Place de l`IRM en sénologie
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Place de l’IRM en sénologie A. Tardivon Introduction Une lésion maligne secrète des facteurs d'angiogenèse stimulant l'élaboration d'une néovascularisation pour assurer sa croissance. Par rapport à la vascularisation normale du sein, ces néo-vaisseaux sont de distribution focalisée, plus perméables (discontinuité de l’endothélium allant de quelques microns à 400-600 nm) et distribuent un espace interstitiel plus important (60 % du volume tumoral). C'est donc en injectant un produit de contraste en bolus et en imageant rapidement le sein à étudier que cette angiogenèse anormale peut être détectée et analysée (angio-mammographie, échographie, scanner, IRM). Si la sensibilité et la valeur prédictive négative de cancer de l’IRM sont élevées (> 90 %, peu de faux négatifs pour les cancers infiltrants); sa spécificité varie en fonction du type de lésion et du risque de cancer des populations étudiées (la spécificité augmentant avec le risque). Technique IRM Tout d’abord, il est très important d’expliquer à la patiente le déroulement et le but de l’examen afin d’obtenir sa coopération optimale (absence de mouvements lors de l’acquisition dynamique). En dehors de l’exploration spécifique de prothèse(s) mammaire(s) (silicone), une voie d’abord périphérique sera systématiquement mise en place avec un long raccord permettant d’injecter le produit de contraste (sels de gadolinium) sans déplacement du lit d’examen. La patiente est installée en procubitus, les seins placés dans les orifices prévus à cet effet. Le protocole d’examen (trente minutes) comporte l’acquisition de plusieurs séquences : une série anatomique de pondération T1, une séquence de pondération T2 avec ou sans saturation de la graisse (non systématique), une séquence dynamique avec injection de sels de gadolinium en bolus (écho de gradient 3D, temps d’acquisition autour d’une minute trente secondes) répétée une fois avant, puis après injection sur une durée d’au moins sept minutes (1). 68 Cancer du sein La première édition BI-RADS-IRM de l’ACR (American College of Radiology) est disponible en français depuis octobre 2004 (éditée par la Société Française de Radiologie) (2). En l’absence de protocole standardisé, seules des recommandations générales sont proposées : utilisation d’une antenne dédiée au sein, injection en bolus du produit de contraste (type de produit, dose, mode d’injection), région d’intérêt (mesures quantitatives des prises de contraste) d’au moins trois pixels centrée sur la zone lésionnelle de rehaussement maximal. Le compte-rendu doit préciser : – le contexte de la réalisation de l’examen (histoire clinique actuelle, antécédents, données cliniques et de l’imagerie standard) ; – la période du cycle ou la prise d’un THS. En effet, il existe des prises de contrastes physiologiques du tissu mammaire normal à l’origine de faux positifs dans ces deux situations cliniques. Pour les femmes réglées, l’examen IRM devra être idéalement programmé durant la deuxième semaine du cycle (3). En ce qui concerne traitement substitutif, le risque de faux positifs s’observe surtout en cas de traitement combiné. Ce ne sont pas, bien sûr, des contre-indications à l’examen ; mais, si les résultats sont ambigus, l’IRM devra être répétée, soit à la bonne période du cycle, soit après un arrêt de six semaines du traitement substitutif ; – l’application d’une compression mammaire (qui doit rester d’intensité modérée afin de ne pas faire disparaître une prise de contraste) ; – le descriptif des séquences IRM utilisées ; – pour l’étude dynamique, le nombre d’acquisitions après injection et l’intervalle de temps entre les séquences doivent être précisés ; – le descriptif du traitement des images ; – la présence et l’intensité d’artefacts éventuels (mouvements de la patiente, etc.) pouvant gêner l’interprétation de l’examen. Bases d’interprétation d’une IRM Le BI-RADS-IRM propose un lexique descriptif des anomalies IRM rencontrées (2). Une prise de contraste se définit comme un rehaussement d’intensité supérieure à celui du parenchyme mammaire normal à un temps donné. La stratification de la classification s’effectue en fonction des données de la séquence anatomique avant injection (séquence en écho de spin de pondération T1). Le rehaussement focal correspond à une lésion avant injection On qualifiera alors la prise de contraste de masse, et on en décrira les différents items qui la caractérisent sur la séquence dynamique où son intensité est maximale (forme : ronde, ovale, lobulée, irrégulière ; contours : circonscrits, irréguliers, spiculés ; rehaussement interne : homogène/hétérogène, périphérique ou central, la présence de septa internes en hyposignal ou prenant le contraste). Il faut rappeler la nécessité d’une séquence de résolution spatiale correcte pour apprécier sa morpho- Place de l’IRM en sénologie 69 logie, et l’intérêt des reconstructions multi-planaires (imagerie 3D) dans cette analyse. Les signes plaidant en faveur de la bénignité sont : une forme ronde, ovale ou lobulée avec des contours bien circonscrits, l’absence de rehaussement ou un rehaussement homogène ou avec des septa internes en hyposignal (fibroadénome) et une courbe cinétique ascendante. En faveur de la malignité : une forme et/ou des contours irréguliers ou spiculés, un rehaussement hétérogène (en cocarde périphérique) et une courbe cinétique avec lavage. Le rehaussement focal ne correspond pas à une lésion avant injection Si le rehaussement est de forme ronde, homogène, et mesure moins de 5 mm, on parlera alors de focus. Il correspond le plus souvent à du tissu mammaire normal (objet brillant non identifié décrit par les auteurs allemands). Quand ils sont plus nombreux et sans systématisation topographique, on parlera de foci. Ces rehaussements doivent être cependant nettement séparés les uns des autres. Le rehaussement ne correspond pas à une lésion avant injection et n’a pas l’aspect d’un focus On doit le caractériser par sa distribution spatiale et son type de rehaussement : – distribution spatiale : focale (rehaussement occupant moins de 25 % d’un quadrant), linéaire (suivant une ligne), canalaire (topographie d’un galactophore et se dirigeant vers le mamelon), segmentaire (en forme de cône ou de triangle dessinant l’arborisation d’un arbre galactophorique), régionale (forme géographique sans contours convexes), diffus (occupant tout le sein, homogène et de même intensité que le tissu mammaire normal) ; – type de rehaussement : homogène versus hétérogène, symétrique ou asymétrique (comparaison avec l’autre sein), micronodulaire (rehaussement de 1 à 2 mm, multiples sans systématisation), punctiformes (foci dessinant des « pavés » avec tendance à la confluence dans le temps), réticulaires ou dendritiques. Plaident en faveur de la bénignité : la distribution spatiale régionale ou diffuse, le rehaussement bilatéral et symétrique, homogène, micronodulaire (tissu mammaire normal, mastopathies fibro-kystiques) ; en faveur de la malignité : la distribution canalaire ou segmentaire, le rehaussement hétérogène et asymétrique, punctiforme ou réticulaire (lésions de carcinomes soit in situ, soit lobulaire infiltrant ou inflammatoire). 70 Cancer du sein Classification BI-RADS de l’ACR Sept catégories de VPP croissantes de cancer doivent venir conclure le compterendu : – catégorie BI-RADS 0 : examen à compléter (échographie de seconde attention, comparaison avec des bilans antérieurs non disponibles) ou IRM à refaire du fait de problèmes techniques ; – catégorie BI-RADS 1 : examen IRM normal ; – catégorie BI-RADS 2 : les anomalies IRM décrites sont bénignes. Entrent dans cette catégorie des lésions sans rehaussement : cicatrices, kystes huileux, fibro-adénomes hyalinisés, galactocèles, kystes, hamartomes, présence d’implants ; – catégorie BI-RADS 3 : anomalie probablement bénigne. Un suivi IRM rapproché (4-6 mois) est recommandé. Il n’y a pas de descriptif lésionnel dans cette édition (rentre dans cette catégorie, la masse de morphologie bénigne avec rehaussement homogène et septa internes en hyposignal, sans lavage sur la courbe cinétique) ; – catégorie BI-RADS 4 : anomalie IRM suspecte nécessitant un diagnostic histologique. Il n’y a pas de descriptif lésionnel. Intuitivement, il s’agit de lésions présentant, soit des caractéristiques morphologiques suspectes avec une cinétique en faveur de la bénignité, soit l’inverse ; – catégorie BI-RADS 5 : anomalie IRM évoquant une pathologie maligne jusqu’à preuve du contraire (morphologie et cinétique d’aspect malin) ; – catégorie BI-RADS 6 : l’anomalie décrite en IRM a un diagnostic connu de malignité (prouvé par cytologie ou biopsie). Cette nouvelle catégorie lésionnelle est utile, par exemple, dans un contexte de bilan IRM d’un cancer. Indications et résultats de l’IRM Exploration des prothèses en silicone Si l’IRM est la meilleure technique d’imagerie (sensibilité de 78 % pour une spécificité de 91 %) pour le diagnostic de rupture intra-capsulaire d’une prothèse en silicone ; ses indications doivent être réservées aux cas restant ambigus après imagerie standard (4-7). Il faut souligner que l’IRM n’est pas un examen de dépistage, ces performances étant moindres dans une population asymptomatique (7). L’exploration IRM doit comporter au minimum deux plans d’étude, afin de bien différencier des replis prothétiques complexes ou des microperforations avec suffusion de gel d’une véritable rupture intracapsulaire. Les simples replis prothétiques se traduisent par des hyposignaux linéaires, épais, partant de l’enveloppe et se perdant dans le gel de la prothèse. Les suffusions débutantes de gels se traduisent par des images de petite taille et peu nombreuses en forme de « lasso » ou de « trous de serrure ». La rupture intracapsulaire avérée se traduit par la détection d’une ligne fine en hyposignal (correspondant à l’enveloppe prothétique) partant de la coque dans le gel en hypersignal et revenant vers la capsule (linguin sign des Anglo-Saxons) Place de l’IRM en sénologie 71 (figure 1) ; la présence de nombreuses images en « lasso » ou en « trous de serrure » doit faire évoquer également le diagnostic de rupture. Figure 1 - Rupture intra- et extra-capsulaire (prothèse en silicone). L’enveloppe capsulaire apparaît sous forme d’un hyposignal linéaire dans le gel de silicone en hypersignal. À noter la présence de gel de silicone en dehors de la capsule (sein gauche). Récidive locale d’un cancer du sein Cette indication fut la première validée pour l’IRM. En effet, dans ce contexte, sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes, supérieures à 90 % ; le risque de faux positif étant fortement réduit par la fibrose post-radique (la cytostéatonécrose inflammatoire étant la cause la plus fréquente de faux positifs) (figure 2) (8-11). Le délai optimal à respecter entre la fin de la radiothérapie (inflammation à l’origine de faux positifs) et la réalisation d’une IRM pour une suspicion de récidive locale a évolué dans le temps : deux ans, puis un an (probablement optimal), voire quasi nul au vu d’une publication récente (12). Les indications de l’IRM sont larges : anomalie clinique non expliquée par l’imagerie standard, anomalie suspecte détectée par l’imagerie, surveillance de seins à risque accru de récidive locale et difficiles en clinique et en radiologie standard. Du fait de la sanction chirurgicale radicale en cas de récidive avérée et du coût de l’IRM, ces indications sont à mettre en balance avec des gestes interventionnels simples. En particulier, en cas de micro-calcifications isolées, les macrobiopsies stéréotaxiques sont à privilégier, sachant le taux variable de faux négatifs de l’IRM dans les lésions in situ (4). 72 Cancer du sein Figure 2 - Récidive locale dans un sein traité (femme à haut risque). Image soustraite (3 minutes après injection) dans le plan sagittal. Détection de deux petites prises de contrastes de contours stellaires, retrouvées a posteriori en échographie. Bilan d’extension locale d’un cancer du sein Tous les travaux publiés à ce jour ont conclu à la supériorité de l’IRM sur l’imagerie standard pour la détection d’une multifocalité (même quadrant) ou d’une multicentricité (quadrants différents) chez une patiente porteuse d’un cancer du sein, l’impact des résultats de l’IRM modifiant la prise en charge des patientes dans 8 à 20 % des cas (13-15). Une étude récemment publiée a comparé les résultats de la mammographie et de l’IRM avec ceux de l’histologie (étude exhaustive de la pièce de mastectomie) dans 99 seins (90 patientes), et en fonction de leur densité mammographique (16). La sensibilité globale de la mammographie était de 66 % et de 81 % pour l’IRM (différence significative) ; 72 % et 89 % respectivement en cas de lésions invasives, et de 37 et 40 % pour les lésions in situ. La mammographie a raté 64 lésions surnuméraires et l’IRM 36, avec un diamètre médian de 8 et 5 mm. Dans des seins graisseux, il n’y avait pas de différence significative entre les sensibilités et VPP de la mammographie et de l’IRM ; par contre, cette différence en sensibilité devenait significative et en faveur de l’IRM en cas de seins denses (sensibilité de 60 % pour la mammographie versus 81 % pour l’IRM – à noter l’absence de différence significative pour la VPP des deux techniques d’imagerie). Les faux positifs demeurent donc un problème pratique, et sont retrouvés dans environ 17 % dans le sein atteint, et ce d’autant plus que la prise de contraste surnuméraire siège à distance du cancer (plus de 5 cm) ou dans le sein controlatéral (13, 17). Une étude montre, sur 104 patientes (taille moyenne des cancers de Place de l’IRM en sénologie 73 21 mm), que si l’IRM est la technique la plus sensible pour détecter des lésions surnuméraires, cette dernière est la moins spécifique (comparaison avec l’échographie) n’apportant pas de gain en terme de prise en charge chez 93 % de ces patientes (18). Il faut donc garder à l’esprit que toute prise de contraste surnuméraire n’est pas un cancer ; qu’une décision de traitement chirurgical radical ne peut être envisagée sur les simples données de l’IRM, impliquant une preuve histologique pré- ou per-opératoire. Il faudra donc se donner les moyens techniques d’aller repérer ou biopsier ces lésions surnuméraires uniquement détectées par l’IRM. Des antennes ouvertes permettant un accès au sein sont actuellement disponibles sur le marché (19-20) ; rappelons qu’il est possible de réaliser ses gestes guidés sous guidage scannographique. À l’inverse, l’absence de lésion surnuméraire en IRM n’élimine pas formellement une multifocalité ; dans l’étude de Fischer, 70 % des 30 faux négatifs de l’IRM concernaient des lésions de carcinome in situ (13). La question à se poser est donc : à quelles patientes ou tumeurs l’IRM pré-thérapeutique peut apporter des informations utiles ? Les réponses, à l’heure actuelle sont : – les cancers palpables de plus de 2 cm, uniques en imagerie standard (seins denses) ; – les cancers survenant chez des femmes avec des facteurs de risques et présentant des seins denses en mammographie ; – les cancers sans traduction mammographique et/ou échographique à type de maladie de Paget du mamelon ou de cancer lobulaire infiltrant (21) ; – les cancers après une première exérèse chirurgicale histologiquement incomplète (22, 23), sachant qu’un délai postopératoire d’environ trois semaines est nécessaire afin de limiter les faux positifs (figure 3) (24) ; – les cancers posant, pour leur exérèse, des problèmes de rapports anatomiques, en particulier, avec la paroi thoracique (25). Figure 3 - Bilan IRM après exérèse histologique incomplète d’un carcinome lobulaire infiltrant. Image soustraite (trois minutes après injection) dans le plan axial. Prise de contraste irrégulière étendue dans les quadrants externes du sein droit. Noter l’asymétrie par rapport au sein controlatéral. 74 Cancer du sein Réponse au traitement néo-adjuvant Les indications de chimiothérapie néo-adjuvante s’étendent aux cancers opérables d’emblée, mais ne pouvant bénéficier d’un traitement chirurgical conservateur. L’intérêt est double : augmenter le nombre de chirurgies conservatrices et évaluer in vivo l’efficacité du traitement systémique ; la réponse histologique étant un facteur prédictif de la survie des patientes (26). Le rôle de l’imagerie est double : apprécier cette réponse en termes morphologiques (diminution de la taille) mais également de trouver des paramètres permettant de prédire, en cours de traitement, la réponse histologique. L’IRM permet d’apprécier la réduction tumorale et l’évolution de l’angiogenèse tumorale sous traitement (27-32). L’IRM, en comparaison avec l’examen clinique et l’imagerie standard, est le meilleur examen pour l’évaluation de la taille du résidu tumoral, en comparaison avec l’histologie, avec des coefficients de corrélation rapportés entre 0,75 et 0,89 (30-32) (figure 4). Deux types de fonte tumorale sont décrits : l’une de type concentrique (résidu unique), prédisant le succès du traitement chirurgical conservateur, l’autre type de fragmentation « dendritique » (multiples résidus) avec un risque élevé de berges envahies en cas de chirurgie conservatrice (31-33). Au bilan initial, les tumeurs de présentation multifocale, infiltrantes, diffuses ou de forme stellaire, sont sujettes à une fonte fragmentaire ; alors que les tumeurs unifocales de contours bien circonscrits évolueront le plus souvent vers une fonte concentrique. figure 4 a Place de l’IRM en sénologie 75 figure 4 b figure 4 c Figure 4 - Suivi IRM d’un cancer du sein sous chimiothérapie néoadjuvante : a. bilan initial (image soustraite à trois minutes après injection dans le plan sagittal). Prise de contraste unifocale hétérogène avec phénomène de lavage b. et c. bilan en fin de chimiothérapie : la lésion a diminué de taille (fonte concentrique) avec diminution d’intensité de la prise de contraste et aplatissement de sa courbe cinétique. 76 Cancer du sein En terme de prédiction de la réponse histologique en cours de chimiothérapie, une réduction de volume tumoral de plus de 65 % après deux cures de chimiothérapie apparaît, dans une étude récente, comme le facteur prédictif le plus significatif d’une réponse histologique majeure (34). D’autres facteurs ont été décrits pour identifier en cours de traitement les patients bons répondeurs : l’aplatissement de la courbe d’intensité de signal tumoral en fonction du temps, la diminution franche du pourcentage relatif de la prise de contraste tumorale après un cycle de chimiothérapie, la persistance de moins de 10 % du volume tumoral présentant initialement un phénomène de wash-out après deux cycles, et la disparition d’une prise de contraste tumorale après quatre cycles (35-36). Cependant, en pratique, l’exercice reste difficile et requiert une excellente collaboration entre radiologues, chirurgiens et pathologistes. Dans une étude récente (67 patientes), si l’IRM s’est confirmée supérieure à l’examen clinique et à l’imagerie standard, mais sans différence significative ; elle a été jugée par les cliniciens en cours de traitement comme inadéquate ou portant à confusion dans 20 % des cas (37). La normalité de l’IRM n’élimine pas la possibilité de microfoyers tumoraux invasifs, mais surtout, in situ résiduels, posant le problème pratique du repérage chirurgical (fibrose induite par le traitement, intérêt de la mise en place d’un clip lors de la biopsie diagnostique initiale) et histologique. Devant les modifications dynamiques liées au traitement, le radiologue doit disposer d’un bilan IRM initial, afin de pouvoir effectuer une lecture comparative avec les IRM réalisées en cours de traitement ; les prises de contrastes devenant de moins en moins caractéristiques (risque de sous-estimations). IRM de dépistage chez les femmes à haut risque Plusieurs études prospectives sont en cours pour évaluer l’IRM en situation de dépistage chez des femmes à risque élevé de cancer du sein (38-42). Les critères d’inclusion varient selon les études : risque absolu cumulé > à 15 % ou, au-delà de 80 %, mutation génétique prouvée ou non, femmes indemnes ou déjà traitées pour un cancer du sein. L’examen IRM est réalisé tous les ans. Seul l’essai anglais réalise un contrôle qualité des machines IRM (cet essai qui prévoyait l’inclusion de 950 femmes avec 3 300 examens de dépistage vient de se terminer avec des résultats disponibles en 2005 – essai MARIBS) (38). L’IRM, dans toutes ses études, a la sensibilité et la valeur prédictive positive (VPP) les plus élevées (comparaison avec examen clinique, mammographie, plus ou moins échographie) ; la sensibilité varie entre 73 % et 95 % et la VPP entre 18 et 64 %, reflétant les seuils de risques différents des populations étudiées (figure 5). La question de fond reste, et sans réponse actuellement, de savoir si cette détection précoce par l’IRM améliore la survie. Il est clair cependant que, chez les femmes à très haut risque, cet examen est en train d’entrer dans la routine. Il est important de souligner la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire de qualité chez ces femmes le plus souvent très informées, et de pouvoir réaliser, si besoin, des gestes interventionnels sous IRM. Place de l’IRM en sénologie 77 figure 5 a figure 5 b Figure 5 - Dépistage IRM chez une femme indemne porteuse d’une mutation BRCA1 (bilan d’imagerie standard normal) : a. Image soustraite (trois minutes après injection) dans le plan axial. Prise de contraste homogène dans les quadrants internes du sein droit b. Echographie après IRM. Nodule tissulaire hypoéchogène de contours flous. Biopsie : carcinome canalaire infiltrant. 78 Cancer du sein Caractérisation d’une lésion infra-clinique D’après les recommandations de l’ANAES parues en 1998, une lésion infra-clinique détectée en imagerie standard n’est pas une indication d’examen IRM, en dehors de protocole d’études cliniques), du fait d’une spécificité modérée (autour de 85 % en cas de masse et de 50 % en cas de micro-calcifications) (5, 43). Il faut reconnaître que, depuis, les indications IRM se sont étendues afin de résoudre certaines situations : anomalie persistant sur certaines incidences mammographiques et restant de topographie indéterminée, problèmes de certaines asymétries de densité, discordance entre un aspect radiologique inquiétant et des résultats bénins de prélèvements percutanés, discordances de résultats d’échographies itératives, mais faites par des opérateurs différents, etc. L’IRM est alors utilisée dans la stratégie diagnostique pour sa forte valeur prédictive négative. L’IRM étant une technique en constante évolution, des études sont régulièrement publiées sur l’évaluation de l’IRM en terme de caractérisation lésionnelle. Ainsi, les séquences de perfusion (étude au premier passage avec réinjection de produit de contraste en bolusséquence T2*), la spectro-IRM, l’élastographie, l’utilisation de logiciels d’analyse des prises de contraste basés sur des modèles compartimentaux apparaissent comme des techniques prometteuses car améliorant la spécificité de l’IRM (44-47). Les voies de recherche Outre les avancées technologiques (antenne de surface, gradient et acquisition des images, imagerie à haut champ d’intérêt majeur pour la spectro-IRM), la principale voie de recherche concerne les produits de contraste. En effet, le manque de spécificité de l’IRM est en grande partie liée à la diffusion non sélective des sels de Gadolinium à travers les vaisseaux normaux ou pas. Les agents macro-moléculaires ont pour but de créer une barrière hémato-tissulaire afin que leur diffusion ne soit possible qu’à travers des vaisseaux anormaux. L’intérêt est multiple : amélioration de la spécificité et du contraste tissu sain – tissu pathologique, accès à la quantification de la perfusion (évaluation de l’agressivité et du grade d’un cancer et de l’efficacité d’un traitement) (48). Les premières études cliniques confirment l’intérêt potentiel de ces molécules ; restent à définir leur taille optimale (plus elles sont grosses, plus la spécificité augmente, mais la sensibilité diminue), leur dose optimale et la durée d’examen (remplissage lésionnel lent). Une solution intermédiaire réside dans les agents de contraste associant petites et grosses molécules (lien transitoire avec l’albumine) ; la détection vasculaire apparaît améliorée, mais la quantification de la perfusion devient aléatoire. Le statut ganglionnaire axillaire est le facteur prédictif de survie le plus important dans le cancer du sein. Les USPIO (agents superparamagnétiques à base d’oxyde de fer), injectés par voie intraveineuse, améliorent la caractérisation ganglionnaire d’environ 20 % (absence de captation en cas d’envahissement tumoral, séquence IRM pondérée T2*), mais ne sont pas performants pour l’étude mammaire (49). Des études récentes ont montré la faisabilité d’associer différents produits de contraste pour le staging complet d’un cancer et la pos- Place de l’IRM en sénologie 79 sibilité d’étudier le ganglion sentinelle après injection péri-tumorale interstitielle d’USPIO (50). Une autre voie de recherche, en plein développement, est la création d’agents de contraste spécifiques aux cancers du sein (imagerie moléculaire). Conclusion En vingt ans, l’IRM a vu ses indications régulièrement s’étendre en pathologie mammaire et son potentiel évolutif fait que ses performances s’améliorent constamment. Si l’outil paraît magnifique, il faut le replacer dans le contexte social et médical : versant économique, cet examen reste cher et encore peu disponible ; versant médical, son écueil actuel est qu’il n’a pas démontré une amélioration de la survie des patients qui en ont bénéficié. Il n’est pas certain que nous ayons un jour la réponse. Cependant, il est clair que cet outil permet de résoudre les problèmes des autres techniques d’imagerie, qu’il aide à la compréhension de la pathologie mammaire et à l’évaluation thérapeutique. Le fait qu’elle soit multiparamétrique, avec un potentiel évolutif puissant, lui assure un avenir et une place grandissante dans la détection, la caractérisation et le suivi sous traitement des cancers du sein. Références 1. Tardivon A, El Khoury C, Meunier M et al. (2004) Comment nous faisons une IRM mammaire. Feuillets de radiologie 44(2): 133-8 2. ACR Bi-Rads-IRM (2003) Première édition française basée sur la première édition américaine. 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