8 Le retour à la vie de Lazare

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8 Le retour à la vie de Lazare
Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
7 LE RETOUR À LA VIE DE LAZARE
Jn 11,1-45
INTRODUCTION
Les évangiles synoptiques connaissent deux récits de retour à la vie : la fille de Jaïre (Mc 5,3543 et //) et le jeune homme de Naïm (Lc 7,11-16). Jean seul nous relate celui du retour à la vie de
Lazare qui devait sans doute mieux rendre compte du message qu'il souhaitait transmettre. Le texte est
très long et fourmille de détails. Il importe donc de ne pas se perdre dans l'anedoctique et de bien
discerner l'intention du narrateur.
Le couple "mort/résurrection" va dominer cette nouvelle séquence, à travers le destin de
Lazare, lié à la fois symboliquement et concrètement, comme on le verra, à celui de Jésus. Ce septième
et dernier signe de l'évangile de Jean est sans doute le plus grandiose. Il est le dernier accompli par
Jésus et couronne de ce fait les récits des œuvres qui témoignent en sa faveur. Parmi les signes choisis
par l'évangéliste "afin que vous croyiez" (20,31), le réveil de Lazare est celui dont la narration reflète
le plus clairement cette finalité. Ce qui est proposé au lecteur, ce n'est pas de croire en Jésus grand
thaumaturge, mais dans le Christ qui est pour tout homme "la résurrection et la vie". Comme toujours
en Jean, c'est un récit centré sur Jésus. C'est autour de lui que se noue le récit et c'est par rapport à lui
que tous les personnages sont appelés à faire des choix. Dans ce récit typiquement johannique, se
reflète la certitude de la communauté johannique : Jésus est Celui qui dès maintenant vivifie les
"morts".
La scène se déroule en deux lieux : au-delà du Jourdain (10,40-11,16) où Jésus s'est retiré avec
ses disciples et à Béthanie (11,16-45) où se trouvent Lazare et ses sœurs. Lazare, dont le nom signifie
"Que Dieu ait pitié" n'est pas connu par ailleurs. Dans le récit, il est muet avant et il le reste lorsqu'il
revient à la vie. On ne saura jamais ce qu'il a expérimenté outre-tombe. On retrouve le nom dans la
parabole de Lazare et du riche en Lc 16. Les figures des sœurs, Marthe et Marie, n'apparaissent ailleurs
que dans Lc 10,38-42. Elles personnifient ici deux attitudes possibles face à l'épreuve de la mort.
1 INTRODUCTION NARRATIVE (vv. 1-6)
1
Il y avait un homme malade ;
c'était Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe.
2
Il s'agit de cette même Marie qui avait oint le Seigneur d'une huile parfumée
et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux ;
c'était son frère Lazare qui était malade.
3
Les sœurs envoyèrent dire à Jésus :
"Seigneur, celui que tu aimes est malade."
4
Dès qu'il l'apprit, Jésus dit :
"Cette maladie n'aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu :
c'est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié."
5
Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare.
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Cependant, alors qu'il savait Lazare malade,
il demeura deux jours encore à l'endroit où il se trouvait.
Le récit commence comme tant de récits de la littérature universelle : "il était une fois…". Il
s'ouvre sur la mention d'un homme malade (cinq fois) : Lazare qui sera nommé quinze fois jusqu'en
12,17, onze fois sous son nom et quatre fois comme le frère. C'est dire si il tient une place importante
dans cette partie du livre qui précède la Passion, et cela, sans prononcer une parole. Il est également
situé par rapport à ses sœurs. La première nommée, Marie, est qualifiée par rapport à un acte qui ne
sera rapporté qu'au chapitre suivant, l'onction donnée à Jésus. Or, celle-ci est mise en rapport avec le
"jour de l'ensevelissement" de Jésus. On peut donc lire cette note explicative comme une orientation de
lecture : Marie est d'emblée située du côté de la mort. Mais l'une et l'autre sœur ne sont pas
diversifiées. L'une et l'autre sont aimées de Jésus et envoient l'informer de la maladie de Lazare.
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Ensuite le v. 4 donne un statut unique à Jésus puisqu'il interprète par avance l'évènement
comme maladie non pour la mort mais pour la gloire de Dieu et pour son fils. Dans le quatrième
évangile, la gloire de Dieu, la manifestation visible de sa présence au monde, ne se révèle parfaitement
qu'à Pâques. C'est alors qu'on découvre vraiment qui est Dieu. Jésus révèle un Dieu qui se donne par
amour pour donner la vie aux hommes. La maladie de Lazare aboutira ainsi à la manifestation de la
glorification du Fils, c'est-à-dire à la révélation plénière du Fils et du Père. Le narrateur nous invite
ainsi à dépasser l'anecdote et à faire une lecture théologique de l'événement.
Puis, aux vv. 5-6, le narrateur revient sur l'amour de Jésus pour les deux sœurs et pour leur
frère, ce qui produit une tension avec la notation suivante : Jésus aime Lazare et il attend cependant
deux jours avant de se mettre en route. Ces deux jours sont sans doute à mettre en lien avec le signe de
Cana. En effet, ces deux jours vont conduire au troisième jour, qui à Cana, a été celui de la
manifestation de la gloire de Jésus aux disciples (2,1) et qui sera aussi celui de sa résurrection.
2 JÉSUS ET LES DISCIPLES (vv. 7-16)
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Après quoi seulement, il dit aux disciples :
"Retournons en Judée."
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Les disciples lui dirent :
"Rabbi, tout récemment encore les Juifs cherchaient à te lapider; et tu veux retourner là-bas?"
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Jésus répondit :
"N'y a-t-il pas douze heures de jour ?
Si quelqu'un marche de jour, il ne trébuche pas parce qu'il voit la lumière de ce monde ;
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mais si quelqu'un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n'est pas en lui."
11
Après avoir prononcé ces paroles, il ajouta :
"Notre ami Lazare s'est endormi, mais je vais aller le réveiller."
12
Les disciples lui dirent donc :
"Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé."
13
En fait, Jésus avait voulu parler de la mort de Lazare,
alors qu'ils se figuraient, eux, qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil.
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Jésus leur dit alors ouvertement :
"Lazare est mort, 15et je suis heureux pour vous de n'avoir pas été là,
afin que vous croyiez. Mais allons à lui !"
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Alors Thomas, celui que l'on appelle Didyme, dit aux autres disciples :
"Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui."
C'est ici que réapparaissent les disciples, absents depuis l'épisode de l'aveugle-né. Le dialogue
entre Jésus et ses disciples forme un tout délimité par l'inclusion (disciples et allons/retournons) mise
en évidence ci-dessus.
Jésus commence à s'adresser à eux dans une parabole sur le jour et la nuit, la lumière et les
ténèbres (vv. 9-10). Pour les disciples, cette parole résonne à la fois comme une évidence et comme
une énigme à déchiffrer. Jésus est bien la lumière venue dans le monde (1,9), il est la lumière du
monde (8,12 ; 9,5).
Au v. 11 Jésus leur dit que Lazare dort et ses disciples ne comprennent alors pas pourquoi il
faudrait qu'il aille risquer sa vie juste pour le réveiller. Mais en recourant à la métaphore du sommeil,
Jésus laisse ouvert l'avenir, en reliant le sommeil de Lazare à sa propre personne.
Au v. 14, Jésus leur dit que Lazare est mort et que la finalité donnée par Jésus à cette mort est
la foi des disciples "afin que vous croyez". Et pourtant les disciples vont disparaître du récit qui ne
mentionnera pas leur foi mais celle des Juifs (v. 45). N'est-ce pas le lecteur que nous sommes qui est
invité à croire ? Le terme disciple déborde ainsi le temps de Jésus et peut s'appliquer à tout croyant.
3 JÉSUS DEVANT MARTHE (vv. 17-27)
31 Le déplacement des personnages (vv. 17-20)
17
A son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau ; il y était depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie est distante de Jérusalem d'environ quinze stades, (1 stade = 192 m)
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beaucoup de Juifs étaient venus chez Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère.
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Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait,
elle alla au-devant de lui, tandis que Marie était assise dans la maison.
Le récit passe directement de l'au-delà du Jourdain à Béthanie.
Les quatre jours mentionnés au v. 17 sont importants en ce sens qu'ils marquent la réalité et la
radicalité de cette mort. Pour les Juifs d'alors, la mort réelle était en effet consommée quatre jours
après le décès, quand le corps commence à se décomposer.
A partir du v. 20, l'auteur immobilise son récit à l'entrée du village de Béthanie pour y déployer
deux scènes parallèles dans lesquelles les deux sœurs vont remplir des rôles très différents.
32 Le dialogue central (vv. 21-27)
21
Marthe dit à Jésus :
"Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
22
Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera."
23
Jésus lui dit :
"Ton frère ressuscitera."
24
- "Je sais, répondit-elle, qu'il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour."
25
Jésus lui dit :
"Je suis la résurrection et la vie :
celui qui croit en moi, même s'il meurt,
vivra ;
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et quiconque vit
et croit en moi ne mourra jamais.
Crois-tu cela?"
27
- "Oui, Seigneur, répondit-elle,
je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde."
Les deux sœurs, qui ensemble ont fait appel au Seigneur et qui diront leur peine avec les
mêmes mots (vv. 21 et 32), se comportent de manière opposée face au mystère de la mort. Marthe
accourt aussitôt vers Jésus alors que Marie demeure chez elle, "assise" comme il convient à une femme
en deuil (v. 20). Marthe quitte ainsi le groupe de deuil constitué par Marie et les Juifs pour aller à la
rencontre de Jésus. Ce départ place Marthe dans un rapport privilégié de croyante face à Jésus. Jésus
présent, la mort ne peut l'emporter.
Marthe exprime d'abord sa déception (v. 21b), puis son immense confiance (v. 22), et enfin
magnifiquement sa foi (v.27) alors que Marie demeure accablée sous le poids de la douleur. Cette
conviction de Marthe s'exprime par trois expressions :
- Elle exprime d'abord sa conviction que Jésus a pouvoir sur la mort :
"je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera." (v. 22)
Elle reconnaît ici en Jésus un homme de Dieu, à l'image d'Elie et Elisée à qui Dieu a donné le
pouvoir de faire vivre les morts (1 R 17,17-24 ; 2 R 4,18-37).
- Puis quand Jésus s'efface pour lui rappeler la foi juive en la résurrection des morts (v. 23), elle
le rejoint pour adhérer au crédo d'Israël :
"Je sais, répondit-elle, qu'il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour." (v. 24)
- Enfin, quand Jésus se présente lui-même comme la résurrection et la vie (v. 25), elle dépasse
le savoir pour accéder à la foi et croire :
"je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu". (v. 27b)
Elle est ici la figure de la croyante qui reconnaît en Jésus l'irruption du Dieu des vivants parmi
les hommes. Jésus est plus qu'Élie et Élisée, il est reconnu comme celui qui fait vivre, à l'image de
Dieu lui-même. Elle confesse ainsi Jésus dans son identité véritable : Christ et Messie (aboutissement
du Judaïsme) et Fils de Dieu (révélation chrétienne). En trois répliques, Marthe est passée de la
conviction d'un lien privilégié de Jésus avec Dieu à la reconnaissance de l'Envoyé eschatologique par
qui le Règne de Dieu s'est approché, et donc de la foi juive à une foi proprement chrétienne. Sa
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confession du Christ correspond fort bien à celle des premiers chrétiens et d'abord à la présentation du
IVe évangile. A travers Marthe, c'est la communauté johannique qui s'exprime. Elle exprime sa foi
alors que Lazare n'a pas encore retrouvé la vie.
Marthe est illuminée par la parole de Jésus au point qu'elle ne revient pas sur la mort de son
frère, comme si une nouvelle demande était superflue ; et elle va trouver sa sœur.
4 JÉSUS DEVANT MARIE (vv. 28-37)
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Là-dessus, elle partit appeler sa sœur Marie et lui dit tout bas :
"Le Maître est là et il t'appelle."
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A ces mots, Marie se leva immédiatement et alla vers lui.
30
Jésus, en effet, n'était pas encore entré dans le village ;
il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe l'avait rencontré.
31
Les Juifs étaient avec Marie dans la maison et ils cherchaient à la consoler.
Ils la virent se lever soudain pour sortir, ils la suivirent :
ils se figuraient qu'elle se rendait au tombeau pour s'y lamenter.
32
Lorsque Marie parvint à l'endroit où se trouvait Jésus,
dès qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit :
"Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort."
33
Lorsqu'il les vit se lamenter, elle et les Juifs qui l'accompagnaient,
Jésus frémit intérieurement et il se troubla.
34
Il dit :
"Où l'avez-vous déposé?"
Ils répondirent :
"Seigneur, viens voir."
35
Alors Jésus pleura ;
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et les Juifs disaient :
"Voyez comme il l'aimait!"
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Mais quelques-uns d'entre eux dirent :
"Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle n'a pas été capable d'empêcher Lazare de mourir."
Le narrateur souligne le parallélisme entre les deux sœurs : elles rencontrent Jésus au même
endroit et lui adressent des paroles en partie identiques :
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Marthe dit à Jésus :
"Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
22
Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera."
32
Lorsque Marie parvint à l'endroit où se trouvait Jésus,
dès qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit :
"Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort."
Mais Marie ne reprend que la partie négative du discours de sa sœur : "si tu avais été ici". Il
manque la confession de foi. Elle reste du côté du deuil, dans son comportement et dans ses paroles :
elle fait corps avec le groupe des Juifs en deuil (vv. 31.33).
La réaction de Jésus est dite par trois verbes : il frémit (v. 33), il se troubla (v. 33), il pleura (v.
35). Le motif de l'émotion de Jésus n'est pas spécifié, seule l'occasion ressort du contexte : les pleurs
de Marie et des Juifs (v. 33) ainsi que la réflexion attristée de ces derniers (v. 36) et l'invitation à voir
la tombe (v. 34).
Le frémissement de Jésus a sans doute son origine dans la détresse de ceux qui viennent à lui
qui concrétise, à son regard, la présence tragique de la mort.
Le verbe se troubler appartient chez Jean au contexte de la Passion : "mon âme est troublée"
(12,27). Voir aussi 13,21 ; 14,1.
Le frémissement de Jésus et son trouble ne sont connus que du narrateur alors que les Juifs,
eux, vont voir ses larmes (v. 35). Ils vont attribuer celles-ci à son amitié pour Lazare. Mais cette
explication reste en deçà de la vérité. Les larmes silencieuses de Jésus proviennent de l'Amour du Père
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qui à travers lui va aux disciples (15,9). Ce sont les larmes de Dieu devant la mort qui sépare les êtres.
Ce sont en même temps les larmes de Celui qui doit consentir à l'épreuve.
Peut-on dire qu'il y a excès de foi chez Marthe et excès de deuil chez Marie ? En fait les textes
restent ouverts et Marthe aura en 11,39 des accents d'incrédulité. Mais Jean a bien typé deux
comportements face à la mort : Marie symbolise l'homme abattu par la séparation et par la mort ;
l'excès de deuil l'empêche d'accueillir en Jésus le révélateur de Dieu.
5 JÉSUS DEVANT LAZARE (vv. 38-45)
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Alors, à nouveau, Jésus frémit intérieurement et il s'en fut au tombeau ;
c'était une grotte dont une pierre recouvrait l'entrée.
39
Jésus dit alors :
"Enlevez cette pierre."
Marthe, la sœur du défunt, lui dit :
"Seigneur, il doit déjà sentir... Il y a en effet quatre jours..."
40
Mais Jésus lui répondit :
"Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ?"
41
On ôta donc la pierre. Alors, Jésus leva les yeux et dit :
"Père, je te rends grâce de ce que tu m'as exaucé.
42
Certes, je savais bien que tu m'exauces toujours,
mais j'ai parlé à cause de cette foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé."
43
Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte :
"Lazare, sors!"
44
Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes,
et le visage enveloppé d'un linge.
Jésus dit aux gens :
"Déliez-le et laissez-le aller!"
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Beaucoup de ces Juifs qui étaient venus auprès de Marie
et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
La rencontre avec Lazare se situe tout de suite après la séquence douloureuse des pleurs, de la
révolte et du trouble.
La tombe de Lazare est une grotte fermée par une pierre. Jésus ordonne de soulever celle-ci,
mais l'exécution va être retardée par la réaction, horrifiée, de Marthe. Celle-ci contraste avec la belle
assurance qu'elle avait montrée auparavant, et Jésus apparaît ainsi d'autant plus seul face au pouvoir de
la mort. Cependant, la fonction première de l'intervention de Marthe est de souligner les quatre jours
(11,17) et la corruption.
La réplique de Jésus au v. 40 renvoie le lecteur, sinon Marthe, à la parole que Jésus a
prononcée au commencement (11,4). De nouveau, la gloire de Dieu dit le sens ultime, qui inclut les
diverses significations données par Jésus à ses œuvres. La pensée se déplace sur Dieu seul, origine de
toute vie, et sa gloire est ici implicitement la création nouvelle qu'il suscite par-delà la décomposition
que produit la mort.
Jésus retrouve rapidement sa seigneurie qui se manifeste triplement :
- Par sa prière au Père (v. 41) où se manifeste son union à lui et sa certitude d'être entendu (v.
42).
- Par son autorité sur les témoins. Deux fois, il donne des ordres : "enlevez cette pierre" et
"déliez-le". Ainsi le Seigneur non seulement arrache Lazare aux chaines de la mort, mais il n'enchaîne
pas l'homme libéré à lui-même dans une dépendance : "laissez-le aller". Il renvoie Lazare dans la vie.
- Par son intervention brève et efficace : "Lazare, sors". De plus, Jésus "crie d'une voix forte".
Ce cri peut avoir comme fonction de donner un caractère public au signe. Il peut aussi signifier la toute
puissance de Jésus dont la voix rejoint le pays des morts. De plus, ce cri peut aussi évoquer le grand cri
du Fils de l'Homme qui à la fin arrachera les morts aux tombeaux.
Lazare s'est réveillé car il a entendu la voix du Seigneur. Mais rien ne nous sera dit ni de ses
quatre jours au tombeau, ni de son itinéraire personnel. Nous ne saurons rien de lui ! L'évangéliste en
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fera de nouveau mention en 12,11 en mentionnant que les grands prêtres avaient décidé de tuer Lazare.
L'évangéliste n'a pas à en dire plus : place désormais à Jésus dont il avait pour fonction de préparer la
mort et la glorification.
Le récit s'achève par la mention de deux réactions distinctes : de nombreux juifs se mettent à
croire (v. 45) alors que d'autres vont rapporter aux pharisiens ce qui s'est passé (v. 46).
À la suite du signe de Lazare, les autorités juives, convaincues depuis longtemps que Jésus
mérite la mort (5,18 ; 7,1.19.25 ; 8,37.40), se réunissent et décident de passer à l'acte (11,47-53).
A partir de ce jour-là, donc, ils décidèrent de le tuer. (11,53)
Telle est la chute abrupte du récit du retour à la vie de Lazare ! Jésus se retire alors à Ephraïm,
un petit village situé à 30 km au nord-est de Jérusalem :
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De son côté, Jésus ne circulait plus ouvertement à portée des autorités juives : il se retira dans la
région proche du désert, dans une ville nommée Ephraïm, où il séjourna avec ses disciples. (11,54)
CONCLUSION
En relevant Lazare d'entre les morts, Jésus s'est montré vainqueur de l'ultime ennemi ; il a par
là préfiguré sa propre résurrection et la résurrection de la fin des temps. Lui qui jusqu'à présent s'était
effacé pour renvoyer la toute puissance à Dieu, maître des vivants et des morts, se met tout à coup en
avant et revendique un pouvoir qui n'appartient qu'à Dieu : "Je suis la résurrection et la vie : celui qui
croit en moi, même s'il meurt vivra" (v. 25). Lazare passe alors à l'arrière-plan, il n'est plus question de
lui, mais de tout homme. Jésus révèle sa véritable identité par son pouvoir sur la mort et la vie. Marthe
reconnaît alors son identité divine : "Tu es le Messie, le Fils de Dieu" (v. 27).
Plan
INTRODUCTION .............................................................................................................................................................. 66
1 INTRODUCTION NARRATIVE (vv. 1-6) ................................................................................................................ 66
2 JÉSUS ET LES DISCIPLES (vv. 7-16)....................................................................................................................... 67
3 JÉSUS DEVANT MARTHE (vv. 17-27) ................................................................................................................... 67
31 LE DEPLACEMENT DES PERSONNAGES (VV. 17-20) ............................................................................................................. 67
32 LE DIALOGUE CENTRAL (VV. 21-27) ...................................................................................................................................... 68
4 JÉSUS DEVANT MARIE (vv. 28-37) ........................................................................................................................ 69
5 JÉSUS DEVANT LAZARE (vv. 38-45) ..................................................................................................................... 70
CONCLUSION .................................................................................................................................................................... 71
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