dans le bassin du Rio Grande, la région frontalière mexicaine
est en situation de stress hydrique grave. L'eau est par conséquent un enjeu majeur dans les
relations entre les deux pays.
o LE SYSTEME INSTITUTIONNEL ET LES RELATIONS AMERICANO-MEXICAINES
Afin de trouver des solutions aux partages des eaux entre les États-Unis et le Mexique, plusieurs
traités et conventions ont été signés entre les deux parties (voir Encadré 2 en annexe). Parmi les
plus importants, on peut citer le Traité du 2 février 1848 qui établit la frontière entre les deux pays,
la Convention du 1er mars 1889 qui établit l'International Boundary Commission (qui deviendra
IBWC en 1944) et le Traité du 3 février 1944, ou Water Treaty, qui définit, entre autres, les usages
des eaux des fleuves Colorado, Tijuana et Rio Grande5 (voir Carte 5 en annexe). Le Traité de 1944
prévoit en particulier que le Mexique doit fournir 432 millions de m3 d’eau par an aux États-Unis via
le Rio Grande à travers les barrages La Amistad et Falcon, et que les États-Unis doivent en
contrepartie 1,85 km3 d’eau par an au Mexique depuis le Colorado via le barrage Imperial en
Californie. On peut donc estimer que la balance est favorable au Mexique puisque ce dernier reçoit
théoriquement quatre fois la quantité d’eau qu’il apporte à son pays voisin.
Les rapports entre les États-Unis et le Mexique n'ont pas toujours été synonymes de coopération et
de solidarité. Le rapport de force favorable aux États-Unis a fortement influencé les relations entre
les deux voisins. Ainsi, le Mexique se plaint régulièrement auprès des États-Unis de la baisse de la
quantité d'eau dans les cours d'eau frontaliers et transfrontaliers due aux usages des eaux de
surface faits par les Américains. Si le système institutionnalisé de coopération entre les deux pays
a permis de résoudre pacifiquement de nombreux conflits, certains différends n'ont cependant pas
connu une résolution si sereine. On peut ainsi citer le conflit à propos de la salinité du Colorado
entre 1961 et 1973, la dette hydrique du Mexique envers le Texas ou encore le conflit de l'AllAmerican Canal (AAC) qui ont cristallisé les relations entre les deux pays en matière de gestion de
l'eau (Petrella, 2009).
o LE CONFLIT À PROPOS DE L'ALL-AMERICAN CANAL (AAC)
L'All-American Canal (AAC) a été construit en 1930 par les Américains pour approvisionner
l'Imperial Valley en Californie. Plus long canal d’irrigation du monde avec ses 132 km de long, il
achemine près de 740 m3/s d'eau (soit 2,3 km3 /an) depuis le fleuve Colorado. En raison de
nombreuses fuites, une partie de cette eau (environ 83 millions de m3 par an) s'infiltre dans le soussol et alimente l'aquifère de Mexicali, une source majeure d'eau pour les agriculteurs mexicains. En
1988, le Congrès américain autorise la conduite de travaux d’étanchéification en vue de réduire ces
pertes d'eau d'infiltration, ce que conteste le Mexique. La portée du conflit est différente selon les
deux pays car les États-Unis considèrent qu'il s'agit d'un problème national alors que le Mexique
considère qu'il s'agit d'un problème international. En effet, pour les Américains l'eau de l'AAC
appartient à la Californie, selon le partage des eaux du Colorado du Water Treaty de 1944, alors
5
Le Rio Grande est connu au Mexique sous le nom de Río Bravo.
10
La Grande soif des États-Unis
que les Mexicains considèrent qu'ils ont un droit sur l'eau puisque les agriculteurs de la vallée de
Mexicali en font un usage bénéfique selon le droit de première appropriation. De plus, les
Mexicains invoquent la Note 242 de l'IBWC qui oblige les deux pays à se consulter l'un l'autre
avant d'entreprendre des projets qui pourraient nuire à l'autre partie. Ce n'est qu'en 2005 que le
contentieux autour de l'AAC s'est résolu, après qu'une issue ait été trouvée pour un autre
contentieux, celui de la dette qu'avait le Mexique face au Texas en ce qui concerne le partage des
eaux du Rio Grande (Neir et Campana, 2007).
o LA DETTE HYDRIQUE DU MEXIQUE ENVERS LE TEXAS
Suite à la signature du Water Treaty en 1944, le Mexique s'est engagé à délivrer une certaine
quantité d'eau du Rio Grande au Texas. Plus précisément, il a été convenu que le Texas recevrait
au minimum un tiers du débit du fleuve et que la moyenne sur cinq ans des volumes reçus serait
au moins égale à 432 millions de m3/an. Entre 1992 et 2002 le Mexique a connu une sécheresse
chronique ne lui permettant pas de répondre à ses obligations de fourniture d'eau. Ainsi, en 2002,
la dette hydrique du Mexique s'élevait à 1,85 km3. De plus, des doutes quant à la véracité des
informations transmises, notamment en ce qui concerne le niveau des réservoirs, apparaissent. En
1998, les discussions commencent devant l'IBCW et en 2000 le Mexique règle une partie de sa
dette (0,6 km3). Cependant, les discussions aboutissent ensuite à une impasse. L'IBCW se
dessaisit en 2001 des négociations, les pourparlers s'effectuant alors directement entre les
gouvernements des deux pays. C'est finalement en 2005 que le conflit se résout : le Texas accepte
d'annuler le restant de la dette mexicaine en échange de l'arrêt des protestations mexicaines contre
les travaux d’étanchéification de l'AAC. (Walsh, 2004 ; Neir et Campana, 2007 ; Petrella, 2009).
o VERS UN RENFORCEMENT DU POUVOIR DES ÉTATS-UNIS ?
On peut constater à travers les deux conflits précédemment étudiés que l'existence de l'IBWC n'est
pas toujours suffisante pour la résolution des confits entre le Mexique et les États-Unis. Ainsi, on a
vu que lors du contentieux sur l’étanchéification de l'AAC les discussions ont également abouti à
une impasse en 2000. On peut expliquer cette situation par l'intention de l'administration fédérale
américaine de prendre le pouvoir sur le Mexique. Ainsi, les travaux de revêtement ont été retirés du
champ de l'IBWC pour être repris par le Ministère des Affaires Etrangères américain et par le
Département d'État américain. De plus, la Californie avait d'ors et déjà conclu des contrats pour
l'eau récupérée suite aux travaux de revêtement de l'ACC ce qui a diminué la probabilité d'une
solution favorable au Mexique. Seule la mise en parallèle de la dette hydrique du Mexique envers
le Texas a alors permis de trouver un compromis. Au final, l'implication d'un nombre d'acteurs de
plus en plus élevé diminue la probabilité de solution favorable pour le Mexique. Cette situation a fait
naître un ressentiment persistant de la part du Mexique face aux États-Unis. Mexico accuse ainsi
les Américains de prendre des actions unilatérales sans suivre le protocole diplomatique. Les
efforts réalisés pour améliorer la coopération internationale sont donc mis en péril par cet
antagonisme croissant (Munguìa, 2006 ; Petrella, 2009).
LE RAPPORT DE FORCE AMONT / AVAL
À la lecture de ce qui précède, on constate que les relations en matière d’eau entre les États-Unis
et ses deux voisins sont très différentes. L’objectif de cette dernière partie est de conclure en
essayant de comprendre quelques unes des raisons qui peuvent expliquer que le rapport de force
amont / aval soit si différent de part et d’autre des États-Unis.
o L’HÉRITAGE HISTORIQUE ET UN PAYS D’AMONT BÉNÉFICIAIRE DU PARTAGE
Selon Frédéric Lasserre, la bonne entente entre Canada et États-Unis peut trouver son origine
dans plusieurs facteurs, dont certains historiques. Tout d’abord, il y a une absence de contentieux
historique majeur entre les États-Unis et le Canada, alors que le Mexique semble garder le
souvenir de la guerre de 1848 et perçoit assez mal les décisions de son voisin. Les relations sont
beaucoup plus cordiales avec le Canada, d’autant plus que le traité de 1909 a mis en place les
11
La Grande soif des États-Unis
mécanismes de concertation pour les eaux des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Il convient
d’ailleurs de ne pas oublier que la Couronne britannique, soucieuse de pouvoir exploiter des voies
fluviales nord-américaines importantes pour le transit de son commerce, a poussé son dominion
canadien et les États-Unis à négocier ces modalités de partage des eaux. Le seul différend récent
majeur a porté sur l’aménagement de la Kootenay. En 1959-60, lors d’un contentieux portant sur le
fleuve Columbia avec le Canada, les États-Unis, soucieux d’exploiter le potentiel hydroélectrique de
la rivière Kootenay au Montana, ont proposé au Canada une indemnité pour l’inondation de son
territoire occasionnée par la construction du barrage Libby, mais aucune part de la production
électrique. Le Canada a alors menacé de dériver un débit important de la Kootenay vers le Fraser,
en territoire canadien. Les États-Unis ont alors invoqué la doctrine de « première appropriation »
(soit la doctrine invoquée par le Mexique lors du différend sur le Colorado). C’est finalement la
fermeté canadienne qui a fait accepter aux États-Unis d’offrir une contrepartie financière pour les
terres inondées et de donner une partie de l’énergie électrique générée.
Le Canada a ainsi négocié avec les États-Unis des accords énergétiques en parallèle des accords
de transferts d’eau. Les contrats de vente d’électricité conclus avec les Américains ont permis au
Canada de tirer de larges profits de leurs transferts d’eau. Cette situation, où les deux pays sont
gagnants, associée à la souplesse diplomatique canadienne, a permis de parvenir à une gestion
des ressources hydriques concertée et respectueuse des besoins des deux voisins. Des relations
équivalentes pourraient exister entre les États-Unis et le Mexique puisque les deux pays peuvent
potentiellement tirer profit d’une gestion plus concertée. En effet, si les États-Unis sont à l’amont du
Mexique vis-à-vis du Rio Grande, ils sont en aval du Rio Conchos, le principal affluent du Rio
Grande à la frontière entre les deux pays. Le Mexique se plaint fréquemment de l'utilisation que fait
Washington de ses privilèges géographiques découlant de son statut de pays d'amont vis-à-vis des
Mexicains mais les États-Unis se plaignent également que le Mexique ne laisse pas suffisamment
d’eau du Rio Conchos parvenir jusqu’au Rio Grande (Mikaïl, 2007).
o L’IMPORTANCE DE L’UTILISATION DE L’EAU
Une autre raison peut expliquer que les relations sont plus cordiales au nord des États-Unis qu’au
sud. Il n’y a pas d’utilisation majeure des eaux communes entre le Canada et les États-Unis
puisque très peu d’eau du bassin Grands Lacs-Saint Laurent est consommée, alors qu’au sud le
Mexique comme les États-Unis prélèvent en grande partie les eaux des bassins du Colorado et du
Rio Grande. Il y a bien au niveau de la frontière américano-canadienne des prélèvements pour les
centrales thermiques, pour les villes et pour les industries, mais ces prélèvements consomment
peu en proportion, à la différence des usages agricoles qui dominent les prélèvements entre
Mexique et États-Unis. L’ampleur des volumes utilisés et le poids du lobby agricole lié à sa
puissance économique dans le sud-ouest des États-Unis rendent par conséquent Washington peu
conciliant envers le Mexique.
o LA SÉCHERESSE, CAUSE MAJEURE DES CONFLITS D’USAGES ?
Enfin, comme le souligne Éric Mollard6 (2009), il convient de noter que les conflits liés à l’eau
naissent principalement pendant les périodes de sécheresse. Or les régions du nord des États-Unis
et plus particulièrement la région des Grands Lacs n’ont pas connu de sécheresse telle que les
ressources hydriques deviennent véritablement problématiques. Les enjeux au nord sont plutôt sur
un plan qualitatif que sur un plan quantitatif. La situation est tout à fait différente au sud puisque les
États-Unis et le Mexique y connaissent des périodes de sécheresse chronique récurrentes. Ces
périodes où le manque d’eau est conséquent n’est pas propice à des négociations sereines
puisque chaque État vise alors prioritairement ses propres intérêts économiques. La coopération et
la bonne entente sont favorisées dès lors qu’il n’y a pas de situation conflictuelle présente de facto.
6
Éric Mollard est chercheur en sociologie de l’environnement au centre IRD de Montpellier.
12
La Grande soif des États-Unis
ANNEXES
Carte 1 :
Carte 2 :
Carte 3 :
Carte 4 :
Carte 5 :
.
Encadré 1 :
Encadré 2 :
.
Tableau 1 :
Tableau 2 :
Tableau 3 :
Tableau 4 :
Tableau 5 :
.
Les précipitations aux États-Unis………………………………………………………….ii
La sécheresse aux États-Unis : situation en août 2004…………………………………..ii
Les espaces régis par le traité sur les eaux limitrophes de 1909 …………………...….v
Les transferts massifs du bassin des Grands Lacs…………………………………….…v
Le fleuve Colorado et le Rio Grande………………………………………..………………x
Les textes régissant la gestion des eaux américano-canadiennes…………...……………….iv
Traités et conventions signées pour le partage des eaux entre les États-Unis
et le Mexique………………………………………………………………………………….ix
La répartition des consommations d'eau aux États-Unis en 2005……………………...iii
Répartition des eaux du fleuve Colorado………………………………………………….iii
Les principales dérivations d'eau aux États-Unis…………………………………………vi
Les principales dérivations d'eau au Canada…………………………………………….vii
Les principaux projets de dérivation d'eau entre le Canada et les États-Unis………..viii
i
La Grande soif des États-Unis
o SITUATION HYDROGRAPHIQUE GENERALE DES ÉTATS-UNIS
Carte 1 : Les précipitations aux États-Unis (SCAS, 2004)
Carte 2 : La sécheresse aux États-Unis : situation en août 2004 (NDMC, 2004)
ii
La Grande soif des États-Unis
o LES USAGES DE L'EAU ÉTATS-UNIS
Prélèvements
annuels
Part eau de surface/ eau
souterraine / dessalement
Énergie
265 km3
(soit 49%)
71% / 1% / 28%
Irrigation
169 km3
(soit 31%)
58% / 42% / 0%
58 km3
(soit 11%)
67% / 33% / 0%
24 km3
(soit 4%)
77% / 17% / 6%
Secteur
Distribution d'eau
collective
Industries fortes
consommatrices
d'eau ayant leur
propre ressource
Évolution
Globalement stable depuis 1985
En légère augmentation depuis
2000
+ 2% entre 1995 et 2000
- 8% entre 2000 et 2005
En 1950, la part d'eau souterraine
n'était que de 23%.
+ 8% entre 1995 et 2000
+ 2% entre 2000 et 2005
- 30% entre 1985 et 2005
Tableau 1 : La répartition des prélèvements d'eau aux États-Unis en 2005 (Kenny et al., 2009)
o LE PARTAGE DES EAUX DU FLEUVE COLORADO
La répartition des eaux du fleuve Colorado a été décidée unilatéralement lors du Colorado River
Compact de 1922 et entérinée lors du Boulder Canyon Project Act de 1928. Elle prévoit qu'environ
10% du débit théorique reviennent au Mexique et que le reste soit réparti de manière égale entre
les États de l'amont (Colorado, Utah, Wyoming, Nouveau-Mexique) et les États de l'aval
(Californie, Arizona, Nevada). La répartition des eaux du Colorado a été faite sur la base d'un débit
théorique de 16,4.106 acre-ft (20,2 km3) alors que des études plus récentes ont montré que le débit
théorique du Colorado était moindre. En 2000, une étude a ainsi estimé que le débit moyen du
Colorado était de 13,2.106 acre-ft (16,3 km3) et en 2005 une autre étude l'a estimé à
14,3.106 acre-ft (17,6 km3) (Hidalgo et al., 2000 ; Woodhouse et al., 2006). Les analyses suggèrent
que le Colorado River Compact a été conclu après une période où les précipitations ont été
particulièrement importantes ce qui a faussé l'évaluation du débit moyen du Colorado.
Colorado
Utah
Wyoming
Nouveau-Mexique
Californie
Arizona
Nevada
Mexique
Débit théorique du Colorado
3,9.106 acre-ft
1,7.106 acre-ft
1.106 acre-ft
0,85.106 acre-ft
4,4.106 acre-ft
2,85.106 acre-ft
0,3.106 acre-ft
1,5.106 acre-ft
16,4.106 acre-ft
4,81 km3
2,10 km3
1,23 km3
1,05 km3
5,43 km3
3,52 km3
0,37 km3
1,85 km3
20,2 km3
24%
10%
6%
5%
27%
17%
2%
9%
Tableau 2 : Répartition des eaux du fleuve Colorado
iii
La Grande soif des États-Unis
o LA GESTION DES EAUX COMMUNES AMÉRICANO-CANADIENNES
Quatre traités, trois conventions et trois accords régissent les eaux communes entre les ÉtatsUnis et le Canada.
1909 – Traité des eaux limitrophes (TEL)
Le TEL est un texte de grande importante car il traite de l'agencement des eaux transfrontalières
et de surface entre le Canada et les États-Unis et des moyens par lesquels il convient de veiller à
la qualité et à l'environnement des eaux communes. Le TEL insiste sur le fait qu'aucune
disposition ne doit venir empiéter sur les trois usages suivants classés par ordre d'importance :
(1) les usages domestiques et hygiéniques ; (2) la navigation, notamment à but commercial ; (3)
l'irrigation et la fourniture d’électricité. Par ailleurs, le TEL met en place la Commission mixte
internationale (CMI), organe neutre composé de six représentants (trois Américains et trois
Canadiens) et dont la vocation est de veiller à ce que le partage des ressources hydriques
communes soit le plus équitable possible. La CMI sera officiellement créée en 1912.
1925 – Convention sur le contrôle du lac des Bois
1938 – Convention sur le lac de la Pluie
1950 – Traité du Nicaragua
1955 – Convention sur les pêcheries des Grands Lacs
1959 – Accord d'entente sur la Voie maritime
1961 – Traité du fleuve Columbia (TFC)
Le TFC a pour but de préciser la gestion américano-canadienne du fleuve Columbia, ressource
en eau la plus importante pour l'Ouest des États-Unis. Ce traité ne se substitue pas au TEL
puisqu'il rappelle que la CMI est l'institution compétente pour le règlement des litiges concernant
la gestion du Columbia. Le TFC rappelle également que le Canada, en tant que pays aval, doit
construire des barrages pour réguler le flux du fleuve et que les États-Unis doivent mettre sur
pieds des ouvrages hydroélectriques dont le bénéfice devra être partagé entre les deux pays
(compensations financières et fourniture d'électricité). Enfin, le TFC mentionne que tout État
voulant développer un projet non prévu dans le cadre du TFC devra obtenir l'accord du Canada
et des États-Unis.
1978 – Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs (ARQEGL)
L'ARQEGL se distingue du TEL et du TFC dans le sens qu'il a été élaboré dans le seul but de
veiller à l'état écologique des Grands Lacs. Ce traité ne vise en rien à empiéter sur la
souveraineté de chacun des États car son préambule rappelle le droit que chacune des parties
prenantes reconnaît à l'autre d'utiliser les eaux des Grands Lacs. L'ARQEGL cite de nouveau la
CMI comme arbitre d'éventuels conflits entre le Canada et les États-Unis, ce qui montre que les
deux gouvernements sont attachés à ne pas se laisser entraîner dans un imbroglio juridique
potentiellement générateur de conflit à long terme. Cependant, les eaux des Grands Lacs se
singularisent par rapport aux autres ressources communes : à travers l'ARQEGL le Canada et les
États-Unis ont voulu insister sur le fait que les enjeux liés à l'écologie n'ont pas moins
d'importance que ceux visant à une bonne répartition des eaux.
1984 – Traité de la Skagit
1989 – Accord sur l'approvisionnement en eau et la protection contre les crues dans le bassin de
la rivière Souris
Encadré 1 : Les textes régissant la gestion des eaux américano-canadiennes (Mikaïl, 2007)
iv
La Grande soif des États-Unis
Carte 3 : Les espaces régis par le traité sur les eaux limitrophes de 1909 (Lasserre, 2005a)
Carte 4 : Les transferts massifs du bassin des Grands Lacs (Lasserre, 2005a)
v
La Grande soif des États-Unis
o LES TRANSFERTS D'EAU ACTUELS AU SEIN DES ÉTATS-UNIS ET DU CANADA
Volumes
transférés
Distance
parcourue
2 870 Mm3/an
40 km
6 200 Mm3/an
710 km
443 Mm3/an
541 km
1 494 Mm3/an
387 km
3 837 Mm3/an
325 km
8 638 Mm3/an
600 km
31,7 Mm3/an
42 km
Central
Arizona
Project [19]
1 852 Mm3/an
528 km
Delaware
Aqueduct [20]
1 271 Mm3/an
169 km
Transferts
Dérivation de
Chicago [9]
California
Aqueduct –
State Water
Project [10]
Los Angeles
Aqueduct [12]
Colorado River
Aqueduct [13]
All American
Canal –
Coachella
Canal [14]
Central Valley
Project [15]
Santa Ynez
Development
Project [16]
Situation géographique
Tableau 3 : Les principales dérivations d'eau aux États-Unis (Lasserre, 2005b)
(Le chiffre inscrit entre crochet à coté du nom du transfert correspond au numéro sur la carte)
vi
La Grande soif des États-Unis
Transferts
Volumes
transférés
Distance
parcourue
Kemano [1]
3 627 Mm3/an
18 km
Churchill [2]
24 440 Mm3/an
40 km
Lac Saint-Joseph
[3]
2 712 Mm3/an
7 km
Churchill Falls [4]
6 307 Mm3/an
4 100 Mm3/an
20 km
25 km
25 071 Mm3/an
120 km
26 333 Mm3/an
95 km
3 571 Mm3/an
8,5 km
Lac Long [8]
1 340 Mm3/an
0,4 km
Bay d'Espoir [21]
5 831 Mm3/an
50 km
Complexe de la
Baie James –
Dérivation
Laforgue [5]
Complexe de la
Baie James –
Dérivation EOL
[6]
Ogoki [7]
Situation géographique
Tableau 4 : Les principales dérivations d'eau au Canada (Lasserre, 2005b)
(Le chiffre inscrit entre crochet à coté du nom du transfert correspond au numéro sur la carte)
vii
La Grande soif des États-Unis
o LES PROJETS DE TRANFERTS D'EAU MASSIFS ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
GRAND Canal
North America Water &
Power Alliance
(NAWAPA)
Plan Magnum
Plan Kuiper
Année : 1959-1983
Année : 1964
Année : 1965
Dérivation : 347 km3/an Dérivation : 310 km3/an Dérivation : 31 km3/an
Coût : 100 milliards $
Coût : 100 milliards $
Coût : nd
Central North American Western States Water
Ogallala
Water Project
Augmentation
Replenishment
(CeNAWP)
Année : 1967
Dérivation : 185 km3/an
Coût : 50 milliards $
Alaska Subsea
Pipeline
Année : 1968
Année : 1968
Dérivation : 185 km3/an Dérivation : 49 km3/an
Coût : 50 milliards $
Coût : 90 milliards $
Année : 1991
Dérivation : 4,9 km3/an
Coût : 110 milliards $
Année : 1982
Dérivation : 8,8 km3/an
Coût : 27 milliards $
Tableau 5 : Les principaux projets de dérivation d'eau entre le Canada et les États-Unis (Lasserre, 2005b)
viii
La Grande soif des États-Unis
o LE SYSTEME INSTITUTIONNEL ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET LE MEXIQUE
Traité du 2 février 1848 : il établit la frontière qui sépare les États-Unis du Mexique. Il a été
modifié par le Traité du 30 décembre 1853. Depuis, la frontière entre les deux pays n'a pas
évoluée.
Convention du 12 novembre 1884 : elle établit les règles de détermination de la position de la
frontière entre les États-Unis et le Mexique lorsqu'une rivière limitrophe charrie des sédiments
d'une rive à l'autre.
Convention du 1er mars 1889 : elle établit l'International Boundary Commission (IBC) pour faire
appliquer les règles de la Convention de 1884. Elle a été modifiée le 20 mars 1905 (Banco
Convention) pour retenir le Rio Grande et le fleuve Colorado comme frontière entre les deux
pays.
Convention du 21 mars 1906 : elle définit le partage des eaux du Rio Grande entre les ÉtatsUnis et le Mexique.
Convention du 1er février 1933 : les deux gouvernements s'accordent pour construire et
maintenir à travers l'IBC le projet de rectification du Rio Grande (Rio Grande Rectification
Project). Ce projet a pour objectif de rectifier et de stabiliser la frontière entre les deux pays au
niveau de la zone d'El Paso – Juárez.
Traité du 3 février 1944 (Water Treaty) : ce traité définit le partage des eaux du Colorado, des
rivières Tijuana et du Rio Grande entre les deux pays. Ce traité autorise de plus la construction
de barrages sur le Rio Grande par les deux pays. Enfin, ce traité transforme l'IBC en International
Boundary and Water Commission (IBWC) : les deux gouvernements donnent à l'IBWC pour
mandat de trouver les solutions aux problèmes sanitaires frontaliers (Article 3).
Convention du 29 août 1963 (Chamizal Convention) : elle résout un ancien conflit à propos de
la frontière au niveau d'El Paso / Ciudad Juárez. L'IBWC transfert 7,1 km du fleuve Rio Grande
au Mexique (soit 437 acres).
Traité du 23 novembre 1970 : il résout les derniers conflits concernant les frontières entre les
deux pays en maintenant le Colorado et le Rio Grande comme frontière. Ce traité prévoit
également une procédure si l'un ou l'autre des deux pays gagne ou perd des territoires suite à
une variation du cours des fleuves.
Encadré 2 : Traités et conventions signées pour le partage des eaux entre les États-Unis et le Mexique
(IBWC, 2009)
ix
La Grande soif des États-Unis
Carte 5 : Le fleuve Colorado et le Rio Grande
x
La Grande soif des États-Unis
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