La loi Sarbanes-Oxley – menace ou opportunité pour les
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La loi Sarbanes-Oxley – menace ou opportunité pour les
INTERNATIONAL La loi Sarbanes-Oxley – menace ou opportunité pour les professionnels de la qualité ? Aux États-Unis, la conformité à la loi Sarbanes-Oxley (SOX), introduite à la suite de scandales financiers, est surveillée de près par les dirigeants d’entreprises et la communauté financière. Même si la SOX, comme ISO 9001, exige l’excellence des processus, les professionnels de la qualité perçoivent mal les opportunités à saisir pour intégrer la qualité et les finances au niveau des conseils d’administration. par Paul Palmes La loi Sarbanes-Oxley (SOX) est entrée en vigueur dans la législation américaine le 30 juillet 2002, à la suite des scandales financiers d’Enron et de WorldCom, pour protéger les actionnaires et le grand public des erreurs de comptabilité et des pratiques frauduleuses, en améliorant la précision et la fiabilité de la comptabilité des entreprises (voir encadré « Qu’est-ce que la loi SarbanesOxley ? »). La loi SOX a eu des répercussions très importantes dans un certain nombre de domaines Pour citer le Président George Bush, cette loi est destinée à « prévenir et à punir la fraude des entreprises, la fraude financière et la corruption, assurer la justice contre les contrevenants et protéger les intérêts des travailleurs et des actionnaires ». La communauté financière, tenue par la SOX de développer l’excellence des processus, est en train de mettre en œuvre et d’intégrer une approche processus, semblable à celle d’ISO 9001:2000, mais dans une large mesure sans faire appel à des professionnels de la qualité. Ces comptables et spécialistes financiers décrivent des avantages que la communauté de la qualité n’a pas vraiment contribué à créer, car, à l’origine, cette mise en conformité répondait à une obligation surveillée et coûteuse, et la non-conformité continue d’être passible d’importantes sanctions. Si les mêmes obligations avaient été imposées pour la mise en œuvre d’ISO 9001 ou d’ISO 14001, y compris l’exigence d’intégrer les meilleures pratiques financières, la loi SOX n’aurait peut-être jamais été nécessaire (voir encadré « Similitudes entre SOX, ISO 9001 et ISO 14001 »). ISO Management Systems – novembre-décembre 2006 37 INTERNATIONAL Les avantages de l’approche processus La mise en conformité à la loi SOX est une responsabilité juridique des entreprises américaines cotées, alors qu’ISO 9001:2000 est une norme internationale relative à la gestion de la qualité. Ceux qui travaillent dans des entreprises étroitement liées à des entreprises américaines ou dans des divisions étrangères d’entreprises américaines savent déjà que la loi SOX a eu des répercussions très importantes dans un certain nombre de domaines. À l’évidence, les départements des finances portent l’essentiel de la charge, et dans bon nombre de ces organisations, le personnel de ces départements vient tout juste de retrouver un mode de fonctionnement quasi normal. Et même si le processus a pu être parfois douloureux et onéreux, des résultats positifs ont été enregistrés dans certaines organisations. Il ressort des rapports préparés par des directeurs financiers et des contrôleurs des finances que la conformité à la loi SOX, en particulier à sa section 404, a généré un certain nombre d’avantages. La section 404, sous la rubrique « Comptabilité financière renforcée », se rapportant à l’« évaluation de la direction des contrôles internes », exige des auteurs qu’ils publient dans le rapport annuel des informations concernant la portée et l’adéquation de la structure de contrôle interne et des procédures utilisées pour les rapports financiers. Cette déclaration doit également évaluer l’efficacité de ces contrôles et procédures internes. L’entreprise de comptabilité enregistrée doit, dans le même rapport, attester et faire rapport sur l’évaluation de l’efficacité de la structure et des procédures de contrôles internes en matière de rapports financiers. L’auteur Les avantages observés sont que la conformité à de telles mesures a notamment permis : • d’aider à centraliser et à normaliser de nombreux processus importants de l’entreprise – selon une entreprise, elle constitue un avantage pour les acquisitions futures et la croissance d’ensemble ; • de relever le niveau de sensibilisation aux contrôles dans l’ensemble des organisations – dans une entreprise, la section 404 a suscité une attitude axée sur les contrôles non seulement au niveau des finances, mais également à celui du personnel dans ses activités ; • de donner aux directeurs des services informatiques des occasions de jouer un rôle prépondérant dans un secteur majeur de l’entreprise, démontrant ainsi leur valeur pour l’entreprise à un niveau de direction supérieur. Le réveil a sonné pour les professionnels de la qualité Ces exemples soulignent l’importance de la loi SOX en tant que moteur de changement, appel à l’excellence dans les processus et moyen d’augmenter le respect des contrôles appropriés. Toutefois, il serait intéressant de demander à la communauté qualité si les mêmes observations ont été faites par les décideurs d’entreprises quant à la mise en œuvre d’ISO 9001 ou d’ISO 14001. Ces mêmes décideurs ont-ils donné pareillement leur aval, et accepté d’investir des res- 38 ISO Management Systems – novembre-décembre 2006 sources financières équivalentes pour mettre en œuvre des normes de systèmes de management qualité ou de management environnemental (SMQ/SME) dans leur entreprise ? Comment se fait-il que parmi les réussites de la mise en œuvre de la SOX, où la communauté de la qualité a joué un rôle secondaire, voire inexistant, les avantages de l’approche processus sont souvent cités sans que soit mentionnée de synergie entre la SOX et le management de la qualité ? Si la conformité à la loi SOX et aux normes de SMQ/SME peut coexister et même être complémentaire dans différents domaines importants, la communauté de la qualité montre une certaine réticence à considérer la SOX comme la prochaine étape logique dans son évolution, qui est passée du contrôle des pièces et des processus à celui de l’excellence et de l’amélioration à l’échelle de l’entreprise. Le plus troublant peut-être est de voir que depuis cinq ans, les livres, documents et articles appellent la profession qualité à reconnaître les améliorations en termes financiers. Du coût de la (mauvaise) qualité à la concentration initiale Six Sigma sur des projets offrant des retombées significatives, la profession reconnaît apparemment, mais continue d’éviter, une intégration en bonne et due forme avec les finances traditionnelles. L’auteur, Paul Palmes, est membre principal de la Société américaine pour la qualité (ASQ), et Directeur Assurance qualité pour Northern Pipe Products Inc., Fargo, ND, États-Unis. Il est Vice-président et Président (Membres) du Groupe consultatif technique américain (TAG) auprès du Comité technique de l’ISO ISO/176, Management et assurance de la qualité. Il a occupé la fonction de délégué principal américain et secrétaire du Groupe de travail lors de l’élaboration d’ISO 10014, Management de la qualité – Lignes directrices pour réaliser les avantages financiers et économiques. Paul Palmes est représentant du TAG américain auprès du groupe d’évaluation de la conformité du Forum international de l’accréditation, du Groupe des pratiques d’audit et membre du Conseil SMQ de l’Institut américain de normalisation (ANSI), Bureau d’accréditation national de l’ASQ. Il a publié deux ouvrages, Process Driven Comprehensive Auditing et The Magic of Self Directed Work Teams, publiés par ASQ Press. Paul C Palmes, Quality Assurance Manager, Northern Pipe Products Inc., Fargo, ND 58102, USA. E-mail [email protected] INTERNATIONAL Audit SOX et ISO 9001:2000 La communauté financière continue à auditer la conformité plus que l’excellence des processus – c’est-à-dire qu’elle s’attache aux détails plutôt que d’aller en profondeur. Elle continue à insister sur un examen rigoureux des enregistrements, alors que la qualité a progressivement évolué vers l’essai des résultats d’ensemble de processus inter-reliés. Si l’on peut accorder foi aux allégations de valeur ajoutée évoquées plus haut, l’approche processus d’ISO 9001:2000 aurait dû venir immédiatement à l’esprit des directions d’entreprise lorsque la conformité à la SOX a été imposée. Or, aidés par leur réseau traditionnel de personnes de confiance et d’appui, et ignorant le potentiel de synergies d’ensemble de la SOX et de la norme SMQ de l’ISO, les dirigeants ont largement ignoré le département de la qualité et ses auditeurs expérimentés, dans la conception et la mise en œuvre de la SOX. La plupart des organisations gèrent actuellement leur conformité SOX et leur management de la qualité/management environnemental par des systèmes séparés Il y a quelques mois, une entreprise américaine a purement supprimé sa fonction d’audit qualité, en « absorbant » tout simplement les auditeurs qualité au sein du département des finances, où ils sont actuellement formés pour devenir auditeurs financiers internes. Ils surveilleront aussi la qualité dans l’entreprise, mais à titre de fonction secondaire. Le raisonnement est que lors d’un audit de conformité de routine, ces doubles compétences apporteront le même résultat, en permettant à l’entreprise d’économiser le coût de financement d’un groupe qualité traditionnel, dont la valeur est moins définie. La SOX en tant qu’avantage qualité « Il y a eu des avantages, mais le coût était disproportionné », indique un responsable financier, exprimant ce que ressentent de nombreux dirigeants face au mécontentement croissant suscité par le coût de la mise en conformité à la SOX. Une autre entreprise estime que pour chaque milliard de dol- Qu’est-ce que la loi Sarbanes-Oxley ? La loi Sarbanes-Oxley (SOX), entrée en vigueur aux États-Unis en juillet 2002, a introduit d’importants changements dans le règlement de la gouvernance d’entreprise et des pratiques financières. Elle porte le nom du sénateur Paul Sarbanes et du représentant Michael Oxley, qui en sont les principaux architectes. La SOX a introduit des nouvelles règles beaucoup plus strictes dans l’objectif déclaré de : « protéger les investisseurs en améliorant l’exactitude et la fiabilité des comptes d’entreprise conformément aux lois sur les valeurs mobilières » et établit un certain nombre d’échéances non négociables pour la mise en conformité qui exigent que : • la plupart des entreprises publiques établissent un rapport financier et des obligations de certification à chaque déclaration de fin d’exercice financier soumise après le 15 novembre ; • que les entreprises relativement petites et les entreprises étrangères répondent à ces obligations pour toute déclaration après le 15 juillet 2005. La SOX est organisée en 11 sections, même si les sections 302, 404, 401, 409, 802 et 906 sont les plus importantes en ce qui concerne la mise en conformité (la section 404 semble être celle qui cause le plus de préoccupations) et les contrôles internes. En outre, la loi a créé une Commission publique des comptes. Étant donné que la sécurité est un élément fort de la loi, de nombreuses organisations répondent à cette exigence en utilisant la norme ISO/CEI 17799:2005, Technologies de l’information — Techniques de sécurité — Code de bonne pratique pour la gestion de la sécurité de l’information. La législation SOX est placée sous les feux des projecteurs et, pour les entreprises américaines et affiliées, il n’y a pas d’échappatoire possible à cette mise en conformité. lars de recettes, une entreprise moyenne dépense 1 million de dollars pour la mise en conformité à la SOX – imaginez les mêmes chiffres appliqués à la mise en œuvre SQM ou SME ! Aucune organisation cotée en bourse et, de plus en plus, aucun de leurs prestataires de services n’ignorent ces coûts. C’est pourquoi, contrairement à l’effort de développement initial, la seconde étape de la mise en conformité à la SOX offre des opportunités considérables pour la profession qualité, car chaque dollar investi en effort en double entre le SMQ/ SME et la mise en œuvre la SOX augmente le prix déjà exorbitant de la mise en conformité. Maintenant ou jamais Le moment est venu d’intégrer les finances et le développement des processus de la qualité, les comptes rendus, les organigrammes, l’évaluation des risques, l’audit et une multitude d’autres activités. La réduction des coûts et l’élimination des déchets sont des éléments moteurs considérables et, compte tenu des synergies, les professionnels SMQ et SME peuvent fournir une importante liste d’outils au comité d’audit et/ou au conseil d’administration. Plusieurs organisations ont déjà combiné les équipes d’audit. La charge de travail est partagée en bénéficiant des acquis des deux disciplines au fur et à mesure que sont audités des domaines autrefois audités séparément. La façon la plus simple de percevoir les synergies les plus évidentes est de considérer les six processus documentés requis par ISO 9001:2000. Chacun concerne le suivi et/ou la maîtrise, et pourtant la plupart des organisations gèrent actuellement leur conformité SOX et leur management de la qualité/management ISO Management Systems – novembre-décembre 2006 39 INTERNATIONAL environnemental par des systèmes séparés. Dans un SMQ/SME fondé sur une norme ISO, une constatation d’audit négative devient très souvent une non-conformité gérée par un processus d’action corrective. Pourquoi, dans ce cas, les « faiblesses matérielles » (équivalent financier d’une constatation négative) de la SOX ne sont-elles pas gérées avec un système identique ? Faire passer le message Les professionnels de la qualité, en tant que pilotes des systèmes de management de la qualité, ont beaucoup à offrir à leur entreprise, mais ils doivent activement décrire leurs synergies potentielles aux dirigeants. Faute d’articuler clairement le potentiel entre les disciplines, en particulier en ce qui concerne la réduction des coûts et le bon sens, il est très probable que, au sein de l’entreprise, la mise en conformité à la SOX prendra le pas sur les départements qualité et non l’inverse. L’inconvénient que cela présente se situe au niveau de la perspective, avec un retour à une attitude axée sur la conformité et un affaiblissement de l’approche processus, une régression par rapport à plusieurs aspects de la révision 2000 d’ISO 9001. Or, il peut en aller autrement ! Au lieu d’une absorption pure et simple, ou d’une charge de travail trop lourde en termes de vérification de conformité supplémentaire, les départements qualité peuvent maintenir l’approche processus en tant qu’instrument de l’amélioration continue au sein de tous les éléments de l’entreprise. Les professionnels de la qualité peuvent travailler avec leurs homologues dans les domaines financiers dans un effort d’équipe pour tirer parti des exigences de Similitudes entre SOX, ISO 9001 et ISO 14001 En principe, la section 404 de la SOX requiert qu’une entreprise gère ses affaires financières en analysant l’ensemble de l’« environnement du contrôle » afin d’inclure la « prise de risque », la mission, les politiques et les objectifs de l’organisation, le risque opérationnel pour chaque transaction, déterminant les types de contrôles significatifs requis et le domaine où ils sont nécessaires. Ces contrôles sont ensuite exercés par le biais d’audits internes qui sont eux-mêmes audités par des auditeurs indépendants qui font rapport au conseil d’administration ou à ses actionnaires. Dans la réalité de la mise en conformité à la SOX , la plupart des organisations se sont acquittées de toutes ces tâches en se fondant sur des informations qui leur ont été fournies par des organismes de conseils, les mises à jours de la Securities and Exchange Commission et/ou du Public Company Accounting Oversight Board et d’autres sources. Il en allait de même au début de la mise en conformité à ISO 9001 où la peur de l’inconnu avait donné naissance à une multitude de consultants, de logiciels et d’interprétations divergentes. Quoi qu’il en soit, le modèle des actions et des méthodes pour la mise en conformité à la SOX est semblable, mais avec une différence importante : la nonconformité à la SOX est sanctionnée par des amendes et/ou des peines d’emprisonnement. Compte tenu des meilleures pratiques dans la mise en œuvre de la SOX et d’ISO 9001:2000, lorsqu’une la SOX et les traduire en amélioration systémique pour les deux disciplines. Les finances et la qualité peuvent combiner leurs forces pour créer une nouvelle race de qualiticiens, bienvenus à tous les niveaux de l’entreprise grâce à un langage commun et des responsabilités partagées. Si cet avenir se concrétise, il sera toutefois nécessaire que les professionnels de la qualité 40 ISO Management Systems – novembre-décembre 2006 évaluation du risque est achevée, les entreprises établissent une liste de processus clés et définissent leurs interactions par le biais d’organigrammes et de justificatifs écrits. Dans les deux cas, les contrôles sont identifiés et suivis, des enregistrements sont conservés et des audits effectués pour déterminer si tous les risques identifiés ont été traités de manière adéquate. En dernier lieu, les organigrammes et les justificatifs sont examinés par un tiers indépendant, agréé par un organisme d’accréditation reconnu. Toute entreprise qui a mis en œuvre la SOX sait que dans les achats, l’informatique, la réception, les ventes et les expéditions, il n’est pas rare de faire l’objet d’un audit SOX et ISO 9001:2000 dans le même mois avec des organigrammes similaires ou identiques. À l’inverse des règlements, les normes ISO sont d’application volontaire. Elles fournissent un condensé des meilleures pratiques internationales dont la véritable valeur réside dans la diffusion des savoirfaire, la facilitation des échanges et la compréhension entre partenaires économique. Toutefois, dans le cadre de la SOX, ces mêmes meilleures pratiques relèvent du droit des sociétés et les avantages qui en résultent s’observent par voie de conséquence. Malheureusement, on observe aussi un accroissement du pouvoir et de l’influence des professionnels des finances qui « découvrent » ces avantages, qui ne vont pourtant pas aussi loin que ceux que les normes apportent à ces mêmes processus. approchent les départements des finances en offrant leur aide, en ayant bien compris les fonctions communes examinées auparavant dans une optique d’amélioration. L’autre solution est beaucoup moins attrayante, car les coûts incitent les finances à charger d’autres départements de tester et d’enregistrer la conformité avec des exigences préétablies. La loi Sarbanes-Oxley peut véritablement servir la qualité et la hisser jusqu’aux Conseils d’administration, mais le montant très élevé des coûts risque, et tel a déjà été le cas, de renverser la situation. Il nous appartient de déterminer si notre futur est une opportunité ou une menace en fonction de cette réalité du marché. •